Circulaires 126

Louis-Marie

1877-11-21

Décès du Frère Constancien. - Nouvelles des Missions. - Œuvre de nos Juvénats. - Trois décès de Juvénistes. - Défunts. - Un mot sur le Frère Andronic. - Recom­mandations et avis divers. - Petit Office de la Sainte Vierge. - Frères Economes. Acquisitions, construc­tions, grosses réparations, etc. Conserver les ampliations des nominations officielles. - Travail prépara­toire sur l'Arithmétique. - Notes concernant la poste.  - Prière particulière

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51.02.01.1877.4

1877/11/21[1]

 V. J. M. J.

   Saint-Genis-Laval, le 21 novembre 1877.

 

     MON CHER FRÈRE DIRECTEUR,

 Le 8 décembre 1873, par une lettre particulière, j'ai fait appel au zèle et au dévouement des Frères Directeurs et, par eux, à tous nos Frères des Provinces de Saint-Paul-Trois-Châteaux et de Viviers, pour pouvoir jeter les fondations du Noviciat d'Aubenas.

 Grâce à Dieu, cet appel a été entendu; les deux Provinces ont fait des efforts suprêmes pour amener la construction d’Aubenas au point où elle se trouve aujourd'hui. La maçonnerie, la charpente et la toiture achevées, et une partie des travaux intérieurs déjà avancés.

 Cependant, pour compléter cette construction, y faire la Retraite prochaine, y installer la Maison Provinciale et le Noviciat, peut-être même y transférer, à la rentrée, selon la demande de Mgr l'Evêque de Viviers, les Pensionnaires du Petit Séminaire qui suivent le cours donné par nos Frères; pour en arriver là, dis-je, et arriver à temps, il est indispensable que la menuiserie et les autres travaux d'appropriation ne subissent aucune interruption; qu'au contraire, ils soient poussés très activement.

 D'autre part, à cette grande et lourde entreprise du Vivarais, sont venus s'ajouter les agrandissements de toute urgence qui se sont faits et se continuent dans la Maison Provinciale de Saint-Paul-Trois-Châteaux: Maison que le bon Dieu bénit et développe d'une manière tout extraordinaire, et par les nombreux Jeunes Gens, pleins d'avenir, qui entrent au Noviciat; et par les nombreux Enfants, également pleins d'espérances, qui composent le Juvénat.

 C'est ce double besoin, conséquence nécessaire de cette double entreprise, qui m'oblige à renouveler notre appel à tous les Frères de ces deux Provinces, pour avoir les fonds que réclament impérieusement les travaux déjà faits et ceux qui restent à faire.

 A cette fin, nous proposons ce qui suit

 1° Avancer au premier trimestre de 1878 ou, au plus tard, à Pâques, le versement ordinaire de l'année ; soit 200 francs par Frère, dans les Externats ; et 500 francs dans les Pensionnats.

 2° Avancer de même le paiement des fournitures de classiques et autres fournitures dues à la Procure Provinciale.

 3° Faire, chacun selon ses moyens, une bonne offrande sur ses biens patrimoniaux.

 4° Intéresser à nos Œuvres les personnes aisées et charitables que l'on connaît.

 5° Inviter les Enfants eux-mêmes, surtout les Pensionnaires, à faire une offrande pour ces Maisons de Noviciat, dont le but unique est de préparer des Maîtres religieux à la jeunesse.

 Les fonds seront adressés, comme à l'ordinaire, dans chaque Maison Provinciale. On sait qu'il n'y a qu'un droit fixe de 20centimes pour cent à payer, pour envoyer des valeurs par la poste, en lettres chargées, avec la déclaration, sur l'adresse même, des valeurs contenues dans le pli.

 Je compte que des efforts tout nouveaux seront faits par tous les Frères des deux Provinces ; mais n'oublions pas d'y joindre la prière ; car c'est de Dieu seul que doit nous venir tout secours; de Dieu, sans qui nous travaillerions en vain à bâtir et à garder nos Maisons.

 Votre tout dévoué en J. M. J.

             Frère Louis-Marie.

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1877/11/21

V. J. M. J.

    Saint-Genis-Laval (Rhône), le 21 novembre 1877.

 Fête de la Présentation de la Sainte Vierge au Temple.

        TRÈS CHERS FRÈRES,

 Ecrire la vie d'un Saint, faire connaître ses vertus, ce qu'il a fait pour Dieu et le prochain, c'est, d'après la doctrine spirituelle de saint Macaire, publier la gloire de Jésus, le Saint des saints, l'Auteur de toute sainteté. Tous les Prédestinés, en effet, en nous éclairant par leurs exemples, en dissipant les ténèbres du péché par l'éclat de leurs vertus, empruntent toute leur lumière de la vie même de Jésus-Christ, de la méditation de ses mystères et de l'imitation de ses exemples.

 C'est donc à la gloire de Notre-Seigneur Jésus-Christ que je fais précéder les avis et recommandations de cette Circulaire, des quelques faits pieux et détails édifiants qui suivent. 

I. Décès de N. T. C. F. Constancien.

Nouvelles du Missions.

 Ce que nous allons dire sur l'admirable mort de l'excellent F. Constancien, nous l'extrayons tant des lettres des Frères eux-mêmes que d'une Notice de son Confesseur, Dom Gérard, l'un des douze Religieux Trappistes embarqués avec nos Frères, à bord du Bossuet.

 « Ce fut le 17 mars, dit le bon Père, que nous eûmes le plaisir de rencontrer et de converser avec six Frères Maristes qui, comme nous, avaient à traverser l'Océan, pour aller travailler au salut des âmes en Nouvelle-Calédonie. Des deux côtés, nous fûmes heureux de cette bonne rencontre, et nous bénîmes le bon Dieu de nous ménager ainsi, pendant cette longue et monotone traversée, la douce consolation de nous édifier réciproquement et de pouvoir nous réunir ensemble pour chanter les louanges de Dieu et prier à notre gré: délicieuse harmonie, qui s'est établie dès le début et que rien n'a pu altérer, même un instant, pendant les cent dix jours que nous avons été sur mer. Du reste, nous étions charmés de la parfaite exactitude des Frères à observer leur Règle, et nous nous efforcions nous-mêmes de marcher dans la même voie. L'union entre nous était facile ; car, c'était le même amour et le même désir qui nous animaient tous, l'amour de Jésus et le désir du salut des âmes.

 C'est le 18 mars quenous avons quitté le port, après avoir eu la douce consolation d'entendre la Sainte Messe et de faire la Communion. Quel bonheur pour tous, en nous mettant en mer, de penser que Jésus serait au milieu de nous ; que le divin Sacrifice serait offert sur le navire qui nous emporte, et que nous pourrions nous nourrir de son Corps sacré et de son Sang divin ! Tous les jours, en effet, à quelques exceptions près, nous avons pu dire la Sainte Messe, et trouver dans l'adorable Eucharistie force et courage contre tous les dangers, adoucissement et soutien dans tous les sacrifices.

 En général, le bon Dieu nous a préservés des avaries trop ordinaires sur mer, il nous a constamment bénis ; et, grâce à sa bonté, le voyage a été aussi heureux que possible pour tous ; un seul excepté, le bon Frère Constancien, qui tomba malade dès la première semaine de notre embarquement, et qui nous fut enlevé quelques jours avant notre arrivée.

 « En ce moment, dit ici le bon Père, espagnol de naissance, je voudrais bien avoir une plus grande connaissance de la langue française, Pour faire comprendre à ceux qui lirontces lignes, la vertu et le mérite de ce digne enfant de Marie. » Néanmoins, nous ne donnons ce désir et cette humble réflexion du bon Père que comme une preuve de plus de tout l'intérêt que lui avait inspiré le cher malade : son pieux récit aura  la plus large part dans tout ce qui va être dit.

 Le cher Frère Constancien commença sa carrière de souffrance le 23 mars, le jour même des Sept Douleurs de la Sainte Vierge. Il fut pris de douleurs rhumatis­males très vives, qui le clouèrent aussitôt, et presque sans interruption, à son lit ou à un fauteuil. A partir de ce jour, le bon et pieux Frère ne put assister à la Sainte Messe et faire la Communion que les Dimanches. Il sentit très vivement cette privation; il la pleurait à chaudes larmes en racontant sa peine à son confesseur, qui tâcha de le consoler de son mieux, et lui apprit à porter cette croix, plus rude à son amour que sa maladie même.

