Circulaires 200

Théophane

1900-12-21

Circulaire du 21 décembre 1900 : Souhaits, réflexions sur le siècle qui finit. - Recomman­dations. - Coup d’œil rétrospectif sur l'année 1900.­ Nos Missions (Transvaal, Colombie). - Chine (Tien­-Tsin, Pékin (siège du Péi-t'ang) (siège des Légations). - Lettre du F. Louis-Michel. - Réunion de Supérieurs. - Vêture à Castelnaudary. - Congrès catholique austra­lien. - Etablissements fondés en 1900. - Départs pour les Missions. - Avis. - Défunts

200

51.04.01.1900.3

 1900.3

 V. J. M. J.

Saint-Genis-Laval, le 21 décembre 1900,

fête de S. Thomas, apôtre.

   Mes Très Chers Frères,

Comme les années précédentes, j'éprouve une grande et douce joie en vous adressant cette circulaire, à l'occasion de la nouvelle année qui va commencer. C'est pour mon cœur une consolation, autant qu'un besoin, de vous témoigner l'affection qu'il vous porte, et de vous exprimer les vœux qu'il forme pour votre bonheur, avec quelques mots propres à vous encourager dans l’œuvre de votre sanctification, et dans la mission que vous avez à remplir auprès des enfants et des petits de ce monde.

A l'exemple de l'apôtre saint Paul, s'adressant aux Thessaloniciens, je demande à Dieu qu'il vous rende dignes de l'état auquel il vous a appelés ; qu'il accomplisse tous les desseins que sa bonté a sur vous, et que, par sa puissance, il rende votre foi féconde en bonnes OEuvres, afin que le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ soit glorifié en vous (IIe Thess., 1, 11, 12). Avec le même apôtre je souhaite que le Dieu de paix vous rende disposés à tout bien, afin que vous fassiez sa volonté lui-même faisant en vous ce qui lui est agréable (Héb., XIII, 20, 21). Oui, le parfait accomplissement de la volonté de Dieu, voilà pour nous la source de toute paix, de tout contentement, de toutes bénédictions. Et, afin de ne pas rendre illusoires les souhaits que nous formons les uns pour les autres, efforçons-nous, selon la recommandation de l'apôtre saint Pierre, d'affermir notre vocation et notre élection par les bonnes oeuvres (Ile Ep., 1, 10).

Tels sont les vœux dont je demande à Dieu la réalisationpar le Cœur adorable de Jésus et par le Cœur immaculéede Marie.

Maintenant, M. T. C. F., pourrais-je laisser se terminer lesiècle dont la dernière heure va bientôt sonner, sans jeter un regard en arrière et faire avec vous quelques réflexions propres à élever nos esprits et nos cœurs vers le Dieu qui, sans rien perdre de son immutabilité, voit passer devant lui et se succéder les siècles, les générations et les empires ? Ensemble, jetons un coup d’œil rapide sur ce siècle qui finit, et demandons-nous ce qu'il a été par rapport à Dieu, à l'Eglise, à notre Institut, à chacun de nous.

Par rapport à Dieu, ne vous semble-t-il pas que le XIX° siècle peut se glorifier de valoir autant et plus encore que bien d'autres de ses aînés ? Est-il une contrée du monde où il n'ait vu prêcher Jésus-Christ, et son règne s'étendre là où il était inconnu il y a cent ans ? Pour notre grande consolation, les statistiques nous donnent à ce sujet, des chiffres qui montrent que, pendant ce siècle, le nombre des adorateurs du vrai Dieu s'est accru étonnamment, et que les progrès du catholicisme ont été énormes.

Par rapport à l'Église, on peut dire que le XIX° siècle est un de ceux dont elle peut justement se glorifier ; car il n'en est peut-être pas qui prouvent mieux sa vitalité que les oeuvres qu'elle a vu accomplir depuis le commencement de ce siècle. Pour ne parler que de notre France, il suffit de rappeler les ravages que le philosophisme impie du XVIII° siècle avait faits dans les âmes et les ruines que la tempête révolutionnaire avait opérées dans les institutions religieuses. Eh bien, le philosophisme est aujourd'hui agonisant, s'il n'est pas enseveli avec ses auteurs ; les ruines de la révolution ont été réparées, les institutions relevées, le clergé et les ordres religieux reconstitués, des congrégations, nouvelles établies pour faire face à tous les besoins de l'humanité. Aussi l'Eglise de France peut-elle montrer au monde, avec un légitime orgueil, une richesse étonnante d'œuvres de toutes sortes : ses 30.000 religieux et ses 150.000 religieuses voués à l'enseignement, au soin des vieillards, des orphelins, des malades, des indigents, des déshérités, et au soulagement de toutes les infirmités et de toutes les misères corporelles et spirituelles. Oui, elle peut être justement fière de ses 12.000 prêtres et frères et de ses 36.000 sœurs répartis dans 300 missions sur la surface du globe, répandant la connaissance de l'Evangile, faisant aimer la France et popularisant son nom, sa langue et ses oeuvres

Si, à tous ces sujets de consolation, à tous ces titres de gloire pour l'Eglise, nous ajoutons l'extension extraordinaire de cette double dévotion qui est la source de tant de grâces, de bénédictions et d'espérances, à savoir : le culte rendu au Sacré Cœur de Jésus, et la dévotion à la Sainte Vierge, qui a fait donner au XIX° siècle le nom de siècle de Marie ; si nous rappelons ces pèlerinages grandioses à Montmartre, à Paray-le-Monial, à Lourdes, à Fourvière, etc. ; si nous parlons de ces millions de pèlerins qui, à l'occasion de l'Année Sainte et dans maintes autres circonstances, sont allés à Rome témoigner de leur foi, de leur attachement et de leur soumission au successeur de saint Pierre, avec combien plus de raison encore, l'Eglise ne pourra-t-elle pas se féliciter de sa vitalité et de sa fécondité !

Ce que le XIX° siècle a été par rapport à notre Institut, ah ! l'histoire en serait longue si nous avions à l'écrire en détail. Qu'il nous suffise de rappeler que c'est dans ce siècle que notre cher Institut a pris naissance, et qu'il est devenu ce qu'il est aujourd'hui. Il était bien petità son berceau de La Valla, le 3 janvier 1817 ; mais, marqué du double sceau des oeuvres qui attirent les regards de Dieu, l'humilité et la pauvreté, et fondé sous l'inspiration et la protection de la Reine du ciel, qui en a fait son couvre, il a reçu abondamment et d'une manière admirable, les bénédictions de Dieu, celles de la sainte Eglise[1], et la bienveillance des pouvoirs civils[2].

Sans doute, notre Institut n'a pas traversé les quatre-vingt-trois années de son existence sans secousse et sans épreuve. Humble rameau de l'arbre divin qui est l'Eglise, il en a partagé le sort ; mais, comme lui, le vent des persécutions n'a fait que le rendre plus vigoureux et plus fort. L'arbre et le rameau ont été en butte aux coups des puissants de ce monde ; mais ils sont aujourd'hui pleins de vie et de force, et les puissants de ce monde ont disparu, comme disparaîtront ceux qui four succèdent….

Il y a dix-neuf cents ans, le divin Fondateur de l'Eglise, le Sauveur du monde venait de naître à Bethléem. Hérode se trouble et conçoit un projet homicide. Alors, un ange descend du ciel et dit à Joseph : « Levez-vous, prenez l'enfant et sa mère et fuyez en Egypte. » (Matth., 11, 13). A quelque temps de là, le même ange apparaît à Joseph et lui dit : « Levez-vous, prenez l'enfant et sa mère, et allez dans le pays d'Israël ; car ceux qui voulaient faire périr l'enfant sont morts » (Ibid.,20). Et trente-trois ans plus tard, ce même enfant de Bethléem, devenu homme, fut attaché à une croix sur l'ordre des successeurs d'Hérode, et son corps enseveli sous une lourde pierre. Quarante-huit heures ne s'étaient pas écoulées que le divin Crucifié sortait de son tombeau plein de gloire et de majesté, jetant à ses ennemis le défi du triomphe ; et depuis bientôt dix-neuf siècles, il règne, et son règne n'aura point de fin.

Confiance donc, mes très chers Frères : ce que Dieu a fait dans le passé pour son Fils, pour son Eglise, pour notre Institut, nous est un garant de ce qu'il fera dans l'avenir ; et puis nous avons au ciel, pour intercesseurs, une légion de saints que notre Institut y a envoyés ; nous y avons notre vénérable Fondateur, que déjà l'Eglise a exalté, et à qui nous espérons qu'elle décernera, dans un avenir peu éloigné, la couronne des Bienheureux.

Et si nous considérons ce qu'a été pour nous le siècle qui finit, nous n'y verrons qu'un abîme de bienfaits de la part de Dieu envers chacun de nous, tant dans l'ordre de la nature que dans celui de la grâce : bienfait de l'existence et de la conservation ; bienfait de la régénération spirituelle et de l'adoption divine ; don précieux de la foi et des autres vertus infuses ; grâces des sacrements et des bonnes inspirations ; assistance continuelle et universelle ; grâce de la vocation religieuse, avec toutes les marques de prédestination, les moyens et les assurances de salut et tous les avantages qu'elle renferme ; enfin, grâce de persévérance jusqu'à ce jour dans notre saint état. Oh! combien nous devons estimer et aimer un état qui nous met dans la douce et heureuse obligation d'écouter et de suivre Jésus-Christ, la Voie, la Vérité et la Vie : voie pour la volonté par ses commandements ; vérité pour l'intelligence par sa doctrine ; vie Pour l'âme par sa grâce et. par ses sacrements, qui en sont les principaux canaux !

Au souvenir et à la vue de tant de bienfaits accordés par Dieu à son Eglise, à notre Congrégation et à chacun de nous, faisons monter vers le ciel ce cri de la reconnaissance : Nous vous rendons grâce, ô Dieu tout puissant,pour tous vos bienfaits ; et disons avec le psalmiste: Nations, louez le Seigneur ; peuples, louez-le tous, parce qu'il a signalé envers nous la grandeur de sa miséricorde et que sa vérité demeure éternellement (Ps. CXVI). 

RECOMMANDATIONS. 

Au moment où les puissances de l'enfer redoublent de rage contre l'Eglise et ses institutions, et où nous ne pouvons plus compter sur aucun appui humain, il faut, plus que jamais, lever nos yeux vers les hauteurs d'où doit nous venir le secours (Ps. CXX) ;et les tenir fixés sur le Seigneur jusqu'à ce qu'il ait pitié de nous (Ps. CXXII). Il ne permettra pas que nous soyons pour toujours un objet de dédain pour les superbes (Id.). Mais s'il veut nous secourir, il veut aussi que nous recourions à lui par une prière fervente, pressante, persévérante. Efforçons-nous donc, M. T. C. F. d'apporter dans tous nos exercices de piété et dans nos communions, des dispositions plus parfaites, toujours un cœur contrit et humilié, une attention plus soutenue, une ferveur plus grande, une confiance plus ferme, un désir plus vif de voir s'étendre­ le règne de Dieu. N'oublions pas d'y joindre chaque fois des intentions qui tendent à la conversion des pé­cheurs, à l'exaltation de la sainte Eglise, à la conser­vation des Congrégations religieuses et de toutes les oeuvres qui ont pour but la gloire de Dieu, le salut des âmes, et le retour de notre patrie à la religion qui a fait dans le passé sa grandeur et sa prospérité. A ces fins, ayons à cœur, chacun en particulier, d'ajouter aux exercices de Règle quelques prières de surérogation, ne serait-ce qu'une dizaine de chapelet par jour.

En communauté, on ajoutera, jusqu'à nouvel ordre, l'invocation : Saint Michel Archange, priez pour nous, le matin, aux invocations qui suivent le Salve Regina (après celle à saint Joseph) ; et à la suite du Sub tuum qui termine les exercices de piété.

On ajoutera la même invocation aux prières qui se font dans les classes, et l'on s'efforcera de redoubler de zèle pour faire prier les élèves attentivement, posément, dévotement, et pour leur donner l'enseignement religieux aussi parfaitement que possible. 

COUP D'ŒIL RÉTROSPECTIF SUR L'ANNÉE 1900 

Si nous jetons un regard sur l'année qui finit, nous trouverons, au milieu de nos épreuves, bien des sujets de consolation et d'encouragement ; nous y verrons la Providence, toujours attentive à nos besoins, fournir à notre Institut les moyens de continuer sa marche en avant. Il nous a été donné en effet, de le voir s'accroître de bons et nombreux sujets, et de vingt-quatre établissements nouveaux.

Relativement aux fondations nouvelles, nous avions eu la pensée de n'en point faire cette année, ou du moins d'en restreindre le nombre le plus possible ; mais comment résister aux pressantes sollicitations qui nous sont venues de toutes parts ? Comment rester sourd à la voix de tant d'enfants qui demandent le pain de la vérité, de la doctrine de Jésus-Christ ? Tout en ne satisfaisant qu'à une partie des demandes que nous avons reçues, nous avons épuisé encore une fois notre réserve, comptant que par votre dévouement, vous continuerez à faire face à tout, sans défaillance et sans découragement. Les collecteurs de nos Juvénats, si courageux et si dévoués, persévéreront également, nous n'en doutons pas, à mettre toute leur ardeur à recruter des vocations et à recueillir des secours. Il faut que notre zèle pour l'enseignement religieux et l'extension du règne de Jésus-Christ, croisse en proportion de la rage avec laquelle le démon pousse les ennemis de Dieu à déchristianiser la France.

Dieu merci, je me plais à reconnaître vos généreux efforts pour vous élever à la hauteur des besoins actuels. Vous avez à cœur, non seulement la bonne formation intellectuelle et morale de vos élèves, pendant le temps que les parents vous les confient, mais encore leur persévérance dans la bonne voie lorsqu'ils vous ont quittés, ainsi que l'attestent les oeuvres de jeunesse auxquelles vous apportez votre concours, œuvres dont nous ne saurions trop désirer et tenter le développement par tous les moyens possibles.

Il m'est agréable également de vous exprimer ma satisfaction pour la bonne volonté avec laquelle beaucoup d'entre vous ont répondu à notre appel à l'occasion de l’Exposition universelle. Les travaux qui nous ont été envoyés, tant ceux des maîtres que ceux des élèves, ont réellement dépassé nos espérances. Joints à la collection de nos ouvrages classiques, ils ont occupé dans la section de l'Enseignement, une place honorable avec ceux, non moins recommandables, des Congrégations auxquelles la nôtre s'était associée. L'ensemble a été fort apprécié par les visiteurs et par le jury.

Bon nombre d'entre vous désirent sans doute connaître les récompenses obtenues ; mais, avant de vous les énumérer, je dois vous dire que lorsque les Supérieurs généraux des Congrégations unies décidèrent de participer à l'Exposition, ils convinrent entre eux de n'accepter que des récompenses attribuées à la collectivité et non aux Instituts en particulier. Il devait en être ainsi pour éviter, dans le public, toute comparaison entre tel et tel Institut, par rapport aux récompenses obtenues. En conséquence, l'Union des Frères enseignants a dû refuser les récompenses spéciales que le jury était disposé à accorder aux auteurs des meilleurs travaux en plus de celles décernées à l'association. La part qui en eût été faite à notre Institut aurait été belle, pensons-nous, eu égard à la quantité et à la valeur reconnue des travaux de maîtres et d'élèves qu'il avait exposés. Mais nous en avons fait le sacrifice dans l'intérêt commun.

Voici les quatre classes dans lesquelles l'Union des Frères a exposé, et les récompenses collectives qu'elle a obtenues :

Enseignement primaire : deux médailles d'or et deux médailles d'argent.

Enseignement moderne : une médaille de bronze.

Enseignement agricole : deux médailles d'argent.

Enseignement professionnel : une médaille d'argent et une médaille de bronze.

Chacune des Congrégations unies a eu droit à ces récompenses.

En outre, notre Institut a eu sa part du Grand Prix décerné à l'exposition des Missions catholiques et notre établissement de Néméara a obtenu une médaille d'argent pour son exposition au Pavillon de la Nouvelle-Calédonie.

Je dois ajouter, d'ailleurs, que notre but, en prenant part à l'Exposition, n'a pas été d'y chercher une satisfaction de vaine gloire, mais de voir en quoi et comment nous pouvonsmieux faire ce qui est de notre profession ; car nous devons être et nous sommes, en effet, partisans du progrès en ce qu'il a de vraiment bon et utile.

Vous avez continué, dans le courant de cette année, à donner une assez large part à l'enseignement agricole. Je ne puis que vous approuver et vous encourager à vous avancer dans cette voie : nous ne pourrions trop faire pour empêcher l'abandon des champs et la désertion de nos compagnes.

