Circulaires 238

Stratonique

1912-02-02

Communications et souhaits. - Nos Constitutions. - Nos Causes de Béatification. - Cause du Vénérable Champagnat. - Rapport du C. F. Procureur Général. - Faveurs attribuées au V. Champagnat. - Cause du Frère François. - Faveurs attribuées au Frère François. - Rapport du C. F. Michaélis sur nos Etablissements de l'Amérique latine. Lettre de Mgr Vidal. - Les Œuvres postscolaires. Election de Provinciaux. - Chapelle de Rome. - Documents de Rome. - Nos Défunts. - Livres nouveaux.

238

Circ. Sup. 12.1

 V. J. M. J.

                                                                      De notre Maison de Grugliasco, le 2 février l912.

                                                                                                               Fête de la Purification.

    Mes Très Chers Frères,

Après vous avoir tous salués très affectueusement en Notre-Seigneur, et en me servant, pour cela, des saintes paroles que nous pouvons, à juste titre, appeler notre mot de ralliement :

Laudelur Jesus Christus !

 Et Maria mater ejus !

Laissez-moi commencer cette circulaire en mettant sous vos yeux la lettre que nous venons de recevoir de Rome.

 Segreteria di Stato

di Sua Santita 

                                      Du Vatican, le 9 janvier 1912.

« Très honoré Supérieur Général,

« Le Saint-Père me confie le soin de vous remercier des sentiments de piété filiale et des vœux que vous avez eu à cœur de Lui exprimer en votre nom personnel et au nom de votre famille religieuse, à l'occasion des fêtes de Noël et du renouvellement de l'année, et de vous communiquer la Bénédiction Apostolique implorée pour vous-même, pour votre Institut et pour vos œuvres

« Je vous remercie, pour ma part, des souhaits que vous avez bien voulu m'offrir avec l'assurance de vos prières, et je saisis cette occasion pour vous exprimer, avec mes vœux, mes sentiments dévoués en Notre-Seigneur. »

                                   « Cardinal Merry del Val ».

 Comme moi, comme tous les membres du Régime, vous serez, je n'en doute pas, M. T. C. F., pleins de reconnaissance envers Notre Saint-Père le Pape et Son Eminence le Cardinal Secrétaire d'État pour ce témoignage si précieux de bienveillance. C'est pour nous tous un nouveau motif ajouté à bien d'autres d'être de plus en plus, à l'exemple de notre Vénérable Père Fondateur, des enfants très dévoués et très dociles de la sainte Église, et de prier avec plus de ferveur que jamais pour Celui qui en est aujourd'hui le Chef si auguste et si vénéré.

De toutes les provinces de l'Institut nous sont arrivés des souhaits et des assurances de prières à l'occasion des fêtes de Noël et du nouvel an. Ce sont là des manifestations du véritable esprit filial tant recommandé par le Vénérable Père Fondateur. A ce titre, elles sont particulièrement louables. Aussi je considère comme un devoir de père de vous remercier de ces nombreux témoignages de respect, de dévouement, de religieuse affection. J'ai été aussi très heureux des vœux que l'on fait dans toutes les provinces pour la prospérité toujours croissante de l'Institut.

Que vous souhaiterai-je en retour, M. T. C. F. ? Une abondante participation des grâces de Dieu et la sainte paix- du Seigneur. C'est ce que le divin Maître souhaitait lui-même à ses apôtres ; c'est aussi le principal souhait qu'adressait Saint Paul aux diverses chrétientés qu'il avait fondées. N'est-ce pas là ce qu'il y a de plus précieux pour nous qui savons ou qui devons savoir envisager toutes choses ici-bas à la lumière de la foi.

Laissez-moi formuler un autre souhait, et celui-ci pour l’Institut en général. Voilà que nous nous approchons de plus en plus du grand centenaire de 1917. Plus que cinq ans ! C'est dire que près de la moitié de la neuvaine d'années préparatoire est déjà écoulée. Il est donc bien à propos que, pendant l'année 1912, il y ait dans toutes les provinces un élan plus vigoureux que jamais pour la marche en avant dans la voie de l'imitation vraiment sérieuse et efficace du Vénérable Père Fondateur.

Que tous ceux qui les composent : juvénistes, postulants, novices, Frères profès, Frères stables, Frères Directeurs, Frères Provinciaux, etc., s'arment d'un saint courage, pour avancer ou faire avancer d'un bon pas dans cette voie, de manière que, Dieu aidant, à la fin de cette année, chacun puisse dire en toute vérité : « Je ressemble mieux au Vénérable Père Fondateur que l'an passé pour la solide piété, l'amour envers Notre-Seigneur, la dévotion à Marie, la mortification, le dévouement, le zèle, la crainte du Seigneur, la pratique de la sainte présence de Dieu, etc. »

Nous unirons tous nos prières pour obtenir que ce vœu se réalise pleinement pour la plus grande gloire de Dieu et pour le plus grand bien de notre cher Institut.

                            NOS CONSTITUTIONS

 Dans la Circulaire du 2 février 1909, je vous écrivis un petit résumé historique exposant la marche progressive de l'organisation constitutionnelle de notre Institut. C'était dans le but de vous montrer l'action de la divine Providence dans notre œuvre et aussi en vue d'augmenter parmi vous l'estime pour cette organisation qui fut le fruit des travaux et der, méditations de notre Vénérable Père et de ceux qui lui succédèrent dans le gouvernement de l'Institut.

Dans la Circulaire du 2 février 1911, je vous présentai des considérations générales sur les Constitutions définitivement confirmées par le solennel Décret de Sa Sainteté Léon XIII, en date du 27 mai 1903.

Les considérations générales avaient encore pour but de vous éclairer de plus en plus sur cette sainte législation qui est spécialement pour nous, et aussi en vue d'augmenter encore en vos âmes la haute estime que nous devons avoir pour elle. C'est la partie la plus vitale de notre œuvre.

Je sais que ces considérations furent bien accueillies et qu'elles ont produit de bons résultats dans l'Institut. Nous devons en bénir le Seigneur.

On ne saurait trop y revenir pour s'en pénétrer davantage. Les Frères Provinciaux et les Frères Directeurs feront bien de prendre des mesures pour que les religieux placés sous leur autorité reviennent sur ces principes fondamentaux soit par des lectures spirituelles de communauté, soit par des études religieuses personnelles.

Aujourd'hui je me propose d'entrer dans quelques détails sur un certain nombre d'articles de nos Constitutions. Ce sera le moyen d'arriver au côté pratique, lequel n'est pas le moins important. Bien que les 216 articles dont se composent nos Constitutions soient tous d'une grande importance, puisque tous sont l'expression certaine de la volonté de Dieu sur nous et qu'au service de Dieu rien n'est petit, il est pourtant vrai de dire que quelques-uns méritent davantage de fixer notre attention. Le Vénérable Fondateur attachait une importance particulière à certains articles des Règles qu'il avait élaborées pour son Institut. Nous lisons au chapitre XIX de la deuxième partie de sa vie que les prescriptions relatives aux rapports des Frères avec les personnes du monde constituaient un article de rigueur, expression dont il ne se sert nulle autre part. C'est dire qu'à son exemple, nous pouvons aussi considérer certains articles comme ayant une spéciale importance.

L'article 144 qui, au premier abord, semble ne concerner que le Frère Supérieur Général, a néanmoins une portée considérable pour tous les membres de l'Institut. C'est ce que j'ai expliqué dans mes visites aux provinces de Syrie et de Constantinople, du Canada et des Etats-Unis, d'Espagne et de Belgique, ainsi qu'aux retraites du Régime.

Pour que l'attention des Frères de toutes les autres provinces soit dirigée comme il convient sur cet article fondamental, il ne sera pas hors, de propos d'en faire une courte étude dans cette circulaire.

ART. 144. – C'est un TRÈS GRAVE DEVOIR, pour le Frère Supérieur Général, de faire usage de son autorité POUR EXIGER DE TOUS l'observance des Constitutions, pour procurer le bien spirituel et matériel de tous ceux qui appartiennent à l'Institut, et pour faire arriver celui-ci AU PLUS HAUT DEGRÉ DIE PROSPÉRITÉ POSSIBLE, pour la plus grande gloire de Dieu et pour la sanctification des âmes.

Qui ne serait tout à la fois dans l'étonnement et l'admiration en considérant la force des expressions d'ont se sert ici l'Eglise pour intimer au Supérieur ce que demande de lui la charge redoutable dont il est investi ?

Ce n'est pas seulement un devoir qui lui est imposé, ni même Un GRAVE DEVOIR, mais Un TRÈS GRAVE DEVOIR.,

.Or, M. T. C. F., le sentiment du devoir exerce, ou du moins devrait toujours exercer, sur les volontés humaines une très grande influence, et à plus forte raison quand ces volontés humaines sont des volontés de religieux.

L'amiral anglais, Nelson, connaissait bien l'influence de ce sentiment du devoir lorsque, à Trafalgar, au moment de donner le signal du branle-bas de combat, il fit transmettre à tous les vaisseaux de sa flotte le célèbre mot d'ordre : « L'Angleterre compte qu'aujourd'hui chacun de nos marins saura faire son devoir ! »

Mais, sans aller chercher des exemples si loin, combien ne devons-nous pas être frappés de celui que nous a donné le Vénérable Père Champagnat lorsqu'il disait : « Quand mon devoir commande, toute la terre serait contre moi que je ne reculerais pas. »

Et les légions de martyrs qui ont versé leur sang pour Jésus-Christ, eux aussi nous ont donné sur ce point des exemples admirables. Ils étaient en présence du devoir ou de la mort, et ils choisissaient la mort pour ne pas trahir leur devoir !

A tout devoir correspond une responsabilité, et la gravité de cette responsabilité est évidemment en proportion de la gravité du devoir.

Quelle conclusion avons-nous à tirer de ce principe ? Nous devons en conclure que l'article 144, en imposant un très grave devoir au Supérieur Général, lui met aussi sur les épaules une très grave responsabilité.

Et en quoi consiste tout d'abord ce très grave devoir ? Il devra faire usage de son autorité pour exiger de tous l'observance des Constitutions.

Ici ne manquons pas de bien remarquer toute l'étendue du mot « exiger de tous ». Il faut donc que le SuPérieur Général, pour ne pas faillir à son devoir, prenne des moyens efficaces en vue d'assurer la fidélité parfaite aux Constitutions et aux Règles dans toutes les provinces, dans toutes les maisons de l'Institut et de la part de tous les membres de nos diverses Communautés.

Et comment pourra-t-il parvenir à s'acquitter de ce devoir, étant donné la grande extension de notre Institut dans toutes les parties du monde ?

Les Circulaires, les visites, la correspondance : tels sont les principaux moyens dont il dispose directement pour exhorter, encourager, stimuler en vue de promouvoir la marche en avant dans la voie du mieux, et au besoin, pour signaler les abus, les irrégularités et en poursuivre la destruction.

Grâce à Dieu, le Frère Supérieur Général n'est pas seul chargé du grave devoir imposé par l'article 144 et des responsabilités qui en découlent.

Le Chapitre Général lui a donné huit Assistants Généraux qui sont près de lui pour le conseiller et pour l'aider à porter le fardeau de l'autorité. Ils n'ignorent pas que ce devoir et cette responsabilité leur incombent dans la mesure qui leur est assignée selon les Constitutions.

Ainsi qu'il est dit à l'article 142, ils reçoivent du Supérieur Général une délégation pour aller, à sa place, faire dans les provinces, les visites prescrites.

Ils contribuent ainsi dans une large mesure au maintien de la parfaite régularité. D'autre part, la correspondance leur fournit aussi un excellent moyen de guider les Frères pour leur travail d'avancement dans la vertu et pour l'accomplissement de leurs importants devoirs d'éducateurs religieux.

Tous ces moyens, quelque excellents qu'ils soient, ne produisent, en général, leurs salutaires effets qu'à distance et à des intervalles plus ou moins éloignés.

Mais, grâce à Dieu, nous avons dans chacune de nos provinces un Frère Provincial résident. Il peut se mettre en contact fréquent avec les Frères de la province. Les Constitutions et le Frère Supérieur Général lui donnent toute l'autorité dont il a besoin pour assurer la marche régulière de toutes les maisons et de tous les Frères qui sont sous sa dépendance.

Il peut et il doit considérer comme s'appliquant à lui tout ce qui est dit du Supérieur Général à l'article 144 des Constitutions.

En ce qui concerne sa province, ce sont pour lui les mêmes devoirs très graves, et par suite les mêmes responsabilités.

Outre l'action du Frère Provincial, qui ne peut avoir toute la continuité et toute la permanence qui seraient désirables, et cela à cause des distances parfois très grandes qui séparent les maisons de la province, il y a heureusement celle du Frère Directeur de chaque maison particulière. Dans ce cas, c'est la continuité et la permanence complètes de l'action dirigeante immédiate. C'est pour cela qu'il nous est permis de dire que les Frères Directeurs constituent les rouages produisant le travail le plus immédiatement effectif pour la bonne marche de l'Institut. A eux aussi, nous pourrions même dire à eux surtout, s'applique l'article 144. C'est pour eux un très grave devoir de faire usage de leur autorité pour exiger de tous les Frères de leur Communauté l'exacte et constante fidélité aux Constitutions et aux Règles. Grandes sont leurs responsabilités devant Dieu et devant l'Institut.

Le Vénérable Fondateur assurait que le sort et l'avenir de l'Institut étaient tout entiers entre les mains des Frères Directeurs; c'est ce que nous lisons au chapitre XVII, de sa vie, deuxième partie.

Jusque-là, M. T. C. F., je n'ai attiré votre attention que sur la première partie de l'article 144, c'est-à-dire sur le très grave devoir qui incombe à tous les Supérieurs de notre organisation administrative d'exiger l'exacte et constante observance des Constitutions.

La seconde partie leur fait un devoir non moins grave de procurer le bien spirituel et matériel à tous ceux qui appartiennent à l'Institut.

Comment le Frère Supérieur Général, les Frères Assistants Généraux, les Frères Provinciaux, les Frères Directeurs s'acquitteront-ils de ce double et très grave devoir ? Evidemment ce sera en observant eux-mêmes très exactement tout ce que les Constitutions et le Directoire Général prescrivent à ce sujet. Le plus grand bien spirituel que l'on puisse procurer à un religieux, c'est de lui faciliter l'observance intégrale des Constitutions et des Règles, et même, au besoin, d'user de fermeté pour l'obliger à la parfaite régularité. « Bienheureux, dit le Roi Prophète, sont tous ceux qui marchent dans les voies du Seigneur !» (Ps. CXXVII, I.)

Et quelles sont, pour un Petit Frère de Marie, les voies du Seigneur ? Sans nul doute, ce sont nos Constitutions et nos Règles.

Avoir une bibliothèque bien fournie, je dirai même abondamment fournie de livres ascétiques judicieusement choisis, c'est aussi un bon moyen de procurer le bien spirituel de nos religieux. Aussi j'invite les Frères Provinciaux et les Frères Directeurs à ne pas négliger ce détail de l'alimentation spirituelle. Que personne ne puisse se plaindre avec raison qu'il ne trouve pas dans son établissement les livres ascétiques qui lui sont nécessaires ou utiles, et surtout ceux qui sont plus particulièrement les nôtres.

Mettre les Frères le plus possible à l'abri des influences ces pernicieuses pour la vertu, c'est leur procurer le bien spirituel comme le prescrit l'article 144. Toute maison, qui par sa situation ou son aménagement, rendrait comme nécessaires des rencontres fréquentes avec les personnes du monde, serait un péril contre lequel on ne saurait trop se prémunir.

Grand est le bien spirituel que l'on procure aux Frères quand on peut avoir, dans la maison de résidence un Oratoire privé avec la sainte Réserve. Grâce à Dieu, nos Frères jouissent de cet inappréciable avantage spirituel dans un bon nombre de nos maisons, surtout dans certaines provinces. Je ne saurais trop exhorter les Frères Provinciaux et les Frères Directeurs à faire tout ce qui dépendra d'eux pour procurer cet avantage aux Frères, là où on n'en jouit pas encore et où il serait possible de l'obtenir.- Nous savons combien le Vénérable Père Fondateur l'avait en haute estime.

Les récollections mensuelles, qui se généralisent de plus en plus parmi nous, sont aussi pour nos Frères un grand profit spirituel. On ne saurait trop en recommander la pratique. Le Vénérable Père Fondateur les avait établies lui-même de son vivant ; et, quand cela lui était possible, il les présidait.

Ce n'est pas seulement le bien spirituel que les Supérieurs, en vertu de l'article 144, doivent procurer aux Frères, mais aussi le bien matériel.

Sur ce point, je ne crois pouvoir rien vous dire de mieux, M. T. C. F., que de vous citer textuellement quelques passages du chapitre XV, deuxième partie de la Vie du Vénérable Père Champagnat.

« Il ne se contentait pas de témoigner aux Frères sa charité par des paroles, il leur en donnait par ses œuvres des marques effectives. En effet, il était sans cesse occupé des besoins spirituels et temporels de chacun d'eux; dès qu'un Frère paraissait devant lui, son œil, guidé par la tendresse paternelle, voyait aussitôt s'il manquait de quelque chose. Quand il envoyait quelqu'un dans un établissement, il n'oubliait jamais de lui recommander de se pourvoir de tout ce qui lui était nécessaire ; et quand ce sujet venait lui dire adieu et lui demander sa bénédiction, il avait toujours quelques questions à lui faire pour s'assurer qu'il avait ce qui lui était convenable.

« Le bon Père recommandait en toute occasion aux Frères Directeurs de ne pas laisser souffrir les Frères et de leur procurer, soit pour l'habillement, soit pour la nourriture, soit pour les objets classiques ou autres,  selon leur emploi, ce qui leur était nécessaire, et il voulait qu'ils leur accordassent ce dont ils 'avaient besoin sans le faire attendre, sans les obliger à le demander plusieurs fois.

« Quand quelqu'un arrivait de voyage, s'il le voyait en sueur, il avait soin de l'envoyer changer de linge, de lui faire prendre une boisson chaude, de lui recommander d'éviter les courants d'air, etc.

« Une fois, à l'époque des vacances, un certain nombre de Frères étant arrivés par un temps pluvieux, il fit aussitôt appeler le Frère Procureur pour les faire changer. Mais ce Frère se trouvant absent et ayant emporté la clef du vestiaire et de la lingerie, le Père Champagnat impatient de pouvoir soulager ses enfants, prend un outil, force la porte du vestiaire et donne lui-même du linge et des habits à ceux qui étaient  mouillés. Bien des fois on l'a vu, à défaut de cuisinier, servir lui-même à manger à ceux qui arrivaient ou qui partaient.»

 Mais, si le Vénérable Fondateur se montrait si bon à l'égard de ses Frères lorsqu'ils se portaient  bien, sa sollicitude était bien plus grande lorsqu'ils étaient malades. Il voulait que les besoins des malades fussent toujours satisfaits avant les besoins de  ceux qui étaient en santé, et il n'épargnait ni soins, ni sacrifices pour leur procurer ce qui leur était nécessaire. Quand la maison de l'Hermitage fut bâtie, ne trouvant pas à y placer commodément une infirmerie, il fit faire tout exprès un corps de bâtiment  pour y mettre les malades : Je ne serai pas tranquille, dit-il à cette occasion, tant que nous n'aurons pas les appartements convenables pour recevoir les bons Frères qui ont épuisé leurs forces et leur tempérament en travaillant à la sanctification des enfants. « N'est-il pas juste que nous ayons pour eux des attentions particulières, et que nous leur procurions ce qui leur est nécessaire pour rétablir une santé qu'ils ont sacrifiée avec tant de générosité pour la gloire de Dieu et le bien de l'Institut. »

Nous lisons encore dans la vie du Vénérable Fondateur au chapitre VIII de la première partie :

« La maison des Frères de Marlhes était petite, malsaine et irrégulière, les salles ne pouvaient contenir les enfants : l'espace, l'air et le jour y manquaient. La santé des Frères se trouvant gravement menacée par cet état de choses, le bon Père Champagnat demanda qu'on fit des réparations et des agrandissements à cette maison.

« Quelque temps après, le Vénérable Fondateur étant venu visiter ses Frères fut si frappé de leur pénible position, qu'il résolut de les emmener. Etant allé voir M. le Curé qui le reçut froidement, il lui dit : « J'emmène mes Frères. – Vous nous en donnerez d'autres, lui répondit M. Allirot. – Non : car je n'en ai aucun que je puisse sacrifier. Votre maison est telle qu'en conscience, on ne peut y laisser ni les Frères ni les enfants ». Les Frères se rendirent donc à Lavalla quelques jours après, et cet établissement fut abandonné, ou plutôt suspendu ; car il fut rétabli en 1833, sous le nouveau Curé, M. Duplaix. »

Voilà, M. T. C. F., un modèle admirable et qui nous a été ménagé tout spécialement par la divine Providence. Il doit nous être particulièrement cher.

Nous lisons au Livre de l'Exode. Dieu dit à moïse : « Regarde et fais selon le modèle que je t'ai montré  sur la montagne. » (Ex., XXV, 40).

Je dis de même ici à tout l'Institut et particulièrement à ceux qui, à un degré quelconque, sont investis de l'autorité : « Regardons et faisons selon l'exemple qui nous a été montré sur la montagne, c'est-à-dire dans la personne de notre Vénérable Fondateur.

Il me reste, M. T. C. F., à vous parler de la dernière partie de l'article 144.

C'est un très grave devoir pour le Frère Supérieur Général, et, selon que je l'ai expliqué plus haut, pour tous les Supérieurs, de faire usage de leur autorité pour faire arriver l'Institut au plus haut degré de prospérité possible pour la gloire de Dieu et pour la sanctification des âmes.

Qui ne serait étonné et même effrayé en lisant qu'une telle obligation est imposée aux Supérieurs ?

Evidemment, il y aurait de quoi s'épouvanter en voyant la tâche imposée si on comptait sur ses propres forces pour l'accomplir.

Mais notre histoire de famille doit nous donner confiance. Nous savons, en effet, que, par l'entremise de Marie, la Ressource ordinaire, notre chère Congrégation a prospéré d'une manière vraiment merveilleuse, et cela malgré les grandes et multiples difficultés qui, humainement parlant, auraient dû entraver sa marche progressive ou même la détruire complètement.

Demandons-nous en quoi consiste ce haut degré auquel nous sommes tenus de faire arriver l'Institut.

La prospérité d'une Congrégation enseignante comme la nôtre est constituée par deux éléments :

1° Le nombre et la qualité de ses membres;

2° Le nombre et la valeur chrétienne des œuvres qu'elle dirige dans les diverses parties du monde.

