Circulaires 141

Nestor

1881-06-05

Circulaire du 5 juin 1881 : Texte de la loi sur les Brevets de Capacité.- Faveurs spirituelles accordées aux Petits Frères de  Marie : Bref de Sa Sainteté Léon XIII. - Supplique adressée au Ministre général de l'ordre de Saint-François pour l'érection du Chemin de la Croix dans chacune des Mai­sons de l'Institut. - Réponse à la Supplique. - 327Règlement des examens.

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51.03.01.1881.3

 V. J. -M. J.

Saint-Genis-Laval (Rhône), le 5 juin 1881.

     Mes Très Chers Frères

Il me revient que plusieurs d'entre vous se préoccupent de la situation qui va nous être faite par la nouvelle loi sur les Titres de Capacité votée en seconde lecture par le Sénat, dans ses séances des 16 et 17 mai dernier.

Dans le but de vous être utile, je vous adresse les avis suivants, quoique le texte de cette loi ne soit pas définitif, attendu que la Chambre des députés peut y apporter encore quelques modifications.

Lors de la première lecture, le Sénat avait adopté l'amendement déposé et soutenu par M. Bérenger (Sénateur de la Drôme), qui enlevait à la loi toute espèce de rétroactivité. En effet, en statuant qu'à l'avenir le brevet serait exigé de toute personne qui débuterait dans l'enseignement primaire, les droits acquis à tous ceux qui étaient en fonction au 1ier mars 1881, en vertu de la loi du 15 mars 1850, étaient sauvegardés.

Cet amendement n'ayant pas été maintenu, la situation est bien changée, ainsi que vous le verrez dans le texte voté en seconde lecture.

M. le Sénateur Bérenger, par les efforts qu'il a faits pour l'adoption et le maintien de son amendement, s'est acquis des droits à la reconnaissance de toutes les Congrégations enseignantes. Vous voudrez donc bien, M. T. C. F., lui accorder le meilleur souvenir dans vos prières et vos communions. N'oublions pas non plus tous ceux qui ont voté son amendement dans les deux lectures, et qui, presque chaque jour, défendent avec le plus admirable dévouement la cause de l'enseignement chrétien. 

TEXTE

DE LA LOI SUR LES BREVETS DE CAPACITÉ

 ADOPTE PAR LE SÉNAT EN DEUXIÈME LECTURE.

 « ARTICLE PREMIER. – Nul ne peut exercer les fonctions d'instituteur ni d'institutrice titulaire, d'instituteur adjoint chargé d'une classe, d'institutrice adjointe chargée d'une classe, dans une école publique ou libre, sans être pourvu du brevet de capacité pour l'enseignement primaire.

Toutes les équivalences admises par le paragraphe 2 de l'article 25 de la loi du 13 mars 1850 sont abolies.

« ARTICLE 2. – Nulle ne peut exercer les fonctions de directrice ou de sous-directrice de salle d'asile publique ou libre, sans être pourvue du certificat d'aptitude à la direction des salles d'asile institué par l'article 20, paragraphe 1ierdu décret du 21 mars 1855.

« ARTICLE 3. – Les personnes occupant sans les brevets et certificats sus-énoncés les fonctions énumérées aux articles précédents, devront, dans le laps d'un an, à partir de la promulgation de la loi, se présenter devant les commissions d'examens instituées pour décerner lesdits brevets et certificats.

Celles qui auront échoué, auront le droit de se présenter de nouveau aux sessions ordinaires ou extraordinaires tenues dans le cours des années suivantes, jusqu'à la rentrée des classes du mois d'octobre 1884.

Toutefois, les adjoints qui auront contracté, conformément à l'article 20 de la loi du 27 juillet 1872, l'engagement de se vouer, pendant dix ans, à la carrière de l'enseignement, et qui viendraient à échouer aux examens ci-dessus, conserveront le bénéfice de la dispense, à titre conditionnel, du service militaire. 

« ARTICLE 4. – Les prescriptions de la présente lui ne s'appliqueront pas :

1° Aux directeurs d'écoles publiques ou libres qui, au 1ierjanvier 1881, exerçaient les fonctions de directeur, en vertu des équivalences établies par la loi du 15 mars 1850.

2° Aux directrices d'écoles ou de salles d'asile publiques ou libres qui, au 1ier janvier 1881, comptaient 35 ans d'âge et 5 ans au moins de services en qualité de directrices.

