Circulaires 325

LĂ©onida

1947-12-08

Vœux et souhaits, 62I. - Bon emploi du temps, 631. - Statut capitulaire sur la pauvreté, 648, - Visite de Délégation à la, Rhodésie et au Nyassa, 656. - Visite de Délégation à la Province de Beaucamps. 6611. - Autres visites de Délégation. 681.-Voyage en Espagne, 682. - Cinquantenaire du Second Noviciat, 684 Faveurs attribuées au Vénérable Père Champagnat, 690. – Documents du Saint-Siège, 691.- Élections. 698. Liste des défunts. 699.

325

V. J. M. J.

 Saint-Genis-Laval, le 8 décembre 1947.

 Fête de l'Immaculée Conception.

                  MES BIEN CHERS FRÈRES,

 La présente année approche de son terme, une autre ne tardera pas à commencer. Cette constatation nous porte à dire instinctivement : Que la vie passe vite !

Si les événements les plus lointains auxquels nous avons été mêlés ne nous semblent que d'hier ; si les années écoulées, fusent-elles nombreuses, ont passé comme un songe, ne faut-il pas porter le même jugement sur le jour présent et sur tous ceux qui nous seront encore donnés ?

En voyant les générations se succéder au rythme des jours, les vides et les tombes se multiplier autour de nous, n'est-il pas naturel que nous nous sentions de plus en plus préoccupés par la pensée de l'au-delà ? Préoccupation salutaire s'il en fut, digne de primer toutes les autres quand elle s'accompagne du désir de voir Dieu face à face et de sceller à tout jamais notre union avec Lui.

Ne nous attardons pas sur le passé qui ne reviendra pas, auquel nous ne saurions rien changer et dont un examen trop minutieux serait plus propre à dessécher l'âme par le scrupule qu'à la porter au bien. Après avoir demandé pardon au bon Dieu des heures perdues, des jours mal employés, des prières négligées, des omissions coupables et de toutes nos faiblesses ; après l'avoir surtout remercié des grâces dont il nous a comblés, il est préférable de laisser le passé à sa miséricorde infinie et de s'attacher résolument à vivre désormais le plus saintement possible.

« Ne mesurons pas le temps – écrit le Père Pinard de la Boullaye – par le nombre de minutes ou de secondes dont nous pouvons disposer, mais considérons, avant tout, le gain réalisable en les utilisant au' mieux. Puisque ce gain n'est autre que le Ciel, le temps doit être considéré non seulement comme une grande grâce, mais comme la première et la plus nécessaire de toutes les grâces.

Dans une de ses Conférences, le Cardinal Mercier montre que le degré de vision de l'essence divine au paradis correspond exactement au degré de charité que l'âme possède au moment où elle paraît devant Dieu puis, pour bien souligner la valeur du temps, il s'écrie :

« Qu'elles sont donc précieuses les quelques heures de notre pèlerinage terrestre puisque d'elles seules dépend notre éternité ! Chaque minute est utilisable pour un acte du plus ardent amour, principe d'une union à Dieu plus étroite, d'un resplendissement plus puissant de la beauté de Dieu en nos âmes. Et mes minutes sont comptées. Au Ciel, ma charité ne croîtra plus, ni ma gloire, ni celle que je pourrai rendre à mon Christ et à mon Dieu. Oh ! le prix du temps ! Oh ! l'irrévocabilité de l'éternité 1

Qui voudrait, après cela perdre le temps ? Ne devrions-nous pas plutôt en être avares sachant, comme nous le rappellent de nombreuses morts subites de confrères dues parfois à des accidents, que Dieu peut, à tout instant, nous reprendre ce trésor qu'il a mis à notre disposition, et que, pour chacun de nous, « la nuit vient où personne ne peut travailler » ? (Jean, IX, 4.)