Que de fois les Souverains Pontifes, les évêques, les prêtres et même de pieux laïques ne nous ont-ils pas fait entendre explicitement ou implicitement le cri emprunté à nos Saints Livres : « Croissez et multipliez-vous », et cet autre du saint Evangile : « La moisson est abondante, mais les ouvriers pour la cueillir sont peu nombreux ; priez donc le Maître de la moisson de susciter beaucoup de bons ouvriers. »

Et notre Vénérable Père, combien véhément n'était pas son désir d'avoir des sujets très nombreux ! « Je voudrais avoir assez de Frères, disait-il, pour en donner à toutes les paroisses qui n'en ont pas. »

Les Supérieurs qui ont succédé au Vénérable Fondateur ont tous hérité de son zèle pour le recrutement. Que de citations sur ce point, on pourrait emprunter à leurs circulaires et à leur correspondance !

Dans une lettre que m'écrivait, il y a quelque dix ans, mon prédécesseur, le vénéré Frère Théophane, il me disait entre autres choses : « Portez à nos Frères d'Amérique que vous allez visiter une paternelle bénédiction de me part, en leur disant que de tout cœur, je prie Dieu de les conserver, de les sanctifier et de les multiplier. »

Vous ne serez donc pas étonnés, M. T. C. F., que je revienne sur cette question vitale du recrutement, dont je vous ai déjà entretenus bien souvent dans mes précédentes circulaires : c'est un très grave devoir pour moi de le faire.

Aussi je ne- saurais trop insister auprès de nos Frères .Provinciaux, de nos Frères Directeurs et de tous nos Frères pour leur recommander le recrutement. Que non seulement le zèle très louable déjà existant parmi nous pour cette œuvre capitale se maintienne, mais que partout, il devienne de plus en plus ardent et industrieux. Je réitère la recommandation faite déjà plusieurs fois de répandre de plus en plus le Bref de Sa Sainteté Pie X sur le Recrutement, les images et la petite vie illustrée du Vénérable Père Champagnat.

On pourrait aussi, avec grand profit, préparer dans les provinces quelque petit opuscule destiné à faire connaître notre œuvre, le besoin qui devient de plus en plus pressant d'avoir des sujets nombreux, etc., etc. Il y a eu déjà des essais de ce genre qui ont donné les plus heureux résultats. Toutefois il ne faut rien faire imprimer sans avoir préalablement soumis le manuscrit aux Premiers Supérieurs et sans avoir obtenu l'imprimatur prescrit.

 Ici, comme en tout ce qui concerne la gloire de Dieu et le salut des âmes, il faut redire le Nisi Dominus oediticaverit domum du Vénérable Fondateur, et redoubler nos prières pour obtenir beaucoup de bonnes vocations pour nos divers juvénats et noviciats.

Ayons fréquemment cette intention dans nos communions, à la sainte messe et dans nos autres exercices de piété. Que chacun, de sa propre initiative, fasse de temps en temps et dans ce but un fervent triduum Ou une fervente neuvaine. C'est possible, c'est même facile pour qui le -veut bien. Il est bien entendu toutefois, que cela ne doit pas nuire le moins du monde ni à l'emploi ni aux exercices de Communauté.

Nos Maîtres des Novices et nos Frères Directeurs des Juvénats feront œuvre très utile en rappelant souvent cette intention à leurs disciples. Nous avons de bonnes raisons de compter sur l'efficacité des prières de nos nombreux novices et juvénistes.

Je ne puis passer sous silence la question capitale de la persévérance.

Recruter beaucoup de bonnes vocations, c'est bien.

Les conserver c'est beaucoup mieux.

Oh que cette question de la persévérance est importante !

A bon droit, elle doit préoccuper tous ceux que la divine Providence a amenés dans notre famille religieuse, mais plus spécialement ceux qui, dans l'Institut, ont la mission d'exercer une action directrice.

Une des plus grande marques que nous puissions avoir de notre prédestination, c'est la persévérance dans la vocation que nous avons embrassée. Et par contre quelle crainte n'y a-t-il pas à avoir pour le salut éternel de ceux qui abandonnent leur vocation, quand on considère ce que Notre-Seigneur dit des inconstants: « Celui qui ayant mis la main à la charrue, regarde derrière soi, n'est pas propre au royaume des cieux ! »

Le bon Frère Sisoès, qui fut pendant longtemps directeur de notre maison de Lavalla, et qui y fit beaucoup de bien, prononça, avant de mourir, une parole qui vient bien à notre sujet. Il sera utile de la citer ici. On venait de lui administrer les derniers sacrements ; il ne se faisait aucune illusion sur la gravité de son état; il se rendait bien compte qu'il touchait à ses derniers moments : « Je meurs la  main à la charrue, dit-il. Merci, mon Dieu ! » Ce furent ses dernières paroles.

Oh ! qu'il est à souhaiter que tous ceux qui entrent dans notre Institut avec une bonne vocation, y persévèrent jusqu'à la mort, et puissent à leurs derniers moments, dire comme le Frère Sisoès : « Je meurs la main à la charrue ; merci, mon Dieu ! »

Que chacun soit fidèle à demander tous les jours pour soi la grâce si précieuse de la persévérance.

Que tous, dans l'Institut, nous ayons à cœur de demander cette grâce les uns pour les autres, et particulièrement pour ceux dont la vocation serait le plus exposée aux pièges de Satan, du monde et de la mauvaise nature !

III n'est personne dans l'Institut qui ne puisse contribuer à la persévérance de ses confrères. Le Frère Jean-Baptiste, au chapitre des Saisons de la Vie, nous dit que le bon air est de première importance pour assurer la persévérance des jeunes Frères.

– Qu'entend-il par le bon air ? Evidemment c'est un milieu de piété, de régularité, de bon esprit, de vraie charité fraternelle, de dignité religieuse.

Or, M. T. C. F., il dépend de chacun, de nous de créer pour sa part, cette ambiance religieuse conservatrice des 'vocations dans la maison où l'obéissance l'a placé. Le Frère qui agira ainsi, aura tout à la fois la satisfaction et le mérite d'être un agent très utile pour la persévérance des confrères qui auront l'avantage de vivre avec lui.

Le second élément qui constitue la prospérité d'un Institut enseignant, c'est, comme je l'ai dit plus haut, le nombre et la valeur chrétienne des œuvres qu'il dirige dans l'Eglise.

Sur ce point, je dois le dire ici, nous sommes loin du degré de prospérité que Dieu semble actuellement demander et attendre de nous. Jamais, je crois, les demandes de fondations nouvelles n'avaient été si nombreuses et si pressantes. Les plus hautes autorités ecclésiastiques interviennent même pour nous presser d'accepter certaines fondations.

Parfois les demandes qui nous arrivent, revêtent un ton tellement suppliant et sont appuyées par des arguments si persuasifs, qu'on a de la peine à se défendre et à donner une réponse négative.

Cependant pour faire des fondations nouvelles il faut des Frères, de bons Frères, des Frères suffisamment formés pour donner l'enseignement, et souvent pour donner cet enseignement en anglais ou en allemand ou en une autre langue qu'il faut apprendre.

Et malheureusement des Frères ainsi préparés font défaut.

Disons toutefois que nos maisons de recrutement sont heureusement peuplées d'une bonne jeunesse qui nous donne de consolantes espérances.

Et si Dieu continue à bénir ces maisons et à nous permettre d'en augmenter le nombre, comme nous en avons l'intention, nous pourrons, dans quelque temps, nous rendre aux pressants appels qui nous arrivent de toutes parts et accomplir ainsi progressivement le grave devoir qui nous est imposé de faire arriver l'Institut au plus haut degré de prospérité possible.

Ce que nous pouvons et devons réaliser tout de suite, c'est de donner toute la valeur chrétienne possible à nos maisons existantes, et cela en y faisant toujours avec un saint zèle l’œuvre de Dieu.

Ne croyez pas, M. T. C. F., que l'article 144 s'applique seulement au Frère Supérieur Général, comme le texte l'indique, et aux autres Supérieurs de divers degrés comme nous l'avons expliqué.

Il s'applique aussi à tous les Frères de l'Institut.

En effet, pour que les ordres donnée et les dispositions administratives prises par les supérieurs aient leur efficacité, il faut nécessairement que ces ordres soient accomplis et ces dispositions administratives exécutées. Cela impose donc aux Frères le grave devoir de l'obéissance ; et, à ce grave devoir, correspond évidemment pour eux une grave responsabilité.

S'il se rencontrait des Frères peu dociles ou récalcitrants (ce qu'à Dieu ne plaise), ils amoindriraient ou même annuleraient l'efficacité que devaient avoir les ordres donnés ou les mesures prises. Et dès lors, comme on le voit, ces Frères encourraient une responsabilité d'autant plus grande, que le but à obtenir par eux et qui ne s'obtiendra pas, intéressait davantage la gloire de Dieu, la sanctification des âmes et la marche en avant de notre Institut dans la voie de la bonne prospérité.

Il est un autre point de vue qui mérite d'être considéré. Dans toute société religieuse où l'Autorité est forte, entourée d'estime et de déférence, tout s'accomplit avec ordre, avec aisance, même avec un religieux plaisir, car l'ordre produit le véritable bien-être moral, tandis que là où l'autorité est peu respectée, où elle est mal obéie, c'est le désordre. Or, le désordre entraîne toujours avec lui le malaise moral.

« Un religieux lâche et tiède, essuie peine sur peine et n'éprouve que chagrins de toutes parts, parce qu'il est privé des consolations intérieures et qu'il lui est défendu d'en chercher au dehors.

« Le religieux qui s'affranchit de sa Règle est exposé à des chutes terribles.

« Celui qui cherche des adoucissements et le relâchement sera toujours dans l'embarras parce qu'il y aura toujours une chose ou une autre qui lui déplaira (Imitation de N. S. J. C., 1. Iierchap. XXV).

Oh ! que l'expérience nous montre bien la vérité de tout cela !

Tous les Frères sont donc grandement intéressés à faciliter aux Supérieurs par une religieuse docilité, l'accomplissement der, graves devoirs que leur impose l'article 144.

Nous unirons tous nos prières, M. T. C. F., pour obtenir, par l'entremise de la Très Sainte Vierge Marie notre Céleste Mère, que chacun de nous, en ce qui le concerne, comprenne bien et goûte les réflexions que nous venons de faire sur l'article 144 et qu'il y conforme très fidèlement sa conduite.

Grand sera le profit qui en résultera dans tout l'Institut pour la régularité, pour le bien spirituel et matériel de tous, ainsi que pour la marche en avant dans la voie de la bonne prospérité.

Mon intention était de vous entretenir encore de quelques autres articles des Constitutions sur lesquels il serait opportun de faire aussi des réflexions et de donner des avis. Mais je dois m'en tenir là pour cette fois. S'il plaît à Dieu, nous continuerons cet important sujet dans une autre Circulaire.

                                   NOS CAUSES DE BEATIFICATiON

 I

                                 Le Vénérable Père Champagnat

.Je sais avec quel intérêt on suit dans tout l'Institut la marche de la cause de notre Vénérable. Père Fondateur, et celle du vénéré Frère François; aussi je crois aller au-devant de vos désirs bien légitimes et de votre piété filiale, en vous disant un mot sur chacune d'elles.

Déjà l'année dernière, par la circulaire du 2 février, je vous disais que notre C. F. Procureur Général près le Saint-Siège nous faisait espérer en 1912 deux Congrégations pour cette chère cause.

Voilà que cette espérance, à notre très grande joie, va bientôt commencer à se réaliser; car on nous donne l'assurance que le 12 mars prochain aura lieu l'importante Congrégation préparatoire, comme l'indique l'intéressant rapport ci-après, de notre C. F. Candidus.

C'est donc, un devoir pour nous tous, de redoubler de piété, de ferveur et de zèle afin d'obtenir de Dieu et de la bonne Mère, que le résultat réponde à nos ardents désirs.

                             Rapport du C. F. Procureur Général. 

                                 Rome, le 23 janvier 1912.

Mon Très Révérend Frère Supérieur Général,

Dieu qui est la sainteté par essence et la source de toute perfection et de toute sainteté, en envoyant Jésus-Christ son Fils sur la terre pour établir son Eglise, a voulu que son Epouse bien-aimée fût sainte, et comme marque divine, il lui a laissé l'empreinte et le germe de la sainteté : – « Soyez saints comme je suis saint (Lévit., XI). Un bon arbre porte de bons fruits » (Math., VII).

La sainteté doit donc être et est, en effet, la preuve évidente et quotidienne de la véritable Eglise de Jésus-Christ. Qu'est-ce donc, qu'un saint ? C'est celui qui a pratiqué toutes les vertus à un degré au-dessus de l'ordinaire, c'est-à-dire, à un degré héroïque.

Mais avant de proclamer publiquement et officiellement qu'un homme est saint; c'est-à-dire, déclarer solennellement qu'il a pratiqué toutes les vertus à un degré héroïque, qu'il est au ciel, ami de Dieu, et que, par suite, pour les fidèles, il est un modèle de vertu et un intercesseur auprès de Dieu, l'Eglise, quoique assistée toujours par le Saint-Esprit, pour bien connaître la vérité, met d'abord en œuvre beaucoup de formalités et tâche de prendre toutes les précautions les plus sûres.

De là, la procédure si compliquée d'une cause de Saint. De là aussi la grande importance des causes des saints dans l'Église de Dieu; car, en procurant la gloire des Saints, c'est la plus grande gloire de Dieu que l'on procure en même temps que celle de la sainte Eglise et de l'ordre ou congrégation à laquelle ils appartiennent.

Les procès pour les causes des saints ressemblent beaucoup à ceux qui se déroulent devant les tribunaux civils. Ce sont des jugements contradictoires. Il y a un tribunal qui informe, une cause à juger, un adversaire qui l'attaque et un avocat qui la défend. Le rôle du Promoteur de la Foi est de prendre parti pour les intérêts de la Foi contre le serviteur de Dieu ; car ce serait un préjudice pour la Foi si l'Eglise mettait sur ses autels des hommes qui ne méritent pas cet honneur. Les objections que présente le Promoteur de la Foi forcent le Postulateur et l'Avocat à qui incombe la défense à faire toutes les recherches nécessaires pour résoudre les difficultés; et quand ils peuvent ainsi détruire les objections, ils font briller d'un plus vif éclat les vertus du serviteur de Dieu qu'ils défendent. Enfin le tribunal ne porte son jugement qu’après un long et mûr examen. Nul tribunal qui soit plus sévère que celui de la Sacrée Congrégation des Rites. Nulle procédure d'ici-bas qui soit d'une trame plus serrée. Toute l'affaire se déroule sous les yeux du Souverain Pontife, dont les prières appellent les lumières divines, et qui doit sanctionner de sa suprême autorité les décisions de la S. C. des Rites.

La cause de notre bon Père a déjà subi les épreuves du Procès informatif de l'Ordinaire, ainsi appelé parce qu'il se fait au nom et par l'autorité de l'Evêque du lieu où est mort le serviteur de Dieu. C'est à la suite de ce procès que Sa Sainteté le Pape Léon XIII, le 9 août 1896, voulut bien signer le décret de l'Introduction de la Cause en cour romaine, et, par là-même, déclarer venerable notre Père Champagnat. C'est alors que le Saint-Siège, prit en main la Cause, qui se poursuit depuis par les procès apostoliques, ainsi appelés parce qu'ils sont faits au nom du Siège Apostolique et que l'autorité diocésaine, n'y agit plus que par délégation de Rome.

Les procès apostoliques sont au nombre de deux celui des vertus et celui des miracles.

Pour parvenir aux honneurs de la Béatification, un Vénérable doit donc sortir victorieusement de ces deux procès si importants et bien distincts. Une vie sainte marquée par l'héroïcité des vertus, est le fondement inébranlable sur lequel doit porter le jugement de l'Eglise. Mais cela ne suffit pas; car une vertu irréprochable aux yeux des hommes, pourrait être viciée par l'amour-propre, la vaine gloire, l'orgueil ou tout autre principe mauvais. Il faut donc que Dieu, qui voit le fond des cœurs, atteste la sainteté du Vénérable par des miracles, opérés après la mort de celui-ci, et par son intercession.

Dans ces deux procès, on suit une marche analogue, dont les règles ont été tracées par le Pape Benoît XIV. On commence par le procès des vertus.

Dans ce procès, toute la vie du Vénérable est passée au crible, tous les faits sérieusement examinés, toutes les dépositions des témoins minutieusement contrôlées et cela dans trois assemblées successives, appelées Congrégations. La première dite Antépréparatoire des Consulteurs de la Sacrée Congrégation des Rites ; la seconde, dite Préparatoire, des Cardinaux et des Consulteurs; la troisième, dite Générale, en présence des Cardinaux, des Consulteurs et du Pape. Il ne s'agit pas de prouver que le Vénérable dont on poursuit la cause a vécu en bon chrétien, mais qu'il a vécu en saint, c'est-à-dire, qu'il a pratiqué d'une manière héroïque les vertus théologales, les vertus cardinales et les vertus propres à son état. C'est dans cette discussion que le Promoteur de la Foi, fait vraiment l'office d'avocat du diable relevant les moindres taches, rabaissant les actes louables, infirmant les témoignages, accumulant les plus subtiles objections et recueillant toutes celles qu'a fait surgir la discussion. Les juges ne donneront un vote affirmatif que si l'avocat de la cause dissipe tous les doutes et met en pleine lumière la sainteté du Vénérable.

Après le décret sur les vertus, on procède de la même manière pour faire constater les miracles.

La Sacrée Congrégation des Rites est plutôt difficile sur ce point et elle rejette souvent des miracles qu'une académie de médecins n'hésiterait pas à approuver.

Pour une béatification, il faut quatre, ou trois, ou au moins deux miracles selon l'ancienneté de la cause et la valeur des témoignages. Ces miracles sont examinés comme les vertus, dans les trois Congrégations l'antépréparatoire, la préparatoire et la générale.

Le Pape alors rend un décret qui constate que les faveurs examinées ont tous les caractères de vrais miracles et sont dues à l'intercession du Vénérable.

Enfin dans une dernière Congrégation générale, tenue devant le Pape, on doit résoudre ce doute : Peut-on procéder en toute sûreté à la Béatification solennelle du Vénérable Serviteur de Dieu ?…

Si la réponse est favorable, le Souverain Pontife avant de rendre le décret, prend quelques jours pour prier Dieu de l'éclairer dans une affaire si grave. Il signe ensuite le bref de la béatification du Vénérable et fixe le jour de la cérémonie. Celle-ci a lieu à Saint-Pierre. Devant toute la Congrégation des Rites réunie, on lit le bref de béatification et on découvre le portrait du Bienheureux qui apparaît pour- la première fois ceint de l'auréole. En même temps, on expose sur l'autel dans un magnifique reliquaire, une relique du Bienheureux que le Célébrant encense avant d'entonner le Te Deum et de commencer la messe solennelle en l'honneur du Bienheureux.

Le Pape descend à Saint-Pierre dans la soirée pour vénérer le nouveau Bienheureux et assister au salut solennel. La Congrégation religieuse ou le diocèse auquel appartient le Bienheureux fait ensuite célébrer, à Rome, un triduum solennel d'action de grâces.

Pour arriver à la canonisation, il faut qu'il se produise au moins deux autres miracles qui sont soumis à l'épreuve des trois Congrégations, comme pour la Béatification.

J'ai tenu, M. T. R. F., à vous donner ces quelques indications qui montreront à tous nos religieux la prudence et la sagesse de l'Eglise dans la glorification des Serviteurs de Dieu et les aideront aussi à suivre les différentes étapes de la Cause de notre Vénérable Père.

C'est ainsi que, le 12 du mois de mars prochain, la Cause de Béatification de notre Vénérable Père Fondateur va faire une de ces étapes décisives. Ce jour-là se tiendra à Rome la Congrégation préparatoire pour les vertus. Cette Congrégation a la plus grande importance possible, puisque c'est dans cette auguste assemblée que doivent enfin se dissiper tous les doutes et se mettre en pleine lumière la Sainteté du Serviteur de Dieu ; car dans la Congrégation générale, devant le Pape, on ne fait que résumer la question, afin que Sa Sainteté soit au courant de la Cause, et puisse prendre une décision conforme à la vérité.

                     F. Candidus. 

N'oublions pas, M. T. C. F., que cette heureuse nouvelle est pour nous une pressante invitation à la prière fervente, afin d'obtenir de Dieu et de notre bonne Mère l'heureux succès de cette Congrégation.

Je vous rappelle à cette occasion ce que je vous écrivais de Jérusalem, le 28 mars 1910, quand il s'agissait de la Congrégation Antépréparatoire, pour la même Cause.

« Nous nous ferons tous un devoir de prier fervemment à cette intention. J'invite donc tous les Frères à ajouter d'une manière explicite, cette intention dans leurs communions, et dans toutes leurs prières et autres actes de vertu, y joignant quelques mortifications volontaires.

« Dans toutes les Communautés de l'Institut, on fera une neuvaine de prières à partir du 3 mars. Cette neuvaine consistera dans la récitation du Veni Creator et de l'Ave Maris Stella, au commencement de la prière du soir.

« Dans les maisons où nous avons une Chapelle, on fera en sorte d'obtenir l'autorisation de donner la bénédiction du Saint Sacrement pendant la matinée du 12 mars. A la cérémonie on tâchera de chanter le Veni Creator et l'Ave Maris Stella.

« En outre, il a été décidé en Conseil Général que, jusqu'au Centenaire, on terminerait l'offrande de la journée au Sacré-Cœur de cette manière :

« Divin Cœur de Jésus, je vous offre par le Cœur .Immaculé de Marie…. Je vous les offre en particulier aux intentions de l'Apostolat de la Prière, de l'Institut, comme préparation au Centenaire et pour nos causes de Béatification ».

 FAVEURS ATTRIBUÊES

 AU VÉNÉRABLE CHAMPAGNAT

 Au CHER FRÈRE DIOGÈNE,

                           Assist. Gén. des Frères Maristes à Grugliasco – Italie.