L'enseignement dit professionnel n'est pas moins digne d'attirer notre attention et d'exciter nos efforts. Faisons donc, de ce côté, tout ce qui est en notre pouvoir.

Nous avons apporté à l’œuvre des Missions tout l'intérêt qu'elle mérite, et fait tout ce qui était en notre pouvoir pour en favoriser le développement. C'est ainsi que nous avons augmenté le nombre de nos établissements en Orient et que nous avons fondé à Zamora (Mexique) un nouveau collège ; à Mérida, une école industrielle ; et à Bom Principio (Etat de Rio Grande du Sud, Brésil), au sein d'une importante colonie allemande, très religieuse, desservie par des Pères Jésuites, un établissement comprenant des classes primaires et une école normale d'instituteurs. L'accueil sympathique fait aux Frères par cette population, l'estime et la confiance qu'elle leur témoigne, et les bonnes nouvelles reçues du C. F. Weibert, directeur, nous donnent les meilleures espérances pour l'avenir de cette oeuvre.

Je suis heureux de vous annoncer qu'à Lyon et à Rome, on a fait, dans le cours de cette année, tout ce qui était possible, pour faire avancer la CAUSE DE BEATIFICATION DE NOTRE VÉNÉRABLE FONDATEUR. Elle est en bonne voie et nous remplit des plus douces espérances.

Le 6 décembre courant, nous avons appris avec bonheur, que le 4 du même mois, la Sacrée Congrégation des Rites s'était prononcée pour l'approbation du Procès Apostolique de fama sanctitatis (réputation de sainteté) dans la cause du Vénérable Champagnat. C'est donc, pour la cause, un nouveau pas en avant.

Une autre information nous apprend que le procès de la guérison miraculeuse d'une hernie très grave, obtenue sur le tombeau du Vénérable Fondateur, peut être soutenu devant la Sacrée Congrégation des Rites, d'après les dépositions des témoins.

Le moment n'est pas encore venu de s'en occuper. Cela viendra quand les Procès Apostoliques seront terminés et qu'on devra étudier les miracles en particulier. Il y a donc lieu de bénir Dieu de ces premiers résultats, et de redoubler nos prières pour qu'il veuille bien glorifier son Vénérable Serviteur.

Parmi les oeuvres qui nous donnent le plus de satisfaction, je dois citer le second noviciat de six mois, dont nous attendons les plus heureux fruits, et auquel nous voudrions pouvoir appeler, chaque année, un plus grand nombre de Frères.

A côté des sujets de joie et de consolation que nous donnent les bénédictions de Dieu et la protection de Marie sur nos oeuvres, se trouvent, il faut le dire, de pénibles et douloureuses épreuves. Il y a particulièrement celles qui atteignent nos missions et dont je vous parlerai plus loin. Il y a ensuite les vides nombreux que la mort a fait parmi nous, spécialement celui qu'a laissé le très cher Frère Procope, premier Assistant. Sa piété, son zèle, son dévouement, son expérience, son bon esprit, tout faisait de lui un collaborateur précieux dans le gouvernement de l'Institut. Aussi sa mort a-t-elle été un sujet de douleur, particulièrement pour ceux dont il partageait les travaux, et aussi pour tous ceux qui l'ont connu. Les chers Frères de la province des Iles en ont manifesté des regrets qui témoignent de leur estime et de leur attachement pour leur bon Assistant, et dont j'ai été vivement touché et consolé.

Mais les morts qu'il faut surtout pleurer, ce ne sont pas les Frères qui, comme le C. F. Procope, nous quittent pour un monde meilleur et pour devenir nos intercesseurs auprès de Dieu ; ce sont ceux qui, après avoir été appelés de Dieu et favorisés de grâces spéciales, ont perdu leur vocation, avec les riches moyens de salut qui y étaient attachés, et sont entrés dans une voie pleine de dangers, ainsi exposés à être à jamais privés du bonheur promis à la persévérance finale.

Que Dieu nous préserve d'un tel malheur ; qu'il nous fasse la grâce de répondre à ses desseins de miséricorde sur nous, et nous aide à tout faire, à tout souffrir pour persévérer, pour nous sauver. 

NOS MISSIONS 

Pendant l'année qui vient de s'écouler, nos Missions ontpassé par des épreuves qu'elles n'avaient pas connues jusque-là. Le bon Dieu, dont nous devons toujours adorerles desseins, a permis que l'ennemi de tout bien y soulevât des tempêtes effroyables. Je vous parlerai spécialement de la situation qui est faite à nos frèresdu Transvaal, de la Colombie et de la Chine. 

TRANSVAAL. 

 Quand la guerre a commencé entre les Anglais et les Boers, nos Frères avaient l'avantage de compter jusqu'à 700 élèves dans leur établissement de Johannesburg, une des principales villes du Transvaal. Depuis, ce nombre est descendu à 200 ; encore nos Frères s'estiment-ils heureux de n'avoir pas vu le licenciement entier de leurs élèves et la destruction complète de leur bel établissement. Ils ne pouvaient pas éviter d'avoir leur part de souffrance dans cette malheureuse guerre ; mais la bonne Providence la leur a rendue bien supportable. Ils n'ont eu qu'à se louer de l'appui dévoué que leur a donné M. le Consul de France. Après la prise de la ville par les Anglais, ils ont même trouvé de la bienveillance auprès des autorités anglaises. Ce qui est encore à noter, c'est que des marchands de comestibles, obligés de quitter la ville, ont laissé en dépôt aux Frères, une partie de leurs marchandises, leur permettant d'en user selon leurs besoins : aimable et paternelle attention de la Providence, qui les a ainsi préservés et les préserve encore de la disette. De plus, une partie de leur vaste maison ayant été convertie en ambulance, ils ont eu la consolation de faire du bien à quelques âmes, parmi les soldats blessés recueillis sous leur toit. 

COLOMBIE. 

Notre Mission de Colombie, dont l'heureux début donnait de si belles espérances, est fortement éprouvée, depuis un an, par la guerre civile dont ce, pays est le théâtre. Jusqu'ici, le gouvernement régulièrement établi a pu résister aux rebelles ; mais l'agitation continuelle et l'inquiétude qu'entretiennent les révolutionnaires, leurs menaces et leurs déprédations plongent le paysdans le malaise, la ruine et la misère. Nos Frères souffrent d'autant plus de cet état de choses que leurs ressources consistent dans le traitement qu'ils reçoivent du gouvernement, et que les caisses publiques sont épuisées par les frais de la guerre. Ils ont dû fermer et abandonner plusieurs de leurs établissements mais avec l'espoir de les rouvrir ; car, nous écrit le C. F. Visiteur : « Malgré tout, nous prenons notre mal en patience, et nous avons confiance en Dieu. »

Il serait vraiment malheureux que les Frères fussent obligés d'abandonner un pays où, pendant les années de paix et avec l'appui bienveillant du gouvernement, ils ont pu faire beaucoup de bien dans les âmes. Prions pour eux et demandons à Dieu qu'il rende la paix à ce pays tant éprouvé. 

CHINE. 

La Mission de Chine est, comme vous le savez, celle qui a été le plus cruellement éprouvée. Le démon fu­rieux des progrès extraordinaires que le christianisme faisait en Chine, a suscité, en 1899, des bandes de bri­gands qui, sous le nom de Boxeurs, se sont mis à piller, à massacrer les chrétiens, et, avec l'aide des soldats en­rôlés parmi eux, et la connivence du gouvernement Chinois, se sont faits les agents d'une épouvantable persécution contre les chrétiens et les Européens. Non seulement cette effroyable tempête est venue détruire les espérances que le C. F. Jules-André, Visiteur, nous avait données dans un rapport, six mois auparavant ; mais encore, l'auteur de ce rapport, deux autres de nos Frères et un postulant ont arrosé de leur sang cette terre de Chine, qui promettait des fruits magnifiques de conversion et de salut.

Par la Circulaire du 12 octobre dernier, je vous ai entretenus de ce sombre drame qui a eu pour théâtre la Chine, particulièrement Pékin ; mais je n'ai pu vous donner que des détails forcément incomplets. Je me fais un devoir de les compléter et de répondre ainsi à vos légitimes désirs.

Je vous dirai d'abord quelques mots du siège et de la prise de Tien-Tsin par les troupes alliées ; ensuite je vous donnerai un extrait du journal que nous a laissé notre cher et regretté Frère Jules-André ; puis l'extrait d'un rapport de M. Pichon, ministre de France sur le siège des Légations ; enfin, une lettre du C. F. Louis-Michel. 

TIEN-TSIN. 

Pendant un mois, nos Frères de Tien-Tsin ont été exposés aux dangers et aux péripéties d'un siège, et ont eu à craindre de tomber sous les coups des Boxeurs dont le but, en arrivant à Tien-Tsin, était de massacrer les Européens occupant la partie de la ville appelée les Concessions. Heureusement le consul de France veillait ; sans perdre de temps il fit venir des troupes de renfort. Quand elles furent en nombre, elles attaquèrent les Boxeurs, dans la nuit du 15 au 16 juin, et en tuèrent ou mirent hors de combat environ 140. Le 17, les Boxeurs commencèrent à bombarder les Concessions. A partir de ce jour, écrit le C. F. Aristonique, ce ne fut à Tien-Tsin que canonnades, combats et incendies. Les blessés des troupes alliées furent recueillis dans les deux hôpitaux, dont l'un était destiné aux malades et aux blessés français et russes, auprès desquels nos Frères remplirent l'office d'infirmiers. Le F. Faust eut la charge d'intendant ou pourvoyeur de l'hôpital franco-russe.

Après quelques jours, le C. F. Aristonique, jugeant la situation trop critique, et voyant que l'on pouvait se passer des services des Frères à l'hôpital, crut prudent d'envoyerchez nos Frères à Shanghaï, les chers Frères Marie-Victorius, François-Noël, Marie-Angelin et Pierre-Alexis. Pendant qu'ils étaient en route pour se rendre à Shanghaï, on leur dit que cette ville n'offrait guère de sécurité ; et, sur le conseil qui leur fut donné, ils se décidèrent pour une autre destination, sans trop savoir quelle elle serait. Enfin, après divers incidents et contre temps, la bonne Providence les fit aborder à Nagasaki (Japon), où ils trouvèrent une fraternelle et généreuse hospitalité chez les excellents Frères Marianites, connus dans notre Institut pour l'accueil plein de charité et de cordialité que nos Frères reçoivent toujours dans leurs maisons.

Le C. F. Aristonique et le C. F. Faust restèrent à Tien-Tsin, où ils furent témoins du bombardement, de la fusillade et des combats qui se continuèrent jusqu'au 15 juillet. Ils durent à une protection spéciale d'en haut d'échapper aux projectiles meurtriers qui pleuvaient autour d'eux.

Un jour, un obus éclata à 3 mètres du C. F. Aristonique, sans lui causer aucune blessure. Dans la nuit du 11 au 12 juillet, si lui et le Frère Faust n'avaient pas suivi l'heureuse inspiration de quitter leur demeure et d'aller passer la nuit à la résidence des missionnaires, il n'y eût probablement plus eu de lendemain pour eux ; car cette nuit là même, quatre obus tombèrent sur leur maison, éclatèrent et firent de tels dégâts qu'elle était devenue inhabitable.

Enfin, le 14 juillet, après un bombardement épouvantable et l'explosion d'une poudrière, les troupes alliées s'emparèrent du fort d'où les Chinois avaient lancé tant de bombes meurtrières. Elles devenaient ainsi mal. tresses de la ville, mais après des pertes sérieuses.

A l'occasion de ce siège, le C. F. Faust a écrit au C. F. Adon, Assistant, une lettre dont je vous donne ici un extrait qui sera lu avec intérêt.

« Il faut, dit-il, que je vous demande pardon de ne vous avoir pas écrit pendant le siège de Tien-Tsin  ; vraiment j'étais trop occupé du matin au soir et du soir au matin, et si j'avais un moment, je ne pouvais pas écrire tant j'étais fatigué.

Etabli pourvoyeur ou intendant de l'hôpital franco-russe, je vous assure que j'avais de quoi faire pour trouver des provisions pour les blessés. Du 18 juin jusque vers la mi-août, j'étais toujours en course, ou à pied ou à cheval : le consul français avait mis deux chevaux à ma disposition.

Obligé d'aller dans des endroits périlleux, j'avais en poche un bon revolver chargé. Un jour que je revenais de l'hôpital français, qui avait été transféré sur la concession anglaise, un Chinois a tiré un coup de fusil sur moi ; la balle a passé à environ 0 m, 50 de ma personne et est allée s'aplatir avec bruit contre le mur d'une maison. Je mis alors mon cheval au galop ; mais j'avais à peine fait cent mètres qu'une autre balle, encore envoyée par un Chinois, sifflait à mes oreilles. Je continuai ma route sans crainte et bientôt j'arrivai à une rue où il n'y avait plus aucun danger.

Dans une autre circonstance, je fus préservé d'accident d'une manière que je puis dire miraculeuse. Un jour que les bombes ennemies volaient autour de nous, j'entrai dans la sacristie de l'hôpital pour changer de chaussure (c'est là que nous couchions quand nous pouvions). Pendant que j'étais là, voilà qu'un obus éclate à quelques pas de moi sans blesser personne. Je sors, et, vendant que je descends l'escalier, un autre obus tombe sur le toit de la sacristie, à 3 m. d'élévation, et il éclate aussitôt. Un Frère qui n'était pas loin avait eu la précaution de se coucher, et moi j'étais resté debout. Cependant je n'ai reçu aucune blessure, quoique des éclats d'obus et des débris du toit fussent tombés autour de moi, à environ Om, 20. J'attribue cette protectionà la Sainte Vierge, dont je portais la médaille miraculeuse. Honneur et reconnaissance à Marie !» 

PÉKIN. 

V. J. M. J.

Le Pétang, 14 juin 1900.

PRISONNIERS ! ! !

                     Mon Très Révérend Frère Supérieur,

Nous voilà prisonniers. Impossible de sortir du Pétang et d'avoir aucune communication soit avec Chala[3], visité par le F. Joseph-Félicité et par moi pour la dernière fois le 11 juin, et par F. Joseph-Marie Théophane, à la hâte, hier soir, ainsi que le Nant'ang, où se trouvent, avec plus de cent enfants de Chala, les FF. Crescent, Joseph-Marie Adon et Joseph-Marie Candide : soit avec la Légation, où sont réfugiés les FF. Louis-Michel, Marie-Agathonique, Joseph-Malachie et Marie-Nestor.

   « Nous sommes huit au Pétang, savoir F. Joseph­-Félicité et F. Joseph-Julien, improvisés fusiliers ; M Marie-Basilius, F. Marie-Amateur, F. Marie-Floribert, veilleurs ; F. Cléophas, malade ; F. J.-M. Théophane et moi. Tout le personnel comprend : Mgr Fa­vier, Mgr Jarlin, coadjuteur ; 3 Pères et 2 Frères Laza­ristes, 8 Frères Maristes, 32 Sœurs de charité, 111 élèves des grand et petit séminaires, 30 marins français et M. Henry, enseigne de vaisseau, leur chef, 11 marins italiens et M. Olivieri, enseigne, leur chef, 900 hommes ou jeunes gens réfugiés, 1.800 femmes ou jeunes enfants, 450 jeunes filles des écoles ou orphelinats, 50 bébés de la crèche ; au total, environ 3.420 personnes dont 70 Européens.

   Notre postulant Jens Paul est toujours à Chala fait preuve d'une grande bravoure.

L'impératrice ne se croyant pas en sûreté dans le palais d'été, hors des murs, à 10 ou 12 kilomètres de la ville, est rentrée au palais d'hiver. On lui prête les in­tentions les plus extrêmes et les plus opposées. On prétend même qu'elle veut se débarrasser de tous les chrétiens, soit par ruse, soit par force.

Chala. – J'ai raconté au C. F. Assistant notre alerte de nuit d'il y a huit jours. Nous nous sommes crus à nos derniers moments, et nous avons fait à Jésus l'of­frande de nos vies, ce qui n'empêchait pas ma vive appréhension : on a besoin de s'aguerrir.

   Le lendemain de l'alerte de Chala, F. J-Félicité et moi nous allions au Pétang voir Mgr Favier. Il fut décidé  que le jour même, nos enfants – 120 au moins – seraient dirigés sur le Nant'ang, et que les Frères se rendraient partie au Pétang, partie au Nant'ang. Les FF. J.-M. Adon et J.-M. Candide accompagnèrent nos enfants au Nant'ang, pour en prendre soin. Les autres vinrent avec moi au Pétang, savoir : F. J-Félicité, F. Crescent, F. M-Floribert et F. J-M.-Théophane.

