Nos défunts

12/Feb/2010

† Frère CORBINIEN, profès des veux Perpétuels. — Joachim Marmeys naquit à Larroche (Ardèche) le 21 mai 1831 et fit son noviciat à La Bégude en 1847. Il passa vingt années dans sa province d'origine, et vint à Paris en février 1868. Il y resta une année et quelques mois à Oignies (Pas-de-Calais). En septembre 1869, l'obéissance le plaça à Quesnoy-s-Deûle (Nord) où, pendant 34 ans, il édifia la Communauté et toute la paroisse par la piété de sa vie et par un labeur incessant.

Il obtint de se charger de la cuisine et de la propreté de la maison ; et il s'acquitta de ce modeste emploi avec bonheur et à la satisfaction 'générale aussi longtemps que ses forces le lui permirent. Mais cette occupation ne suffisait pas à son zèle et à son activité. La classe des petits enfants fut installée à la cuisine, et c'est là que plusieurs générations de la ville de Quesnoy apprirent à lire. Il s'établissait, dès les premiers jours, entre les jeunes arrivants et leur maître des liens d'affection qu'impressionnaient tous les visiteurs ; et, malgré une exacte discipline et un ordre parfait, la classe de lecture était le prolongement de la famille.

Le F. Corbinien avait une manière à lui d'enseigner à lire ; sa méthode était ingénieuse, logique et inspirée d'un remarquable esprit d'observation. Elle lui a toujours donné les plus sûrs et les plus rapides résultats. Monsieur le Préfet du Nord, en tournée de conseil de révision, voulut un jour voir ce professeur en tablier au milieu d'une soixantaine de bambins. Il fut émerveillé de l'attention, de la tenue aisée de ces enfants de six ans et surtout des procédés par lesquels le maître provoquait le travail de ces jeunes intelligences. En se retirant, il donna une chaude poignée de main au Frère et se déclara charmé de sa leçon. C'était le temps où les fonctionnaires pouvaient encore, sans se compromettre, rendre justice au dévouement des religieux.

Il fallut la loi persécutrice pour enlever le Frère Corbinien à sa chère mission. Plusieurs familles se disputèrent alors l'honneur de le recueillir ; mais si chrétiennes fussent-elles, c'était le monde ; et il se retira à la maison de Beaucamps où son supérieur l'avait appelé.

Le P. Corbinien avait une belle intelligence qu'il avait abondamment cultivée. Il jouait habilement du violon ; il utilisait ce talent pour reposer ses élèves pendant ses leçons et pour distraire ses confrères les jours de congé. C'est par un sincère esprit d'humilité qu'il tint à rester toute sa vie dans des emplois sans éclat et tout de charité. C'est par une exagération de cette vertu qu'il fallut l'obligation de nos constitutions définitivement approuvées pour qu'il osât, en tremblant, émettre les vœux perpétuels. Il était dans la joie au milieu de continuelles souffrances, pour lesquelles il refusait tout soulagement et tout adoucissement. Comme il disait, Dieu était bien bon de lui fournir l'occasion d'expier ses crimes. Par une de ces délicatesses que l'héroïsme de la chasteté peut seule expliquer, il s'était fait autoriser par son confesseur et par son supérieur à ne subir aucune visite de médecin : à cause de son âge, la souffrance étant désormais la seule manière pour lui d'être utile à son âme et au prochain. Tout cousu de rhumatismes et d'autres infirmités, on le voyait, appuyé sur deux hâtons, se rendre très ponctuellement à la chapelle et à tous les exercices de piété. Enfin, terrassé par la douleur, il demanda et reçut les derniers sacrements. Et le 9 mars, en pleine connaissance, après avoir reçu une dernière fois Notre Seigneur en viatique, comblé des consolations divines, il rendit son âme à son Créateur. Ses anciens élèves de Quesnoy s'honorèrent en faisant célébrer un service solennel et plusieurs messes basses pour le repos de son âme. R. I. P.

