Circulaires 196

Théophane

1899-12-27

Circulaire du 27 décembre 1899 : Souhaits. - Dévotion au Sacré-Cœur - Piété filiale en­vers Marie. - Prière des enfants pour  l'Eglise et la France. - Chroniques de l'Institut : le cardinal Coullié à l'Hermitage, Visite de la Commission  d'enquête au tombeau du V. Champagnat. - Faveurs attribuées au V. Champagnat. - Cause de béatification du R. P.  Co­lin. - Cause du Père de La Mennais. - Bénédiction des chapelles du Pensionnat de Paris et de la Communauté d'Aubenas. - Les Frères Maristes à la caserne, - Vi­sites épiscopales. - Coup d'œil sur nos œuvres. - Fon­dations en 1899. - Nos Missions (Colombie, Canada, Mexique, Océanie, Afrique du Sud, Turquie, Syrie et autres contrées   d'Orient). - Départs de Frères pour les Missions. - Avis divers: Notices, Avis de décès, Ex­position. - Décès

196

51.04.01.1899.3

 V. J. M.J.

Saint-Genis-Laval, le 27 décembre 1899.

Fête de saint Jean l'Evangéliste.

      Mes Très Chers Frères,

Au moment où va commencer une nouvelle année je ne saurais vous adresser de meilleurs souhaits que ceux qui sont exprimés par l'apôtre saint Paul, dans son Epître aux Philippiens (Chap. 1ier).

Je demande à Dieu que votre charité croisse de plus en plus en lumière et en intelligence, afin que vous sachiez discerner ce qui est le meilleur, que vous soyez purs et sans tache jusqu'au jour de Jésus-Christ, et que vous portiez en abondance des fruits de justice par Jésus-Christ, à la louange et à la gloire de Dieu.

Mais comment se réaliseront ces souhaits tout spirituels, tout célestes, tout divins, que l'Esprit-Saint inspirait à l'Apôtre ? Ce sera par Jésus-Christ, en Jésus-Christ et avec Jésus-Christ, la Lumière du monde, la Voie, la Vérité et la Vie. Oui, pour nous, Religieux, la bonne et heureuse année est toute en Jésus-Christ Notre-Seigneur, toute dans ce mot du même apôtre : Ce n'est pas moi qui vis, c'est Jésus-Christ qui vit en moi. Et c'est ce que nous demandons chaque matin par -cette belle prière : O Jésus vivant en Marie, venez et vivez dans vos serviteurs… Jésus vivant en nous, c'est la vie vraiment désirable, c'est la vraie vie, c'est la grâce, la paix, le bonheur, le centre et la source de tous les biens.

Mais Jésus-Christ a deux vies : sa vie temporelle de trente-trois ans sur la terre, et sa vie éternelle dans le ciel.

La première, qui dure peu, est une vie humble, pénitente, pauvre ; une vie d'obéissance, de souffrance et de croix.

La seconde, qui dure éternellement, est une vie de gloire, d'honneur, de félicité infinie, de bonheur parfait.

Ces deux vies nous sont offertes : la première comme condition indispensable de la seconde ; nous sommes obligés, non contraints, d'arriver à celle-ci par celle-là.

Si donc, usant de notre libre arbitre, aidés de la grâce nous savons, pendant notre court passage sur la terre, embrasser énergiquement, poursuivre constamment et reproduire, à un degré suffisant, en nous-mêmes et dans nos œuvres, la vie humble, la vie pauvre, la vie crucifiée de Jésus-Christ, nous sommes assurés qu'il nous fera participants, après la mort, de sa vie glorieuse, de sa vie éternelle et éternellement heureuse dans le ciel.

Que notre travail de toute l'année, ou plutôt de toute la vie, de tous les jours, de tous les instants, soit donc de faire vivre Jésus-Christ en nous : de penser, aimer, vouloir, parler et agir comme Jésus-Christ, dans les humiliations et la pauvreté, dans les mortifications et les souffrances, comme dans l'honneur et les consolations. Et gardons-nous de nous laisser effrayer de cette humilité, de cette pauvreté, de toutes ces croix que nous apporte la vie de Jésus-Christ. Ce n'est que de loin et en apparence qu'elles sont redoutables : au fond, elles sont remplies de tant de suavité qu'on peut le dire dès aujourd'hui, les plus heureux, sans contredit, pendant cette nouvelle année, seront ceux d'entre nous qui seront les plus humbles, les plus éprouvés, les plus morts à eux-mêmes et à tout. Voyez plutôt l'exemple de Jésus-Christ. En lui, l'humanité perd sa substance et sa personnalité propres pour s'identifier avec la substance divine, pour ne vivre et n'agir que par le Verbe. Mais quel gaindans cette perte ! Tous ses actes, jusqu'aux moindres, devenant des actes du Verbe, deviennent par là même des actes d'une valeur infinie.

C'est dans ces vues et sur ce modèle qu'il faut nous oublier complètement, anéantir le moi humain, pour nous retrouver tout vivants et tout divinisés en Jésus-Christ : ayant ses pensées, ses affections et toute la sainteté de ses divines intentions.

 Ô heureuse année ! ô riche année ! ô excellente année pour quiconque la donnera ainsi tout entière à Jésus-Christ, vivra de son esprit et le fera passer dans toutes ses oeuvres : il portera en abondance des fruits de justice à la louange et à la gloire de Dieu.

Unissons nos vœux, nos prières et nos efforts pour opérer en nous et autour de nous cette sainte et divine transformation.

Et, pour ne pas rester dans le vague, pour en venir à la pratique, soyons des hommes de réflexion, des hommes d'oraison, des hommes d'action ; rappelons fréquemment à notre esprit les solides instructions que nous avons entendues dans nos retraites sur les grandes vérités du salut, sur les vertus religieuses et sur les devoirs de notre état ; ravivons dans notre cœur les pieux sentiments qu'elles nous ont inspirés, et excitons notre volonté à l'accomplissement des généreuses résolutions qu'elles nous ont suggérées

Dieu est infiniment bon et libéral envers nous ; mais en nous distribuant ses grâces avec tant d'abondance, il entend qu'elles produisent en nous des fruits de sanctification et de salut. Souvenons-nous donc de ses bienfaits, non seulement pour l'en remercier, mais encore pour apporter à son service le dévouement, la ferveur, le zèle et la fidélité qu'il a droit d'attendre de nous. « Ce qui témoigne du succès d'une retraite, dit notre Vénérable Fondateur, c'est une bonne volonté agissante, rendue féconde par la grâce de Dieu. » Cette bonne volonté qu'elle soit en chacun de nous pendant tout le cours de cette nouvelle année.

Puisque nous en sommes aux souvenirs de retraite, laissez-moi, M. T. C. F., reproduire ici, pour votre édification, la consécration au Sacré-Cœur, avec l'amende honorable, en forme de litanies, qui a eu lieu devant le Saint Sacrement, à Varennes, dans l'une des retraites de 1899. Elle a été prononcée par le R. P. Prédicateur, du haut de la chaire, dans les termes suivants :

« Seigneur Jésus qui, dans l'Eucharistie où se cache votre présence, ne cessez de répandre sur nous les trésors de votre charité infinie, et qui, le plus souvent, ne recueillez en retour que froideur, indifférence, ingratitude ; très miséricordieux Sauveur, dont rien ne lasse la patience et ne refroidit la tendresse, bon et très doux Pasteur des âmes, de cet humble tabernacle que vous avez choisi pour votre demeure, de cet autel sacré où votre immolation se renouvelle chaque jour, voyez à vos pieds des religieux bien désireux de consoler votre divin Cœur ! Pénétrés de reconnaissance pour vos incessants bienfaits, mais aussi de douleur, de regret et de confusion pour nos innombrables offenses, nous voudrions en ce moment, et pour nous-mêmes toujours infidèles, et pour un monde toujours criminel, vous faire un acte de solennelle réparation. Ecoutez-nous donc, ô notre aimable Sauveur, ô vous que nous serions heureux de consoler; daignez agréer ces accents de notre foi et de notre trop légitime douleur.

« Pour nos irrévérences dans le lieu saint : – les retraitants répondaient Pardon, Cœur de Jésus, pardon.

« Pour les divagations de notre esprit et les froideurs de notre cœur dans les prières et durant les saints mystères. Pardon, Cœur de Jésus,pardon.

« Pour notre peu de préparation à la Communion. Pardon, Cœur de Jésus, pardon.

« Pour le peu de ferveur de nos actions de grâces. Pardon, Cœur de Jésus, pardon.

« Pour nos infidélités à vos divines inspirations. Pardon, Cœur de Jésus, pardon.

« Pour nos péchés de sensualité et d'orgueil. Pardon, Cœur de Jésus, pardon.

« Pour nos péchés d'insoumission et d'impatience. Pardon, Cœur de Jésus, pardon.

« Pour tous nos manquements au grand précepte de la charité fraternelle. Pardon, Cœur de Jésus, pardon.

« Pour les mauvais exemples que nous avons donnés. Pardon, Cœur de Jésus, pardon.

« Pour tous les péchés dont nous avons été la cause ou l'occasion. Pardon, Cœur de Jésus, pardon.

« Pour toutes les fautes de notre vie passée. Pardon, Cœur de Jésus, pardon.

« Pour les blasphèmes des impies contre vous et votre auguste Mère. Pardon, Cœur de Jésus, pardon.

« Pour les insultes et les mensonges de l'hérésie. Pardon, Cœur de Jésus, pardon.

« Pour la coupable indifférence de tant de mauvais chrétiens. Pardon, Cœur de Jésus, pardon.

« Pour les déserteurs de votre culte. Pardon, Cœur de Jésus,Pardon.

« Pour les profanateurs de votre saint jour. Pardon, Cœur de Jésus, pardon.

« Pour les sacrilèges spoliateurs de vos temples et de vos autels. Pardon, Cœur de Jésus, pardon.

« Pour les malheureux instruments de l'enfer dans la propagande de l'erreur et du mal. Pardon, Cœur de Jésus, pardon.

« Pour les indignes profanateurs de votre sacrement d'amour. Pardon, Cœur de Jésus, pardon.

« Pour tous les outrages dont vous accablent les cœurs qui devraient le plus consoler votre divin Cœur. Pardon, Cœur de Jésus, pardon.

« Pour les persécuteurs de votre Eglise et de vos saints dans le monde entier. Pardon, Cœur de Jésus, pardon.

« Ô bonté méconnue ! Ô amour délaissé ! Nous voudrions, s'il était possible, vous offrir une réparation qui égalât l'offense, une action de grâces proportionnée aux bienfaits… Mais hélas ! faiblesse et néant, que pouvons-nous, sinon gémir et soupirer à vos pieds  ?

« Vous qui lisez dans nos cœurs voyez-y nos désirs avec notre impuissance ! En compensation de toutes les amertumes qui ont abreuvé votre aimable Cœur, accueillez, nous vous en prions, tous les transports de vos Anges, toutes les expiations de vos martyrs, tous les gémissements des âmes ferventes, toutes les louanges de vos Saints. Recevez surtout l'amour incomparable du Cœur immaculé de Marie, votre Mère et la nôtre. Mettez dans nos cœurs, avec le regret de nos fautes, l'humilité et la confiance, l'amour et le dévouement. Soyez vous-même ô Cœur adorable de Jésus, notre tout-puissant Réparateur auprès de la Trinité Sainte. Soyez la lumière, la force, l'asile et le rendez-vous de nos cœurs ici-bas, et après les combats de la terre, notre couronne et notre bonheur à jamais dans le Ciel. – Ainsi soit-il. »

Spectacle véritablement émouvant et inoubliable que ce prêtre disant ces invocations, et ces centaines de retraitants prosternés répondant :

Pardon, Cœur de Jésus, pardon ! 

Je ne saurais trop vous recommander, M. T. C. F., de redire souvent et de vous approprier quelques-unes de ces pieuses et touchantes invocations, de celles qui conviennent lemieux à des religieux, qui ont à remplir le devoir de l'expiation pour tant d'horribles blasphèmes vomis de nos jours contre Jésus-Christ et sa sainte Mère. 

DÉVOTION AU SACRÉ-CŒUR.

 Un document précieux venu de Rome sur le culte du Sacré-Cœur a paru dernièrement. Je crois répondre à votre piété en vous en citant les principaux passages.

Sa Sainteté le Pape Léon XIII a éprouvé une jouissance très douce à propos de la promulgation de sa dernière Encyclique, où il a pris l'initiative de consacrer, par un acte solennel, le genre humain tout entier au Sacré Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Un favorable accueil a été fait à cette lettre, et l'on a mis partout un grand empressement à s'y conformer. Les fruits abondants et très consolants, non seulement pour chaque fidèle en particulier, mais pour toute la famille chrétienne et même pour le genre humain tout entier, doivent résulter de cette consécration solennelle, car (tous en ont le sentiment intime) combien n'est-il pas nécessaire que la foi trop languissante se ravive, que s'allument les flammes d'une charité sincère, qu'un frein soit mis à la fougue des passions, et qu'un remède soit apporté à la corruption des mœurs qui s'accentue de jour en jour ?

Tous doivent désirer que la société humaine se soumette à l'empire très doux de Jésus-Christ, et que les Pouvoirs civils eux-mêmes connaissent et révèrent la puissance royale qui lui a été donnée d'En-Haut sur toutes les nations. Ainsi se développera de plus en plus l'Eglise de Jésus-Christ qui est son royaume ; ainsi jouira-t-elle de cette liberté paisible qui lui est absolument nécessaire pour aller à de nouveaux triomphes. Enfin, tous, nous devons nous efforcer, par nos oeuvres de piété, d'offrir à la divine Majesté des compensations et des réparations pour les outrages très graves et sans nombre qu'elle reçoit chaque jour de l'ingratitude des hommes.

Mais, pour que la bonne semence dont nous parlons produise une riche germination et une moisson encore plus abondante, il est nécessaire que le renouveau de piété qui s'est manifesté envers le Sacré-Cœur, non seulement se maintienne avec persévérance, mais se développe continuellement ; car la persévérance constante dans la prière fera pour ainsi dire, violence au très doux Cœur de Jésus, pour qu'il nous ouvre ces sources de grâces, qu'il désire très ardemment répandre sur nous, comme il l'a manifesté plus d'une fois à sa bien-aimée servante Marguerite-Marie Alacoque.

Aussi le Souverain Pontife exhorte vivement les Evêques de tout le monde catholique à aviser aux moyens les plus propres à atteindre le but si désiré.

Le Saint-Père encourage la coutume déjà établie dans plusieurs églises, pendant tout le mois de juin, d'offrir au Sacré-Cœur divers hommages de piété. Il accorde aux fidèles une indulgence de 300 jours toutes les fois qu'ils assisteront à ces pieux exercices, et une indulgence plénière à ceux qui y assisteront dix fois dans le mois.

Sa Sainteté recommande fortement les pratiques de dévotion au Sacré-Cœur pour le premier vendredi de chaque mois.

De plus, le Saint-Père désire vivement que les jeunes gens s'enrôlent dans les Sociétés dites « Pieuses Assemblées ou Confréries du Sacré-Cœur[1]».

Si tout hommage de piété, venant des fidèles, plaît au divin Rédempteur et en est favorablement accueilli, il a surtout pour agréable celui qui est formé par de jeunes cœurs. Il n'est pas possible que de pieux exercices en l'honneur du Sacré-Cœur, et la connaissance de son amour ineffable, ne domptent les passions de la jeunesse et ne lui soient de puissants stimulants à la pratique de la vertu.

On pourra tirer bon profit du Petit Catéchisme sur le Sacré Cœur de Jésus et sur le Saint Cœur de Marie, opuscule dû à la piété d'un Frère Mariste, qu'on trouvera dans nos Procures provinciales. 

EXTRAITDE LA « SEMAINE RELIGIEUSE »

DU DIOCÈSE DE LYON

(6 octobre 1899). 

PIÉTÉ FILIALE ENVERS MARIE. 

Nous ne faisons tous avec Jésus-Christ qu'un seul corps dont il est le chef, la tête, et dont nous sommes les membres (Ephés., IV, 15, 16).En consentant à devenir la Mère du Fils de Dieu fait homme, Marie acceptait par là même de devenir la Mère de tous les hommes. Elle l'est devenue en effet à Bethléem, où elle n'a pu enfanter le Chef sans les membres du corps mystique du Christ. Enfin, en s'immolant avec son Fils bien-aimé sur le Calvaire, elle nous a engendrés avec lui à la vie de la grâce; elle a coopéré pour sa bonne part à notre rédemption. Aussi bien Jésus-Christ manifestant le mystère qui venait de s'accomplir en secret, et déclarant en forme solennelle de testament ses volontés dernières, l'a-t-il proclamée du haut de la croix Mère des hommes. Il a dit à Marie en lui désignant saint Jean qui représentait le genre humain : « Voilà votre enfant » ; il a dit à saint Jean en lui montrant Marie : « Voilà votre Mère ». Depuis ce moment, elle ne cesse d'engendrer à Dieu de nouveaux enfants, de nouveaux héritiers du royaume des cieux. Reposons-nous sur Marie de sa fidélité à remplir les volontés dernières de Jésus mourant sur la croix. Préoccupons-nous plutôt d'exécuter la clause du testament divin qui nous concerne.

Par la première partie de ce testament, Marie est instituée notre Mère, avec charge pour elle d'avoir à en remplir toutes les fonctions à notre égard.

Par la seconde partie du testament, nous sommes institués enfants de Marie, avec charge pour nous d'avoir à remplir vis-à-vis d'elle tous les devoirs d'un enfant bien-né envers la meilleure des mères. A l'amour maternel de Marie doit donc correspondre de notre côté la piété filiale envers notre Mère du Ciel. Or, la piété filiale se compose de respect, de déférence et d'amour.

