Circulaires 129

Louis-Marie

1878-06-21

Epoques des Retraites. - Avis divers. - Défunts.- .Mort du Frère Charles. - Arithmétique. -  Départ pour le Cap de Bonne-Espérance et nouvelles des Missions. - Esprit et fruit des prochaines Retraites, esprit sérieux, esprit de foi

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51.02.01.1878.3

1878/06/21

 V. J. M. J.

Saint-Genis-Laval (Rhône), le 21 juin 1878.

Fête de Saint Louis de Gonzague.

MES TRÈS CHERS FRÈRES,

 Je profite de la Fête de ce jour, Saint Louis de Gonzague, le Patron de la Jeunesse, le Patron de nos Maisons de Noviciat, et le Modèle accompli de tous les Religieux pour vous annoncer nos Retraites, et tirer de cette Fête même l'esprit dans lequel nous devons les faire, et le fruit particulier qu'elles doivent produire en nous. 

I. EPOQUES DES RETRAITES.

 1° Retraite du Régime, du Dimanche 13 au Dimanche 20 octobre.

2° Dumfries (Ecosse), pour toutes les Maisons des Iles Britanniques, du Jeudi 19 au Jeudi 26 juillet.

3° Première Retraite de la Maison-Mère, Province de Saint-Genis-Laval, du Dimanche 25 août au Dimanche 1° septembre.

4° Deuxième Retraite de la Maison-Mère, Province de l'Hermitage et Province du Bourbonnais, duDimanche 8 au Dimanche 15 septembre.

 5° Première Retraite de Beaucamps, pour les Frères Novices et Postulants de la Maison Provinciale et pour les Frères des Postes qui y seront appelés par une Obédience particulière, du15 au 22 août.

6° Deuxième Retraite de Beaucamps, pour la Province du Nord, du 1ierau 8 septembre.

7° Saint-Paul-Trois-Châteaux, du 15 au 22 septembre.

8° Aubenas, pour toute la Province d'Aubenas, du 22 au 29 septembre.

9° Azerat, Province de l'Ouest, du mardi 17 au mardi 24 septembre, Fête de N.-D. de la Merci.

10° Retraite supplémentaire de N.- D. de l’Hermitage, à l'Hermitage, pour les Frères qui y seront appelés, du Jeudi 15 au Jeudi 22 août.

11° Les Frères du Cap de Bonne-Espérance et des différentes Stations de l'Océanie font leur Retraite en juillet ou vers Noël, selon qu'il leur est assigné. 

II. AVIS DIVERS.

 1° On doit être rendu la veille de la Retraite, arriver de jour, arriver ensemble et se présenter ensemble aux Supérieurs.

2° Pour l'ordre des Maisons, comme pour l'ordre des Retraites, je vous renvoie aux dispositions énumérées soit dans la Circulaire du 6 juin 1874, soit à celles qui en ont le complément et qui sont énumérées dans la Circulaire du 29 juin 4876.

3° Pour les bagages, je rappelle la note de l'année dernière : avoir soin, partout, de faire enregistrer, pour la gare d'arrivée de la Maison Provinciale respective comme Oullins pour Saint-Genis-Laval, tous les colis qui y sont envoyés. Il ne faut pas qu'on ait à payer de frais de voiture pour les aller chercher ailleurs.

4° Mêmes recommandations que par le passé pour le soin des objets de vestiaire, les fournitures classiques, les livres de prix, le linge personnel des Frères pour la Retraite, les brevets, les examens, les actes de naissance, l'engagement décennal, les renseignements sur la résidence, etc.

5° Cette année, on devra donner une attention particulière au règlement et à la balance des comptes, afin de bien établir la comptabilité provinciale de chaque Maison de Noviciat, et celle de la Procure Générale, comme il a été réglé.

6° Nous rappelons que les classiques, Articles de librairie et autres, sont fournis par chaque Maison Provinciale et entrent dans son budget, d'après ce qui a été réglé par la Circulaire du 17 janvier 1878, Paragraphe 2, Article II. Les Frères Directeurs sont donc avertis tout de nouveau, dans l'intérêt même de leur Province respective, de se fournir exclusivement à leur Maison Provinciale et de ne rien acheter au dehors.