 Mon Cher Frère,

Comme suite à votre dernière et aimable visite à Mme Deberly, je viens vous confirmer, très simplement, comment les faits se sont passés. Le 28 mars 1911, ma femme indisposée, mal à son aise depuis quelques semaines, était prise par la fièvre, et obligée de prendre le lit. Le Docteur craignait alors : fièvre muqueuse… ou typhoïde; mais le 8 ou 9 avril une péritonite se déclarait. Le mercredi 12 avril 1911, à une heure du matin, survenait. la crise aiguë ; à 7 heures du matin, quand vint le Docteur Gand, elle ne cessait de souffrir et de crier, Le Docteur jugea la situation grave ; à 9 h. l'état empirait, le pouls était très faible : nouvelle visite du Docteur qui fit une piqûre à l'huile camphrée ; la situation était alors désespérée et Sœur Marie-de St Laurent des Sœurs de l'Espérance, qui lui prodiguait les meilleurs soins depuis le début, m'engagea à la préparer à recevoir les Derniers Sacrements. A midi, nouvelle visite du Docteur Gand, qui demande une consultation. A une heure, ma femme reçoit les Sacrements par M. l'abbé Poidevin, vicaire à Saint-Honoré; à 3 h. et demie elle communie. A 4 h., consultation entre MM. les Docteurs Gand et Monlonguet qui propose un lavage d'estomac, car elle étouffait (comme soulagement car, en particulier, M. Monlonguet me déclarait qu'elle était perdue… qu'elle pouvait aller 24 heures, 48 au plus). A 5 heures, lavage de l'estomac par MM. les Docteurs Gand et Poissonnier – puis soulagement jusqu'à 11 heures du soir. (Il y a eu, ce mercredi 12 avril 1911 : six visites par les Docteurs Gand, Monlonguet et Poissonnier.)

Les souffrances reprenant alors et sans discontinuer, le jeudi saint, 13 avril 1911, à 7 h. du matin, elle demande la présence de notre fils et ne veut pas nous laisser aller à la messe, communier à son intention, crainte de mourir en notre absence ; à huit heures, moins mal, elle consent à nous laisser partir ; au retour de la messe, même situation ; le docteur Gand la trouve très mal… à 1 Il. 5 m., fatigué de la voir souffrir, de prier, promettre et espérer, je m'écriais : « Mais tu n'as donc pas assez souffert, il n'arrivera donc pas un miracle ?»

A ce moment précis, on sonne : c'est une lettre de ce cher M. Boulmer sous-préfet du Collège de la Providence d'Amiens, ainsi conçue : « M. Lavoine apprenant que Mme Deberly est à toute extrémité, vous envoie une prière du Vénérable Champagnat qui fait plusieurs miracles par an, faites la prière avec Madame.  Tiens, m'écriai-je, voilà le miracle ! En sanglotant je tombais à genoux et lui récitais de tout cœur la prière; elle met l'image sur son cœur et lei; souffrances cessent… je pars, avec notre fils, faire la visite aux tombeaux, je mets un cierge à N.-D. de Lourdes à l'église Saint-Germain. Au retour elle déclare qu'elle n'a plus souffert.

La nuit se passe très bonne, et le lendemain, le Docteur Gand la trouve mieux ; le Docteur Poissonnier vient la voir surpris; c'est alors que je lui dis:

– Mais c'est depuis que je t'ai lu la prière que tu ne souffres plus ; qu'as-tu donc éprouvé ?

– Une certaine émotion de t'entendre et un frisson… et depuis j'ai confiance en ma guérison.

Vous vous souvenez comment elle était à votre passage chez nous ; elle est rentrée d'un séjour de trois mois à Boulogne tout à fait remise et a repris la direction de la maison.

Voilà, cher Frère, ce que je tenais à vous confirmer, et maintenant, confiant en sa guérison définitive, je vous prie de recevoir, ci-inclus, l'acquit de notre promesse, notre reconnaissance à ce bon M. Lavoine, et l'assurance de notre souvenir quotidien au Vénérable Marcellin Champagnat.

Avec mes respectueuses salutations

                             G. Deberly.

 Amiens, ce 13 octobre 1911. 

                                              Lu et approuvé

Poidevin                       S. Marie de St. Laurent,                 O. Bellettre.

Vicaire de                    Religieuse de l’Espérance.             Ch.  h., Curé de

St-Honoré.                                                                        St. Honoré. 

                                                 Attestation du fait précédent. 

Ecole Libre de la Providence. – Amiens.

 Je soussigné, Abbé Théophile Boulmer, prêtre, n'ayant encouru aucune peine ecclésiastique de la part de mon Evêque, sous-préfet de discipline à l'Ecole libre de la Providence, 38, rue Lavalard, Amiens, certifie. ce qui suit.

Le 12 avril de l'an 1911 vers 3 h. 10 m., je rencontre M. Charles Deberly, époux de madame Deberly, désolé, pleurant, et n'ayant plus aucun espoir en la vie de Mme Deberly, son épouse.

– D'après les médecins, aucune espérance de guérison c'était fini : « On doit lui apporter le bon Dieu, m'a-t-on dit ».

Ce Monsieur pleurait. Je l'ai exhorté à la prière, disant « qu'au Ciel se trouvent des médecins plus puissants que sur la terre et qu'il ne fallait point désespérer. Quand il y a vie, il y a espoir ». De mon côté, j'ai prié et ai fait prier.

Le soir du même jour, l'état de la malade était moins satisfaisant encore.

 Le lendemain, Jeudi-Saint, un confrère de l'Ecole li­bre, Monsieur Lavoine, Frère sécularisé des Petits Frè­res de Marie, ayant vu ma douleur et mes larmes, vient m'offrir vers 11 heures et demie du matin, une image du Vénérable Père Champagnat, ornée d'une relique et d'une prière, me priant de l'envoyer à Madame De­berly. Je n'ai pu le faire immédiatement, à ce moment même étant occupé. Rapidement, sitôt affranchi de mon travail, j'écris une lettre à Monsieur Deberly. Il pouvait être à ce moment 1 heure et 20' (minutes).

Dans cette lettre j'expliquais que le Vénérable Père Champagnat avait produit des miracles. Cette lettre mienne parvient par un domestique de l'Ecole à la maison de la mourante, vers deux heures de l'après-midi.

A ce moment, chose remarquable, Monsieur Deberly, époux, se lamentait dans la chambre de Madame, se disant à lui-même, entre autres choses, à peu près en ces termes (car je tiens la narration de sa bouche) : « Qui donc nous donnera un miracle pour la sauver ? » Au moment même, on sonne à la porte. C'est ma lettre qui parvient avec mes recommandations et avec l'image ornée de la relique du Vénérable Père Champagnat. Monsieur Deberly la lit et dit à Madame : « Tiens, le miracle, le voilà ». Tous les trois récitent la prière. C'est-à-dire, Madame Deberly, M. Deberly et M. Gérard Deberly leur fils. La malade applique ensuite sur elle la Sainte Image du Vénérable. A ce moment (je tiens ces paroles de la bouche même de la malade condamnée par la science humaine) « j'ai ressenti un grand frisson dans mon corps tout entier et je me suis dit : Est-ce le frisson de la mort ou de la guérison ? »

A partir de ce moment, le mieux s'est produit sans cesse et la guérison s'est opérée. Pour moi, sans aucun doute, le doigt de Dieu est là..

Il y a du miracle dans le fait.

La science médicale en témoignera.

Et moi, Abbé Boulmer, prêtre de la Sainte Eglise catholique, apostolique et romaine, atteste la véracité de ce que je viens d'écrire.

                                              Signé : Abbé Boulmer, prêtre.

           sous-préfet de discipline à l'Ecole Libre de la Providence

     Amiens (Somme), 18 octobre 1911.

 II

             Alcoy, 4 août 1911.

Mon Très Révérend Frère Supérieur,

Je suis heureux de vous communiquer la relation d'une guérison, d'un miracle dirais-je, que j’attribue, non sans motifs, à la puissante intercession de notre Vénérable Père Fondateur, dont j'ai aussi ressenti l'efficacité en maintes circonstances.

Ainsi par exemple pendant l'année 1902 que je restai à Dumfries (Ecosse), je fus pris de je ne sais quelle affection au poumon gauche et je faillis y rester ! On avertit alors le C. F. Bérillus, notre bien-aimé Assistant, de sainte et regrettée mémoire, et je reçus avec sa bonne lettre deux petites images-reliques du Vénérable : l'une de lui que je mis en face de moi, et l'autre, du vénéré Frère Théophane, que je m'empressai de mettre à mon chevet. Je baissais à vue d'œil, et le jour même on m'avertit que la Communauté ferait une neuvaine au V. P. Champagnat pour moi. S'il en est ainsi, me dis-je alors, il doit y avoir quelque chose de sérieux. Qui sait combien de fois je regardai l'image du Vénérable et je le priai de ne point me laisser mourir loin de ma belle Espagne ? Toujours est-il que le médecin me soigna pendant un mois et demi, et le bon Dieu me guérit, j'en suis convaincu, par l'intercession du Vénérable.

En écrivant ces lignes je ne fais que payer mon tribut de reconnaissance et je n'ai point d'autre but en le faisant.

 La faveur suivante, que j'attribue aussi au V. Père Champagnat et dont a été l'objet un de mes anciens élèves, sera, j'espère, une pierre de plus qui servira à élever le monument de gloire et de reconnaissance que je dois, que nous devons tous à notre Vénérable P. Fondateur.

Au mois de juin 1910, un jeune homme d'ici, José Coderch, âgé de 22 ans, fut atteint d'une fièvre maligne qui le minait de jour en jour. Sa mère, femme d'une grande piété, passait les jours et les nuits à son chevet; mais, malgré ses soins et les efforts des médecins, le mal poursuivait son œuvre, et l'état du malade allait s'aggravant de jour en jour.

Bientôt une complication se produisit qui vint rendre la guérison encore plus difficile. Comme il avait eu l'occasion de prendre chez nous des leçons de français et qu'il était demeuré très attaché aux Frères, nous demandions presque chaque jour de ses nouvelles, et nous recevions toujours la même réponse « Il baisse de plus en plus ».

A la mi-juin, le mal semblait être arrivé à sa dernière période. Les médecins ne savaient plus quel remède employer et se déclaraient impuissants. Les bains froids auxquels on avait d'abord eu recours, étaient devenus dangereux à cause de la complication dont j'ai parlé plus haut, et produisaient d'ailleurs un affaiblissement extrême. Le malade ne parlait plus, même à sa mère, la seule dont il voulût accepter les services. Il se faisait d'ailleurs illusion sur son état et ne se rendait pas compte de la gravité de son mal.

Ayant rencontré, un soir, un de ses frères, je lui fis part de mes inquiétudes au sujet du malade, que je craignais de voir mourir sans sacrements ; et il fut convenu qu'un prêtre ami de la famille irait lui rendre visite, et c'est en effet ce qui eut lieu. Le jeune homme se confessa, et le même jour on lui administra l'Extrême Onction et le Saint Viatique, qu'il reçut avec une grande piété.

Cependant son état devenait de plus en plus désespéré, et la mère, qui ne se dissimulait point la gravité du péril, nous recommanda en pleurant de prier pour le pauvre malade qui semblait bien décidément toucher à sa fin.

 Le jour suivant, en passant pour aller à la messe, nous entendîmes des sanglots. « Il sera mort », dîmes­-nous, et pendant le Saint-Sacrifice, j'eus une intention toute particulière pour mon cher Joseph, auquel j'avais autrefois donné des leçons, et en faveur duquel j'avais .commencé la veille, avec une grande confiance, une neuvaine au Vénérable Champagnat. Je ne savais si je devais le mettre au memento des vivants ou à celui des défunts car d'un côté sa mort me paraissait bien cer­taine, et d'autre part  la confiance que j'avais au Véné­rable Fondateur ne me permettait pas d'y croire.

En revenant de la messe, nous entrâmes dans la maison sans oser rien dire, craignant d'obliger à une trop, pénible réponse ; mais la mère comprit : « Il est encore vivant, nous dit-elle, les larmes aux yeux, mais il a passé une très mauvaise nuit ».

C'était déjà un moindre mal que celui que nous craignions et je me retirai avec le ferme espoir  que le Vénérable Fondateur ne serait pas sourd à nos prières. Après le Catéchisme, je fis commencer une neuvaine à mes élèves pour demander cette guérison par l'intercession du Vénérable Père, dont j'exposai l'image sur mon bureau. A partir de ce moment, il se mit à aller mieux et parvint à une parfaite guérison avec une rapidité qui dépasse de beaucoup ce qu'on aurait pu espérer d'après les prévisions humaines.

Au cours de sa maladie, je lui avais fait promettre, dès qu'il serait guéri, de faire, en action de grâces, un pèlerinage au sanctuaire de la FuenteRoja. C'est là que nous nous sommes rencontrés. Il n'avait rien ou de la neuvaine qui avait été faite pour sa guérison; mais .aujourd'hui qu'il la connaît, il n'hésite pas à attribuer ce bienfait à l'intercession du Vénérable, envers qui il se déclare profondément reconnaissant

                                                                                D'après une lettre du Frère Gustavo.

 Reconozco muy de veras el milagro hecho por el Venerable Padre Marcelino Champagnat en ocasión en que me creían y me creía con la imposibilidad de curarme por ningún medio humano.

« Altamente reconocido, hago mis votos por que en breve sea elevado al honor de los altares; y si por algo pudiera contribuir à ello por el favor de que he sido objeto, me daría por muy satisfecho. »

José Coderch B.

Alcoy, 4 agosto 1911.

 III

                Audekerque-Branche, 22 décembre 1911.

Très Cher Frère,

C'est avec bonheur que je vais vous donner des détails sur la maladie de ma petite Germaine, âgée de 3 ans et 3 mois. Ma petite est devenue malade d'un commencement de diphtérie au mois de septembre dernier. Le docteur lui a mis le sérum, et la maladie s'est arrêtée. Mais l'enfant est restée languissante; l'appétit diminuait et l'enfant maigrissait beaucoup, quand, il y a cinq semaines, l'enfant fut prise de fortes fièvres. Nous pensions que c'était la grippe ; elle grinçait des dents, puis ne mangeait plus du tout. Au bout de quelques jours le blanc de ses yeux était devenu tout jaune et l'enfant ne sortait plus de son lit. Nous avons appelé le docteur qui a déclaré une congestion au foie. C'était la troisième fois qu'il venait quand Bernard vous a écrit, cher Frère, pour avoir la relique du Vénérable Champagnat, en qui il mettait toute sa confiance. Le Docteur à sa dernière visite, avant l'application de la relique avait dit qu'il guérirait l'enfant, mais que cela serait long. Et du premier jour où nous avons placé la relique sur l'enfant, elle est sortie du lit, s'est mise à jouer, puis à manger, et l'enfant disait à tous ceux qui venaient la voir que c'était M. le Vicaire qui l'avait guérie ; car ayant vu un prêtre sur l'image, elle croyait que c'était M. le Vicaire. C'est donc la guérison instantanée, elle n'a. plus souffert depuis, mange très bien, n'est plus jaune ; elle sort même avec nous pour faire des commissions; elle joue et chante toute la journée ; enfin, personne, en la voyant, ne pourrait dire que c'est l'enfant qu'ils ont vue il y a dix jours dans son lit. Vous demandez, cher Frère, l'avis du Docteur. Nous ne lui avons pas parlé de la relique, ne connaissant pas ses opinions, mais après avoir déclaré que la maladie était guérissable mais longue, il nous a déclaré, à la première visite après que l'enfant était guérie, qu'il ne viendrait plus, et qu'elle ne devait même plus prendre les derniers médicaments qui restaient, puisqu'elle pouvait manger toute espèce de nourriture pour la fortifier, et la fois avant il ne fallait lui donner rien que du lait. Enfin, que puis-je vous dire de plus ? L'enfant était guérie instantanément le premier jour où nous lui avons mis la relique, et je vous assure, cher Frère, que je remercie du fond du cœur votre saint Fondateur, et que j'aurai encore, dans d'autres occasions recours à lui. Je regrette beaucoup ne pas l'avoir prié plus tôt : je lui aurais demandé de conserver mon Bernard. Cher Frère, je vous en prie, priez avec nous pour que mon Antoine ait la vocation religieuse. Je vous ai dit que je l'avais placé chez le père Markant, à Dunkerque ; l'on est très content de lui, cher Frère, je finis ma lettre; j'espère ,avoir mis tous les détails que vous désirez, et je vous prie d'accepter tous nos sentiments de respect et de reconnaissance.

 Votre très obligée

               M. T.

 IV

              †

            I H S                                                                                     Beyrouth, le 24 mai1911.

 UNIVERSITÉ ST-JOSEPH.

      Mon Révérend Frère,

Je suis heureux de pouvoir me joindre au chœur des privilégiés du Père Champagnat et faire monter vers lui un hymne d'action de grâces pour la faveur toute spéciale qu'il vient de m'accorder.

Au mois de mars dernier, je ressentis presque subitement les mêmes douleurs intestinales qui me clouèrent l'an passé sur un lit de repos. Je devins très inquiet, car à ces douleurs s'ajoutait le cauchemar d'un long repos forcé, très pénible pour une nature bouillante, aimant l'activité.

J'attendis le plus longtemps possible avant de faire connaître mon état. J'avais toujours l'espoir que ces souffrances, ces coups de lance qui me torturaient les entrailles, disparaîtraient sous peu ; il n'en fut rien. Je dus donc aller voir le Docteur de Brun, médecin du Collège, qui m'avait déjà soigné.

Il déclara, comme l'année dernière, une entérite avec lésions tuberculeuses aux intestins. Il me donna force remèdes et prescrivit le repos presque complet, ou sinon pas de guérison possible.

 Le C. F. Provincial étant lui-même sur un lit d'hôpital et aucun Frère n'étant disponible dans la Province, un remplaçant était difficile à trouver. Je résolus donc, malgré le régime rigoureux qui m'était imposé, de continuer ma classe. A ce moment le C. F. Directeur me conseilla d'user d'une image du Vénérable avec relique et de lui demander ma guérison par une neuvaine. Je commençai le jour même; plusieurs confrères joignirent leurs prières aux miennes.

Cependant les douleurs augmentaient toujours et m'obligeaient à passer des nuits entières sans sommeil. Mon courage et mes forces baissaient et j'étais sur le point de demander à partir pour Amchit ; quand le 6ièmejour de la neuvaine, l'après-midi, habituellement très pénible, se passa presque sans souffrances; la nuit, je pus dormir quelques instants. Je me levai le lendemain tout heureux de me sentir un peu mieux ; mais craignant toujours de voir revenir les douleurs. Le mieux ne fit que s'accentuer de jour en jour, et quinze jours après je ne sentais plus trace de douleur. Je retournai voir le docteur et lui fis part du mieux réel que j'éprouvais depuis quelques jours; il m'examina attentivement. « Mais vous êtes guéri, me dit-il après quelques minutes, toutes les lésions ont disparu. » Il m'ordonna cependant de continuer les mêmes remèdes jusqu'à nouvel ordre et de prendre encore beaucoup de précautions.

 Ai-je pris des précautions ? je ne crois pas ; les remèdes ? quinze jours après j'abandonnai tout, et cependant depuis trois mois, pas la moindre douleur n'est venue obscurcir la joie de me sentir guéri ni me faire douter de la bonté et de la puissance du Père Champagnat.

Je suis, etc. …

                   Frère Léontius.

 V

                               Figueras, 13 décembre 1911.

Dans la soirée du vendredi, 1ierdécembre, le Frère Casimir-Denis, de la communauté de Figueras, était contraint de s'aliter par suite de maux de tête dont il souffrait depuis le matin. Le lendemain il vomissait tout ce qu'il prenait, et le médecin constatait un cas de grippe compliqué d'une gastrite. Le mardi suivant, la fièvre n'ayant pas diminué, le docteur ordonnait des tains d'eau tiède et à la fin de la journée, il prescrivait de maintenir de la glace sur la tête du malade, déclarant -son état très grave. Le confesseur fut appelé aussitôt et à dix heures du soir le cher malade recevait le saint Viatique et le sacrement de l'Extrême-Onction, édifiant tous ceux qui en étaient témoins et répondant distinctement aux interrogations du prêtre. Le lendemain, il ne pouvait plus se faire comprendre, même par signes. Ce fut alors qu'on plaça une relique du Vénérable Père Champagnat auprès du lit du malade, en demandant sa guérison, et la communauté de Pontos commençait une neuvaine.

 Cependant le mal empirait toujours; le malade ne pouvait, prendre qu'un peu de lait pour toute nourriture et il fallut lui faire des injections dans les bras. Le médecin disait qu'on pouvait lutter jusqu'au bout contre cette maladie, mais que sur cent cas pareils, il ne s' en guérissait qu'un ou deux; la veille de la fête de l'Immaculée Conception, il déclarait que le malade pour rait passer la nuit, mais qu'il y avait bien à craindre pour le lendemain.

Dans la soirée du jour de la fête, le malade commença à se faire comprendre par signes et le lendemain il pouvait recevoir la sainte communion et parler distinctement. Cette amélioration se continua si bien que le vendredi après la fête, le malade pouvait se lever et cinq jours plus tard, il reprenait une partie de son travail.

Ce n'est pas un miracle, mais c'est un prodige, disait un des prêtres témoins de la rapidité de la guérison.

                   F. Casimir-Joseph.  

                                               Suva, Fidji, le 9 avril 1911.

Le Vénérable Père Champagnat se montre de plus en plus bon pour moi. De concert avec le saint Frère François, il s'exécute promptement, quand l'occasion le demande.

Par accident, sans le savoir, je fis mal à un enfant. A mon insu, l'enfant, arrivé chez lui, se plaignit. On l'examine, le cas paraît être sérieux. On court au médecin qui après deux visites le même jour, l'envoie à l'hôpital pour lui faire subir une opération dangereuse. Juste à ce moment j'en fus informé. Après quelques instants de réflexion sur les conséquences et les résultats néfastes d'un tel accident, je m'adresse sans hésiter au Vénérable et à son digne successeur, je les charge de cette affaire. Le lendemain je vois le Docteur qui m'assure que le danger est passé et que sous peu l'enfant, pourra retourner en classe. De suite après, j'envoie mon fidèle et toujours zélé Claudius le voir à l'hôpital. Il le trouve tout joyeux et à peu près guéri.

En plusieurs autres cas presque semblables, le Vénérable ne m'a pas fait défaut. Je suis heureux de dire que je me trouve bien de sa protection.

                 Br. M. Claudius.

 VII

 

                       V***, juin 1911.

Une personne de Bourges m'a remis 100 francs à mon passage, en actions de grâces d'une faveur qu'elle m'a dit avoir obtenue par l'intercession du V. Champagnat.

L'année dernière elle m'avait demandé de prier et de faire prier pour une affaire à laquelle elle tenait beaucoup. J'ai profité de l'occasion pour lui parler de notre Vénérable Fondateur et lui ai conseillé de s'adresser à Lui, et c'est ce qu'elle a fait. « Ayant obtenu ce que je désirais, m'a-t-elle dit, je m'acquitte de la promesse que je vous avais faite de m'intéresser un peu plus à votre excellente œuvre »

Veuillez agréer, etc.

