Circulaires 178

Théophane

1893-07-02

Circulaire du 3 mai 1893 : Frères élus Capitulants. - But principal du Chapitre général. - Election du C. F. Climaque,  Assistant. - Actes et décisions du Chapitre général : Piété, formation religieuse. - Attributions des Frères Vicaires provinciaux, - Frères anciens. - Pauvreté. - Divers: Tabac, enseignement du latin. Interdiction des veilles pour les élèves, registres du personnel. - Arrêtés relatifs aux élections des Capitulants. --- Devoirs à remplir après le  Chapitre.

178

51.04.01.1893.3 

V. J. M. J.

Saint-Genis-Laval, le 2 juillet 1893.

   Mes Très Chers Frères,

C'est sous les auspices de la sainte Vierge, dont l'Eglise fête la Visitation en ce jour, que je vous indique l'ordre de nos prochaines Retraites. 

EPOQUE DES RETRAITES EN 1893. 

1. Dumfries (Ecosse), du 20 au 27 juillet.

2. Saint-Athanase-d'Iberville (Canada), du 26 juillet au 2 août.

3. Mataró (Espagne), du 3 au 10 août.

4. Beaucamps (Nord), du 22 au 29 août.

5. Arlon (Belgique), du 5 au 12 septembre.

6. Saint-Genis-Laval, du 27 août au 3 septembre.

7. Hermitage, du 31 août au 7 septembre.

8. Varennes, du 10 au 17 septembre.

9. Aubenas, du 10 au 17 septembre.

10. Saint-Paul-Trois-Châteaux, du 14 au 21 septembre.

11. Notre-Dame de Lacabane, du 20 au 27 septembre.

12. La Côte-Saint-André, du 17 août au 14 septembre.

13. Bourg-de-Péage, du 17 août au 14 septembre.

14. Saint-Didier-sur-Chalaronne, du 17 août au 14 septembre.

 

Les Grands Exercices auront lieu à Bourg-de-Péage et à Saint-Didier pour les Frères Directeurs et Profès des Provinces du Midi et du Centre qui y seront appelés.

Les Frères des Provinces de France, admis à la Profession, seront appelés à la Côte-Saint-André.

Les Retraitants sont invités à se munir du Directoire et du Nouveau-Testament.

Les Grands Exercices auront lieu aussi à Gramby (Canada), du 11 juillet au 8 août.

A Canet-de-Mar (Espagne), du 18 juillet au 15 août.

A  Popayán (Colombie), du 26 juillet au 22 août.

A Dundee (Ecosse), du 13 juillet au 3 août.

Les Frères de Sydney font leur retraite en juillet ceux de Nouvelle-Calédonie, du Cap et des Seychelles font la leur en décembre ; ceux de Nouvelle-Zélande, en janvier. Les Frères de Rome, de Chine et de Constantinople, font aussi leur retraite dans le mois d'août.

 

                MES TRÈS CHERS FRÈRES,

 Nous lisons dans l'Evangile, que Jésus-Christ avait envoyé ses apôtres en divers lieux pour prêcher, et que lorsqu'ils revinrent lui rendre compte de leur mission, le divin Maître leur dit : Venez à l'écart dans un lieu désert, et reposez-vous un peu (S.Marc, VI, 31). A l'exemple du Sauveur, je viens aussi vous convier au repos, au bienfaisant repos de la retraite je viens vous inviter à quitter un moment le champ de bataille pour faire la révision de vos armes, pour les retremper de nouveau.

La vie est un combat : il faut faire notre métier de soldat. Or, ce que l'on demande d'un soldat, c'est la vaillance, c'est la vigilance, la constance et la discipline.

1. – La vie est un combat, Jésus-Christ, nous parlant du royaume de Dieu, nous dit qu'il ne s'emporte que par la violence. « Quiconque, dit-il, désire venir après moi, c'est-à-dire, quiconque veut marcher sous mes étendards et me reconnaître pour son chef, il faut qu'il renonce à soi-même, qu'il prenne la généreuse résolution de porter sa croix tous les jours, et qu'il me suive à travers les difficultés, les misères de la vie et les fatigues du jour.

Il faut renoncer à soi-même. Gardez-vous  bien, dit saint Jean, d'aimer le monde, ni ce qui est dans le monde : d'autant, ajoute-t-il peu après, qu'il n'y a dans le monde que concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et superbe de la vie. Cet orgueil et cette double concupiscence ne sont pas autre chose que nos passions et le trouble qui en résulte, le fruit maudit de notre amour-propre.

Dans l'état d'innocence, où le corps se trouvait si bien du gouvernement de l'esprit, l'homme tout entier tendait à sa fin vers Dieu. Mais l'homme ayant été perverti, l'esprit s'est mis en révolte contre Dieu, et, la vanité, mère du désordre, a fait soulever, par un même coup, la chair contre la raison. De là est venu, ainsi que l'enseigne saint Paul, que l'homme veut en même temps ce qu'il ne veut pas ; il sent en soi deux volontés discordantes, et il est averti de se défier de toutes les créatures. Pour le punir d'avoir voulu se satisfaire contre la loi de son Dieu, il lui est prescrit de renoncer à ses propres inspirations, s'il se veut bien remettre en ses bonnes grâces.

La guerre est donc indispensable: guerre contre le démon, qui est toujours à épier l'occasion de nous perdre; guerre contre le monde et ses vanités; guerre contre nous-mêmes contre l'homme de péché qui habite en nous et qu'il faut vaincre nécessairement, de manière à le soumettre au joug de l'homme spirituel.

Il faut combattre avec courage. Il y a une vaillance militaire ; il y a de même une vaillance chrétienne, laquelle n'est que l'énergie de l'amour divin, le signe de son intensité. Cette vaillance est nécessaire car la question de la vie et de la mort éternelles est pour nous une question de force ou de lâcheté. Le but de toutes ces années que la bonté divine nous permet de passer sur la terre, c'est de mettre Dieu et nous à même de constater si définitivement nous avons assez de courage pour monter, ou assez peu de cœur pour descendre. Il n'y a ici-bas et il ne peut y avoir que des victorieux et des vaincus, ce qui revient à dire des courageux et des pusillanimes, des vaillants et des lâches. Il ne sera rendu à chacun que suivant la mesure de ses œuvres, c'est-à-dire celle de son travail ; et ce travail suppose l'effort et le courage.