Pour la Province de l'Hermitage et pour celle du Bourbonnais, en attendant qu'elles aient leur Retraite à part, la Maison Mère versera à chaque Province les bénéfices nets des ventes qui seront faites à cette Province à cette occasion.

7° Nous préparons un livre d'Histoire et un livre de Géographie à l'usage de l'Institut, et nous espérons qu'ils pourront être prêts à la rentrée scolaire de 1879-80. Ainsi disparaîtront les variétés et dissemblances de toutes sortes qui existent, dans les Ouvrages adoptés pour ces parties, entre les différentes Ecoles de l'Institut. Jusque-là, chaque Maison devra conserver les Ouvrages dont elle se sert actuellement, et s'abstenir de tous nouveaux changements, quelques offres qui puissent lui être faites.

8° Je renouvelle l'avis qui a été donné plus tôt d'apporter à chaque Retraite, soit de la Maison-Mère, soit des Provinces, le Registre des Visites et le Livre Brouillard ou Main Courante.

Je renouvelle également l'Avis qui a été donné sur les Juvénats, dans la Circulaire du 12 Mai 1878.

Qu'on le relise avec soin; le C. F. Assistant, chargé de suivre cette Œuvre, tient essentiellement à recevoir, au plus tôt, la liste, les notes, observations et faits divers qui y. sont réclamés.

9° Cette année, comme l'année dernière, l'examen des Aspirants aux Vœux se fera avant la Retraite. Les Frères qui les ont demandés, se rendront donc, dans la Maison Provinciale respective, trois jours avant le jour fixé pour l'ouverture de chaque Retraite.

10° Nous espérons que le Noviciat de la Province du Bourbonnais sera installé, provisoirement, dans la Maison d'Arfeuilles, dans le courant du mois d'août prochain. C'est à cette Maison que les Frères de la Province devront adresser les Postulants.

Les Juvénistes, ou Aspirants qui n'ont pas 15 ans commencés, continueront, pour cette Province comme pour celle de l'Hermitage, à être envoyés au Juvénat de la Maison-Mère.

11° A raison des temps difficiles où nous nous trouvons et de la gêne financière que subit la Congrégation, nous serons forcés de restreindre le plus possible les permissions pour saisons d'eaux, voyages de famille et autres voyages ou visites qui pourraient nous être demandés. Ces permissions ne seront accordées que s'il y a urgence et nécessité évidentes. On devra, avant de les envoyer, les faire apostiller par chaque Frère Directeur.

12° Avis, avis capital, rappelé déjà dans la dernière Circulaire, et que je répète ici avec toute la force qu'il prend des circonstances actuelles et des châtiments que la justice humaine inflige aux coupables, quels qu'ils soient : Respecter les Enfants, respecter leur innocence et leur jeune âge, NE PAS LES SCANDALISER, NE PAS LES FRAPPER. 

Dans le même esprit, éviter, avec un soin extrême, toute parole, tout écrit, tout acte quelconque qui s'écarterait du respect dû à l'Autorité civile. Si une mesure est prise contre une école, nous prévenir immédiatement, nous soumettre, au préalable, les lettres de réclamation ou protestation qu'on voudrait faire, et attendre nos ordres et instructions avant d'agir. 

III. DÉFUNTS.

 Grâce à Dieu, nos listes de Défunts, cette année, sont moins chargées qu'à l'ordinaire. Depuis la Circulaire du 12 mai dernier, nous avons perdu le Frère MARIE-ALDERIC, Novice, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux, le 17 mai 1878; le Frère HERENAS, Novice, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage sur St. Chamond, le 28 mai 1878 ; le Frère ALBÉRON, Obéissant, décédé dans sa famille à Saint-Genest-Malifaux (Loire), le 8 juin 1878.

 Continuons, néanmoins, à prier beaucoup pour tous nos Frères Défunts, et qu'on n'oublie, dans aucune Maison, de faire acquitter les Messes, de dire l'Office et de faire les Communions de Règle à leur intention. Tous aussi, nous avons à entretenir en nous une grande et constante dévotion aux âmes du Purgatoire ; car c'est le moyen de nous conserver nous-mêmes dans la crainte des moindres péchés et dans l'esprit de ferveur, de nous assurer de nombreux suffrages après notre mort, et de pratiquer éminemment la charité chrétienne, en soulageant des âmes si chères à Notre-Seigneur, et qui doivent le posséder éternellement. 