 

† Frère KILIEN, profès des vœux perpétuels. – Jean-Baptiste Wattrelot naquit à Annœullin (Nord) le 11 novembre 1839 et entra au noviciat de Beaucamps le 6 octobre 1854.

Le Frère Kilien est encore un de ces bons anciens dont le type tend malheureusement à disparaître et qui passa toute sa vie avec les jeunes enfants dans la classe des commençants ou à la tête de la division des petits élèves de nos pensionnats. Il consacrait tout son dévouement, il donnait tout son cœur à ce petit monde, et il en était aussi aimé que respecté. Professeur, il préparait soigneusement ses moindres leçons, il réparait lui-même les livres de ses élèves et établissait entre eux une heureuse émulation. Il avait de non moins précieuses qualités pour la surveillance : une fermeté tempérée de tact et d'une grande bonté. Mais surtout il était d'une sollicitude vraiment maternelle à l'égard des petits pensionnaires ; il avait soin de leur linge, de leurs chaussures, de leurs vêtements ; il veillait sur leur santé, il les suivait pendant les repas, il savait les faire jouer et les empêcher de s'animer au jeu jusqu'à l'imprudence. Mais par-dessus tout, il leur faisait aimer le bon Dieu ; il leur inspirait une crainte sérieuse de tout mal ; à l'exemple de leur pieux maitre, ces petits espiègles étaient attentifs aux offices de l'église, et ils priaient de tout leur cœur et de toute leur âme.

Il suivit en Angleterre la communauté du pensionnat de Paris à laquelle il appartint pendant 24 ans. Il y remplit l'emploi de sacristain ; et il mit toute sa piété à tenir avec décence la chapelle et à décorer de son mieux l'autel.

Retiré à Beaucamps, il s'y rendit utile comme vitrier, peintre, badigeonneur. Il se délassait de ces travaux par des lectures pieuses et par de nombreuses et longues visites au saint Sacrement.

En 1909, il ressentit une légère et courte atteinte d'apoplexie dont il ne se remit qu'imparfaitement. Il considéra cette indisposition comme un avertissement qu'il pourrait mourir subitement. Il augmenta encore ses prières ; son recueillement, son union à Dieu devint presque continuelle.

Le 2 avril, après avoir assisté aux exercices de piété du matin et fait la sainte communion, il tomba à la renverse pendant le déjeuner. On l'emporta à l'infirmerie où il reçut l'Extrême Onction. A quatre heures de l'après midi, il rendait le dernier soupir, sans avoir repris connaissance, entouré de la Communauté qui avait récité les prières des agonisants et qui continuait de réciter le chapelet. Mort précieuse aux yeux de Dieu, parce qu'elle a été préparée par toute une vie de prière, de charité et de dévouement. – R. I. P.

 

† Frère JEAN-NEPOMUCÈNE, stable. – Pierre François Crespel naquit à Wavrin (Nord) le 17 septembre 1819 et entra an noviciat de Beaucamps le 18 octobre 1845. Par ses 91 ans et demi, il était le doyen d'âge de la Congrégation, et il était du nombre des plus anciens religieux par ses 66 années de communauté. On peut dire en toute vérité que sa longue vie est pour lui une couronne d'honneur, car elle a été une suite interrompue d'actes de charité, d'abnégation, de dévouement et d'édification.

Avant son entrée dans la Congrégation, il n'avait reçu qu'une instruction très ordinaire ; mais comme il était heureusement doué du côté de l'intelligence, il s'appliqua à l'étude avec ardeur et succès. En 1851 à Hénin-Liétard (Pas-de-Calais), il menait de front le soin du temporel de la maison et la petite classe ; le R. F. François, Supérieur Général, lui écrivit de se présenter aux examens du brevet à Arras ; et, comme le Frère Jean lui objectait son incapacité et l'impossibilité de se préparer, faute de temps : Je vous ordonne, au nom de la sainte obéissance, de me rapporter un brevet, lui répondit son Supérieur Général, parce qu'il m'en faut un. Son obéissance fut récompensée au-delà de toute espérance ; son étonnement fut très grand lorsqu'il s'entendit proclamer admis le quatrième sur 64 candidats.