Pendant les trois ou quatre jours suivants, F. J-Félicité, F. J-M. Théophane et moi, nous nous rendions chaque jour, de grand matin, après avoir entendu la Messe (car le R. P. curé de Chala était retiré), d'abord au Nant'ang, puis à Chala, pour les travaux courants. Nous n'en repartions que le soir, essayant de tromper, sur notre départ quotidien, les yeux d'Argus de nos voisins, les soldats du camp, presque tous Boxeurs. Notre disparition, chaque soir, les intriguait et les inquiétait : « Ces Européens, disaient-ils, ont dû placer en terre des engins meurtriers ; c'est pour cela qu'ils se retirent, afin de ne pas être là quand ils éclateront ».

(Ici, le F. Jules-André fait mention d'autres faits qui se passent en dehors du Pétang, tels que le meurtre du chancelier de la Légation japonaise, celui de six chrétiens en ville, l'incendie de plusieurs églises, etc.).

15 juin, midi. – En ce moment l'église du Nant'ang, la résidence, le collège, l'orphelinat, tout est en feu. Il y a là les 120 enfants de Chala, 3 de nos Frères, 6 Pères, 8 Sœurs, 300 à 400 chrétiens, les Joséphines, religieuses chinoises, au moins 30, et peut-être 300 à 400 femmes réfugiées. Que Dieu garde ces chers confrères et tous les autres !

Le soir. – Après le chapelet et l'office, récités avec une grande ferveur pour demander l'amour parfait, nous nous offrons au Sacré-Cœur, nous faisons la coulpe pour demander pardon de nos fautes de Règle et avec quels sentiments ! – Puis le F. Marie-Nizier fait à haute voix les trois vœux perpétuels de religion ; ensuite a lieu l'exercice du mois du Sacré-Cœur avec un petit chant. Après, chacun va faire une bonne confession pour être prêt au grand voyage. Nous sommes calmes, nous prions, nous sommes heureux. F. J-M Théo­phane et F. M-Floribert demandent à leur confesseur l'autorisation de faire les trois vœux pour un an.

Vers dix heures, à peine endormis, on vient nous dire qu'il y a crainte d'attaque. Des centaines, peut-être des milliers de monstres à face humaine, poussant des cris sauvages, essayent de forcer la porte de la Ville Jaune, à 300 mètres du Pétang. Chacun est à son poste pour les attendre ; mais ils restent à distance.

15 juin. – Après une nuit à peu près blanche, on se lève à 5 h. ½ pour avoir une messe de communion générale.

8 heures du matin.– Un chrétien nous arrive de Chala. Parti à 5 heures il a été emprisonné en route, enchaîné, conduit à un petit mandarin et enfin relâché. Il pleure en nous remettant une lettre du F. J-M. Adon, qui s'est sauvé du Nant'ang en feu. Il a été rejoint à Chala par une quinzaine d'enfants. Il demande du secours ; et Monseigneur déclare qu'on ne peut pas même lui envoyer une réponse. Pauvre cher enfant, si généreux, si pieux ! que Jésus, Marie et saint Michel en prennent soin !

Nous apprenons que les Pères, les Sœurs de Saint-Vincent, les Sœurs Joséphines, le F. Crescent et le F. J. M. Candide ont été délivrés par un détachement des volontaires et emmenés du Nant'ang à la Légation de France, hier, à 3 heures du matin.

Pendant la journée du 15, nous apprenons la triste nouvelle que le R. P. Garrigues, du Tong-Tang, a été tué à coups de sabre dans sa chambre ; c'était un saint, c'est un vrai martyr.

L'impératrice s'est enfuie de nuit. – Il ne reste plus des établissements européens que les légations et le Pétang.

Le soir, après notre office et la lecture spirituelle sur la Garde d'honneur du Sacré-Cœur, nous faisons une amende honorable et une consécration au Sacré-Cœur, chants les nous récitons leslitanies du Sacré-Cœur, et chantons quelques strophes du cantique : « Par les chants les plus magnifiques», ensuite chacun de nous, impressionné par la nouvelle du martyre du R. P. Garrigues et par l'expectative d'une attaque nocturne, prie avec ferveur Jésus, Marie et saint Michel.

Des Sœurs, des femmes chrétiennes et des petits enfants, au nombre d'environ deux mille, se réfugient dans la basilique du Pétang ; les Frères et les hommes valides sont armés et, se joignant à la petite troupe de soldats (une quarantaine), sont distribués à différents postes.

Tout à coup (8 heures du soir), le clairon sonne pour annoncer que des Boxeurs armés, porteurs de torches incendiaires et conduits par un lama ou bonze, marchent sur le Pétang en poussant des cris de mort. Lorsqu'ils ne sont plus qu'à 200 mètres environ, nos soldats, au commandement de leur chef, font une décharge qui en abat un certain nombre ; un instant après, une seconde salve n'est pas moins meurtrière ; le lama visé par un bon tireur, reçoit ce qu'il mérite. C'en est assez pour faire reculer l'ennemi qui, alors, met le feu aux maisons les plus voisines, espérant que l'incendie atteindra le Pétang ; mais nos bâtiments sont préservés du feu. – Les assiégeants essayent ensuite, sur plusieurs points, de faire des brèches dans nos murs ; mais n'y réussissant pas, ils se retirent au grand désappointement d'une populace de 10.000 personnes venues là pour piller. Il est 3 h. ½. Nous avons grand besoin de repos  ; mais une messe se disant en ce moment, plusieurs d'entre nous en profitent et y communient.

17 dimanche. – Ce matin, un exprès qui a su habilement se dérober à toute surveillance, nous a apporté une troisième lettre du F. J.-M. Adon, qui est toujours à Chala avec 25 enfants ou jeunes gens, et attend du secours.

A toutes les portes de la ville, les Boxeurs arrêtent les chrétiens et les massacrent. Au Ping-tzé-Men (porte qui mène à Chala), massacre de 100 chrétiens.

Une jeune mère portant un petit enfant est arrêtée. « Fais le Koteou[4]à l'esprit, vers le sud-est. – Que m’en reviendra-t-il ? – On t'accordera la vie. – Et je perdrai le ciel ; je ne veux pas. » – Deux coups de sabre font tomber sa tête. Après une courte délibération, le petit enfant a le même sort et est envoyé au ciel avec sa mère.

A un enfant de huit ans, on dit : « Fais le Koteou au Lao-toan (à l'esprit). – Non, je ne veux pas. – Es-tu chrétien ? – Oui, je suis chrétien. – Fais le Koteou, ou tu es mort – Je ne veux pas. » – A l'instant il est mis à mort. (Certifié par le porteur de la lettre, témoin scène).

Le cher frère Adon, dans sa lettre, raconte cet autre fait dont il a été témoin.

Un enfant de Chala, de 16 à 17 ans, boiteux, réfugié au Nan-t’ang, a été saisi par les Boxeurs. On lui dit : Fais le Koteou au Lao-toan. – Je ne veux pas. – Fais Koteou. — Non. » – Il est assommé aussitôt. – Heureux et  héroïques enfants ! Que votre exemple est propre à nous  donner du courage !

J’ai donné avis à la Légation, de la situation du F. J-M. Adon. Si quelque chose est possible pour le secourir on le tentera. Pauvre enfant ! Que Dieu le garde

18, 5e jour. – Rien de particulier au Pétang.

Nous apprenons qu'un immense incendie a réduit en cendre 2.000 maisons. Dans la nuit, 13 salves se font entendredu côté des Légations.

19, 6e jour. – On dit que le Sitang et Chala sont brûlés. Que sont devenus F. J-M. Adon et nos enfants ?

Depuis dix jours, aucune nouvelle de Tien-tsin, ni de Shanghai, ni de France. – Nouveaux incendies autour de nous.

20, 7e jour. – Hier, on a vu neuf canons défiler dans la rue, qui se rend au Palais, à 300 m. du Pétang, et un mouvement considérable de troupes chinoises. Des tentes sont dressées non loin du Pétang. Nos marins hissent le drapeau français sur la porte principale et exécutent des travaux de défense.

Un chrétien, venant de Tien-tsin, nous apprend que les détachements de troupes que nous attendons depuis dix jours, ont battu les Boxeurs entre Tien-tsin et Pékin.

21, 8e jour. – Le ministre d'Allemagne a été tué et son secrétaire blessé. – La Légation d'Autriche est en flammes ; celle de France est évacuée, et ses habitants se réfugient dans celle d'Angleterre. – On dit à un petit nombre d'entre nous que M. le Ministre de France juge la situation extrêmement grave.

Le bruit court que le gouverneur de la ville a fait aux ministres des propositions de paix et que, sur leur refus, il les a engagés à faire signer leurs passeports, attendu qu'il ne répondait plus de leur sécurité.

22, 9° jour, fête du Sacré-Cœur. – On devait faire la consécration solennelle du Vicariat au Sacré-Cœur, à l'issue de la messe de 6 h. ½  ; mais, au moment où se terminait la messe de 6 heures, à laquelle nous avions communié, voilà qu'un coup de canon vient briser un vitrail de l'église où nous étions, et tuer une pauvre femme. La canonnade continuant, on évacue l'église et chacun s'arme et se rend à son poste de combat. Quelle terrible journée s'annonce ! 14 pièces de canon braquées sur l'église, y font de grands dégâts. Néanmoins, après plus de 500 coups tirés en ce jour, l'édifice reste debout.

A 3 h. ½, l'attaque est si violente, que nous croyons être arrivés à notre dernière heure. Vers 5 heures, un canon ordinaire chinois, braqué à 300 m. de la grande porte du Pétang, envoie un boulet qui en fait sauter un battant. Alors, le commandant Henry et Mgr Jarlin entraînent quatre marins qui, joints à 30 chrétiens, se précipitent au dehors après une salve bien nourrie et s'emparent du canon qu'ils amènent au Pétang, malgré une intense fusillade. Deux chrétiens trouvent la mort, et deux sont blessés dans ce coup de main. Peu après, tous les canons se taisent, les Boxeurs poussent des hurlements et mettent le feu aux maisons voisines du côté sud. Dans cette journée, nous avons eu, de notre côté, trois hommes et une femme tués.

Parmi les blessés, s'est trouvé le C. F. Marie-Basilius, dont les blessures, produites je ne sais comment, ont paru si graves, à cause de l'abondance de sang qui s'en échappait, et de ses grandes souffrances, qu'un prêtre a cru devoir l'administrer sans délai. Après qu'un premier pansement a eu arrêté l'hémorragie, il a été transporté sur un lit, et on lui a prodigué tous les soins que son état réclamait.

Vers 6 heures du soir, le F. Joseph-Julien arrive à son tour, le bras en écharpe. Une balle de son fusil est entrée accidentellement près du poignet et est sortie vers le coude. Remarquable de courage et d'énergie il a voulu, après un premier pansement, retourner à son poste ; mais son bras s'est trouvé impuissant à tenir le fusil.

23, 10e jour. – La canonnade continue furieuse et désastreuse pour les édifices. Bon nombre d'assiégeants sont envoyés ad patres. Ni tués ni blessés de notre côté.

24, 11° jour.- On s'aperçoit à peine que c'est un dimanche. Une ou deux messes basses, ensuite l'action. Les Boxeurs sont là, à 600 mètres, avec 4 canons. Des feux de salve bien dirigés en abattent un bon nombre ; les autres s'enfuient. Les succès obtenus dans la résistance donnent courage et confiance.

25, 12e jour. – Calme profond qui nous inquiète plus que le bruit. Les Boxeurs viennent ramasser leurs morts d'hier

Je veille la moitié de la nuit, comme de coutume. Vers 11 heures, je monte à la tour ; on me tire dessus sans m'atteindre. Quelques coups de canon et nombreux feux de salve.

26, 13e jour. – Le F. Marie-Basilius va beaucoup mieux. Fusillade pendant trois quarts d'heure, vers 2 heures du matin. Continuation des travaux de défense. La ration diminue pour les Européens.

27, 14e jour. – Vers 6 h. ½ du matin, les Boxeurs (environ 500), trompés par le silence qui règne au Pétang et par la tolérance calculée avec laquelle nos marins, depuis deux ou trois jours, laissaient approcher les gens par l'avenue qui mène au Pétang, s'étaient engagés dans cette avenue. Nos soldats les laissent avancer jusqu'à ce qu'ils soient bien à la portée de leurs fusils ; alors des feux de salve sont commandés qui en couchent par terre une quarantaine et font déguerpir les autres. Malheureusement un brave sergent est blessé grièvement. Pendant plus de six heures, du haut des maisons, des échelles et des échafaudages, l'ennemi couvre de projectiles nos cours et nos vérandas.

28, 15e jour. Le soir, incendies à droite et à gauche de la porte du Pétang. Des torches incendiaires sont jetées au moyen de flèches et déterminent chez nous des commencements d'incendie que nous parvenons à arrêter avec notre pompe. Les immenses flammes de l'incendie, les coups échangés de part et d'autre, les cris de rage et de mort de nos ennemis, étaient quelque chose de vraiment épouvantable.

Vers 11 heures, les assiégeants, voyant leurs efforts inutiles, évacuent le champ de bataille. Alors nos vaillants marins se décident à administrer une correction en règle à ceux de nos voisins dont la maison sert de repaire aux brigands. Ils font le siège de cette maison, y pénètrent sans coup férir, traitent comme le méritent ceux qu'ils y trouvent et pillent ou brûlent ce qu'elle renferme.

19, 16e jour, fête de Saint Pierre et de Saint Paul.

Les messes d'actions de grâces et de supplications com­mencent à 1 h ½ jusqu'à 7 heures. – Nous offrons nos souhaits au brave officier Paul Henry. Entre au­tres choses il nous dit : « Vous verrez que nous sauve­rons le Pétang. Peut-être quelques-uns de nous ne se­ront plus ; je serais heureux de mourir pour une si belle cause ; j'espère que le bon Dieu m'ouvrirait le paradis. Si je dois disparaître, je ne disparaîtrai que lorsque vous n'aurez plus besoin de moi… »  Mgr Favier le supplie de ne point s'exposer : il est si vaillant et si dé­voué !

30, 17° jour. – Mort du brave sergent, blessé le 27, Il a fait preuve de sentiments admirables.

1ier2, 3 juillet. – Rien de remarquable à noter, sinon que la petite vérole est chez les enfants et qu'une quarantaine sont morts depuis le commencement du siège. On en enterre maintenant jusqu'à 17 par jour.

4 juillet, 21° jour. Dans la soirée, attaques successives par le nord, l'est et le sud. Nos soldats pensent avoir une cinquantaine d'hommes, Boxeurs ou soldats chinois.D'un autre côté, dans l'avenue, une vingtaine de Boxeurs sont encore tombés sous les balles de nos marins.

F. M-Basilius va de mieux en mieux. F. J.Julien pense à reprendre son fusil. On mange de l'âne, viande noirâtre et coriace.

5 juillet, 22e jour.– NosChinois chrétiens, dirigés par le F. J-Félicité, se distinguent par leur ardeur dans les travaux de défense.

Un soldat français, nommé Delmas, vrai type de bravoure, d'audace, d'adresse et de sang-froid, nous amuse et nous étonne par les tours qu'il joue aux boxeurs.   (Ici le narrateur plaisante spirituellement sur la viande d'âne et sur les effets qu'elle produit sur cer­tains estomacs).                       

Aujourd'hui, premier jeudi de juillet, messe et communion pour nos défunts, le soir, office des morts en communauté. 

6, 23e jour, 1iervendredi du mois. – Cœur Sacré de Jésus, nous nous consacrons à vous sans réserve. Bénissez-nous. – On commence à craindre la famine.  Il reste près de 60.000 livres de riz, blé, fèves, millet. A une livre par personne et par jour, c'est 20 jours d'assurés.

   7, 24e jour. – De 4 à 5 h. VI, les Boxeurs lancent au moins 250 marmites de poudre avec mèches enflammées le but d'incendier le Pétang mais elles  n'occasionnent pas d'autres accidents que des commencements d'incendie dont on se rend maître. Vers 6 heures, le canon commence à gronder au quartier où sont les femmes. Chacun se rend à son poste. Environ 330 obus nous sont lancés dans la journée ; deux rangées de maisons sont évacuées et réduites en ruine. Beaucoup de femmes sont privées de nourriture ce jour-là. Nous avons à déplorer la mort de notre canonnier chinois, broyé à son canon par un coup de l'ennemi, et d'une femme tuée dans un corridor. Le feu des canons s'arrête vers 7 heures, après nous avoir fait beaucoup de mal.

On profite de la nuit pour faire quelques travaux de défense. On a à déplorer, à ce sujet, l'apathie d'un certain nombre de Chinois réfugiés au Pétang.