Aujourd'hui, 24 juin, pendant que s'imprime la Circulaire, un accident subit nous enlève l'excellent Frère Charles, né Souchon (Etienne), à Saint-Symphorien-sur-Coise (Rhône), le 21 mai 1811 ; entré au Noviciat de l'Hermitage, le 21 avril 1827 ; Profès, le 5 mars 1835 admis au Vœu de Stabilité le 31 août 1873.

 Tous les Frères du Centre savent que, pendant ses cinquante et un ans de Communauté, dont il en a passé quarante-trois, comme Directeur, à Saint-Sauveur-en-Rue (Loire), ce bon Frère a été un modèle accompli de piété, de régularité, de zèle pour les Enfants, de dévouement pour l'Institut et d'abnégation de lui-même.

 Epuisé par cinquante ans d'enseignement, de travaux, de parfaite fidélité à tous les points de la Règle, il avait pris sa retraite à la Maison-Mère, à la rentrée du mois d'octobre dernier. Il était là, comme partout et toujours, d'une exactitude exemplaire, constamment à la disposition du Frère Directeur Provincial, pour tous les petits services qu'il pouvait rendre à la Maison, surtout pour la surveillance des Anciens et des Frères de passage. Tous les moments que ces emplois et les exercices lui laissaient libres, il les employait à prier, à visiter le Saint Sacrement, à faire le Chemin de la Croix. On était heureux de voir ce bon Ancien, tout souffrant, tout amaigri par ses longs travaux, se montrer toujours gai, toujours content, toujours le protecteur et le modèle, pour tous ses Confrères, de la fidélité à la Règle, de l'assiduité aux exercices communs et du bon esprit. Malheureusement, ses forces allaient toujours en s'affaiblissant, et sa santé s'altérait de jour en jour. C'est ce qui l'avait contraint à se fixer et à prendre ses repas à l'infirmerie; et, en dernier lieu, à prendre quelques bains, par ordre du Major. Hélas ! c'est dans ce remède même qu'il a trouvé la mort. Quoiqu'il fût à jeun et dans son état ordinaire en entrant dans le bain, sous la garde du bon Frère Darius, qui travaillait à ses côtés, il a été pris tout à coup d'une congestion pulmonaire qui lui a enlevé instantanément la parole et la connaissance. Le bon Frère gardien, entendant quelques soupirs étouffés, l'appelle par son nom, lui demande comment il se trouve. Pas de réponse. Il se hâte d'enfoncer la porte, qui était fermée par derrière. O douleur ! il trouve son Confrère tranquillement assis et la tête hors de l'eau, mais immobile et sans connaissance. C'était neuf heures du matin, 20 minutes à peine après son entrée au bain. Il appelle au secours. On tire le Frère de la baignoire. On l'étend sur la paille. Il respirait encore. On court appeler et les Pères Aumôniers et le Médecin de la Maison. Tous les soins imaginables lui sont prodigués, mais en vain. Plus un signe de connaissance, malgré tous les efforts de M. le Docteur et des Frères assemblés autour du moribond. Le bon Père Rivière lui donne l'Absolution et lui administre le Sacrement de l’Extrême-onction, et l'on a la douleur de le voir expirer, à l'infirmerie où on l'avait transporté, vers les deux heures de l'après-midi. Hélas ! c'est la première et affligeante nouvelle qui nous est donnée, au Frère premier Assistant et à moi, à notre retour de l'Hermitage, avant même d'entrer à la Maison.

 Heureusement que cette mort si foudroyante a frappé un Religieux parfaitement préparé, un des premiers enfants du Père Champagnat, dont la vie entière n'avait été qu'un tissu de bonnes œuvres. Il avait communié le matin même, et il était depuis neuf mois à la retraite, précisément pour se préparer à ce dernier passage du temps à l'éternité. Toutes les fois qu'il venait dans ma chambre, et il y venait fréquemment, le bon Frère aimait à m'en entretenir. Il n'y a donc aucune inquiétude à concevoir sur son sort éternel; mais nous aurons tous à reconnaître, par les prières et bons suffrages que nous offrirons à son intention, les longs services qu'il a rendus à l'Institut et les bons exemples qu'il nous laisse à tous. Apprenons aussi à nous tenir toujours prêts, afin d'échapper, sinon à la mort subite qui peut frapper même le plus fervent Religieux, du moins à la mort imprévue qui pourrait compromettre notre Eternité. 