En 1855, il fut appelé à la tête de l'école communale de Roncq (Nord), qu'il dirigea pendant douze ans. Son zèle pour la bonne formation de ses élèves et la valeur de son enseignement lui valurent les éloges de l'administration et l'estime et la sympathie des familles. Aujourd'hui, après 50 ans, les anciens en parlent encore avec respect et reconnaissance. Il fut unanimement regretté lorsque, en août 1867, ses supérieurs l'appelèrent comme maître des novices à la maison provinciale. Mais son humilité s'effraya de ces délicates fonctions ; et, au bout de peu de temps, il fut nommé directeur à Morbecque où un petit internat était joint à l'école communale. Il y eut les mêmes succès dans le bien et auprès de la population qu'à Roncq.

Mais un autre champ allait se présenter à son apostolat. Le gouvernement enlevait aux Congrégations les écoles communales, la loi déclarait les religieux incapables d'y donner l'enseignement à son goût, et la lutte scolaire devenait chaque jour plus vive. Les Congrégations enseignantes créèrent des juvénats pour le recrutement et la formation de leurs jeunes aspirants. 11 fallait des ressources pour l'entretien de ces nouveaux établissements, et, avec l'approbation de l'Episcopat, on fonda une œuvre spéciale à cet effet.

Le F. Jean-Népomucène fut nommé collecteur pour l'œuvre des juvénats dans la province de Beaucamps. Le choix fut très heureux et son succès complet. Par sa discrétion et sa modestie toute religieuse, par ses manières simples et dignes, par son savoir-faire, il obtint la bienveillance d'une clientèle d'élite qui lui fournit d'importantes ressources. Pendant 32 ans, avec une ardeur et un courage dignes d'éloges, il parcourut villes et villages sans compter jamais avec les intempéries des saisons, les fatigues, les privations inhérentes à ces pénibles démarches. Il fut bientôt connu, apprécié et bienvenu partout ; les châteaux et les presbytères lui offraient à l'envi l'hospitalité. Ses paroles aimables, ses réparties heureuses, ses récits pleins d'humour charmaient ceux qui le recevaient ; mais surtout l'édification de sa conduite lui gagnait le respect et la sympathie de tous. L'âge ne ralentit pas son ardeur ; à ses yeux, ses 91 ans ne suffisaient pas pour légitimer un repos que lui prescrivaient la raideur de ses jambes et l'affaiblissement de sa vue. Il a continué ses courses charitables jusque quinze jours avant sa mort ; il attendait l'éternité pour se reposer. Une pneumonie terrassa ce robuste vieillard. Il reçut les derniers sacrements avec un esprit de foi et une piété admirables, et le 6 avril, il rendit son âme à son Créateur.

Le F. Jean-Népomucène a mérité les louanges des bons chrétiens et la vénération de ses confrères ; mais il travaillait pour l'éternité, et Dieu lui a décerné la récompense qui était l'objet de son ambition. – R. I. P.

 

† Frère SYNÉSIUS, profès des veux perpétuels. – Gustave Bruneau naquit à Bruille-St-Amand le 3 février 1845 et entra au noviciat de Beaucamps le 1ier septembre 1877.

Il suivit les classes de nos Frères à Notre-Dame-au-Bois, et c'est à leur influence qu'il dut sa vocation. Mais l'appel de Dieu ne se fit entendre que tardivement. A sa sortie de l'école, il se mit en apprentissage, et, pendant plusieurs années, il exerça le métier de forgeron. A la guerre de 1870. il fut obligé de partir pour l'armée, et il demeura pendant plusieurs mois prisonnier en Allemagne. Il avait conservé un souvenir peu agréable de cette excursion à l'étranger.

Il avait 32 ans lorsqu'il quitta le monde ; mais la vie pieuse et régulière qu'il avait constamment menée lui rendit faciles l'obéissance et tous les exercices du noviciat.