 Hélas ! cette maladie ne fut pas assez connue dès le principe, et les premiers médicaments employés pour le guérir ne firent qu'accroître ses douleurs. Tous, les Frères surtout, avaient à cœur de lui apporter quelque soulagement; mais leur sollicitude et leurs efforts réunis furent également sans effet. Les températures, tantôt chaudes tantôt froides, des parages que nous traversions, le grand mouvement du navire et les médica­ments eux-mêmes, agissant avec le mal, réduisirent le pauvre Frère dans l'état le plus triste et le plus doulou­reux. Pas de repos ni le jour ni la nuit, douleurs continuelles dans les os, chaleurs excessives et prolongées : c'était plus qu'il n'en fallait pour épuiser en peu de jours toutes les forces du pauvre malade.

 Mais, dans cette situation si pénible, avec le ballottement incessant des flots, qui pouvait le soutenir? « Ah! répond le bon Père, l'amour de Jésus, le souvenir du Calvaire. Il avait continuellement son Crucifix devant lui ; et ses regards y restaient presque constamment attachés. Jésus qui a tant souffert pour notre salut, était son modèle et son soutien. C'est de son Cœur divin que lui venait la grande générosité, la force héroïque dont il a fait preuve dans cette longue et terrible maladie : Doux Cœur de Jésus, s'écriait-il souvent, soyez mon amour ! Jésus, soyez-moi Jésus, et sauvez-moi ! Jésus, Marie, Joseph, assistez-moi ! Par ces invocations et autres, il attirait en son âme des grâces si spéciales que, malgré son état de souffrance, une sainte joie se peignait sur sa figure et dans tout son extérieur. Dans ses plus grandes souffrances, il resta maître de lui-même et sut se montrer constamment courageux. Son humilité, sa patience, sa douceur et son affabilité firent la plus grande impression sur les passagers. Le capitaine ne l'appelait que le Martyr; et un jeune homme, le voyant si souffrant et si résigné, ne put s'empêcher de s'écrier, après son décès : Oh ! que le Frère défunt a bien montré, par ses héroïques vertus, qu'il était le Supérieur des Frères !

 Cependant, au premier abord, il éprouvait une très grande appréhension de mourir sur l'eau. « Qu'il m'en coûte, s'écriait-il un jour, de mourir sur l'Océan et d'être jeté à l'eau ! Mais, ô mon Jésus, puisque vous le voulez je suis heureux de faire encore ce sacrifice à votre amour. Votre volonté est la mienne, votre bon plaisir est le mien : devant votre adorable volonté, toute ma crainte se dissipe ; donnez-moi seulement la grâce d'une bonne mort. »

 Ici, l'attendait une nouvelle épreuve bien pénible à son amour. Jusqu'au sixième Dimanche après Pâques et même le jour de l'Ascension, il avait pu assister à la Messe et faire la Communion. Les deux dernières fois, la Messe se disant sur le pont, le malade y fut porté par le bon Frère Ingène, avec, un courage égal et pour le porteur qui pliait sous le poids, et pour le bon malade qui témoignait un si grand désir de participer au divin Sacrifice et de recevoir l'objet de tout son amour, son Seigneur et son Dieu. Mais, à la grande Fête de la Pentecôte et le Dimanche suivant, il fut tout à coup privé de cette grande consolation ; ces deux jours, il ne put ni entendre la Messe ni communier : coup terrible pour ce cœur si ardent dans l'amour de Jésus; des larmes de douleur coulèrent de nouveau en abondance, et il fallut que le Confesseur se servit des plus douces expressions de sa charité pour le consoler. Je dois dire que le bon Père, dont j'abrège singulièrement le récit, revient souvent sur l'amour du cher malade pour Notre-Seigneur, sur l'ardeur toute céleste dont son cœur était embrasé et qui le soutenait si admirablement dans ses longues et excessives douleurs. «Aussi, ajoute-t-il, dans cette circonstance, je le trouvai plus fort que je ne pensais. A mes paroles d'encouragement, il ne fit que répondre : « Si c'est la volonté du bon Dieu, que cette volonté se fasse ! »

 Mais son bon Jésus ne tarda pas longtemps à lever les obstacles qui le séparaient de son Bien-Aimé. Le Dimanche, dans l'Octave du Saint-Sacrement, il out de nouveau le bonheur de communier. La joie que lui procura l'annonce de cette faveur releva tellement ses forces, qu'il alla presque seul à l'endroit où se disait la Sainte Messe; et que, fortifié encore par le divin Sacrifice et par la Communion, il retourna tout seul à sa cabine.

 Faveur précieuse, dispositions admirables, mais qui ne durèrent pas longtemps ; car l'heure était venue pour lui de quitter cette vallée de larmes et d'aller s'unir éternellement à son Jésus.

 Le 16 juin, le bon Père étant venu, pour entendre sa Confession, le trouva tellement abattu par la fièvre qu'il ne pouvait plus se tenir debout. Il avait dû quitter le fauteuil pour s'étendre sur son lit de mort, et on ne put lui dissimuler qu'en effet, il touchait à sa fin : terrible et douloureuse nouvelle qui fait trembler les esprits les plus forts et qui, grâce au bon Dieu, n'inspira à notre malade que des sentiments de joie et de reconnaissance. « Je n'ai plus peur de mourir sur l'eau, me dit-il, mais, si vous le voulez bien, mon Père, je me préparerai encore par une Confession générale à mon passage du temps à l'éternité. » Il la fit le soir même, après quoi il reçut l’Extrême-onction et l'Indulgence in articulo mortis. Le Docteur craignait fort qu'il ne passât pas la nuit; mais le bon Jésus qu'il avait aimé si tendrement, voulut encore lui ménager la faveur suprême de recevoir le lendemain le Saint Viatique. Son Confesseur, accompagné des Frères et du R. P. Prieur, lui apporta donc le Pain de la vie éternelle, l'adorable Jésus, qui le revêtit une fois de plus de sa force divine, et voulut montrer, en son doux et humble serviteur, à la grande surprise de tous, que l'amour est plus fort que la mort, et comment on peut se réjouir et tressaillir de bonheur au milieu même des plus cruelles souffrances.

 Depuis ce moment, ses lèvres et son cœur ne cessèrent pas de prier. De vives aspirations lui échappaient à tout instant : douces paroles d'une âme ardente, flèches d'amour qui allaient droit au Cœur de Jésus et en faisaient descendre sur le mourant des torrents de grâces de lumière et de force : Mon Jésus, ayez pitié de moi ! Mon Jésus, je vous aime ! Venez, venez, mon Jésus ! Jésus, Marie, Joseph, je vous donne mon cœur, mon esprit et ma vie ! et beaucoup d'autres.

 Les bons Trappistes, comme ses Confrères, ne quittaient plus le lit du malade. Ils poussaient leur charité si loin qu'elle excita entre eux une contestation toute sainte, chacun voulant avoir le bonheur de le veiller et de le soigner.

 Les passagers étaient stupéfaits de ces soins empressés, de l'affection et du dévouement que les Frères et les Pères se témoignaient entre eux et à leur cher malade. Malgré toutes les préventions de la plupart pour la soutane, ils ne pouvaient s'empêcher de redire cette parole des premiers jours du Christianisme : « Voyez comme ils s'aiment ! quelle affection ils se témoignent ! comme ils aiment leur malade ! » Aucun cependant n'en a été plus frappé que M. le Docteur qui disait un jour tout ému : « Vraiment, je ne connaissais pas ces gens-là mais depuis que je les vois et que je suis témoin de leur union et de leur dévouement réciproque, je suis plein d'admiration… et dire qu'ils ne se connaissent que depuis qu'ils sont à bord 1 »

 De cinq heures du matin à minuit, le Confesseur ne quitta plus le malade ; et il se plaît à redire que, de son côté, le malade l'aimait et le respectait beaucoup. A la demande qui lui fut faite, la veille de sa mort, s'il connaissait encore le bon Père: « Oui, oui, je le connais répondit-il, et je le connaîtrai encore à mon dernier moment. » Là, le Confesseur avoue qu'il avait déjà assisté bien des mourants, soit en Europe soit en Amérique, même parmi ceux qui portent des marques évidentes d'une sainte mort ; « mais, ajoute-t-il, je n'avais jamais été témoin de si heureuses dispositions. »