IV. ARITHMÉTIQUE.

 Au sujet de la Nouvelle Edition de l'Arithmétique (Cours moyen), voici ce que m'écrit, à la date du 12 juin, N. C. F. Nestor, Assistant, chargé de la préparer ; et, pour cet effet, en résidence à Paris depuis quelques mois.

 « Je m'occupe de l'Arithmétique, mais je n'ose pas promettre l’ouvrage pour la prochaine Retraite : il sera composé, mais il ne pourra être imprimé. La maladie du C. F. Jules d'abord, les mille et une courses et démarches que j'ai été obligé de faire pour nos affaires  d'écoles, les lettres assez nombreuses que j'ai été forcé d'écrire à nos Frères persécutés ou menacés et à d'autres, ont fait obstacle à toute ma bonne volonté.

 « Donc, mon Révérend Frère, si vous le permettez, nous renverrons au mois d'octobre prochain, l'impression de ce Livre, dont les épreuves pourront être adressées aux Frères, selon le plan que vous avez eu la bonté d'accepter. Nous pourrons fournir, en même temps, les livres complémentaires indispensables : 1° la Solution des problèmes, 2° l'Extrait de l’Arithmétique, 3° les Solutions des Exercices de cet Extrait. L'Arithmétique moyenne, sans les Solutions, serait presque un embarras pour les Frères, et il ne nous  est pas possible de les livrer en septembre prochain.

 « Un tirage de l'ancienne Arithmétique, pour les besoins de l'année, me parait nécessaire, et le travail actuel ne pourra qu'y gagner.

 Je vous donne ce mot d'explication pour répondre aux désirs du bon Frère Assistant qui m'en prie, et pour vous tranquilliser tous sur ce retard obligé que nous imposent les circonstances présentes ». 

V. DÉPART POUR LE CAP DE BONNE-ESPÉRANCE ET NOUVELLES DES MISSIONS.

 Nous avons oublié, dans la dernière Circulaire, de vous annoncer le départ de deux Frères pour le Cap de Bonne-Espérance :

 Le C. F. Frédéricus, né Gaillard Jean, à Saint-Laurent-en-Brionnais (Saône-et-Loire), le 29 octobre 1846, Profès, de la Province de Saint-Genis-Laval.

 Le C. F. Einard, né Stevens Prosper-Henry, à Oostezeele (Belgique), le 7 janvier 1853, Obéissant, de la Province des Iles Britanniques.

 Ils ont quitté Beaucamps, où s'est faite la cérémonie d'adieux, le Dimanche 3 mars 1878; et, après une très heureuse traversée de 24 jours, ils sont arrivés au Cap de Bonne-Espérance le Samedi 30 mars, à 10 heures du matin.

 Le C. F. Frédericus nous a donné une excellente relation, jour par jour, de leur voyage et de toutes les circonstances qui l'ont marqué. On l'a lue avec beaucoup d'intérêt à la Maison-Mère, et au réfectoire des Anciens et dans celui du Noviciat.

 Ils étaient neuf sur le navire aux frais de la Propagation de la Foi : un Prêtre, le Rév. Père Duparquet, un Frère Coadjuteur, cinq Religieuses de N.-D. de Lorette et deux Frères Maristes. Le bon Frère, qui a été choisi subitement pour notre Mission Africaine, nous fait remarquer, à la date du 16 mars, cette coïncidence singulière qu'en côtoyant la Sénégambie[1], il a salué l’île de Gorée, où sa tante, Sœur Marie-Madeleine, a fait la classe pendant cinq ans aux petites Négresses ; ils ont passé tout près, à 25 lieues seulement.