Après un séjour de quatre ans à Haspres (Nord), il fut chargé de la sacristie à la maison provinciale, emploi qu'il conserva jusqu'à sa mort. A cette sainte fonction, il joignait l'exercice de son ancienne profession et rendait ainsi de multiples services.

Il ne s'assimilait que lentement les rubriques, et la main habituée au lourd marteau n'arrivait pas toujours à mettre à la décoration des autels toute la légèreté, toute la grâce désirable. Mais les aumôniers défendaient leur sacristain envers et contre tous. Ils aimaient sa fidélité au devoir, ils admiraient son esprit de foi et son religieux respect des choses saintes.

Il se sanctifiait et il édifiait la Communauté, lorsqu'il fut atteint de la grippe au mois de mars. Comme il était de complexion délicate, il eut aussitôt le pressentiment de sa mort, et il voulut recevoir le plus tôt possible tous les secours de la religion. Il ne s'était pas trompé ; le 7 avril, il s'éteignait doucement en la fête de la Compassion de la Sainte Vierge, qu'il avait tant aimée et qui l'aura placé parmi ses enfants dans la phalange qui a le V. Père Champagnat pour Chef. – R. I P.

 

† Frère FRANÇOIS-XAVIER, profès des vœux perpétuels. — Ce Frère (Vigne Xavier) vint au monde le 25 août 1848, à la Bastide de Juvinas (Ardèche). Elevé dans les sentiments très chrétiens qui distinguaient la famille, de bonne heure il manifesta son inclination pour la vie et les pratiques religieuses ; aussi, à 14 ans il quittait le toit paternel et entrait au Noviciat de la Bégude. Le 25 mars 1863 il y recevait le saint habit avec le nom religieux de Frère François-Xavier. Dès cette première étape, sans chercher à se faire remarquer, il pose les bases de ce qu'il sera toujours : pieux, fervent, zélé pour tous ses devoirs, volonté d'or jointe à une gaieté de bon aloi.

Le Noviciat et la formation finis, on l'envoie successivement à Vernoux et à Lablachère (Ardèche) ; puis à Saint Ambroix et Salindres (Gard) ; dans ces divers endroits il mit en œuvre _ses précieuses qualités et sut s'attirer l'estime et les sympathies de ses confrères et de ses élèves.

Au pensionnat d'Aubenas, tout entier à ses devoirs de professeur, plein d'entrain dans l'action, pieux et zélé catéchiste par dessus tout, il s'était si bien acquis la confiance et l'affection des jeunes gens, que ceux-ci continuèrent à lui en donner des témoignages lorsqu'il passa à d'autres fonctions.

Ensuite il dirigea avec succès pendant plusieurs années l'école publique de Saint-Didier ; pendant neuf ans l'école de Lablachère, et Jaujac pendant quatre ans. Dans tous ces endroits il laissa le meilleur souvenir.

Déjà il sentait ses forces diminuer ; mais son dévouement et son zèle pour la bonne cause le soutenaient encore et lui faisaient surmonter la fatigue. Il accepta donc une simple classe, où il apporta son entrain ordinaire.

Au commencement de mars de cette année, il fut convenu avec un condisciple de vêture, qu'on célébrerait pieusement la 48° année de cette cérémonie par une confession extraordinaire, une fervente communion et une consécration h la Sainte Vierge. Ce fut leur bouquet de fête du 25 mars 1911, et un renouveau de dévotion à la Divine Mère.

Heureux de ce que tout avait si bien réussi selon le désir exprimé, on se remit à l'œuvre. Et le 28 mars au matin, pendant qu'avec son zèle ordinaire, Frère François-Xavier expliquait une leçon de catéchisme, frappé d'une attaque d'apoplexie, il tomba comme foudroyé au milieu de ses élèves.

Toujours bon religieux, il avait su tenir un œil ouvert sur le bon Dieu, tout en se dévouant pour les aines. Mais cet exemple redit éloquemment à tous la divine leçon de l'Évangile :

Soyez prêts ; je viendrai quand vous n'y penserez pas.