Plein de ces pensées, mes bien Chers Frères, je fais, à l'approche de la nouvelle année, les vœux les plus ardents pour votre bonheur. Je demande à Notre-Seigneur, par l'intercession de la Sainte Vierge, de saint Joseph et du Vénérable Père Champagnat, de bénir vos personnes et vos travaux et de vous accorder tout ce que vous désirez de con-forme à la volonté de Dieu. Mais j'implore plus spécialement pour vous tous, les grâces dont vous avez besoin pour sanctifier les jours qu'il plaira à la Providence de vous donner encore, vous efforçant de vivre le plus possible en sa présence et en son intimité, et d'agir en tout, en esprit d'amour et de réparation. Que le Seigneur vous préserve de tout péché et vous porte à mépriser ce que le temps détruit pour ne vous attacher qu'à ce qui est éternel.

La poursuite d'un tel idéal implique des sacrifices parfois bien pénibles ; vous les accepterez de grand cœur si vous partagez au sujet de cette vie les sentiments que sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus exprime en ces termes : « On fait erreur en donnant le nom de vie à ce qui doit finir. Il faut réserver ce beau nom de vie à ce qui ne doit jamais mourir. »

 BON EMPLOI DU TEMPS

 Je compléterai les considérations qui précèdent en vous rappelant que nous ne donnerons à notre temps son maximum de rendement qu'en accomplissant, avec une grande pureté d'intention et une constante générosité, nos devoirs d'état quels qu'ils soient. Cela exige que nous réveillions notre esprit de foi et que nous exercions notre volonté à se faire violence.

Ces deux facteurs, esprit de foi et volonté, mis en valeur, contribueraient à nous rendre tout aussi avares de notre temps que les gens du monde qui poursuivent un but moins noble que le nôtre. Le succès d'une entreprise, un gain à réaliser, des approbations ou des louanges à obtenir en font des travailleurs acharnés. Ils règlent minutieusement leur temps et savent se soustraire aux importuns qui voudraient les engager dans des conversations oiseuses ou dans des occupations pouvant compromettre les résultats escomptés.

Cette prudence des enfants du siècle est pour nous une leçon, mais elle ne saurait nous faire oublier que nous, enfants de lumière, nous possédons des modèles bien plus dignes d'estime. C'est ainsi que les théologiens, à la suite de saint Thomas, nous disent que Dieu est suréminemment principe actif qui n'admet point de passivité. De même. l'Évangile nous représente Notre-Seigneur se livrant, aussi bien pendant sa vie cachée que durant sa vie publique, à une prière et à un travail continuels.

Les saints se sont également distingués par le souci de bien utiliser leur temps. Ils ne voulaient rien perdre de sa valeur d'échange, une simple seconde pouvant nous apporter un accroissement de grâce ici-bas et de gloire dans le Ciel.. e Le temps n'est plus à moi – répondait sainte Françoise de Chantal à ceux qui s'étonnaient de l'application minutieuse qu'elle apportait à en faire un bon usage – je l'ai tout consacré au Seigneur ; je ne puis en perdre un instant sans commettre une injustice envers celui à qui il appartient. » Saint François de Borgia acceptait d'être tenu pour incivil plutôt que de consentir à perdre le temps. L'exemple de saint Alphonse de Liguori s'obligeant par vœu à utiliser les moindres instants est classique. Saint Jean Bosco répondait à ceux qui l'engageaient à se reposer : « Ce sera au Paradis

je ne puis me reposer tant que le démon ne s'arrête pas de perdre les âmes. » Et à combien de saints, morts à la fleur de l'âge, l'Église n'applique-t-elle pas ce texte du livre de la Sagesse : « Arrivé en peu de temps à la perfection, il a fourni une longue carrière » (ch. iv, 13), proclamant ainsi que leur vie, pourtant bien courte, fut parfaitement employée !

Il nous serait aisé de trouver dans notre Congrégation de beaux exemples du soin scrupuleux de l'emploi du temps. Ainsi, quelles vies mieux remplies que celles de notre Vénérable Fondateur et du Frère Jean-Baptiste ? S'ils n'avaient pas été avares de leur temps, ils n'auraient pu faire face à tant d'occupations diverses. Le premier n'aurait pu mener de front la fondation de l'Institut, la formation des Frères, la construction de l'Hermitage, et des démarches multiples. Le second n'aurait pu assurer le gouvernement des Provinces qui lui étaient confiées et rédiger en même temps des ouvrages qui sont un trésor inappréciable pour notre famille religieuse. Le fait d'avoir corrigé des épreuves d'imprimerie le jour même de sa mort nous dit assez combien sa volonté savait avoir raison d'une santé longtemps défaillante.