8, 25e jour. – La canonnade commence vers 9 h. ½, faible jusqu'à midi, puis terrible ; les pointeurs lancent des obus et visent surtout la tour où sont des instruments d'astronomie qui leur font peur. Après 20 coups, la tour est fort endommagée, mais encore debout. De 3 à 4 heures, les assiégeants lancent des fusées incendiaires. Vers 4 heures environ, 200 d'entre eux essayent de nous attaquer par un point où ils espéraient nous surprendre ; mais à l'instant nos braves soldats s'y portent et leur signifient de déloger, ce qu'ils font promptement, en laissant quelques-uns des leurs sur le carreau. Journée laborieuse pour nous, mais protection visible du côté de Dieu. On est heureux de pouvoir prendre un peu de repos.

9, 26e jour. – Vers 5 heures, après notre première messe, le grabuge recommence ; des marmites de poudre avec mèches enflammées nous sont envoyées en grand nombre et ne nous font pas grand mal. A 9 h. ½ le canon gronde à son tour ; un pointeur est tué par un de nos soldats.

Les provisions diminuent beaucoup. Devant la perspective d'une famine possible, un soldat français lance cette boutade: « Quand nous aurons fini les ânes, les mulets, les chiens, les chats et les porcs, nous mangerons les charrettes, qui feront d'excellentes pièces de résistance ; mais nous ne capitulerons pas ». De 11 heures à minuit, nous entendons un combat terrible du côté des Légations.

10, 27e jour. – La canonnade continue avec une nouvelle violence 107 boulets pleins, de 25 livres chacun, ont été tirés l'un d'eux est tombé sur le lit que Mgr Favier venait de quitter. Les balles pleuvent autour de nous ; nos braves ripostent par des salves qui éclaircissent les rangs. M'étant rendu à un point d'où partaient des feux de salve, j'ai eu la douleur de voir mourir dans mes bras un de nos braves soldats dont la tête venait d'être traversée par une balle ennemie. Il avait reçu l'absolution et l'Extrême Onction.

11, 28e jour. – Nous venons de passer une nuit assez calme. Nous sommes toujours sans nouvelles du dehors. Après dîner, au moment où nous étions six ou sept réunis pour prendre un peu de récréation, une mine a fait explosion avec un bruit formidable. Grâce à Dieu et à la protection de Marie, les maisons sont restées debout et personne n'a été tué, quoique le F. Cléophas, le F. M-Basilius et une soixantaine de petits enfants ne fussent qu'à quelques pas du lieu de l'explosion. Merci à Dieu, à Marie, à saint Michel. Des fusées incendiaires, jetées ensuite, n'ont pas eu plus de succès. Une balle a traversé le chapeau de Mgr Jarlin, emportant une bande de cuir chevelu. Nous avons déposé au pied d'une statue de la Sainte Vierge, qui nous protège si visiblement, un trophée de bombes, de fusées, d'éclats d'obus et autres projectiles ennemis.

De 9 heures du soir à minuit, une dizaine de nos Chinois des plus courageux, porteurs de torches et de bouteilles de pétrole, vont résolument mettre le feu aux maisons (vides d'habitants) qui favorisaient les opérations des assiégeants. Une vingtaine de maisons sont incendiées.

12, 29e jour. – Vers midi, on entend à proximité de la demeure des Frères au Pétang, un bruit souterrain, indice du creusement d'une nouvelle mine. Vingt hommes se mettent aussitôt à pratiquer une contre-mine. Le bombardement continue, principalement contre la basilique. Nos marins envoient ad patres deux mandarins qui semblaient tenir conseil sur un tertre à canons.

13, 30e jour. – Le soir, canonnade qui nous oblige à évacuer la chambre qui nous sert de refuge. Deux de nos soldats sont blessés, dont un grièvement.

Nuit affreuse : de 9 heures à minuit, fusillade telle que ma ronde de nuit est des plus périlleuses. Je m'en remets à Dieu et passe à travers les balles sans être touché.

14, 31° jour. – Le siège continue. Nous sommes menacés d'une nouvelle explosion de mine. Le soir, canonnade jusqu'à 10 heures ; puis fusillade. Vers 11 heures, un de nos soldats italiens, pieux jeune homme, reçoit une balle qui le tue raide. Un de nos Chinois a le même sort.

Notre étonnement est grand d'avoir pu, avec 40 soldats, soutenir un siège qui dure depuis 31 jours. Nos soldats y voient comme nous une intervention divine.

15, 16 et 17. – Continuation du siège.  L'ennemi en veut surtout à la Grand'Porte du Pétang et à l'église.

Quelques incidents çà et là. Le 17 est le 37e anniversaire de ma naissance. Que de grâces et de faveurs reçues du ciel depuis 37 ans ! Merci, mon Dieu.

Pendant que nous sommes ici prisonniers, le monde va son train, sans paraître se douter de notre existence. De fait, pour lui nous ne vivons plus. « Dans 8 jours, criait une voix puissante de la rue, vous serez tous morts. » … Cependant nous espérons en vous, ô mon Dieu

De 7 heures du matin à 8 heures du soir (17 juillet), calme quinous inquiète. A 11 heures de la nuit, quelques-uns de nos soldats et de nos Chinois projettent un coup hardi, auquel la prudence les oblige bientôt à renoncer.A 11 h. ½, un bruit souterrain nous avertit que l'ennemi approche de plus en plus dans le creusement de sa mine. Nos ouvriers, sous la direction du F. J-Félicité, travaillent de leur côté, à la contre-mine sans perdre une minute.

Mgr Favier est admirable par sa résignation, son esprit de foi, sa piété ; c'est Moïse sur la Montagne. Mgr Jarlin, son coadjuteur, c'est Josué dans la plaine, avec M. Henry, l'éminent officier breton qui commande le détachement.

Une neuvaine est commencée le 17, en l'honneur de sainte Anne. Tout le monde y prend part, les soldats en tête. Comme ils aiment sainte Anne, les braves marins d'Auray et d'ailleurs.

 18 juillet, 35e jour. – Les travaux de contre-mine se poursuivent avec une ardeur incroyable. Vers 11 heu­res, déménagement du côté de la pagode des lamas qui nous avoisinent. 50 voitures emportent des caisses, des paquets, des Boxeurs et des soldats. A 5 heures du soir, nos travaux sont près d'aboutir lorsque la mine fait explosion. Spectacle épouvantable ! Le F. Joseph-Fé­licité est tué, avec 25 des vaillants travailleurs, et 28 au­tres sont blessés[5]. Tout le personnel libre et valide se précipite au secours des victimes, et, pendant qu'au milieu des cris de détresse, de souffrance et d'agonie, la foule courageuse travaille à dégager les blessés, les mourants et les morts, la troupe inhumaine des Boxeurs continue à lancer des projectiles destructeurs et incendiaires.

19, 36e jour. – A 8 heures, funérailles du F. J-Félicité. A midi, bataille en règle sur le mur jaune qui limite le Pétang, et qu'escaladent un certain nombre de soldats et de Chinois chrétiens. Cette petite troupe fait des prodiges d'audace qui mettent en fuite les Boxeurs. Bientôt ceux-ci reviennent avec du renfort et tirent sur les nôtres, dont la bravoure est poussée jusqu'à une témérité qui coûte la vie à trois d'entre eux. De ces trois, l'un était l'intrépide chrétien chinois qui nous avait apporté la dernière lettre du F. J-M Adon ; un autre, soldat marin, brave parmi les braves, était né à Strasbourg, a passé son enfance à Paris et s'était engagé dans la marine à 18 ans.

Nuit signalée par l'incendie d'une trentaine de maisons autour du Pétang : notre défense et notre salut demandaient cette exécution.

20, 37e jour. – Sainte communion pour la conversion des meurtriers du regretté F. J.-Félicité. – Journée très calme ; la nuit qui suit est assez paisible.

21, 38e jour. – Deux morts sont encore retirés de la mine.

22, 39° jour. – Nos soldats font encore un coup d'audace en faisant une descente d'inspection dans le magasin impérial, près du Pétang ; ils en rapportent une trentaine de sacs de pains de soufre et autant de salpêtre. – M. Gartner, scolastique lazariste, ancien polytechnicien autrichien, qui s'est déjà révélé vaillant et habile tireur, se joint à trois soldats ; tous quatre se blottissent dans des brèches du mur jaune et, de là, envoient chacun huit balles à des Chinois qui, à quelque distance, creusaient un fossé-tranchée. Deux mandarins, directeurs des travaux, occupés à ce moment à boire leur thé,ont l'honneur de recevoir la première décharge, avant d'avoir fini leur tasse, qui fut pour eux la dernière.

Pendant la nuit, roulements de tonnerre continuels, pluie diluvienne ; nos dortoirs sont inondés ; en même temps les Boxeurs nous envoient des balles, qui, heureusement, ne font de mal à personne.

23, 40e jour. – Vers 4 heures du soir, quelques centaines de Boxeurs, assez téméraires pour approcher de trop près nos braves défenseurs, ont payé leur imprudence par la mort d'un grand nombre des leurs. Un bonze est tué par M. Gartner. Plus de 5.000 balles nous sont envoyées et ne blessent personne.

24, 41° jour. – Le jeune officier commandant le petite troupe italienne, est très ennuyé de manquer de cartouches (on en a cependant tant besoin !) Il est retenu au lit par une forte fièvre.

25, 42e jour. – Journée assez calme, ce qui n'empêche pas nos tirailleurs d'occire çà et là quelques Boxeurs.

26, 43e jour. – Vers le soir, les Boxeurs s'approchent en faisant marcher devant eux une cinquantaine d'enfants et d'adolescents. Malgré la répugnance qu'on éprouve à tirer sur des enfants, on est bien obligé de se défendre.

Grande perte en la personne du R. P. Chavannes, mort de la petite vérole, à 3 heures : prêtre remarquable par sa science, ses talents et ses vertus.

27, 44e jour. – (Après avoir parlé plusieurs fois du C. F. Cléophas, malade, le cher chroniqueur annonce ici qu'il baisse visiblement, et qu'il a reçu les derniers sacrements à 3 heures du soir.)

28, 45e jour. – Préoccupé de la nourriture, on fixe la ration à 8 onces par jour et par personne. Le canon se fait entendre sur trois points différents. Nous nous demandons si c'est l'armée de secours ou des détachements que nous attendons depuis si longtemps. – Il semble que nos ennemis veuillent nous environner de tranchées qu'ils bourrent ensuite de poudre. Dans la matinée, mouvement inusité vers la pagode impériale, Toute une armée défile à distance, avec canons et étendards déployés. Bientôt des canons sont braqués de notre côté et nous envoient des boulets ; mais l'intrépide M. Gartner et d'autres habiles tireurs se chargent de mettre les canonniers à la raison. La fusillade est allée son train pendant 4 heures. Pour varier on se bat de temps en temps à coups de pierres.

De notre côté, le résultat de tout ce vacarme de la journée, c'est que deux hommes et une femme ont été légèrement touchés par des éclats de brique. Merci à Dieu et à Marie de leur visible protection.

Nuit épouvantable par une fusillade incessante.

29, 46e jour. – Nous entendons deux messes, quoique le canon commence à gronder à 4 h. 1/2. Nouveaux incendies allumés par les Boxeurs de notre voisinage. Nous commençons une mine pour attaquer l'ennemi. Un marin a déjà fabriqué 50 kilos de poudre de mine. – On annonce qu'il n'y a plus de vivres que pour huit jours. Nous ne cessons pas de mettre notre confiance en Dieu, ni de nous défendre et de nous fortifier. Cent quinze boulets pleins et des balles sans nombre sont tirés contre nous. Trois chrétiens sont frappés à mort.

30, 47e jour. – jour de deuil. – Pendant la nuit, l'ennemi a posté un canon à 30 mètres de la porte du Jen-tsé-t'ang (quartier où sont les femmes). Il s'agit de s'emparer de ce canon mais bientôt l'ennemi se montrant en nombre, avec armes, paille et pétrole, on abandonne ce projet pour le moment. Le lieutenant Henry poste alors quelques-uns de ses meilleurs tireurs au meilleur endroit qui se présente et commande le feu. Tous font merveille, l'un d'eux va jusqu'à abattre 28 hommes sur 29 coups. Malheureusement ces vaillants sont trop à découvert d'un côté. Plusieurs sont blessés. Le brave commandant reçoit successivement deux balles, dont l'une lui traverse le cou en rompant la carotide, et l'autre lui pénètre le flanc. Il tombe entre les bras d'un prêtre qui lui donne les derniers sacrements. Il expire au bout de vingt minutes. Ses soldats pleurent comme des enfants la mort de ce digne chef. (Ici le bon F. Jules-André consacre deux pages de regrets et d'éloges à ce jeune officier de 23 ans, doué de toutes les qualités qui font les héros et les grands et nobles cœurs). F. Joseph-Félicité, P. Chavannes, lieutenant Henry, quelles pertes dignes de nos pleurs ! Mais pleins de résignation et d'amour, nous disons de grand cœur à Dieu : fiat ! fiat !… Avec l'accent de la plus entière confiance nous nous écrions : O Dieu sauvez-nous ! vous nous restez seul, c'est assez.

31, 48e jour de siège. – L'officier italien est bien guéri ; mais ses soldats et surtout son sous-officier le disent complètement découragé. Et pourtant c'est le vrai moment de montrer du cœur. En avant donc pour Dieu et l'Eglise!

F. M-Nizier est incorporé dans la défense armée.

Un fusil Lebel lui est remis et le chef lui apprend sommairement à s'en servir. Moi, je fais tous les métiers.

– Les Boxeurs ont essayé un nouveau stratagème : ils nous ont envoyé, au moyen de flèches, quatre missives invitant les chrétiens à se séparer (apostasier) des Eu­ropéens et promettant qu'il ne leur serait fait aucun mal. Je ne sache pas que cette tentative ait réussi, bien que  quelques chrétiens craignant de mourir de faim se soient enfuis l'une de ces dernières nuits.

1ieraoût, 49° jour. – F. Marie-Nizier, de son premier coup de fusil, abat son homme. Un millier de Soldats ou Boxeurs viennent rôder sur différents points autour du Pétang. On leur en tue une cinquantaine.

A force de coups de fusil, les assaillants sont parvenus à endommager deux de nos maisons, surtout les poutres principales, et à détruire beaucoup de nos meurtrières ; mais nous avons étayé les poutres et pratiqué d'autres meurtrières.

Siège mémorable, et qui devra figurer dans les pages de la campagne de Chine comme un des faits les plus remarquables de la valeur européenne, de la faiblesse chinoise, et surtout de l'assistance de Dieu et de la protection maternelle de Marie.

2 août, 50e jour. – Indulgence de la Portioncule dans la chapelle des Sœurs. Nous sommes privés du Saint-Sacrement depuis quelque temps.

Nos travaux de mine ont déjà 26 mètres de longueur (Ici quelques détails sur les provisions de bouche qui restent). On diminue encore les rations ; on a juste de quoi ne pas mourir de faim. Les chiens qui se nourrissent des cadavres des Boxeurs sont chassés, tués et mangés par nos malheureux qui ajoutent cette triste nourriture aux feuilles d'arbre et aux racines de toutes sortes.

3 août, 51° jour, 1ier vendredi du mois. – La nuit a été calme. Matinée également paisible. La crainte de la famine fait qu'on délibère sur les moyens à prendre pour nous procurer du riz. On est presque décidé d'en tenter un des plus hardis ; mais bientôt on recule devant le danger auquel seraient exposées des vies aussi précieuses que celles de nos soldats. Cependant quelle horriblechose que la perspective de la famine à brève échéance ! Quel spectacle lamentable de voir ces figures émaciées, ces enfants mourir de faim, ces pauvres gens se traîner misérablement le long des couloirs et des chemins, en quête de quelques feuilles d'arbre  ou des vigne pour s'en nourrir ! Hélas! c'est ce que nous voyons !

4 août, 52e jour. Journée très ordinaire ; le nombre de nos assaillants nous semble bien diminué ; temps autre on en tue un ou deux. – A dîner, nous mangeons des radis dont on ne laisse rien perdre. – F. Cléophas reprend un peu de vie. – Monseigneur croit devoir permettre à ceux qui le désirent, de sortir pour faire des provisions. Mais quels dangers ! Aujourd'hui même parmi ceux qui sont sortis, un est tombé entre les mains des soldats. Quel sera son sort ? Ne vont-ils pas le torturer pour le faire apostasier ou lui arracher le secret ce qui se passe ici ? Que Dieu lui soit en aide ! L'espoir de l'arrivée prochaine des troupes grandit chaque jour. Dans une sortie, quatre de nos Chinois chrétiens rencontrent un soldat qui fait feu sur eux ; le fusil rate ; il fait feu de nouveau, le fusil rate encore. Alors il leur fait une cérémonie de politesse en demandant pardon. Ils lui pardonnent et s'enfuient. 