Rendez à votre mère le respect, l'honneur, le culte qui lui est dû, disait Tobie mourant à son fils (Tob., IV, 3). Le respect est commandé soit par les qualités, soit par la dignité de la personne qui en est l’objet ; et, quand la vertu s'ajoute à la dignité, le respect peut aller jusqu'à un véritable culte. En Marie, toutes les vertus sont unies à la plus haute dignité. Tant que le culte que nous lui vouerons ne sera pas opposé, supérieur ou égal à l'adoration qui n'est due qu'à Dieu, nous ne saurions excéder la mesure. Nous ne l'honorerons jamais autant que Dieu lui-même l'a honorée en faisant d'elle sa fille de prédilection, l'épouse du Saint-Esprit et la Mère de son Fils. Tout Dieu qu'était Jésus, l'amour qu'il avait pour Marie était mêlé de cette crainte filiale et respectueuse que tout enfant bien-né éprouve pour une mère digne de ce nom. Lui, dont le cœur eut toutes les délicatesses et toutes les générosités, comment n'aurait-il pas éprouvé autant de vénération que d'amour pour celle qui fut tout ensemble la mère la plus tendre, la Vierge la plus pure, la femme la plus cruellement éprouvée ?

L'Histoire Sainte nous raconte que Salomon, voyant venir à lui sa mère Bethsabée, se leva de son trône, se porta à sa rencontre, lui fit une profonde révérence, et, la prenant par la main, la fit asseoir sur son trône à sa droite (Ill Rois, 11, 19). Jésus ne s'est pas montré moins respectueux envers sa mère. La voyant monter au ciel, il s'est levé en quelque sorte de son trône, il est allé au-devant d'elle, et, la prenant par la main, il l'a fait asseoir sur un trône à sa droite. C'est à ce trône de Marie qu'il nous faut porter maintenant nos hommages. Mais comprenons-le bien : le culte qui lui est le plus agréable et qui en même temps nous est le plus avantageux, est de chercher à lui ressembler. Une mère aime à se voir revivre, à se reconnaître en ses enfants. Quand un fils de famille a dans les veines un sang illustré par les vertus de ses ancêtres, il sent son cœur frémir, agiter de grandes pensées, de généreux désirs ; il brûle de marcher sur de si nobles traces, de ne pas dégénérer de la valeur et de la piété de ses pères. Noblesse oblige. Telle mère, tel enfant. Si nous sommes enfants de Marie, faisons les oeuvres de Marie (Jean, VIII, 39).

Célébrons ses grandeurs, mais imitons aussi ses exemples ; chantons ses louanges, mais pratiquons aussi ses vertus, celles du moins qui sont à notre portée, sa foi, son humilité, sa douceur, sa pureté, son ardent amour de Dieu et des âmes. C'est ainsi que nous lui ferons le plus honneur, que nous lui témoignerons le mieux notre respect, notre culte filial. De notre Mère du Ciel, plus encore que de notre mère de la terre, il est vrai de dire que l'honorer, c'est amasser des trésors (Eccli., III, 5).

La déférence (je dis la déférence et non seulement l'obéissance) va plus loin que le respect. C'est une disposition habituelle à aller au-devant des volontés de notre mère, à lui sacrifier nos préférences et nos caprices, à accéder à ses désirs comme à des ordres. De même que l'enfant, avant sa naissance, n'a d'autre vie physique que celle de sa mère, de même, après son arrivée au jour, il n'a longtemps d'autre conscience que celle de sa mère. Pour lui, le bien, c'est ce que sa mère veut, ce qu'elle lui dit être la volonté de Dieu. A quelque âge que nous soyons arrivés et quelle que soit notre science acquise, nous sommes toujours enfants, de tout petits enfants, au regard de notre Mère du Ciel. Ce qui lui plaît, c'est cela même que nous devons faire ; ce qui lui déplaît, c'est ce que nous ne devons pas faire. La contrister, c'est offenser Dieu ; lui obéir, c'est obéir à Dieu. Obéissance d'autant plus facile que nous savons qu'elle ne nous demande rien que de conforme à nos meilleurs intérêts, à notre bonheur éternel ; que nous pouvons nous confier en toute assurance à sa sagesse et à sa bonté que nous ne saurions trouver de guide plus sûr et plus dévoué. Ici encore, Jésus-Christ, notre frère aîné, nous a donné l'exemple. Il leur était soumis (Luc, 11, 51). Il était parfaitement soumis à Marie ; il abdiquait entre ses mains toutes ses prérogatives divines ; il n'avait d'autre volonté que la sienne ; il s'abandonnait entre ses bras maternels pour se laisser conduire ; il s'inclinait devant ses ordres, il était attentif à ses moindres désirs. Il a fait son premier miracle pour condescendre aux désirs de sa mère, devançant l'heure où il avait résolu de manifester sa divinité.

Et quels sont donc les désirs de Marie ? C'est que nous obéissions en toutes choses à son divin fils : « Faites tout ce qu'il vous dira », recommandait-elle aux serviteurs de Cana (Jean, 11, 5). Marie ne peut vouloir que ce que Dieu veut, comme, dans une famille parfaite, la mère n'a d'autre volonté que celle du père. En obéissant à sa mère, l'enfant obéit aussi à son père par un seul et même acte. C'est ce qui explique que Jésus, en déférant à l'avis de sa très sainte Mère, ne faisait qu'accomplir la volonté de son Père céleste ; et c'est ce qui justifie la confiance enfantine des catholiques en Marie. Soyons à ses pieds comme ces enfants qui ont les yeux constamment levés vers leur mère, afin de lire sur son visage ce qui lui est agréable ou ce qui lui est désagréable ; afin de trouver sur son visage l'approbation ou le blâme, la meilleure récompense ou le châtiment le plus sensible de leur conduite.

N'oublions pas les douleurs au milieu desquelles Marie nous a enfantés sur le Calvaire, au pied de la Croix. Souvenons-nous que sans elle nous ne serions pas nés à la vie de la grâce, et rendons-lui l'amour dont elle nous a prévenus (Eccli., VII, 29-30).

Le troisième devoir de la piété filiale est cette dette sacrée d'amour que tout enfant contracte envers sa mère et dont il ne peut jamais s'acquitter complètement. Quoi qu'il fasse, en effet, il n'aimera jamais sa mère autant que sa mère l'a aimé ; il ne fera jamais pour sa mère tout ce que sa mère a fait pour lui. Il lui témoigne du moins autant qu'il le peut sa reconnaissance en restant auprès d'elle,sous se yeux, sous sa main ; en conversant avec elle familièrement, confidentiellement car un enfant n'a pas de secret pour sa mère ; en venant chercher auprès d'elle les conseils de sa sagesse et de son expérience, les secours de sa protection. Il semble que ce soit là le plus doux des devoirs, que le négliger est impossible.

Et pourtant Marie n'est-elle pas trop souvent une mère délaissée ? Combien de chrétiens sont pour elle des enfants oublieux ! L'Esprit-Saint nous a dit pourquoi il y a des enfants qui fuient leur mère : Quifugat matrem, ignominiosus est et infelix(Prov., XIX, 26). C'est qu'ils ne se sentent plus dignes d'elle ; c'est qu'ils n'ont plus à lui faire que des confidences dont il leur faudrait rougir; c'est qu'ils savent bien que leur sottise, leurs désordres, la font gémir et pleurer; que, du jour où la passion a triomphé en eux du devoir, en devenant moins purs, ils sont devenus moins bons enfants de Marie. Elle qui est vraiment la Mère de leur âme, elle qui voit dans la vie autre chose que le plaisir, elle sait qu'ils en dissipent follement les ressources, elle s'en afflige. Son regard et sa tristesse leur sont un secret reproche qu'ils ne peuvent soutenir, qu'ils n'osent affronter. Et cependant, ô pécheur, si bas que tu sois tombé dans l'abîme, aie donc le courage de lever les yeux au ciel, et tu y apercevras le doux visage de la bonne Mère tournant vers toi des regards miséricordieux ; illos misericordes oculos.Regarde bien… Rien de sévère ; tout est doux, tout est suave en elle. Si tu lui découvres quelque chose qui ressemble à une indignation, à un reproche, à une dureté, je consens à ce que tu te détournes. Mais, si comme il est vrai, tout en elle respire la mansuétude et l'indulgence, bénis Dieu de t'avoir donné une mère faite exprès pour dissiper toutes tes inquiétudes. Jette-toi dans ses bras maternels grands ouverts pour te recevoir. Elle déteste en toi le péché, sans doute, mais elle aime encore le pécheur, et d'autant plus qu'il est plus coupable, c'est-à-dire plus malheureux. Elle n'a qu'un désir au cœur, mais un désir ardent, passionné, c'est de te faire obtenir ton pardon du Père qui est dans les cieux, afin que tu redeviennes digne d'être aimé.

Monstra te esse Matrem. O Marie, montrez-vous mère – Mère de Dieu, pour obtenir ses grâces; mère des hommes, pour nous accorder ce dont nous avons besoin.

Monstra te esse filium. Et nous, montrons-nous enfants de Marie, des enfants dignes d'une telle Mère, afin que, admis un jour au ciel, nous méritions d'entendre Jésus répéter à Marie, en nous présentant à elle : « Voilà votre enfant » et nous dire à nous-mêmes en nous montrant Marie « Voilà. votre Mère… et pour l'éternité ! » 

LA PRIERE DES ENFANTS POUR L'EGLISE ET LA FRANCE. 

Le prophète Joël, chargé d'annoncer au peuple d'Israël les châtiments qui devaient l'accabler exhortait la nation tout entière à recourir à la miséricorde du Seigneur. Il fallait, disait-il, convoquer l'assemblée et réunir le peuple; il fallait appeler les vieillards et amener les enfants, ceux mêmes qui étaient encore à la mamelle.

Les prêtres du Seigneur devaient demander pardon pour la nation coupable.

Dans la situation malheureuse où se trouve la France, il est bien urgent d'implorer, pour elle la divine miséricorde.

Mais le peuple français songe-t-il à demander à Dieu le secours dont il a un si pressant besoin ? Y a-t-il, dans notre pays, beaucoup de vieillards qui comprennent le besoin de la prière ?

Il ne faut pas néanmoins se laisser aller au découragement. Il y a, pour la France, un moyen de salut que l'on aurait tort de négliger : c'est la prière des enfants.

C'est ce moyen que la Sainte Vierge a recommandé, au lendemain de nos désastres, il y a vingt-huit ans.

Le 17 février 1871, de vaillants chrétiens, profondément touchés des malheurs de l'Eglise et de la France, faisaient le vœu de contribuer à l'érection d'un sanctuaire qui serait dédié au Sacré Cœur de Jésus, pour obtenir le pardon des fautes commises et nous rendre Dieu favorable.

Ce jour-là même, la Sainte Vierge, apparaissant à plusieurs enfants de Pontmain, leur disait : «  Priez, mes enfants, mon Fils se laisse toucher. »

La prière des enfants, voilà un moyen bien faible en apparence, qui pourra néanmoins procurer le salut de notre pays. Si dans toutes les paroisses, dans toutes les familles, dans toutes les écoles chrétiennes, on faisait prier les enfants pour la France, Dieu se laisserait toucher par les supplications de ces anges de la terre; il nous pardonnerait, il nous rendrait sa protection.

Elle est bien puissante sur le Cœur de Dieu la prière des enfants, et surtout la prière de l'enfant chrétien. Si toute prière bien faite est exaucée, suivant la promesse de Notre-Seigneur, la prière de l'enfant qui a gardé l'innocence peut-elle être rejetée ? L'Esprit-Saint prie dans cette âme candide, sans rencontrer d'obstacle à son action divine. Il rend éloquente la langue des enfants. La voix de l'innocence a sur le Cœur de Dieu un pouvoir irrésistible. La prière des enfants suffit pour le désarmer.

Les Livres Saints nous fournissent d'éclatants témoignages de cette puissance merveilleuse de la prière des enfants.

Quand Holopherne assiégeait Béthulie, les prêtres qui se trouvaient dans la ville placèrent un grand nombre d'enfants à la porte du temple, et les firent crier vers le Seigneur. Ils pensaient que la prière des enfants unie à celle du peuple, leur obtiendrait les secours dont ils avaient besoin, pour repousser victorieusement les attaques de l'ennemi. Ils ne furent pas déçus dans leur attente (Judith, VII, 12).

Jonas, après avoir annoncé la prochaine destruction de Ninive, se plaignit à Dieu de ce qu'il avait épargné cette ville coupable. Et Dieu lui répondit : « Comment n'aurais-je point pardonné à une ville dans laquelle il y a plus de 120.000 enfants qui ne savent pas encore distinguer leur main gauche de leur main droite ?» (Jonas, IV, 11).

Dieu a épargné les habitants de Ninive, non seulement parce qu'ils ont fait pénitence, mais aussi en considération du grand nombre d'enfants que renfermait la cité.

Le saint roi Josaphat, attaqué par des ennemis nombreux et puissants, convoque devant le Seigneur tout le peuple : les hommes, les femmes, les enfants, ceux mêmes qui étaient encore sur le sein de leur mère. Dieu touché par cette supplication universelle, accorde la victoire à son peuple (Il Par., XX, 13, 25).

Dans les grandes calamités, Dieu lui-même indiquait eux fils d'Israël, la prière des enfants comme la ressource suprême.

C'est ce moyen qu'ont souvent employé les hommes de foi dans les moments d'épreuves, quand ils se trouvaient en présence d'obstacles difficiles à surmonter ; quand ils voulaient obtenir des secours extraordinaires.

Lorsqu'en 1590, la peste faisait à Paris de nombreuses victimes, l'autorité ecclésiastique ordonna une procession solennelle dans les rues de la ville, et l'on plaça en tête de cette procession les enfants portés sur les bras de leurs mères, comme étant les plus capables d'apaiser la colère de Dieu et d'attirer sa clémence.

Saint François-Xavier se servait des enfants pour convertir les infidèles. Il les réunissait au pied des autels pour leur faire chanter les louanges de Dieu, leur enseigner la doctrine chrétienne et prier avec eux pour la conversion des païens. Il les envoyait ensuite répéter partout ce qu'ils avaient appris. Le saint missionnaire se plaisait à dire que les prières de ces petits apôtres lui étaient d'un grand secours pour la conversion des infidèles.

Saint Philippe de Néri faisait la même chose à Rome qu'il a évangélisée pendant de longues années. Quand les pécheurs résistaient à ses pressantes exhortations, il allait, une clochette à la main, appeler les enfants à la prière, puis, agenouillé avec eux devant le Saint Sacrement, il leur faisait dire : « Jésus, mon Sauveur, ayez pitié des pauvres pécheurs. » Il appelait les enfants ses aides de camp pour la conversion des pécheurs.

Saint Vincent Ferrier donnant une mission à Rennes, en 1516, fit élever sur la place principale de la ville un trône à la Sainte Vierge, autour duquel il convoquait chaque jour tous les enfants de la cité. Après des prières et des chants adressés par ces anges de la terre à la Reine du Ciel, il les envoyait comme autant d'apôtres à la conquête des âmes de leurs parents.

L'histoire nous apprend que dans cette mission de tous les habitants de la ville, pas un ne résista à l'appel de Dieu. Le zélé missionnaire attribuait surtout à la prière des enfants ce résultat extraordinaire.

Saint Vincent de Paul employait avec succès le même moyen, dans ses missions, pour convertir les âmes. Ce moyen, il le recommandait sur son lit de mort aux Prêtres de la Mission : « Prions beaucoup, leur disait-il, faisons prier et surtout faisons prier les enfants. »

Profitons de ces enseignements, imitons ces exemples, faisons prier les enfants, faisons-les prier pour la France, et leurs prières attireront sur notre pays, avec la grâce du pardon; des bénédictions abondantes.

Malgré la persécution dirigée contre les Congrégations religieuses, il y a encore en France plus de cent mille religieuses, plus de trente mille religieux, dont un grand nombre ont sous leur direction des milliers et des milliers d'enfants. Si tous ces enfants récitaient chaque jour une prière pour la France, combien de grâces on pourrait obtenir !

Il y a en France, de six à sept cent mille enfants qui se préparent chaque année à leur première communion. Dans ce nombre, il en est beaucoup qui ont conservé l'innocence baptismale, et dont la prière est particulièrement agréable à Dieu. Si, chaque fois qu'on réunit ces enfants pour l'instruction religieuse, on leur faisait réciter une prière pour la France, qu'elle serait puissante cette prière des amis préférés dit divin Sauveur !

Que partout on fasse prier les enfants ; et Dieu se laissera toucher. 

PRIÈRES A RÉCITER 

Bien qu'on ait toute liberté pour le choix des prières 'voici, pour l'uniformité, l'indication de celles que l'on conseille de réciter chaque jour :

1° Trois fois la salutation angélique en l'honneur de l'Immaculée Conception de la B. Vierge Marie.

2° Les trois invocations suivantes :

   Cœur Sacré de Jésus, ayez pitié de nous.

   O Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous.

   Saint Joseph, priez pour nous.

Faire réciter ces prières une fois chaque jour, dans toutes les écoles libres, dans tous les pensionnats.

Réunir quelquefois les enfants à l'église pour faire une courte visite au Saint Sacrement, et réciter avec eux une prière pour la France.

Un écrivain célèbre, Donoso Cortez, a dit un jour cette parole profonde : « La prière fait plus que les batailles. » Oui, la prière est une arme plus puissante que toutes les forces d'ici-bas. Si faibles que soient les enfants, leur prière est plus puissante que tous les secours humains.

Unissons nos prières à celles de ces anges terrestres pour la France et pour l'Eglise. Implorons avec eux la protection de Marie Immaculée, qui dans le cours de ce siècle a donné à la France des témoignages si éclatants de sa sollicitude maternelle. Avec eux, supplions le divin Cœur de Jésus de répandre sur la France les trésors de sa miséricorde.