                     F. Joseph-Raymond.

 VIII

                            Burgos, 4 février 1912.

Mon Très Révérend Frère Supérieur Général,

Il me tardait de voir arriver ce beau jour où il me serait permis de faire éclater ma reconnaissance envers notre bien-aimé Fondateur et d'apporter mon humble témoignage de son puissant crédit auprès de Dieu. Je 'vous envoie ci-joints les détails de la terrible maladie dont je souffrais depuis dix ans, ainsi qu'une petite relation de la guérison que je dois à notre Vénérable Père.

Je verrais avec plaisir que cette faveur fût publiée, si Votre Révérence le juge opportun, afin d'augmenter de plus en plus la confiance en la protection du bon Père et hâter de la sorte son exaltation par de nouveaux et plus éclatants miracles. Puissé-je, en retour de la grâce que le bon Dieu m'a faite en me rendant la santé, travailler avec plus de zèle et de dévouement à procurer sa gloire et le salut des âmes !

                  Mon Très Révérend Frère Supérieur Général,

C'est avec une bien grande joie et la plus vive gratitude que je viens vous faire part de la guérison Merveilleuse que j'ai obtenue par l'entremise de notre Vénérable Fondateur.

Comme vous savez, Mon Très Révérend Frère Supérieur, le bon Dieu avait daigné me visiter par une terrible infirmité. Durant dix longues années je fus en proie à de fortes et fréquentes crises nerveuses qu'aucun remède ne pouvait calmer, et qui me laissaient pendant, plusieurs jours dans le plus complet épuisement physique et moral.

Par suite d'attaques réitérées, et d'un caractère extrêmement violent, mon organisme avait été complètement délabré et mon tempérament entièrement changé. J'étais devenu mélancolique, irascible, soucieux, incapable d'aucun travail sérieux, insupportable aux autres et à moi-même, car j'étais travaillé par une excitation nerveuse d'une force inouïe.

Préoccupé de mon triste état de santé, j'essayai sans, aucun résultat les nombreux spécifiques préconisés par. la science contre les névralgies; les médecins que je consultai épuisèrent en vain toutes les ressources de leur art, et à la fin m'engagèrent à prendre mon mal en patience, ajoutant avec un certain détour mal déguisé que mon cas était de ceux qu'on qualifie de désespérés.

 Grandement affligé, découragé presque de voir ma, vie en un continuel péril, et d'être pour le reste de mes jours un embarras pour tous ceux avec lesquels j'aurais à vivre, si les crises allaient en augmentant, comme c'était à craindre, je demandai la permission de faire' un pèlerinage à Notre-Dame de Lourdes pour intéresser la Sainte Vierge à ma douloureuse épreuve. Ma prière lut ardente, mais je dois ajouter que quelque chose me disait que la Bonne Mère ne voudrait pas intervenir dans mon affaire. Aussi, peu de jours après, les attaques apparurent comme à l'ordinaire, voire même plus fortes, au point que plusieurs personnes pouvaient à peine me tenir dans mes convulsions et me préserver d'un mauvais coup.

J'en étais réduit à ce pénible état, Mon Très Révérend Frère Supérieur, lorsque le bon Dieu eut enfin pitié de moi et me rendit miraculeusement la santé par l'intercession du Vénérable Champagnat.

Le 22 février 1911, à 10 heures du soir, je fus pris en dormant d'une crise horrible, comme jamais peut-être je n'en avais eu durant ces longues années d'épreuve. Dans mon extrême agitation je tombai du lit au risque d'un grave accident. Je ne puis donner aucun autre détail sur cette attaque qui a été la dernière, car j'étais seul ; en outre, dans ces circonstances je perdais entièrement connaissance pendant plusieurs heures. A minuit je revins à moi, tout défait, transi de froid, le corps brisé et les membres horriblement contusionnés. En me remettant au lit, effrayé de ma pénible existence et l'esprit plongé dans de noires pensées, une voix intérieure me dit d'une manière très claire : «. Et pourquoi donc ne pas intéresser à ton malheur le Vénérable Père Champagnat » ?

Cette voix fut pour moi, mon Très Révérend Frère Supérieur, comme une révélation, et sur-le-champ, rempli d'une grande confiance, je pourrais dire d'une complète certitude, j'implorai son assistance, convaincu que j'étais guéri. Le lendemain je commençai une fervente neuvaine à cette fin et aux intentions suivantes : «Pour la plus grande gloire de Dieu et l'exaltation de notre bien-aimé Père Fondateur. »

Depuis lors, je n'ai plus rien ressenti de ma cruelle infirmité, je me porte mieux que jamais et peux vaquer à toutes mes obligations avec le même entrain qu'à l'âge de vingt ans.

Devant cette guérison merveilleuse et instantanée, sans prévenir les décisions du Siège Apostolique, j'engage fortement tous ceux qui liront cette relation de recourir dans leurs besoins, avec une grande confiance, à l'intercession du Vénérable Champagnat, comme à un puissant protecteur auprès de Dieu.

Oh ! combien tous ces faits extraordinaires doivent fortifier la foi des enfants du Serviteur de Dieu et celle de ses dévots en sa puissante protection ! Combien ils doivent les animer à s'adresser à lui dans leurs nécessités spirituelles et corporelles !

Je dois vous dire en terminant, mon Très Révérend Frère Supérieur, que, par respect pour la vérité, et aussi pour le témoignage que ce document peut apporter à la cause de notre bien-aimé Père, je n'ai rien dit qui ne soit très certain. En outre, si cela était nécessaire pour donner plus de force à ma déposition, grand nombre de nos religieux pourraient se présenter pour attester la parfaite guérison de ma pénible et humiliante infirmité.

Avec ]'accent de la plus vive gratitude je clos cette relation, mon Très Révérend Frère Supérieur, en redisant du fond de mon cœur : Louange, honneur, gloire et remerciements au Vénérable Champagnat.

                     F. Nicétius.

 Burgos, 5 février 1912,.

 

2 – LE FRÈRE FRANÇOIS

V. J. M. J.

                                Notre-Dame de l'Hermitage, le 14 janvier 1912.

Mon Très Révérend Frère Supérieur Général,

Votre honorée Circulaire du 2 février 1911 a bien voulu donner place à un premier rapport sur l'intéressante cause du Vénéré Frère François.

N'y a-t-il pas lieu d'espérer que les membres de l'Institut accueilleront avec plaisir les lignes qui suivent ?

1° Situation de la Cause;

2° Ce qui reste à faire;

3° Vives sympathies pour la Cause;

4° Voix du Ciel en faveur du Serviteur de Dieu;

5° Conclusion pratique.

               1. – Et d'abord où en est la Cause du Vénéré Frère ?

 Grâces à Dieu et à Notre-Dame de Fourvière, depuis l'ouverture du procès informatif, le très respectable Tribunal de l'Ordinaire de Lyon a. entendu, à ce jour, plus de 80 témoins : Prêtres, Frères, anciens Frères, hommes, femmes, presque tous témoins oculaires.

Pour qui sait les difficultés et les lenteurs qui d'ordinaire. accompagnent l'audition des témoignages, ces chiffres prouvent avec quel zèle, avec quelle exactitude les honorables membres du Tribunal se sont acquittés du mandat, à eux confié, le 20 juin 1910, par l'Eminentissime Cardinal Coullié.

Le Vice-Postulateur est heureux d'attester que ces Messieurs du Tribunal, très affairés pour la plupart, ne plaignent ni temps, ni peine et qu'ils laissent tout, s'il le faut, pour la cause. Leur dévouement est d'autant plus admirable que les diverses fonctions du Tribunal diocésain s'exercent absolument « gratis pro Deo ».

C'est assez dire que, dans l'accomplissement de leur mandat, les Révérendissimes membres du Tribunal du Frère François ont acquis les plus légitimes droits à l'impérissable gratitude des Petits Frères de Marie.

Qu'il me soit permis aussi d'adresser un juste tribut d'hommage reconnaissant aux nombreux témoins qui se sont particulièrement empressés de comparaître, et cela souvent au prix de réels sacrifices de temps, de santé et d'affaires.

Pourrais-je enfin oublier les personnes généreuses qui ont bien voulu prouver leurs sympathies pour la cause, jusqu'à la bourse inclusivement ?

A elles aussi l'expression de la plus vive reconnaissance.

        2. – Que reste-t-il à faire pour la cause ?

 Il reste à entendre, en février, les quelques vénérés membres du Régime qui n'ont pu comparaître, et notamment le T. R. F. Supérieur Général, pour le bouquet final des témoignages juridiques.

En mars, comparaîtront les témoins d'office (témoins cités par le Tribunal).

Après l'audition du dernier, le secret sera levé probablement. Suivra la prestation du serment, par les scribes, de copier très fidèlement le procès.

Est-il besoin d'ajouter qu'il faudra, pour cet effet, des hommes bien aptes à cet honorable mais gros et délicat travail.

Enfin, le procès transcrit, il y aura prestation de serment du ou des porteurs du dossier. Puis en route pour Rome !…. Puis, attente du procès de non culte. Puis encore, attente confiante du décret de vénérabilité à l'heure marquée par Dieu.

Il est difficile de dire, en supposant même que tout aille pour le mieux, dans combien d'années nous obtiendrons le décret.

Cela dépend de tant de choses !

On a vu des décrets s'obtenir après quatre ou cinq ans, d'autres après sept ou huit ans.

Le Père Champagnat a attendu le sien près de cinq ans, J.-M. de La Mennais a attendu une bonne dizaine d'années, avant d'être déclaré Vénérable.

Pour l'instruction des témoins du Frère François, il est utile d'ajouter ici que le procès apostolique ne se fait qu'après la déclaration de vénérabilité. Patience donc !

            3. –Que dire des nombreuses marques de sympathies  pour la Cause ?

 Les preuves de tous genres en abondent. Bornons-nous aux suivantes, extraites surtout des lettres au Vice-Postulateur :

a) C'est d'abord un vénérable Père Mariste qui se recommande aux bonnes prières… pour obtenir, par l'intercession du bon et saint Frère François (qu'il a beaucoup estimé) la grâce d'une bonne mort.

b) C'est un grand et pieux chrétien qui ne saurait, dit-il, envoyer trop de félicitations au Vice-Postulateur qui par ses souffrances contribue davantage au succès de la cause du Vénéré Frère François, qu'il ne l'aurait fait par toute son activité et même ses prières. « La croix, ajoute-t-il, est le signe infaillible du succès. »

c) Un honorable instituteur public en retraite (90 ans) faisait connaître en octobre dernier, qu'il récite tous les jours et de tout cœur la prière suivante :

« Père Champagnat et bon Frère François, si vous, avez quelque pouvoir auprès de Dieu, obtenez-nous la grâce d'aimer Jésus, Marie et saint Joseph ; obtenez-nous le pardon de nos péchés et la grâce d'une bonne mort ».

Et il ajoutait : « Je suis convaincu qu'ils sont tous deux au ciel ; aussi tous les jours à ma prière du matin et à celle du soir, et même à un grand nombre d'autres moments du jour je fais cette prière, et cela depuis bien longtemps. »

d)  Un vénéré chanoine théologal de la primatiale de T… prie pour que tous les membres de la chère communauté de l’Hermitage conservent véritablement l'esprit du Vénérable Père Champagnat et du vénéré Frère François qui ont laissé partout, à l’Hermitage, l'empreinte de leurs vertus. Et c'est, dit-il, le meilleur souhait qu'il puisse faire à tous.

Puis il ajoute :

« Oui, oui, prions tous et prions bien, pour que des miracles s'opèrent par l'entremise du Vénérable et du Vénéré et que leurs causes avancent… Ce sera la gloire, la joie et l'avantage de l'Institut, et même des petits enfants, si persécutés, sans qu'ils s'en doutent. »

e) Un prêtre Mariste de Belgique écrit aussi avec son cœur :

« Enchanté de savoir que la cause marche à souhait! Je bénis le bon Dieu que vous ayez eu l'heureuse idée de me faire comparaître. Je resterai toujours très attaché à votre congrégation… J'ai tant de motifs pour cela! »

 Et il poursuit : « Oui, mon très honoré Frère, Marchons bien la  main dans la main, avec le beau nom,  sous l'étendard de notre commune et céleste Mère. »

f) Récemment, au sortir d'une séance plus qu'ordinaire, je remerciais de mon mieux un de nos plus éminents témoins laïques.

« C'est à moi de vous remercier, reprit vivement cet homme de bien, car vous m'avez procuré le très  grand honneur de témoigner pour une si belle cause  et de rendre hommage à ce bon Frère François.: », Et il termina par une chaude et significative, poignée, de main.

g) Un des meilleurs témoins du Serviteur de Dieu formule le vœu suivant

 « Oui, que le bon Jésus et notre commune Mère,  par l'intercession du vénéré F. François, vous bénissent, vous assistent, vous conservent… du moins jusqu'au jour béni où il nous sera donné de dire tous  ensemble :

 Bienheureux Père Champagnat !

Vénérable Frère François ! Priez pour nous !…

Ces deux aspirations, mon Révérend Frère, ne sont-elles pas sur les lèvres de tout Frère Mariste ?

 Encore ce souhait d'une des premières notabilités du diocèse : « Que le bon Frère François vous obtienne pour vous et tout l'Institut les meilleures bénédictions du Ciel ! Tous les jours je le prie et suis heureux de me rencontrer avec vous dans ce rendez-vous pieux. »

                 4. – Après les hommes laissons parler le Ciel.

 Sans préjuger les décisions de l'Eglise, le vice-postulateur est heureux de faire connaître le fait suivant de date récente:

                          Amchit, le 16 décembre 1911.

« Nous avons près de notre maison, écrit le Frère Directeur, un petit hôpital tenu par des religieuses de Saint-Joseph de l'Apparition de Marseille. L'une d'elles était bien malade. La supérieure craignait de  la perdre.

« J'ai prêté à ces bonnes Sœurs des cheveux de notre Révérend Frère François. Elles ont fait une neuvaine, et la Sœur a été immédiatement guérie. Elle a repris ses occupations.

             Signé: Frère Claudien.

                 5. – Quelle conclusion en tirer ?

 Employer, ce me semble, plus que jamais, les moyens propres à obtenir le triomphe de la cause.

Le premier moyen me paraît, sans contredit, de remercier le bon Dieu.

L'accomplissement de nos Règles nous fournit d'incessantes occasions de le faire.

Le second moyen pourrait nous être donné par le Serviteur de Dieu lui-même.

« Une longue expérience m'a appris, disait-il, que  les Règles du lever et du silence sont la base des maisons vraiment religieuses et la source abondante de grâces spirituelles et temporelles. »

Ne nous semblerait-il pas, mon très Révérend Frère, qu'un très sûr moyen d'attirer les bénédictions divines Mr la Cause, serait comme un renouveau d'imitation universelle du Vénéré Frère François dans l'accomplissement spécial de ces deux points, objectifs des efforts de sa vie

1° Lever à l'heure toujours

2° Silence de Règle partout.

Comme notre Vénéré Frère s'en réjouirait dans le Ciel !

Enfin le troisième et facile moyen d'atteindre le but précité me paraît admirablement résumé dans notre acte d'offrande de l'apostolat de la prière.

Prenant pour base les promesses faites par Notre-Seigneur aux personnes réunies pour prier en son nom, comment ne pas concevoir une confiance illimitée en la supplication d'un corps religieux de cinq mille membres qui off re chaque matin, au Cœur de Jésus par le Cœur de Marie : Prières, œuvres et souffrances de la journée, aux intentions de l'apostolat (c'est-à-dire des intérêts de Notre-Seigneur) et aux intentions de l'Institut tout entier ?

Une des premières intentions, un des premiers intérêts de notre Institut, n'est-ce pas de procurer à ses membres des protecteurs officiels ayant appartenu à sa propre famille religieuse ?

1° Le Vénérable et bientôt, il faut l'espérer, le Bienheureux Père Champagnat.

2° Le Vénéré et, sans trop de retard, le Vénérable Frère François.

Quel pressant motif, ce me semble, pour tous d'apporter, surtout en vue de nos chères Causes, une particulière attention à ces mots féconds : Aux intentions de l'apostolat… et de l'Institut.

 Enfin, qu'il me soit permis de terminer par l'adage bien connu :

Aidons-nous ! Et le Ciel nous aidera !

                                                                                                           F. Marie-Junien, V. P.

 FAVEURS ATTRIBUÉES AU FRÈRE FRANÇOIS

                      De G***.

Mon Très Cher Frère,

Pour répondre au, désir que m'a exprimé le R. F Supérieur, je vous adresse la relation d'une guérison obtenue et que j'attribue à N. T. R. S. Général, Frère François, 1ierSupérieur de l'Institut.

 En septembre 1897, je fus atteint d'une maladie qui m'obligea à cesser mon travail et à m'aliter. Je souffrais de douleurs si violentes, que le 'médecin qui me soignait jugea qu'une opération devait être nécessaire. Sur son ordre, je fus conduit à l’Hôtel-Dieu de Lyon où je restai quinze jours. Le Docteur Jaboulay me voyait tous les jours mais ne me parlait de rien. Ces quinze jours furent pour moi quinze années. Il me vint alors à la pensée que notre R. F. S. Général pouvait et devait me guérir. Ma première prière fut adressée au Vénérable Champagnat et au bon Frère François; je ne tardai pas à m'adresser seulement à ce dernier, auquel j'inti­mai l'ordre d'avoir à me guérir sous peine de passer pour un ingrat. « Mon Cher Frère, lui dis-je, je crois vous avoir rendu service durant plusieurs mois, à vous maintenant de faire pour moi ce que j'ai fait pour vous. » A partir de ce moment je n'eus plus qu'un désir, celui, d’aller m'agenouiller sur sa tombe. Je demandai au docteur la permission de, rentrer à G***, où je me croyais­ nécessaire. «Si vous ne pouvez faire autrement, me, dit­-il, allez ! Mais revenez vite à la première douleur que vous ressentirez ». Je quittai l'Hôtel-Dieu, le premier vendredi après la Toussaint. Sortant de l'Hôpital, je voulus aller saluer, Notre bonne Mère de Fourvière. J'eus beaucoup de peine pour y arriver. Je fus même obligé d'abandonner le projet que j'avais fait de faire la Sainte Communion dans l'église de Notre Patronne.

 Après  avoir entendu péniblement une ou plusieurs messes je me disposai à me rendre à Notre Maison­-Mère de Saint-Genis-Laval, où j'arrivai dans la soirée  exténué et ne pouvant plus me tenir debout. Je me mis au lit. Le désir d'aller prier sur la tombe de celui que  j'avais eu la malhonnêteté de traiter comme mon obligé  devint encore  vif. Dès le matin j'allai demander au R. F. Théophane la permission d'aller à l'Hermitage. Cette permission me fut accordée; je devais cependant  en parler au C. F. Assistant de ladite province. Le C. F. Stratonique voulut bien, non seulement m'encourager à faire ce pèlerinage, mais il eut encore l'amabilité de télégraphier pour qu'une voiture m'attendît à la gare de Saint-Chamond. J'arrivai à notre maison à la tombée de la nuit, si fatigué, que je demandai de suite un lit au Frère infirmier. La nuit se passa sans sommeil.

 Le lendemain, dimanche, je me rendis à la chapelle pour y faire la Sainte Communion. Le désir d'aller  prier sur la tombe du Cher Frère François devint si impérieux que je pris à peine le temps de faire mon action de grâces. Je quittai la chapelle à la hâte pour me rendre au cimetière. Je m'agenouillai d'abord sur une tombe que je croyais être celle de mon obligé. Ayant reconnu mon erreur, je me hâtai de rechercher celle que je désirais tant trouver. L'ayant rencontrée, je m'y agenouille. Mais à peine y étais-je depuis quelques minutes que des douleurs atroces me firent croire que ma dernière heure était arrivée Inutile de crier me dis-je !… personne ne peut t'entendre… il faut mourir là. J’étais résigné.

Après un moment d'assoupissement, j'éprouvai le besoin d'uriner. Ayant satisfait ce besoin, je remarquai qu'il n'était sorti que du pus et peut-être un peu de sang.

Je me trouvai mieux. Après avoir encore prié quelques instants sur la même tombe et sur celle de notre vénéré Père, je rentrai à la maison, en suivant le chemin le plus long.

Après la messe de neuf heures, je me rendis à Lavalla et le lendemain à G*** en passant par Saint-Etienne. De la gare, j'allai à pied à Valbenoîte.

Rentré à G*** je me reposai deux ou trois jours et repris ma classe que je fis sans souffrance aucune.

Voilà, mon T. C. F. les détails que j'ai cru bon de vous faire connaître. Puissent-ils servir à glorifier mon cher bienfaiteur.

C'est, tout ce que je déposerai devant le tribunal ecclésiastique quand j'y serai appelé et que j'ai inséré dans cette relation pour servir ce que de droit et pour toute bonne fin.

En foi de quoi, je souscris de ma propre main la susdite relation, écrite en double exemplaire.

A G***, le 27 novembre 1910.

                           P. P.

 II

  ORPHELINAT

" Les Calabrais à la Calabre »,                                                              Le 23 septembre 1911.

 Polisténa (Reggio Cal.)

Le 30 juin dernier, un de nos orphelins, Joseph Forchino, tombait malade, atteint d'une grande fièvre. Le médecin de l'orphelinat, le docteur Amendolea, visita le malade, et ne put pas, tout d'abord, se prononcer sur le caractère de la maladie. Quelques jours Plus tard, on découvrit les symptômes du typhus, mais l'important pour le moment, était de combattre la forte fièvre. Dans ce but des pilules de quinine furent administrées au malade ; mais cela n'empêcha pas la fièvre de se maintenir à 39°. Quinze jours se passèrent sans qu'aucune amélioration fût remarquée. Inquiet, Mgr Morabito envoya chercher un spécialiste, le docteur Professeur Soffré, Directeur d'un hôpital de Naples. Celui-ci ordonna de fréquentes injections de quinine et de métharsol « Bouty ». Alors la fièvre disparut, mais pour un jour seulement, car le lendemain elle remontait au-dessus de 39°. L'état du malade allait empirant de plus en plus. Une nouvelle consulte de trois médecins fut convoquée par Mgr l'Evêque et l'on trouva au malade des symptômes d'infection malarique, de bronchite et de méningisme. Toutes les prescriptions des médecins furent suivies de point en point. Cependant le malade s'affaiblissait toujours davantage; il était devenu presque sourd et ne prononçait que quelques rares paroles le plus souvent inintelligibles. Les remèdes ne paraissaient avoir aucun effet. Le 30 juillet, le docteur ayant tâté le pouls au petit patient dit au Frère infirmier, en haussant les épaules : Continuez à lui donner des soins, mais d'ici à cinq ou six jours le pauvre enfant ne sera plus de ce monde. Le Frère infirmier fit alors appeler le confesseur. Celui-ci trouva l'enfant très mal, il lui parla de confession sans parvenir à se faire comprendre, et il en conclut que le malade avait perdu l'usage de ses sens. Il revint le soir, et, ne trouvant aucun changement, il se résolut à lui donner l'absolution sous condition. Mais, au moment même où le prêtre levait la main pour prononcer la formule sacrée, l'orphelin récita spontanément l'acte de contrition, de sorte qu'il devint possible de lui administrer le saint viatique et l'extrême onction.