5 août, 53e jour. – Nous sommes de plus en plus tranquilles. Le lieutenant Henry avait dit : « Dieu me  prendra quand vous n'aurez plus besoin de moi ». De fait, il y a relâche dans l'attaque depuis son départ pour le ciel. – Pendant la nuit, un soldat de garde a reçu une balle qui lui a crevé un oeil. C'est le troisième de nos braves soldats ainsi devenu borgne. – Plusieurs de Chinois chrétiens sont sortis aux approvisionne : un tué, un blessé, deux ou trois pris par l'ennemi. Nos Chinois, épuisés par la faim, n'ont plus la force de travailler.

6 août, 54e jour. Journée extraordinairement calme. Les horreurs de la famine se font sentir de plus en plus. La ration de riz est réduite juste pour ne pas mourir de faim. – De nos 500 Chinois armés de lances au commencement du siège, il n'y en aurait pas aujourd'hui 25 qui eussent la force de s'en servir.

7 août, 55e jour. – Après minuit, fusillade infernale à distance, sans doute pour nous empêcher de sortir. Le canon se fait entendre sur plusieurs points éloignés.

8 août, 56e jour. – Nous avons commencé avant-hier la neuvaine préparatoire à l'Assomption. Depuis le commencement des troubles, nous ajoutons à la prière du soir un Souvenez-vous, et une invocation à saint Michel.

9 août, 57e jour de siège. – Anniversaire bien cher aux Petits Frères de Marie. C'est à pareil jour, en 1896, que leur bien-aimé Fondateur a été déclaré Vénérable par la Sainte Eglise. Nous l'eussions célébré avec pompe à Chala ; mais ici, en temps de siège… Sainte Communion pour remercier Dieu, prier pour les vénérés Supérieurs, pour tout l'Institut. A déjeuner, je donne à chaque Frère une tablette de chocolat, et après dîner un petit verre de Porto, en famille. – Saint Père Fondateur, sanctifiez-nous, protégez-nous, sauvez-nous par votre puissante intercession. – Pendant la nuit, on entend la canonnade, mais au loin.

10 août, 58e jour. – Le canon se fait entendre sur plusieurs points. On découvre un commencement de mine vers la porte principale du Pétang. A midi, nous entendons la détonation d'un canon placé à 6 ou 700 m. de chez nous ; à 4 h., il est renforcé par un second posté sur un autre point. Vers 4 h. du soir, un ballon est aperçu dans le sud, signe non équivoque de l'arrivée des troupes européennes. Un autre signe aussi certain, c'est la parole d'un Boxeur, entendue pendant la nuit : « Inutile de résister : les Européens ne pourront pas entrer, parce que nos nombreux soldats les arrêteront, et parce que nous avons fait des mines » Et moi, je dis qu'ils entreront facilement si Dieu veut, et nous avons tout lieu de croire qu'il le veut. – Patrouilles de divers côtés pour s'assurer qu'il n'y a pas de mine. Rien découvert, pas même un Boxeur. – Le canon de l'Est s'acharne sur l'église, et celui du Nord, sur les maisons déjà bien endommagées du Jen-tsé-t'ang. – Les rations sont réduites à deux onces par personne, sauf pour nos braves défenseurs, pour lesquels on met de côté 400 livres de riz et une mule.

11 août, 59° jour. – Les canons voisins continuent à tirer sur nous, quelquefois à blanc. Personne n'est touché, grâce à Dieu. Tout le monde est plus ou moins fatigué de la situation du régime, etc. Mais on accepte gaiement le tout pour Dieu, en esprit de pénitence.

Patrouille vers l'est de la Porte : quatre marins français et deux Chinois. Ils découvrent un commencement de mine, qu'ils détruisent. Pas de blessés, Dieu merci. 

Ces mots sont les derniers qu'ait écrits la main du C. F. Jules-André : sa tâche est terminée. Voici venir pour lui l'heure du repos, de la délivrance, de la récompense. Un autre Frère (Frère Marie-Basilius) va prendre sa place et nous dire quelle a été la suite, puis le dénouement de ce drame lugubre auquel nous assistons depuis cinquante-neuf jours.

12 août, 60e jour de siège!!!- Grande catastrophe. La nuit avait été relativement calme. A la messe de 5 h. 1/2, nous communions avec notre C. F. Visiteur ; puis nous entendons une seconde messe en action de grâces. Soudain, au moment de l'Elévation une formidable explosion ébranle le sol, tout s'écroule autour de nous. Tous les assistants (le servant reste avec le prêtre qui continue le saint Sacrifice) se précipitent vers les portes pour aller au secours des victimes dont les cris déchirants se mêlent à la fusillade des assiégeants. La mine qui vient de faire explosion a creusé un cratère de 7 m. de profondeur sur 40 m. de diamètre, a détruit une partie des bâtiments du Jen-tsé-t'ang et enseveli sous les ruines 80 personnes (enfants, catéchumènes et soldats italiens). On commence le sauvetage par l'officier italien qui, après avoir assisté à la première messe était allé se reposer. Les montants en fer des rideaux de son lit avaient retenu au-dessus de sa tête une partie du toit qui s'était entièrement écroulé ; de sorte qu'il n'avait reçu qu'une légère contusion. On s'occupe ensuite des soldats et des autres victimes qui sont sous les décombres ; mais quel travail ! De ce nombre est une pauvre catéchumène à moitié ensevelie, encore vivante et implorant du secours. Personne n'ose approcher en voyant que le tir des Boxeurs est surtout dirigé vers cet endroit. Le C. F. Visiteur, ému de compassion et ne consultant que sa charité et son courage, s'avance comme en rampant pour éviter les balles ; mais au moment où il veut se relever, une balle vient l'atteindre à la poitrine et sort sous l'aisselle gauche, après avoir perforé les poumons et peut-être touché le cœur. On l'entend immédiatement commencer tout haut l'acte de contrition ; mais à peine en a-t-il prononcé cinq ou six mots que sa voix s'éteint. Vite on le transporte à la chapelle d'où il venait de sortir, il n'y avait qu'un instant ; un prêtre arrive, mais hélas ! pour constater que le C. F. Jules-André est mort martyr de la charité et du dévouement.

F. Jules-André, après F. Joseph-Félicité, quelle épreuve pour nous, mon Dieu ! Pour eux c'est l'éternel bonheur ! mais pour nous, combien leur absence sera douloureuse ! Nous nous consolons toutefois dans la pensée que nous avons au Ciel deux intercesseurs de plus.

Cependant l'explosion n'a pas pour les assaillants l'effet qu'ils en attendaient. Déjà ils essayaient de pénétrer chez nous par la brèche lorsque nos intrépides marins se présentent et en tuent une cinquantaine. Les autres prennent la fuite.

Les funérailles de notre C. F. Visiteur ont eu lieu dans la soirée, lorsque nous avons pu jouir d'un peu de calme.

Quand nous avons parlé à Mgr Favier des quinze messes de Règle à dire pour notre cher défunt, le vénérable prélat nous dit : « Il n'en a pas besoin : sa mort est de celles dont il faut bénir le bon Dieu ». Il nous promit néanmoins les messes demandées.

Dans le nombre des morts de cette catastrophe, nous avons eu la douleur de compter trois des soldats italiens.

En cette circonstance, nos marins se sont montrés admirables comme toujours. Quatre d'entre eux, encore soumis à un pansement journalier, sont accourus des premiers sur le lieu du sinistre pour rendre les services qui étaient en leur pouvoir.

13 août, 61° jour. –A 11h. 20 du matin, deux nouvelles mines éclatent et causent quelques dégâts matériels. Le C. F. Cléophas n'échappe à la mort que grâce à une protection particulière du Ciel. Il y avait deux minutes à peine, au moment de l'explosion, que les autres Frères avaient quitté la chambre où il était resté. – Il y a eu une dizaine de blessés, mais non grièvement.

J'ai quitté l'infirmerie (c’est le F. M-Basilius qui parle) pour me rendre utile autant que possible ; mais je ne puis faire grand'chose : j'ai les doigts de la main gauche dépourvus de mouvement et de sensibilité. Comme je regrette mon sabre, avec lequel j'encourageais à la mort et au Martyre nos trois à quatre cents chrétiens chinois armés de lances pour la défense ! Le chapelet est mon arme du moment.

14 août, 62e jour de siège. – Aujourd'hui, à 5 heures du matin, le C. F. M-Nizier célèbre en faction, la baïonnette au canon de son fusil, le 21e anniversaire de sa naissance. Il n'assiste à la messe que juste pour communier, puis il retourne vite monter la garde pour son Dieu et faire son action de grâces.

Que se passe-t-il aux Légations ? On y a entendu cette nuit une canonnade terrible. – Nos Chinois prient avec une ferveur admirable. Il n'y a plus de riz que pour un jour, et il en faut journellement plusieurs sacs. Quelle affreuse perspective se présente si la délivrance espérée ne vient pas ! – Vers les 9 heures, on entend des coups de canon répétés qui n'ont pas l'air de venir des Chinois. – Il n'y a plus à s'y méprendre, c'est l’armée de secours qui arrive ; plusieurs signes l'annoncent : le bruit du canon, des mitrailleuses, des salves, la disparition des drapeaux chinois de dessus les murailles, les fuyards qui passent, etc. Marie, notre Espérance, nous apporte la délivrance pour le jour de son Assomption. Le soir, vers 5 heures, un de nos braves marins, posté en sentinelle, est tué par une balle ; un moment après, un de nos veilleurs chinois a le môme sort.

15 août, 63e jour de siège, fête de L'ASSOMPTION. Réjouissons-nous, comme l'Église le chante : notre délivrance est proche. La confiance et la joie sont dans les cœurs, les visages s'épanouissent. Néanmoins tout le monde reste au poste et veille : une attaque générale est encore à craindre. – A midi nous entendons des Boxeurset et des soldats chinois se disputer entre eux. « C'est vous, disaient ceux-ci aux Boxeurs, qui êtes cause de nos malheurs et de la mort de nos proches. » Les Boxeurs le nient : on s'échauffe de part et d'autre, et finalement on se bat à coups de fusil. – Vers 4 heures, un de nos marins, placé en sentinelle, répond à des soldats chinois qui viennent de décharger leurs fusils de son côté, en leur envoyant des balles qui en couchent deux sur le sol. D'un autre point, un de nos marins, voyant s'avancer une soixantaine de soldats conduits par un vieux mandarin à bouton rouge, vise celui-ci et le descend prestement de son cheval. Les soldats déchargent leurs fusils sans faire de mal à personne et s'enfuient.

Le soir et toute la nuit, la ville reste silencieuse du côté de l'ouest. Seules les sentinelles ennemies veillent à ce que personne de nous ne s'échappe. On compte jusqu'à 18 incendies à l'est de la ville. Vers minuit, les Boxeurs essayent un simulacre d'attaque. Pas un n'ose montrer le nez. Ils n'ont, pour nous faire peur, que le bruit assourdissant de leur fusillade.

Vers les 8 heures du soir, de crainte que les armées libératrices ne nous aient oubliés, nous hissons le drapeau français sur l'église, avec le signal convenu en cas désespéré, au risque d'exciter l'armée chinoise contre nous.

16 août. – Délivrance !  Vers 6 h. ½, des feux de salve se font entendre de plusieurs côtés et, peu à peu, se rapprochent jusqu'à environ 300 mètres de nous, derrière la porte de la Ville jaune, laquelle était fermée et occupée par de nombreux soldats chinois. Dans la rue partant de cette porte et aboutissant au Palais impérial, plusieurs barricades, faites avec des sacs de riz, étaient défendues. par 1.500 hommes au moins, sans compter les Boxeurs et les réguliers postés dans les maisons crénelées et percées d'embrasures.

Vers 8 heures, des gens du Pétang croient reconnaître des soldats européens derrière la porte. Mgr Favier fait sonner de clairon. On y répond par une grêle de projectiles dont une bombe éclate à ses pieds. Nous nous demandons alors : si, au lieu de la délivrance, ce n'est pas la suprême attaque et notre extermination. Cependant, au bout d'une demi-heure, un audacieux chrétien  monté sur le mur de la Ville jaune, en descend en disant: «Les Européens sont certainement là : j'ai vu un officier habillé en blanc avec des galons. » C'était, en effet, un officier japonais. Voyant qu'on ne pouvait pas lui ouvrir la porte de la Ville jaune, il se met en mesure, avec sa troupe, de la  faire sauter. A ce moment, une nouvelle troupe habillée de bleu s'avance avec du canon : c'étaient dès soldats français de l'infanterie de marine. Oh ! alors la joie est à son comble ; ce sont des hourras et des vivats à n'en plus finir. Des échelles sont placées de  côté et d'autre, et en quelques minutes les cinquante hommes de la compagnie Marty sont chez nous avec leur chef. On ne pense même plus à se battre, on se jette dans tes, bras les uns des autres, on se félicite mutuellement… c'est du délire !

Pendant ce temps, les soldats des autres nations achèvent de nous débloquer ; la grande avenue du Pétang, interdite à la circulation depuis plus de deux mois, est de nouveau animée et plus que jamais. – Après quelques instants de joie passés ensemble et un déjeuner sommaire pris à la hâte, nos soldats se sont emparés d'une grande barricade, après avoir escaladé, brûlé les maisons crénelées et passé à l'arme blanche leurs défenseurs. – La bataille était finie. Plus de huit cents cadavres de Boxeurs ou soldats réguliers chinois gisaient à terre. Nous n'avions à déplorer que la perte de trois hommes tués et trois blessés dont le capitaine Marty. Il était environ 10 heures, et depuis un quart d'heure le ministre de France, M. Pichon et le général Frey, étaient au Pétang et prenaient part à notre bonheur. Nous étions délivrés et tout Pékin était à nous. – Deo gratias !

Dans ce siège, où les assaillants se comptaient par milliers, la petite troupe héroïque qui nous défendait a eu 11 tués, dont 5 Français et 6 Italiens, et 12 blessés, dont 9 Français et 3 Italiens. 

SIÈGE DES LÉGATIONS 

                                          Du 19 juin au 15 aout 1900. 

Aux Légations s'étaient réfugiés nos chers Frères Louis-Michel, Marie-Agathonique, Joseph-Malachie et Marie-Nestor. Le C. F. Louis-Michel a pris chaque jour des notes concernant ce siège, et nous pensions pouvoir vous en donner en extrait ; mais ne les ayant pas reçues, nous avons dû nous borner à quelques fragments du journal de M. Pichon, ministre de France.

24 juin. – Vers 11 heures du matin, la légation anglaise est attaquée par une troupe de soldats et de Boxeurs qui poussent des cris féroces. Des marins tuent un grand nombre de soldats. Les Légations sont entourées de flammes.

25 juin. – Fusillade et canonnade terribles, vacarme effrayant jusqu'à 5 heures du soir. Un marin français, un allemand et un japonais tués, plusieurs blessés.

26-27 juin. – Les fusillades se continuent sans s'arrêter ; les obus éclatent, percent les toits et les murs, et feraient beaucoup de mal sans la maladresse des pointeurs.

28 juin. – Les Chinois nous jettent des pierres pardessus le mur qui nous protège. La femme du ministre d'Autriche est assez grièvement brûlée par des tisons enflammés qui tombent sur elle. Attaque sauvage toute la nuit.

29 juin. – Cent soixante-dix coups de canon de 7 heures du matin à 3 heuresaprès-midi. Fusillade continuelle. Attaque de tous côtés. A 10 heures du soir, fusillade effrayante. Un orage éclate, les éclairs illuminent le ciel, le tonnerre gronde, la pluie tombe à torrents, en même temps que les balles crépitent ; c'est une scène horrible qui étreint l'âme et le cœur jusqu'à 2 heures du matin. A la légation de France, qui a été évacuée, les Chinois ont essayé de pénétrer par une brèche ; ils ont été tués en assez grand nombre.

30 juin. – Soixante-onze coups de canon et fusillade assez vive jusqu'à midi.

1ierjuillet. – Nos défenseurs américains et allemands sont forcés d'abandonner leurs positions. Canonnade et fusillade toute la journée. Morts et blessés plus qu'en aucun autre jour. Sortie courageuse pour s'emparer d'un canon. Deux Italiens tués et deux blessés.

8 juillet. – Trois cent vingt-cinq coups de canon jusqu'à la nuit. Les toits s'effondrent et les décombres envahissent les maisons. Le courage des défenseurs est héroïque ; ils ne reculent que devant les flammes.

9 juillet. – Deux cent dix coups de canon avant midi et une quinzaine d'obus. Les balles pleuvent de tous côtés.

Il juillet. – Seize incendiairessont tués. Deux autres, faits prisonniers, racontent que des soldats chinois pratiquent des mines pour faire sauter la légation.