Cet immense concert montera vers le ciel et fera descendre sur notre pays une pluie de bénédictions.

Le Cœur de Jésus sera pour nous « le remède de tous les maux qui affligent le monde, l'arche sainte du salut pour échapper au naufrage universel, le propitiatoire où la justice éternelle s'apaise, où les fléaux sont arrêtés. » (Léon XIII). 

CHRONIQUES DE L'INSTITUT 

Sous ce titre, nous vous donnons connaissance de faits et de documents se rapportant à l'année 1899, et qui peuvent vous intéresser et vous édifier, soit qu'ils regardent l'Instituten général, soit qu'ils aient pour objet un établissement particulier. 

I. – PÈLERINAGE DE S. E. LE CARDINAL COULLIÉ,

Archevêque de Lyon,

Au Tombeau du Vénérable MARCELLIN CHAMPAGNAT. 

Hermitage (Loire). – Lundi soir, 12 juin, les Frères et les Novices de Notre-Dame de l'Hermitage, les Juvénistes de Lavalla formaient une longue procession, commençant sous le gracieux arc de triomphe élevé à l'entrée de la chapelle pour se terminer à la route du barrage de la Rive. Depuis le court passage du Cardinal de Bonald dans notre vallée, il y a près d'un demi-siècle, les Petits Frères de Marie n'avaient pas eu l'honneur de recevoir un prélat revêtu de la pourpre romaine. Aussi, les yeux, après avoir rapidement exploré les deux chemins venant de Saint-Chamond, se reportaient souvent sur le beau cadre placé au-dessus de l'entrée principale, entouré d'arbres verts et de riches tentures, au milieu des drapeaux de la France et de Léon XIII, habilement groupés par le C. F. Romain.

Là se détachait, frappante de ressemblance, la douce et souriante figure du vénéré Pontife, dont la présence était impatiemment attendue. Les enfants du V. Champagnat contemplaient l’œuvre si parfaite de leur confrère de Saint-Genis-Laval (le F. Emilianus), redisaient joyeux les paroles inscrites dans les cartouches, dessinés à droite et à gauche : Il est notre Père. – Il vient nous bénir.

Enfin, la voiture du Cardinal est signalée. Bientôt apparaît Son Eminence, accompagnée de Mgr Bonnardet, vicaire général, archidiacre de Saint-Etienne. Le T. R. Frère Théophane et les Supérieurs de la province s'approchent avec le clergé.

La longue ligne des enfants de chœur monte lentement vers la chapelle dont la décoration intérieure est entièrement renouvelée à l'occasion de cette première visite d'un prince de l'Eglise. Les chandeliers, la croix d'or resplendissent au soleil. Le vent se joue dans les soutanes rouges et les surplis de dentelles. Les aumôniers offrent l'eau bénite et le cortège, au chant du Benedictus, s'avance vers le sanctuaire splendidement illuminé.

Son Eminence est conduite au prie-Dieu préparé devant le vieil autel, complètement restauré, sur lequel, si longtemps, le Vénérable Fondateur a célébré le Saint Sacrifice.

M. le chanoine Bouvard, archiprêtre de Saint-Pierre, donne aussitôt la bénédiction du Très Saint Sacrement et récite, au pied du tabernacle, les Acclamations que cinq cents voix répètent pieusement après lui.

Suivi du R. F. Supérieur Général, des Pères Aumôniers, de M. le Curé de la paroisse et de M. l'Aumônier du Juvénat, le Cardinal vient alors s'agenouiller devant le tombeau et le portrait du Vénérable Champagnat. On admire le modeste monument inauguré la veille. Un arc surbaissé en pierres blanches, sobrement sculpté, porte, au sommet, une croix ; aux deux angles, formés par les colonnes qui servent de support, les initiales entrelacées M. C. (Marcellin Champagnat), et les dates de la mort du vénéré Père, de l'introduction de la béatification : 1840-1896. Au-dessous, sur une plaque de marbre, une inscription rappelle l'époque du transfert en ce lieu. Un tapis recouvre le caveau protégé par une grille ouvragée.

Au dehors, dei; mères guettent la sortie du Cardinal pour lui présenter leurs petits enfants. Au premier rang se tient une jeune fillede 12 ans, Marie Lyonnet. Renversée par un lourd tombereau sous lequel elle était restée meurtrie, le 7 septembre 1898, elle attribue sa guérison au Vénérable et vient avec sa mère, le redire au premier Pasteur du diocèse.

A la cérémonie religieuse succède la réception solennelle par la communauté. Sous le vaste préau de la nouvelle maison d'études, une estrade avait été dressée. De tous côtés, par les soins du Frère Sindulphe, draperies aux vives couleurs, inscriptions, oriflammes, banderoles, attirent les regards. L'image, la bannière de la Vierge lorraine rappellent que l'archevêque de Lyon n'a pas oublié son premier titre d'évêque d'Orléans.

Salué par un joyeux vivat, Monseigneur est ensuite complimenté par le Frère Sous-directeur du Noviciat qui dit, en termes délicats, la vive allégresse et la reconnaissance de tous. La chorale se fait entendre encore et le Cardinal, dans une causerie familière, tient la nombreuse assistance sous le charme de sa parole. Nous ne pouvons malheureusement que résumer cette improvisation écoutée avec une respectueuse attention.

« Mes frères, mes chers enfants ! D'après la conduite ordinaire de sa Providence, Dieu nous fait mériter les grâces de choix que sa bonté nous destine. Une journée de fatigue est, ce soir, récompensée pour moi par une vraie fête pour l'âme, pour le cœur. Avec joie je viens vous visiter et je salue d'abord vos chers anciens, quelques-uns disciples du Fondateur, d'autres venus se reposer de leurs travaux dans cette demeure sanctifiée par sa présence… Comme vous l'avez dit, je fais mon pèlerinage au tombeau de votre Vénérable Père. Je suis venu prier ce saint prêtre, si grand par ses vertus et par ses oeuvres… Vous, ses enfants de prédilection, soyez fidèles à ses enseignements ; imitez ses exemples.

« Ce matin, j'étais à Saint-Christôt, la paroisse du Vénérable Bonnard. J'interrogeais un petit neveu du martyr : Mon enfant, quand vous serez soldat, ferez-vous votre prière ? – Oui, Monseigneur. – Et si vos camarades se moquent de vous ? – Monseigneur, peu importe. Il faut toujours faire son devoir… » Mes enfants, je vous laisse, pour la faire vôtre, cette belle devise.

« Vous avez parlé de Jeanne d'Arc. Vous pensiez me faire plaisir et vous aviez raison. Eh bien ! Jeanne, à 14 ans, vit un jour une éblouissante clarté (bien plus vive encore que la brillante lumière de ce mot Eminence composé de lampes électriques, là-bas, au fond de la salle). Dans cette clarté, saint Michel lui apparut. Jeanne, dit-il, sois bonne et va souvent à l'église …..

« Mes enfants, vous aussi, soyez bons: ce mot dit tout. Soyez bons camarades, bons élèves, bons religieux, bons frères. J'ajoute avec l'archange : allez souvent à l'église. Allez-y toutes les fois que vous le pouvez, sans désobéir à la Règle et sans nuire à votre travail. Dans vos peines, dans vos tentations, dans vos doutes, priez Jésus, priez Marie… Ces conseils de votre archevêque, je demande au Vénérable Champagnat de les graver dans votre mémoire, et c'est en son nom que je veux vous bénir. »

Après avoir promis, aux applaudissements de tous, un congé extraordinaire, Son Eminence descend de l'estrade appuyée sur le bras du R. F. Théophane et dit en souriant : « Vous le voyez, votre Supérieur est le soutien de l'Eglise. »

Chacun s'efforce, au passage, de baiser l'anneau pastoral. De tout petits Frères obtiennent une bénédiction particulière. S'arrêtant près des jeunes scolastiques, le Cardinal leur rappelleavec force l'importance des oeuvres de jeunesse. A la réunion tenue sous sa présidence, à l'Archevêché, le 18 mai (réunion dont la Semaine religieuse a rendu compte dans son numéro du 9 juin), il disait : « Les jeunes gens de 15 à 25 ans perdent le respect de l'Eglise, de Dieu, de ses ministres. A vous, Frères éducateurs, de leur rendre ce respect et de le leur conserver, en les réunissant fréquemment autour de vous, après leur sortie de l'école. C'est là l’œuvre des oeuvres que je vous recommande. Moi-même je m'y consacrerai, s'il le faut, jusqu'à complet épuisement.»

Eminence, vos paroles ont été comprises. Votre bénédiction les fera fructifier dans les âmes ardentes et généreuses auxquelles vous les avez adressées. Vous avez passé à l'Hermitage en faisant le bien comme le bon Pasteur dont vous étiez lundi, au milieu de nous, l'aimable et auguste représentant.

A cette relation, nous ajoutons avec plaisir ces quelques lignes que le R. P. Boucher, aumônier, nous a adressées à la date du 27 novembre :

« Son Eminence le Cardinal Coullié donnait ce matin le sacrement de Confirmation aux enfants du Collège Sainte-Marie. Après la cérémonie, le R. P. Supérieur a présenté les deux aumôniers des Petits Frères de Marie. Comme je rappelais le souvenir reconnaissant que nous avons gardé de la visite du 12 juin, le Cardinal a répondu : « Oui, je suis très heureux d'avoir fait mon pèlerinage au tombeau du Vénérable Champagnat. »

Avant de nous retirer, nous avons demandé une nouvelle bénédiction pour nous et pour tous les Frères. » « Bien volontiers, a dit Son Eminence. Je vous bénis, vous et toute la nombreuse communauté de l'Hermitage. Mais en retour, n'oubliez pas, ce soir, de réciter à mes intentions une petite prière devant le tombeau du Vénérable. » 

AUTRE VISITE AU TOMBEAU DU VÉNÉRABLE. 

Enquête relative à la cause de Béatification.

 Le 8 novembre, les Petits Frères de Marie recevaient à Notre-Dame de l'Hermitage une Commission ecclésiastique présidée par M. Ollagnier, Vicaire général, et composée de plusieurs chanoines de la Primatiale : Mgr Neyrat, M. Comte, M. Buy et M. l'archiprêtre de Saint-Genis-Laval. Le R. P. Nicolet avait apporté de Rome à cette Commission les pouvoirs dont elle avait besoin pour recueillir officiellement les dépositions au sujet d'une guérison complète et soudaine qu'aurait obtenue sur le tombeau du Vénérable Champagnat, peu de temps après sa mort, une sœur de M le curé de Valbenoîte.

En deux longues séances, neuf témoins ont été entendus. Tout permet d'espérer que le caractère miraculeux du fait soumis à l'examen de la Commission, après avoir été authentiquement constaté, hâtera le jour si vivement désiré de la béatification du saint Fondateur.

Un autre fait extraordinaire sera peut-être l'objet d'une nouvelle enquête. M. Louat, bon vieillard de 83 ans, a montré au postulateur de la cause les rochers au milieu desquels le Vénérable Champagnat aurait, diton, trouvé une statue de la Vierge. Cette statue, emportée à La Valla, serait revenue d'elle-même à l'Hermitage, indiquant ainsi, par ce prodige, l'emplacement de la première Maison-Mère de l'Institut.

Avant de commencer leurs travaux, les membres de la Commission guidés par les Frères Supérieurs et les Pères aumôniers, avaientvisité la chapelle et le Tombeau du Vénérable.

Dans la soirée, la communauté se réunit sous le grand préau pour remercier ces messieurs. En termes délicats, le cher Frère Visiteur se fit l'interprète de la gratitude de tous les Frères et de leurs vœux pour la béatification prochaine.

Le chant de bienvenue avait été si parfaitement interprété que Mgr Neyrat ne voulut pas se retirer sans porter ses félicitations à l'auteur du morceau et au directeur de la chorale.

               (Echo de Fourvière, 18 novembre 1899.) 

III. – FAVEURS ATTRIBUÉES

A LA PROTECTION DU VÉNÉRABLE CHAMPAGNAT. 

Une guérison. 

Un des élèves de l'école dirigée par nos Frères à S.-A. (Algérie), le jeune Michel C…, âgé de 8 ans, fils de M. le docteur C…. fut atteint, en avril dernier, de la rougeole à laquelle vint se joindre une broncho-pneumonie infectieuse. Durant 24 jours, la fièvre se maintient entre 40 et 41 degrés, et les bains d'eau froide la font descendre à peine d'un degré. L'enfant en était réduit à un tel état de faiblesse et de maigreur qu'il n'avait plus qu'un souffle de vie et ressemblait à un squelette. Cinq médecins, réunis en consultation, constatent son état désespéré et déclarent qu'il n'y a plus rien à faire. La désolation des parents, surtout de la mère, était extrême : on le comprend, ils n'avaient que cet enfant.

Cependant les Frères, voyant que tout espoir humain était perdu, conçoivent la pensée de s'adresser au Vénérable Champagnat. Le soir du 11 mai, trois d'entre eux vont visiter le malade. En se retirant, l'un d'eux dit à la mère : « Puisque les remèdes sont impuissants, nous essayerons quelque chose autre. – Quoi donc ? Reprend-elle fortement intriguée. Que faut-il faire ? – Nous verrons. » Le lendemain matin, le F. Directeur prend une image du Vénérable Champagnat, à laquelle était adhérent un petit fragment de sa ceinture, et la porte à l'enfant, à qui il recommande de s'unir d'intention aux élèves de l'école qui vont commencer en ce jour une neuvaine pour obtenir sa guérison. L'enfant baise l'image et la serre sur sa poitrine, tandis que sa mère verse des larmes.

A partir du 12 mai, les Frères et leurs élèves demandent donc à la Sainte Vierge, chaque jour, dans l'exercice du mois de Marie, de manifester le crédit du Vénérable Champagnat dans le ciel, par la guérison de Michel C. Dès le lendemain, le malade allait mieux; après quatre jours, il n'avait presque plus de fièvre ; à la fin de la neuvaine la maladie avait complètement disparu et l'appétit était revenu. Depuis lors l'enfant jouit d'une bonne santé. 

Une autre guérison. 

Un Frère nous annonce en ces termes une autre guérison :

Arrivé le jeudi saint auprès de ma mère, je la trouvai très malade, mais ayant encore toute sa connaissance. Le lendemain, sur sa demande, elle fut administrée.

A mon arrivée, je lui présentai une image du Vénérable avec une parcelle de sa ceinture. Malgré une vue presque éteinte, la malade reconnaît le bon Père : « Ah ! dit-elle, je connais bien la vie du Vénérable Champagnat ; j'en achevais la lecture le jour que je suis tombée malade ». Elle voulut que l'image restât constamment sous ses yeux.

Pour obtenir une guérison que le médecin ne faisait guère espérer, je commençai une neuvaine au Vénérable à laquelle la malade s'associa. La neuvaine n'était pas finie que ma mère était hors de danger. Aujourd'hui, elle ne se ressent plus de sa maladie. 

Une conversion. 

Une fervente chrétienne, une bienfaitrice de notre Œuvre des Juvénats, envoie à l'un de nos Frères, à la date du 30 août 1899, la relation suivante :

Au mois d'avril 1897, je reçus la visite des Frères Maristes de S…. qui m'apportèrent la Vie du Père Champagnat, par un de ses premiers disciples. Je l'acceptai avec reconnaissance, et, en attendant la satisfaction de la lire, je la mis sur une table de mon salon, au milieu d'autres livres.

Dieu a ses desseins ! C'est ainsi qu'au mois de septembre suivant, M. T…, homme sceptique par excellence, franc-maçon endurci, étant venu me voir, on l'introduisit au salon ; et, pendant qu'on m'avisait de son arrivée, poussé probablement vers cette table, qui devait être pour lui le chemin de Damas, et, comme saint Augustin peut-être, obéissant à une voix intérieure qui lui disait : «Prends et lis », il s'empara de ce livre et, sans oser me le demander, l'emporta sans que je m'en aperçusse.

Arrivé chez lui, il s'abîma tellement dans la lecture de ce livre, que sa femme, fervente chrétienne, en le voyant ainsi plongé dans une lecture dont rien ne semblait pouvoir le distraire, se disait à elle-même (ne pouvant soupçonner l'existence d'un tel livre entre les mains de son mari) : « Il faut véritablement que le roman qu'il lit soit bien intéressant pour l'absorber de cette manière ! » Mais quel ne fut pas son étonnement, lorsqu'elle put voir enfin le titre de ce livre, que son mari lui cachait avec soin ! Elle supposa alors que c'était moi qui le lui avais prêté ; et le dimanche suivant, elle me remercia avec effusion d'avoir pu parvenir à faire accepter à son mari un pareil livre. Mon étonnement fut au moins aussi grand que le sien; car je ne lui avais absolument rien prêté.

Rentrée chez moi, il me fut facile, en effet, de constater la disparition de la Vie du Père Champagnat, et, tout en bénissant Dieu de ce pieux larcin, je fus heureuse, lorsque je revis Mme T…. de lui expliquer ce qui s'était passé. Elle en fut d'abord toute confuse et me proposa de me rendre le livre. « Gardez-vous en bien, lui répondis-je ; n'entravons pas l'action de la grâce, et laissons-le-lui toujours. »

De l'aveu de Mme T.., il le lisait et le relisait avec tant d'admiration, que plusieurs fois, elle l'entendit s'écrier : «.Si tout cela est vrai, comme c'est beau ! comme c'est magnifique ! »

Un de ses amis l'ayant surpris à son tour, avec ce livre entre les mains, dit tout étonné à sa femme : « Mais y songez-vous ? Je crois que votre mari est en train de se convertir. »

Cette parole, en effet, devait être prophétique ; car M. T…. affirme qu'à partir de ce moment-là, lui qui l'avait toujours contrariée dans l'accomplissement de ses moindres devoirs religieux, la laissa complètement libre. Et lui qui avait juré de ne jamais se confesser et de se faire enterrer civilement, et qui voulait même imposer cette obligation à sa femme, nous a donné, il y a un mois et demi, l'exemple d'une mort des plus chrétiennes. Ses derniers jours ont été très édifiants; il a supporté avec la résignation d'un saint, des souffrances intolérables; et on le surprenait souvent se disant à lui-même : « Notre corps n'est qu'une enveloppe, l'esprit monte là-haut.»