2. – Il ne suffit pas au soldat d'être vaillant ; il lui faut aussi la vigilance s'il ne veut pas être surpris par l'ennemi. La vigilance est aussi nécessaire au chrétien. C'est son premier devoir comme sa première sûreté. « Veillez, dit Notre-Seigneur, de peur que vous n'entriez en tentation. » Cette vigilance, Dieu l'a rendue facile pour les chrétiens, surtout pour les religieux: ils nagent en pleine lumière ; le Christ est leur soleil, et ce soleil ne se couche point ; disparu pour les sens, il reste présent et radieux par la foi.

Mais ils ne veillent point, quoiqu'il fasse jour, ceux qui, malgré leur foi, transgressent volontairement la loi divine et tombent dans le déplorable état du péché. Le Christ ne se retire pas d'eux, mais eux-mêmes se retirent du Christ ; et alors l'âme devient une proie livrée à toutes les volontés méchantes du tentateur. La première vigilance à lui opposer est donc celle de l'état de grâce, du retour de l'âme au jour chrétien, à la vraie lumière.

Elle ne veille pas, elle dort et demeure par suite exposée aux coups de l'ennemi, l’âme paresseuse, l'âme molle, lâche, pusillanime, que tout sacrifice épouvante, que tout travail sérieux surmonte ; qui, riche peut-être de désirs, reste pauvre de résolutions, et plus encore d'opérations ; qui se ménage en tout, suit à peu près toujours ses pentes et se laisse aller aux courants. Elle est somnolente et déjà ne veille plus, l'âme tiède à qui ni le souvenir de ses péchés, ni l'expérience des grâces de Dieu, ni la pensée des joies éternelles, ni les saints mystères de Jésus, ni ses salutaires sacrements n'apportent rien qu'une émotion superficielle, passagère et stérile.

De même que rien ne porte au sommeil comme un air chargé de miasmes et de vapeurs grossières, de même aussi, toute faute, fût-elle légère, épaissit plus ou moins l'air que notre âme respire ; et, si les fautes se multiplient, si surtout le cœur s'y affectionne, cet air intérieur devient si lourd que l'âme en est appesantie et ne peut guère, par suite, échapper longtemps au sommeil. Voulez-vous donc veiller toujours ? : que votre conscience reste sans tache.

Veillez sur vous et autour de vous : sur vous, regardant et jugeant l'esprit qui vous pousse, les motifs qui vous déterminent, les intentions qui dirigent vos actes. Cherchez spécialement les côtés faibles et défectueux de votre cœur, sachant que l'ennemi les connaît et les observe, et que c'est par là surtout qu'il essaiera d'entrer.

Veillez autour de vous ; considérez le milieu où votre vie se passe, vos relations, vos habitudes, vos difficultés, les occasions de tentation ou de péché dans lesquelles vous vous rencontrez. « Si quelqu'un aime le danger, il ne manquera pas d'y périr. » Ne vous exposez donc point, sans raison suffisante, au péril, je ne dis pas de pécher, mais même d'être tenté.

Avec la vaillance et la vigilance, il faut encore au soldat la constance, qui le rend ferme, patient, persévérant dans la poursuite du but vers lequel il tend. La constance n'est pas moins nécessaire au chrétien et au religieux. C'est ce que Notre-Seigneur nous fait entendre par ces paroles : « Qui veut venir après moi, qu'il renonce à soi-même et porte sa croix tous les jours. » Ces mots tous les jours n'expriment autre chose que la nécessité de persévérer, d'être constant à marcher dans la voie de la perfection ; ce que Notre-Seigneur nous enseigne également par ces paroles : « Celui qui, après avoir mis la main à la charrue, regarde en arrière, n'est pas propre au royaume des cieux. » Ilfaut combattre sans relâche, avancer toujours pour ne pas reculer et marcher de victoire en victoire. Le travail doit être continuel en ce monde, puisque la récompense dans le ciel doit être éternelle.

Écoutons l'apôtre S. Paul nous disant : Je cours incessamment vers le but de la carrière, c'est-à-dire je poursuis toujours ma route, allant de l'avant. Mais considérant entre son Maître et lui une distance infinie, il s'étonne d'avoir si peu avancé, et il oublie ce qui est derrière lui, c'est-à-dire qu'il ne fait point d'état de l'espace qu'il a parcouru. Quant à ce qui lui reste, où il ne voit point de bornes, il y tend de toutes ses forces.

Concluons de là que nous devons, dans le genre de vie que nous avons embrassé, tendre sans cesse à la perfection, et, par conséquent, nous efforcer de monter toujours. « Si vous voulez voir le Dieu des dieux en Sion, allez de vertu en vertu. » (PS. LXXXIII, 8.) Ne vous tenez point assuré sur vos vertus par les victoires du passé, car le démon renverse souvent ceux qu'il n'a pu vaincre par un combat opiniâtre, ceux qui s'imaginent être arrivés à la perfection. Combien, en effet, en voyons-nous qui, séduits par ses artifices, se relâchent dans leurs exercices de piété et reviennent aux vanités qu'ils ont quittées !