Le Frère qui le veillait ce soir-là constata chez lui un état d'abattement tel qu'il ne pensait pas le voir passer la nuit.

Il restait une espérance. C'était de s'adresser au ciel. Une neuvaine au Vénérable Père Champagnat lut proposée ; mais le Frère Directeur suggéra de la faire plutôt au Frère François, de sainte mémoire. Le lendemain, tous les orphelins dans les classes et les ateliers, adressèrent leurs ferventes prières au Frère François, afin d'obtenir la guérison de leur camarade.

Le ciel semblait ne pas écouter les prières des orphelins car le malade baissait encore de jour en jour. Le matin du 8 août, dernier jour de la neuvaine, le& Frères qui le veillaient remarquèrent un changement presque subit, dans son état. Il était tranquille, entendait ce qu'on lui disait et répondait aux questions d'une voix faible, c'est vrai, mais intelligible. La fièvre avait entièrement disparu et comme par enchantement. Le, soir même, le petit Joseph demandait à manger avec une instance à faire croire qu'il allait s'évanouir. Le médecin, après l'avoir visité, déclara que les symptômes des maladies avaient disparu; seul un petit reste de bronchite persistait encore, En conséquence, il prescrivit une alimentation abondante et substantielle. Le convalescent reprit peu à peu ses forces, et bientôt il put se lever. Le premier jour qu'il sortit, notre voisine, qui avait; vu l'orphelin le jour où lui furent administrés les derniers sacrements, disait à ceux qui le trouvaient encore un peu faible : « Ce n'est pas étonnant : il était mort. »

Aujourd'hui, Joseph joue avec ses camarades, rie, chante, gambade et- ne pense pas même qu'il y a  peu de jours à ne tenait à la. vie que par un fil.

Puisse-t-il ne jamais oublier la grâce que nous croyons tous lui avoir été accordée par le Frère François.

Signé: Fr. André-François, Fr. Charles-Alexis, Fr. Ethérius, Fr. Mario, Fr. Tobia, Fr. Charles-Albert, Fr. Giuseppe, Fr. Maria-Abramo. 

Comme médecin traitant, je puis affirmer en toute conscience que les conditions où se trouvait le jeune orphelin Forchino, atteint d'infection typho-malarique, étaient entièrement désespérées : il était sans connaissance et dans un tel état d'épuisement qu'on attendait sa fin d'un moment à l'autre; quand du soir au matin, on l'a vu aller mieux rapidement et en très peu de jours, arriver à la guérison définitive, à notre grand étonnement à nous, médecins, et à celui de tout l'orphelinat, qui le croyait perdu.

              Giuseppe Amendolea.

Vu pour l'authenticité de la signature.

Polistena, 30 octobre 1911.

                          Giuseppe MORABIT0, évêque de Mileto,

                                                     EXTRAIT DU RAPPORT

                                                  du C. F. Michaélis, Assistant Général,

                                                sur son voyage de Délégation en Amérique.

 Très Révérend Frère Supérieur,

C'est le cœur débordant de reconnaissance et inondé de satisfaction que je reviens de la visite de nos provinces espagnoles d’Amérique. Il m'a été donné de constater que notre chère Congrégation est en voie de s'étendre véritablement sur le monde entier; qu’elle est déjà solidement établie dans la plupart des contrées du Nouveau-Monde, et que, sous toutes les latitudes, le disciple du Vénérable Champagnat trouve des éléments de prospérité et un vaste champ d'action pour son zèle. J'ai pu admirer avec un bonheur indicible que partout la Vierge Marie se montre notre Mère, en même temps que chaque jour me manifestait son efficace protection.

Un voyage de treize mois, empruntant les moyens de locomotion les plus divers, est sujet à bien des accidents; néanmoins, par une providence spéciale, rien de fâcheux n'a interrompu le cours de mes visites, et les attentions de la piété filiale m'ont fait oublier la fatigue au point de me trouver en meilleure santé que lors du départ. Après avoir adressé au Seigneur mes plus vives actions de grâces pour tant de faveurs, de tout cœur je remercie les bons Frères dont la prière fervente est souvent montée vers le Ciel à mon intention.

La relation détaillée de cette tournée serait trop longue et n'entrerait pas dans le cadre d'une circulaire aussi T. R. Frère, me bornerai-je à un court exposé de la marche de nos œuvres

Notons cependant en passant qu'on a le plaisir de rencontrer des Confrères dans tous les ports où fait escale le bateau conduisant en Argentine, si on excepte les Canaries. On en trouve à Gênes, Barcelone, Rio de Janeiro et Santos, et partout c'est la même cordialité, le même empressement à l'égard du voyageur, connu ou non, s'il est de la famille mariste.

En outre, les Provinces d'Amérique se rapprochent rapidement. La plus longue étape pour aller de l'une à l'autre serait de 6 jours, si nous avions une maison à Panama, ou si on pouvait compter sur une correspondance directe.

 ARGENTINE

 Nous arrivons à Buenos Aires, grande et belle ville où la fièvre de l'argent produit déjà un mouvement considérable. Les richesses que les voleurs peuvent ravir n'étant pas l'objet de ma mission, le séjour sera de courte durée, malgré l'accueil empressé, affectueux des premiers Frères embrassés sur le sol argentin. Nous avons bien deux écoles dans cette métropole du sud, mais elles sont en vacances et la retraite approche.

Luján. – C'est la capitale des Petits Frères, car là, tout près de la splendide basilique qui s'achève en l'honneur de la Vierge de la Plata, la Ressource Ordinaire de la future province, s'élève un autre Hermitage, le Lavalla d'emprunt des premiers jours n'offrant pas les commodités voulues et devenant insuffisant.

Bien avant de l'atteindre on aperçoit le collège avec sa façade grandiose et ses joyeuses oriflammes, et à côté, la maison de noviciat dont le mois de mai verra l'inauguration; nous ne sommes encore qu'en janvier 1911.

Un salut à la Bonne Mère en passant devant son sanctuaire, puis s'ouvrent les rangs des Frères, Novices, Juvénistes et Pensionnaires au visage épanoui, au cœur vibrant. On est chez soi, en famille comme en Espagne, en Italie, ou autrefois en France, bien que venant pour la première fois.

Emu de reconnaissance, on sent l'action de grâce monter naturellement de son cœur vers Celui qui prend soin des siens avec tant de sollicitude et qui se rit des vains projets des méchants; on redit avec effusion : Toujours, toujours, je veux bénir Marie dont la bonté m'adopta pour enfant.

 a) Le Collège. – Dès la première réunion où se confondent les trois parties de la maison, et où chacune fait assaut de délicatesse, et d'habileté, on peut voir que Ie bon esprit et la joie règnent parmi cette chère jeunesse. – Il compte 150 élèves, dont 120 internes, au lieu du nombre fort restreint que les Frères y trouvèrent il y a peu d'années. Cette augmentation rapide a décidé MM. les Lazaristes, propriétaires de l'immeuble, à l'agrandir considérablement. La bonne éducation qu'on s'efforce d'y donner n'a pas moins contribué que les études sérieuses à gagner la confiance des familles. Deux fois la semaine, avant la sainte Messe, plusieurs prêtres sont à la disposition des enfants pour la confession, et les communions sont assez nombreuses.

N'est-ce pas le moyen par excellence de faire des chrétiens et d'alléger la tâche des. maîtres quelque peu surchargés par suite de la pénurie de personnel ?

b) Le Juvénat. – Cette œuvre indispensable pour le bon fonctionnement d'une province s'est fondée modestement comme le Noviciat, dans un local dû à la bienveillance de M. le Supérieur des Lazaristes. Lors de mon passage il comprenait 32 enfants de 12 à 15 ans avec ceux amenés récemment par le C. F. Bonnal. Venus d'Europe pour la plupart, ils ont dit adieu, tout jeunes encore, aux parents et à la patrie, montrant ainsi qu'on sait être généreux à tout âge; désireux de répondre à l'appel du bon. Dieu, ils s'efforcent d'acquérir par la piété et une application soutenue, les qualités qui font, l'élève exemplaire et préparent le maître accompli. On trouve aussi d'heureuses dispositions chez les petits Argentins, et on espère qu'avec le temps et la grâce de Notre-Seigneur, ils deviendront de dignes disciples du Vénérable.

 c) Le Noviciat. De fondation assez récente, il comptait 16 novices et 3 postulants originaires de France, d'Italie ou d'Argentine. Ce chiffre a augmenté depuis, car une belle vêture plus nombreuse que les deux précédentes réunies, a donné 19 nouveaux membres à, la famille de Marie. La bonne volonté qui les animait tous et leurs efforts pour correspondre au dévouement de leurs maîtres faisaient espérer que bientôt le district aurait en eux quelques-uns des ouvriers apostoliques dont il a besoin pour fortifier son personnel, ou étendre ses œuvres ; car nombreuses sont les populations réclamant des écoles chrétiennes, dans cette prospère République.

d) La Retraite. – Du 25 décembre au 1ierjanvier avait lieu la retraite annuelle donnée avec beaucoup de zèle par un Père Jésuite, et suivie avec un saint empressement par 43 Frères, sur les 54 que comprenait alors le district; les autres faisaient les Grands Exercices ou étaient retenus par le soin des orphelinats. Par le recueillement et la piété qui ne cessèrent d'y régner, il était manifeste que tous voulaient en profiter le mieux possible. Aussi, le jour de la clôture arrivé, quelle joie dans les cœurs, quelles heureuses dispositions dans les volontés; comme chacun reçut avec entière soumission l'emploi confié par l'obéissance ! Commencée sous de tels auspices, l'année 1911 a été excellente, écrit-on, pour l'Argentine.

Plaise à Dieu que la nouvelle soit meilleure encore pour sa gloire et pour les âmes !

LA PLATA. – La visite coïncidant avec les vacances, deux établissements seulement, deux orphelinats qui fonctionnent sans discontinuer avaient encore les élèves : La Plata et Capilla del Señor. Le premier a un aspect un peu militaire; il reçoit ses visiteurs aux accords de la fanfare et fait admirer les évolutions de ses 85 internes, tantôt avec leur uniforme, tantôt avec leur costume de sportsmen. Un spectacle plus beau encore, c'est de voir ces enfants et jeunes gens assister chaque matin à, la sainte Messe avec piété et un grand nombre d'entre eux y faire la communion. L'enseignement est assez pratique; les études primaires alternent avec le travail de l'imprimerie, de la cordonnerie ou du jardin. Grâce à une bonne discipline et aux soins donnés à la formation religieuse, les résultats obtenus par les Frères sont des plus satisfaisants et proclament un grand dévouement.

CAPILLA DEL SEÑOR. – Le petit nombre de Frères employés dans cette maison, non moins intéressante que la précédente, dit qu'ils se dévouent sans compter. Ils sont quatre – pour cent dix internes dont ils ont le souci même pendant les vacances. Un laïque les seconde, il est vrai, pour quelques leçons ; mais ce serait fort insuffisant, s'il ne régnait pas un excellent esprit parmi cette jeunesse.

C'est plaisir de voir ces enfants aller et venir, prendre leur repas, sans que les maîtres aient à se préoccuper de l'ordre ou du silence qui sont assurés par la surveillance de quelques moniteurs. Tous appartiennent à des familles d'origine irlandaise et les sentiments chrétiens qu'ils ont sucés avec le lait, rendent leur éducation plus facile. Naturellement dociles et d'une piété franche, il leur manque cependant le plus doux charme d'une âme candide; on ne les admet pas à la communion fréquente. Les sept vocations sorties de cet asile en deux ans, en font le plus bel éloge.

Autres maisons. – Si je n'ai pas eu l'avantage de voir les élèves dans les autres maisons, il m'a été agréable de constater que les Communautés sont régulières et qu'on s'efforce partout de faire l'œuvre de Dieu.

a) A Buenos-Aires, l'école de Saint-Vincent-de-Paul, pour cinq Frères, ou six quand c'est possible, compte 550 élèves dont une partie vient le matin, une seconde le soir et la troisième pendant la nuit. Celle de La Inmaculada donne l'éducation chrétienne à plus de 250 enfants répartis en six classes, à la satisfaction des Dames fondatrices.

b) A MAR DEL PLATA où, grâce à la générosité de D. Jacinto Peralta, se construit un collège répondant aux besoins du pays, les Frères ont eu la consolation de voir 150 enfants sans éducation chrétienne, s'attacher à l'école et devenir pieux.

MARCOS JUAREZ est arrivée à 150 élèves dont 45 internes. Le zèle des Frères pour la formation religieuse a déjà produit d'heureux fruits chez ces enfants appartenant généralement à des familles de bons propriétaires et qui sont appelés à exercer une certaine influence autour d'eux.

Bien d'autres villes demandent des écoles catholiques. Dieu veuille que nous puissions bientôt en fonder de nouvelles dans ce vaste pays, appelé semble-t-il, à un grand avenir.

 CHILI.

  En 22 heures, le chemin de fer franchit les immenses plaines qui séparent Buenos-Aires du pied des Andes ; il en faut une dizaine pour gravir et redescendre cette chaîne de montagnes jusqu'à Santa Rosa. Cette co­quette petite ville sera le berceau de nos œuvres au Chili. Les Petits Frères y sont déjà connus des Pères Augustins de l'Assomption dont la cordialité égale la vaillance. Avant que vous avez quitté le train ils vous ont aperçu, et immédiatement vous trouvez en eux plus que des amis. Aussi une fondation est bientôt préparée, et quatre disciples du Vénérable Champagnat y offrent leur affection et leur dévouement à la jeunesse un mois plus tard.

La première année scolaire vient de se terminer et les résultats, soit au point de vue religieux, soit sous le rapport des progrès intellectuels, ont dépassé les espérances. On eût même pu craindre que ce fût trop beau pour des débuts, si la Providence n'avait ménagé quelques épreuves qui ne contribueront pas moins à consolider l'œuvre naissante que les louanges des hommes.

 Il serait difficile de rendre l'accueil sympathique fait par Mgr l'Archevêque de Santiago, Mgr le Vi­caire Général et le R. Père Joseph. Avec ces éminents personnages on est à l'aise sur-le-champ, et leur parler d'écoles, c'est les intéresser au plus haut point. Ils sont persuadés que la question de l'éducation est actuelle­ment pour le Chili une question vitale, et que les catho­liques doivent profiter de la liberté laissée par le Gouver­nement pour fonder des centres de formation chré­tienne partout où ce sera possible. Cette nation, comme la plupart des nations de l'Amérique latine, se trouve, par suite d'un réveil intellectuel ou d'un élan accentué vers le commerce et l'industrie, à un moment psycho­logique de son histoire, et les idées dont sera imbue la jeunesse, feront sentir leur influence pendant de lon­gues années. !

Voilà pourquoi l'Episcopat se préoccupe activement de donner des maîtres religieux à la nouvelle génération; nombre de fervents catholiques partagent son sentiment et donnent généreusement pour le seconder. Mgr le Vicaire Général chargé des œuvres scolaires a même pu dire: « Grâce à Dieu, la question des ressources n'est pas un embarras pour nous actuellement »; et Mgr l'Archevêque, au moment de rédiger le contrat pour Santa Rosa de Los Andes a dit : « Entendez-vous avec le Père Joseph, et nous signerons ». Ce bon Père Joseph, aussi estimé que connu dans la capitale, est le Visiteur des Pères Assomptionnistes, dont le zèle entreprenant produit des fruits admirables au Chili. Nos Frères, quoique, récemment arrivés là-bas savent déjà quel généreux ami ils ont en lui, comme Grugliasco conserve un excellent souvenir de-la visite que lui faisait, il y a quelques mois, en quête de nouveaux Frères, Mgr Rucker, Vicaire Général, homme de grand savoir et de vertus apostoliques. Pour satisfaire les paroisses où on peut s'établir dès aujourd'hui, il n'en faudrait pas moins de 50.

Le champ est donc vaste et tout préparé sur cette terre des plus hospitalières, pour exercer l'apostolat de l'enseignement; il n'attend que les ouvriers.

Ici, une objection se présente naturellement. La pénurie des sujets se faisant sentir partout, pourquoi s'étendre encore, en envoyer si loin ? La réponse n'est pas difficile. Les Frères donnés aux pays lointains n'appauvrissent pas une province; le bon Dieu qui les appelle les remplace avec usure. L'offrande de missionnaires est une semence de vocations; il y a aussi des âmes qui demandent cet acte de générosité de quitter la patrie, après avoir laissé la famille. Ne faut-il pas cultiver les nobles et saintes aspirations, l'esprit de sacrifice, et n'est-ce pas prudence de prévoir l'avenir ?

 PÉROU.

 Si on quitte le Chili par Valparaiso, en quatre à cinq jours, on est à Callao, principal port du Pérou et le meilleur de l'Amérique du Sud, sur le Pacifique. A mon arrivée, les Frères venaient d'entrer en retraite à Lima, chez les Pères Rédemptoristes qui se montrent pour eux d'une extrême bienveillance. Faits dans d'excellentes conditions et avec une grande bonne volonté, les saints exercices ont produit des fruits abondants; chacun en est sorti plus déterminé à travailler résolument à sa sanctification et au bien de la jeunesse par le règne de la piété, de la régularité et de la charité.

Le collège de Callao nous a été confié il y a trois ans; il compte huit Frères et les élèves sont arrivés progressivement à 280. On se plaît à reconnaître son heureuse influence en faveur de la religion que le zèle des Chanoines de l'Immaculée-Conception renouvelle peu à peu parmi une population complètement indifférente. Il contribue pour sa part à faire revivre les sentiments chrétiens et les pratiques religieuses presque inconnues depuis longtemps.

Dans l'intention des fondateurs, il était principalement destiné à combattre l'action protestante qui s'exerce par trois écoles largement subventionnées; et, Dieu merci, il remplit ce rôle à la satisfaction générale depuis que les Frères en ont la direction. Leur enseignement est d'autant plus estimé qu'il est nouveau et en rapport avec les besoins de la localité. Mais en poussant leurs enfants pour les sciences profanes, ils s'attachent particulièrement à les former à la piété et à la bonne éducation.

Les résultats obtenus ont gagné la confiance du clergé, comme le témoignent de nombreuses demandes de fondations,notamment celles de plusieurs Evêques. Combien il est à souhaiter qu'on puisse bientôt en réaliser quelques-unes pour faire cesser l'isolement de la Communauté de Callao et donner le pain de l'instruction religieuse à un plus grand nombre d'enfants; il y en a tant qui en sont privés, faute de maîtres chrétiens ! Nous sommes les seuls Frères enseignants au Pérou, et en dehors de Lima, on peut dire que les écoles catholiques ne sont pas connues. Si le Gouvernement ne favorise pas l'école libre par des subventions, comme au Chili, il laisse du moins entière liberté.

 COLOMBIE.

 La région du Cauca où nous sommes établis n'est pas d'un accès bien facile, particulièrement en venant du sud, car il faut aller jusqu'à Panama et redescendre ensuite à Buenaventura. Mais une fois arrivé, volontiers on y dresserait sa tente, captivé par la beauté de la nature et la sympathie de ses habitants. En voyage, il faut renoncer, il est vrai, à la rapide locomotive pour devenir cavalier, mais cela rompt la monotonie, et avec des mentors expérimentés on y trouve presque de l'agrément une première fois.

Grâce à Dieu, cette chère Province n'offre plus le sombre tableau des années de révolution dont le dernier numéro du Bulletin esquissait quelques traits.

Aujourd'hui c'est la vie, c'est l'entrain, c'est une sainte émulation pour le bien de la jeunesse et le développement de nos œuvres, grâce à une impulsion non moins intelligente que courageuse. Et pourquoi n'ajouterais-je pas, que la prospérité matérielle sourit aussi, par les soins de l'administrateur infatigable qui lut le soutien des mauvais jours ?

Animés d'un esprit bien mariste et estimés de ces populations pour la plupart encore simples et chrétiennes, nos Frères ont là-bas une belle et intéressante mission qu'ils remplissent avec un dévouement digne d'éloges.

Une peinture de la réception généralement faite aux Supérieurs quand ils visitent une maison de la Province ne serait certainement pas sans intérêt.

On y montrerait d'abord des éclaireurs les découvrant au moins à une demi-journée de distance; puis un bataillon de 50 à 100 petits cavaliers, à la tête duquel se trouvent parfois les autorités, souhaitant la bienvenue; tout ce monde caracolant à qui mieux mieux, malgré une boue profonde et par des endroits qui n'ont souvent de chemins que le nom; cette joyeuse cavalerie entrant ensuite en bon ordre dans la ville attentive et se rangeant dans la cour principale de l'école, artistement décorée pour la circonstance; enfin un jeune orateur déclamant un discours pathétique auquel le visiteur répond par quelques mots de remerciement. Si à cela vous ajoutez les accents d'une musique et les détonations des pétards, il ne manquera qu'une averse torrentielle qui n'émeut d'ailleurs personne, pour avoir le tableau assez complet. Mais cette peinture a-t-elle place dans un rapport qui doit exposer sommairement, au risque d'âtre sec ?