3° Aux adjoints ou adjointes d'écoles publiques ou libres, ainsi qu'aux sous-directrices de salles d'asile publiques ou libres qui, au 1ierjanvier 1881 comptaient 35 ans d'âge et 5 ans au moins de services comme adjoints ou adjointes d'une classe, ou comme sous-directrices d'une salle d'asile, sans toutefois que cette exemption leur permette d'obtenir ultérieurement la direction d'une école ou d'une salle d'asile, en dehors des conditions prescrites par les articles 1 et 2 de la présente loi. » 

Cette simple lecture de la loi vous fera comprendre aisément, M. T. C. F., toute l'importance qui va s'attacher à la constatation légale de la situation de tous les instituteurs adjoints non brevetés, à la date du 1ierjanvier 1881. 

Voici quelques observations sur les obligations que cette loi impose à tous les adjoints non brevetés. Nous diviserons ces derniers en quatre catégorie.

 1ièreCatégorie. – Adjoints âgés de 35 ans, et comptant au moins 5 ans d'exercice au 1ierjanvier 1881, comme adjoints chargés d'une classe.

2eCatégorie. – Adjoints n'ayant pas encore complètement réalisé l'engagement décennal, en vertu duquel ils ont été dispensés du service militaire.

3eCatégorie. – Adjoints qui, au 1ierjanvier 1881, étaient en exercice, mais n'avaient pas eu besoin de contracter l'engagement décennal, ou bien n'avaient pas atteint l'âge pour le contracter.

4eCatégorie. – Adjoints ayant moins de 35 ans d'âge, ou moins de 5 ans d'exercice, mais libres de tout engagement par rapport au service militaire.

 Les adjoints de la 1ièrecatégorie sont dispensés de l'obligation du brevet; néanmoins, ils ne doivent rien négliger pour l'obtenir; il n'est pas certain qu'une nouvelle loi ne le rende nécessaire.

Les adjoints de la 2ièmecatégorie devront se présenter devant une commission d'examen dans le courant de cette première année, à partir de la promulgation de la loi, et cela quel que soit le degré de leur instruction. Ceux qui ne se présenteraient pas, pourraient être réclamés par le Ministre de la guerre et envoyés sous les drapeaux.

Il y a également obligation pour tous les adjoints de la 3ièmeet de la 4ièmecatégorie de se présenter devant une commission d'examen, dans le laps d'un an, à partir de la promulgation de la loi. S'ils ne se présentaient pas dans ce laps de temps, ils ne pourraient plus continuer à être employés dans l'enseignement comme adjoints chargés d'une classe, ni peut-être autrement.

Nous ignorons encore comment l’Autorité académique procédera pour constater les années d'exercice que chaque Frère, non breveté, compte comme chargé d'une classe, et mon intention était d'attendre le vote définitif de la loi et les instructions ministérielles qui en accompagneront la promulgation, pour vous envoyer le tout avec nos observations particulières. Mais j'apprends de divers côtés que déjà des Inspecteurs se sont présentés dans nos maisons pour dresser les listes des adjoints non brevetés, demandant l'âge et les années d'exercice de ces Frères.

En présence de ces démarches hâtives, je dois vous signaler sans retard l'importance des renseignements qui vous sont demandés et le soin que vous devez mettre à les donner parfaitement exacts.

Pour les Frères qui ont 35 ans d'âge et plus, s'ils ont exercé autrefois dans l'enseignement public, l'agrément donné par MM. les Préfets à leur nomination servira à établir leurs droits ; mais il faut les inscrire sur les listes des adjoints avec cette mention : a exercé comme adjoint chargé d'une classe, depuis 18… jusqu'à 18….

Chaque Frère Directeur doit préparer, sans aucun retard, la liste du personnel de sa maison, avec une colonne d'observations destinée à recevoir les titres que chaque Frère peut avoir, d'après la nouvelle loi, pour pouvoir continuer à exercer les fonctions d'adjoint, sans brevet, lors même que quelques-uns de ces Frères ne seraient pas employés en ce moment à l'enseignement.

Il importe surtout de faire constater que les Frères qui ont contracté l'engagement décennal le réalisent, comme employés dans une maison dépendante de l'Institut, et qu'ils prennent part à l'enseignement. Autant que possible, il sera bon que ces Frères soient chargés d'une classe. Ne mentionner cette circonstance qu'autant qu'elle sera exigée par MM. les Inspecteurs.