 Pendant sa maladie, le bon Frère n'avait qu'un regret, c'était que sa mort prochaine serait très pénible à sa mère et à sa sœur. Déjà, elles avaient eu tant de peine à consentir à son départ pour la Nouvelle-Calédonie, et elles avaient accompli ce sacrifice au milieu de tant de larmes ! Ce sentiment du bon Frère n'a rien qui étonne ; il ne fait que constater, au contraire, toute la perfection et toute l'étendue du sacrifice qu'il avait fait lui-même. Quoique nous ayons tout abandonné, la Religion ne nous défend pas d'aimer les nôtres et de ressentir les peines qui peuvent accabler leur cœur. C'est alors le triomphe de l'amour divin, qui fait taire tous les cris de la nature et brise tous ses liens, pour aller où Dieu nous appelle, au delà des mers, porter aux âmes la bonne nouvelle du salut,

Le 20 juin, le malade fut frappé d'une attaque de nerfs qui le priva de la parole et de tout mouvement. Impossible, par conséquent, de saisir son Chapelet, son Crucifix et les autres objets de piété qui lui étaient si chers. Il dut garder la même position presque une vingtaine d'heures que dura son agonie. Toutefois, il sentait toute la violence de son mal, sans pouvoir être soulagé d'aucune manière. Tout son corps était à la torture et comme attaché à la croix; mais son esprit ne perdit rien de sa vivacité. Pendant toute sa maladie, il avait été un homme de prière; mais il le fut surtout les trois derniers jours de sa vie. Il priait si dévotement qu'il touchait les cœurs de tous ceux qui l'entouraient.

Vers le soir, il devint plus souffrant encore ; plusieurs fois, il essaya de nous dire quelques mots, mais il n'y avait pas moyen de le comprendre. Un peu plus tard, le Confesseur se trouvant seul avec lui, un moment, « une lumière apparut tout à coup, dit-il, à la place où avait été suspendu un Crucifix, qu'il portait actuelle­ment entre ses mains à demi glacées. Le malade aperçut la lumière en même temps que moi. Il essaya et s'efforça de tourner la tête, mais il ne put y réussir. Fixant ses regards sur moi, il fit encore une tentative pour suivre cette lumière extraordinaire ; et, enfin les yeux baignés de grosses larmes, il resta tourné vers moi, et je compris aux profondes impressions que je ressentais en mon âme, toutes celles qu'éprouvait le cher malade, à l'aspect de cette lumière dont rien ne pouvait expliquer la cause. »

 Trois fois déjà, pendant cette longue agonie, le bon Père, revêtu du surplis et de l'étole, avait récité les prières de la recommandation de l'âme. Vers onze heures, avec le cher Frère Victrice, qui veillait le malade, le R. Père Prieur et le Frère Jérôme, il suggéra au malade cette pensée : « Saint Joseph n'a pas voulu vous appeler à lui aujourd'hui même, jour qui lui est consacré; c'est qu'il voulait confier ce soin à saint Louis de Gonzague, dont la Fête va commencer. » Sur cette parole, on récita les Litanies de ce Saint et d'autres prières, pendant lesquelles le bon Frère expira doucement, au moment même où son Confesseur lui donnait, pour la dernière fois, une dernière absolution.

 Aussitôt après son décès, les Frères s'empressèrent de faire pour lui les prières de Règle. Les Pères récitèrent eux-mêmes les sixPater, sixAve et six Gloria du Scapulaire de l'Immaculée Conception; puis, ils se rendirent chez eux et envoyèrent un autre Père et un Frère pour prier, et aider les Frères à arranger le corps.

 Le lendemain, après qu'on l'eut habillé, rasé et lavé, on l'étendit sur son lit, son Crucifix et son Chapelet entre les mains ; et, sur la poitrine, une couronne artistement travaillée par le cher Frère Bellinus. Tout le monde était ravi de la beauté et de la sérénité de son visage, où il ne restait aucune trace de ses douleurs.

 Vers huit heures du matin, sur un autel dressé dans la cabine même du Défunt, le R. P. Ambroise, Abbé des Trappistes, dit la Messe, assisté par le Confesseur du bon Frère. Après la Messe, on chanta le Libera me et on fit l'Absoute ; puis, la cérémonie finie, le corps, à couvert, fut porté sur le pont par quatre Frères Trappistes. Chacun s'empressa de le voir pour la dernière fois, admirant de plus en plus sa physionomie tout angélique. Les matelots enveloppèrent le corps avec beaucoup de respect dans une toile, à laquelle on attacha un sac de sable du poids de 45 kilogrammes ; et, après une dernière aspersion du R. P. Abbé, en présence des passagers et de tout l'équipage, on le fit descendre dans la mer, où il doit reposer jusqu'au grand jour dela Résurrection. On avait hissé le pavillon du navire pendant cette touchante cérémonie.

 Plein de charité pour le Défunt, le R. P. Abbé ordonna aux Prêtres de dire une Messe à son intention ; à ceux qui n'étaient pas Prêtres, de réciter les sept Psaumes de la Pénitence, et aux Frères Convers, sept fois le Miserere.

 « Pour moi, dit le R. Père dom Gérard, en finissant, je regrette beaucoup la perte de ce bon Frère, soit pour l'Ordre, soit pour notre amitié ; mais je me réjouis des grands avantages qui en résultent pour tous. Je le crois dans une meilleure vie, où ses prières auront plus de force ; maintenant, uni à son Fondateur et à ses bons Frères qui l'ont précédé, il sera notre intercesseur devant le trône du Père céleste.

 « Priez, s'il vous plaît pour celui qui a écrit ce peu de mots sur la mort d'un si bon et si pieux Frère de Marie, et faites prier beaucoup pour la nouvelle fondation des Trappistes dans la Nouvelle-Calédonie. Je vous salue dans le Sacré Cœur de Jésus-Christ, vous et vos Frères, et je vous souhaite à tous de mourir, un jour, aussi saintement que le bon Frère Constancien. »

 Tous les Frères parlent avec la même admiration, dans leurs lettres, de cette belle, sainte et précieuse mort; ils ne peuvent assez louer la patience héroïque du Frère, son courage surhumain et sa parfaite résignation à la volonté de Dieu.

 D'autre part, on voit que le dévouement et la charité des Frères pour leur Confrère malade a été au-dessus de tout éloge. Il y en avait toujours un ou deux à côté de lui pour le servir, le consoler et lui suggérer quelques bonnes pensées.

 Le cher Frère Ingène surtout et le cher Frère Victrice, ses compagnons de cabine, se multipliaient et n'épargnaient ni peines ni soins pour l'assister et le servir de leur mieux.

 Le Médecin du bord, M. le docteur de Garilh, lui a donné également les soins les plus assidus; il le visitait plusieurs fois le jour, et lui rendait tous les services d'un infirmier dévoué. Quand il eut perdu tout espoir de sauver son malade, on le vit verser des larmes.

 Le récit du bon Père Gérard nous a dit quelque chose de la charité, du zèle et du dévouement des douze Religieux Trappistes pour le cher Défunt, avant, pendant et après son bienheureux décès.

 C'est ce spectacle si religieux et si nouveau qui a ravi d'admiration les passagers et tout l'équipage du Bossuet. En effet, pendant toute la traversée, l'union la plus parfaite a régné entre les six Frères Maristes, qui n'ont fait qu'un également avec les Révérends Pères Trappistes. Tous ensemble, ils ont fait de leur mieux les exercices du mois de Marie et du mois du Sacré Cœur.

 Tous les jours,à six heures et demie du soir, le Capitaine, quoique protestant, faisait sonner la cloche du bord pour annoncer le mois de Marie. Alors, on se rendait à la cabine des Pères, où l'on avait préparé une jolie petite Chapelle. Là, dans un espace de 18 pieds sur 9, il y avait habituellement 40 à 45 assistants, tant hommes, que femmes et enfants. Pour disposer de quelques places de plus, les Frères Trappistes et les enfants se juchaient sur les lits. Outre la récitation des Litanies de la Sainte Vierge et du Chapelet, on chantait l'Ave Maris Stella ou le Magnificat, et deux Cantiques.