   4 – Outre la vaillance, la vigilance et la constance, ce que l'on exige encore d'un bon soldat, c'est l'exacte discipline, c'est-à-dire la ponctualité dans l'obéissance, la fidélité à la consigne, la parfaite correction dans la tenue, et le soin d'observer une foule de choses que l’on regarde quelquefois comme des riens, et qui cependant contribuent considérablement au bon ordre. Ainsi doit-il en être du religieux, dont l'obligation est de tendre à la perfection. Donnez-vous donc de garde, M. T. C. F., que l'ennemi ne vous trompe et ne vous jette peu à peu dans quelque relâchement, en vous faisant négliger insensiblement les choses de moindre importance. C'est pourquoi ne dédaignez point les petites choses, ce qui vous semble le moins nécessaire, parce que de là dépendent de plus importantes. Le religieux vigilant et soigneux ressemble à une voûte bien affermie, qui est incapable de tomber quand on la veut pousser tout entière, mais qu'on peut démolir facilement par la désunion des matériaux qui s'en ferait pièce à pièce. Dieu veut que toutes les actions du religieux aient leur prix, et que les plus grandes soient soutenues par les Plus petites. C'est ainsi que ce qui paraît méprisable selon sa nature, devient très considérable par la consé­quence.

Prenez-y garde, car il est facile de se relâcher, et de se persuader qu'il n'est pas besoin de se donner tant de peine ; et cependant il n'y a rien de plus dangereux. La dévotion ne se perd jamais que par le relâchement. Les âmes lâches ne s'aperçoivent pas du changement tant qu'elles ne voient pas une notable altération dans leur conduite. Ah ! se disent-elles, cela est peu de chose : je serai plus exact dans les choses d'importance. N'est-il pas vrai que nous ne nous maintenons que par la grâce de Dieu? Si cela est, d'où vient que l'on se promet d'être ponctuel dans ce qui est important, bien que l'on soit négligent dans les choses de moindre conséquence ? Si vous croyez le pouvoir par vous-même, c'est une grande vanité ; si vous l'attendez de Dieu, c'est une grande imprudence ; car il ne se peut rien concevoir de plus imprudent que de reconnaître que nous dépendons de Dieu, et de lui donner sujet de nous abandonner par nos négligences.

De là, M. T. C. F., nous devons conclure que la négligence des petites choses n'est pas une faute si peu considérable que nous nous l'imaginons ; car elle est extrêmement dangereuse dans ses suites. C'est pourquoi je vous dis avec l'Apôtre : Tenez ferme et demeurez dans Notre-Seigneur (Phil., IV, 1). Mortifiez-vous dans les petites choses, afin de vous habituer à vaincre dans les grandes tentations. Ne permettez pas que l'on puisse jamais vous reprocher ce que le même Apôtre reprochait aux Galates : Seriez-vous bien assez insensés polir vouloir finir par la chair après avoir commencé par l'esprit ? Auriez-vous, poursuit-il, tant souffert en vain ? Non, vous vivrez de telle sorte dans la religion, qu'au jour du jugement, vous n'ayez pas à encourir le reproche qu'en vous, la fin a moins valu que le commencement.

Dites donc, M. T. C. F., en faisant une revue générale dans tous les replis de votre cœur, dites du profond de votre âme-: Ô monde, à qui mon Maître n'a pas pu plaire ; ô monde qu'il a maudit, qu'il a vaincu par sa mort, monde qui es si pernicieux à tant d'âmes, et que j'ai quitté, je renonce à toutes tes vanités, à toutes tes folies. Daignez, ô mon Sauveur Jésus me garder dans vos bras, et ne permettez pas que mes ennemis viennent m'en arracher.

Veillez et priez, M. T. C, F., tournez vos yeux vers la sainte montagne, vers le lieu d'où vous doit venir le secours. Préparez vos cœurs à profiter des grâces et des bénédictions que la retraite va vous apporter.

Dans cette retraite, qui sera pour vous, selon l'expression de saint Basile, comme le camp de Dieu, comme l'arène du combat spirituel, vous ferez la révision de vos armes, vous les soumettrez à une inspection sévère, pour vous assurer qu'elles sont en état de repousser les assauts de l'ennemi. Vous sortirez de ces saints exercices, animés d'un nouveau courage et prêts à voler à de nouveaux combats et à de nouvelles victoires. Puisse la Vierge Marie, vous obtenir à tous la grâce d'une bonne retraite, et celle de croître et de persévérer dans l'amour de son divin Fils ! 

VOYAGE A ROME.

 Je suis heureux de vous entretenir, M. T. C. F., de mon récent voyage à Rome, que j'ai fait en compagnie du C. F. Philogone et du C. F. Stratonique, Assistants.

Partis de la Maison-Mère le 5 juin, nous sommes arrivés à la Ville éternelle le lendemain, à dix heures du matin.

Nous avions d'abord à remplir un devoir bien cher à nos cœurs de religieux et d'enfants de l'Eglise : c'était de présenter les hommages de respectueuse vénération et de dévouement filial de l'Institut, à Sa Sainteté Léon XIII, à l'occasion de son Jubilé épiscopal.

Nous devions ensuite déposer à la Congrégation des Evêques et Réguliers, la relation de l'Institut et les actes du dernier Chapitre Général, comme le prescrivent les Constitutions.

D'autre part, nous désirions suivre la cause si importante de la béatification et de la canonisation de notre vénéré Fondateur, et faire ce qui était en notre pouvoir pour qu'elle soit introduite au plus tôt à la Sacrée Congrégation des Rites.

Je dois vous dire que Dieu a béni notre voyage, et que nous avons tous à l'en remercier.

Voir le Pape, être reçu en audience par le Pape, c'est un événement heureux et toujours nouveau, quelle qu'en soit la répétition. Le récit d'une audience pontificale accordée à vos Supérieurs, vous cause de même M. T. C. F., une satisfaction toujours nouvelle. C'est pourquoi je me hâte de répondre à votre légitime désir à ce sujet. 

Audience du Saint-Père, le 9 juin 1893.

 C'était le beau jour de la fête du Sacré Cœur de Jésus. Nous avions présenté, dans la matinée la demande d'une audience privée au Vatican, très incertains, toutefois, de l'accueil qui lui serait réservé, vu que, depuis le commencement de juin, ce n'était plus le temps des réceptions de Sa Sainteté. Mais, à notre agréable surprise et à notre grande joie, voilà qu'à deux heures et demie de ce même jour, arrive, en notre maison de la via Montebello, un exprès du Vatican, nous apportant la lettre dont la teneur suit : 

Antichambre du Vatican 9 juin 1893.