La population et les administrations locales ont tenu à donner à l'humble serviteur de Dieu un dernier témoignage de sympathie ; aussi de longtemps on n'avait pas vu dans le pays pareille cérémonie funèbre. – R. I. P.

 

† Frère LOUIS-ANTONIN, profès des veux perpétuels. – Ce digne serviteur de Dieu, nommé dans le monde Evesques Jules-Cyprien, naquit aux Sallèles (Ardèche), le 9 octobre 1832, d'une de ces familles profondément religieuses, où la foi et les principes chrétiens sont toujours en honneur, et constituent le premier et principal héritage.

II passa auprès de ses parents jusqu'à l'âge de 21 ans, partageant avec eux les paisibles travaux des champs ; mais en même temps lié intimement avec le saint et populaire abbé Trouillas, Curé de la paroisse, qui veillait sur lui, l'entourant de soins tout paternels et préparant son avenir religieux.

Vint l'époque du tirage au sort, qui était alors tout un événement. Jules eut la chance de tirer un bon numéro, ce qui l'exemptait du service militaire pour une période de sept ans.

Libre de ce côté, il songeait à se créer une position honorable dans le monde. C'est alors que son bon Curé lui proposa d'entrer chez les Frères Maristes, et le dirigea au Noviciat de la Bégude (Ardèche). Admis à y prendre le saint habit religieux en 1854, il reçut le nom de Frère Louis-Antonin.

Le saint Frère Malachie, Directeur du Noviciat, qui se connaissait en hommes, eut toujours Frère Louis-Antonin en très grande estime ; on do/ en dire autant de la part du vénéré Frère Philogone, Assistant de la province. L'un et l'autre le lui prouvèrent en toute circonstance.

D'ailleurs, Frère Louis-Antonin, par son bon esprit, par son dévouement sans bornes à l'Institut et son zèle à remplir les emplois qui lui étaient confiés, répondit toujours aux vues de ses Supérieurs. Excellent confrère, il jouissait de l'estime de tous ; et si parfois on se plaisait 'à rappeler et à répéter ses bons mots, ses saillies familières, en imitant son ton et sa voix bien connus, on n'entendit jamais personne rien ajouter de désobligeant à son adresse.

Il exerça avec succès comme professeur dans plusieurs localités ; il suffit de rappeler seulement Chomérac (Ardèche) où il passa quatorze ans comme instituteur public ; et y fit admirer la bonne direction de l'établissement et les progrès de ses élèves.

Quand fut votée la laïcisation de cette école, Frère Louis-Antonin revint à Burzet (Ardèche), qu'il connaissait déjà. Là, tout en s'occupant aux devoirs de sa charge, il dirigea la construction de la belle école que le comité faisait construire, et en qualité d'architecte il dirigea aussi les importants travaux de réparation exécutés à l'église paroissiale.

En 189G, on le trouve à Lablachère (Ardèche). C'est là que le 19 octobre il faillit périr foudroyé. Le matin de ce jour, comme les Frères terminaient l'Office, la foudre éclate dans leur appartement et les renverse. Le Frère Directeur venait d'être frappé de mort instantanée ; Frère Louis-Antonin après beaucoup de soins put être ramené à la vie ; le troisième Frère eut moins de mal.

Tant que les infirmités le lui permirent, Frère Louis-Antonin ne voulut pas se séparer de la jeunesse. La loi de proscription le trouva au sein d'une nombreuse classe, à Salindres (Gard). Obligé alors de quitter ses chers enfants, il vint à Aubenas au milieu des vieillards, et y consacra les derniers restes de ses forces à diriger le jardin. Chassés d'Aubenas, les vieillards se refugièrent à Ruoms (Ardèche). C'est là que la mort est venue le surprendre. Le 27 mars 1911 il venait de dire le chapelet avec la Communauté ; quelques heures après on le trouvait gisant sur le plancher de sa chambre. Administré à la hâte, il mourrait le lendemain matin, après 58 ans bien remplis de vie religieuse. – R. I. P.