 On chantait de préférence le Cantique du marin dont voici le refrain : 

Astre propice au marin,

Conduis ma barque au rivage;

Préserve-moi du naufrage,

Blanche Etoile du matin.

 Et cet autre : 

Chrétiens, courage!

Malgré l'orage,

Sans craindre la mort,

Nous irons au port.

 Quand le Cantique était connu, tout le monde chantait, mais surtout un jeune homme, Breton d'origine, qui connaissait la musique et nous était d'un grand secours.

 Pendant toute la durée du voyage, l'esprit de famille a régné parmi les Frères. Ils ont fait en Communauté, dans leur cabine, tous leurs exercices de piété et ceux de surérogation, ajoutant, chaque jour, aux exercices de Règle, la récitation du Rosaire et le Chemin de la Croix.

 Et, dit ici le cher Frère Bellinus, qui nous donne ces détails, ces prières et tousces actes religieux n'étaient qu'une ombre comparés aux exercices de piété et aux austérités des Religieux Trappistes. Ajoutez à tout cela cette longue durée de trois mois de souffrances, de prières et de mérites pour notre cher Défunt, et vous n'aurez pas de peine à reconnaître que le Bossuet, au moins dans notre quartier, avait plutôt l'air d'un Monastère flottant que d'un bâtiment de commerce.

 Aussi, au dire de tous les matelots, le Bossuet a fait une des plus heureuses traversées que l'on connaisse ; presque point de grosse mer, un Capitaine et un second très prudents, tout l'équipage fort et bien formé. Il est arrivé à Nouméa le 5 juillet, après une navigation de 110 jours; les trois navires de la maison Tandonnet qui ont précédé le Bossuet en Nouvelle-Calédonie, ont mis 153, 149 et 137 jours, pour faire le même voyage.

 Quelles réflexions ajouter à ce récit si édifiant, et quelles conclusions en tirer? Les suivantes : 1° une bonne et forte leçon d'attachement à notre saint état et de sainte persévérance jusqu'à la mort ; 2° un zèle et un dévouement tout nouveaux pour l’Œuvre de nos Missions, si visiblement bénie du bon Dieu, qui daigne relever, par de si saints exemples et une si sainte mort, le courage de tous nos Frères Missionnaires ; 3° un amour toujours croissant pour Notre-Seigneur Jésus-Christ, amour tout puissant dans lequel le cher Défunt a puisé une force et un courage supérieurs aux plus longues et aux plus cruelles souffrances ; 4° un puissant encouragement à tous ceux qui auront à faire cette même traversée, de se montrer toujours très réguliers, très édifiants et parfaitement unis.

 Les cinq Frères sont donc arrivés à Nouméa au commencement de juillet, et y ont trouvé, comme leurs devanciers, le plus fraternel et le plus sympathique accueil et dela part de leurs Confrères et de la part des Révérends Pères Maristes. Monseigneur lui-même est venu à leur rencontre, et les a accueillis et bénis avec une bonté toute paternelle, ne pouvant assez exprimer son profond regret de la mort de leur Directeur, l'excellent Frère Constancien.

 Quatre d'entre eux sont occupés aux Ecoles de Nouméa : le cher Frère Bellinus, le cher Frère Adolémus, le cher Frère Victrice et le cher Frère Ingène. Le cher Frère Cérin a été nommé Directeur de la Colonie agricole de Saint-Louis, établissement placé sous la dépendance directe de la Mission et entretenu par elle.

 Trois nouveaux Frères nous ont été demandés par le Ministère de la Marine : un Frère remplaçant du Frère défunt, un Frère en augmentation de cadres et un Frère surnuméraire. Monsieur le Ministre les demandait pour le 15 novembre courant, pour partir sur un navire de la maison Tandonnet, de Bordeaux; mais, comme nous n'étions pas sûrs qu'il y eût un Aumônier à bord, nous avons demandé, et Son Excellence a agréé que le départ fût remis au mois d'avril prochain, sur un bâtiment de l’État, auquel est toujours attaché un Aumônier.

 Déjà, ce nouveau départ, connu de plusieurs, a provoqué ou fait renouveler de nombreuses demandes; je ne doute pas que la relation qui précède, ne vienne encore en accroître heureusement le nombre.

 Il. – Œuvre de nos Juvénats. – Trois décès de Juvénistes.

 Dans beaucoup de Communautés, la Fête de ce jour, la très dévote Présentation de Marie au Temple, est célébrée très solennellement, comme la Fête propre des Noviciats. Les Novices, en effet, trouvent en Marie, dans l'offrande si prompte, si généreuse, si absolue si irrévocable, qu'elle fait à Dieu, dès l'âge de trois ans, de tout son être et de tout ce qu'elle peut avoir ou espérer dans le monde, le modèle parfait de la Vocation religieuse.

 C'est donc à bon droit qu'on les exhorte à s'adresser à Marie, en ce jour, pour lui recommander leur Vocation et lui demander la grâce d'y être constamment fidèles grâce précieuse, grâce capitale, que nous devons tous demander, et dans cette Fête, et tous les jours de notre vie, comme le gage le plus certain de notre persévérance finale et de notre salut éternel.

 Mais si cette pensée sainte et salutaire convient à nos Novices et nous convient à tous, à combien plus forte raison doit-elle s'appliquer à l’Œuvre naissante de nos Juvénats, à ces Enfants, de 12, 13 et 14 ans, enlevés tout jeunes aux dangers du monde ; et conduits, comme Marie, par une providence toute spéciale, dans nos Maisons, pour y préparer à embrasser plus tard la vie religieuse ! Ah ! que la douce et aimable Fête de ce jour doit leur être chère ! Combien, à cette occasion, ils doivent prendre à cœur et demander avec instance de se donner tout entiers et pour toujours au bon Dieu, à l'exemple de notre bonne Mère à tous ! C'est un sentiment qui m'a saisi profondément, ce matin même, pendant la nombreuse Communion que nous avons eue à la Maison-Mère. Peut-être même que cette pensée et cette Communion extraordinaire nous amèneront, un jour, à donner plus de solennité à cette Fête dans nos Maisons de Noviciats et de Juvénats.

 L’Œuvre de nos Juvénats se poursuit, en effet, très heureusement, et reçoit l'appui le plus bienveillant de S. B. le Cardinal Archevêque de Lyon, qui vient de nous donner une recommandation des plus pressantes pour lesComités de secours que nous cherchons à organiser. Elle nous servira très efficacement, nous l'espérons, auprès de tous les Archevêques et Evêques qui ont de nos Frères dans leurs Diocèses, pour obtenir une recommandation semblable. Dans quelques jours, vous recevrez une notice et des instructions concernant cette Œuvre que, déjà, je vous recommande d'avance à tous et pour les sujets à choisir et à nous envoyer, et pour les ressources à nous ménager.

 En attendant, comme premier et bon encouragement, laissez-moi vous redire comment nos Juvénats de Glasgow et de la Maison-Mère ont dû payer leurs prémices au Seigneur, dans la personne de trois de leurs Enfants.

 Le premier est un excellent jeune homme, natif de Sligo, en Irlande, nommé Georges Shiels, qui est venu mourir à la Maison-Mère.

 Il faut savoir que le Juvénat de Glasgow est dans des conditions tout à fait exceptionnelles et qui donnent les meilleures espérances pour l'avenir. Ce sont des jeunes gens, de 14 à 18 ans, qui font un engagement de 4 à 5 ans, comme Sous-Maîtres dans les Ecoles. Ils ont leur règlement à part, ils reçoivent des leçons spéciales après les heures de classe, et ils ont à passer des examens sérieux, chaque année, devant l'Inspecteur du Gouvernement et devant l'inspecteur ecclésiastique, ce dernier nommé par l'Evêque. Les Frères reçoivent une indemnité de 21 livres (525 fr.) par an, pour chacun de ces jeunes gens. Après leur apprentissage, ils sont admis au Noviciat ; et, au bout d'un an, ils sont tout formés et tout prêts à diriger n'importe quelle Classe.

 Donc, le jeune Shiels fut reçu des premiers au Juvénat ; mais sa santé s'affaiblissant à Glasgow, après deux ans et demi d'exercice, il fut admis au Noviciat de Dumfries, pour lui faire prendre quelque repos. Là encore, après six mois d'essai, sa santé n'allant pas mieux, le cher Frère Assistant l'engagea à retourner dans sa famille.