12 juillet. – Rendez-vous était pris pour célébrer la fête nationale à la légation de France ; mais la légation n'existe plus : le pétrole, la poudre, les balles, les boulets et les obus n'en ont laissé debout que des murs troués et carbonisés. C'est une vision lamentable, avec une consolation pourtant : celle de l'intrépidité de nos défenseurs. Le capitaine Darcy, ses matelots, les chefs et les matelots autrichiens, ainsi que les volontaires, sont admirables.

15 juillet. – On cherche à mettre à jour les égouts où l'on croit que les Chinois ont creusé des mines ; on creuse des tranchées pour conjurer le péril.

Un de nos matelots, blessé par un de ses camarades, dont le fusil, déchargé par imprudence, lui avait perforé le poumon, est mort à l'hôpital anglais. Quelques minutes avant de mourir, il reçut la visite de celui qui l'avait tué. Il s'est contenté de lui dire : « Je ne t'en veux pas. Tout ce que je te demande c'est de faire dire une messe pour moi dès que tu seras de retour au pays ». Je trouve, moi profane, cette parole sublime dans la bouche de ce pauvre enfant.

19 juillet. – Calme.

12 août. – Fusillade pendant toute la journée. Dans la soirée, le capitaine Labrousse est tué à la légation de France. De toutes parts les coups de fusil font un vacarme épouvantable.

13 août. – Un général de brigade chinois, qui avait promis de massacrer en cinq jours tous les étrangers présents à Pékin, a été tué lui-même le cinquième jour. – Le soir, attaque générale à la légation d'Angleterre. Les balles pleuvent sur les murs et les toits avec un bruit qui casse les oreilles.

14 août. – A 2 heures dumatin, un coup de canon lointain est entendu, d'autres suivent, puis des feux de salve. Il n'y a plus de doute ; notre délivrance approche ; tout le monde se réjouit.  A 8 heures, les coups de canon se multiplient. La ville est bombardée sur trois points différents… « Les troupes arrivent, nous allons être sauvés ! » Voilà ce qu'on se dit avec une joie inexprimable. C'est du délire qui s'empare de nous quand, vers 3 heures de l'après-midi, quelqu'un se précipite à la légation d'Angleterre en criant : « Les troupes sont dans la ville chinoise, elles s'avancent, les voilà ! » On court pêle-mêle au-devant des libérateurs, on pousse des hourras, on pleure, on s'embrasse, on se bouscule.

Ce sont les soldats indiens du corps expéditionnaire anglais qui entrent d'abord. Le porte-drapeau, qui est arrivé premier, tombe à genoux, son étendard à la main, et fait sa prière. Ses compagnons sont massés autour de lui. Les troupes américaines viennent ensuite. Les soldats chinois qui ne comprennent rien à nos cris, essayent encore une fusillade, puis se taisent et bientôt s'enfuient. Les troupes françaises, avec le général Frey, sont arrivées aux légations le 15, au lever du jour.

Dans ce siège mémorable, les Légations avaient, pour se défendre 495 hommes armés, dont 415 soldats de huit nations différentes et 80 volontaires. Ils possédaient deux canons et deux mitrailleuses, et ils avaient à combattre contre 5 à 6.000 soldats qui disposaient d'excellents fusils, d'une artillerie considérable et de munitions inépuisables, au point qu'ils ont usé plus de 3.500 projectiles de canon et des millions de cartouches de gros et petit calibre.

Les pertes, du côté des défenseurs, ont été de 65 tués, et de 142 blessés.

Tel est, M. T. C. F., le tableau abrégé du sombre drame qui s'est déroulé à Pékin, pendant plus de deux mois, et auquel nos Frères ont pris une part aussi glorieuse que douloureuse. Que de réflexions se présentent à l'esprit après cette lecture ! D'abord, on se demande comment les milliers de personnes réfugiées au Pétang et aux Légations ont pu échapper au massacre avec les faibles moyens de défense mis à leur disposition. Le Ministre de France, M. Pichon, frappé de ce prodige, écrit dans son rapport : « On peut se demander comment les assiégés ont résisté et ont été sauvés. Il a fallu, pour empêcher le massacre général auquel tout semblait les condamner, une série d'événements extraordinaires, dont l'origine tient peut-être moins à la volonté des hommes qu'à un concours de circonstances échappant à toutes les prévisions. – Notre salut, écrit-il plus loin, tient à un ensemble d'événements qui ne peuvent s'expliquer par un raisonnement logique, et par un enchaînement de considérations rationnelles. » – Et, parlant spécialement du Pétang – « De toutes les défenses organisées pendant le siège, celle de l'évêché de Pékin est peut-être la plus étonnante et la plus remarquable. »

L'explication que M. Pichon retient au bout de sa plume, mais que l'on sent dans son cœur, c'est, pour nous, l'intervention divine, c'est un miracle de protection céleste. M- Pichon l'a compris et vu comme nous, et elle l'a exprimé dans une lettre à sa mère en ces termes : « Le porte-drapeau Sikh, arrivé un des premiers, s'agenouille et se met à faire sa prière… Quel spectacle admirable ! – Moi, je me sauve dans ma chambre pour rendre grâce à Dieu qui nous a sauvés… »

Cependant la délivrance n'a pas eu lieu sans victimes: Dieu en a demandé, et des plus pures et des plus méritantes. Notre Institut en a fourni son contingent dans les chers Frères Jules-André, Joseph-Félicité, Joseph-Marie-Adon et le postulant Jens : saintes victimes, véritables confesseurs de la foi, héros de la charité, Modèles de dévouement, d'abnégation, de courage, de vie chrétienne et religieuse. De l'un d'eux – le F. J-Félicité – Mgr Favier a dit : « C'était un jeune homme de 28 ans, aussi pieux que, brave, aimé et regretté de tous » ; et du F. Jules-André – «C'était un homme d'une grande valeur, qui avait montré pendant tout le siège une intelligence, un dévouement, un courage tout à fait hors pair. » Ce témoignage, qui ne fait que confirmer celui de tous les Frères qui les ont connus, suffit pour donner une idée de la grande perte que l'Institut a faite en ces deux Frères. Mais pourquoi parler de perte ? Donner au bon Dieu, ce n'est pas une perte, mais un gain ; aussi lui avons-nous fait de tout notre cœur le sacrifice quatre fois répété qu'il nous a demandé. Nous avons au ciel quatre intercesseurs de plus.

Il m'est doux d'ajouter que j'ai été singulièrement édifié, consolé et satisfait de la conduite qu'ont tenue tous nos Frères de Chine dans les circonstances tragiques où ils se sont trouvés, des touchants témoignages d'affection qu'ils se sont donnés mutuellement, et de l'attention qu'ils ont apportée à nous envoyer toutes les nouvelles possibles.

Dans sa relation sur le siège du Pétang, Mgr Favier écrit : « La misère, la faim, la maladie, les balles ont plus décimé la population chrétienne que nous avions recueillie ; le nombre des cadavres enterrés dans notre jardin dépasse 400. Tous sont morts en bons chrétiens, en disant : « Nous mourons pour notre religion, tués en haine de la foi ; le bon Dieu nous donnera le paradis. »

« Nos Sœurs de charité ont été admirables par leur courage et leur dévouement : elles se privaient de tout pour leurs enfants… »

Et en parlant des effets de la persécution dans son vicariat : « Je ne crois pas exagérer en portant le nombre des victimes à 15.000 au moins – 15.000 victimes, mortes brûlées, coupées en morceaux, jetées dans les fleuves, sans vouloir faire une simple prostration idolâtrique qui les aurait sauvées. Je ne pense pas que deux pour cent aient racheté leur vie par un acte superstitieux où le cœur n'était certainement pour rien. Pas un de nos missionnaires n'a quitté son poste, malgré les sollicitations des mandarins qui voulaient les reconduire sous escorte et les mettre en sûreté ; pas un n'a abandonné ses chrétiens. » 

LETTRE DU C. F. LOUIS-MICHEL. 

                              Pékin, 8 septembre 1900. 

                         « Mon Très Révérend Frère  Supérieur,

   Deo gratias !  Vive Jésus! vive Marie! vive saint Mi­chel !

   A la tourmente a succédé la paix. Que c'est doux la délivrance après deux mois de cruelle agonie! Quel plaisir de respirer enfin à l'aise !

Et notre Cher Frère Visiteur et notre Saint Frère Joseph-Félicité n'ont pas eu le bonheur de voir ce jour qu'ils avaient cependant prédit ! Si, ils ont vu le jour de la délivrance, et d'une délivrance bien plus belle, bien plus parfaite que celle que nous avons vue le jour de l'Assomption. Pendant que nous gémissons sur les ruines de nos oeuvres, ils se rassasient des pures délices du paradis, en récompense de leur ferveur constante et de leur ardente charité. Pour moi. plus j'y pense, plus j'admire les desseins du bon Dieu. C'étaient deux âmes dont la couronne était terminée ; il ne leur manquait que la palme du martyre, et le Seigneur vient de la leur accorder, afin que leur gloire et leur félicité soient parfaites.

Tous les trois nous ne faisions qu'un ; eux seuls sont pris, et moi je suis laissé. A. chaque instant du jour et de la nuit, je me suis cependant tenu prêt à paraître devant Dieu, durant ces deux       mois  à mes de siège, où sans interruption les balles sifflaient mes oreilles, semant la mort à mes côtés ; et le bon Dieu ne m'a pas jugé digne d'aller le voir encore ! Hélas ! si je ne voyais là­-haut ces deux nouveaux Protecteurs s'intéressant plus que jamais à nos œuvres de Chine, pour lesquelles ils ont tant fait sur la terre, je me laisserais aller au décou­ragement ; mais Dieu m'a laissé debout pour travail­ler à la régénération de nos oeuvres : en avant donc, à l'exemple de nos saints martyrs, dont la protection se fait déjà sentir visiblement sur nous !

Parmi les maisons qui se trouvent entre le Pétang et le Palais impérial, il en est une qui a échappé, on ne sait comment, à l'incendie général du quartier ; elle est assez vaste pour loger huit à dix Frères et une centaine d'enfants. A partir d'aujourd'hui, cette résidence se nomme Orphelinat Saint-Michel. C'est notre nouveau Cha-la, en attendant que soit reconstruit l'ancien dont il ne reste pas pierre sur pierre.

Dès que nous avons eu l'approbation de Monseigneur, nous nous sommes mis résolument à l’œuvre, ramassant çà et là tout ce dont nous pourrons avoir besoin dans le courant de l'année, pour nous et pour nos enfants. Ceux-ci ne manqueront pas : ils sont déjà une trentaine.

Je crois que c'était chose curieuse de nous voir conduisant nous-mêmes nos chars, chargeant nos sacs de blé, de riz, de maïs, et les soldats français nous prêtant main-forte. Chacun de nous s'employait de son mieux à meubler la maison et à faire des provisions de toutes sortes, en bénissant la Providence du soin qu'elle prend ainsi des siens. Aujourd'hui, nous recommençons à être organisés et nous plaçons le Christ, à l'endroit le plus honorable dans cette maison, où il était complètement inconnu.

Cha-la a donc repris la vie, et dans quelques jours si Monseigneur l'approuve, un nouveau Nan-T’Ang y sera joint ; car je réserve une partie des bâtiments pour y faire deux classes de 25 à 30 élèves chacune. Déjà un bon nombre d'enfants chrétiens et païens sont venus nous demander quand recommenceront les cours. Tous les chrétiens étant groupés autour du Pétang, la seule église qui reste debout, nous sommes assurés d'avoir de nombreux élèves. Le nombre des chrétiens s'élève déjà de trois à quatre mille.

Nous commençons aussi à reprendre notre vie de communauté, forcément interrompue depuis trois mois elle nous paraît plus douce que jamais.

Nous avons dû nous imposer une tâche d'un genre particulier : c'est la chasse aux chiens. Les maisons autour de nous étant remplies de cadavres qui n'ont pas pu être enterrés, faute de bras, les chiens se réunissent la nuit pour en faire leur pâture. – Chose horrible à voir ! – Comme nous sommes armés de bons fusils allemands, pris aux soldats chinois, nous nous en servons contre les chiens, non sans succès : aussi espérons-nous en être débarrassés dans quelques jours. Au reste, les Chinois nous savent gré de cette chasse, pour laquelle on n'exige pas de permis ; car nous leur laissons notre gibier, qu'ils ramassent et dont ils se nourrissent sans répugnance…

« Ce matin, à 10 heures, a eu lieu, à l'église du Pétang, une cérémonie bien propre à faire impression  les prières solennelles d'action de grâces de notre délivrance, que tout le monde regarde comme miraculeuse. Sur la façade criblée de boulets et surmontée de la croix de bois remplaçant celle de marbre qui avait été abattue pendant le siège, flottaient les drapeaux des nations représentées en Chine : France, Russie, Angleterre, Allemagne, Autriche, Italie, Espagne, Belgique, Etats-Unis et Japon.

Dès 9 h. ½ défilaient, musique en tête, les régiments qui devaient prendre part à la cérémonie. A la cathédrale, dont les nombreuses brèches ont une éloquence qui rehausse la grandeur du tableau, et aux places d'honneur qui leur sont réservées, sont rangés le Ministre de France, le général français et son état-major, les Ministres, généraux et officiers des autres nations. Mgr Favier, revêtu de la capa magna, accordée à lui et à ses successeurs par Sa Sainteté Léon XIII, et du camail d'hermine, don du Cardinal de Lyon, entonne de sa voix mâle le chant d'action de grâces qui est suivi de la bénédiction du Saint Sacrement.

Cette cérémonie, accomplie en pareil lieu et dans de telles circonstances, était réellement imposante et émouvante. Aussi n'ai-je pu retenir mes larmes à la vue de ce qui se passait dans ce temple, resté miraculeusement debout, aux pieds du Dieu qui dirige tous les éléments de ce bas monde, et qui sait, quand il lui plaît, abaisser l'orgueil et déjouer la malice des princes et des peuples révoltés contre lui et son Eglise.

Après la cérémonie religieuse, a eu lieu le dîner auquel j'ai été invité à prendre part, avec le C. F. Cléophas, pour représenter l'Institut. Au dessert, AI. Pichon porte un toast chaleureux à l'adresse de Mgr Favier, dont il loue le dévouement, le courage et la prudence. Le prélat, dans sa réponse, fait ressortir l'action divine dans les événements qui viennent de se dérouler et remercie le Ministre de l'envoi des 30 courageux marins à l'héroïsme desquels est due la conservation du Pétang et de 3.000 personnes qui s'y étaient réfugiées : Enfin, il remercie le Général et tous ses officiers du dévouement incomparable qu'ils ont montré dans cette campagne, entreprise pour sauver d'un complet anéantissement l’œuvre à la fois patriotique et religieuse que poursuit la France dans le Céleste Empire – « Une fois de plus, s'est écrié Monseigneur, le bon Dieu fait voir à tous que, qui mange de la religion en crève. »

A son tour, le Général félicite les missionnaires et les laïques du courage avec lequel ils ont combattu tous pour leurs autels et leurs familles ; il évoque ensuite la mémoire de tous les braves tombés au champ d'honneur, et il termine en renouvelant la promesse déjà faite d'envoyer des soldats au secours des chrétientés encore menacées ou attaquées.

Laissez-moi maintenant, mon Très Révérend Frère, vous dire un mot de l'avenir de nos oeuvres. Pauvres Petits Frères, perdus au milieu de toutes les nations qui se coudoient dans un empire qu'elles viennent de conquérir, et dont les destinées sont tout entières entre leurs mains, tout petits soyons-nous, il doit nous être permis cependant d'interroger l'avenir….

Si Pékin reste ce qu'il est, ou devient simplement ville internationale où continueraient à résider les ambassadeurs étrangers surveillant les faits et gestes du gouvernement chinois, s'il se rétablit à Pékin, nos oeuvres se relèveront rapidement et prendront même une plus grande extension.

Je suis bien affecté à la vue de nos désastres, qui réellement sont immenses ; mais je ne suis nullement découragé. Le bon Dieu semble ranimer visiblement mes forces, qui étaient bien affaiblies avant la guerre : aussi suis-je disposé à marcher de l'avant, prudemment, mais résolument….

Une fois par semaine nous allons à Cha-la, chercher quelques légumes que les Boxeurs nous ont laissés. Là, les massacres ont dû être terribles. Nous avons trouvé dans le jardin un squelette dont l'os du bras portait quatre grandes entailles faites par les sabres des Boxeurs et dans deux puits à moitié comblés, grand nombre de cadavres. Quel malheur que nous ne puissions pas reconnaître celui de notre saint Frère Joseph-Marie Adon, le premier martyr chinois de l’Institut ! Je baiserais ses reliques comme celles d'un martyr de la primitive Eglise ! Déjà au Nant'ang il était résolu à mourir avec les enfants de Cha-la, afin de n'en laisser aucun apostasier …..