Parmi les Frères chargés de l'éducation des enfants comme parmi ceux qui remplissent un emploi manuel, on trouve un grand nombre de modèles dans la façon d'utiliser le temps et de fournir ainsi une somme de travail considérable. Que leur exemple nous porte à fuir l'oisiveté si universellement blâmée, même par ceux qui s'y livrent, et surtout blâmable chez un religieux voué à Dieu et aux âmes. Ne donnons pas la préférence au travail de notre choix au détriment de nos obligations religieuses et professionnelles. Ne recherchons pas le travail qui nous mettrait en vue alors que le devoir réclame de nous un labeur plus effacé. Ce serait aux yeux de Dieu une perte de temps qui nous exposerait à entendre un jour la réponse cinglante du divin Maître rapportée par le saint Évangile : « Beaucoup me diront : Seigneur, Seigneur, n'est-ce pas en votre nom que nous avons prophétisé, n'est-ce pas en votre nom que nous avons chassé les démons, et n'avons-nous pas, en votre nom, fait beaucoup de miracles ? Alors je leur dirai hautement : Je ne vous ai jamais connus. Éloignez-vous de moi, artisans d'iniquité » (Matth., VII, 22.)

La fixation d'un règlement personnel, adapté aux obligations ordinaires et qui complète l'emploi du temps prévu par la Règle ou par le coutumier facilite grandement le rôle de la volonté, lui trace sa voie et lui fait éviter l'indécision qui la paralyserait comme elle paralyse le voyageur qui, à chaque carrefour, faute de signaux ou de points de repère ne sait quelle route suivre. Que de moments mal utilisés ou perdus dans toute vie humaine où cet élément d'ordre fait défaut ! Ces instants, pris séparément, paraissent de peu d'importance, ils représentent cependant dans leur ensemble un nombre imposant de jours soustraits à l'action féconde et livrés à l'oisiveté et à ses funestes conséquences. On se plaint souvent de manquer de temps ; en bien des cas, la chose est vraie ; mais il n'est pas rare que fasse surtout défaut la maîtrise de soi pour mieux profiter du temps dont on dis-pose. Or, cette maîtrise ne saurait s'acquérir sans en règlement qui hiérarchise les occupations, les empêche de chevaucher les unes sur les autres et de se bousculer dans un désordre stérile.

J'engage tout spécialement les jeunes Frères à bien utiliser leur temps. Ils échapperont ainsi aux graves dangers de l'oisiveté, mère de tous les vices et ruine des vocations. Ils pourront, de plus, continuer et perfectionner les études commencées dans les maisons de formation. Ces études, même si on les suppose assez poussées, ne doivent être considérées que comme une initiation, ou la simple mise en marche d'un labeur intellectuel à poursuivre inlassablement pendant toute une vie d'éducateur.

 DEUX DÉFAUTS A ÉVITER

 Cependant rien n'est parfait sur la terre et toute vertu a besoin d'un contrepoids qui l'équilibre. Il en est ainsi même de l'amour du travail car le souci de bien employer le temps expose à un double danger contre lequel on ne saurait trop se tenir en garde. Il s'agit de l'égoïsme et du surmenage, au sujet desquels voici quelques considérations pratiques.

 Égoïsme.

 L'égoïsme, du point de vue d'où nous l'envisageons ici, consiste à employer pour des fins personnelles, un temps réclamé par l'emploi dont on a la charge. Il consiste aussi à ne pas savoir ou à ne pas vouloir interrompre son travail habituel lorsque la charité ou d'autres motifs suffisants l'exigent.

Pour combattre ce défaut, nos Règles précisent l'ordre à garder dans les études et déclarent que tout le temps de la classe est dû aux élèves (art. 358). C'est dans ce même esprit qu'elles ajoutent :

C'est en se rendant service en toute occasion, en s'aidant et en se supportant mutuellement que les Frères se témoigneront l'affection qu'ils se portent ; rien ne doit leur coûter lorsqu'il s'agit d'assister ceux qui sont dans le besoin, en particulier les Frères âgés, malades ou infirmes » (art. 431).