 Le Révérendissime Frère Supérieur Général des Petits Frères de Marie est prévenu que Sa Sainteté daignera l'admettre à l'audience, aujourd'hui à six heures et demie de l'après-midi.

IL MAESTRO DI CAMERA DI S. S.

P. CAGIANO DE AJEVEDY.

 A l'heure dite, nous nous trouvons au Vatican; on nous introduit directement dans la salle du Trône. Après quelques minutes d'attente, nous sommes invités à entrer dans le cabinet particulier des audiences.

Sa Sainteté, en nous voyant, dit d'une voix douce et forte : « Le Supérieur général des Petits Frères de Marie. Avancez, mes Frères, avancez. »

En un instant, et après les trois génuflexions d'usage, nous sommes aux pieds du Vicaire de Jésus-Christ, qui nous donne tout de suite sa main à baiser.

Quel délicieux moment ! Le Souverain Pontife nous regarde et nous parle comme un père à des enfants bien-aimés.

« A quelle époque votre Congrégation a-t-elle été fondée ? » demande le Saint-Père. Après avoir répondu à cette question, et donné quelques détails qui ont paru l'intéresser vivement, j'ai adressé à Sa Sainteté les paroles suivantes :

« Très SAINT Père,

« Je suis heureux de vous exprimer, au nom de tous les Petits Frères de Marie, les sentiments de profonde vénération et de filial attachement dont leurs cœurs sont pénétrés pour le Vicaire de Jésus-Christ, selon les enseignements et les exemples que leur a laissés leur pieux fondateur, le Père Champagnat. Daigne Votre Sainteté en agréer l'hommage, avec l'humble offrande que nous y joignons comme gage de notre amour filial.

« En retour, j'ose implorer de Votre Béatitude la bénédiction apostolique pour moi-même, pour tous nos Religieux, nos Frères soldats, nos novices, nos juvénistes, nos écoles, nos parents et les bienfaiteurs de nos oeuvres. »

Après cette courte adresse, écoutée par Sa Sainteté avec un visible intérêt, je lui remets le don qui lui était destiné.

« Je l'accepte avec reconnaissance, avec beaucoup de reconnaissance, nous dit le Saint-Père.

« Etes-vous content de la marche de votre congrégation ? me demande-t-il ensuite. Je réponds à Sa Sainteté que l'Institut est en pleine prospérité, grâce à Dieu, malgré les difficultés nombreuses qui nous sont suscitées de divers côtés. Le Saint-Père apprend avec beaucoup de satisfaction que nous sommes répandus dans 88 diocèses, dont 44 en France et 44 hors de France.

– Et vos écoles, sont-elles prospères ?

– Nous avons dans nos écoles environ cent mille enfants. Dans beaucoup de localités, nos classes sont pleines d'élèves, alors que les écoles laïques sont presque désertes. Nous nous attachons spécialement à former nos élèves à la piété, à les associer à l’œuvre de l'Apostolat de la prière, et à leur inspirer la dévotion à la sainte Eucharistie, à la Communion fréquente et au saint Rosaire. Ils nous procurent généralement des consolations, ainsi que les jeunes gens de nos pensionnats, par leur correspondance à nos efforts pour leur faire aimer la religion.

Le bien que vous faites aux jeunes enfants dans vos écoles ordinaires en les instruisant soigneusement de la religion, en les préparant avec zèle à la première Communion et à la pratique de leurs devoirs, est assurément très grand ; mais celui que vous pouvez faire à vos jeunes gens des pensionnats, est bien plus grand encore. C'est dans leur intelligence déjà cultivée que vous pouvez former et enraciner solidement les fortes convictions religieuses pour y rester toujours. C'est ainsi que vous ferez des chrétiens éclairés et militants, comme l'Eglise en a besoin.

Vous faites un grand bien par l'enseignement chrétien : c'est la cause pour laquelle la secte maçonnique est si acharnée contre vous. C'est pour ce motif qu'elle a fait voter les lois qui excluent la religion et les religieux des écoles publiques. La loi sur les Associations que l'on prépare en France est aussi une inspiration de la franc-maçonnerie contre la religion et les congrégations religieuses. La prière et un redoublement de zèle dans l'accomplissement de vos fonctions d'éducateurs religieux, voilà les principaux moyens que vous devez employer pour lutter contre Satan et les ennemis du bien. Il ne faut pas s'étonner que nous ayons à combattre : nous sommes l'Eglise militante. Notre-Seigneur nous a avertis que nous aurions toujours à lutter; mais il nous a dit en même temps qu'il serait toujours avec nous pour nous soutenir et nous faire triompher. »

Après cette exhortation de Sa Sainteté, je lui dis :