  C'est là qu'il continue ainsi son récit : « Nous avançons rapidement vers l'Equateur; encore deux jours et demi, et, s'il plaît à Dieu, nous y serons. Je ne trouve pas dans ces parages autant de chaleur que je pensais. Dieu, toujours sage dispensateur de ses dons, a réservé pour les zones torrides les vents frais de l'est, appelés Vents alizés, qui les tempèrent. On n'est pas très bien dans les cabines; mais, sur le pont, où nous sommes presque toujours, nous jouissons d'un printemps perpétuel. L'Imitation de Jésus-Christ dit quelque part que ceux qui se confient en Dieu trouvent en lui une paix parfaite. Je l'éprouve bien en ce moment ; jamais peut-être, depuis mon Noviciat, je n'avais goûté plus de bonheur ni ressenti une paix plus profonde. Nos exercices de piété, l'étude, notre journal, telles sont les occupations qui remplissent nos journées et nous satisfont pleinement. Si j'avais un désir, ce serait la prolongation de ce voyage, d'autant plus heureux que nous avons habituellement la sainte Messe.

 Le 19, Fête de Saint Joseph, nous nous sommes unis de notre mieux à tous les hommages qui sont rendus, à la Maison-Mère et dans toutes nos Maisons, à notre Saint Patron, le glorieux Epoux de la Vierge Marie ; et, malgré les neuf cents lieues qui nous séparent, nous avons assisté en esprit à votre belle Vêture de la Maison-Mère, et pris part à toute votre joie. Ce matin, le Révérend Père a bien voulu dire la sainte Messe à nos intentions qui sont la persévérance des nouveaux Novices de ce jour, la prospérité de nos Noviciats et de mon cher Juvénat (il en avait la sous-direction), dont je conserverai toujours un si bon souvenir; puis, toutes les intentions de nos bons Supérieurs, des Confrères, et de nos chers Parents que nous recommandons à vos bonnes prières.

Ce qui nous a le plus frappé dans ces régions tropicales, ce sont les poissons volants., Nous les voyions passer par bandes aux côtés du vaisseau, puis retomber bientôt et aller se perdre dans les eaux.

Le 25 mars, grande Fête de Marie, mais nous n'avons pu avoir la sainte Messe, la mer était trop houleuse.

Le 26, nous traversons le tropique du Capricorne, et nous rentrons dans la zone tempérée, où nous retrouvons presque la température de France.

Le 27, les hirondelles que nous n'avions pas vues depuis quelque temps, reparaissent en troupes, sans doute pour nous annoncer notre prochaine arrivée et l'heureuse délivrance de nos pauvres malades, des bonnes Sœurs entre autres qui ont énormément souffert du mal de mer. »

 Le Cher Frère termine son intéressant récit par quelques bonnes réflexions sur le salut et sur notre voyage vers l'éternité. Il se trouve tout heureux, dit-il, d'avoir accompli cette traversée sous le regard et la protection du bon Dieu, pour accomplir sa sainte volonté, et dans la seule vue du bien des âmes.

Dans ses lettres subséquentes, il ne peut assez se louer de l'excellent accueil que leur ont fait les bons Frères du Cap de Bonne-Espérance, de la parfaite union qui règne parmi eux, de la régularité et du bon état de leur Etablissement.

Nous avons la consolation d'ajouter que nos Maisons de Nouvelle-Calédonie, de Sydney et de Wellington continuent à prospérer et à faire beaucoup de bien. Les Frères s'y conservent en bonne santé, sont contents et se dévouent tous, de leur mieux, dans ces Missions lointaines, a la bonne instruction des enfants. On prépare une nouvelle fondation, celle de Napier, en Nouvelle-Zélande; et le cher Frère John, Directeur Provincial, qui a fait la visite de toutes les Stations de la Province, nous en donne les plus heureuses nouvelles sous tous les rapports.

 Le nouveau départ  annoncé pour Nouméa a été retardé de quelques mois. Nous comptons qu'il s'effectuera en juillet prochain.

 Continuons à prier beaucoup pour cette belle œuvre des Missions, pour le succès et l'heureux développement de la Maison de Noviciat et dé Procure commencée à Villa-Maria, près de Sydney; et demandons à Dieu que le désir des Missions et la volonté de s'y consacrer s'étendent et se fortifient de plus en plus parmi nous. 