 Le bon jeune homme s'affligea beaucoup de cette décision; il dit qu'il avait quitté ses parents pour être Religieux, et qu'il n'avait qu'un désir, celui de vivre et de mourir dans la Congrégation. Touché de si bonnes dispositions, le cher Frère Assistant s'offrit alors à lu] donner l'habit ; et même, s'il se sentait le courage de s'éloigner tout de bon de son pays et de ses parents, de l'emmener en France, où le climat lui serait peut-être plus favorable. Le fervent Postulant répondit sur le champ qu'il suivrait son Assistant jusqu'au bout du monde, pourvu toutefois qu'il pût être Frère, et mourir dans la Société de Marie.

 Il reçut donc l'habit le 2 février, sous le nom de Frère Mark, et il arriva à la Maison-Mère huit jours après. On vit bientôt, et M. le Docteur le déclara dès sa première visite, qu'il n'y avait aucun espoir de guérison; mais les excellentes dispositions du jeune Frère ne se démentirent pas un instant. Pendant les cinq mois que dura sa maladie, il a été un modèle de patience, d'obéissance et, je le dirai aussi, d'un rare bon sens ; jamais il ne lui est échappé la moindre plainte. Un jour, cependant, on le vit tout triste et il se mit à pleurer; c'est qu'il n'avait pas été confirmé, et il craignait de mourir sans avoir reçu ce Sacrement. Quelques jours après, on le conduisit à Lyon, à Mgr Charbonnel, Evêque Capucin, qui lui administra le Sacrement de Confirmation. Il monta ensuite jusqu'à Fourvière, où il se consacra à la Sainte Vierge d'une manière toute particulière, et fit au bon Dieu le sacrifice de sa vie, pour les besoins de l'Eglise, pour l'Institut,pour ses parents et pour tous ses compagnons du Juvénat de Glasgow.

 Le 9 juin, il reçut avec beaucoup de ferveur, l’Extrême-onction des mains du R. Père Ducretet, qui, connaissant l'anglais, venait de Sainte-Foy pour le confesser. Il avait demandé et obtenu du R. Frère Supérieur, la permission de faire son Vœu d'Obéissance. Malgré son état de maigreur excessive (on n'a jamais vu à l'infirmerie un corps aussi réduit), il ne pouvait assez se réjouir de porter l'habit de la Sainte Vierge et de se voir approcher de la mort dans sa Société; car il était convaincu qu'un Petit Frère de Marie ne saurait se perdre. C'est à cette extrémité et dans ces dispositions qu'il écrivit à ses parents, pour les engager à envoyer un de ses frères au Noviciat, afin, disait-il, que la famille fût encore représentée, après sa mort, dans la Congrégation de Marie. Un jour, le Docteur, en le visitant, s'écria, frappé de sa bonne figure et de son air angélique : Beati mortui qui in Domino moriuntur ! A quoi l'enfant, comprenant assez, répondit aussitôt : « Merci, Monsieur le Docteur, c'est la meilleure prescription que vous m'ayez donnée ! » Il mourut paisiblement le premier juillet, en prononçant les doux noms de Jésus, Marie, Joseph.

 Un mois plus tard, un autre Juvéniste de Glasgow, William Dwyer, âgé de 18 ans, mourut à Dumfries, après quelques jours de maladie, dans des circonstances non moins édifiantes.

 Sa mère, qui habite Londres, étant venue le voir la veille de sa mort, le trouva très souffrant; mais il fit tous les efforts possibles pour dissimuler ses douleurs, dans la crainte de faire de la peine à sa bonne mère qu'il aimait beaucoup. Celle-ci voulait le veiller pendant la nuit ; mais il s'y opposa avec beaucoup d'adresse et de bon sens, en disant que les Frères le soignaient parfaitement, qu'elle venait de passer une nuit en voiture et que, pour ne pas tomber malade elle-même, elle ferait bien d'aller se reposer à l'hôtel, ce qu'elle fit quoique à regret.

 Le lendemain, elle arriva de bonne heure ; et, voyant que son enfant baissait rapidement, elle se mit en devoir de l'exhorter à la patience et à la résignation, lui suggérant beaucoup de bonnes pensées et de petites prières qu'elle lui faisait répéter. Vers dix heures du matin, le petit malade demanda la Sainte Communion; il avait été administré deux ou trois jours auparavant. On avertit M. le Curé qui vint aussitôt le confesser de nouveau et lui apporter encore une fois le Saint Viatique. Il fit son action de grâces avec une ferveur extraordinaire ; puis, il demanda qu'on voulût bien réciter le Chapelet et les Litanies de la Sainte Vierge, auxquels il répondit très distinctement. Quelque temps après, il appela le Frère Assistant en disant : Oh !I am dying ! I am dying ! Oh ! je meurs ! je meurs ! Le Frère Assistant lui fit répéter les trois invocations Jésus, Marie, Joseph, etc., après quoi, le petit mourant lui passa le bras autour du cou, en s'écriant: Oh I lift me up that I may see better; look, look there those nice things just beginning to appear !Oh ! levez-moi, pour que je voie mieux ; voyez ces belles choses qui commencent à paraître ! et il expira ainsi entre ses bras, le sourire sur les lèvres. Sa bonne mère fut tellement touchée de cette scène émouvante qu'elle se jeta à genoux et remercia le bon Dieu à haute voix, de la consolation qu'elle éprouvait d'avoir vu mourir ainsi son enfant, se disant indigne d'une si grande faveur. Avant de quitter la Maison, elle offrit au Frère Assistant son second fils, âgé de 12 ans, pour remplacer son aîné qu'elle venait de voir mourirsi saintement.

 Le troisième est un petit Juvéniste de la Province du Bourbonnais, Annet Montet, décédé à la Maison-Mère.

 Quoique la mort de cet enfant n'ait rien eu d'extraordinaire, nous pouvons dire que le bon Dieu l'a choisi parmi ceux du Juvénat qui promettaient le plus. Elevé par des parents très pieux, il avait appris une foule de petites prières qu'il répétait fréquemment et avec beaucoup de piété pendant sa maladie. Il avait été le premier du Catéchisme dans sa Paroisse, et il le possédait si bien que son bon Curé n'avait pas craint de l'admettre à la première Communion, dès l'âge de neuf ans. A beaucoup de piété il joignait beaucoup de bon sens et un cœur très sensible et très reconnaissant. L'ayant vu un jour, au fort de sa maladie, je me retirais croyant à peine qu'il m'eût aperçu: il se retourna vers moi, me regarda affectueusement, et me remercia de son mieux de ma visite.

 Je donne ici l'exemple de ce brave Enfant comme réunissant le caractère propre des Aspirants que les Frères Directeurs ont à nous préparer la piété, la bonne conscience, le bon sens, l'esprit droit, le cœur bon et docile. 

III. – Défunts.

 

Voici la liste des Frères décédés depuis la Circulaire du 16 juin 1877 :

1° Frère CONSTANCIEN, Profès, décédé à bord du Bossuet, en allant à Nouméa, le 21 juin 1877.

2° Frère EULOGIUS, Obéissant, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 30 juin 1877.

3° Frère ASTÉRIE, Novice, décédé dans sa famille, à Jaujac (Ardèche), le 30 juin 1877.

4° Frère MARK, Novice, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 1ier juillet 1877.

5° Frère ECOMENE, Novice, décédé à N.-D. de l'Hermitage (Loire), le 3 juillet 1877.

6° Frère BARTHÉLEMY, Profès, décédé à N.-D. de l'Hermitage (Loire), le 5 juillet 1877.

7° Frère EUFROI, Obéissant, décédé à N.-D. de l'Hermitage (Loire), le 10 juillet 1877.

8° Frère VITTORIO, Obéissant, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 16 juillet 1877.

9° Frère MARÈS, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 17 juillet 1877.

10° Frère PIERRE, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 17 juillet 1877.

11° Frère VALÉRIUS, Obéissant, décédé à Chavanay (Loire), le 29 juillet 1877.

12° Frère HYRÉNAROUE, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 30 juillet 1877.

13° WILLIAM DWYER, Postulant, décédé à Dumfries (Ecosse), le 8 août 1877.