« Très Saint Père, une des plus grandes difficultés dit moment en France, pour les Congrégations religieuses, c'est l'application rigoureuse de la loi militaire qui retient nos sujets pendant trois ans sous les drapeaux. Ah ! vous avez bien raison de gémir sur cette funeste loi qui est, comme la loi scolaire, l’œuvre de la franc-maçonnerie. En attendant de meilleurs jours, il faut que ceux qui la subissent prennent les moyens de se conserver dignes de leur sainte vocation. Une exacte et constante vigilance sur eux-mêmes, l'assiduité au grand devoir de la prière, la réception fréquente des sacrements, et enfin une grande énergie de caractère : voilà les moyens qui ont pu et qui peuvent sauver des périls de la vie militaire un grand nombre de séminaristes et de religieux, et leur valoir la bienveillance de leurs chefs et l'estime de leurs camarades. Ce qui est encore bien désirable, c'est que, par cette conduite, ils peuvent exercer un véritable apostolat, inconnu jusque-là dans les garnisons. Le Saint-Père nous demande ensuite si cette loi n'a pas nui au recrutement des vocations. – Je suis heureux de pouvoir lui répondre que jamais nos maisons de recrutement (Juvénatset Noviciats) n'ont été aussi nombreuses, et que nous considérons cela comme une intervention merveilleuse de la divine Providence. « Combien vos sujets restent-ils de temps au Noviciat ? Très Saint Père, nous les admettons vers l'âge de douze ans au Juvénat. Le Noviciat est de deux ans, et nous continuons leur formation religieuse jusque vers l'âge de dix-huit ans, où ils peuvent faire la classe s'ils sont munis du brevet. » Puis, avec une touchante et paternelle sollicitude, le Saint-Père nous fit cette question: « Avez-vous des ressources suffisantes pour subvenir à tous les frais occasionnés par cette longue formation et pour pourvoir à tous les autres besoins de votre si nombreuse Congrégation ? – Très Saint Père, la divine Providence a mis en nos mains deux produits spéciaux, dont l'un est un remède qui a été bien accueilli par les médecins et par le public. Par là nous réalisons quelques petits bénéfices qui nous aident à couvrir une partie de nos dépenses générales. – C'est un signe de la bénédiction de Dieu sur votre Congrégation, continuez à faire valoir ces produits et à vous servir des ressources qu'ils vous fournissent pour le soutien et l'extension de vos oeuvres.

Le Saint-Père a écouté avec une paternelle bonté le C. F. Stratonique qui lui a exposé, en quelques mots, la fondation, les progrès et l'état actuel de notre district de l'Amérique du Nord. Le vénéré Pontife exprime toute sa satisfaction d'apprendre que notre Institut est établi en Amérique, et qu'il y donne l'éducation chrétienne à un grand nombre d'enfants ; et bien volontiers il donne la bénédiction particulière que lui demande le C. F. Assistant pour ce district.

A son tour, le C. F. Philogone demande une bénédiction pour la Province dont il est chargé, et notamment pour les maisons récemment fondées en Algérie. Le Saint-Père l'accorde bénignement et exprime le désir que nous puissions fonder beaucoup d'écoles dans ce pays.

Je serais jaloux, dit alors le C. F. Marie-Urbain, si Votre Sainteté ne donnait pas aussi une bénédiction spéciale à notre maison de Rome, dont la direction m'est confiée.

– Où est-elle située votre maison de Rome ? Est-elle grande ? Vous appartient-elle ? Combien avez-vous d'élèves ? En êtes-vous content ? Après avoir écouté les réponses à ces diverses questions : Je suis heureux, très heureux, dit le Saint-Père, de savoir que les Petits Frères de Marie prospèrent à Rome comme partout ailleurs. Je bénis de grand cœur votre maison, vos Frères et vos élèves.

Pendant cet échange de questions et de réponses, Léon XIII s'est montré d'une bonté, d'une bienveillance et d'une amabilité dont nous avons été ravis. Nous ne pouvions nous lasser de contempler cette noble figure, ce regard vif et pénétrant où brillent à la fois la sainteté, l'intelligence et la santé. Combien on est porté à se réjouir et à bénir Dieu en voyant que, malgré ses quatre-vingt-trois ans, le Vicaire de Jésus-Christ conserve cette force et cette énergie qui lui font tenir d'une main si ferme le gouvernail de l'Eglise Universelle !

« J'aime beaucoup la France, nous a-t-il dit, au cours de l'audience ; il y a beaucoup, beaucoup de bien dans votre pays; mais il y a aussi du mal. J'ai fait tout ce que j'ai pu, je suis tout disposé à faire encore tout ce qui dépendra de moi dans l'intérêt de la France; et j'ai bon espoir qu'une amélioration ne tardera pas à se produire et qu'elle ira ensuite en s'accentuant. »

Grand était notre bonheur d'entendre ces paroles si consolantes et si encourageantes tomber de la bouche de celui qui est en même temps le Vicaire de Jésus. Christ et l'homme le plus clairvoyant des temps présents.

   Il fallut nous décider à prendre congé du Saint-Père. Ce fut à ce moment qu'il se montra le plus paternel et le plus affectueux. Après nous avoir bénis, en employant la formule ordinaire : Benedictio Dei… et nous avoir concédé la Bénédiction apostolique demandée, il nous offrit l'anneau et le pied à baiser, et il poussa la bonté jusqu'à prendre nos mains pour les serrer affectueusement, comme un ami le fait à l'égard de son ami au mo­ment de la séparation : « Courage ! Courage, mes Frères, et confiance »

Tels furent les derniers mots que le grand Pontife Léon XIII nous dit au moment où nous quittions la Chambre d'audience.

Dans l'impossibilité où je suis de rapporter toutes les paroles si précieuses du Souverain Pontife, laissez-moi ajouter, M. T. C. F., que dans le cours de ce délicieux entretien, il nous a recommandé fortement l'esprit de sacrifice et de mortification, le zèle pour le salut des âmes, le grand devoir de la prière, un courage et une confiance que rien ne puisse ébranler. C'est ce que nous nous efforcerons de mettre en pratique, comme profit spirituel à retirer de l'audience exceptionnellement bienveillante que je viens de relater avec tant de bonheur.

Vous n'oublierez pas non plus de profiter de la Bénédiction apostolique qui a été accordée, et à laquelle est attachée une indulgence plénière, que vous pourrez gagner et faire gagner à vos élèves, aux conditions ordinaires, et spécialement en priant et faisant prier pour le Souverain Pontife. 

CAUSE DU VÉNÉRÉ PÈRE CHAMPAGNAT.

 A mon arrivée à Rome, j'ai fait une visite à l'avocat de la Cause, et j'ai appris de lui que, depuis que la copie du procès a été collationnée avec toutes les formalités voulues, il avait déjà bien avancé le travail dont il était chargé.

Nous pouvons espérer que, cette année, le sommaire, l'information, les objections et les réponses seront préparés et imprimés, et que, l'année prochaine, la cause sera introduite, et notre bien-aimé Père déclaré Vénérable.