Celui qui voudrait disposer librement de son temps pour sa seule utilité personnelle, oublierait la grande loi de renoncement qui, chez un religieux, doit s'étendre à tout le champ de son activité. En effet, le premier sacrifice demandé à qui se met au service d'un autre, est celui de son temps. On lui en détermine l'emploi et il ne peut rien s'en réserver, à moins d'un accord préalable. La Congrégation nous ayant acceptés comme siens. notre temps lui appartient et elle a le droit d'en fixer l'usage au mieux de ses intérêts qui d'ailleurs s'identifient avec les nôtres.

Que notre amour pour elle nous fasse accepter généreusement un tel sacrifice ; nous lui donnerons ainsi en détail, à chaque instant, ce que nous lui avons consacré en bloc le jour de notre profession religieuse. Le bon plaisir divin et la charité se substituant de la sorte à la volonté propre, nous aurons fait un excellent placement du plus précieux de tous les trésors, c'est-à-dire, de notre temps, de notre vie.

Soyons assurés, en effet, que « celui qui perd sa vie pour le bon Dieu ne perdra jamais le bonheur de l'avoir si bien perdue », selon la formule heureuse des conquérants espagnols traduisant à leur façon ces paroles de Notre-Seigneur : « Celui qui cherche à conserver sa vie, la perdra, et celui qui perd sa vie à cause de moi, la retrouvera. » (Matth., X, 39.)

Il n'y a qu'un don qui soit digne de Dieu, c'est le don total de soi. Aussi ne saurait-on s'engager à son service uniquement pour certains jours ou à certaines heures, mais durant les vingt-quatre heures du jour et pour la vie entière. Ce principe admis, un religieux pourrait-il, au seuil de l'éternité, se présenter avec assurance au tribunal divin si, malgré une existence apparemment bien remplie, il devait avouer qu'il s'est surtout recherché lui-même, ayant agi à sa guise et trop souvent oublié Dieu ? Le Souverain Juge pourrait lui dire : « Tu n'as jamais désobéi et cependant tu as toujours fait ta volonté, parce que tu as réussi, par tes résistances, ton astuce, ta diplomatie ou d'autres procédés moins avouables encore, à te faire commander ce que tu désirais. »

C'est bien employer son temps que d'aider le prochain lorsqu'il est dans le besoin. C'est là une des grandes joies en même temps qu'un des grands bienfaits de la vie religieuse. Mais, ce sont générale-ment les Frères les plus occupés qu'on trouve plus empressés à répondre à l'appel fait à leur dévouement. C'est du reste à eux que l'on s'adresse de préférence, car ayant contracté l'habitude de ne pas perdre le temps, ils en ont suffisamment pour eux et pour les autres. Ils n'éprouvent pas le besoin de recourir aux vaines excuses de ceux dont les ressorts de la volonté sont détendus par l'indolence ou chez qui la délicatesse de cœur est plus ou moins desséchée par l'égoïsme.

Je m'en voudrais de trop insister sur ce défaut alors qu'abondent dans toutes nos Provinces des exemples de dévouement très édifiants et confinant à l'héroïsme. Le Révérend Frère Stratonique avait projeté la publication d'un Livre d'Or du Dévouement dans la Congrégation. Il écrivait dans la circulaire du 24 mai 1916 :

« Pour peu qu'on ait vécu dans l'Institut, on a certainement été témoin d'actes de dévouement dignes d'être présentés à l'admiration et à l'imitation des Frères qui le composeront dans les siècles futurs. Tous les emplois, si humbles soient-ils, présentent de ces exemples dont il serait vraiment regrettable de laisser perdre le souvenir. Ces faits, ces actes de dévouement, groupés ainsi en un livre spécial, seront un puissant stimulant dans l'exercice de nos fonctions et dans l'accomplissement du devoir qui exigent parfois un véritable héroïsme.»