La veille de sa mort, il s'est confessé et a reçu l'Extrême-Onction en pleine connaissance, donnant à tous des marques de foi et de piété. Et lorsque sa voix est devenue trop faible pour exprimer ce qu'il voulait dire, il montrait le Ciel avec sa main, et l'on pouvait comprendre qu'il disait à sa femme : « Je te quitte, mais nous nous retrouverons là-haut. »

Il a donc fait la mort d'un parfait chrétien, tenant pieusement entre ses mains un crucifix ; et tous ceux qui l'avaient connu autrefois ne pouvaient croire à un tel miracle. Aussi Mme T., au milieu de son immense douleur, était heureuse de pouvoir dire à ceux qui l'approchaient : « M. T. a fait la mort d'un bienheureux ! »

Si ces quelques lignes peuvent contribuer à la gloire du Vénérable Père Champagnat, Dieu seul peut savoir combien j'en serai heureuse. 

Une guérison. 

A la date du 6 septembre 1899, le Cher Frère Directeur de Mornant (Rhône), écrivait ce qui suit :

Il y a quatre ans, un de nos élèves, nommé Louis C.., alors âgé de huit ans, avait quitté l'école pour cause de crises épileptiques. Ses parents, soucieux de la santé de leur fils unique, consultèrent des médecins spécialistes de Saint-Etienne et de Lyon. Les remèdes n'aboutirent qu'à affaiblir le tempérament du petit malade, au point qu'au mois d'avril de cette année, il se trouvait dans un état d'épuisement qui faisait pitié, par suite de ses nombreuses et cruelles crises convulsives (il en avait jusqu'à vingt-cinq en une nuit).

Enfin, voyant que la médecine était impuissante contre cette terrible maladie, nous avons fait une neuvaine en l'honneur du Vénérable Père Champagnat avec les enfants de nos classes, pour la guérison de leur petit camarade. A la fin de la neuvaine, l'enfant s'est trouvé mieux, les crises ont diminué chaque nuit, et au bout de quelques jours il était guéri. Il n'attend que la rentrée des classes pour reprendre ses études, interrompues depuis quatre ans.

Nota. – Aujourd'hui, 30 novembre, nous apprenons que l'enfant continue à jouir d'une bonne santé, qu'il fréquente assidûment la classe, et qu'il a recouvré son intelligence après avoir été réduit à un état d'idiotisme tel qu'il ne reconnaissait plus ses parents. 

Une guérison. 

A la date du 15novembre 1899, une mère de famille de Saint- Just-en-Chevalet (Loire) nous écrit ce qui suit :

Au mois de décembre 1898, mon fils Claudius, âgé de 13 ans, fut atteint d'une fièvre muqueuse dont bientôt la gravité se montra telle que nous en fûmes vivement inquiets et en vînmes presque à perdre l'espoir de le guérir.

L'enfant, qui avait une grande confiance au Vénérable Père Champagnat, nous dit : « Faites venir les Frères, dites-leur d'apporter la relique et de faire une neuvaine comme pour le petit C… » Deux Frères vinrent, apportèrent la relique (une image du Vénérable avec un fragment de sa ceinture), et nous promirent que les élèves commenceraient une neuvaine ce jour même, 23 décembre. Vers le milieu de la neuvaine, un mieux se déclara, et bientôt la guérison fut complète.

Pour nous, nous attribuons cette guérison à l'intercession du Vénérable Champagnat Aussi, en reconnaissance et ainsi que je l'avais promis, suis-je allée, avec mon fils, en pèlerinage au tombeau du Vénérable à Notre-Dame de l'Hermitage.

Autres faveurs et guérisons. 

Nous pourrions rapporter bien d'autres traits de protection attribués au Vénérable. Ici, c'est un directeur de pensionnat qui, après avoir vu, maintes et maintes fois ses meilleurs élèves échouer aux examens devant les Commissions officielles, a la satisfaction, après une neuvaine au Vénérable Champagnat, de voir ses candidats obtenir d'heureux succès. Là, c'est un aspirant au brevet de capacité qui réussit, à la faveur de circonstances dans lesquelles il voit l'intervention du Vénérable qu'il a invoqué. Ailleurs, c'est un enfant, élève du pensionnat de Saint-Genis qui, atteint d'une néphrite albumineuse aiguë, est guéri par suite de recours au Vénérable, alors que les médecins et la famille s'attendaient à un dénouement fatal. Puis c'est un brave fermier du Rozey (maison paternelle du Vénérable Champagnat) qui atteint d'une fluxion de poitrine très grave, obtient sa guérison presque subite, après que des Frères de l'Hermitage, en pèlerinage au Rozey, l'ont recommandé au Vénérable. C'est ensuite un Frère qui recouvre la santé à la suite d'une neuvaine au Vénérable alors que tous les remèdes étaient reconnus impuissants contre une fièvre pernicieuse qui l'avait réduit à une extrême faiblesse et semblait l'acheminer vers la tombe. 

IV. – CAUSE DE BÉATIFICATION Du T. R. P. COLIN. 

Je suis heureux de vous annoncer une nouvelle que vous recevrez avec satisfaction, j'en ai l'assurance : c'est le procès qui vient de s'ouvrir, devant l'Ordinaire de l'archidiocèse de Lyon, pour la Béatification du T. R. P. Colin, premier Supérieur Général et Fondateur de la Société des Pères Maristes.

La Commission, chargée des premières informations, a été nommée le 14 octobre 1899. Elle se compose des membres dont les noms suivent.

Postulateur de la Cause : le R. P. Nicolet.

Vice-Postulateur : le R. P.Lavenaz.

Juge délégué M. Vindry, vicaire général.

Juges adjoints M. Daléry, chanoine, curé de Sainte-Foy ; M. Boiron, curé de Saint-Paul ; M Vial, curé de Saint-Just; M. Place, aumônier de la Visitation.

M. Chatelus, chanoine, recteur de Fourvière, et M. Vianay, chanoine, Pénitencier de la  Métropole, ont été désignés pour remplir la chargede Promoteurs.

M. l'abbé Jarrosson, docteur en théologie et en droit canonique, vicaire à Saint-Georges, a été nommé Notaire.

Déjà la Commission a commencé l'audition des témoins qui ont prêté serment le 30 octobre dernier. 

Nous n'oublierons pas, M. T. C. F., que la religion a uni étroitement ici-bas le T. R. P. Colin et le Vénérable Père Champagnat, et qu'ils ont travaillé de concert à procurer la gloire de Dieu, l'honneur de Marie et le salut des âmes. Aussi nous joindrons-nous aux prières et aux vœux des Pères Maristes, pour le succès de la Cause du T. R. P. Colin, comme ils s'unissent à nous pour le succès de celle de notre Vénérable Fondateur.

Heureuses seront-elles, les deux branches de la Société de Marie, le jouroù chacune verra son Fondateur sur les autels ! Hâtons, par nos prières et nos ardents désirs, l'arrivée de ce beau jour. 

V. – CAUSE DU VÉNÉRÉ PÈRE DE LA MENNAIS. 

Il est dans la Bretagne un Institut bien recommandable et bien méritant, l'Institut des Frères de 1'Instruction chrétienne, ayant sa Maison-Mère à Ploërmel, avec lequel le nôtre entretient des relations particulièrement et religieusement amicales. Or, nous avons appris qu'un grand sujet de joie a été donné à ce cher Institut, le 7 octobre dernier, dans la formation dit Tribunal chargé d'instruire la cause de béatification du pieux abbé Jean-Marie de la Mennais, son fondateur, né à Saint-Malo, le 8 septembre 1780, décédé en odeur de sainteté à Ploërmel, le 27 décembre 1860.

Tous, M. T. C. F., nous nous associerons à la joie, aux espérances et aux vœux de nos chers Frères et amis de l'Instruction chrétienne. Avec eux nous demanderons au Ciel le succès de la Cause de cet homme de Dieu, qui fut pendant sa vie puissant en oeuvres et en parole. 

VI. – BÉNÉDICTION DE LA CHAPELLE DU PENSIONNAT

DE PARIS. 

Le 7 mai dernier, dès le matin, notre Pensionnat de Paris-Plaisance avait un air de fête qui surpassait celui des plus grands jours : il s'agissait de la bénédiction de la chapelle nouvellement construite. La cérémonie devait avoir d'autant plus de solennité et d'éclat, que Son Eminence le Cardinal Richard, Archevêque de Paris, S'était réservé de la faire, pour donner à ceux qu'il appelle ses bien-aimés auxiliaires, cette nouvelle preuve de sa paternelle bienveillance.

Son Eminence était accompagnée de plusieurs dignitaires de l'administration diocésaine, du clergé de Paris et des Ordres religieux du diocèse.

Après les aspersions, accompagnées des prières liturgiques, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur, les assistants furent admis à prendre place dans la chapelle. Pour un instant, on put craindre qu'elle ne se trouvât trop petite, tant l'assistance était considérable. On y remarquait le R. F. Théophane, Supérieur Général de l'Institut, de nombreux Frères, des représentants du barreau, de l'Institut de France, de l'armée, des beaux-arts, etc. Aux 350 élèves du Pensionnat étaient venus se joindre un grand nombre de leurs parents, puis une imposante et magnifique phalange d'anciens élèves.

Lorsque les assistants furent placés, M. l'Aumônier du Pensionnat monta en chaire, et, dans un discours remarquable, retraça d'abord à. grands traits l'histoire du Pensionnat. Abordant ensuite le sujet même de la fête, il fit de l'édifice une description qui en montrait tous les détails et toutes les beautés, en même temps que de chaque chose il tirait un enseignement chrétien.

Le discours achevé, la messe solennelle commença. Tout était bien propre à faire impression : et ce sanctuaire béni qui venait d'être consacré au Seigneur, et cet autel décoré avec un goût exquis et surmonté de la belle statue de Marie Immaculée, et cette troupe gracieuse des enfants de chœur qui, au nombre de cinquante, offraient à la vue, avec les bouquets qu'ils portaient en main, quelque chose des splendeurs de la Jérusalem céleste ; et ces chants, à la fois si simples et si sublimes si parfaitement exécutés sous l'habile direction du maître de chapelle ; et cette assistance de choix, si nombreuse et si recueillie; et la présence de ce prince de l'Eglise, entouré d'une couronne de prêtres vénérables ; oui, C'était un spectacle bien propre à exciter de saints transports dans les esprits et dans les cœurs, à remplir de joie et de bonheur les âmes qui croient, prient et adorent.

Après l'évangile, le pieux et vénéré Cardinal adressa aux assistants une allocution pleine d'onction, dans laquelle il expliqua le sens profond des bénédictions  qui consacrent à Dieu nos temples matériels, et ce que fait l'Eglise et ce que nous devons faire nous-mêmes pour que nos âmes soient trouvées dignes d'être reçues parmi les pierres vivantes et choisies, destinées au temple que la Majesté divine se prépare ici-bas pour y faire éternellement sa demeure.

A l'issue de la messe, le Magnificat fut chanté par toute l'assistance avec une foi, une ardeur et un enthousiasme qui témoignaient que les Cœurs étaient profondément remués, et qu'ils emporteraient de cette belle cérémonie une impression salutaire et durable 

VII. — BENEDICTION DE LA CHAPELLE D'AUBENAS. 

Le 19 septembre 1899 a été pour nos Chers Frères de la Province d’Aubenas un jour de fête et de bonheur.

Arrivés de tous les points de la Province pour la retraite dont l'ouverture était fixée à ce jour, ils furent les heureux témoins de la bénédiction de la chapelle, depuis si longtemps désirée, comme le complément indispensable de la maison provinciale.

Le Révérend Frère Supérieur, retenu à Notre-Dame de l’Hermitage par la retraite qui s'y faisait, était représenté à la pieuse cérémonie par quatre de ses Assistants : le C. F. Procope, le C. F. Gérald, le C. F. Liboire et le C. F. Augustalis.

Dès 8 h. ½ du matin, M. le chanoine Eldin, curé-archiprêtre d'Aubenas, délégué par S. G. Mgr Bonnet, évêque de Viviers, accompagné d'un nombreux clergé et suivi de la communauté, commença la sainte cérémonie par les aspersions extérieures et les chants prescrits par la sainte liturgie. Ensuite eurent lieu les aspersions à l'intérieur, pendant que l'assistance, restée dehors, chantait les litanies des saints. Enfin, la porte s'ouvrit pour la communauté, composée des Frères venus pour la retraite, du personnel de la maison et des Juvénistes de la Bégude. Ils étaient là tous, au nombre d'environ huit cents, dans l'attitude du recueillement, le cœur débordant de joie, de piété et de reconnaissance.

Quand tous eurent pris place, le R. P. Morani, de la Compagnie de Jésus, monta en chaire et prononça une allocution qui produisit sur l'auditoire une vive impression. Il développa, en termes éloquents, les pensées dont nous donnons ici le résumé.

« Qu'est-ce que cet édifice qui nous réunit en ce moment, pour en faire la bénédiction ?… Il me semble qu'il porte inscrits et gravés, dans ses fondements et sur ses murailles, sur ses voûtes et dans la transparence de ses vitraux, les trois caractères suivants : c'est une maison de prière ; c'est l'enceinte de la parole divine ; c'est le temple du Sacré-Cœur…

« 1° C'est une maison de prière… Ah ! sans doute, l'univers entier est un sanctuaire où fume l'encens de l'adoration, où retentit l'accent de la prière… sanctuaire gigantesque dont les astres sont les inextinguibles flambeaux, dont le firmament est la voûte ou le dôme; dont les forêts ondoyantes sont les bouquets, dont la terre est l'autel, dont l'homme est le pontife, dont les ouragans et les tempêtes sont l'orgue aux jeux puissants et au clavier sonore… Mais l'âme chrétienne, l'âme religieuse, l'âme et le cœur du Petit Frère de Marie cherchent un sanctuaire plus recueilli, plus intime où puisse s'épancher la prière, où les méditations saintes puissent germer et fleurir dans une atmosphère plus propice à la piété qui adore, remercie, implore ou invoque… De là ce sanctuaire élevé par vos mains, sanctuaire aux lignes si pures et aux harmonies si suaves : auguste prière, divin poème, qui fait chanter la voix de ses chapiteaux et de ses blocs comme un accompagnement sublime des voix humaines qui, durant cette retraite surtout, y viendront supplier ou bénir le nom trois fois divin !

2° C'est l'enceinte de la parole sacrée… car elle retentira ici, la parole évangélique, la parole du prédicateur apostolique, rappelant aux enfants du Vénérable Champagnat leurs devoirs sacrés et leurs obligations saintes… Ah ! durant ces huit jours qui vont suivre, vous permettrez à cette parole de vibrer avec toute l'indépendance d'un cœur qui, depuis longtemps déjà vous connaît et vous aime… Vous lui permettrez de prendre toutes les allures, de revêtir toutes les formes, d'exhorter, d'encourager, d'éclairer, de reprocher même aux cœurs moins généreux l'absence momentanée d'un courage qui saura bien se retremper et se ranimer dans les saints exercices qui vont s'ouvrir… Ah ! la parole de Dieu, ne retentit-elle pas plus haut que le tonnerre de Démosthène ? ne brille-t-elle pas d'un plus vif éclat que les harangues de l'orateur romain ? et, malgré l'impéritie de celui qui l'annonce, n'emprunte-t-elle pas à celui qui l'inspire une force et une énergie inconnues à l'éloquence humaine, depuis Périclès jusqu'à Mirabeau ?… Cette parole de Dieu, elle coulera intarissable, dans cette enceinte, des lèvres persuasives et onctueuses de vos deux aumôniers. Maîtres et disciples s'abreuveront à cette source limpide et lumineuse ; et c'est ce qui me console de ne pouvoir aujourd'hui vous présenter les flots de cette parole sacrée sous la forme d'une onde plus pure…

3° Cette chapelle est, enfin, le temple du Sacré-Cœur. – Oui, en cette fin de siècle où le monde entier, avec ses continents, ses populations et ses océans, a été consacré par le Vicaire du Christ à son Cœur adorable, il convenait que cet édifice, dont l'un des vôtres a tracé le plan et tiré les lignes, fût inauguré sous les auspices de ce Cœur si digne lui-même de servir de temple à l'adorable Trinité…

Vous viendrez donc ici vous prosterner devant cet organe divin, dont les battements marquent les pulsations de la foi catholique. Vous viendrez assister au sacrifice qui fait descendre, ou, pour mieux dire, qui incarne de nouveau ce Cœur sur l'autel. Vous viendrez vous unir à l'acte consécrateur qui l'immole ; vous viendrez vous prosterner devant le tabernacle qui le contient, et le recevoir à la table sainte où ce Cœur aimant s'unit aux nôtres en descendant dans nos poitrines…

Le même élan qui soulevait l'Europe chevaleresque du moyen-âge pour la jeter, palpitante, au-delà des mers, en face du Saint-Sépulcre, vous amènera vous-mêmes au pied de cet autel, où vous puiserez toutes les grâces et tous les secours nécessaires à l'accomplissement de votre belle mission d'éducateurs de l'enfance….

Puissions-nous, dit l'orateur en terminant, être nous mêmes des temples vivants, des tabernacles animés, où la Divinité se plaît à fixer son séjour ! Puissions-nous. surtout, après avoir servi de tente et de pavillon au Seigneur, être admis un jour dans le temple de la gloire éternelle !…. »

Après ce discours, M. l'abbé Fargier, aumônier de la maison provinciale, célébra la messe du Sacré-Cœur, auquel la chapelle est consacrée. Les chants (messe royale de Dumont) furent exécutés avec beaucoup d'ensemble et d'expression, alternativement par les Juvénistes et les Frères.