Une petite notice va être imprimée et envoyée aux Evêques pour demander des lettres postulatoires.

D'autre part, l'Ordonnance des Vicaires capitulaires de Lyon, pour la recherche des écrits du Serviteur de Dieu, est une marche en avant. En voici la teneur :

Mandement de MM. les Vicaires généraux capitulaires du diocèse de Lyon, le siège vacant, pour demander communication des écrits du Serviteur de Dieu, Marcellin- Joseph- Benoît Champagnat, prêtre de la Société de Marie, fondateur des Petits-Frères de Marie.

        Nos très Chers Frères,

Le 21 juillet 1888, Son Eminence le cardinal Foulon, de regrettée et vénérée mémoire, instituait une commission ecclésiastique dans le but de procéder à une information canonique sur la réputation de sainteté, sur les vertus et sur les miracles dit Serviteur de Dieu, Marcellin-Joseph-Benoît Champagnat, prêtre de la Société de Marie et fondateur des Petits Frères de Marie, né à Marlhes le 20 mai 1789 et mort le 6 juin 1840, à l'Hermitage, paroisse de Saint-Martin-en-Coailleux. Les actes de ce premier procès, dit procès de l'Ordinaire, ont été transmis le 12 janvier 1892, à la Sacrée Congrégation des Rites, à laquelle incombe le soin de les examiner, en vue de l'introduction de cette cause de béatification et de canonisation, si intéressante pour notre diocèse.

Par un décret en date du 10 mars 1893 que le zélé postulateur de la cause, le R. P. Nicolet, de la Société de Marie, vient de nous communiquer, le Souverain Pontife nous a chargés de procéder à la recherche des écrits du P. Champagnat, pour les transmettre ensuite à la Congrégation des Rites.

Afin de remplir la mission qui nous est confiée, nous avons ordonnéet ordonnons ce qui suit : 

ARTICLE PREMIER.

 Tous les fidèles qui auraient entre leurs mains des écrits émanés du Serviteur de Dieu Marcellin-Joseph-Benoît Champagnat sont tenus, sous peine des censures de l’Eglise, de nous faire connaître et de nous remettre les dits écrits.

On entend ici par écrits non seulement les livres ou feuilles imprimées dont le Serviteur de Dieu peut être l'auteur, mais tous les manuscrits, lettres, compositions diverses, de quelque nature qu'elles soient, écrites par lui-même ou recueillies dans son diocèse. 

ARTICLE 2.

 Les écrits devront être remis par les fidèles au secrétariat de l'archevêché.

Les personnes qui ne pourraient pas se rendre à l'archevêché devront les confier à MM. les curés de leurs paroisses respectives, qui nous les feront parvenir; elles auront soin d'indiquer leur nom et leur adresse. Les manuscrits seront rendus, si on le désire, dès que le notaire de la cause en aura pris copie.

Tous les écrits devront être déposés au secrétariat de l'archevêché avant le 31 juillet. 

ARTICLE 3.

 La présente ordonnance sera publiée, pendant deux dimanches consécutifs, dans toutes les églises paroissiales du diocèse. Elle sera lue pareillement à la messe principale du prône, deux dimanches de suite, dans toutes les chapelles publiques des communautés religieuses du diocèse.

Donné à Lyon, sous notre seing, le sceau du Chapitre et le contreseing du vice-chancelier de l'archevêché, le 14 juin 1893. 

                                                                 Déchelette, Jeannerot, Ollagnier,

                                                                              Vicaires capitulaires.

Par mandement de MM. les Vicaires capitulaires

                                                     COMTE, Chanoine honoraire,

                                                                 Vice-chancelier de l'Archevêché

LE CARDINAL PAROCCHI, PROTECTEUR DE NOTRE CONGRÉGATION.

 Par un Bref du 25 janvier 1893, Sa Sainteté Léon XIII, accueillant bénignement notre demande, a daigné accorder pour Protecteur de notre Institut, l'Eminentissime Cardinal Lucide-Marie Parocchi, en remplacement de l'éminent Cardinal Howard, décédé.

A cette occasion, nous nous sommes fait un devoir et un bonheur d'offrir à notre Révérendissime Protecteur nos respectueux hommages avec l'expression de notre reconnaissance. Son Eminence nous a répondu par la gracieuse lettre qui suit :

Rome, le 15 février 1893.

   « Mon Très Cher Frère,

« Mes nombreuses occupations m'ont empêché de répondre plus tôt à votre honorée lettre du 28 janvier, dans laquelle vous me remerciez d'avoir accepté la protection de votre Institut. Malgré le surcroît de travail que me donnent l'administration du Diocèse de Rome et toutes les oeuvres qui en dépendent, j'ai accepté avec plaisir cette nouvelle charge, à cause de l'intérêt tout particulier que je porte aux Petits Frères de Marie. Je sais le bien qu'ils font en France et à Rome; j'ai eu la grande consolation de constater par moi-même les heureux résultats qu'ils ont obtenus dans l'éducation de la jeunesse. Je ne doute pas que les Petits Frères de Marie continueront de travailler à atteindre leur but si noble avec le même dévouement que par le passé. Pour les aider dans cette belle mission, je leur promets de grand cœur mon appui et ma protection.

« Veuillez agréer, mon très cher Frère, l'assurance de mon affectueux dévouement en Notre-Seigneur.

« L.-M., Card. Vic. » 

PROROGATION DES CONSTITUTIONS DE L'INSTITUT.

 Très Saint Père,

Le Supérieur Général et les Frères Assistants de l'Institut des Petits Frères de Marie des écoles, dont la Maison-Mère est dans le Diocèse de Lyon, à raison de l'incertitude et des difficultés des temps, supplient humblement Sa Sainteté de daigner proroger les Constitutions de l'Institut, données à l'essai, pour une période de dix ans.

Que Dieu, etc.