VI. ESPRIT ET FRUIT DE NOS PROCHAINES RETRAITES.

 Dans quel esprit devons-nous faire nos prochaines Retraites? Dans le même esprit qui a fait agir le grand Saint dont nous faisons la Fête aujourd'hui, Saint Louis de Gonzague. Il est représenté, nous est-il dit dans la Biographie du bon Frère Nivard, avec une balance à la main, pesant dans un plateau les raisons temporelles, et dans l'autre les raisons éternelles, et se faisant à lui-même, chaque fois, cette question : Quid hoc ad aeternitatem? QU'EST-CE QUE CELA POUR L'ÉTERNITÉ? La balance tombe toujours du côté des raisons surnaturelles; parce que, seules, avec l'esprit sérieux du jeune Saint, avec la foi très vive qui l'animait et le guidait, elles pouvaient lui servir de règle de conduite.

 C'est dans le même esprit que nous devons entreprendre et poursuivre les saints exercices de la Retraite. Elle nous vient, en effet, pour refaire nos pensées et nos jugements sur les vérités fondamentales de la Religion : Dieu, l'âme, le salut, le péché, la vertu, la mort, le jugement, l'enfer, le ciel, l'éternité, PÉTERNITÉ surtout. Jamais nous n'avons eu un plus pressant besoin de revenir à ces grandes vérités, et, en particulier, ce mot capital de l'éternité.

 Avec les temps si difficiles que nous traversons, au milieu des épreuves de toutes sortes qui viennent nous entraver dans l'accomplissement de notre tâche d'Instituteurs chrétiens et religieux, c'est la pensées de l'éternité qui, seule, pourra nous encourager et nous donner la constance et l'énergie nécessaires, nous faire agir en tout avec la prudence et la modération que demandent les circonstances actuelles.

 Seule aussi, cette grande pensée nous donnera les vraies lumières qui dissipent toutes les illusions de la chair et du monde ; la force divine qui fait triompher de tous les assauts de l'enfer ; la paix solide et véritable qui nous attache au bien et nous y fixe, au milieu même de toutes les agitations, de tous les changements dont nous sommes témoins, et des appréhensions qu'ils font naître.

 Seule encore, cette sainte et puissante pensée pourra raffermir les Vocations ébranlées, refaire nos volontés affaiblies, et briser tous les liens d'iniquité où nos âmes se trouveraient engagées.

 Non, non, voir l'éternité devant soi, la considérer attentivement, en sonder les profondeurs infinies, et retenir le péché en son âme, et rester dans le danger prochain de le commettre, vivre dans la tiédeur, n'est pas possible. « Donnez-moi, dit Saint-Jure, l'homme  le plus perdu, la personne la plus abandonnée, et qu'ils connaissent un seul mystère du salut, qu'ils l'envisagent, non selon toute son importance, mais seulement d'une bonne manière, et ils se convertiront, et ils changeront de vie, en moins d'un quart  d'heure. »

 Dans le monde, cette vue des vérités de la foi, de l'éternité surtout, opère les retours merveilleux, des conversions éclatantes, des réparations, des séparations, des sacrifices qui étonnent.

 En religion, elle ramène à la ferveur, elle soutient la régularité, elle fait garder les Vœux : la parfaite Chasteté la parfaite Pauvreté, la parfaite Obéissance ; c'est elle qui inspire le zèle et le dévouement, et qui donne la sainte persévérance finale.

 O Eternité ! éternité du Ciel ! éternité de l'Enfer ! comme tu fais prier ! comme tu fais veiller: comme tu rends pieux ! comme tu donnes la bonne conscience ! les complets aveux en confession ! toutes les bonnes ouvertures en direction ! comme tu nous fais aimer en Dieu et pour Dieu les Enfants que nous sommes appelés à instruire ! comme tu brises tous les attraits charnels que la nature et le démon tendent à mêler à cette œuvre sainte !