Le vénéré Supérieur est revenu plusieurs fois dans la suite sur cette idée : Le livre n'a pu être encore écrit. Mais si quelque jour pareil ouvrage paraissait, il serait grandement incomplet, car qui pourra jamais connaître tous les héros du devoir dignes d'y trouver place ? L'esprit de sacrifice qui leur a fait préférer les avantages des confrères et de la Congrégation à leurs intérêts personnels, n'a-t-il pas été voilé par cette belle humilité qui fait le bien sans bruit et qui sied admirablement à un Petit Frère de Marie

Si le Livre d'Or n'est pas écrit ici-bas, il l'est au Ciel. Un jour, il sera grand ouvert devant nous et nous en serons émerveillés. Inspirons-nous, en attendant, des faits que nous en transmet la tradition. Recueillons pieusement surtout ceux qui sont contenus dans la Vie de notre Vénérable Fondateur, les Biographies et les Avis, Leçons, Sentences et Instructions. Sachons admirer et imiter les beaux exemples de dévouement dont nous sommes les témoins journaliers dans nos communautés ; remercions le bon Dieu d'avoir doté notre Congrégation de tant de religieux qui ont su et savent se sacrifier sans compter pour mieux servir la belle cause qu'ils ont embrassée.

Ce que je viens de dire du dévouement me porte à craindre davantage pour nous le surmenage que l'égoïsme ; c'est d'ailleurs ce dont témoignent bien des confrères.

 Surmenage.

 Il y a surmenage lorsque l'organisme, fatigué par l'activité journalière et n'étant pas complète-ment restauré par la nourriture, le repos, les délassements, etc. … est sujet à des troubles d'ordre physiologique ou psychique.

Il n'est pas superflu de traiter ce sujet à propos du bon emploi du temps, car il ne saurait y avoir « bon emploi » sans une « distribution judicieuse » qui, tout en assurant un meilleur rendement actuel au temps n'en compromet pas le rendement futur.

Lorsque cette distribution n'existe pas, que l'activité se déroule sans ordre ni méthode, que l'on manque du calme indispensable à toute occupation sérieuse, on ne tarde pas à constater qu'à la fatigue venant d'un travail excessif s'ajoute une incapacité notoire au gouvernement de soi-même. En effet, l'agitation fébrile et l'affaiblissement des santés qui en résulte fatalement font une vie trépidante qui n'est plus menée avec sagesse.

, Un médecin de renom, le Dr Alexis Carrel, écrit à ce sujet : « Quoique l'hygiène ait beaucoup allongé la durée de la vie, elle est loin d'avoir supprimé les maladies. Elle s'est contentée de changer leur nature. » Et il ajoute : « On dirait qu'au milieu des merveilles de la civilisation moderne la personnalité humaine a une tendance à se dissoudre. »

Sans m'attarder à des généralités sur les divers aspects du surmenage, je passe à l'examen de leurs causes et de leurs conséquences. J'indiquerai ensuite quelques-uns des remèdes qu'il convient de leur appliquer.

 Principales causes

 Parmi les causes multiples de ces désordres physiques et moraux on peut citer les suivantes :

La formation insuffisante pour des emplois qu'imposent des circonstances imprévues et inéluctables et qui exigent une préparation immédiate plus pénible.

Le besoin instinctif d'activité, chez quelques-uns qui souvent manquent de contrôle d'eux-mêmes et de méthode.

Les occupations trop nombreuses et parfois disparates n'ayant qu'un rapport bien lointain avec nos devoirs d'état.

Pour certains Frères aussi bien que pour des communautés, le manque d'adaptation du règlement aux situations concrètes.

 Il en résulte :

Un déséquilibre ou tout au moins une déficience nerveuse qui rend plus difficile la maîtrise de soi et la pratique des vertus. La chasteté, de même que les rapports avec les confrères et les élèves, courent des risques particulièrement graves chez les surmenés.

2° Un rendement médiocre malgré les apparences d'une activité fiévreuse, parce que la santé est ébranlée. La pratique de la Règle devient plus difficile, parfois même elle est jugée impossible. De là le besoin de recourir à des exceptions auxquelles on ne sera pas toujours disposé à renoncer quand elles n'auront plus leur raison d'être.

L'absence de recueillement imputable aux préoccupations multiples qui assaillent le surmené dont l'imagination est souvent en quête d'une solution pressante. Avec cela, un affaiblissement de l'esprit surnaturel, car les soucis humains harcèlent au détriment du service divin ; les moyens deviennent des fins ; les buts secondaires, des buts principaux. On compte beaucoup sur soi et sur ses relations, trop peu sur Dieu et sur la Sainte Vierge. Ce n'est plus un climat favorable à la vie intérieure, à l'intimité avec Dieu.