Depuis notre arrivée en Chine, jamais nous ne nous sommes vus dans un pareil dépouillement. Personne de nous n'a besoin ni de malle, ni de sac de voyage ! on porte toute sa fortune sur soi. Malgré la peine et les privations, la plus grande gaîté règne parmi nous, surtout à table, où l'eau fait notre seule boisson, et les bâtonnets nos seuls ustensiles.

Les Frères me chargent de vous présenter leurs respects et de les recommander à vos bonnes prières.

Je suis, avec un profond respect et une entière soumission, etc. ….. 

                                F. Louis-Michel. » 

REUNION DES SUPERIEURS GÉNÉRAUX

DES CONGRÉGATIONS RÉUNIES 

Cette réunion a eu lieu les 28, 29 et 30 mai dernier, à Lagny (Seine-et-Marne), au pensionnat des Frères de la Doctrine Chrétienne de Nancy.

La réunion a eu pour principal objet l'étude des questions suivantes :

Organisation des retraites de rentrée dans nos écoles. On est d'avis de faire tout le possible pour généraliser cette pratique dans toutes nos écoles, là où on pourra obtenir le concours indispensable du clergé.

Enseignement professionnel et enseignement agricole. – On émet le vœu qu'il soit établi, même dans les petits établissements, un cours d'études professionnelles et, relativement à l'agriculture, que l'on poursuive l'impulsion déjà donnée à cet enseignement, en s'entendant avec les sociétés ou syndicats agricoles.

Soins à donner à nos élèves après la sortie de nos classes. -Toute une organisation est à faire, en s'inspirant des essais tentés de divers côtés.

Ces réunions de jeunesse n'auront de bons résultats qu'autant qu'elles seront nettement catholiques.

Nos Frères soldats. – On est unanime à reconnaître et à déplorer les grands inconvénients des trop faciles voyages dans les familles pendant le temps du service militaire. On doit rappeler aux Frères soldats qu'ils sont religieux avant d'être soldats, et qu'ils perdront le trésor de leur vocation s'ils ne sont pas fidèles à leurs engagements.

L'assemblée a envoyé au Vatican le télégramme suivant :

« Les Supérieurs Généraux de la plupart des communautés religieuses des Frères enseignants, réunis dans l'intérêt de leurs oeuvres, déposent humblement… aux pieds de votre Sainteté l'hommage de leur plus fidèle soumission ; ils sollicitent humblement sur leurs travaux et sur leurs Congrégations la bénédiction apostolique. »

« Au nom de tous : F. ABEL. »

 Voici la réponse du Saint-Siège :

« Saint Père a beaucoup agréé l'hommage des Frères enseignants dont vous avez interprété les sentiments, et, souhaitant l'heureux succès de votre réunion, bénit de grand cœur ceux qui y prennent part. »

                             Signé : M. Card. RAMPOLLA. »

Le congrès de 1901 se tiendra à Saint-Genis-Laval, les 30 avril, 1ieret 2 mai. 

VÊTURE A CASTELNAUDARY

 ALLOCUTION

 Prononcée par Monseigneur LA PERRINE D'HAUTPOUL, Protonotaire apostolique ; Prélat de la Maison de Sa Sainteté, dans la chapelle des Petits Frères de Marie, à Castelnaudary, à l'occasion de la Prise d'habit du 24 août 1900.

 Mes chers Enfants, l'habit religieux est un symbole. Si ce qu'il signifie ne se réalisait pas dans votre âme, il deviendrait sur vos épaules un mensonge, et la cérémonie où il va être conféré, si riche en saintes émotions pour ceux qui en seront les témoins, resterait vaine pour vous, voire même grosse de menaces pour votre bonheur à venir.

Aussi, malgré les doctes instructions que vous avez déjà reçues de vos maîtres, de votre aumônier et du Révérend Père Prédicateur qui a travaillé vos âmes durant cette retraite avec une piété et une éloquence dont vous êtes encore pénétrés, je me croirais coupable envers les vénérés Supérieurs qui m'appellent à la présidence de cette vêture, envers vous qui m'acceptez de leurs mains comme aide de votre premier pas dans la vie religieuse, si, avant de vous remettre ce costume bénit, malgré votre impatience de le recevoir, et afin de lui conserver toute sa bonne influence sur votre éternité, je ne m'arrêtais un instant à vous dire : ce qu'il interdit, ce qu'il ordonne, ce qu'il promet à celui qui en est revêtu. 

Ce qu'il interdit d'abord : c'est une conduite identique à celle des gens du monde ; car l'habit religieux est fait pour en distinguer, et si celui qui le porte continuait à se diriger dans ses actes par le plaisir, la gloire ou l'intérêt, cette distinction serait inutile et mensongère.

Sans doute, le simple fidèle n'est jamais admis à se déterminer uniquement par des motifs humains ; il doit d'après Saint Paul, vivre dans les cieux, jeter son ancre dans l'au-delà ; cependant,pourvu qu'il fasse de Dieu le but ultime de ses aspirations, il peut, avec l'assentiment du ciel, accorder à la terre une large part de ses sollicitudes et de ses travaux. Mais quand pour un homme a eu lieu ce qui se passa pour Jésus au Jourdain ; quand il s'est dépouillé des vêtements du monde pour recevoir le signe d'une perfection plus grande ; quand par là le ciel lui a révélé ses désirs intimes, apertum est cælum, lui a envoyé son esprit d'une façon sensible descendit spiritus corporali specie, luia fait entendre son approbation, in te complacui mihi,désormais, c'est là-haut et là-haut seulement que cet homme doit chercher l'inspiration, la loi, la récompense de tous ses actes ; et si, dans sa retraite, à certaines heures critiques, il entend des voix intérieures ou extérieures lui donner des conseils contraires, à celle qui lui dirait: Qui sert Dieu ne doit manquer de rien et jouir à son aise, cherche ce qui te plait et fuis ce qui te coûte, il doit répondre comme le divin Maître : « l'homme ne vit pas seulement de pain et de jouissances, mais des volontés du Père qui est aux cieux. » Or, l'une de ses volontés préférées est sûrement la mortification puisqu'il en fit le lot de son Fils unique, en qui il avait mis toutes ses complaisances. A celle qui lui suggérerait d'agir pour un succès terrestre, même en faisant les choses les meilleures, ou bien d'avoir en lui une confiance excessive, ennemie de toute sage précaution, il doit répliquer comme le même modèle « Il est écrit – Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu. » Or, c'est mettre à l'épreuve sa Souveraine Justice que de préférer les applaudissements de la terre à ceux du ciel, de se glorifier soi-même de ce dont on n'est pas le véritable auteur, ou d'escompter une grâce que l'on ne mérite à aucun titre. Enfin, à la voix qui induirait à apprécier une action d'après l'argent ou le pouvoir à en attendre cet homme doit vivement repartir : Loin de moi cette proposition satanique : Vado Satana ! Luiobéir serait sacrifier aux intérêts matériels, et il est écrit : Tu n'adoreras et ne serviras que Dieu seul !

C'est vous tracer votre attitude, chers Enfants, dans le cas où le monde essayerait de vous ramener à ses principes.

Or, il l'essayera, n'en doutez point. A Dieu ne plaise, en effet, que je vous présente la vie religieuse comme étouffant par elle-même et sans lutte toutes les tentations qui lui sont contraires, au lieu seulement d'en diminuer le péril et d'en augmenter le mérite ! Elle n'est point le refuge des lâches, mais le camp retranché où les preux se défendent et triomphent !

Il l'essayera avec une perfide habileté ; car il choisira vos heures de fatigue et de découragement, il vous demandera peu à la fois, sachant que les petites défaites sont plus faciles, et que souvent répétées, elles épuisent plus qu'une grande ; il se présentera au nom de votre santé, de votre honneur personnel, de votre piété filiale, voire même de l'intérêt mieux compris de votre communauté, ou du plus grand bien que vous ferez ailleurs ; qui sait même s'il ne mettra pas en jeu votre salut éternel à propos de l'une ou l'autre de ces considérations ?

Alerte! L'ennemi sera d'autant plus à craindre qu'il cherchera à se dissimuler : point d'explications avec le traître !… mais pour toute réponse, un mot de l'Ecriture Sainte ou de la Règle, suivi du sacrifice qu'il comporte ! Ce sera dur parfois, je le veux ; mais fidèles à la vie de privations que dénote votre habit, vous aurez droit aux avantages multiples qu'elle mérite et aux triomphes éternels qu'elle prépare : Qui reliquerit propter nomen meum centuplum accipiet et vitam aeternam possidebit ! 

Il 

En second lieu, mes chers enfants, le saint habit que vous sollicitez fera de vous, aux yeux de tous, les membres d'une société dont Marie est la Souveraine : or, qui ne sait les principes préférés de cette bonneMère, et dès lors imposés par elle à ceux qui veulent être ses fidèles sujets ?

C'est la pureté, que l'Archange Gabriel saluait en Elle à l'Annonciation, que sa maternité divine laissa intacte, et dont l'Eglise précisait naguère toute l'étendue en proclamant le dogme de l'Immaculée Conception.

C'est l'union intime et constante avec Dieu, jointe au dévouement humble, sincère, entier envers l'Eternel et son fils Jésus-Christ : témoin l'empressement de l'Ange à la constater chez Marie en lui disant : Le Seigneur est avec vous ; la promptitude de Celle-ci à répondre : Je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole ! puissa fidélité à se montrer telle, fidélité évidente pour qui a lu dans l'Evangile ce qui concerne cette bonne Vierge, et constaté qu'Elle n'a voulu y être nommée qu'autant qu'il le fallait pour la gloire de son auguste Fils.

C'est enfin le zèle pour les intérêts spirituels et temporels du prochain, comme il ressort de la conduite de la Mère de Dieu à la Visitation, aux noces de Cana, au Calvaire, dans la primitive Eglise, et ensuite des lumières, des consolations, des miracles prodigués aux siens dans des circonstances et des endroits où sa toute-puissante intervention ne saurait être un instant mise en doute.

Aussi le Vénérable Père Champagnat disait-il à vos devanciers : « Marie a été admirable de pureté: nous qui sommes ses enfants et nous faisons gloire de porter son nom, nous devons à notre tour aimer cette belle et sublime vertu, combattre sans cesse ce qui peut la blesser ou la faire perdre, et faire tout pour la pratiquer d'une manière excellente. »

Il ajoutait : « Efforcez-vous de vous tenir en la sainte présence de Dieu… Lisez et méditez les actions, les vertus, les souffrances de Notre-Seigneur Jésus-Christ… Appliquez-vous à parler et à agir en chaque occasion comme il l'a fait ou l'aurait fait lui-même… La perte que vous faites en manquant la Sainte Messe ou la Communion est une perte irréparable, infinie, dont vous ne pourriez vous consoler si vous compreniez les biens immenses que renferme l'Eucharistie… L'office de la Sainte Vierge est une consolation, un encouragement et point du tout une aggravation de tâche… De même pour le chapelet. Rien  ne peut dispenser des exercices de piété : votre premier devoir, ils doivent passer avant tout… Les Frères  pieux sont des hommes qu'on ne peut assez estimer : ce sont eux qui soutiennent l'Institut ; plus nous en  aurons, plus la Congrégation sera florissante, plus  elle sera bénie de Dieu ».

 Est-il enfin besoin de rappeler que ce vénéré Fondateur disait : « Faire connaître Jésus-Christ, faire aimer Jésus-Christ, voilà la fin de notre vocation et le but de l'Institut. Si nous le négligions, notre Société serait inutile, Dieu lui enlèverait sa protection » ; est-il besoin, dis-je, de le rappeler quand on parle dans un sanctuaire où se pressent ensemble les représentants de toutes les œuvres de zèle auxquelles il se consacra ; les représentants de ses oeuvres paroissiales, avec les dignes membres du clergé de Castelnaudary qui m'entourent, et parmi lesquels je regrette vivement de ne pas voir le bien-aimé Pasteur de votre paroisse qui fut, il y a bientôt un demi-siècle, mon premier confesseur ; les représentants de ses écoles et de ses pensionnats, avec les maîtres chargés des enfants qui ne semblent pas encore appelés à l'état religieux ; – les représentants de ses juvénats et de ses noviciats, avec vos confrères d'hier et de demain ; – les représentants des Directeurs de son Institut, avec le pieux supérieur de cette maison ; et ce vénéré Frère Assistant, dont le zèle n'a d'égal que son humilité jointe au désir de voir bientôt sur les au-tels, entourés d'enfants de plus en plus nombreux, de plus en plus parfaits, Celui qui sut si bien concevoir et former de vrais Petits Frères de l'Auguste Reine des Cieux ?

 N'est-ce pas assez dire les qualités que réclame le port de l'habit que vous allez revêtir ?

Mais alors, chers Enfants, quelle prudence et quelle énergie ne devez-vous pas avoir ? La pureté, en effet, est une vertu d'autant plus fragile qu'elle est plus délicate : un regard, une parole, une pensée suffisent pour la perdre ; aussi, pour la garantir, mille précautions suggérées par votre Fondateur sont écrites dans sa Règle ; suivez-les scrupuleusement, et ne les discutez jamais, car elles sont le résultat d'une grande et sainte expérience ; puis, en cas d'attaque, repoussez sur l'heure et sans pitié tout ce qui pourrait porter à la sainte vertu la plus petite atteinte.

 De plus, quelles ne seront pas votre ferveur et votre exactitude dans tous les exercices religieux ! Ils sont l'aliment indispensable de votre union avec Dieu, de votre connaissance et de votre amour de Jésus-Christ, en même temps que le contrepoids de la légèreté naturelle à votre âge et des distractions inséparables de toute activité.

Enfin, quels efforts n'allez-vous pas faire pour la conversion ou la persévérance de tous, surtout de ceux que vous devez aimer, pour l'édification de vos confrères, pour l'acquisition des vertus et de la science qui vous mettront à même un jour de gagner et de conserver des âmes au ciel !

 En effet, sans pureté, sans dévotion et sans apostolat, nul ne saurait se dire un instant Petit Frère de Marie selon le cœur du Vénérable P. Champagnat ; mieux vaudrait, en tout cas, n'en avoir jamais obtenu le costume ; car, si ces saintes livrées valent ici-bas quelques facilités de vie, quelque honneur, quelque titre, elles n'en imposent pas à Dieu, qui ne verrait en ce faux frère qu'un hypocrite et le traiterait au grand jour comme tel : Væ vobis, hypocritæ !

 Il n'en sera ainsi d'aucun de vous, bien chers Enfants, si vos intentions sont droites, comme tout semble aujourd'hui nous le dire ; et alors, sans hésitation, donnez suite à votre beau dessein.

 En effet, à peine revêtus du saint habit, je vous vois dans ce pieux asile, appelé noviciat, où toutes choses sont disposées contre le mal et en faveur du bien! Là, vous vivrez au milieu de camarades animés des mêmes désirs et poursuivant le même but, dont les bons exemples vous seront un encouragement, et dont l'inexpérience réclamera aussi votre soutien. Là, vous serez maintenus, conduits, corrigés d'une part par un maître des Novices tout imprégné de l'esprit de votre Fondateur, expert dans les vertus les plus indispensables à votre état, au courant de tous les ministères qui pourront être les vôtres ; et de l'autre, par un Père spirituel, chargé par l'Église de vous donner ce dont elle est l'unique dépositaire, je veux dire : la rectitude de la doctrine, la pureté de conscience, la force sacramentelle qui conduisent au Ciel. Vous n'aurez donc qu'à vous ouvrir et à vous soumettre avec confiance et docilité à l'un et l'autre de ces guides bénis, pour grandir dans votre vocation, quels qu'en puissent être d'ailleurs les obstacles et les épreuves.

 En outre, dans toutes les maisons de l'Institut, je vois des milliers de religieux, agréables au Ciel par leurs prières, leurs mortifications, leurs travaux, leur patience, leur dévouement absolu à l'éducation de la jeunesse, qui offrent à Dieu une bonne partie de leurs mérites pour ces pépinières bénies où se cultive l'espoir de leur communauté, et ils ne peuvent qu'être exaucés.

Est-ce tout ? Non, mes bien chers Enfants, car j'ai entendu le pieux Fondateur des Petits Frères s'écrier : « Marie est notre mère, notre Patronne, notre Supérieure! Notre Institut est son oeuvre ; c'est Elle qui nous amène ici ; Elle doit donner à chacun de nous les vertus qu'Elle veut nous voir posséder, et aussi les choses temporelles qui nous sont nécessaires ». De plus, j'ai lu dans la vie de ce bon Père que maintes fois la très sainte Vierge avait largement répondu à sa confiance, et s'était toujours montrée la Ressource ordinaire de sa communauté. Or, je vous le demande, n'est-ce pas aux plus jeunes de ses enfants qu'une mère prodigue ses soins les plus tendres, aux plus faibles qu'une puissante protectrice réserve ses meilleurs secours, aux plus nouveaux qu'une Supérieure multiplie ses leçons, afin de. leur donner l'esprit de son Ordre ?