 Donc, en toutes circonstances, en tout et partout, répétons le mot de Saint Louis de Gonzague : Quid hoc ad aeternitatem ! QU'EST-CE QUE CELA POUR L'ÉTERNITÉ? N'ayons ni pensée ni affection quelconques, ne disons aucune parole, ne faisons aucun acte volontaire, qui expose, qui compromette notre éternité. Au contraire, que son souvenir, sans cesse renouvelé, donne la rectitude à toutes nos pensées, la sainteté à toutes nos affections, la vérité à toutes nos paroles et la droiture à toutes nos œuvres. Rien ne doit nous coûter, rien ne doit nous paraître ni trop long, ni trop difficile, quand il s'agit d'assurer notre éternité, de la rendre plus heureuse et plus glorieuse. C'est le cas de rappeler cette sentence d'un saint Père que nous avons donné autrefois :

 Nunquam satis securitas ubi periclitatur aeternitas ! Jamais assez de sûreté, où périclite une éternité !…

 Voilà dans quel esprit, dans quelles pensées nous devons faire nos Retraites; mais quel sera le fruit que nous chercherons à en retirer?

 Ce fruit nous est donné par la prière même que nous adressons, chaque jour, à Saint-Louis de Gonzague pour demander la sainte vertu de pureté : « Quand vous me verrez en tentation ou en danger de péché, disons-nous, éloignez de moi toutes les pensées et toutes les  affections impures ; et, réveillant en moi le souvenir de l'éternité et de Jésus crucifié, imprimez profondément dans mon cœur les sentiments de la sainte crainte de Dieu ; enflammez-moi du divin amour, afin qu'après  vous avoir imité sur la terre, je mérite de jouir de Dieu avec vous dans le Ciel. »

 C'est-à-dire que, comme fruit de nos Retraites, nous devons chercher à réveiller et à entretenir en nous un grand sentiment de crainte de Dieu par le souvenir de l'éternité ; à réveiller et à entretenir de même le sentiment de l'amour de Dieu par le souvenir de la Passion.

 Or, cette même crainte et ce même amour, nous les demandons, chaque jour encore, dans la seconde Oraison des Litanies du saint nom de Jésus : « Faites, Seigneur, que nous ayons une crainte et un amour perpétuel de votre saint nom; parce que vous ne cessez de gouverner et de défendre vous-même ceux que vous avez établis dans la solidité de votre sainte dilection. »

 Ah ! M. T. C. F., ici, reconnaissons-le et avouons-le en toute humilité, en toute défiance de nous-mêmes, la crainte et l'amour de Dieu peuvent seuls nous défendre contre l'horrible démon de l'impureté qui s'acharne à nous poursuivre jusqu'au sein même de la vie religieuse. Hélas ! nous l'avons vu dans le passé et nous le voyons encore aujourd'hui, rien n'arrête, sur l'affreuse pente de ce vice, ceux qui ont perdu la crainte et l'amour de Dieu : ni les prescriptions les plus fortes de la Règle, ni les recommandations les plus pressantes et le plus souvent réitérées des Supérieurs, ni les menaces les plus terribles de la justice humaine. La réputation et la liberté personnelles, le respect de la Religion, l'honneur de la Communauté, le bien des familles, le salut et l'avenir des Enfants, la Vocation, les Vœux, toute la sainteté et toute la rigueur des Commandements de Dieu : tout est oublié, méconnu, foulé aux pieds par cette passion brutale, quand elle s'est emparée d'un cœur. Hélas ! hélas ! les châtiments mêmes qu'il voit tomber et frapper à ses côtés, ne peuvent le retenir.

 C'est donc à réveiller et à entretenir en nos âmes la pensée de l'éternité et de Jésus crucifié que nous devrons tout particulièrement nous appliquer, afin d'y entretenir la crainte et l'amour de Dieu, qui nous défendront contre les entraînements du vice impur. C'est dans cette vue que nous apporterons une très grande attention à toutes les Méditations et Instructions qui nous seront données sur ce sujet. C'est pour ce motif que je tâcherai moi-même d'y recueillir des notes pour les joindre à celles que je possède déjà, afin de les rappeler, dans une Circulaire, à toute la Communauté, dès les premiers mois de la rentrée prochaine.

 Pour exciter notre amour, nous reviendrons aussi à méditer les souffrances de Jésus-Christ. J'espère qu'il me sera possible de vous remettre, à chacun, aux Retraites prochaines, le petit Exercice du Chemin de la Croix que je vous ai annoncé par notre Circulaire du 17 janvier 1876.