 

† Frère LEONISSA, stable : — Frère Léonissa (Natal François) naquit à Beaumont (Ardèche) le 11 septembre 1841 au sein d'une de ces familles de vieille et forte trempe religieuse où Dieu occupe toujours la première place.

Parvenu à l'âge de 17 ans, le jeune François, élevé sous le regard de Dieu, manifesta ses goûts pour la vie religieuse, vers laquelle la grâce l'inclinait fortement. Ses parents s'estimèrent heureux de redonner à Dieu le présent qu'ils en avaient reçu. Ils le conduisirent donc au Noviciat de la Bégude le 8 décembre 1858.

Dès ce moment, tout entier entre les mains de son Supérieur, le jeune François ne s'appartint plus. Doué de talents supérieurs, joints à un esprit sérieux ; d’une bonne volonté toujours prête à ce qu'on désirait de lui ; d'un désir ardent d'être un digne enfant de la Sainte Vierge, qui lui avait fait l'insigne faveur de l'admettre dans la Congrégation, au Noviciat il fut le modèle de ses condisciples, et jusqu'à la fin de sa vie il resta le religieux exemplaire. Après les années de préparation d'usage, il fit ses premières armes dans l'enseignement à Burzet et à Bessèges ; il y réussit à la grande satisfaction de tous.

En 1877 il fut appelé à Rochessadoule (Gard), pour succéder au bon Frère Cécilius nommé Provincial, dans la direction de l'importante école de la Compagnie des Mines de Trélys ; position difficile qui demandait de sa part beaucoup de tact et de souplesse. Il se rendit compte de la situation, et manœuvra si bien, en s'appuyant toujours sur la sagesse et l'autorité de ses Supérieurs, que pendant les vingt-six ans qu'il passa à la tête de l'établissement, il jouit à bon droit de l'estime de l'Administration de la Compagnie et de toute la population, comme de la pleine affection de ses Frères et des élèves.

Quels furent ses grands moyens de succès ? Ceux que Notre Seigneur enseigne dans l'Evangile. Ce bon religieux, humble, pieux et dévoué jusqu'au sacrifice, tout en travaillant avec un zèle infatigable au bien de ses élèves du jour et du soir, n'eut jamais en vue que le devoir, les âmes et Dieu ; il s'oublia toujours lui-même, sous le manteau de la sainte humilité.

Jusqu'au terme de sa vie il désirait se dépenser pour ses œuvres de prédilection, et mourir au milieu de la génération d'élèves qu'il avait formée. Mais les lois d'exception ignorèrent même les vieux serviteurs attachés à ces êtres aimés ! Il vint donc, le cœur brisé, à Aubenas se préparer à la mort. Hélas, bientôt après, obligé encore de quitter cette chère demeure, il est venu mourir à Ruons. -(Ardèche), dans une maison étrangère.

Après de cruelles souffrances, religieusement supportées durant toute la semaine sainte en union avec celles de Notre Seigneur, muni des Sacrements de l'Eglise, il s'est endormi pieusement en Dieu à midi du saint jour de Pâque, le 16 avril 1911. -R.I.P.

 

† Frère LOUIS BERCHMANS profès des vœux perpétuels. — Né Eugène Deloné, à Autun, le 5 mai 1889, il a rendu son âme à Dieu le 9 juin 1911, à Varennes sur Allier, où, depuis peu, il était venu de Syrie pour se reposer.

Après quelques mois de séjour au juvénat de Digoin, d'où sont sortis tant d'excellents sujets, il entra au noviciat de Varennes. Le 1ier mai 1903, il suivit en exil la vaillante phalange des jeunes Frères et postulants, qui sous la conduite du Frère Amphiloque, partaient pour la Syrie, et consentaient à s'expatrier pour conserver leur vocation.

Après un noviciat très fervent et très généreux, il prononça ses premiers vœux le 13 août 1905, et fit profession perpétuelle è. la retraite de Gebeil, le 15 août 1910.