Courage donc ! Entrez avec confiance dans l'état religieux. Si les sacrifices à faire sont pénibles, si les vertus à acquérir paraissent difficiles, si l'avenir semble parfois menaçant, Marie est là ! Soyez fidèles à l'honorer, à l'imiter, à l'invoquer ; et après avoir fait de vous ici-bas de bons petits Frères, Elle vous accueillera dans le Ciel parmi ses préférés !

                            G. LA PERRINE D'HAUTPOUL,

              Protonotaire apostolique,

              Prélat de la Maison de S. S. 

CONGRÈS CATHOLIQUE AUSTRALIEN 

         Visite au collège Saint-Joseph. – Hunters' Hill.- Sydney. 

   Le 13 septembre 1900, NN. SS. les Archevêques et Evêques d'Australie, réunis en Congrès à Sydney, ont tenu une séance au collège dirigé par nos Frères à Hunters'Hill. Un journal australien a rendu compte de cette séance en ces termes :

« Lorsque Son Eminence le Cardinal Archevêque de Sydney, les Archevêques et Evêques arrivèrent dans la grande salle magnifiquement préparée et ornée, ils se trouvèrent au milieu d'une foule considérable et entourés par 200 jeunes gens, élèves du collège. La fanfare salua leur entrée par un des plus beaux morceaux. Parmi les prélats présents, les Frères étaient heureux de compter deux Maristes : Sa Grâce Mgr Redwood, archevêque de Wellington (Nouvelle-Zélande), et sa Grandeur Mgr Grimes.

Lorsque les vénérables visiteurs eurent pris place, et qu'un chœur de musiciens eut chanté l'Ecce sacerdos magnus, un des élèves lut un compliment de bienvenue. Dans sa réponse, Son Eminence le cardinal Moran se plut à dire que lui et ses éminents collaborateurs étaient heureux d'avoir l'occasion de s'assembler dans une maison d'éducation d'une si grande importance, et de témoigner l'intérêt que leur inspirait l’œuvre catholique à laquelle les Frères Maristes consacrent avec tant de succès leur zèle et leur dévouement. « Le collège, ajouta-t-il, est au premier rang des institutions similaires d’Australie, et cependant il n'est, pour ainsi dire, qu'à son début : aussi pouvons-nous prédire que Dieu lui réserve un avenir prospère. » Ensuite Son Eminence invita Mgr l'Archevêque de Wellington à présider la séance.

A son tour, Mgr le Président prit la parole, et dit combien il estimait l'honneur qui lui était décerné et remercia Son Eminence au nom de tous les Maristes. Il ajouta qu'il était heureux d'avoir l'occasion de publier sa haute appréciation des services rendus par l'Institut des Petits Frères de Marie sur tous les continents, dans l’œuvre par excellence de l'éducation catholique, et il se plut à rappeler les distinctions et les succès obtenus chaque année par le collège.

A la fin de la séance, M. Purcell, avoué, ancien élève du collège, dit qu'il ne pouvait laisser passer un jour si heureux dans l'histoire du pensionnat Saint-Joseph, sans adresser une expression de reconnaissance à Son Eminence le Cardinal, aux vénérés Prélats, au nombreux clergé et à la foule des laïques, pour le grand honneur fait en ce jour au collège Saint-Joseph. « Notre gratitude envers les éminents Congressistes est d'autant plus grande, dit-il, que le but principal de la réunion était de dissiper bien des illusions et de faire ressortir la beauté de la doctrine catholique, et la bienfaisante et salutaire influence de l'Eglise. Je ne crains pas de dire que cette séance sera éminemment avantageuse au collège et qu'elle sera pour les Frères Maristes un grand encouragement dans l'accomplissement de leur mission d'éducateurs. Elle aura de plus pour effet de nous unir plus étroitement en vue du bien, et de nous assurer des secours pour nous attacher aux grands principes qui font les enfants de l'Eglise vaillants et fidèles, et les citoyens honnêtes et loyaux. »

En terminant, M. Purcell, saisit l'occasion du soixante-dixième anniversaire de la naissance de Son Eminence le Cardinal, pour lui exprimer les meilleurs souhaits des Frères et des élèves du collège.

Le Congrès traita les questions suivantes

(a). – Le meilleur moyen de seconder l'art religieux en architecture.

(b). – Les moyens les plus efficaces de sauvegarder les intérêts spirituels des jeunes gens catholiques, au sortir de l'école (Les patronages furent recommandés).

(c). –  Statistiques religieuses, générales et particu­lières.

(d). – Les Sociétés catholiques et littéraires de Queensland. 

ÊTABLISSEMENTS FONDÉS EN 1900 

Paroisse Saint-Martin, Amiens (Somme) ; Avon (Seine-et-Marne) ; Bougie (département de Constantine) ; Champagnole (Jura) ; Cuges (Bouches-du-Rhône) La Varenne (Allier), Orphelinat ; Luzy (Nièvre) ; Moirans (Jura) ; Morez (Jura) ; Panissières (Loire), poste repris ; paroisse Saint-Georges, Périgueux (Dordogne) ; Tizi-Ouzou (département d'Alger) ; Trémilly (Haute- Marne), Juvénat.

Andrinople-Karagateh (Turquie) Achkout (Syrie) ; Amchit (Syrie) ; Baabadth (Syrie) Beloeil (Canada) ; Barcelone (Ronda de San Pedro) ; Bom Principio (Brésil) ; Charlesbourg (Canada) ; Lévis (Canada), Juvénat ; Manresa (province de Barcelone) ; Saint-Paul (Brésil) ; Zamora (Mexique)

Établissements supprimés. 

Saint-Chamond (collège) ; Stoke (Nouvelle-Zélande). 

DÉPARTS DE FRÈRES POUR LES MISSIONS 

1. – 28 avril 1900. – Du Havre pour New-York  ; Frères Zéphiriny, Félix-Eugène, Henri-Gabriel, Joseph-Cécilius, Engelmer.

2. – 4 mai. – De Marseille pour Sydney : le Frère Jules-Martyre.

3. – 5 mai. – De Southampton pour le Cap : Frères Joseph-Mary, Nicolas.

4. – 18 juin. – Du Havre pour le Brésil : Frères Weibert, Marie-Berthaire, Jean-Dominici.

5. – 30 juin. – Du Havre pour New-York, accompagnés du C. F. Stratonique, Assistant : Frères Marie-Ovila, Marie-Alexandre, Irlide, Adolphe-Armand, et pour Guadalajara (Mexique), Frère Joseph-Henri.

6.– 23 août. – De Marseille pour Beyrouth : Frères Marie-Alfrid, Elie-Gilbert.

7. – 26 août. – De Marseille pour Constantinople Frère Joseph-Gérald.

8. – 2 septembre. – Du Havre pour New-York : Frères Marie-Alphontius, Louis-Florus.

9. – 6 septembre. – De Marseille pour Constantinople Frères Marie-Gildas, Marie-Jubin.

10. – 20 septembre. – De Marseille pour Constantinople Frères Marie-Azarie, Frument-Jérôme, et Frère Marie-Grégoire pour Andrinople.

11. – 20 septembre. – De Marseille pour le Caire : Frères Marius-Joseph, Aldegrin, Marie-Léoncius, Marie-Gamaliel.

12. – 22 septembre. – De Marseille pour Beyrouth : Frères Joseph-Bonus, Joseph-Mantius, Louis-Philibert.

13. – 30 septembre. – De Marseille pour Aden : Frère Jules-Raphaël, accompagné des Frères Nazianze et Marie-Valérien qui retournent à leur poste.

14.– 26 octobre. – De Barcelone (Espagne) pour Zamora (Mexique), accompagnés du C. F. Paul-Marie, Provincial : Frères Néhémie, Marie-Anacleto, Victoriano, Fermin, Eufrasio, Agricola, Bérier, Odonis, Doroteo, Aloysius.

15.– 10 novembre. – De Marseille pour Beyrouth, accompagnés du C. F. Augustalis, Assistant : Frères Joseph-Sérapion, Mantius, André-Gabriel, Marie-Thomas et Frère Louis-Lazare pour Constantinople.

16.– 20 septembre. – Du Havre pour New-York Frère Cécilien.

Ces seize départs comprennent cinquante-quatre Frères, parmi lesquels neuf sont retournés dans leurs Missions. 

AVIS 

1° Vœu  d’obéissance. – Les Frères qui ont émis le vœu d'obéissance et qui doivent le renouveler, en feront la demande en ces termes :

 

   Je soussigné, Frère ……………âgé de ……..supplie le Révé­rend Frère Supérieur Général de m'admettre à renouveler le vœu annuel d'obéissance que j'ai émis pour la première fois à la retraite de (l’année).

   A                      le

                                (Signature). 

Les noms des Frères qui. auront ainsi demandé à renouveler leur vœu ne seront pas publiés.

Néanmoins, pour que les Conseils d'examen puissent se prononcer en connaissance de cause sur ces demandes comme sur les autres, les Frères profès. se feront un devoir de fournir, en mai, les renseignements de Règle sur tous les Frères non profès alors employés dans leurs établissements respectifs.

2°surtaxe de lettres. – Il arrive fréquemment qu'à la Maison-Mère on est obligé de payer une surtaxe pour des lettres insuffisamment affranchies. Les Frères ne doivent pas perdre de vue que pour toute lettre, de quelque pays qu'elle vienne, le port devient double au-dessus de 15 grammes, triple au-dessus de 30grammes, etc. Il importe donc d'en vérifier le poids en cas de doute.

3° notices biographiques. – Pour éviter des frais de port considérables, les Notices biographiques qui seront imprimées prochainement, seront envoyées en février, aux Procures provinciales, pour être ensuite transmises par occasion aux Etablissements particuliers. 

Nos DÉFUNTS. 

   FOURNIER, Postulant, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 15 avril 1900.

F. SATURIEN, Profès, décédé à La Belle-de-Mai, Marseille (Bouches-du-Rhône), le 18 avril 1900.

F. ARTÉRIUS, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 18 avril 1900.

F. ANICÉTUS, Profès, décédé à Aubenas (Ardèche), le 22 avril 1900.

F. LOUIS-ANTONIO, Stable, décédé à Néméara (Nouvelle-Calédonie), le 28 avril M.

F. GALATION, Profès, décédé à Beaucamps (Nord), le 28 avril 1900.

F. VITTORE, Novice, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 9 mai 1900.

F. VICTOR-Louis, Obéissant, décédé dans sa famille, à Saint-Cirgues-de-Prades (Ardèche), le 9 mai 1900.

F. CONRAN, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 16 mai 1900.

F. JOSEPH-CONSTANT, Obéissant, décédé à Varennes-sur-Allier (Allier), le 21 mai 1900.

F. CÉCILE, Profès, décédé à Mayres (Ardèche), le 28 mai 1900.

   RAVIDAT Jean, Juvéniste, décédé à Notre-Dame-de-Lacabane (Corrèze), le 30 mai 1900.

F. MACAIRE, Profès, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 6 juin 1900.

F. JOSEPH-ALEXANDRE, Novice, décédé dans sa famille, à Ghyvelde (Nord), le 6 juin 1900.

F. VITALIANUS, Profès, décédé à Varennes-sur-Allier (Allier), le 8 juin 1900.

F. EMILIANI, Stable, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 16 juin 1900.

F. GODEFROI, Profès, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), le 17 juin 1900.

F. MARIE-GERMAIN, Obéissant, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 18 juin 1900.

F. ANGÉLEAUME, Novice, décédé à Arlon (Luxembourg belge), le 27 juin 1900.

F. PROCOPE, Assistant, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 29 juin 1900.

F. GIULIO, Novice, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 5 juillet 1900.

F. ADRIUS, Novice, décédé dans sa famille à Saint-Pardoux-Corbier (Corrèze), le 6 juillet 1900.

F. THÉODART, Profès, décédé à Arpajon (Seine-et-Oise), le 7 juillet 1900.

F. HENRI-JUSTIN, Novice décédé à l'Hôpital Saint-Bruno, à Saint-Laurent-du-Pont (Isère), le l0 juillet 1900.

F. LOYOLA, Profès, décédé à Luc-en-Provence (Var), le 17 juillet 1900.

F. J OSEPH-FELICITE, Profès, décédé à Pékin, Pétang (Chine), le 19 juillet 1900.

F. ANICET, Stable, décédé à Paris-Plaisance, rue Pernéty, 48, le 18 juillet 1900.

F. EUDES, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 29 juillet 1900.

F. AREDIUS, Novice, décédé dans sa famille, à Arcens (Ardèche), le 29 juillet 1900.

F. DURALD-JOSEPH, Obéissant, décédé à Serres (Hautes-Alpes), le 31 juillet 1900.

F. CRESCENTIUS, Obéissant, décédé à Menton (Alpes-Maritimes), le 31 juillet 1900.

F. ANDRÉAS, Profès, décédé dans sa famille, à Trois-Torrents (Suisse), le 1ieraoût 1900.

F. JULES-ANDRÉ, Stable, décédé à Pékin, Pétang (Chine), le 12 août 1900.

  GARCIA MARTINEZ, Postulant, décédé à San Andrès de Palomar, à Barcelone, le 14 août 1900.

F. NIZIER, Stable, décédé à Saint-Mauront (Marseille), le 18 août 1900.

F. LOUIS-LEON, Profès, décédé à Roxton-Falls (Canada P. Q.), le 21 août 1900.

F. JOSEPH-MARIE-ADON, Obéissant, décédé à Pékin (Chine), août 1900.

F. JULES-XAVIER, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 10 septembre 1900.

F. JEAN-FRANÇOIS, Profès, décédé dans sa famille, à Azilles (Aude), le 11 septembre 1900.

F. ALBERT, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 12 septembre 1900.

F. FÉLICE DE CANTALICE, Profès, décédé à St-Hyacinthe (Canada P. Q.), le 17 septbre 1900.

F. GEMINUS, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 29 septembre 1900.

F. SECONDIEN, Profès, décédé à Saint-Genest-Malifaux (Loire), le 1- octobre 1900.

F. AIDANT, Stable, décédé à Beaucamps (Nord), le 28 octobre 1900.

F. TOLENTIN, Profès, décédé à Beaucamps (Nord), le 31 octobre 1900.

F. SALVIN, Profès, décédé à Saint-Lazare (Marseille), le 7 novembre 1900.

F. BÉNÉDIME, Obéissant, décédé à Ancelles (Hautes-Alpes), le 10 novembre 1900.

F. SADOC, Profès, décédé à Lay (Loire), le 18 novembre 1900.

F. HONORIUS, Profès, décédé à Aubenas (Ardèche), le 25 novembre 1900.

F. PASCHASIUS, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 27 novembre 1900.

F. BERTOUL, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 4 décembre 1900.

F. RAINIER, Profès, décédé à Aubenas (Ardèche), le 6 décembre 1900.

F. HYGINIUS, Profès, décédé à Notre-Dame-de-l'Hermitage (Loire), le 12 décembre 1900.

F. GONDOLF, Obéissant, décédé à Givet (Ardennes), le 14 décembre 1900.

 

Comme vous le voyez, M. T. C. F., la liste des décès est bien longue ; avec celle qui vous a été adressée le 17 mai dernier, c'est un total de 89 des nôtres qui sont entrés dans l'éternité depuis le 1ierjanvier de cette année ; et beaucoup d'entre eux étaient, il y a un an, pleins de santé et de jeunesse ! Ne comptons donc ni sur notre vigueur, ni sur notre âge : tenons-nous prêts. N'oublions pas non plus les devoirs que la Règle et la charité fraternelle nous prescrivent à l'égard de nos chers défunts.

La présente circulaire sera lue en communauté, à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle ; dans les maisons de noviciat et les communautés nombreuses, cette lecture se fera d'abord au réfectoire, puis en communauté.

Je suis avec la plus tendre affection, en Jésus, Marie, Joseph,

Mes Très Chers Frères,

Votre très humble et tout dévoué serviteur.

     F. Théophane.

——————————————–

  


[1] : L’approbation du Saint-Siège.

[2] : La reconnaissance légale.

[3] : Abréviation de Cha-la-Eul (orphelinat)

[4] : Prosternement idolâtrique.

[5] : Ce lamentable accident a été relaté dans la circulaire du 12 octobre 1900, et sera rapporté avec plus de détails dans la biographie du F. J-Félicité.

 

RETOUR

Circulaires 199...

SUIVANT

Circulaires 201...