 Nous le donnerons, dans le format du Directoire de la Solide Piété, pour être relié, plus tard, avec ce petit Volume, au lieu du Petit Office, comme nous l'avions pensé d'abord. Vous le savez, cet exercice, tiré du Chemin de Croix ordinaire, tel que nous l'avons dans le Cantique, a surtout pour but de demander un cœur profondément contrit et profondément humilié, avec la parfaite pureté de cœur, d'esprit et de corps. On le fait certainement, avec un grand fruit, toutes les fois qu'on a à se préparer à la Confession, et pendant les Retraites annuelles.

 Oui, M. T. C. F., c'est en repassant les souffrances de Notre-Seigneur, en les suivant dans tout leur détail, en méditant les neuf Sources de Sang et les neuf grands Tourments de la Passion que nous avons indiqués, c'est par ces exercices fréquents et fervents que nous apprendrons à aimer Jésus-Christ et à craindre le péché, pour lequel il a tant souffert ; à l'éviter, à quelque prix que ce soit.

 La pensée de l'éternité ébranla sainte Thérèse et la fit trembler sur les conséquences terribles des vanités et des négligences auxquelles elle s'abandonnait dans sa première jeunesse ; mais ce fut la pensée de Jésus crucifié, la vue de son corps sanglant et tout déchiré par le supplice de la flagellation, qui consomma sa conversion et lui fit embrasser définitivement le parti de la pénitence et de la mortification, qui lui inspira une inaltérable ferveur.

 A son exemple, souvenons-nous sans cesse de nos fins dernières et des souffrances du divin Maître ; et, comme elle, nous nous conserverons infailliblement dans la grâce de Dieu, dans la fidélité à nos Règles et à nos Vœux, dans l'amour de notre saint Etat, dans l'esprit de zèle et de ferveur qu'il demande de nous, et pour la sanctification de nos Enfants et pour notre propre sanctification.

 Dans cet esprit et à toutes ces fins, nous ferons de notre mieux la Neuvaine préparatoire à notre Fête patronale, la grande Fête de l'Assomption.

 1° Nous réciterons, avec une ferveur toute nouvelle, pendant les neuf jours avant la Fête, le Chapelet et la prière à Saint Louis de Gonzague qui le suit.

2° Après le Salve Regina du matin, nous ajouterons trois Ave Maria précédés de cette invocation : Saint Louis de Gonzague, serviteur fidèle de la B. V. Marie, priez pour nous.

3° Après la prière du soir, nous répéterons encore la belle prière à Saint Louis de Gonzague pour demander la pureté.

4° Nous nous pénétrerons, de notre mieux, en récitant cette belle prière, de ces mots : réveillant en moi le souvenir de l’Eternité et de Jésus crucifié ; paroles qui nous rendent comme présente la double et interminable Eternité, dont l'une élève le Bienheureux et le place à jamais dans les splendeurs du Paradis ; et l'autre précipite le pécheur, l'impudique surtout, dans les profondeurs de l'Enfer et pèse éternellement sur lui de tout son poids ; paroles qui nous rendent aussi comme sensibles toutes les plaies et tous les affreux déchirement du Corps adorable de Jésus crucifié. Nulle tentation, nulle mauvaise habitude, nulle séduction, si grande soit-elle, qui ne puisse être surmontée immédiatement par ce double sentiment de crainte et d'amour qu'excitent si puissamment et la pensée de l'Eternité et la vue du Calvaire.

5° Le mardi, 6 août, et le mardi 13 août, 1ieret 8ième jour de la Neuvaine, on fera la méditation sur les réflexions qui précèdent : 1° sur l'esprit de la retraite; 2° sur le fruit particulier que nous devons en retirer.

 Enfin, dans l'Octave, nous dirons, comme à l'ordinaire, le Veni Creator à la place du Veni Sancte Spiritus, avant la prière du soir, pour demander la grâce de bien faire la Retraite.

 La présente Circulaire sera lue en Communauté, à l'heure ordinaire de la Lecture Spirituelle.

 Recevez la nouvelle assurance du tendre et respectueux attachement avec lequel je suis, en Jésus, Marie, Joseph, Mes Très Chers Frères, Votre très humble et très obéissant Frère et Serviteur, 

                       F. LOUIS-MARIE.

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[1]  Il doit s’agir  de la côte du Sénégal et de la Zambie, ce dernier pays étant inclus dans le premier. NDLR.

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