Cali. – Nous avons quatre œuvres distinctes dans cette ville, la principale de la vallée et qui se rapproche de Buenaventura, à mesure que s'allonge la ligne de chemin de fer commencée depuis un quart de siècle.

a) Le Collège Saint-Louis, 4 Frères. – C'est une école payante fondée pour combattre l'influence du collège officiel d'enseignement secondaire autrefois dirigé par les Frères, mais qui ayant été abandonné à l'époque de la guerre, est devenu un foyer de « libéralisme ». Une centaine d'enfants des meilleures familles fréquentent l'école Saint-Louis. Bien disciplinés et pieux, ils donnent pleine satisfaction par leur bonne conduite et leur application. Il est à souhaiter qu'en développant les programmes on puisse les garder jusqu'à un âge plus avancé, afin qu'ils soient moins exposés ensuite à perdre les sentiments religieux qu'on leur inculque.

b) L'École San Antonio. – Ecole publique et gratuite où 7 Frères se dévouent à la formation chrétienne de 360 enfants du peuple. Leur enseignement est apprécié, aussi dès les premiers jours de la rentrée, les 5 classes sont au complet. Animés d'un excellent esprit, pieux et attachés à leurs Maîtres, les élèves montrent qu'on soigne leur formation chrétienne en les instruisant des connaissances élémentaires.

c) L'École d'arts et métiers. – Deux Frères y forment quelque 80 élèves à la menuiserie et à la serrurerie, en complétant leur instruction primaire. Bien qu'elle n'ait encore qu'une installation rudimentaire, il en est déjà sorti quelques bons ouvriers connaissant leurs devoirs de chrétiens, et chaque année elle prépare avec soin un nombre d'enfants relativement élevé à la Première communion. C'est une œuvre pratique pour un pays où l'industrie est peu développée.

d) Le Pensionnat de Yanaconas. – Situé sur une hauteur dans une propriété de 2.000 hectares environ, à quelque deux lieues de Cali, c'est un site pittoresque des plus favorables aux études. On y donne l'enseignement secondaire et l'établissement jouit de l'incorporation officielle, c'est-à-dire qu'il a le droit de délivrer le baccalauréat à la fin des cours réglementaires.

Dans une séance aussi éducative qu'intéressante un groupe d'élèves de chacune des villes de la riche vallée du Cauca a fait ressortir avec un enthousiasme charmant les beautés de son pays en même temps que son attachement à son cher collège. Il est doux et édifiant de voir chaque matin ces enfants et jeunes gens, au nombre de 75, assister pieusement à la messe et faire la sainte Communion en grand nombre. Le zèle de M. l'Aumônier, si bien identifié avec la maison, leur donne toute facilité, il est vrai. A la physionomie ouverte, docile et appliquée, cette jeunesse montre les meilleures dispositions et promet de mettre plus tard son influence sociale au service de la bonne cause. C'est une élite qui donnera des champions de la foi d'autant plus décidés que la trempe sera plus foncièrement chrétienne.

La Communauté comprend 12 Frères, dont 8 pour le pensionnat, 3 pour la ferme, et le cher Frère Claver qui continue son apostolat en offrant au bon Dieu, pour la prospérité des œuvres, la paralysie qui l'immobilise.

Jusqu'à la fondation du collège, la propriété ayant été presque abandonnée il faut encore quelque temps pour la mettre en plein rapport.

Popayán. – Un petit escadron du Collège San Luis nous accompagne à la sortie de Cali, et en moins de quatre jours Popayán apparaît. Nous sommes au cœur de la Province, cet établissement comprenant Noviciat, Juvénat et une Ecole importante. Population catholique, sympathique aux Frères et centrale pour la région que nous occupons, les œuvres de formation s'y trouvent bien placées.

Rien n'a manqué à la réception, pas même l'orage traditionnel ici. A cette occasion les Autorités ecclésiastiques et civiles, ainsi que les notabilités ont tenu à témoigner leur estime pour la Congrégation et la confiance que leur inspirent les Frères; toutes étaient présentes à la petite séance de fort bon goût donnée par les enfants de l'école. M. le Gouverneur, en particulier, met volontiers les Frères à contribution pour un conseil ou une entreprise qui ne sort pas de leur cercle d'activité. Ainsi, il les chargera d'organiser une exposition et nommera le Frère Directeur président d'un jury et le Frère Sous-Directeur membre d'un autre.

Mgr l'Archevêque n'est pas moins bienveillant; il confie aux Frères l'administration de la chapelle publique faisant partie de l'ancien couvent qu'ils habitent et participe à leurs fêtes. C'est dans cette chapelle que se fait le plus beau mois de Marie de la ville, avec sermon chaque soir, chants harmonieux et une assistance nombreuse.

a) L'École. – Publique et gratuite, elle compte 9 classes qui reçoivent dès l'ouverture les 570 élèves qu'elles peuvent contenir. Les pauvres s'y confondent avec les riches, les écoles primaires payantes n'y étant pas encore connues. D'un caractère avenant, docile, ce petit monde se montre pieux et répond aux soins dévoués de ses Maîtres. Une belle fête des plus édifiantes le mettait en joie le jour de l'Ascension; 180 enfants s'approchaient pour la première fois du Banquet Eucharistique. Mgr l'Archevêque, qui officiait matin et soir, leur adressa des paroles empreintes de la plus paternelle sollicitude.

Sur les instances du Gouvernement on commence l'installation des ateliers. Celui de reliure exécute déjà de jolis travaux, et le C. F. Directeur, actuellement en Europe, est chargé de prendre des renseignements et de faire des achats en vue de développer l'industrie du pays.

b) Le Juvénat. – Il est maintenant bien organisé quoique peu nombreux encore, à cause de l'exiguïté du local et des ressources qui, jusqu'à ces dernières années, furent assez limitées. La Providence vient de pourvoir à son développement, et bientôt, nous l'espérons, les 37 Juvénistes actuels auront doublé. Par leur piété, leur docilité et leur application à l'étude, ils prouvent un sincère désir de devenir de bons Petits Frères, et diverses compositions des mieux réussies, ont montré leurs progrès dans les connaissances profanes. Deux excellents professeurs de l'université veulent bien leur enseigner la philosophie et l'anglais, en vue des examens. A en juger par la belle messe qu'ils ont exécutée à la cathédrale, le jour de Pâques, de concert avec le Noviciat, ils peuvent concourir avec les autres Juvénats pour le chant, comme pour d'autres matières. Si, à l'exemple de Saint Bernard, ils s'efforcent de réaliser la devise « Pieux comme un moine, pur comme un ange et vaillant comme un chevalier», selon leur promesse, nul doute que la Bonne Mère ne les comble de particulières bénédictions.

c) Le Noviciat. – Complètement anéanti pendant les années de troubles, il s'est relevé peu à peu; et aujourd'hui, sans suffire encore aux besoins de la Province, il compte 18 novices ou postulants dont les bonnes dispositions sont un gage de persévérance. Pour hâter le succès des causes du Vénérable et du Révérend Frère François, ils ont entrepris une croisade de prières et de sacrifices qui produit d'heureux résultats et montre leur affection pour l'Institut. Comme les Juvénistes, ils sortent en général des écoles de nos Frères qui, pour la plupart, méritent des félicitations au sujet du recrutement.

Occupant le même local que l'école et le Juvénat, local qui appartient au Gouvernement, le Noviciat manquait d'indépendance; mais grâce à la bienveillance de Mgr l'Archevêque, qui veut, dit-il, attacher les Frères à son diocèse, et que nous ne saurions trop remercier, on lui prépare un asile qui offrira toutes les conditions requises pour une maison de formation. Bénissons la divine Providence ! Quand, pour diverses raisons, le Noviciat ne peut pas fonctionner, la mort épargne la Province, car voilà près de dix ans qu'elle n'a pas eu de décès; et lorsque l'espace devient étroit pour les vocations, un Pasteur généreux et dévoué résout la nouvelle difficulté.

Bolivar. – Il n’est guère possible de raccourcir les trajets ; celui de Popayán à Bolivar est toujours d'environ quatre jours, mais le compte rendu peut être plus bref, pour ne pas rendre cet exposé trop long.

Ici, la réception est tout à fait officielle ; le Préfet, le Président du Conseil municipal, le remplaçant de M. le Curé absent, accompagnent les Frères et leurs élèves; le Secrétaire fait le premier discours, etc. L'école est publique; quatre Frères y enseignent le chemin du Ciel et les connaissances élémentaires à plus de 200 enfants dont la piété et la docilité font leur consolation. Il n'y a pas d'autre école depuis quelques années, sa rivale ayant dû fermer par disette d'élèves. L'inauguration du portrait d'un héros Colombien et une belle fête religieuse à l'église pour la bénédiction d'une statue de l'Enfant Jésus de Prague marquèrent la visite.

Pasto. – On franchit tous les accidents de terrain et tous les climats pour arriver dans cette ville du Sud, catholique entre toutes. Le mauvais état des chemins n'empêche pas un vaillant bataillon de venir à notre rencontre, et la réception n'est pas des moins chaleureuses. La population est très sympathique aux Frères dont l'école et les fêtes sont de tout le monde, et les Autorités manifestent leur bienveillance; toutes étaient présentes à la séance fort intéressante donnée par les élèves.

Faute d'espace on ne reçoit que 600 enfants, des 800 qui se présentent généralement à l'ouverture des cours. Ils sont partagés en 9 classes, sans distinction de riches ou de pauvres et se font remarquer par leur docilité et leur application.

Chaque jour, de bon matin, à 6 h. 30, ils arrivent pour la Messe, et c'est un spectacle des plus édifiants d'en voir régulièrement de 150 à 180 s'approcher de la Sainte Table, grâce au dévouement des Pères Jésuites qui desservent l'église attenante à l'école.

Une confrérie de l'Enfant Jésus de Prague contribue aussi à entretenir la piété et le bon esprit.

Le Caqueta (Santiago et Sibundoy). – Ces noms sont déjà assez connus, mais on connaît moins les transformations qui s'opèrent d'un jour à l'autre dans ce pays, par les travaux des Pères Capucins et des Frères, qui relèvent seulement du Gouvernement central.

Ce sont eux qui construisent les chemins, tracent les villages, enseignent à cultiver la terre, à élever les bestiaux, en même temps qu'à prier et à servir le bon Dieu.

Guidés par le R. P. Fidèle, Préfet apostolique, qui donne toujours l'exemple du courage et du dévouement, ils accomplissent une œuvre d'évangélisation magnifique. Les petits Indiens viennent maintenant volontiers à l'école; ils sont dociles et ne manquent pas d'intelligence. On leur apprend non seulement le catéchisme avec les matières élémentaires, mais encore le travail manuel qui répugne naturellement aux adultes.

Pour cela, le R. P. Préfet, qui a toute autorité, en dehors du terrain cédé aux Frères, a donné une propriété à l'école. Là, les enfants s'exercent à bêcher, labourer, semer, etc. ; quelques-uns font leur apprentissage à la menuiserie. Dans leur petite séance, ils ont montré qu'ils sont susceptibles d'éducation, et la belle et pieuse première Communion de Sibundoy fut admirable pour les chants, l'ordre et le recueillement.

Les six Frères de cette mission ont eu leurs peines en commençant, mais une fois l'installation terminée, ils n'auront rien à envier aux autres établissements, et déjà même, ils bénissent le bon Dieu de la part qui leur est échue.

Tuquerres n'est pas éloigné de Pasto à vol d'oiseau, mais à cause du ravin de quelque 2.000 mètres qu'il faut traverser pour atteindre son altitude de 3.200 mètres, une grosse journée n'est pas de trop pour y arriver. Dans ce trajet, après une chaleur torride, on trouve le froid. L'école est prospère; elle compte 325 élèves; il y a bien de quoi occuper cinq Frères; mais leur docilité rend la tâche plus facile. Pendant le mois de Marie ils priaient avec recueillement et offraient gracieusement leur cierge à la Vierge Immaculée. Un mérite particulier de cette école c'est d'avoir donné de nombreuses vocations et plusieurs bons instituteurs aux villages des environs. Je ne puis non plus passer sous silence l'offrande d'une riche médaille en or, artistement travaillée,- portant d'un côté l'effigie du Vénérable, et de l'autre, les armes de la Colombie.

Pupiales. – Le Bulletin a dit comme toute la population de ce bon pays a voulu contribuer à la construction de l'école ; on ne sera donc pas étonné que la visite d'un Supérieur soit une fête pour tout le village. Le premier jour ce fut la fête religieuse avec communion générale, messe solennelle, sermon et procession, et le second, une séance intéressante réunissait une grande partie des habitants. Tous les enfants du pays fréquentent l'école; avec quelques jeunes gens des environs, ils donnent le chiffre de 165, divisés en 4 classes. Par leur piété, leur docilité et leur application, ils satisfont pleinement leurs maîtres.

Le juvénat préparatoire qui s'y trouvait, vient d'être transporté à Popayán.

Santander. – Quoique la population ne soit pas des plus chrétiennes, les Frères ont la majorité des enfants et sont bien vus. Leur tâche est un peu plus ardue, mais ils s'efforcent aussi de faire le bien parmi ces 210 élèves qui leur témoignent assez d'attachement et de bonne volonté.

Palmira. – Le local est des plus commodes, particulièrement pour les classes qui ne présentent pas partout les conditions régulières. Une communauté de sept Frères se dévoue à la bonne formation de 310 élèves partagés en cinq classes. Ces enfants ont bon esprit et répondent aux soins qu’on leur donne.

Buga. – Il y a un collège payant et une école publique. Le Collège compte 85 élèves parmi lesquels des jeunes gens assez avancés. Ils sont pieux, appliqués et attachés aux Frères. On y a fondé une association de la jeunesse catholique qui promet d'excellents résultats. Sa séance littéraire avec projections était digne de félicitations.

L'École forme une communauté séparée de la première. Elle compte quatre classes et 245 élèves qui répondent aussi au dévouement de leurs Maîtres par leur docilité et leur application. Un cercle ouvrier est le complément de l'école. L'esprit chrétien qui l'anime se manifesta dans une réunion où il y eut discours, conférences et projections. C'est une œuvre excellente qui peut faire beaucoup de bien. Le bienveillant dévouement des R. P. Rédemptoristes favorise grandement les efforts des Frères pour la formation religieuse.

Cartago. – La population est assez sympathique aux Frères. L'école qui est publique a 280 enfants; c'est-à-dire la grande majorité. Ils sont répartis en cinq classes et font preuve de bonne volonté, mais il manque la réception fréquente des sacrements, pour assurer leur formation chrétienne.

Santa Rosa. – Quels chemins grand Dieu, pour y parvenir ! Et cependant on dit qu'ils sont bons ! Heureusement les gens sont meilleurs. C'est presque une communauté que M. le Curé dirige à son gré. L'école est libre et payante, sinon, elle aurait tous les enfants, au lieu de 80. Si le nombre est petit, la qualité compense. MM. les Lazaristes, pleins de bienveillance pour les Frères, y ont un séminaire florissant.

Manizales – C'est -une capitale de département où nous avons un collège payant. Fondé depuis quatre ans, il fut d'abord assez prospère, mais diminua ensuite pour divers motifs. Le bon esprit qui anime aujourd'hui ses 90 élèves, les études sérieuses qui s'y font et dont nous avons pu juger par un examen d'honneur ainsi que le dévouement des Frères font espérer une prompte augmentation et la réalisation des désirs de Monseigneur, qui s'intéresse beaucoup à l'œuvre.

Ibagüé. – Il faut franchir la cordillère des Andes par un des passages les plus redoutés, le Quindio, pour y arriver; mais la Sainte Vierge veille sur nous, et le voyage est excellent. L'école est publique et réunit 350 élèves. Après quelque temps de lutte elle est devenue prospère et a obtenu le cours supérieur officiel. Dociles et attachés à leurs maîtres, les enfants font bonne impression. Une œuvre de jeunesse dont on jette les fondements, favorisera leur persévérance, en augmentant l'influence des Frères pour le bien. C'est un surcroît de travail, avouons-le, pour une communauté de six, surtout lorsque la classe du soir s'ajoute à celle du jour; mais les Apôtres comptent-ils la fatigue quand il s'agit de garder les jeunes âmes à Notre-Seigneur Jésus-Christ !

Nous étions à Ibagué le jour de la fête nationale du Sacré-Cœur. Quel spectacle édifiant nous eûmes le soir, à la cathédrale. Après la procession du Saint Sacrement, l'Evêque consacrait son diocèse, le Gouverneur sa province et le Maire sa commune au divin Cœur de Jésus. Chrétienne Colombie, reste fidèle à cette belle pratique; elle sera une sauvegarde pour ta foi et tes frontières.

 MEXIQUE.

 La peine de quitter nos bons Frères de Colombie est tempérée par la pensée de revoir bientôt le cher Mexique où lutte aussi une vaillante phalange Mariste. Sans contretemps, ce serait une promenade pour s'y rendre avec arrêt à Panama, Kingston et La Havane. Mais à la première escale un impitoyable Yankee nous condamne d'abord à quatre jours de quarantaine; parce qu'il n'y en a pas six que nous sommes en mer. Patience, on n'est pas tant mal sur cet îlot où il ne manque que la liberté; et le R. P. Visiteur des Rédemptoristes ne tarde pas à venir nous tenir compagnie. Une fois déclaré inoffensif, pas de bateau avant cinq jours. Heureusement il y a une maison de la Mission à Panama. Là, MM. les Lazaristes nous donnent la plus cordiale hospitalité dans une habitation agréable et saine. Pour quiconque est familiarisé avec le soleil des tropiques, la visite des gigantesques travaux du canal est aussi une distraction fort intéressante. Mais ne nous attardons pas pour aller à Colon et prendre le bateau pour Cuba qui dépend de la Province du Mexique.

Quoique plus étendue que celle de Colombie, cette Province est plus facile à visiter, toutes les villes de quelque importance étant reliées par le chemin de fer, sauf de rares exceptions, et les parties séparées par la mer ayant des services de bateaux réguliers et fréquents.

Malgré la révolution que le pays vient de traverser, nos maisons, Dieu merci, n'ont nullement été inquiétées; les classes ont partout suivi leur cours comme en temps ordinaire, et d'après les derniers renseignements, la nouvelle période scolaire s'annonce plus prospère encore que les précédentes.

Les lois sont toujours hostiles aux religieux, il est vrai, mais depuis bien des années, on ne s'en préoccupe que médiocrement. Les populations, au centre surtout, sont foncièrement catholiques et sympathiques aux communautés qui y sont devenues nombreuses. Que fera le nouveau Gouvernement ? Dieu seul connaît l'avenir mais ses premiers actes semblent plutôt promettre assez de liberté.

Plus de deux ans se sont écoulés depuis l'adieu à cette Province, mais rien n'est changé ni dans l'esprit, ni dans les cœurs. C'est toujours la bonne volonté, la respectueuse soumission, le dévouement des enfants de la famille ; mais on peut noter un développement progressif des œuvres dans leur ensemble, et en particulier des œuvres de formation, sous l'influence de la bonté, unie à une activité infatigable.

 CUBA.

 Nos deux établissements sont en vacances à mon arrivée et les Frères se disposent à la retraite. Elle a lieu chez les Pères Jésuites, dans une maison où rien ne manque pour la bien faire. Les 9 retraitants entrent avec ardeur dans les saints exercices et les continuent avec édification, chacun voulant faire ample provision pour la nouvelle étape. De généreuses résolutions les ont couronnés et les heureux commencements de l'année semblent en être le fruit.

Cienfuegos. – Après des débuts assez pénibles, ce collège s'est fait peu à peu une réputation par son enseignement pratique et le dévouement des Maîtres. Aujourd'hui, il compte 150 élèves dont une vingtaine d'internes, et son local est devenu trop étroit.

A cause du milieu où vivent ces enfants leur formation chrétienne est assez difficile; mais si le zèle des Frères n'obtient pas tous les résultats désirés ils constatent du moins une amélioration et ont chaque année la consolation d'en voir un certain nombre faire leur première Communion dans d'excellentes dispositions.

Remedios. – Grâce au zèle des Pères Franciscains qui nous ont aidés dans la fondation du collège, il y a plus de religion dans cette ville que dans bien d'autres endroits. Les Frères y sont assez appréciés et leurs 80 élèves les contentent par leur bon esprit et leur application, en même temps que leur exemple contribue à fomenter la piété dans la paroisse.

Très abandonnée pendant longtemps, sous le rapport religieux, la population de Cuba est des plus indifférentes. Depuis la fondation de nouveaux évêchés et de quelques collèges catholiques, on aperçoit un réveil de l'esprit chrétien; mais combien il reste à faire, et qu'il est important de bien former l'enfance pour obtenir une régénération.

Yucatan. – Cette torride presqu'île est assez rapprochée de Cuba; on y va en un jour et demi. Les Frères, réunis au Télar, viennent d'entrer en retraite.

Ils sont 42 absorbés dans la prière et la réflexion, sans trop se soucier de la chaleur. Faits avec une ferveur soutenue, les exercices rénovateurs se terminent le jour de l'Assomption, dans la sainte joie, parce que les cœurs sont unis intimement à Jésus dont la présence épanouit et réconforte. Quelqu'un manque cependant à cette fête de famille; c'est Mgr l'Archevêque qui chaque année, en cette occasion, vient passer quelques heures avec les Frères et leur adresse de paternelles paroles d'encouragement. Il est en Europe, mais son souvenir est présent à tous.

Mérida. – Nous avons trois maisons dans cette capitale de province; ce sont trois écoles gratuites dont l'une est annexée à l'école d'arts et métiers. Toutes sont soutenues par de généreux Bienfaiteurs qui, comprenant l'importance de l'éducation chrétienne, secondent volontiers par des largesses les intentions de leur vénéré Pasteur.

a) Le Télar. – Dans le même enclos que le « Colegio San José » où se forment à la piété et au travail une cinquantaine d'internes et dont le dernier numéro du Bulletin a parlé en détail, se trouve l'externat « San Rafael ». Fréquenté par 200 élèves auxquels quatre Frères donnent leurs soins dévoués, ils profitent aussi des libéralités et de la tendre sollicitude de M. l'Aumônier. La plupart des enfants qui en sortent entrent ensuite dans une Association Catholique de la paroisse.

b) San Juan. – La Communauté compte également quatre Frères qui travaillent de leur mieux à la formation de 150 enfants. L'incomparable dévouement de M. l'Aumônier du Télar, Secrétaire Général de l'Archevêque, leur est d'un grand secours pour faire aimer les pratiques religieuses. Chaque année on y prépare un certain nombre d'élèves de l'école nocturne à faire une bonne Première Communion.

c) Santa Ana. – Située dans un des quartiers les plus sains et dotée d'un local excellent, cette école reçoit près de 200 élèves qui occupent suffisamment leurs quatre Maîtres, mais les dédommagent de leurs généreuses sueurs par beaucoup de docilité et de piété.

Motul. – Œuvre d'une Dame charitable de Mérida qui en supporte tous les frais, cette école,  fort bien installée, a eu ses alternatives de prospérité et de déclin. Aujourd'hui sa marche est des plus satisfaisantes avec ses 150 élèves donnant satisfaction aux quatre Frères qui se dépensent sans compter pour eux. On se plaît à dire qu'elle a fait beaucoup de bien dans le pays.