Quel moment solennel que celui de la consécration, où Jésus-Christ, descendu sur l'autel, fut présenté à l'adoration des assistants ! Plus d'un alors se rappelait avec amour et actions de grâces ces paroles de nos Livres Saints : Voici le tabernacle de Dieu parmi les hommes, il habitera au milieu d'eux : ils seront son peuple, et Dieu lui-même demeurera avec eux et sera leur Dieu… – Mes délices sont d'être avec les enfants des hommes. – Que vos tabernacles sont aimables, ô Dieu des armées !

Nos chers Frères d'Aubenas ont lieu d'être satisfaits de leur chapelle. Le plan qui en a été dressé primitivement par le cher et regretté F. Philogone, modifié et agrandi, a été parfaitement exécuté. Aussi peut-on dire que l’œuvre répond à sa sainte destination. Il nous est doux de penser que là, au pied de l'autel du Dieu qui remplit la jeunesse d'une joie toujours nouvelle, iront s'agenouiller de nombreux adorateurs en esprit et en vérité, et y puiser les grâces qui fortifient et affermissent tous les dévouements et toutes les vertus. 

VIII. – LES FRÈRES MARISTES A LA CASERNE. 

Depuis quelques années, les Frères Maristes de l'Hermitage, avant d'échanger pour trois ans leur saint habit contre l'uniforme, viennent passer à la Maison provinciale la journée qui précède leur départ, afin de recevoir plus facilement les avis de leurs Supérieurs et de faire, sous la direction de leurs aumôniers, un petit supplément de retraite. 

   Le 14 novembre, les dix Frères de la province appelés sous les drapeaux assistaient une dernière fois au Saint Sacrifice, au milieu de la nombreuse Communauté. Après la Messe de Communion, dite par le nouvel aumônier, le R. P. Pitre, son confrère, adressa quelques mots aux jeunes conscrits.                   

   « Quand vous serez dispersés au loin, leur dit-il, souvenez-vous que vous êtes chrétiens, que vous êtes religieux, que vous êtes Maristes. – Remplissez fidèle- ment tous ces devoirs de la vie chrétienne, sans lesquels il vous serait impossible de persévérer : prière, assistance à la sainte Messe, confession, communion…Sous l'habit militaire, gardez l'esprit religieux. Restez en relations suivies avec vos vénérés Supérieurs qui, de loin comme de près, ne cesseront de veiller sur vous. A cette chère soutane que vous étiez si heureux de recevoir au jour de votre vêture, ne dites pas adieu, mais au revoir… Pensez souvent au Vénérable Cham­pagnat, dont vous êtes les fils. Vivez en vrais Maristes, invoquant chaque jour votre Mère du Ciel et pratiquant ses vertus. Renouvelez la promesse du regretté Frère Henri-Désiré: « Je veux que la Sainte Vierge trouve toujours en moi un cœur sans souillures. »

Après ces conseils que nous venons de résumer brièvement, le R. Père ajouta : « Nous avons célébré ce matin le Saint-Sacrifice en l'honneur de saint Josaphat. Placé à vingt ans chez un riche négociant de…. le jeune homme qui se sentait déjà appelé à la vie religieuse, vit son patron lui faire les plus magnifiques promesses pour le garder dans sa maison… Vous recevrez peut-être, vous aussi, de la part de vos chefs des offres séduisantes pour vous attacher au nouvel état que vousembrassez malgré vous. Comme saint Josaphat, l'Ar­chevêque martyr,comme le jeune Stanislas que nous fêtions hier, à toutes les avances, répondez sans hésiter :« Non, je ne suis point fait pour le monde. J'appartiens­ et je veux appartenir toujours à Jésus et à Marie. »

Tous ensemble, les jeunes soldats de demain viennent alors, au pied de l'autel qui a reçu leurs premiers ser­ments, renouveler leur vœu d'obéissance et leur consécration à la Sainte Vierge. Au cantique à Notre-Dame des Armées succède le chant d'adieu à Notre-Dame de l'Hermitage. Le R. P. Boucher donne ensuite la béné­diction du Très Saint Sacrement.

Au revoir, jeunes Frères ! Nos prières et nos vœux vous accompagnent. Soyez bons soldats, mais restez bons religieux. Qu'aux tristes appréhensions du départ succèdent pour vous tous, dans trois ans, les saintes joies du retour

             Un Témoin. 

IX. – VISITES ÉPISCOPALES. 

Depuis notre circulaire du 2 juin 1899, notre Maison-Mère a été honorée des visites épiscopales suivantes :

1.– 15 juillet. – De Mgr Silverio Gomes Pimenta, évêque de Marianna (Brésil) . Sa Grandeur, venant de Rome, a tenu à nous donner un témoignage de sa bienveillance et nous exprimer sa satisfaction des bons services rendus par nos Frères, depuis leur arrivée dans son diocèse, en octobre 1897.

2.– 2 août. – De Mgr Francisco Plancarte, évêque de Cuernavaca (Mexique), venant, à l'occasion de son voyage à Rome, nous recommander la fondation d'écoles à Mérida (Mexique).

3. – 15 août. – De Mgr Gonçalves de Leào, évêque de Rio Grande do Sul, ou Porto Alegre (Brésil), profitant aussi de son voyage à Rome, pour venir de nouveau nous demander des Frères pour son diocèse.

4. — 17 novembre. – De Mgr Berthet, évêque de Gap, en témoignage de sa bienveillance et de son dévouement envers notre Institut.

5.– 20 novembre. – De Mgr Garabed Hetchourian, évêque d'Erzeroum (Arménie), venu pour nous recommander les besoins de son diocèse. 

COUP D'ŒIL SUR NOS ŒUVRES 

Si nous jetons un coup d’œil sur l'ensemble de nos oeuvres, nous voyons qu'en dépit des difficultés toujours plus grandes qui nous sont suscitées, notre Congrégation, grâce à la bénédiction divine et à la protection de l'auguste Vierge Marie, poursuit sa marche prospère dans tous les pays où elle est établie. En faisant monter vers Dieu mes humbles actions de grâces, je me plais à reconnaître, M. T. C. F., le dévouement, le zèle, l'abnégation et le courage avec lesquels vous secondez l'action de la Providence. C'est en vain que résonnent à vos oreilles toutes sortes de menaces : à l'exemple du divin Maître, que rien ne pouvait détourner de l’œuvre que son Père lui avait donné à accomplir, vous faites, vous aussi, l’œuvre de Dieu, sans peur ni défaillance. C'est ainsi qu'il faut agir; oui, il faut que quoi qu'il arrive, chacun de nous fasse son devoir, tout son devoir. Et c'est sans doute parce qu'il en est ainsi, que Dieu nous envoie de nombreuses vocations, et que nos maisons de formation abondent en sujets. Elles ne sont pas, il est vrai, aussi riches en argent ; elles n'en ont guère pour le fisc qui, non seulement continue contre nous ses poursuites[2], mais encore est en train de forger de nouvelles lois contre les Congrégations. Mais, à défaut d'argent, nous pourrons, comme le saint diacre Laurent, montrant ses pauvres à ceux qui lui demandaient ses trésors, présenter pour trésor aux agents du fisc, nos chers novices et juvénistes.

Grâce à Dieu, nous avons pu, dans le courant de cette année, fonder 22 Etablissements nouveaux, dont 11 en France, et 11 hors de France. En voici la liste : 

ETABLISSEMENTS FONDÉS EN 1899. 

Alzonne (Aude) ; Amélie-les-Bains (Pyrénées-Orientales) ; Céret (Pyrénées-Orientales) Condrieu (Rhône); Meymac (Corrèze) Origny (Aisne) Paulhan (Hérault); Ruoms (Ardèche) Saint-Marcel-­d'Urfé (Loire) ; Tours, paroisse Saint-Symphorien (Indre-et-Loire) ; Valence d'Agen (Tarn-et-Garonne) ; Cherchel, Marengo, Orléansville (Algérie) ; Alella (Espagne) ; Apia-Moamoa (Samoa) ; Guadalajara (Mexique) ; Iberville, Ecole paroissiale (Canada) ; Mérida (Mexique); Québec-Saint-Malo (Canada); Rewa (Fiji); Wervick (Belgique).

Nous aurions beaucoup à dire si nous rapportions ici tout ce -qui peut vous intéresser ; mais il faut nécessairement nous borner à parler de quelques Etablissements ou Districts, soit d'Europe, soit des autres parties du monde. 

BELGIQUE. 

Le District belge, rattaché à la Province du Nord, et dont la maison de noviciat se trouve à Arlon, a pris, depuis quelques années, un développement qui témoigne qu'il a reçu abondamment la bénédiction de Dieu, bénédiction que nous nous plaisons à regarder comme la récompense de l'esprit apostolique dont sont animés les religieux qui en font partie.

Le District embrasse les diocèses de Bruges, Liège, Malines, Namur et Tournai. Il comprend, avec la Mission danoise, 12 Etablissements, 17 écoles et 64 classes, fréquentées par plus de 3.000 élèves.

La maison de noviciat, notablement agrandie dans ces dernières années, loge un personnel nombreux, composé principalement de novices. Ils viennent de la Belgique, du Grand-Duché de Luxembourg et des provinces catholiques d'Allemagne. Tous apportent beaucoup de bonne volonté à leur formation religieuse, de manière que, quand ils sortent de cette sainte maison, enrôlés sous la bannière de Marie, ils sont bien pénétrés de l'esprit du Vénérable Champagnat.

Une Ecole normale, créée exclusivement pour nos religieux, est annexée au noviciat; elle est agréée par l'Etat, qui laisse toutefois à l'Institut la libre disposition des sujets.

Les cours comprennent quatre années d'études ; ils sont suivis par 40 jeunes Frères qui peuvent, à la fin de leur dernière année, obtenir le diplôme donnant droit à l'enseignement, après plusieurs examens qui ont lieu à l'Etablissement même, sous la présidence d'un délégué du Ministère de l'Instruction publique.

Ce District a aussi son juvénat, établi à Pitthem, paroisse éminemment chrétienne du diocèse de Bruges.

Il est de création récente et compte une trentaine de Juvénistes. 

ESPAGNE. 

Le District d'Espagne, favorisé des bénédictions divines, prend chaque année de nouveaux développements. Il compte présentement 275 Frères, Novices et Postulants, plus 100 Juvénistes. 159 Frères sont employés dans 27 Etablissements scolaires et donnent l'instruction à 5.300 élèves. Les Frères continuent à jouir de l'estime et de la confiance du clergé et des populations, et ils s'efforcent de s'en rendre dignes par le zèle et le dévouement qu'ils apportent à l’œuvre qui leur est confiée. 

OUVERTURE D'ÉCOLE A ALELLA (Espagne). 

Mon Révérend Frère Supérieur,

C'est avec un immense plaisir que je vous écris de l'établissement d'Alella pour vous donner des nouvelles de notre installation.

Le dimanche, après avoir entendu la sainte messe à San Andrès et fait la sainte communion, nous partîmes de Barcelone, par le même train que le capitaine de Somatenes de Catalogne, qui se rendait à Alella, et nous arrivâmes à la gare de Masnou vers les huit heures et demie. Là, nous trouvâmes M. l'abbé Angel et M. Mariano Macia qui ne cessaient de répéter: « Le jour heureux est arrivé, nous vous avons ». Etait là également le président de la Junta, D. Mariano Estrada. Une vingtaine de voitures furent rangées en un clin d’œil avec un ordre parfait : celle du Général, la première ; celle des Petits Frères de Marie, la seconde ; suivaient ensuite celles des invités.

Les autorités ecclésiastiques et civiles et une immense foule nous attendaient à l'entrée du pays, et aux harmonieux accords de la musique, nous nous dirigeâmes vers la mairie, et de là au presbytère.

A 10 heures, commença la grand'messe qui fut fort bien exécutée par les jeunes musiciens de l'asile naval de Barcelone (messe de Mercadante). Le sermon fut donné par M. le Dr Félix Quer, professeur du séminaire de Barcelone.

A 4 heures eut lieu la bénédiction de la maison ; elle fut suivie de la procession du Très Saint Sacrement, qui parcourut toutes les rues du pays, et dont la magnificence fut rehaussée par onze ares de triomphe artistement ornés. Deux fanfares de Barcelone et une Société chorale, exécutèrent alternativement leurs plus beaux morceaux. M. le Général en uniforme portait le premier pendon ; il avait à sa droite l'ex-député D. Joaquin Badia, et à sa gauche M. le Président. A la fin. de la cérémonie eurent lieu des protestations d'amour au Sacré Cœur de Jésus.

A 9 heures du soir, séance littéraire dédiée au Sacré Cœur. De jolis morceaux à la Sainte Vierge et au Sacré-Cœur ont été débités, aux applaudissements de tout le monde. La musique a joué quelques morceaux choisis; le chœur aussi a chanté de belles prières de circonstance. M. Mariano Macia prit pour sujet de son discours : « L'ETAT ET L'EDUCATION. El Estado y la Educacion. » Il fut très applaudi. M. le Dr José Domenech y Coll, doyen de la Faculté de Droit de l'Université de Barcelone, traita avec une grande facilité de parole, du développement rapide de notre chère Congrégation, de l'excellence de notre méthode d'enseignement, comparée à celle de l'Etat. Il fut interrompu plusieurs fois par les applaudissements.

Don Fernando, aumônier de notre maison provinciale de San Andrés, a brillamment remercié en votre nom, mon Très RévérendFrère Supérieur, les messieurs de la Junta et tous les invités.

Je suis avec un profond respect, etc. …..

                          F. Lamberto. 

NOS MISSIONS 

Nos œuvres des Missions prennent de plus en plus d'extension, comme vous pourrez en juger par le Tableau des départs que nous vous donnons. C'est pour nous un sujet de grande consolation et d'édification, de voir tant de jeunes Frères, animés de ce zèle apostolique qui les porte à tout quitter, à tout sacrifier pour aller, dans les régions lointaines, faire connaître et aimer Jésus et Marie. Ajoutons que ce n'est pas sans une bien douce satisfaction que nous recevons les bons témoignages que rendent de nos Frères missionnaires l'épiscopat et le clergé des Missions. Ils continuent également à trouver partout bienveillance et protection auprès des représentants de la France. 

COLOMBIE. 

   En dépit du peu de stabilité des institutions, et des agitations qui se manifestent, çà et là et de temps à autre, dans la République colombienne, les Frères y continuent leur Mission avec zèle, dévouement et courage. Ils s'appuient sur la Providence, en qui on ne se confie jamais en vain. Le personnel de ce District comprend environ 150 Frères, Novices et Postulants, et 14 Etablissements où l'enseignement est donné à un grand nombre d'enfants. 

CANADA ET ETATS-UNIS. 

Grâce à Dieu, à la protection de Marie et au dévouement de nos Frères, l’œuvre du Vénérable Père Champagnat continue à prospérer en Canada et aux Etats-Unis.

La piété, le bon esprit, le zèle se soutiennent parmi les Frères, le recrutement des vocations se fait d'une manière satisfaisante, les écoles comptent de nombreux élèves ; les évêques, le Clergé, les administrations civiles et les populations se montrent, en général, très favorables à notre Institut.

Nous sommes heureux de pouvoir citer, comme avant donné leur haute approbation et leurs bienveillants encouragements à la mission de nos Frères dans les Etats-Unis, Mgr l'Evêque de Springfield, Mgr l'Archevêque de Boston, Mgr l'Evêque de Stratford et Mgr l'Evêque-coadjuteur de Burlington.

Mgr Bruchesi, Archevêque de Montréal (Canada), a bien voulu aussi recommander notre Œuvre des Juvénats. 

CRÉATION D'UN JUVÉNAT A NOTRE-DAME-DE-LEVIS. 

Sur les conseils et avec les précieux encouragements de leurs Grandeurs Mgr l'Archevêque de Québec, Mgr l'Evêque de Chicoutimi et Mgr l'Evêque de Rimouski, nous avons ouvert, le 15 octobre de cette année, un Juvénat à Lévis, où nos Frères dirigent trois écoles depuis une dizaine d'années.

Ce nouveau Juvénat est destiné à recevoir les vocations venant de la province ecclésiastique de Québec. C'est la partie du Canada où les familles sont les plus nombreuses, et où l'esprit chrétien s'est le mieux conservé.

Les commencements de ce Juvénat sont des plus consolants et nous font présager qu'il donnera au district de bonnes et nombreuses vocations.

Nous espérons que le Gouvernement fédéral du Canada nous donnera la jouissance d'une grande maison, avec de vastes dépendances, pour y installer définitivement le nouveau Juvénat. 

FONDATION D'UNE ECOLE A QUÉBEC. 

Sur la recommandation de Mgr Bégin, archevêque de Québec, et à la demande de M. le curé de la paroisse de Saint-Malo, dans la ville archiépiscopale, nous avons ouvert, à la rentrée des classes de cette année, une école dans cette paroisse. Dès les premiers jours, les élèves y ont afflué au point qu'il a fallu augmenter le nombre de Frères. On compte que, sans bien tarder, cette école réunira plus de 500 élèves. C'est un avantage considérable pour notre Institut d'avoir une école importante à Québec, en même temps capitale de la province et ville toute française. 

RÉOUVERTURE DE L'ÉCOLE PAROISSIALE

DE SAINT-ATHANASE-D'IBERVILLE. 