Au matin de ce jour, qu'il regarda, depuis, comme l'un des plus beaux de sa vie, il écrivait : Je viens de faire la sainte communion pour me bien préparer à ma profession perpétuelle, que je dois faire dans quelques instants. Je veux, oui, je veux me donner à Jésus pour toujours, tout entier, et je lui offre raton sacrifice pour la conversion de mes parents.

Et au soir de ce même jour : J'ai fait mes vœux perpétuels avec toute la ferveur dont j'étais capable O Jésus ! O Marie ! je suis à vous pour l'éternité.

Doué de qualités précieuses, ce jeune Frère s'est fait partout admirer par son bon esprit, sa piété aussi franche que solide, son heureux caractère, son amour pour le travail et son application à ses devoirs d'état, dans l’accomplissement desquels il réussissait d'ailleurs à merveille.

Sa conscience extrêmement délicate s'alarmait facilement, et lui faisait éviter avec un soin extrême tout ce qui aurait pu être un danger pour la vertu : nous pourrions en citer de très édifiants exemples.

La province de Syrie attendait beaucoup de son zèle, de son dévouement et de son savoir faire ; mais le bon Dieu, dont les vues infiniment sages sont souvent en désaccord avec les nôtres, qui sont toujours bornées, l'avait déjà marqué pour la récompense. Comme ses deux saints patrons, dont il s'efforçait de retracer les vertus, il a été cueilli au printemps de sa vie. Il avait 22 ans, dont 9 de communauté. – R. I. P.

 

† Frère ENNODE, profès des vœux perpétuels. – Appelé dans le monde François Bouvard, il naquit à Evires, dans le département de la Haute-Savoie en 1850, entra au noviciat de Saint Paul-3-Châteaux en 1866, et pendant 44 ans, il se dévoua généreusement, selon la fin de l'Institut, à l'instruction et à l'éducation des enfants, dans les divers établissements de la province du Midi où l'envoya successivement l'obéissance, malgré plusieurs malaises et notamment une asthme dont il a souffert pendant longtemps.

C'est pour ainsi dire les armes à la main que la mort est venue le prendre à Castelnaudary le 26 février 1911.

Même pendant les quelques mois de repos auxquels il fut condamné à la fin de sa vie par la maladie de cœur à laquelle il a succombé, il ne pensait qu'à reprendre sa classe, si le bon Dieu lui rendait un peu de forces, afin de faire encore du bien aux enfants.

Mais le Seigneur a jugé qu'il était mûr pour la récompense ; et au lieu de la santé, qu'il ne désirait d'ailleurs qu'en toute résignation, il lui a donné le bien beaucoup plus précieux d'une sainte mort.

Pendant la retraité qu'il fit en 1909, il avait eu comme un pressentiment de sa fin prochaine, et il l'avait confidemment à plusieurs de ses confrères ; et surtout depuis ce moment il se tenait toujours prêt ; mais ses soins redoublèrent pendant sa dernière maladie. Vingt-cinq jours avant sa mort, alors que son état n'avait encore rien d'alarmant, il demanda les derniers sacrements et il les reçut avec des sentiments de foi et de piété vraiment enviables ; et depuis lors, il édifia tous ceux qui le servaient par son calme et sa résignation, malgré ses grandes souffrances.

. Son grand bonheur était de prier, et il invitait ceux qui venaient le voir à lui rendre le pieux service de l'aider à s'entretenir avec Dieu. Combien de fois, disent les témoins de sa mort ; ne l'a-t-on pas vu prendre en main sa croix de profession ou l'image du Vénérable Fondateur, et les baiser avec un religieux respect ! C'est dans ces saintes dispositions et pour ainsi dire devant le Saint Sacrement, exposé tout près de lui à la vénération des fidèles, qu'il rendit paisiblement son âme à Dieu, comme quelqu'un qui s'endort après une longue course volontairement et librement poursuivie pour accomplir un devoir. R. I. P.

 

† Frère LUCILE, François Dauchy est né à Morbecque (Nord) le 10 février 1844 ; il est entré au noviciat de Beaucamps le 4 décembre 1865, et il est mort à Lille le 25 juin 1911.