14° Frère ANTOLIEN, Profès, décédé à Beaucamps (Nord), le 24 août 1877.

15° Frère SYNDIME, Obéissant, décédé à Wavrin (Nord), le 30 août 1877.

16° Frère MATHURIN, Profès, décédé à Saint-Antoine (Isère), le 3 septembre 1877.

17° Frère ANDRONIC, Stable, décédé à Beaucamps (Nord), le 8 septembre 1877.

18° Frère AUBIN, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 13 septembre 1877.

19° Frère GÉMEL, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 17 septembre 1877.

20° Frère ACAIRE, Profès, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 16 octobre 1877.

21° MONTET ANNET, Juvéniste, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 5 novembre 1877.

22° Frère MARIE-SIDOINE, Profès, décédé à Violay (Loire), le 24 novembre 1877.

 

Par la miséricorde du bon Dieu et par l'assistance de Marie, la grande protectrice des mourants, tous ces Frères sont décédés avec des marques visibles de salut, même le jeune Frère qui a été victime de son imprudence et d'un manquement à la Règle, en allant, témérairement, prendre un bain dans le Rhône, avait communié le jour même, et, sauf ce moment d'oubli, il s'était montré constamment pieux et avait parfaitement contenté son Frère Directeur. Mais quelle nouvelle et terrible leçon il vient donner et renouveler à tous, de respecter la Règle sur ce point capital ! Dans ces accidents, on se rassure comme l'on peut : sur la vie passée, sur les bonnes dispositions connues, sur les convenances essentielles rigoureusement gardées, sur le soin qu'a eu le défunt de rester couvert de son Scapulaire; mais qu'il y a loin de là à l'assurance et à la consolation que laissent une dernière Confession bien faite, les derniers Sacrements reçus avec ferveur, les doux noms de Jésus, de Marie, de Joseph, pieusement et hautement invoqués, et toutes les autres circonstances heureuses qui accompagnent la mort de nos bons Frères !…

 Reportons-nous, par exemple, à la mort admirable qui est venue terminer et récompenser la sainte et religieuse vie de notre bon Frère Andronic. Déjà, je vous en ai entretenus, à l'époque de nos dernières Retraites, en vous donnant ce cher Défunt comme le modèle, comme le vrai type d'un véritable Petit Frère de Marie.

 Il est mort à 62 ans d'âge, 42 ans de Communauté, 39 ans de Profession et 22 ans de Stabilité.

 Employé dans la Province de Notre-Dame de l'Hermitage jusqu'en 1840, il fut désigné, à cette époque par le Fondateur lui-même, pour remplacer, à Saint-Pol-sur-Ternoise (Pas-de-Calais), le cher Frère Jean-Baptiste, qui venait d'être élu Assistant par le Chapitre Général. Il a tenu cette Maison pendant vingt ans ; puis il a rempli, successivement, la charge de Procureur de la Maison de Beaucamps, et de Visiteur pour la Province du Nord.

 Enfin, le Cher Frère Vital, Directeur de la Maison d'Haubourdin, étant tombé malade, on confia, provisoirement, au cher Frère Andronic la direction de cette Maison, où il y avait à soutenir et à développer un Pensionnat naissant, et à doter l'établissement, sur les fonds de l'Institut, d'une Maison d’Ecole convenable : emplacement et construction.

 Ce qu'il y a eu de remarquable dans le bon Frère Andronic, soit au Centre, soit dans le Nord, c'est une admirable et très exemplaire uniformité de vie. « Ce que je sais et tout ce que je puis dire du cher Défunt, m'écrit le cher Frère Gérald, son aide d'abord, et son successeur ensuite à Saint-Pol-sur-Ternoise, aujourd'hui Maître des Novices à Beaucamps, c'est que je l'ai vu toujours, en tout et partout, semblable à lui-même : pieux, régulier, très bon à ses Inférieurs, très sévère pour lui-même, d'une modestie parfaite au milieu même des succès et des louanges, d'un dévouement sans mesure à sa Maison et à son Institut, et d'une application constante à s'avancer et à se perfectionner dans les connaissances propres de son état, pour lesquelles Dieu l'avait doué de rares talents.

 Il faut ajouter qu'à cet ensemble de bonnes dispositions d'esprit et de cœur, à ses talents naturels et à ses connaissances acquises, il joignait un excellent caractère, une douce et aimable gaieté qui charmait ses Confrères et le rendait très cher à tous.

 Aussi a-t-il joui, dans tous les temps, de l'estime et de la confiance générale de la Congrégation, qui l'a constamment appelé à faire partie de ses Chapitres Généraux, et l'a vu avec bonheur remplir les premières charges.

 Enfin, le bon Dieu a récompensé cette vie, si pleine de bonnes œuvres et de mérites, si simple et si modeste, si constamment exemplaire, de la mort la plus douce, en l'appelant à lui dans des circonstances toutes providentielles et vraiment heureuses. Après une maladie pleine d'édification, supportée avec une patience qui ne s'est jamais démentie, il est mort, au milieu de quatre cents Frères réunis pour la Retraite, la veille même de la Clôture, le samedi 8 septembre, jour doublement consacré à Marie,et comme la Fête de sa glorieuse Nativité, et comme le jour de la semaine où l'Eglise se plaît à l'honorer. C'est ainsi que le bon Frère a eu, immédiatement, pour l'aider dans ce redoutable passage du temps à l'éternité, les prières et les secours de quatre cents Religieux, toutes les Communions de la Clôture, toutes celles du lendemain, et le grand Office des Morts récité par tous à son intention.

 Deux mots encore à la louange de ce bon Frère. Le premier est de son Frère Assistant qui le priait, sur son lit de mort, d'offrir ses souffrances pour le bien de la Congrégation et pour le succès de nos Retraites : « Bien volontiers, dit-il, je serai tout heureux de vous  obéir et de pousser à la roue jusqu'au bout. » Belle parole, ajoute le cher Frère Assistant, dans la bouche de celui qui, toute sa vie, a été si dévoué à la Congrégation et qui a toujours tiré à plein collier pour la faire avancer dans le bien. On peut rappeler ici que, pendant les vingt années qu'il a été Directeur du Pensionnat et de l'École de Saint-Pol, il a toujours été chargé, tout seul, de la première Classe, composée de 40 Elèves, ce qui ne l'empêchait pas de remplir ses fonctions de Directeur et d'Econome, d'être toujours à la tête de sa Communauté et de mettre la main à tout : bel exemple à donner aujourd'hui à quelques-uns qui cherchent si facilement à s'affranchir de la Classe et tendent à vivre en bourgeois.

 Un second éloge est dû au bon Frère pour sa vie entière qui n'a été qu'un long exercice d'obéissance ; mais surtout pour sa fin précieuse, où il a poussé cette vertu jusqu'à l'héroïsme.

 Le bon Frère Andronic ne manquait pas de certaines connaissances en Architecture ; mais, comme nos bons Anciens, il visait toujours au petit, il ne voulait pas sortir de la plus sévère économie. Or, étant chargé de l'Etablissement d'Haubourdin, qui n'avait rien d'assis, et qu'il était urgent, dans l'intérêt même de la Maison Provinciale, de constituer et d'assurer au plus tôt, il avait pris à tâche de mener à bonne fin et à bon marché la construction projetée et du Pensionnat et de l'Ecole.

 Fort de son désir, comptant sur certaines souscriptions, plus ou moins sûres pour la plupart, croyant aussi, dans sa bonne foi, avoir obtenu le consentement des Supérieurs, il se lança sur cette double construction, avec des plans non assez étudiés et insuffisants. Il voulait faire, avec trente à trente-cinq mille francs, ce qui dépasse aujourd'hui quatre-vingt à cent mille francs.