A l'expiration de notre traité avec l'administration, nos Frères avaient été amenés, il y a plusieurs années, à abandonner la direction de l'école paroissiale de Saint-Athanase-d'Iberville, laquelle était notre première fondation dans l'Amérique du Nord. Grâce à la bienveillante intervention des autorités ecclésiastiques, et à des arrangements conclus avec les autorités civiles, nos Frères ont repris la direction de cette école, et l'Institut est devenu propriétaire de l'immeuble scolaire.  Ainsi nous est assurée d'une manière définitive la possession de la maison qui fut le berceau des Frères Maristes dans l'Amérique du Nord. 

MEXIQUE. 

Fondation de Guadalajara

   Depuis plusieurs années, des propositions nous avaient été faites, des demandes nous avaient été adressées pour des fondations au Mexique. Nous avons hésité longtemps à les accepter, parce que, d'une part, nous manquions de sujets de langue espagnole suffisamment préparés pour cette mission, et que, d'autre part, nous craignions de ne pas trouver dans cette partie de l'Amérique, pour nos Frères, comme religieux, les libertés et les  garanties suffisantes. Enfin, rassurés sur ce point et pouvant disposer de quelques Frères, nous avons cru nous conformer aux desseins de Dieu, en cédant aux vives instances qui nous étaient faites par plusieurs évêques mexicains. En conséquence, nous avons envoyé six Frères, au mois de juillet dernier pour fonder un Etablissement à Guadalajara, ville de 100.000 habitants, dans la province de Jalisco. A leur arrivée, ils ont été bien accueillis par les principaux personnages de la ville, des dignitaires ecclésiastiques et d'autres membres du clergé.

Ils auront pour mission de donner l'enseignement primaire à tous les degrés, avec des cours de langues, de commerce et d'agriculture. Leur arrivée a été saluée en ces termes enthousiastes par un journal de la ville.

« Aujourd'hui enfin, Guadalajara aura la satisfaction de voir son sol foulé par le Frère Pierre-Damien et deux de ses confrères. Ils appartiennent à la Congrégation  des Frères Maristes, ces grands éducateurs qui, concurremment avec les Frères de la Doctrine chrétienne, portent très haut le drapeau de l'enseignement primaire, se faisant admirer dans le monde entier, non seulement par le désintéressement avec lequel ils ouvrent à l'enfance et à la jeunesse un chemin droit et sûr pour l'accomplissement de leurs glorieuses destinées, mais aussi par la manière admirable dont ils s'acquittent de leur auguste mission.

C'est avec la plus grande allégresse que nous donnons une aussi agréable nouvelle. Nous avons été les premiers dans la presse à faire connaître les nobles desseins de la digne Institution éducatrice à laquelle appartiennent les Frères qui nous viennent aujourd'hui, appelés par un groupe de pères de famille soucieux du bien de leurs fils. Nous avons été de ceux qui, avec un véritable enthousiasme, ont proclamé la nécessité de faire venir dans cette capitale ces maîtres catholiques, afin qu'ils y fondent une école où, dans leur enseignement, ils uniront aux progrès modernes de la science, les adorables croyances religieuses de nos pères. C'est nous aussi qui, pas à pas, avons tenu le public au courant des démarches faites pour obtenir l'arrivée de ces excellents éducateurs.

En voyant réalisé le désir qui faisait l'objet de l'une de nos plus sérieuses préoccupations, nous ne pouvons moins faire que de bénir Dieu, qui a bien voulu accorder à Guadalajara la faveur d'être la première des villes de notre pays où les Maristes viennent planter l'étendard sur lequel brille le signe divin de la Croix, emblème de la vraie civilisation et figure de la rédemption du genre humain, arbre destiné à sauver nos enfants du déluge de passions qui, présentement, menace d'engloutir toute âme vivante.

Que de saintes et douces espérances nous fait concevoir l'événement auquel nous consacrons ces lignes ! Une pédagogie basée sur les doctrines philosophiques du positivisme a jeté ses racines dans notre terre fertile ; elle s'efforce de répandre sa vénéneuse influence dans les tendres cœurs de nos fils, et menace d'arracher de nos autels tout ce qui constitue au Mexique une nation éminemment catholique. Le péril est redoutable, comme peut le comprendre celui qui sait l'influence que l'éducation exerce sur l'état et le sort des peuples. Mais le Ciel soit loué ! Il procure aujourd'hui à notre patrie les moyens nécessaires et suffisants pour conjurer la menace de mort qui était suspendue sur notre tête.

Il n'y a pas de doute que les apôtres de la pédagogie catholique qui frappent aujourd'hui à nos portes, sauront faire bon compte de l'enseignement sophistique qui a établi son quartier général dans nos écoles.

Ils ne sont que trois[3], il est vrai, les ouvriers qui viennent travailler dans cette vigne ; mais ce sont trois âmes fortes et convaincues, qui considèrent comme la première de leurs qualités la vocation sans laquelle l'instituteur ne fera jamais rien, et avec laquelle son pouvoir ira jusqu'à transporter les montagnes, et faire jaillir des sources très pures des rochers les plus durs, convertir l'aridité du désert en verger fleuri. Ils ne sont que trois : mais les élus du Christ, envoyés pour prêcher sa loi très sainte, ne furent que douze et conquirent la terre entière !

Soyez les bienvenus, hommes choisis pour commencer la plus noble des entreprises ! Nous vous saluons avec reconnaissance, au moment où vous mettez le pied en notre Cité chérie, parce que nous savons que pour nos enfants bien-aimés, qui sont la chair de notre chair et le sang de notre sang, vous avez quitté votre patrie et affronté les dangers des mers orageuses ! Venez sauver nos fils ! Soyez bénis! »

Quatre autres Frères se sont embarqués au Havre, le 9 décembre, pour Guadalajara, ce qui porte à dix le nombre de Frères rendu nécessaire par le nombre toujours grossissant des élèves qui fréquentent les classes. 

MÉRIDA. 

Nous avons pensé également entrer dans les vues de la Providence en acceptant une importante fondation à Mérida, ville du Yucatan (Mexique). Les premières propositions nous en avaient été faites, il y a peut-être quinze ans, par M.Audomaro Molina, au nom d'un noble et pieux Mexicain, M. Rafael de Regil y Péon. Plus tard, M. Alonso de Regil y Péon, frère héritier de ce dernier, se conformant à ses dernières volontés, renouvela à maintes reprises les mêmes propositions[4]. Nous avions d'autant plus de raisons d'y accéder que, outre le bien à faire et l'avantage d'avoir à Mérida un point reliant, pour nos Frères, les Etats-Unis à la Colombie, M. Alonso de Regil avait confié l'éducation de trois de ses fils, MM. Rafael, Alonso et Alfredo, à nos Frères du Pensionnat de Plaisance, d'où ils sont sortis après six ans environ, s'y étant distingués par l'élévation de leurs sentiments et leur conduite exemplaire. Les deux premiers passèrent ensuite dix-huit mois en notre Pensionnat de Dumfries, où ils laissèrent également les meilleurs souvenirs.

M. Alonso de Regil y Péon étant décédé le 9 août 1898, sa noble veuve et ses enfants, en particulier l'aîné, M. Pedro de Regil, tous dignes héritiers de ses vertus comme de ses biens, mirent d'autant plus d'insistance à demander de nos Frères, que les anciens élèves du cher Frère Gébuin conservaient pour lui une affection toute filiale, et étaient tout dévoués à notre Institut.

C'est dans ces conditions que cinq de nos Frères se sont embarqués le 25 septembre 1899 pour Mérida, où ils sont arrivés le 20 octobre, ainsi que l'annonce le cher Frère Armance, Directeur, par sa lettre du 27 du même mois.

Nous sommes arrivés à Progreso, dit-il, le 20 octobre, après une traversée de vingt-cinq jours. Nous avons été reçus par M. le curé de Progreso, accompagné de M. Ignacio Péon y Regil, de M. José Bales et de M. AIfredo de Regil. Il est bon que je vous dise un mot de chacun de ces messieurs. M. Ignacio Péon y Regil est le président de la Commission chargée d'établir nos écoles dans Mérida : c'est le principal exécuteur du testament de M. Rafael de Regil. C'est donc avec lui principalement que j'aurai à traiter toutes les questions relatives à la fondation. — M. José Bales est l'homme d'affaires, pour ainsi dire, de toutes les communautés religieuses, l'homme toujours prêt à rendre service. M. Alfredo de Regil est le plus jeune des trois fils de Regil qui ont fait leur éducation en notre pensionnat de Plaisance. C'est un excellent jeune homme, plein d'attentions pour nous. Il me parle souvent de votre Révérence qu'il a eu occasion de connaître à Paris et de beaucoup d'autres Frères qu'il a connus…

A Progreso, nous avons déjeuné chez M. Ignacio y Péon, et à 5 heures, nous avons pris le train pour Mérida, où nous sommes arrivés à 6 h. 1/2. Trois fiacres nous ont pris à la gare  et nous ont transportés à la maison de MM. de Regil, où nous attendaient le R. P. Mejia, supérieur des Lazaristes de Mérida; M. Benito Aznar, secrétaire de la Commission des Ecoles M. Bernardo Cano, trésorier de la même Commission M. Ernesto de Regil, membre de la Commission, et MM. Alonso et Rafael de Regil. Ces deux derniers sont frères jumeaux et ont aussi fait leur éducation à Plaisance. Inutile de vous dire, mon Très Révérend Frère Supérieur, qu'un splendide souper, qui devait être pris en compagnie de tous ces messieurs, nous attendait dans cette maison hospitalière.

Les membres de la Commission ont été agréablement surpris de voir leurs désirs satisfaits un mois plus tôt qu'ils ne l'avaient pensé… La maison qui nous est destinée n'étant pas prête, nous avons dû, en attendant, accepter l'hospitalité dans la demeure, je dois dire dans le palais de la famille de Regil, où nous ne foulons aux pieds que marbre et tapis, et où un luxe de domestiques répond au luxe de l'ameublement. Nous nous efforçons néanmoins d'y vivre en Petits Frères de Marie. Au reste les MM de Regil nous donnent l'exemple de la simplicité mariste, malgré le luxe qui les entoure…

Mérida est une très jolie ville : les rues sont droites et très larges. Plusieurs jardins publics ornent la ville ; la cathédrale et les églises sont grandes, belles et bien aérées ; les principales rues sont sillonnées de tramways à trac­tion de mulets…                    

Demain, on célébrera une messe d'actions de grâces chez les Pères Lazaristes, à l'occasion de notre heureuse arrivée à Mérida… Puissions-nous faire tout le bien que l'on peut attendre de fervents Petits Frères de Marie, de dignes enfants du Vénérable Marcellin Champagnat

Tel sera le but de nos efforts… 

OCÉANIE. 

                                            Cawaci (Fidji), Ie 1ier  août 1899.

            Mon Cher Frère Assistant,

Selon votre désir, j'ai commencé le Livre du Maître des exercices contenus dans les cahiers que vous avez reçus. Donc, dans quelques mois, vous pourrez étudier le fidjien comme à Fidji. Le dictionnaire vous sera envoyé; nous y travaillons aussi.

Dimanche, 30 août, nous avons eu ici une bien belle fête : huit de nos élèves ont fait leur Première Communion et sept autres ont reçu le sacrement de baptême. N'est-ce pas beau et encourageant ? Depuis que les Frères sont à Fidji, ils ont eu au moins 20 de leurs élèves baptisés, soit à Suva, soit à Cawaci. Une famille tout entière, à l'exception du père, s'est faite catholique, à Suva par le moyen des enfants fréquentant notre école. La mère était catholique ; mais elle avait cessé d'aller à l'église catholique : elle suivait même son mari au temple protestant, de sorte que tout le monde la croyait protestante.

Dès le début des Frères à Suva, elle nous envoya ses enfants ; quelque temps après, elle me fit demander un catéchisme par l'aîné des enfants. Comme je disais à cet enfant que, puisqu'il n'était pas catholique, je ne l'obligerais pas à apprendre le catéchisme, il me répondit : « Maman me dit que cela ne me fera pas de mal. »

   Les enfants ont continué d'aller à l'école des Frères à  Suva, et, il y a deux ans, la mère, accompagnée de ses six ou sept enfants, s'est réconciliée avec Dieu et a fait baptiser toute sa famille, laquelle est une des plus honorables de Fidji.

Nous avons encore plus de dix protestants parmi nos élèves, et tous, nous l'espérons, deviendront catholiques dans un temps plus ou moins éloigné. Quel encouragement pour nous ! Notre travail n'eût-il d'autre résultat, que nous serions amplement récompensés. Mais quand on pense à tout le bien que ces enfants, devenus chefs à leur tour, pourront faire, à l'influence que la Mission pourra avoir sur ces chefs élevés par elle, on est bien excité à travailler avec zèle à la partie de la vigne que le divin Maître nous donne à défricher.

Notre école a une réputation bien établie à Fidji. Les élèves demandent de toutes parts à y être admis. Un jeune homme protestant, qui était resté quatre ans à l'école du ministre de la ville royale de Bau, s'échappa un jour et vint chez nous. Grand fut son étonnement quand il vit, lui, qui se croyait un phénix, qu'il ne savait qu'un peu d'arithmétique et ne comprenait pas un mot d'anglais, tandis que nos élèves, même les plus jeunes, entendaient assez bien ce que nous leur disions en cette langue. Il se mit, alors à travailler fortement pour apprendre à s'exprimer en anglais. Comme il avait enfreint la loi en venant sans permission (tout jeune homme âgé de 16 ans ne peut quitter son village sans permission), il fut appelé devant le juge de paix et condamné à la prison. Il nous dit que le magistrat l'aurait libéré, mais que le ministre protestant avait demandé qu'il se rendit à Bau, espérant peut-être le gagner. Il est résolu à tous les sacrifices. Si on ne veut pas le laisser venir, il s'échappera, a-t-il dit, ira à l'école de Rewa comme décidé à se faire catholique et catéchiste.

Priez Dieu pour le succès de nos écoles. Celle de Rewa est sur le point de s'ouvrir ; elle demandera quelqu'un d'expérimenté pour la bien organiser. Là aussi il y a un bien immense à faire, mais difficile, à cause de la haine acharnée des Wesleyens, qui semblent jeter les hauts cris en voyant la bienveillance (je devrais simplement dire la justice) du gouvernement. Ils ne peuvent pas souffrir que les catholiques soient laissés libres et traités selon les règles de l'équité ; leurs journaux sont presque menaçants. Le gouvernement ne se laisse point effrayer ; très souvent il révoque les chefs Fidjiens qui n'agissent pas selon la justice. Il a donné un grand coup au pouvoir des chefs en déclarant tout sujet au-dessus de 16 ans libre d'aller à l'école de son choix.

Nous avons 53 élèves dont la plupart ont de 5 à 6 pieds de haut. Ils ne nous donnent point de peine ; ils sont bien assidus et bien dociles.

Je me recommande à vos bonnes prières et à celles de nos chers Frères de France.

Tout à vous en Jésus, Marie, Joseph.

                      F. Hervé. 

Dans une autre lettre, le même Frère nous donne les renseignements suivants : 

NOUVELLE ÉCOLE A REWA (FIDJI). 

Sur la demande de Mgr Vidal, nos Frères ont pris la direction de l'école à Rewa, à dix milles de Suva. La localité est fort agréable : elle est reliée à Suva par un petit bateau à vapeur qui fait le service deux fois par jour. Les missionnaires, prêtres et Frères, ont le passage gratuit sur ces bateaux. La maison des Frères est bâtie en mâchefer et possède une cour sur le bord d'une rivière.

Cette fondation est dans le genre de celle de Cawaci, pour les fils des chefs. Les Frères parviennent non seulement à leur donner la connaissance de l'anglais et l'amour du travail, mais, ce qui est mieux, à en faire des chrétiens qui seront d'un puissant secours, plus tard pour la conversion de leurs compatriotes.

L'école de Rewa est autorisée par le Gouvernement qui contribue, pour une part, aux frais d'entretien des élèves.

A Suva, les Frères ont actuellement : 1° Une école pour les blancs, qui comprend 13 pensionnaires et 27 externes; 2° une école pour les Indiens et les insulaires, qui compte 25 élèves. Parmi les Indiens, trois sont de la plus haute classe, mais protestants; quatre sont païens, sept sont mahométans. Un seul Indien est catholique.

Parmi les insulaires, un seul est catholique. Tous les autres sont païens ou protestants.

Nos Frères de Fidji ont donc à remplir un véritable apostolat au milieu de tous ces enfants de tant de races, de couleurs, de langues et de religions différentes. Dieu bénit leurs travaux et les rend féconds pour le salut des âmes et leur propre sanctification. 

NOUVELLE-CALÉDONIE. 

                      Païta, 12 octobre 1899.

            Mon Révérend Frère Supérieur,

Vous apprendrez avec plaisir que j'ai été avisé, par une lettre du Secrétaire Général, organisateur de l'exposition, position de Nouméa, que, dans l'une de ses réunions  le Comité de l'Union agricole m'avait

décerné un prix hors concours, pour mes collections d'oiseaux, admirées de tous ceux qui les avaient vues. Dieu en soit béni ! C'est le Vénérable Père Champagnat qui m'a sûrement aidé dans le mandat que m'avait donné le Gouverneur pour cette exposition.

Nous avons eu la première communion le 8 octobre, 60 premiers communiants y ont été admis, dont Il élèves du Pensionnat Saint-Léon, 12 garçons de l'Orphelinat, et près de 30 noirs ou négresses de la tribu Saint-Vincent, presque tous vieux ou vieilles à oreilles percées et fendues.

Pierre, le chef de la tribu, était en tête. Il a voulu me faire cadeau de ses dieux ou fétiches. Je les ai acceptés. « Maintenant, M'a-t-il dit, que j'ai le même Dieu que Vous, que je suis de la même religion que vous et que je suis catholique, je n'ai plus besoin de ceux-là. Je vous les donne. Vous Pouvez en faire ce que vous voudrez ; je ne veux plus y toucher. » Ces fétiches avaient été légués et transmis, depuis un temps reculé, de père en fils, toujours d'un chef à un autre chef.