Le manque de temps, de calme et de liberté d'esprit pour s'acquitter convenablement des exercices de piété. L'étude religieuse est généralement sacrifiée, comme est négligée la culture personnelle sous le rapport intellectuel, pédagogique et spirituel.

5° L'oubli des confrères. On n'a pas le loisir de pratiquer comme il faudrait la charité à leur égard. La vie de famille en souffre ; il s'ensuit des isolements souvent funestes aux jeunes Frères, qu'on n'a plus le temps de recevoir en direction et par conséquent d'encourager, de guider, de former.

En somme, l'absence d'un sage gouvernement de soi-même conduit à la médiocrité et produit une anémie spirituelle qui, en portant atteinte à l'esprit religieux, à l'esprit de prière, à l'esprit de famille et à l'esprit mariste, empêche le surmené de travailler efficacement à sa perfection, base et condition de sa sanctification personnelle et de son rayonnement apostolique.

 Quelques remèdes

 Pour obvier aux inconvénients du surmenage, il faut :

 1° Donner à nos Frères une formation soignée. Formation religieuse d'abord, mais aussi sérieuse formation culturelle et pédagogique. Ainsi préparés de loin à leur mission, ils seront plus à même de la remplir convenablement, sans être obligés de consacrer des heures supplémentaires à la préparation immédiate des leçons qu'ils doivent donner.

Pour atteindre ce but, le dernier Chapitre Général a décidé de retarder l'âge d'admission au noviciat et a porté à deux ans la durée minimum du scolasticat. On est entré résolument dans cette voie dans la plupart de nos Provinces, dont quelques-unes consacraient déjà trois et même quatre ans au scolasticat. Il est à souhaiter que les Provinces qui n'ont pas pu encore donner à la formation le temps demandé par le Chapitre ne retardent pas davantage la mise en pratique d'une mesure qui donnera indubitablement de meilleurs religieux à la Congrégation et de meilleurs maîtres à la jeunesse.

 2° Mieux utiliser les jours de vacances ou de congé qui équivalent un peu partout, à la moitié de l'année. Ceux qui savent en profiter non seulement y trouvent un repos bien mérité, mais ils parachèvent leur formation professionnelle, ce qui les expose moins au surmenage. De là, la nécessité d'organiser des cours de vacances et d'y faire participer le plus grand nombre possible de Frères. Cette organisation incombe particulièrement aux Frères Provinciaux. Quand ils ne peuvent s'en charger eux-mêmes, ils doivent la confier à des Frères capables d'assurer les résultats que l'on est en droit d'attendre de ces réunions, si, avec l'entrain pour l'étude, il y règne la piété, la régularité et l'esprit de famille. Des nouvelles fort consolantes me parviennent des cours de vacances organisés en plusieurs Provinces. Dans certaines d'entre elles, les études poursuivies sont reconnues valables pour l'obtention des diplômes au même titre que celles qui se font pendant l'année scolaire. En d'autres Provinces, on groupe les Frères qui préparent un même examen ou étudient les mêmes matières.

En divers lieux, on a profité de ce temps, pour faire donner par des spécialistes des leçons de pédagogie, d'harmonie, de chant grégorien, de travaux d'atelier, etc., ainsi que des conférences sur la-Croisade Eucharistique, la J. E. C. (Jeunesse Étudiante Catholique) et divers autres mouvements de jeunesse.

On ne peut que louer et encourager ces initiatives prometteuses d'heureux progrès.

 3° Avoir un règlement particulier, comme il a été dit plus haut, et le suivre fidèlement. Nous estimons le règlement comme indispensable à la bonne marche d'une communauté, d'une classe ; il ne l'est pas moins à la conduite personnelle, pour ne pas s'exposer à passer d'un travail à un autre, à s'agiter, à se fatiguer sans profit. Trop de changements d'occupation, recherchés parfois à titre de dérivatifs, ont leur cause dans l'incapacité de se gouverner soi-même, et de s'astreindre à un travail suivi. Malgré l'agitation incessante, fiévreuse même qui les accompagne, ils constituent une des multiples formes de la paresse. Cette prétendue diversion n'est d'ailleurs nullement reposante, parce qu'elle demande au système nerveux une trop grande dépense d'activité supplémentaire.