 De là, des reproches assez vifs, et sur la précipitation de ce travail et sur une exécution qu'on ne soupçonnait pas même. Le bon Frère accepta la réprimande avec une humilité et une soumission qui ne laissèrent -rien à désirer; il subit,sans mot dire, devant ses Confrères et devant le publie, la suspension immédiate des travaux, que la saison avancée expliquait et justifiait sans doute, mais qui n'en était pas moins pénible pour le bon Frère. Enfin, profitant des avis qui lui avaient été donnés, il se remit à étudier ses plans, à les refaire tous, à les perfectionner et à les amener au point de solidité, de convenance, d'étendue et de bonne disposition qu'ils ont aujourd'hui. Il faut le dire, ce surcroît de travail et les peines morales qui s'y attachaient, ont fini d'user une santé, depuis longtemps déjà, fort ébranlée ; ils l'ont conduit, finalement, à mourir comme victime de sa parfaite obéissance et de son entier dévouement à l’œuvre qui lui était confiée. Il y a plus, c'est qu'il n'en a jamais témoigné la moindre peine, ni à ses Supérieurs, ni à ses Confrères, ni à personne. Oh ! que cet héroïsme d'obéissance et d'humilité couronne bien une vie si complètement et si parfaitement employée à la gloire de Dieu, au salut des âmes et au bien de la Congrégation ! Quel bel exemple de patience, de soumission et de religieux silence, il laisse à tous, lorsqu'on est repris, même d'une faute purement matérielle !

 Faisons donc pour cet excellent Défunt, pour ceux qui lui sont associés dans la liste mortuaire et pour tous nos Frères, parents et bienfaiteurs défunts, les prières que la Règle nous prescrit, et les autres que notre dévotion aux âmes du Purgatoire doit nous inspirer chaque jour. 

RECOMMANDATIONS ET AVIS DIVERS 

I. Petit Office de la Sainte Vierge. 

Nous avons à compléter les Rubriques et Cérémonies du Petit Office de la Sainte Vierge. Déjà même, dans la Retraite du Régime, composée du Régime, des Provinciaux, des Visiteurs et autres principaux Directeurs nous les avons mises en pratique, et nous avons annoncé que nous les donnerions à toute la Congrégation dans la présente Circulaire ; mais que, jusque-là, il ne fallait rien changer. C'est à ce dernier point que nous nous en tiendrons pour le moment, afin de mieux étudier la question et de consulter encore, ne voulant rien publier ni ordonner qui ne soit en parfaite conformité avec les prescriptions et usages de la sainte Eglise Romaine. Donc, jusqu'à nouvel ordre, rien n'est changé dans la manière actuelle de réciter le Petit Office de la Sainte Vierge. Nous voyons, avec une grande joie, qu'on s'applique partout à le dire le mieux possible. 

Il. – Frères Economes.

 Nous lisons au Chapitre VI des Actes que, le nombre des Disciples se multipliant, les Apôtres, pour mettre fin à certains murmures dans la distribution des aumônes proposèrent de choisir, pour présider à cette distribution, des hommes d'une probité reconnue, pleins du Saint-Esprit et de sagesse ; n'étant pas juste, ajoutent-ils, que nous quittions la prédication de la parole de Dieu polir le service des tables ; et, remarque l'Auteur des Actes, cette proposition fut bien reçue de toute l'Assemblée.

 C'est dans une pensée semblable que le Régime de l'Institut a proposé et que le Chapitre Général a décrété l'adjonction d'un Frère Econome au Frère Directeur, dans nos Noviciats, nos Pensionnats et autres Maisons importantes.

 On a voulu que le Frère Directeur étant dégagé du soin du temporel dans sa Maison, n'ayant sur cette partie de l'Administration qu'une surveillance générale et une autorité de direction, pût se donner tout entier à ses Frères, à leur formation comme Religieux et comme Instituteurs; au soin des Classes et des Enfants, tant pour la piété et l'éducation que pour l'instruction.

 Voir sur ce point et relire avec soin la Circulaire du 23 octobre 1876, de la page 196* à la page 220*.

 Nous appelons, de nouveau, toute votre attention sur les dispositions et Arrêtés du Chapitre Général qu'elle contient, tant pour les attributions propres des Frères Economes, que pour la Caisse à deux serrures et les autres points réglés par le Chapitre. Il importe également et que les Frères Economes s'appliquent, de tout leur pouvoir, à bien remplir leur charge, selon le Règlement prescrit ; et que les Frères Directeurs, leur laissant à cet égard toute la latitude que leur donnent les Constitutions de l'Institut et les Arrêtés du Chapitre Général, veillent eux-mêmes à ce qu'ils s'en acquittent parfaitement.

 Nous espérons que, bientôt, il y aura un Frère Econome dans toutes les Maisons désignées mais, selon le mot de la Sainte Ecriture : Cette proposition fut bien reçue de toute l'Assemblée, il faut que cette organisation soit parfaitement reçue dans tout l'Institut ; et que, de part et d'autre, c'est-à-dire de la part des Frères Directeurs et de la part des Frères Economes, il y ait une attention et une docilité égales à appliquer, dans toute son étendue, la mesure décrétée par le Chapitre Général. 

III. – Acquisitions, Constructions, grosses Réparations, etc.

 Nous rappelons ici l'Article 18 de la dixième Section du Chapitre XI, concernant l'administration du temporel :

 « S'il s'agissait de grandes réparations ou de constructions, et qu'elles dussent être faites aux frais de l'Institut, il serait nécessaire d'en faire les plans et devis  de les envoyer au Frère Supérieur, avec les délibérations de la Maison prises à ce sujet, afin qu'il approuve  ou refuse, selon qu'il le jugera convenable. »

 Sur cet article, il y a à faire plusieurs remarques très importantes: 10 les demandes de ce genre ne doivent être faites et accordées que par écrit ; 20 elles doivent être accompagnées d'un plan très exact et d'un devis très complet ; 30 il faut au dossier une copie conforme de la délibération prise à ce sujet par le Conseil de la Maison ; 40 la demande peut être formulée en tête du plan et devis, ou y faire suite. C'est sur cette demande même, ainsi préparée, que le Frère Supérieur Général, du Consentement du Régime, donne l'autorisation voulue.

 Dans l'exécution, on ne pourra rien changer ni ajouter à ce qui a été accordé. Si quelques modifications ou agrandissements paraissaient nécessaires, on devrait les demander et les faire approuver de la même manière.

 Il n'appartient qu'au Supérieur Général avec le Régime de donner ces autorisations ; ce n'est point l'affaire du Frère Procureur Général seul, et moins encore du Frère Architecte ou du Frère Directeur. Je dois signaler ici un abus. Quelquefois, on nous soumet deux projets et nous donnons la préférence à celui qui nous paraît le mieux, sans intention aucune d'en autoriser l'exécution immédiate ; et, prenant cette préférence, donnée verbalement, pour une autorisation, on exécute aussitôt le projet préféré, et l'on s'engage ainsi, sans autorisation réelle, dans une dépense considérable. C'est tout à fait irrégulier et aussi contraire aux obligations rigoureuses qu'à l'esprit même du Vœu de Pauvreté. Je le répète, ces sortes d'approbations ne se donnent que par écrit et dans les conditions marquées ci-dessus. 

IV. – Conserver les ampliations des nominations officielles.

 La loi du 19 juillet 1875 déterminant l'importance du traitement des Instituteurs publics d'après leurs années de service dans l'enseignement, il est urgent que les Frères Directeurs ou Titulaires des Ecoles conservent soigneusement les ampliations de leurs nominations officielles dans les Communes où ils sont ou ont été Instituteurs publics.

 Il arrivera assez fréquemment qu'ils seront appelés à produire ces ampliations, pour établir que leurs années de service leur donnent droit à tel ou tel traitement.

 Il est bon également de conserver l'ampliation de l'arrêté préfectoral qui agrée les Frères donnés comme Adjoints au Titulaire. 

V. – Travail préparatoire sur l'Arithmétique.

 Dans la Circulaire du 16 juin dernier, Avis divers, nous avons donné jusqu'à la fin décembre prochain, pour achever le travail sur nos trois Cours d'Arithmétique. Il faut qu'on se hâte de le compléter le plus parfaitement possible, et qu'on nous l'envoie dans le courant du mois de janvier 1878. La Commission chargée de recueillir, de vérifier et de coordonner tous ces travaux divers, doit s'en occuper dès les premiers mois de l'année prochaine, et s'en occuper très activement, pour que ces Cours puissent être prêts à la rentrée des Classes. 

VI. – Notes concernant la Poste.

 1° Les Frères qui envoient des factures sous enveloppes ouvertes, doivent éviter avec soin d'y rien mettre qui sente la correspondance.

 Un Frère Directeur d'une de nos grandes Maisons m'écrit qu'il a une affaire pendante à son bureau de poste, pour ces seuls mots: « le plus tôt possible », ajoutés à la suite du mot payable, qui est imprimé.