Cet humble frère a passé toute sa vie religieuse dans les emplois manuels aux pensionnats de Paris, de Braine-le-Comte (Belgique) et de Lille. Il se délassait des lourds travaux de la cuisine par la décoration des autels et par le soin de la sacristie.

Il s'acquittait de son travail consciencieusement, avec goût et activité. Il était pieux, calme et serviable. Malgré ses multiples occupations, il était toujours affable et gai ; jamais on ne l'a entendu se plaindre ; jamais il ne rebutait personne.

Il était religieux exemplaire toujours ponctuel et fidèle à tous ses exercices et à tous ses devoirs ; et heureusement, car il est du nombre de ceux à qui Dieu n'a pas accordé le temps de faire leur préparation immédiate à la mort. En effet, le dimanche matin, 25 juin, il s'est senti fatigué ; il s'est mis au lit sans penser que son état fût grave ; et en quelques instants, la mort avait fait son œuvre, sans que l'on eût eu le temps de lui faire donner les derniers secours de la religion. Une fois de plus, il nous donne la leçon qu'il faut toujours être prêt. La régularité et la sainteté de sa vie, sa douce charité nous rassurent pleinement sur son sort. Dieu qui récompense l'acte de donner un verre d'eau en son nom aura accueilli avec bienveillance le serviteur qui s'est dévoué pendant 45 ans pour ses frères. – R. I. P.

 

† Frère PASTOR, stable. – Né François Victor Chaudier, à Champis, dans l'arrondissement de Tournon (Ardèche) en 1833 ; il entra au noviciat de Saint-Genis-Laval à l'âge relativement avancé de 26 ans. Il avait donc déjà, connu le monde ; mais il n'avait que mieux senti la vanité et le néant des biens qu'il offre… Aussi, dès ses premiers pas dans la vie religieuse, se consacra-t-il à Dieu de toute son âme et sans retour.

Employé d'abord pendant quelque temps comme surveillant à la Providence Caille, à Lyon, il fut ensuite envoyé per l'obéissance au pensionnat de Saint-Didier-sur-Chalaronne, où il est demeuré 29 ans dans la modeste mais importante fonction de concierge, dont il s'acquitta toujours avec une rare perfection.

Tout en se montrant toujours bon, affable et poli envers tout le monde, il savait excellemment se maintenir dans la circonspection, la réserve et la discrétion, qui sont les vertus particulières de son emploi, fuyant avec soin les discours inutiles ; l'oisiveté et la familiarité avec les gens du dehors. Pour avoir le moyen de s’occuper toujours utilement pendant les temps libres que lui laissait ses fonctions, il avait appris à coudre, et cela lui permit de rendre aux Frères et aux enfants des services très appréciés.

D'une assiduité exemplaire aux exercices de piété et à toutes les prescriptions de la Règle, il était dans la maison la bonne odeur de Jésus – Christ ; et, comme il unissait à beaucoup de tact une grande discrétion et un jugement très sûr, il fut l'homme de confiance non seulement de tous les directeurs qui se succédèrent au pensionnat, mais de la plupart des Frères qui, dans une foule de circonstances, aimaient à venir le consulter. On peut dire que rien d'important ne se faisait dans la maison sans qu'on eût pris son avis.

En 1898, il fut appelé comme tailleur au Juvénat d'Ecole, bientôt condamné à mort, comme nos autres établissements de France, par les lois persécutrices de celte époque. Frère Pastor vint alors à Grugliasco, où, pendant huit ans, il a fait l'édification de la maison mère par la pratique de toutes les vertus religieuses, en même temps qu'il lui rendait de précieux services par son travail, que des incommodités assez douloureuses n'eurent pas le pouvoir de lui faire interrompre.

C'est 14 qu'après une courte maladie, au cours de laquelle il s'est montré admirable de patience, de résignation et de confiance en Dieu, il a terminé par une sainte mort une vie pleine de mérites, le 30 juin 1911. – R. I. P.

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