Parmi ces fétiches, il y a une grosse pierre toute ronde à laquelle est attribuée la vertu de faire pleuvoir; puis deux ou trois autres pierres auxquelles on reconnaît le pouvoir de faire pousser les taros et de les faire grossir… Je vous envoie le tout pour le musée…

                     F. Antonino. 

AFRIQUE DU SUD. 

     Très Révérend Frère Supérieur Général,

Comme vous m'avez manifesté le désir d'avoir un petit rapport sur nos établissements du Sud de l'Afrique, je suis très heureux de vous l'offrir aussi complet que ma connaissance du pays peut me le permettre.

Je ne vous ferai point une description géographique de la colonie du Cap, ni du Transvaal que vous connaissez fort bien par l'excellent rapport fait, en 1896, par le Cher Frère Procope, lors de sa visite. je me contenterai de vous donner un aperçu sur le passé, le présent et nos espérances pour l'avenir de chacun de nos Établissements.

D'abord, je me plais à vous dire que partout nos rapports avec le clergé sont tels qu'on peut le désirer évêques et les prêtres estiment les Frères et apprécient le bien qu'ils font dans les paroisses en donnant à leurs élèves une éducation vraiment chrétienne, et une instruction qui ne le cède en rien à celle des écoles publiques, ainsi que les résultats des examens en font foi. Les Frères de leur côté, ne négligent rien pour rester unis au clergé et mériter sa confiance.

Pendant longtemps, il y eut chez nous, une profonde peine de voir le mélange de protestants et de catholiques parmi nos élèves. Nous regrettions sincèrement d'être employés dans ces écoles où quelquefois la majorité était protestante. Nous pensions que notre vie serait plus utilement employée en des pays entièrement catholiques ; et, plus d'une fois, nous nous en plaignîmes à vous, mon T. R. P. Supérieur, ainsi qu'il vous en souvient peut-être. Cependant, avec le temps et suivant J'avis des évêques, nous comprimes que c'était le seul moyen pour nos élèves catholiques, trop peu nombreux pour soutenir les écoles, de se procurer des maîtres religieux, grâce aux rétributions des protestants ; et nous résolûmes de nous dévouer à l'œuvre comme elle se présentait. Le mélange est regrettable sans doute; mais il en résulte quand même quelque bien.

En effet, les jeunes protestants qui passent quelques années chez nous (et bon nombre y finissent leurs études), apprennent à connaître les catholiques et à les apprécier. Par suite, quand ils entendront leurs ministres parler contre la religion catholique, ils sauront à quoi s'en tenir ; et plus tard, l'estime et le respect qu'ils auront conservés pour leurs maîtres, pourront devenir des germes de conversion.

CAPETOWN. – L'établissement du Cap, fondé en 1867, n'a cessé de prospérer depuis ce temps. Nous y avons depuis le commencement deux écoles, Saint-Joseph's Academy, pour les fils de familles aisées, et Saint-Aloysius pour les enfants de parents de condition plus humble. Ces écoles ont fourni cinq ou six prêtres au diocèse et deux Frères.

 Saint-Joseph's Academy compte en ce moment environ 150 élèves. Saint-Aloysius est toujours en pleine prospérité, et les rapports de l'Inspecteur du Gouvernement sont satisfaisants. On a commencé l'année dernière à donner l'enseignement industriel. Le Gouvernement a fourni les établis et les outils. Un maître, payé aussi par le Gouvernement, vient donner des leçons deux ou trois fois par semaine ; les enfants travaillent sous ses yeux et ils ont déjà fait des progrès remarquables. J'ai vu des pièces de bois travaillées et ajustées par eux, et j'ai été agréablement surpris des résultats obtenus.

La ville du Cap a des écoles nombreuses, pourvues de professeurs capables, et elles sont très florissantes aussi la concurrence y est-elle très sérieuse.

PORT-ELISABETH. – La direction de cet Établissement nous fut confiée en 1879, lors de la première visite du cher Frère Procope. L'école existait déjà depuis longtemps, elle était tenue par les prêtres de la paroisse; niais, comme ils ne pouvaient lui donner tous les soins voulus, à cause de leurs autres fonctions, les résultats étaient fort médiocres. A l'arrivée des Frères, il y eut un grand changement : les élèves augmentèrent rapidement.

En 1882, sur la demande des parents, on ouvrit une Académie comme à la ville du Cap. La vieille maison d'habitation des Frères fut aménagée pour une école supérieure et une autre maison plus convenable fut achetée par Mgr Ricards pour y loger les Frères devenus plus nombreux.

La nouvelle école fut bientôt remplie, ainsi que celle de la paroisse, et elle alla en prospérant jusqu'en 1890. A cette époque, la vieille maison servant d'école pour l'Académie étant devenue inhabitable, une autre plus spacieuse fut bâtie sur le même terrain. L'école ayant continué à prospérer, cette construction est devenue elle-même insuffisante.

L'Academy, confiée actuellement aux soins du Frère Florence-Mary, compte environ 130 élèves, divisés en trois classes. L'école n'a jamais été plus prospère. Les résultats aux examens de l'Université, cette année surtout, ont été très bons : quatre candidats sur cinq à l'Elementary Examen et deux pour le School Higher. Il est difficile d'arriver à préparer des candidats pour un examen plus élevé ; car, en général, les jeunes gens quittent l'école entre 14 et 15 ans et souvent plus tôt. Bon nombre d'entre eux entrent dans les bureaux des grands marchands de la ville, qui semblent très heureux de les avoir. Ils les demandent même souvent à nos Frères avant les vacances, afin d'être sûrs d'en obtenir.

L'école paroissiale, actuellement dirigée par le Frère Sigismond, est aussi très prospère, ainsi que l'indique le rapport de l'Inspecteur du Gouvernement. Elle compte à présent environ 150 élèves dont une bonne moitié est catholique.

UITIENHAGE. – Cet Établissement fut fondé en 1884. Au mois de juin de cette année, les Frères du Cap et de Port-Elisabeth se réunirent à Uitenhage, pour la première fois, pour y faire la retraite. Ils étaient au nombre de 16. Ce fut pour nous tous un vrai bonheur de nous trouver ainsi réunis comme nos Frères d'Europe. La maison était alors des plus humbles et nous rappelait les commencements de l'Institut. Le 16 juillet, nous ouvrîmes l'école avec neuf externes et un pensionnaire. Le nombre des externes augmenta assez rapidement ; mais il n'en fut pas de même des pensionnaires. Après cinq ans d'existence le pensionnat ne comptait guère qu'une vingtaine d'internes. Il est vrai de dire que le dortoir et les classes étaient loin d'être attrayants.

En 1889, on construisit à côté de la vieille maison un petit corps de bâtiment à l'ouest de la propriété. Mais on commença sur un plan beaucoup trop petit pour servir de base à de futures constructions.

De 1889 à 1892, il y eut une augmentation sensible dans le nombre des élèves pensionnaires et externes. On arriva à trente pensionnaires et une cinquantaine d'externes. La première construction étant insuffisante, on construisit un nouveau corps de bâtiment en 1893.

En 1895, nous eûmes la visite du cher Frère Procope, qui nous trouva dans d'assez bonnes conditions. Mais cette même année, le nombre des pensionnaires s'accrut encore et s'éleva à soixante. Au commencement de 1896 on acheta un hôtel et un terrain qui nous limitaient.

Notre propriété forme maintenant un rectangle parfait de 275 mètres sur 150. Cependant je dois faire remarquer que l'église est propriétaire d'un tiers de ce rectangle ; cette partie est en jardin à l'usage de la communauté.

A la fin de 1896, nous arrivâmes au nombre considérable de 100 pensionnaires et de 70 externes. En juin 1898, nous avions fini de payer toutes nos dettes occasionnées par ces divers achats et agrandissements. La place nous manquant encore,vous avez bien voulu, au commencement de cette année, nous permettre d'élever d'un étage le vieil hôtel. Notre Etablissement a maintenant une belle apparence et renferme des dortoirs dont un seul peut loger 50 pensionnaires. Cependant je dois ajouter que, par suite de la création du Noviciat et du Juvénat, nous sommes de nouveau dans la gêne.

Ce qu'il nous faudrait pour le moment, c'est un personnel plus nombreux. Le bon F. Albert remplit depuis deux ans, avec une grande patience, un grand dévouement et beaucoup de succès, les deux emplois de professeur et de surveillant. Nous continuons aussi à employer des professeurs laïques auxquels il faut payer un traitement très élevé.

Malgré les difficultés, le collège continue à prospérer; il obtient chaque année, dans les examens, d'excellents résultats ; et le bon esprit, la piété et l'amour du travail y règnent d'une manière consolante. Je crois donc pouvoir dire qu'avec la protection de Notre-Dame de Bonne Espérance, sous l'égide de laquelle notre collège est placé, son avenir est aussi assuré que peut l'être celui d'une œuvre de ce genre.

Ici, comme en France, notre grand souci est l'éducation chrétienne des enfants, qui sont cependant assez bien disposés et nous donnent de vraies consolations ; ils fréquentent les Sacrements très régulièrement. La Communion du premier vendredi du mois est toujours une Communion générale, volontaire et non de règle. En outre, nous avons au Collège la Communion perpétuelle, c'est-à-dire que chaque jour, il y a un élève, quelquefois deux, qui font la Communion réparatrice. Lorsque nos élèves quittent l'école, ils continuent (la grande majorité du moins) à pratiquer leurs devoirs religieux.

Nous croyons pouvoir regarder la dévotion au Sacré-Cœur comme une des causes de la prospérité de l'école et du bon esprit qui règne parmi nos élèves.

JOHANNESBURG (Transvaal[5]). – La bonne réputation de cette école, qui comptait 700 élèves, a rejailli sur toutes nos maisons de l'Afrique du Sud. Malheureusement la guerre va entraver cette œuvre pour quelques mois.

L'école de Johannesburg doit être fermée actuellement. Sur les 16 Frères qui formaient la Communauté de Johannesburg, 9 ont quitté le Transvaal ; ils sont répartis maintenant dans les trois maisons de la colonie du Cap. Le Frère Directeur a offert les classes pour servir d'ambulance pendant la guerre. Cette offre a été acceptée avec reconnaissance par l'administration, de même que les services des sept Frères restant pour se dévouer au soin des blessés et des malades.

L'Établissement sur lequel a été hissé le drapeau tricolore, orné du Sacré-Cœur, est placé sous la protection du Consul Général de la France à Pretoria. Espérons que le Sacré-Cœur sera pour nos Frères une puissante sauvegarde et que bientôt on verra la fin de cette malheureuse guerre. Je recommande à tous nos Frères de prier à cette intention, et aussi pour le repos des âmes de tous ces braves jeunes gens qui perdent la vie sur les champs de bataille.

Je termine, mon Révérend Frère Supérieur, en faisant un pressant appel au zèle des Frères qui seraient disposés à se dévouer avec nous sur cette terre d'Afrique. Ici les vocations sont rares, car les catholiques sont peu nombreux ; et cependant il faut bien soutenir et développer cette œuvre ; le temps viendra où la semence profitera : c'est la terre de Bonne Espérance. Donc, j'espère et j'ai l'honneur d'être, etc.

           F. Joseph-Marie. 

CHINE. 

En Chine, notre œuvre se développe de plus en plus; cinquante de nos Frères y sont employés, non sans de consolants et encourageants succès qui témoignent et de leur dévouement et de la bénédiction divine.

Sur les instances de M. le Ministre de France à Pékin, nous avons ouvert, cette année, dans l'empire chinois, trois nouvelles écoles françaises. D'autres nous sont demandées que nous ouvrirons quand nous pourrons disposer du personnel voulu.

Nous pensons qu'on lira avec intérêt la lettre qui suit : 

Lettre de M. Jadot, directeur européen du chemin de fer de Hankow, au Frère Visiteur.

                      Octobre 1899.

Comme suite à notre conférence du 7 courant, en présence de M. le Baron d'Anthouard, premier Secrétaire de la Légation de France, j'ai l'honneur de vous confirmer mon acceptation des principales conditions fixées par vous, pour l'envoi à Hankow de trois Frères Maristes qui seront chargés de l'enseignement de la langue française et, éventuellement, d'autres branches d'études primaires et moyennes, à l'école fondée par notre administration.

Le traitement annuel de chacun de ces professeurs est -fixé à quinze cents francs payables par mois et à partir de leur entrée en fonction. — Ce traitement sera payé en taëls d'après le change du dernier jour du mois. Il sera alloué à chacun d'eux une indemnité de mille francs pour frais de voyage de France jusqu'à Hankow, et une indemnité de mille francs pour frais d'ameublement, de trousseau et d'installation.

Notre Compagnie fournira les locaux nécessaires pour le logement des professeurs et pour l'école. Je ferai tout mon possible pour donner à MM. les Frères un logement assez rapproché de l'église catholique, afin de leur permettre d'assister chaque jour à la Messe ; mais, si ce logement était trop éloigné dans la ville chinoise, je leur procurerais des chaises à porteurs qui les transporteraient chaque matin à l'église.

L'ameublement des classes sera fourni par notre Compagnie, d'après les indications des professeurs. Ceux-ci auront le choix du programme et des méthodes qui leur paraîtront les meilleures ; mais il est entendu que pour la partie administrative, l'école sera entièrement sous la direction de la Compagnie.

Chaque année, à l'époque des fortes chaleurs, il sera accordé des vacances d'une durée maximum de deux mois, et il sera alloué aux professeurs une indemnité de voyage à fixer ultérieurement afin de leur permettre de se rendre à la réunion annuelle de leurs Frères religieux, celle-ci devant avoir lieu à Shanghai, ou en un autre point central situé à peu près à la même distance de Hankow.

Notre Compagnie paiera à Monsieur le Frère Visiteur des Frères Maristes, une somme à fixer ultérieurement en remboursement des frais d'un voyage annuel d'inspection à Hankow.

La durée de l'engagement de ces professeurs est de cinq années ; cependant il peut se présenter des circonstances extraordinaires qui nous obligeraient à licencier l'école : c'est pourquoi je vous prie de bien vouloir examiner quelle serait, lecas échéant, l'indemnité à payer aux professeurs.

Quant aux questions de détail, règlement intérieur, etc., elles seront, j'en suis certain, facilement réglées à Hankow, lors de l'installation de l'école.

Je termine, Monsieur le Frère Visiteur, en vous remerciant d'avoir bien voulu consentir à l'envoi de trois membres de votre Congrégation si justement appréciée en Chine. J'ai la conviction que les heureux effets de la présence de ces professeurs à la tête de notre école ne tarderont pas à se faire sentir.

Veuillez agréer, etc.

                 L'ingénieur contrôleur,

                            Jadot. 

TURQUIE, SYRIE ET AUTRES CONTRÉES D'ORIENT. 

Le nombre de nos Frères employés dans les écoles d'Orient va croissant chaque année : il s'élève actuellement à 67, dont 26 sont employés dans des collèges dirigés par des prêtres lazaristes ou par des Pères de la Compagnie de Jésus, et 41 sont répartis dans les écoles ci-après désignées, et donnent l'instruction à 730 élèves à la grande satisfaction tant du clergé que des autorités qui représentent la France en Orient. 

Extrait du Rapport du C. F. Paulin,

Vicaire Provincial, à la suite de sa visite du mois de juillet 1899. 

1° COLLÈGE SAINT-BENOIT. 

Le 24 septembre 1892, quatre Frères s'embarquaient à Marseille pour se rendre au Collège Saint-Benoît, dirigé par les Lazaristes, à Constantinople, et y être employés à titre d'auxiliaires. A l'arrivée des Frères, il y avait au Collège de 120 à 140 jeunes gens, apprenant le français, langue commune qui sert de lien à douze nationalités ou races différentes. Ces élèves parcourent tous les degrés de l'instruction depuis les premiers éléments de la lecture et de l'écriture, jusqu'au baccalauréat. Les Frères, au nombre de 6, apportent un concours dévoué à la prospérité de cet établissement. 

2° SAINTE-PULCHÉRIE. 

Au Collège Sainte-Pulchérie, nous avons 5 Frères, également employés soit aux classes, soit à la surveillance. 

3° MAKRI-KEUI. 

Cette ville de 10.000 âmes est située sur la mer de Marmara et à 15 kilomètres de Constantinople. Elle est reliée à la capitale par un chemin de fer et des trains qui favorisent les communications.

L'église catholique est desservie par des Pères Dominicains italiens.

C'est au mois de septembre 1895 que nos Frères prirent possession d'une petite école, tenue jusque-là par des religieuses. Ils débutèrent avec sept élèves et ils finirent l'année en donnant des prix à 55 élèves. La prospérité de l'école a été toujours croissante. Cette année, elle a eu 100 élèves.

Les rétributions mensuelles sont de 8 à 13 francs.

Toutefois, cette école, comme toutes les œuvres du Dieu, a été marquée au coin de la croix. Les Frères ont été obligés de changer trois fois de local. Il a fallu l'intervention de l'ambassade pour avoir raison des taquineries. On a été jusqu'à mettre un piquet de soldats à la porte de l'école. Les élèves avaient bien la faculté de sortir, mais non celle de rentrer. Mais Notre-Dame du Saint-Rosaire, veillant sur ses enfants, a inspiré l'offre généreuse qui nous a été faite d'acheter la maison que nous occupionset d'y asseoir définitivement notre œuvre. Depuis quatre mois, Notre-Seigneur en a pris possession, en occupant la plus belle chambre transformée en chapelle. 

4° SCUTARI. 

Scutari est situé en Asie en face de Constantinople. C'est une ville d'une étendue immense, composée de nombreux groupes de maisons disséminées çà et là sur les bords du Bosphore. La population d'environ 100.000 âmes, est composée de Turcs, de Grecs et d'Arméniens schismatiques ; les catholiques sont en petit nombre, environ 200. Les Turcs fervents de Constantinople tiennent à s'y faire inhumer.