Ticul. – C'est l'établissement le plus récent, il a été fondé par Mgr l'Archevêque pour combattre l'influence protestante qui se faisait particulièrement sentir dans cette population. Avec la protection de la Sainte Vierge, les religieux efforts des quatre Frères ont obtenu de bons résultats parmi leurs 160 élèves.

Campêche. – Le collège de cette ville fut fondé à la demande de Mgr Mendoza, actuel Archevêque de Durango, qui avait déjà appelé nos Frères à Zamora, et avec le concours de M. Alfred de Régil. Quoique peu chrétiennes, les familles estiment les quatre Maîtres qui se sacrifient pour l'instruction de leurs enfants. Les 125 élèves qui fréquentent cette école ont beaucoup gagné sous le rapport religieux et font preuve de bon esprit et d'application.

Valladolid, Espita et Maxcanu sont des Maisons de trois Frères, ayant respectivement 120, 100 et 135 élèves qui répondent avec docilité à la sollicitude de leurs Maîtres.

Un des meilleurs témoignages en faveur de la formation religieuse dans ces écoles, est celui des nombreuses vocations ecclésiastiques qui en sont sorties; elles forment actuellement plus des deux tiers du Séminaire.

 MEXIQUE CENTRAL.

 Le bateau qui fait le service de Cuba au Yucatan conduit aussi, et à peu près dans le même temps, du Yucatan à Vera Cruz, principal port du Mexique. Bien des fois on a demandé une fondation pour cette ville complètement dépourvue de collèges catholiques, mais faute de personnel, elle attend encore. De là, on est à Mexico en 12 heures, après avoir traversé les sites les plus pittoresques.

Tous les Frères de la- capitale, au nombre de 45, sont réunis à la Perpétua, le collège central. Quel bonheur de les revoir tous en bonne santé, toujours animés de sentiments bien Maristes. Néanmoins le séjour sera de courte durée; on nous attend à Jacona où se terminent les Grands Exercices.

Jacona. – C'est là, dans un bouquet de, verdure, au pied d'une colline, sur le bord d'un ruisseau, à l'ombre du Sanctuaire de Notre-Dame d'Espérance, que la Providence, par l'intermédiaire de trois généreux Bienfaiteurs, a offert aux Frères, pour leurs œuvres de formation, un asile spacieux et commode qui ne grève pas le budget.

Au milieu d'une population simple et religieuse; à proximité d'une ville assez importante et de facile accès; au centre des vocations, il était difficile de trouver mieux.

C'est bien la Sainte Vierge qui l'a choisi, comme autrefois l'Hermitage dont on s'efforce d'y faire revivre l'esprit et les traditions. Le Bulletin a déjà dit quelque chose de l'atmosphère de piété, d'affectueuse soumission, de saint enthousiasme qu'on y respire et des développements que prennent les différentes parties de cette maison formant une vraie famille.

a) Les Grands Exercices. – Ils se terminaient pour 23 Frères dont 9 allaient prononcer leurs vœux perpétuels. Donnés par un Père Jésuite dévoué et de grande vertu, ils se sont faits avec beaucoup de recueillement et de ferveur. Le jour de la clôture fut un de ces jours de vrai bonheur qu'on trouve seulement au service du bon Dieu. Les nouveaux Profès firent leur consécration définitive avec la générosité de jeunes âmes résolues de combattre jusqu'à la fin sous la bannière de Marie, et les autres renouvelèrent avec non moins d'ardeur leur serment d'être à Jésus à la vie et à la mort.

b) Le Juvénat. – Béni par la Sainte Vierge, il prospère au-delà de ce qu'on aurait osé espérer tout d'abord. MM. les Curés, en général, s'intéressent à l'œuvre et secondent le dévoué Recruteur pour l'alimenter, comme plusieurs établissements ont fourni de bonnes vocations. Il compte une cinquantaine d'enfants dont les dispositions font plaisir. Pieux, dociles, ardents au travail et au jeu, ils n'ont qu'un désir, celui d'être admis bientôt dans la Congrégation du Vénérable Champagnat qu'ils aiment déjà sincèrement. Tous sont Mexicains et quoique jeunes, prêts à aller partout pour répondre à l'appel de Notre-Seigneur.

c) Le Noviciat. – Jamais il n'avait été si nombreux 22 jeunes gens de 17 à 20 ans et plus le composent. Et quel bon esprit, quel entrain, quelle émulation parmi eux pour travailler à devenir de bons religieux éducateurs. Comme on aime à les voir prier dans cette chapelle si pieuse et si belle aux jours de fête, dans sa simplicité. Le célébrant, M. le Curé de Tapalpa, avait six de ses paroissiens parmi cette heureuse Jeunesse, et un autre vénérable ecclésiastique avait deux de ses neveux. Peu après, ils étaient tous remplacés par de nouveaux postulants.

d) L'Ecole. – Elle est gratuite et fréquentée par 110 enfants dociles et assez pieux qui communient en grand nombre chaque semaine. On leur apprend les matières élémentaires, et les Jeunes Frères vont se former avec eux à la pratique de l'enseignement sous la direction d'un maître expérimenté.

Guadalajara. – Ville très catholique qui a été le berceau de cette Province. Le collège a passé par des phases diverses. Actuellement il est en pleine prospérité avec ses 220 élèves bien disciplinés. Affables, dociles et se portant volontiers aux pratiques religieuses, ils donnent de grandes consolations. A l'enseignement primaire et commercial, on se propose d'ajouter l'enseignement secondaire, afin de garder les élèves plus longtemps. Le local fera défaut, mais on compte sur la Providence. On a la consolation de voir les Anciens Elèves rester attachés aux Frères et leur faire honneur par leur conduite. Ici, faisons remarquer qu'en dehors du Yucatan, toutes les maisons, excepté deux, ont leur chapelle et un Aumônier, et chaque matin les élèves assistent à la Sainte Messe.

Léon. – Comme dans plusieurs autres endroits, il y a d'abord fête religieuse et communion générale à notre arrivée. Ce collège a été plus nombreux autrefois, mais on peut espérer une augmentation, vu le bon esprit, la piété et le travail de ses 110 élèves, dont 72 internes. Chaque jour 30 à 35 d'entre eux font la sainte Communion et tous montrent de l'attachement pour leurs maîtres. Si la maison est un peu écartée du centre,' on ne peut désirer mieux, comme local et dépendances.

Monterrey. – Située vers le nord, cette population n'est pas des plus religieuses. Néanmoins les Frères sont estimés et ont les enfants des principales familles dont plusieurs ont contribué à la fondation du collège. Les élèves approchent de 200. Ils sont bien disciplinés, et il y a lieu d'être satisfait de leur bon esprit et de leur application. Les Frères des Ecoles Chrétiennes s'y étant aussi établis quelque temps après nous, le développement est plu& difficile.

Mexico. – Nos œuvres sont prospères, dans la capitale. Nous avons deux maisons à l'intérieur de la ville : celle de la rue Perpétua et celle de la rue Puente Alvarado, et deux dans la banlieue : Tacubaya et Tlalpam.

R. Perpétua. – Les débuts de ce collège qui occupe l'ancien archevêché furent assez lents, mais ses progrès ont été constants. Il compte aujourd'hui 400 élèves, et on vient de louer un autre local, en prévision de l'augmentation qui s'annonce. On y donne l'enseignement primaire et secondaire, l'enseignement commercial étant laissé à l'autre collège. Appartenant généralement à des familles chrétiennes, les enfants sont assez faciles à conduire et s'approchent volontiers des sacrements. De bonnes études et le dévouement des Frères ont fait la réputation de cette maison.

R. Puente Alvarado. – C'est aussi un externat ouvert récemment, quand on dut fermer l'internat de Popotla, à la suite d'un tremblement de terre. Bien situé, il arrive en quelques mois à une centaine d'élèves dont on est fort satisfait, et on espère qu'il ira progressant rapidement. Un pensionnat près de Mexico est appelé à donner de bons résultats, comme l'a montré celui de Popotla qui en peu de temps avait 150 élèves et où régnait un excellent esprit de piété et de docilité. Aussi, a-t-on projeté d'en installer un. Plaise à Dieu qu'il soit bientôt une réalité.

Tacubaya. – Ecole gratuite entretenue par une fondation et établie dans un vaste et agréable local. Elle donne l'éducation chrétienne à 350 enfants de la classe moyenne, bien disciplinés, assez pieux, dont la conduite et les progrès répondent aux soins dévoués de leurs maîtres et donnent entière satisfaction aux Fondateurs.

Tlalpam. – Quand le large manquait pour loger la chère jeunesse venant de France, la Providence offrit cet asile. Placé dans un quartier sain, avec un vaste enclos et un local commode, il peut recevoir près de 200 internes et servir de lieu de réunion pour les Frères. C'est une œuvre de bienfaisance pour élever chrétiennement la jeunesse et la former au travail. Des ateliers d'imprimerie, de menuiserie et de serrurerie bien montés font suite aux programmes de l'instruction primaire. Le bon esprit et l'application règnent parmi les 75 enfants qui s'y trouvent actuellement, et chaque matin les communions sont nombreuses.

Jusqu'ici l'œuvre n'a cependant pas donné tous les résultats attendus, parce que les enfants qu'on y admet ayant peu de goût pour le travail manuel, quittent trop tôt.

Téhuantepec. – Pauvre des biens matériels et surtout en religion, ce pays est excessivement chaud. Les Frères y sont estimés et font un grand bien. Ils ont 200 enfants répondant à leur abnégation par beaucoup de docilité et d'attachement. L'unique personne riche de la ville est la providence de l'école; elle vient de lui construire un beau local.

San Cristobal. – Cet établissement est à quatre jours du chemin de fer; il rappelle la Colombie, par son isolement et ses réceptions. Le collège est l'œuvre de Mgr Orozco, véritable ami des Frères, comme il vient de le prouver encore dernièrement en mettant à la disposition du Noviciat un beau jardin qu'il possède à Jacona. Une centaine d'externes et 35 internes venant de tout le département y reçoivent une bonne formation chrétienne. La communion fréquente est en honneur parmi eux. Vu ses éléments, cette maison peut avoir une salutaire influence sur toute la région.

Uruapan, Irapuato et Sahuayo ont un collège et une école gratuite ; Cocula quoique le dernier venu a déjà donné plusieurs juvénistes ; Brownsville, aux Etats Unis, augmente peu à peu. Dans ces maisons aussi les Frères s'efforcent d'étendre le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en travaillant en apôtres.

Cet aperçu le dit ; les Petits Frères de Marie font le bien ; leur œuvre, bénie du bon Dieu, a pris des proportions consolantes.

Les beaux jours de la province de Saint-Paul ne sont plus, hélas ! qu'un triste souvenir; la tempête l'a dévastée ; à peine reste-t-il dans sa maison principale quelques vénérables invalides pour en redire la prospérité passée et en pleurer les ruines. Ou plutôt non; les bons anciens y sont encore pour attendre la nouvelle génération revenant de l'exil et lui transmettre un héritage mutilé mais toujours cher. Le Souverain Pontife n'a-t-il pas dit, il y a peu: Un jour viendra, et nous espérons qu'il ne tardera pas, où la France comme Saul sur le chemin de Damas sera enveloppée d'une clarté céleste et entendra la voix de Jésus. »

D'ailleurs si une haine impie l'a presque anéantie, cette belle province d'autrefois se perpétue par des filles dont elle peut être fière. L'Espagne, la Colombie, l'Argentine, le Pérou, le Chili, attestent sa fécondité.

Et ce qui vient d'être dit de Saint-Paul pourrait se répéter, grâce à Dieu, de chacune de nos anciennes Provinces de France.

Oui, en un siècle, le grain de sénevé de Lavalla est devenu un grand arbre, et nous devons en rendre les plus ferventes actions de grâces à Jésus et à Marie, en même temps que nous efforcer de le développer encore davantage en marchant sur les traces du Vénérable Fondateur.

                        LETTRE DE MGR VIDAL, VICAIRE APOSTOLIQUE DE FIDJI.

 Au mois de juin dernier, nous recevions la lettre suivante de S. G. Monseigneur Vidal, évêque d'Abydos et Vicaire apostolique des îles Fidji. Je la lus au Conseil Général, qui fut unanime – en raison des sentiments si paternels et si généreux que Sa Grandeur y exprime à l'égard de nos Frères et de leur œuvre dans son diocèse – à manifester le désir qu'elle fût communiquée à tout l'Institut. Je suis persuadé, M. T. C. F., que vous la lirez, comme nous, avec reconnaissance, et qu'en cette année 1912 vous serez heureux de vous unir à nous pour implorer du ciel les bénédictions les plus abondantes sur le zélé Prélat, sur nos Frères qu'il veut bien faire participer à ses fêtes jubilaires, et sur la mission de Fidji.

                               Suva, le 13 mai 1911.

                                En la fête de N.-D. du Bon-Pasteur. 

Mon Très Révérend 

                    et Bien Cher Frère Supérieur,

Cette année prochaine 1912, va être l'année jubilaire de l'érection de Fidji en évêché ou Vicariat apostolique ; et, avec moi, il y a trois de vos chers Frères qui vont aussi fêter leur jubilé, car nous arrivâmes avec eux à Fidji lorsque, en 1887, nous les avons installés comme directeur et professeurs de la première école catholique de cette colonie. Ces trois Frères ont généreusement travaillé et développé l'œuvre d'éducation qui leur fut alors confiée. Je puis rendre d'eux ce témoignage qu'ils ont beaucoup fait pour le bien de la religion. Ces trois Frères, dont j'aime à écrire ici le nom – Frère Hervé, Frère Alphonsus, Frère Vincent, commencèrent dans une petite école qui nous fut louée et dont le nombre d'élèves se montait seulement à quatre.

Et depuis ces humbles commencements, nos chers Frères restés longtemps trois et n'ayant qu'une maison, durant plusieurs années, grâce à leur zèle et à leur persévérance, ont fait grandir et développer la semence et, en ce moment ils ont déjà trois établissements où environ 220 enfants reçoivent une éducation vraiment chrétienne.

A Suva, le C. F. Alphonsus est maintenant à la tête d'un grand établissement devenu déjà insuffisant ; à Cawaci, le C. F. Vincent a près de 100 élèves indigènes auxquels on apprend l'anglais, et cet établissement est regardé comme une école de hautes études; et à Rewa, où le F. Hervé était naguère directeur, il y a aussi une école très prospère.

Ainsi l'œuvre de nos trois premiers Frères Maristes a bien prospéré, et actuellement, neuf autres Frères sont venus pour aider à faire le travail et à le développer à leur tour. – Vos chers Frères ont donc bien travaillé durant ces vingt-cinq ans.

Je désire donc que vous veuillez bien les laisser prendre part à la fête jubilaire de l'évêque et de tout le vicariat. Ils ont été, comme nous, à la peine ; il est juste qu'ils soient aussi à la récompense.

Mais outre ces joies et cette récompense, il y a une faveur qu'avec eux et pour eux, je demande instamment, c'est que, vous vouliez bien les autoriser à commencer un nouveau bâtiment scolaire qui est devenu absolument nécessaire. Les anciens bâtiments sont insuffisants et sont loin d'être « up to date » (comme disent les Anglais).

Pour encourager nos chers Frères dans leur œuvre, je me propose de leur faire don, au nom de la Mission, et en mon nom, d'un magnifique emplacement, estimé à cent mille francs au moins. Je leur donnerai le Crown Grant, à la seule condition qu'ils garderont toujours ce magnifique terrain pour leur œuvre d'éducation.

Ce sera le cadeau du jubilé de leur Evêque.

Alors, nos chers Frères Maristes, auront un titre de propriété qui sera pour eux la plus haute garantie de sécurité pour l'avenir. Bien entendu que si une persécution religieuse survenait – ce qui paraît très improbable dans cette colonie anglaise où nous avons une liberté pleine — toute la mission en souffrirait, les Pères comme les Frères : et dès lors, l'Evêque ne peut pas répondre plus pour les uns que pour les autres; car probablement lui-même sera le premier persécuté.

Je n'aurais pas dû entrer dans ces détails de prévisions d'un avenir orageux, lorsqu'il est question de fêtes jubilaires; mais la joie modérée est bien la meilleure, et il est même utile de ne pas oublier au milieu des joies que les fêtes de ce monde n'ont qu'un temps et que, seules, les fêtes du Ciel ne seront jamais troublées.

Espérant donc, vénéré et bien cher Supérieur, que vous voudrez bien accorder aux chers Frères Maristes d'agréer le contrat que nous ferons sur ces bases, et vous demandant de vous unir à la joie de vos enfants, -et de les aider de vos bonnes prières, je vous envoie ma plus cordiale bénédiction et suis tout heureux de me redire.

Tout vôtre dans les SS. Cœurs de Jésus et de Marie.

                              JULIEN VIDAL, S. M.,

                                    Ev. Abydos.

                                                     LES ŒUVRES POSTSCOLAIRES.

 Dans les visites personnelles que j'ai faites à nos diverses maisons, dans les relations des chers Frères Assistants Délégués, ainsi que dans les nombreux rapports sur nos œuvres qui arrivent à la Maison-Mère et dont le Bulletin donne des échos dans chacun de ses numéros, je constate avec plaisir que les petites Congrégations dans les collèges, les patronages, les associations d'anciens élèves, etc. … en un mot tout ce que l'on est convenu d'appeler « œuvres de jeunesse » est en honneur parmi nous.

Très heureux d'encourager le zèle et le dévouement qui portent vers ces œuvres, je voudrais, de plus, favoriser de tout mon pouvoir les initiatives de ce genre. C'est pourquoi j'ai demandé au C. F. Directeur du Second Noviciat un petit travail sur ce sujet.

Il répond par la lettre et l'article ci-après, que vous lirez, j'espère, avec profit.

 Mon Très Révérend Frère Supérieur Général,

Vous me demandez un petit travail sur les Œuvres postscolaires, m'assurant, d'autre part, que les Grands Novices ont trouvé très intéressantes et très pratiques les Conférences qui leur ont été faites sur ce sujet.

Dieu soit béni ! Nos chers Grands Novices donnent par là une preuve de plus de leur inépuisable bienveillance. Mais ces petites causeries se présentant sous une autre forme, s'adressant à un publie plus vaste, ne bénéficiant plus du caractère d’intimité et de familiarité dont elles étaient revêtues à Grugliasco recevront-elles le même accueil ? Quoi qu'il en soit, mon Révérend Frère Supérieur Général, je me fais un plaisir de répondre à votre désir.

Si j'ai bien compris votre pensée, il s'agit en ce moment d'un petit exposé général. Veuillez le trouver ci-joint et me croire toujours, Mon Très Révérend Frère, votre bien affectionné et profondément respectueux

                            Frère Marie-Odulphe.

                                  LES ŒUVRES POSTSCOLAIRES.

                                        Leur caractère d'actualité.

 « Il y a des gens, dit l'auteur de l'Éducateur Apôtre, que le seul mot d'œuvres trouble comme un cauchemar. Amies de la tranquillité, ces âmes ne souffrent pas qu'on leur parle de mouvement et de sacrifice : elles ont en horreur tout ce qui dérange le cours réglé de leurs habitudes. – D'autres, au contraire, ne se plaisent que dans l'agitation : pourvu qu'elles fassent  du bruit, ces personnes croient faire beaucoup de bien. Il faut éviter ces deux excès avec un soin égal: il faut sortir du sommeil qui engourdit et se défier des illusions de la fièvre.

« Vous aimerez donc les œuvres… Votre œuvre principale, c'est votre classe : elle est- dune portée immense et vous ne devez jamais la sacrifier pour aucune autre. Mais pour la rendre plus efficace, vous aurez souvent besoin de recourir à des moyens accessoires que le malheur des temps nous impose comme nécessaires[1]»

On ne saurait mieux dire, et il nous faut souscrire à des paroles si autorisées. Notre Vénérable Fondateur le ferait lui-même de grand cœur s'il vivait de nos jours.

Que dis-je ? il y a souscrit par avance, car ce Serviteur de Dieu – dont on a tort parfois de limiter les qualités intellectuelles beaucoup plus que la divine Providence ne l'avait fait elle-même, dont l'intelligence au contraire était sans cesse en éveil, amie du progrès, soucieuse des meilleures méthodes en tout, et servie par un caractère entreprenant et énergique, un zèle ardent et vaste comme le monde – avait en effet établi en dehors de l'Ecole de Lavalla une œuvre qu'on aurait pu appeler postscolaire si le qualificatif avait existé.

Ecoutons son Biographe :

« Pour inspirer aux Frères l'esprit de zèle, et pour leur faire bien comprendre que le but de leur vocation était la sanctification des âmes, non content de les exercer à faire le catéchisme aux enfants de l'École, le V. Père les envoyait les dimanches et certains autres jours, deux à deux dans les hameaux. Là, réunissant les petits enfants et les grandes personnes, tantôt dans une grange, tantôt dans une chapelle… ils les instruisaient des vérités de la religion, leur apprenaient à sanctifier leurs actions, leurs souffrances et leur pauvreté en les offrant à Dieu et en se soumettant sans murmure à sa sainte volonté[2]. »

– N'est-ce pas là une belle initiative du V. Père ? n'est-ce pas là une belle œuvre  extrascolaire ou postscolaire ?

Cette sorte d'œuvres peut aujourd'hui différer dans l'application, s'inspirant des usages et des  circonstances; mais elle n'est nullement, à priori, en opposition avec notre œuvre principale, la classe.

Le R. F. Théophane ne nous exhortait-il pas à les entreprendre par sa magnifique circulaire du 12 juin 1896.

« Les religieux les meilleurs, les plus pénétrés de l'esprit surnaturel ne peuvent, dit-il, former que des ÉCOLIERS chrétiens; on aurait vraiment mauvaise grâce à leur demander de former un HOMME dans cet élève qui leur est confié entre neuf et treize ans. Ils peuvent, sur les bancs, lui donner la foi, et ils y contribuent puissamment; on ne saurait exiger d'eux qu'ils assurent, dès lors, sa persévérance future. Si l'on veut des ÉCOLIERS chrétiens faire des HOMMES chrétiens, il faut que l'école ait pour couronnement, le patronage ou la société de persévérance. Par cette institution, les fruits des années de classe seront assurés et décuplés et un groupe de chrétiens excellents sera bientôt obtenu[3]. »

Parler d'œuvres postscolaires c'est donc continuer une tradition mariste. C'est en même temps traiter une question d'ACTUALITÉ. C'est ce caractère d'actualité que nous voulons signaler aujourd'hui. Plus tard, s'il y a lieu, nous pourrons parler du fonctionnement pratique de ces œuvres et de l'esprit qui doit les animer, etc.