 C'est le Contrôleur des Postes lui-même, de passage dans la Commune, qui a intercepté cette facture de biphosphate.

 Avis donc aux expéditeurs.

 2° Avis encore pour les cartes de visites, qui ne doivent contenir que les noms et prénoms, la profession et la résidence de l'expéditeur. Y écrire autre chose quelconque, c'est s'exposer à une amende de 150 à 300 francs et, dans tous les cas, si l'on est pris, à un procès-verbal de 4 francs 95 centimes.

 Heureusement, les cartes de visites sont peu ordinaires parmi nous; mais il est bon de faire remarquer, à ce propos, qu'on emploie trop facilement les cartes postales. Nos affaires d'intérieur y sont trop livrées au public ; et souvent encore, l'écriture, l'orthographe et même le français y laissent plus ou moins à désirer.

 3° Je renouvelle à tous l'avis, déjà donné plusieurs fois, de vérifier avec soin le poids des lettres (vingt-cinq centimes pour 15 grammes). Fréquemment, des lettres nous arrivent avec double port, pour insuffisance d'affranchissement.

 4° Je dois faire observer de plus qu'on emploie beaucoup trop les dépêches télégraphiques, dont le prix est de 1 franc 35 centimes au moins, de département à département. C'est manquer à l'esprit et même aux obligations du Vœu de Pauvreté, que de se permettre cette dépense, quand il n'y a pas nécessité, c'est-à-dire, raison grave et tellement urgente qu'il ne soit pas pos8ible de s'en tenir au moyen, pourtant si expéditif, d'une lettre par la poste. Le Régime ne répond jamais, ou presque jamais, à un télégramme par un télégramme la poste ordinaire lui suffit parfaitement.

 Vous le voyez, Mes Très Chers Frères, les avis et observations qui précèdent, ne tendent qu'à procurer et à faciliter le parfait accomplissement de la Règle et des Constitutions de l'Institut. Vous les recevrez donc avec docilité, et vous vous empresserez, j'en ai la confiance, de vous y conformer très exactement.

 Nous n'avons tous qu'un seul et même but: procurer la gloire de Dieu ; et la procurer, de toutes nos forces, par notre sanctification personnelle et par la sanctification de nos Enfants. Disons-le, dans les temps si difficiles que nous traversons, nous ne pouvons trop nous affectionner et nous dévouer à cette œuvre, afin de mériter que le bon Dieu nous protège partout ; qu'il soutienne et multiplie les bonnes Vocations dans toutes nos Provinces ; qu'il bénisse et garde toutes nos Maisons, et qu'il écarte de nous tout malheur et tout danger, tant au spirituel qu'au temporel.

 A cette fin, laissez-moi, je vous prie, vous recommander à tous, principalement à nos Frères Directeurs et premiers Employés, la prière suivante, calquée sur l'Oraison que l’Eglise met, chaque jour, à Complies, dans la bouche de ses Prêtres. Je m'en sers moi-même, soir et matin, pour appeler les bénédictions de Dieu sur tout l'Institut : « Visitez, nous vous prions, Seigneur, cette demeure et toutes nos demeures ; visitez toute notre Congrégation, qui est la Congrégation  de votre Mère bien-aimée, et, par l'intercession de cette très sainte Mère de Dieu, Marie, repoussez  loin de nos Maisons, loin de moi, loin de nous tous, toutes les embûches du monde, toutes les embûches de la chair, toutes les embûches du démon; que vos saints Anges y habitent, qu'ils habitent entre nous tous, qu'ils nous conservent dans la paix ; et, que votre bénédiction se répande et repose à jamais sur  nous, et sur tous les nôtres, et sur tout ce qui nous  appartient par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Ainsi soit-il. »

 En latin Visita, quaesumus, Domine, habitationem islam et omnes habitationes nostras * et omnem Congregalionem nostram, Congregationem dilectae Mariae Matrix tux ; et, intercedente sanctissima illa Dei Genitrice Maria, omnes insidinas mundi, omnes insidias carnis, omnes insidias diaboli, ob eis, et a me, et a nobis omnibus, longe (trois fois) repelle ; Angeli lui sancli habitent in eis, habitent inter nos omnes, qui nos in puce custodiant ; et benedictio tua sit super nos, et super omnes nostros, et super omnia nostra, et maneat semper : Per Christum Dominum nostrum.Amen.

 Pour conclure, disons, avec le grand Apôtre, qu'en tout et toujours, nous ne devons chercher que la plus grande gloire de Dieu en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, dit-il, et quelque chose que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu (I Cor., X, 31).

 Recevez la nouvelle assurance du sincère attachement avec lequel je suis, en Jésus, Marie, Joseph, Mes Très Chers Frères,

Votre très humble et très obéissant Frère et serviteur,

                      F. Louis-Marie,

——————————————– 

1877/11/21

 V. J. M. J. 

   Saint-Genis-Laval, le 21 novembre 1877.

             MON CHER FRÈRE DIRECTEUR,

 Le 8 décembre 1873, par une lettre particulière, j'ai fait appel au zèle et au dévouement des Frères Directeurs et, par eux, à tous nos Frères des Provinces de Saint-Paul-Trois-Châteaux et de Viviers, pour pouvoir jeter les fondations du Noviciat d'Aubenas.

 Grâce à Dieu, cet appel a été entendu ; les deux Provinces ont fait des efforts suprêmes pour amener la construction d'Aubenas au point où elle se trouve aujourd'hui : la maçonnerie, la charpente et la toiture achevées, et une partie des travaux intérieurs déjà avancés.

 Cependant, pour compléter cette construction, y faire la Retraite prochaine, y installer la Maison Provinciale et le Noviciat, peut-être même y transférer à la rentrée selon la demande de Mgr l'Evêque de Viviers, les Pensionnaires du Petit Séminaire qui suivent le cours donné par nos Frères : pour en arriver là, dis-je, et arriver à temps, il est indispensable que la menuiserie et les autres travaux d'appropriation ne subissent aucune interruption ; qu'au contraire, ils soient poussés très activement.

 D'autre part, à cette grande et lourde entreprise du Vivarais, sont venus s'ajouter les agrandissements de toute urgence qui se sont faits et se continuent dans la Maison Provinciale de Saint-Paul-Trois-Châteaux : Maison que le bon Dieu bénit et développe d'une manière tout extraordinaire, et par les nombreux Jeunes Gens, pleins d'avenir, qui entrent au Noviciat ; et par les nombreux Enfants, également pleins d'espérances, qui composent le Juvénat.

 C'est ce double besoin, conséquence nécessaire de cette double entreprise, qui m'oblige à renouveler notre appel à tous les Frères de ces deux Provinces, pour avoir les fonds que réclament impérieusement les travaux déjà faits et ceux qui -restent à faire.

 A cette fin, nous proposons ce qui suit:

 1° Avancer au premier trimestre de 1878 ou, au plus tard, à Pâques, le versement ordinaire de l'année ; soit 200 francs par Frère, dans les Externats ; et 500 francs dans les Pensionnats.

 2° Avancer de même le paiement des fournitures de classiques et autres fournitures dues à la Procure Provinciale.

 3° Faire, chacun selon ses moyens, une bonne offrande sur ses biens patrimoniaux.

 4° Intéresser à nos Œuvres les personnes aisées et charitables que l'on connaît.

 5° Inviter les Enfants eux-mêmes, surtout les Pensionnaires, à faire une offrande pour ces Maisons de Noviciat, dont le but unique est de préparer des Maîtres religieux à la jeunesse.

 Les fonds seront adressés, comme à l'ordinaire, dans chaque Maison Provinciale. On sait qu'il n'y a qu'un droit fixe de 20 centimes pour cent à payer, pour envoyer des valeurs par la poste, en lettres chargées, avec la déclaration, sur l'adresse même, des valeurs contenues dans le pli.

 Je compte que des efforts tout nouveaux seront faits par tous les Frères des deux Provinces ; mais n'oublions pas d'y joindre la prière ; car c'est de Dieu seul que doit nous venir tout secours ; de Dieu, sans qui nous travaillerions en vain à bâtir et à garder nos Maisons.

 Votre tout dévoué en J. M. J. 

            F. Louis-Marie.

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[1] : Trois Circulaires le même jour.

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