Ceux qui négligeraient de faire constater leurs titres, s'exposeraient à perdre les avantages auxquels la loi leur donne droit.

Il ne faut pas omettre sur les listes demandées par MM. les Inspecteurs, les Frères de 35 ans et plus qui sont actuellement sans emploi, ou employés au soin du temporel, mais qui ont exercé autrefois comme Instituteurs adjoints. Leurs anciennes fonctions leur donnent droit d'exercer encore sans brevet, comme adjoints.

Dans les Pensionnats, il peut se trouver des Frères non brevetés qui, à cause de leur faible santé ou pour d'autres motifs, ne sont pas employés dans l'enseignement, mais qui y ont été employés autrefois ; s'ils ont exercé dans l'enseignement libre pendant 5 ans ou plus, ils ont acquis le droit de pouvoir être adjoints chargés d'une classe, sans brevet ; il est donc important de ne pas omettre de les porter sur les listes demandées.

Enfin, nos Frères Directeurs doivent apporter tous leurs soins à ne pas laisser compromettre les droits que peuvent avoir les Frères de chacune des quatre catégories désignées dans cette note, soit à la dispense du service militaire, soit à l'exercice de l'enseignement jusqu'au 1ieroctobre 1884, soit à ce même exercice, sans limite d'époque, comme la loi l'accorde à ceux qui ont 35 ans d'âge et 5 ans d'enseignement, en qualité d'adjoints chargés d'une classe.

Nous espérons que l'Autorité académique acceptera les déclarations faites à ce sujet par les Frères Directeurs ; mais il est nécessaire que ceux-ci soient sûrs de leurs déclarations et puissent, au besoin, les justifier par les registres du personnel de la maison.

Dans les pensionnats et autres internats, le registre prescrit par le décret du 30 décembre 1850, article 11, est obligatoire. Ce registre spécial destiné à recevoir les nom, prénom, date et lieu de naissance des maîtres et employés, etc., doit être mis à jour, et RECONSTITUÉ même, si besoin est, pour pouvoir établir la date d'entrée en fonctions d'adjoint de chaque Frère. Ce point est de la plus grande importance, surtout pour les Frères non brevetés, quelle que soit la catégorie à laquelle ils appartiennent.

On devra bien faire constater encore: 1° que les Frères de 35 ans d'âge avaient aussi 5 ans d'exercice, ou plus, comme instituteurs adjoints chargés d'une classe, au 1ier janvier 1884 ;

2° Que les Frères, en ce moment instituteurs adjoints non brevetés, étaient déjà en exercice au 1ier janvier 1881, quel que fût leur âge au-dessus de dix-huit ans.

J'ai la confiance, M. T. C. F., que ces quelques avis pourront vous guider, en attendant que l'Administration nous renseigne exactement sur la manière dont elle entend appliquer la loi ; nous les modifierons alors en les complétant, s'il y a lieu. Mais en ce moment, ne perdons pas de vue qu'à l'exception des Frères compris dans la 1ière catégorie (35 ans d'âge et 5 ans d'exercice) tous les autres devront se présenter devant les Commissions d'examen, dans le laps d'un an, à partir de la promulgation de la loi. Il est probable qu'il y aura quatre sessions dans cette première année ; c'est donc en quatre fois que tout le personnel enseignant, non breveté, et âgé de moins de 35 ans, devra subir l'examen.

Il est sans doute inutile d'insister davantage sur la nécessité des études. Aujourd'hui le brevet s'impose légalement à tous : il faut se présenter aux examens, et se présenter dans le plus court délai possible. A l’œuvre donc avec courage et sainte joie, pour Dieu, pour le salut des âmes et pour la patrie.

 En terminant, je prie le divin Maître, par son Cœur sacré et par la toute-puissante intercession de la bonne Mère et de saint Joseph, de vous bénir, de vous enflammer de son amour, et de nous conduire tous au port de la bienheureuse éternité.

Veuillez agréer la nouvelle assurance des sentiments de très religieuse et bien cordiale tendresse avec lesquels je suis, en J. M. J. et en union de prières,

Mes Très Chers Frères, Votre très humble et tout dévoué serviteur,

                   Frère Nestor.

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