C'est le 27 novembre 1894, jour où l'on célèbre la fête de la Médaille miraculeuse, que nos Frères prirent, à la dérobée, possession de l'école dirigée jusqu'alors par une Sœur de Saint-Vincent-de-Paul. Ils eurent 43 élèves le premier jour, et en mai, le nombre montait à 70 ; il s'est accru, les années suivantes, jusqu'à 140. Ces élèves sont répartis dans quatre classes, faites par les Frères. Des professeurs de turc, de grec et d'arménien viennent, tour à tour, donner des leçons de langue.

Cette fondation, elle aussi, a été marquée au coin des épreuves. Après l'acquisition des quatre maisons et du jardin qui composent notre propriété en Asie, le difficile fut d'en déloger les locataires. Inutile, dans ce cas, d'avoir recours à la police ; le mieux est de traiter avec les occupants et de leur donner de l'argent, à moins d'employer le procédé qui consiste à enlever le toit de la maison ; mais ce n'est pas le moins onéreux.

C'est aussi avec les autorités turques qu'il a fallu compter. Les moindres réparations, même à l'intérieur étaient arrêtées par les policiers, jusqu'à ce qu'on leur eût donné un pourboire. Des difficultés plus grandes encore, que je ne mentionne pas, nous sont venues de l'homme d'affaires chargé de ces achats. 

5° BÉBEK. 

Bébek, où nos Frères Ont été installés en 1896, est un joli village sur le Bosphore. L'air y est pur, la température bonne, grâce à son orientation et aux grands arbres qui l'ombragent. Les Lazaristes y possèdent une grande et belle propriété qui leur sert de campagne. Pendant la belle saison, tout le personnel, maîtres et élèves de Saint-Benoît et de Sainte-Pulchérie, vient y passer la journée du jeudi. Nos Frères des deux collèges y passent leurs vacances, et c'est là que tous se réunissent pour leur retraite.

Cette école se développe, et le nombre des élèves va toujours croissant. L'année qui vient de s'écouler a eu 60 inscriptions. Les Frères ont à leur disposition un vaste enclos où ils cultivent leurs légumes. 

6° SAMSOUN. 

Samsoun est une, ville de 25.000 âmes, sur les bords de la mer Noire, dans l'Anatolie. C'est l'ancienne Amysos. Son port est très fréquenté et sert d'entrepôt au commerce de l'intérieur qui y est considérable. On peut prévoir que, d'ici peu, cette ville aura triplé sa population. A part 300 catholiques romains et arméniens, le reste de la population est composé de Turcs, de Grecs et d'Arméniens schismatiques.

En 1895, les Frères Maristes ont fondé une école française catholique à Samsoun. Cette école a progressé malgré les tracasseries et les sourdes Persécutions que lui ont suscitées les diverses communions religieuses dissidentes : dix-sept élèves au début, une centaine aujourd'hui, dont le quart Arméniens ou Latins. Cet Établissement aurait beaucoup plus d'élèves si un local mieux aménagé se prêtait à en recevoir davantage. Mais en se perpétuant dans cette situation, l'école ne pourra guère se développer.

Le plus triste, c'est que, faute d'espace, beaucoup d'élèves de Samsoun s'en vont au grand collège américain de Marsivans (100 km.), où rien ne manque pour y attirer le plus de jeunes prosélytes possible. Cependant notre position est excellente au point de vue du bien à faire, Samsoun étant le premier port de commerce de la Turquie sur la mer Noire, où tous les produits de l'intérieur, au versant nord des monts Taurus, aboutissent nécessairement.

Trois élèves de cette école se sont faits catholiques, en laissant leurs parents dans les schismes grec et grégorien: ceux-ci ne les gênent en rien dans la pratique de leur nouvelle foi. Un autre élève, Arménien catholique, dont le père a été victime des massacres de Tokat, a subi avec succès les examens d'admission à l'Université de médecine des Pères Jésuites de Beyrouth, où il figure dans les premiers rangs de son cours.

Le Frère Marie-Raphaël, fondateur et directeur de l'école catholique de Samsoun, autorisé par ses Supérieur, prie toutes les âmes généreuses de vouloir bien lui accorder un secours pour asseoir son œuvre, toute de dévouement religieux et patriotique.

Il voudrait devoir à la charité française les ressources nécessaires pour l'acquisition d'un terrain bâti ou à bâtir et se soustraire ainsi aux exigences et aux caprices de propriétaires orientaux, qui l'obligent, lui et ses Frères, à changer d'immeuble jusqu'à quatre fois en trois mois !

Nous recevrons donc avec reconnaissance les sommes qu'on voudra bien nous adresser pour cette œuvre si intéressante. 

DÉPARTSDE FRÈRES POUR LES MISSIONS 

1. – 31 décembre 1898. -Du Havre pour New-York Frères Léon-Isidore, Léon-Elisée.

2. – 25 février 1899. – DuHavre pour New-York Frères Etienne-Frédéric, Jules-Cyprien.

3. – 2 mars. – DeMarseille pour Beyrouth (Syrie): Frères Joseph-Ignace, Marie-Eléazar.

4. – 8 avril. – DuHavre pour New-York : Frères Charles-Augustin, Benoît-Joseph.

5. – 23 avril. – DeMarseille pour Sydney accompagnés du Frère Victor, Visiteur à Sydney : Frères Hamon, pour Nouméa; Sidoine-Apollinaire, pour Sydney.

6. – 26 avril. – DeBordeaux pour la Colombie Frères Joseph-Célestin, Josias.

7. – 13 mai. – DeSouthampton pour le Cap, accompagné des Frères Aristoeus et Valerian qui retournaient dans la Mission : Frère Gervase.

8. – 29 juin. – De Marseille pour Constantinople, avec le cher Frère Paulin, Provincial : Frères Marie-Damien, Paul-Armand, Paul-Félix.

9. -1ierjuillet. – Du Havre pour Guadalajara (Mexique) : Frères Pierre-Damien, Anselmo, Filogonio ; et Léon-Bernardin, pour le Canada.

10. – 30 juillet. – De Marseille pour Shanghai (Chine) : Frères Joseph-Séraphin, Pierre-Alexis, Marie-Hippolytus,André-Léon,Marie-Floribert.

11. – 11 août. – De Bordeaux pour Congonhas, (Brésil) : Frères Gondulphe, Marie-Octave, Abondance, Bassien, Honoré-Eugène.

12. – 13 août. – De Marseille pour Nouméa : Frère Marie-Florentin, Visiteur pour la Nouvelle-Calédonie, Frère Louis-Andéol.

13. – 24 août. – De Marseille pour Constantinople : Frères Marie-Augustalis, Louis-Claudius, Louis-Firmin, Marie-Xavier, Joseph- Hormisdas.

14. – 7 septembre. – De Marseille pour Beyrouth (Syrie) : Frères François-Joseph, qui retournait dans la Mission, Marie-Théodose, Néophytus.

15. – 23 septembre. – De Marseille pour le Caire (Egypte) : Frère Joseph-Baptiste.

16. – 25 septembre. – De Barcelone pour Mérida (Mexique) : Frères Armance, Paxentius, Magloire, Tommasi, Magno.

17. – 10 octobre. – De Marseille pour Mahé (Seychelles) : Frères Lee, Théotiste.

18. – 2 novembre. – De Marseille pour Constantinople : Frères Marie-Bajule, Maximin, Joseph-Henricus.

19. – 5 novembre. – De Marseille pour Shanghai (Chine) : Frères Louis-Julien, Joseph-Amateur, Rémy-François, Paul-Chanel.

20. – 30 novembre. – De Marseille pour Constantinople, accompagnés du Frère Marie-Raphaël qui retournait à Samsoun : Frère Marie-Antoine; pour Beyrouth (Syrie) Frères Marie-Austremoine, Joseph-Fabien.

21. 9 décembre. – Du Havre pour Guadalajara Mexique) : Frères José-Léon, Tiburcio, Tirso, Colombius, et pour le Canada : Frères Vétérin, Marie-Ulfrid, Turibe.

Ces vingt et un départs comprennent soixante-quatre Frères de toutes les provinces, et cinq Frères qui sont retournés dans leurs Missions. 

AVIS DIVERS 

1°NOTICES NÉCROLOGIQUES. – Une dizaine de Notices nécrologiques viennent d'être imprimées; mais pour éviter les frais considérables d'un envoi par la poste, nous les avons expédiées par ballots aux Procures provinciales, d'où les Frères Directeurs les recevront occasionnellement.

2° DÉCÈS. – Les Chers Frères Directeurs sont priés de ne mettre aucun retard à donner avis au Secrétariat de la Maison-Mère, de tout décès arrivé dans leur communauté, sans omettre d'en indiquer la date ; de même pour les Frères, Postulants et Juvénistes décédés dans leur famille.

3° EXPOSITION. – Les travaux préparés en vue de l'Exposition, actuellement terminés, doivent être adressés au plus tôt aux chers Frères Visiteurs Provinciaux, afin qu'ils puissent nous les faire parvenir sans retard.

Les cahiers de devoirs scolaires encore en voie d'exécution devront nous êtres envoyés avant le 20 janvier. Nous avons besoin de les avoir à cette date pour les faire relier en albums. Quant aux travaux dont la reliure ne doit pas être faite par la Maison-Mère, le dernier délai pour leur envoi est la fin février.

 

Nos DÉFUNTS. 

F. LOUIS-MARIUS, Obéissant, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 11 juin 1899.

F. URBAIN-JOSEPII, Obéissant, décédé dans sa famille, à Valvignières (Ardèche), le 16 juin 1899.

F. CHRISTINUS, Profès, décédé à Halluin (Nord), le 21 juin 1899.

F. SIMPLICIEN, Novice, décédé dans sa famille, à Saint-Thomé (Ardèche), le 23 juin 1899.

   MEFFRE Victor, Juvéniste, décédé dans sa famille, à Rasteau (Vaucluse), le 24 juin 1899.

F. JOSEPH-DOROTHÉE, Obéissant, décédé à Beaucamps (Nord), le 26 juin 1899.

F. CLOVIS, Stable, décédé à Varennes- sur-Allier (Allier), le 1ierjuillet 1899.

F. LEON-ARSENE, Obéissant, décédé dans sa famille, à Annonay (Ardèche), le 1ier juillet 1899.

F. LEON-ABEL, Obéissant, décédé à Montréal (Canada), le 3 juillet 1899.

F. MARIE-GOBRIEN, Obéissant, décédé à Lacabane (Corrèze), le 23 juillet 1899.

F. EUTHYME, Ancien Assistant, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 25 juillet 1899.

F. MARIE-ADELPHUS, Obéissant, décédé à Aubenas (Ardèche), le 26 juillet 1899.

F. ROSTAING, Profès, décédé à Charlieu (Loire), le 7 août 1899.

F. ATHÉNODORUS, Obéissant, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 13 août 1899.

F. ADRIEN-AUGUSTE, Novice, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 17 août 1899.

F. PAUL-AUGUSTE, Profès, décédé à Saint-Romain-de-Popey (Rhône), le 23 août 1899.

F. AGLIBERT, Profès, décédé au Péage-de-Roussillon (Isère), le 26 août 1899.

F. ASCLEPIAS, Profès, décédé à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire), le 26 août 1899.

F. JOSEPH-MAURICE, Obéissant, décédé dans sa famille, à Rexpoéde (Nord), le 31 août 1899.

F. JONAS, Novice, décédé dans sa famille, au Fraysse (Haute-Loire), le 1ierseptembre 1899.

F. THÉODOTE, Profès, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 2 septembre 1899.

F. DIOSCORE, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 7 septembre 1899.

F. CÉRAN, Profès, décédé à La Valla (Loire), le 7 septembre 1899.

F. LADISLAO, Obéissant, décédé dans sa famille, à Quintano-Ortugno (Espagne), le 12 septembre 1899.

F. ASCLÉPIADE, Profès, décédé à Varennes-sur-Allier (Allier), le 15 septembre 1899.

   STEUER Jean, Postulant, décédé dans sa famille, à Remlingen (Prusse rhénane), le 15 septembre 1899

F. JEAN-GABRIEL, Obéissant, décédé dans sa famille, à Montfaucon (Haute-Loire), le 17 septembre 1899.

   BAYO Mariano, Juvéniste, décédé à Burgos (Espagne), le 21 septembre 1899.

F. EYBERT, Profès, décédé à Méricourt (Pas-de-Calais), le 24 septembre 1899.

F. LUCIANO, Profès, décédé à Cali (Colombie), le 28 septembre 1899.

F. ELIE-FRÉDÉRIC, Obéissant, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 3 octobre 1899.

F. EULAMPIUS, Obéissant, décédé à Varennes-sur-Allier (Allier), le 7 octobre 1899.

F. ABILE, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 9 octobre 1899.

F. CHARLES-XAVIER, Novice, décédé dans sa famille, à Amiens (Somme), le 9 octobre 1899.

F. MARIE-ALBÉRIC, Obéissant, décédé à Antibes (Alpes-Maritimes), le 10 octobre 1899.

F. MARIE-BENIGNUS, Profès, décédé à Varennes-sur-Allier (Allier), le 12 octobre 1899.

F. ELIE, Profès, décédé à Neuville-sur-Saône (Rhône), le 13 octobre 1899.

LOMBARD Augustin, Juvéniste, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 13 octobre 1899.

F. CONCORDE, Profès, décédé à Willems (Nord), le 18 octobre 1899.

F. JEAN-AUSTREMOINE, Novice, décédé à Varennes-sur-Allier (Allier), le 20 octobre 1899.

F. MARIE-JEPHTÉ, Obéissant, décédé à Aubenas (Ardèche), le 26 octobre 1899.

   HERRENG Désiré-Jos., Postulant, décédé à Beaucamps (Nord), le 30 octobre 1899.

F. NICÉPHORE, Obéissant, décédé dans sa famille, à Laboule (Ardèche), le I- novembre 1899.

F. AMPHIANUS, Novice, décédé dans sa famille, à Saint-Laurent-­du-Pont (Isère), le 5 novembre 1899.

F. MARTIAL, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 21 novembre 1899.

F. MARIE-VIBERT, Novice, décédé à Lacabane (Corrèze), le 8 décembre 1899.

F. CLÉMENT-ISIDORE, Obéissant, décédé à Lille (Nord), le 13 décembre 1899.

F. JOEVIN, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 13 décembre 1899.

F. MARTINUS, Profès, décédé à Beaucamps (Nord), le 14 décembre 1899.

F. TURIN, Obéissant, décédé à Lacabane (Corrèze), le 14 décembre 1899.

F. PELLEGRINI, Obéissant, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 15 décembre 1899..

   HELLADE, Profès, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 19 décembre 1899.

F. MARCELLIANUS, Profès, décédé à Beaucamps (Nord), le 19 décembre 1899.

   CAUSSE, Juvéniste, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 20 décembre 1899.

F. JOSEPH-NAZAIRE, Novice, décédé à Notre-Dame de l’Hermitage, le 24 décembre 1899.

F. GÉNÉREUX, Profès, décédé à Marle (Aisne), le 24 décembre 1899. 

 

Elle est bien longue, vous le voyez, M. T. C. F., la liste de nos défunts depuis le 2 juin dernier. Si nous y ajoutons les 23 dont les noms vous ont été donnés dans la Circulaire du 2 juin, nous arrivons au chiffre de 80 décès dans le cours de l'année 1899. Et dans cette longue liste, chaque catégorie des membres de l'Institut a fourni à la mort son contingent, depuis le Profès octogénaire jusqu'au Juvéniste adolescent. Ils sont tous allés à Dieu, les uns riches de travaux, de vertus et de mérites ; les autres avec leurs bons désirs, avec les prémices d'une vie qu'ils étaient résolus à lui consacrer tout entière ; tous ont reçu leur récompense. Nous ne les plaindrons pas, car ils sont morts en prédestinés, et la foi nous dit qu'ils sont dans un monde meilleur. Mais de notre terre d'exil, adressons-leur un religieux et affectueux souvenir ; prions surtout pour le repos de leurs âmes ; faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour délivrer du lieu de l'expiation celles d'entre elles qui y seraient encore détenues. Puis excitons-nous à consacrer généreusement au service de Dieu et de notre cher Institut tous nos jours, tous nos instants, tous les dons que nous avons reçus du Ciel, comme l'ont fait le C. F. Norbert, le C. F. Euthyme et tant d'autres qui ont laissé, un si grand vide parmi nous ; enfin, vivons de telle sorte que nos jours, comme les leurs, soient trouvés des jours pleins devant Dieu.

La présente Circulaire sera lue en Communauté, à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle, et tout d'abord au réfectoire, dans les Noviciats, Juvénats et Communautés nombreuses.

Recevez J'expression de mes vœux d'heureuse et sainte année, et l'assurance de la tendre affection avec, laquelle je suis,

Mes Très Chers Frères, dans les Saints Cœurs de Jésus et de Marie, Votre très humble et tout dévoué serviteur,

     F. Théophane.

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[1] : Les frères Directeurs qui désireront ériger et agréger canoniquement la Congrégation du Sacré-Cœur dans leurs classes, pourront s’adresser au R. P. Thirier, chapelain, 31 rue de la Barre, Paris-Montmartre.

[2] : Un exploit d’huissier qui nous a été signifié récemment prouve que nous ne sommes pas oubliés.

[3] : On attendait trois autres Frères de la Colombie.

[4] : Son frère défunt lui avait fixé à près de deux millions de francs (monnaie mexicaine) la part d’héritage à consacrer à des bonnes œuvres.

[5] : Cet établissement a été fondé en 1889, sur la demande de Mgr Monginoux, Préfet apostolique du Transvaal.

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