Le Bulletin a reproduit, l'an dernier, le magnifique discours de M. l'abbé Perrier au Congrès de Montréal sur la nécessité et la possibilité des œuvres postscolaires.

Ce qu'il y a dit, non seulement reste vrai, mais le devient de plus en plus. « Si après une absence de quelques années, disait récemment Max Turmann, un observateur revenait actuellement en France, et s'il y examinait de près la vie catholique, il serait frappé, croyons-nous, du développement qu'ont pris chez nous les œuvres populaires d'éducation religieuse et sociale : un peu partout dans les paroisses rurales comme dans les villes on assiste à l'éclosion et généralement au progrès des groupements de jeunesse. »

Ce qu'il dit de la France, se réalise aussi dans beaucoup d'autres pays, car on sent partout plus que jamais la vérité de cette parole de Leibniz : Celui-là est maître de l'avenir qui est maître de l'éducation.

Et n'oublions pas que l'éducation de l'enfant est loin d'être terminée quand il quitte l'école primaire.

Elle n'est alors qu'ébauchée tant au point de vue religieux qu’au point die vue intellectuel, moral et social, et elle ne porte des fruits qu'à condition d'être continuée pratiquement au fur et à mesure que le jeune homme rencontre des difficultés dans la vie.

Or, pour l'adolescent qui veut rester chrétien, ces difficultés sont considérables aujourd'hui, nous dit-on partout

1° Parce que la famille n'est plus chrétienne;

2° Parce que l'atmosphère que respirent les âme% est empoisonnée ;

3° Parce que les sectes impies multiplient leurs pièges sous les pas des jeunes gens.

– S'il en était ainsi, ne serait-il pas d'une nécessité tout à fait actuelle de créer des œuvres pour pallier les effets de ces trois causes de perdition chez nos enfants ?

                                       PREMIER DANGER

                                                    Dans la famille même.

 La famille n'est plus chrétienne, a-t-on dit. Cela n'est, que trop visible en bien des pays. «Elle a forfait à son devoir, et trahi sa mission, dit un écrivain contemporain. Instituée par Dieu pour élever l'enfant dans l'unité des principes et la sainteté du bien, la famille s'est cor rompue, elle j'est divisée. La mère croit, c'est encore fréquent et général parmi nous, mais le père ne mit pas ou s'il croit, il ne pratique pas. Et l'enfant s’étonne à la vue de l'abîme qui sépare son père de sa mère. » S'il a le bonheur de fréquenter une école bien chrétienne, il peut être retenu dans la voile du bien par l'enseignement et l'exemple de ses maîtres.

Mais en sortant de leurs mains, que deviendra-t-il ? Ne soupirera-t-il pas après le jour où il sera grand, pour ne plus prier, comme son père ?

Et n'est-ce pas la crainte de ce danger qui faisait dire à Pie IX cette parole d'une vérité profonde mais à laquelle on n'a pas assez prêté attention: « En France, vous préparez très bien les enfants à la Première Communion, mais après cela vous les abandonnez trop vite… Vous ne faites pas assez pour la persévérance. »

L'insouciance des parents donc, premier danger que l'œuvre de persévérance doit conjurer. Nous allons voir qu'il n'est pas le seul.

                                           DEUXIEME DANGER

                                    L'influence du milieu où est jeté l'enfant.

 Sa famille fût-elle chrétienne, le jeune homme qui nous quitte ne va-t-il pas trouver au bureau ou à l’atelier une atmosphère qui devient de jour en jour plus païenne ?

Cet air empesté lui fera mal au cœur d'abord, puis à la tête; autrement dit sa moralité souffrira premièrement, puis ses convictions religieuses. Et pour donner le dernier coup à son tempérament chrétien, il trouvera des mauvais journaux dans tous les cafés, des mauvais livres chez tous les libraires, des théâtres et des cinémas sur les boulevards; et dans ces journaux, ces romans, ces théâtres, ces cinémas, toutes les bassesses, toutes les hontes, tous les crimes exposés, étalés, analysés et applaudis.

Un poète contemporain a flétri en vers pleins d'éloquence et d'énergie l'œuvre infernale exercée de nos jours sur la jeunesse et sur le peuple par la double voix du théâtre et de la presse.

Oui, c'est la vérité, le théâtre et la presse

Etalent aujourd'hui des spectacles hideux,

Et c'est en pleine rue à se boucher les yeux, etc. … 

Et notre ancien élève que deviendra-t-il au milieu de cet air empesté ? S'il ne revient tous les huit jours se refaire dans une atmosphère plus chrétienne, il ne tardera pas à succomber. S'il lui reste quelque chose de nos catéchismes et de nos exhortations, il se dira qu'il y a une foi et une morale pour les enfants, une foi et une morale pour les hommes faits. Il fera bon marché de tous les principes, et l'on verra bientôt, hélas ! sa foi s'éteindre, son âme se sécher et son enthousiasme se changer en indifférence ou en découragement.

« Comment en serait-il autrement, dit un pieux ecclésiastique. Nous, prêtres et religieux, avec les mille moyens de sanctification, de préservation que Dieu nous a ménagés, nous avons de la peine à ne point faiblir ; et nous voudrions que nos enfants, jetés subitement au milieu de tous les périls, demeurassent sains et saufs, sans recevoir aucun secours ? Autant vaut demander un miracle[4]. »

Se promettra-t-on de les ressaisir lorsque les passions seront calmées et que l'heure de la maturité aura sonné ? Hélas! négliger l'adolescent n'est-ce pas risquer de ne retrouver plus tard qu'un homme meurtri et blessé jusqu'au plus intime de son être ?

Le poète l'a dit:

« Le cœur de l'homme vierge est un vase profond;

Lorsque la première eau qu'on y verse est impure,

La mer y passerait sans laver la souillure,

Car l'abîme est immense, et la tache est au fond. »

                                              TROISIEME DANGER

                               Les sectes antichrétiennes. – Les œuvres athées.

 Déjà, Léon XIII le dénonçait aux Frères des Ecoles Chrétiennes. A propos d'un patronage dirigé par eux, il disait: « Je désire que les Frères établissent des œuvres de persévérance dans tous les lieux où ils ont des écoles. Etant très nombreux en France et dans plusieurs autres contrées, ils peuvent peut-être plus que tout autre ordre empêcher le recrutement de la FrancMaçonnerie, en retenant leurs élèves auprès d'eux au moyen des œuvres de persévérance. Ce point fait partie de leur mission. »

Peu après, ses conseils sont plus explicites et plus pressants. Il écrit au Très Honoré F. Supérieur Général: « L'œuvre des patronages est capitale. En instruisant les enfants dans les écoles, les Frères n'ont fait que la première partie de leur besogne. La seconde est aussi importante, plus importante encore. Car sans les œuvres de persévérance, le long et pénible travail de l'école sera presque toujours compromis, parfois anéanti. Les enfants tombent, en sortant des mains des Frères, dans celles des sociétés secrètes ou publiques qui ont pour objet la destruction de la foi et pour résultat la ruine des mœurs, et ils seront perdus en immense majorité pour l'Eglise et pour la société chrétienne. Il faut, à moins d'une impossibilité absolue que, dans toute école existe, comme corollaire indispensable, un patronage de jeunes gens. »

De partout on a fait écho à cette parole du Pontife Suprême. Mais voici que les événements se précipitent; l'opportunité des patronages devient ai manifeste, leur création  si urgente que Mgr Touchet n'hésite pas à dire cette parole étonnante, à laquelle maints évêques ont souscrit : « Sait-on que, s'il fallait choisir entre l'établissement d'une école libre et celle d'un patronage, il faudrait établir le patronage ? »

Cependant, à l'extrémité opposée du champ de bataille où se mesurent l'Eglise et la Franc-Maçonnerie, les grands Pontifes de la secte font, à leur tour, entendre à leurs troupes des appels au combat sur le terrain des œuvres postscolaires.

Ecoutons l'un d'eux et non l'un des moindres[5] :

« Je tiens les patronages congréganistes pour les plus actives et les plus formidables machines de combat que l'Eglise ait dressées contre les Institutions modernes. Le but est de ressaisir les adolescents qui passent par l'Ecole laïque. C'est la tactique que les événements, que la logique et la nécessité -imposent à nos adversaires… C'est autour des patronages que se livrera le prochain combat entre l'Eglise enseignante et l'État… A supposer que demain toutes les Ecoles congréganistes lussent fermées, la bataille ne sera pas encore gagnée. Debout resteront les patronages et je crains plus dix patronages que cent écoles. »

Cet appel a-t-il été entendu

Le rapport annuel officiel de M. Moyse Klein dit « Edouard Petit » va nous le révéler.

Il accuse pour l'année 1910 :

50.997 cours d'adultes, suivis par plus de 60.000 étudiants ;

2.468 patronages (on sait qu'il y a plus de 6.000 patronages catholiques) ;

3.246 mutualités avec 821.026 participants, enfanta de 3 à 13 ans fédérés dans une union nationale dont les cotisations au 1ier janvier 1909 s'élevaient à la somme, énorme de plus de 4 millions et demi; et s'il faut l'en croire plus de 70.000 instituteurs et institutrices ont prêté leur concours aux œuvres d'éducation populaire[6].

La lutte ne revêt pas en tous les pays le même degré d'acuité, et les œuvres de protection ne s'imposent pas partout avec la même urgence.

Mais partout cependant il se rencontre des familles insouciantes; partout nos anciens élèves ont à se prémunir contre les périls de l'isolement dans des milieux plus ou moins favorables à la moralité et à la foi; partout il est utile de leur faciliter l'approche des sacrements de pénitence et d'eucharistie, de leur procurer des amusements honnêtes, de constituer des noyaux de jeunesse catholique pratiquante.

D'un mot, concluons avec le R. Frère Théophane qu'aujourd'hui plus que jamais « les Religieux chargés de l'éducation trouveraient dans les œuvres de persévérance leur plus douce récompense; car au lieu de s'être bornés à travailler pour l'avenir problématique de leurs élèves, ils pourraient leur donner à l'heure décisive les principes et les pratiques qui doivent garder leur vie tout entière[7]. »

                                             ELECTION DE PROVINCIAUX.

 Comme vous le savez sans doute, M. T. C. F., les chers Frères Amphiloque, Bassianus et Elie-Marie, Provinciaux respectifs de Syrie, d'Aubenas et de Saint-Genis-Laval, arrivaient, le 3 novembre dernier, au terme de la période pour laquelle ils avaient été élus.

Le Conseil Général avait donc à procéder à une élection nouvelle. C'est ce qu'il a fait dans sa séance du 26 octobre 1911 ; et la majorité des suffrages s'est de nouveau portée sur les trois Provinciaux sortants, qui étaient tous rééligibles.

En conséquence, sont réélus pour une nouvelle période de trois ans :

Le C. Frère Amphiloque, Provincial de Syrie.

Le C. Frère Bassianus, Provincial d'Aubenas.

Le C. Frère Elie-Marie, Provincial de Saint-Genis-Laval.

De plus, par suite de l'absence du C. F. Michaélis, le C. Frère Théodore-Joseph, Provincial de Colombie, n'avait pas été réélu au mois de mars dernier, mais maintenu pour un temps dans sa charge en vertu de l'article 157 des Constitutions, en attendant le retour du C. Frère Assistant. Dans sa séance du 17 décembre 1911, le Conseil Général l'a réélu régulièrement pour une nouvelle période de trois ans à partir de mars 1911.

 CHAPELLE DE ROME.

 Nous espérons pouvoir bientôt commencer la construction de la nouvelle chapelle de notre maison de Rome.

Je vous ai déjà parlé de ce projet dans les deux précédentes circulaires en invitant toutes les maisons de l'Institut à contribuer à cette œuvre.

En général, dans toutes les Provinces, au cours de l'exercice 1910-1911 on a eu à cœur de répondre généreusement à cet appel. C'est là un bon témoignage du véritable esprit de famille tant recommandé par le Vénérable Père Fondateur.

En mon nom et au nom de l'Institut, je suis heureux d'en témoigner ici ma satisfaction et ma reconnaissance.

Nous aimons à espérer que, pendant l'exercice actuel, 1911-1912, on fera tout aussi bien sinon mieux dans toutes les provinces.

                                                       DOCUMENTS DE ROME.

                    I. – Indulgence pour la récitation du « Sub tuum ».

                                                                                                               Rome, le 5 août 1911.

                                                                                                          N. D. des Neiges, p. p. n.

Mon Très Révérend Frère,

Le 23 juillet dernier, à l'occasion du passage du T. C. F. Amphiloque, j'ai obtenu une audience privée du Saint-Père. Le Saint-Père, quoiqu’un peu fatigué, s'est beaucoup intéressé de nos œuvres d'Orient et les a toutes bénites d'une manière spéciale. A la fin de l'audience, je lui ai présenté une supplique en vue d'obtenir une indulgence pour le « Sub tuum » que nous récitons si souvent. Le Saint-Père dans sa bonté toute paternelle y a adhéré et même en y ajoutant « non obstante Motu proprio, etc. » comme vous verrez dans la copie que Vous trouverez ci-jointe

 Très SAINT PÈRE,

« Le Frère Procureur Général de l'Institut des Petits Frères de Marie, humblement prosterné aux pieds de Votre Sainteté, sollicite respectueusement une Indulgence de 300 jours toties quoties pour la récitation de l'antienne « Sub tuum præsidium » qu'on a l'habitude de dire, dans l'Institut, après tous les exercices de piété et de communauté et aussi dans les clames.

« Cette Indulgence, si Sa Sainteté veut bien daigner l'accorder, pourrait se gagner par les Frères, les Novices, les Postulants et les Elèves de nos écoles, soit qu'ils récitent ensemble la dite antienne, soit qu'ils la récitent d'une manière privée.

« Et que Dieu… »

Rome, le 23 juillet 1911.

Juxta preces non obstante Motu Proprio diei 7 aprilis 1910.

                      Die 23 julii 1911.                                          PIO PP. X.

 

Je suis avec un profond respect, mon Très Révérend Frère, votre très humble serviteur.

                          F. CANDIDUS.

                          2. – Doutes concernant la publication

                                 des manuscrits des religieux.

 On a posé à la Sacrée Congrégation des Religieux les questions suivantes :

 1° Est-ce que les religieux appartenant à des Congré­gations à vœux simples sont soumis aux mêmes lois que les réguliers à vœux solennels, en ce qui concerne l'im­primatur ou permission à demander à leurs supérieurs, toutes les fois qu'ils désirent publier un de leurs manuscrits ?

2° Est-ce que les religieux, lorsque leurs supérieurs leur ont interdit la publication d'un manuscrit, ou refusé l'imprimatur, peuvent livrer ce même manuscrit à un imprimeur, qui le publiera sans nom d'auteur, avec l’imprimatur de l'Ordinaire du lieu ?

Les Eminentissimes Cardinaux de la Sacrée Congrégation des Religieux, réunis en assemblée plénière au Vatican, le 2 juin 1911, ont répondu aux doutes précités:

A la première question : Oui.

A la seconde question : Non.

Notre Très Saint Père le Pape Pie X, sur le rapport du secrétaire soussigné de la Sacrée Congrégation, a daigné approuver et confirmer cette réponse des Eminentissimes Pères, le 11 juin 1911.

Donné à Rome, à la Secrétairerie de la Sacrée Congrégation des Religieux, le 15 juin 1911.

                                        Fr. J.-C. Card. Vivès, préfet,

                               DONAT, Archevêque d'Ephèse, secrétaire.

 Nos DÉFUNTS.

 

F. MARCOLIN, Profès perp,,, décédé à Ruoms (Ardèche), le 1ierjuin 1911.

F. LOUIS-BERCHMANS, Profès perp., décédé à Varennes (Allier), le 9 juin 1911.

F. LOUIS-DONAT, Profès perp., décédé à Mendes (Brésil central), le 14 juin 1911.

F. DAMASCENE, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 23 juin 1911.

P. LIBERE, Profès perp., décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 23 juin 1911.

F. LUCILE, Profès temp., décédé dans la Province de Beaucamps, le 25 juin 1911.

F. PASTOR, Stable, décédé à Grugliasco (Piémont), le 30 juin 1911.

F. JOSEPH-BERNARDIN, Profès temp., décédé à N.-D. de l'Hermitage (Loire), le 2 juillet 1911.

F. HÉRIBERTUS, Profès perp., décédé à Vich (Espagne), le 3 juillet 1911.

F. DIEUDONNÉ, Stable, décédé dans la Province de Saint-Paul-Trois-Châteaux, le 16 juillet 1911.,

F. CASIMIRO, Profès temp., décédé à Burgos (Espagne), le 17 juillet 1911.

F. CHRISTIEN, Profès perp., décédé à Varennes (Allier), le 20 juillet 1911.

F. MODOALD, Profès perp., décédé à Roma (Afrique du Sud), le 23 juillet 1911.

F. RABERT, Profès perp., décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), le 28 juillet 1911.

F. MARIE-PHILIPPE, Profès perp., décédé dans la Province d'Aubenas, le ter août 1911.

F. BASILIEN, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 21 août 1911.

F. MARIE-AMÉDÉE, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 21 août 1911.

F. ANGE-MARIE, Stable, décédé dans la Province de Saint-Genis-Laval, le 26 août 1911.

F. MARIS, Profès perp., décédé dans la Province de Saint-Paul-Trois-Châteaux, le 26 août 1911.

F. LOUIS-BENJAMIN, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 28 août 1911.

F. MITHEA, Profès perp., décédé dans la Province de l'Hermitage, le 29 août 1911.

F. LIEBARD, Profès perp. décédé à Ruoms (Ardèche), le 29 août 1911.

F. MARCIUS, Stable, décédé à Burgos (Espagne), le 30 août 1911.

F. ODON, Profès perp., décédé à Culoz (Ain), le 31 août 1911.

F. PAUL-EUGENE, Profès perp., décédé dans la Province de Varennes, le 11 septembre 1911.

F. VICTÔRIO-MARIA, Profès temp., décédé à Anadon (Espagne), le 18 septembre 1911.

F. DOMITIUS, Profès perp., décédé à Lérida (Espagne), le 23 septembre 1911.

F. MARIE-RAPHAEL, Stable, décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 26 septembre 1911.

F. UBALD, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 30 septembre 1911.

F. BON, Profès perp., décédé dans la Province de Notre-Dame de l'Hermitage, le 9 octobre 1911.

F. MARIE-BÉNIGNE, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 21 octobre 1911.

F. HENRI-FLORIBERT, Profès perp., décédé à Montréal (Canada), le 3 novembre 1911.

F. ADVENTEUR, Profès perp., décédé à Pommerœul (Belgique), le 4 novembre 1911.

F. VULPIEN, Profès perp., décédé dans la 'Province de Saint-Genis-Laval, le Il novembre 1911.

F. CHÉLIDOINE, Profès perp., décédé à Pontos (Espagne), le Il novembre 1911.

F. MARCEAU, Profès perp., décédé dans la Province d'Aubenas, le 14 novembre 1911.

F. ELPHEGE, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 15 novembre 1911.

F. ARCHANGE, Profès perp., décédé à Ruoms (Ardèche), le 16 décembre 1911.

F. CRISTOFORO, Profès temp., décédé à Turin (Piémont), le 19 décembre 1911.

F. ASAPH, Stable, décédé à Ruoms (Ardèche), le 19 décembre 1911.

F. ANDRONICUS, Profès perp., décédé dans la Province de St-Genis-Laval, le 27 décembre 1911.

F. JULES-ANTOINE, Profès perp., décédé à Saint-Hyacinthe (Canada), le 29 décembre 1911.

F. TITE, Profès perp., décédé à Saint-Genis-Laval (Rhône), le 2 janvier 1912.

La présente circulaire sera lue en communauté à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle.

Recevez, M. T. C. F., la nouvelle assurance du paternel et religieux attachement avec lequel je suis, Votre tout dévoué en Notre-Seigneur,

                                                                                                                F. STRATONIQUE.

 

 NOUVEAUX OUVRAGES

 1. – Guide pratique et populaire pour la bonne exécution du Chant Grégorien, d'après les principes des Bénédictins de Solesmes. Cet ouvrage est une nouvelle édition de notre ancien Guide Pratique, revue et considérablement augmentée. Il forme un beau volume in-octavo, de 150 pages, édité par MM. Desclée et Cie à Tournai. Son prix fort est de 2 francs. On peut se le procurer à notre Economat Général, à Grugliasco, et chez M. E. Vitte, 3, place Bellecour, à Lyon. Une remise sur le prix fort est accordée à nos Frères, suivant l'importance des commandes.

2. – CHOIX DE CANTIQUES, avec paroles et musique. L'édition de cet ouvrage était épuisée depuis plusieurs années déjà. En face des demandes réitérées d'un certain nombre de nos Frères et pour répondre à un réel besoin, nous avons décidé de la réimprimer. Nous espérons qu'il pourra être mis en vente au commencement du prochain mois de mai, à notre Economat Général, et chez M. Vitte, à Lyon.

3. – CHOIX DE CANTIQUES, paroles seules. Nous avons décidé d'éditer un volume ne contenant que les paroles du précédent ouvrage, et cela pour répondre à un désir plusieurs fois exprimé par des Frères Directeurs d'écoles de langue française. Il sera également prêt, nous l'espérons, dans le courant du mois de mai. Mêmes adresses que précédemment.

4. – PRINCIPII DI PERFEZIONE CRISTIANA E RELIGIOSA per uso dell'Istituto dei Piccoli Fratelli di Maria. Edizione Italiana. Ce volume, de plus de 700 pages, est la traduction en italien de nos Principes de Perfection en langue française, revus et complétés par M. le Chanoine Turco, Professeur de théologie au Grand Séminaire de Mondovi. Il forme un admirable traité sur la Perfection chrétienne et religieuse, et il est suivi d'un résumé des Sentences, Leçons et Avis de notre Vénérable Fondateur. On peut se le procurer à l'Economat Général. Son prix est de 2 francs.

5. – PETITE VIE ILLUSTRÉE DU VÉNÉRABLE MARCELLIN CHAMPAGNAT. Le prix est de 12 francs le cent. S'adresser à l'Economat Général.

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[1] : Guibert, Educateur ap6tre, page 327; Paris, De Gigord, 15, rue Cassette.

[2] : Vie du V. P. Champagnat, p. 83 et 84.

[3] : Recueil de Circulaires, 1896-1900, p. 17.

[4] : Les œuvres de jeunesse, Iib. St. Charles, Grammont (Belgique).

[5] : Discours prononcé au Congrès de la ligue de l'Enseignement à Biarritz, sur le Patronage.

[6] : Guide d'action popul. cath., Correspondant, 1910, Mak Turmann.

[7] : Circulaire citée.

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