En vertu des facultés spéciales concédées par Notre Saint Père le Pape, la Sacrée Congrégation des Eminentissimes et Révérendissimes Cardinaux de la Sainte Eglise Romaine, préposés aux affaires et consultations des Evêques et Réguliers, considérant l'attestation du Vicaire Général Capitulaire de Lyon, a bénignement accordé, à la demande du Supérieur Général, la prorogation des Constitutions à l'essai pour une nouvelle période de dix ans, à partir de la date du présent Rescrit.

Nonobstant toutes choses contraires quelconques.

Rome, le 3 mai 1893.

Signé : J., Card. Verga, Préfet

Jos. M., Arch. de Césarée, Secrétaire

PRÉCONISATION DE MGRCOULLIÉ ARCHEVÊQUE DE LYON.

 Dans le Consistoire tenu par Sa Sainteté Léon XIII, le 15 juin dernier, Mgr Coullié, évêque d'Orléans, a été préconisé et canoniquement institué Archevêque de Lyon, comme  successeur de l'éminent et vénéré Cardinal Foulon, que la mort a ravi récemment au diocèse. C'est un choix dont nous avons lieu de nous réjouir et de bénir la Providence ; car il promet à l'Eglise de Lyon un Archevêque selon le cœur de Dieu, et aux Petits Frères de Marie un père et un protecteur plein de bienveillance. En remerciant le Seigneur de cette heureuse élection, prions pour le digne Prélat qui en est l'objet. 

PROCESSIONS DE LA FÊTE-DiEU A CONSTANTINOPLE.

 Voici ce que nous écrit notre cher Frère Acyndinus, directeur à Constantinople:

« Faire des processions de Fête-Dieu à Constantinople ! cela peut paraître étrange, incroyable, lorsque en France, bon nombre de villes, grandes et petites, en sont privées. Rien n'est cependant plus vrai : nous avons eu à Saint-Benoît, le jeudi même de la Fête-Dieu, une magnifique procession, non seulement dans l'enclos du collège, comme le lundi de Pâques, mais dans les rues de la ville ; et ces rues étaient pavoisées de tous les drapeaux du monde ; elles étaient surtout remplies de curieux de tous cultes, que l'on pouvait compter par milliers, si bien que la procession avait à peine sa place. Et tout ce monde avait une tenue, sinon recueillie, du moins convenable. Les Grecs et les Arméniens faisaient force signes de croix au passage du Saint Sacrement porté par M. Lobry : c'est leur grande dévotion, leur principale prière.

« La police du Sultan maintenait l'ordre. On n'a pas cru devoir lui demander des soldats, cette année, comme par le passé : on a compté sur la tranquillité habituelle et même sur la sympathie de la population, et l'on a eu raison ; car tout s'est très bien passé. La foule était contenue par un sentiment qu'elle ne s'expliquait pas sans doute ; quelque chose commandait le respect plus que n'eussent pu le faire tous les policiers du monde : c'était le Maître qui passait. Et puis les pompes religieuses de l'Eglise catholique sont si belles, si grandes, si dignes, elles laissent si loin les cérémonies des pauvres schismatiques, que nécessairement elles imposent le silence et le respect. Une trentaine de prêtres en chasuble ou en chape accompagnaient le Saint Sacrement, cinq cents jeunes filles en blanc, les bannières, les chants, la musique du collège, tout cet appareil frappait évidemment d'admiration, saisissait de respect ces Turcs, ces Turquesses, tous ces nomades ; car ils avaient une meilleure tenue que beaucoup de chrétiens en France, dans les mêmes circonstances.

« Trois magnifiques reposoirs avaient été dressés pour recevoir le divin Triomphateur; celui du collège n'avait pas moins de 78 mètres carrés de base et 15 mètres de haut. Lorsque, au retour de la procession, on a laissé ouvert le portail du collège, en un clin d’œil l'immense cour a été envahie et jonchée : c'était comme un tapis mouvant, couvrant toute la surface, et un tapis tout éclatant de fleurs de toutes couleurs, depuis le rouge vif jusqu'au blanc immaculé.

« Puisse le Sacré-Cœur avoir compassion de ces pauvres égarés qui, eux du moins, le laissent circuler librement dans leurs rues !

« Le dimanche suivant, c'était à la paroisse Saint-Pierre, la nôtre (car Saint-Benoît n'est pas paroisse), que la procession avait lieu. Là, c'était encore mieux : procession plus nombreuse, d'un parcours plus long, passant par des rues appropriées pour la circonstance, et attirant plus de curieux encore, car c'était par dix mille qu'il aurait fallu les nombrer. Il y avait là, non pas seulement des enfants de chœur, mais des hommes de chœur (de cœur, pourrait-on dire aussi) qui, sans respect humain, portaient falots, bannières, etc., etc.

« A l'Hôpital de la Paix, bel établissement tenu par les Sœur de Saint-Vincent-de-Paul, il y a eu aussi une belle procession, mais privée; les profanes n'y étaient pas admis. On y pouvait prier et chanter tout à son aise; mais là, comme à Saint-Benoît, j'ai dû mettre mon petit savoir musical au service du chef de musique, et figurer dans la fanfare en compagnie de plusieurs de MM. les Lazaristes.

« Nous terminons notre année dans les fêtes : Saint Jean-Baptiste, Saint Pierre et Saint Paul sont fêtes chômées. Le congé de Saint-Louis-de-Gonzague va nous procurer l'occasion de voir la mer Noire : jeudi 22 courant, nous irons dîner sur les rives du Bosphore.

« Nous prions à vos intentions; mais nous comptons aussi sur les prières de Saint-Genis. » 

SECTIONNEMENT.

 Les Frères des Établissements de Saint-Marcel (Ardèche), de Saint-Quentin, de La Roque, de Goudargue, de Notre-Dame de la Rouvière, de Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard), de Saint-Bauzille-de-Putois, de Granges (Hérault), iront faire leur retraite à Aubenas et seront désormais rattachés à cette province. 

RECOMMANDATION CONCERNANT LES BAINS. 

Dans ces jours de grandes chaleurs, il importe de ne pas oublier les prescriptions de la Règle par rapport aux bains : « On ne doit en prendre que comme remède ou avec permission. »

Vous savez par quels terribles accidents la Providence a permis qu'elles fussent confirmées et remémorées.

Malgré ces avertissements réitérés, une nouvelle et triste leçon vient de nous être donnée.

Il y a quelques jours, un de nos Frères Directeurs prenant un bain de mer, y a trouvé la mort dans des circonstances fort douloureuses.

Enfin, j'espère qu'après cette dernière leçon, donnée par la mort, on se gardera bien, à l'avenir, de se mettre hors la Règle. 

VACANCES.

 La cessation des écoles est fixée pour nos externats libres au samedi 12 août, et la rentrée, au lundi 2 octobre. 

NEUVAINE POUR LA FÊTE DE L'ASSOMPTION.

 Pour recommander à Marie tous les besoins de l'Institut et tous nos besoins personnels, principalement nos retraites, nous dirons pendant les neuf jours qui précèdent, à la suite de l'Angélus, les deux invocations : Jésus doux et humble de cœur, rendez mon cœur semblable au vôtre !… Doux cœur de Marie, soyez mon salut !

Pendant l'octave on récitera le Veni Creator et un Ave Maria à la prière du soir, à la place du Veni Sancte.

 

Nos DÉFUNTS.

 F. PALMATIEN, Profès, décédé à Canet-de-Mar (Espagne), le 15 décembre 1892.

F. AUBINUS, Obéissant, décédé à Aubenas (Ardèche), le 15 décembre 1892.

F. AUDOIN, Obéissant, décédé à Saint-Genis-Laval, (Rhône), le 30 décembre 1892.

F. RAYMOND, Profès, décédé à Païta (Nouvelle-Calédonie), le 16 décembre 1892.

    GRAS Jean, Juvéniste, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 7 août 1892.

F. DAMASUS, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 2 janvier 1893.

F. ULFIN, Novice, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 3 janvier 1892.

F. CHRYSOGONE, ancien Assistant, ancien Procureur Général, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 5 janvier 1893.

F. JULES-MARIE, Novice, décédé à Beaucamps (Nord), le 13 janvier 1893.

F. PEPINUS, Obéissant, décédé à Le Bois-du-Verne (Saône-et-Loire), le 24 janvier 1893.

F. MARIE-EPHREM, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 30 janvier 1893.

F. FERRIER-JOSEPH, Obéissant, décédé dans sa famille, à Romeries (Nord), le 1ier février 1893.

    DONEGAN Thomas, Juvéniste, décédé à Glasgow (Ecosse), le 6 février 1893.

F. JOSEPH-CANDIDE, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 7 février 1893.

F. ZOTIQUE, Profès, décédé à La Côte-Saint-André (Isère), le Il février 1893.

F. CHARLES-Louis, Obéissant, décédé à l'Hôtel-Dieu de Lyon, (Rhône), le 15 février 1893.

F. PHOTIN, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 20 février 1893.

F. SATURNINO-JOSE, Novice, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 22 février 1893.

F. ANTHONY, Profès, décédé à Uitenhage (Afrique), le 9 février 1893.

F. SÉBASTIAN, Profès, décédé à Johannesberg (Afrique), le 16 février 1893.

   VILLA Charles, Juvéniste, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 8 mars 1892.

   BOISSIÈRE Victor, Juvéniste, décédé à Notre-Dame de Lacabane (Corrèze), le 12 mars 1893.

F. BIENVENU, Profès, décédé à Aubenas (Ardèche), le 15 mars 1893.

F. PROBUS, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 21 mars 1893.

F. FRÉDEBERT, Novice, décédé dans sa famille, à Caëstre (Nord), le 22 mars 1893.

F. SIMEON, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 30 mars 1893.

F. MARIE-LADISLAS, Obéissant, décédé à Beaucamps (Nord), le 30 mars 1893.

F. ATTIQUE, Profès, décédé à Bordeaux (Gironde), le 10 avril 1893.

F. VALÉRIEN, Obéissant, décédé à Varennes-sur-Allier (Allier), le 24 avril 1893.

F. CYRILLE, Stable, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 25 avril 1893.

F. TERENTIANUS, Profès, décédé à Lavalla (Loire), le 25 avril 1893.

F. BEANUS, Novice, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 25 avril 1893.

F. RAYMUND, Profès, décédé à Hunter's Hill, Sydney (Australie), le 10 avril 1893.

F. PIERRE-EUGENE, Profès, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 1er mai 1863.

F. ANDREW MARY, Profès, décédé à Sydney (Australie), le 2 mai 1893.

F. FIRMIN, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 10 mai 1893.

F. EUBERT, Secrétaire gal et ancien Assistant, décédé à St-Genis-Laval (Rhône), le 18 mai 1893.

F. JEAN-LOUIS, Profès, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 5 juin 1893.

F. GAUDENCE, Profès, décédé à Varennes, le 6 juin 1893.

F. HENRI-ANTOINE, Obéissant, décédé à Arfeuilles (Allier), le 13 juin 1893.

F. ANDRE Profès, décédé à Dunkerque (Nord), le 21 juin 1893.

F. EDISIUS, Novice, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 23 juin 1893.

F. LEON-MARIE, Obéissant, décédé à Gérone (Espagne), le 24 juin 1893.

F. POL-DE-LEON, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 25 juin 1893.

 

Je recommande instamment tous ces chers défunts à vos plus ferventes prières, et vous rappelle, à leur occasion, l'exact accomplissement de nos Règles communes, relativement à nos Frères défunts.

La présente Circulaire sera lue au réfectoire dans nos maisons principales, et à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle.

Je suis, avec la plus tendre affection, en Jésus, Marie, Joseph,

Mes Très Chers Frères, Votre très humble et très dévoué serviteur,

      F. Théophane.

——————————————–

RETOUR

Circulaires 177...

SUIVANT

Circulaires 179...