 4° Fournir aux maisons, autant que possible, le personnel nécessaire, car le recours aux auxiliaires civils, malgré de réels services rendus aux Frères, impose à ceux-ci bien des suppléances astreignantes.

Dans quelques Provinces, la guerre et la persécution ont donné à ce problème un caractère alarmant. Pour ne pas aggraver la pénurie de personnel dont elles souffrent, elles doivent s'abstenir de faire de nouvelles fondations et de recevoir dans les écoles existantes plus d'élèves que ceux dont on peut raisonnablement prendre soin. Les statistiques de diverses années marquent dans certains secteurs de l'Institut une disproportion frappante entre l'accroissement du nombre d'élèves et celui du personnel enseignant : le premier dépasse considérablement ce qu'autorise le second. Réagissons au besoin et n'entreprenons pas plus que nous ne pouvons.

Il faut éviter d'engager l'avenir par des promesses de fondations nouvelles tant qu'on ne peut compter sur le personnel voulu, quant au nombre et à la préparation ; peu importe que nous devions renoncer, de la sorte, à des offres avantageuses, il s'en présentera d'autres quand nous serons à même de les accepter. A la Maison-Mère nous en recevons sans cesse, ainsi trois évêques sont venus nous voir dans ce but, dans l'espace de deux mois, et plusieurs autres nous ont écrit.

Dans là plupart des Provinces on est également assailli de demandes de ce genre. Parfois elles ont déjà été refusées par d'autres Congrégations qui, comme nous, ont compris le très urgent besoin de travailler en profondeur plutôt qu'en étendue.

Accordons peu d'importance au nombre d'écoles et d'élèves tant que la durée de la formation des jeunes Frères ne sera pas suffisante et que toutes nos maisons ne disposeront pas du personnel religieux dont elles ont besoin pour fonctionner d'une façon normale. En disant cela j'ai surtout en vue la vie religieuse et la santé des Frères sans oublier, pour autant, la bonne marche de nos écoles.

Suivre la voie indiquée par la Règle dans le cas où, pour de sérieux motifs, des Frères ou même des communautés ne peuvent pas se conformer aux horaires qu'elle nous trace. Il faut soumettre au Frère Supérieur Général et à son Conseil les modifications jugées nécessaires. C'est là une question que les Frères Provinciaux, mieux que personne, sont à même d'étudier à l'occasion des visites, puisqu'ils peuvent alors prendre sur place tous les renseignements qui justifieraient une modification du règlement en vigueur dans l'Institut.

 6° Se conformer à la lettre et à l'esprit de la Règle qui désapprouve les œuvres pour la direction desquelles nous n'avons pas suffisamment de Frères qualifiés ou celles qui ne sont pas conformes aux usages et aux traditions de notre famille religieuse. Elle veut également que nous évitions les longues veilles, la multiplication des leçons particulières, la participation à des œuvres étrangères à notre vocation et même à certaines cérémonies de l'église, toutes choses qui occasionnent, en général, un surcroît de fatigue ou qui portent préjudice aux occupations inhérentes à l'emploi dont nous sommes chargés.

Dans cet ordre d'idées, il est à désirer que les Frères qui suivent des cours ou préparent des examens en leur particulier, puissent y consacrer tout le temps voulu, sans avoir le souci d'un emploi trop absorbant qui se concilierait difficilement avec la marche normale de leurs études. Si la chose n'était pas possible ils ne devraient pas, pour autant, s'obliger à un effort ruineux pour leur santé. De même, les Frères chargés de la préparation des élèves aux examens ou de tout autre travail exceptionnel doivent, non seulement ne pas négliger leur vie spirituelle, mais ne pas se priver non plus d'un repos et de loisirs qui leur sont indispensables.

Ce sujet du surmenage et de ses incidences n'est pas épuisé. Je pourrais parler encore du besoin de pourvoir nos écoles, dans la mesure de leurs ressources, des livres de référence et du matériel scolaire susceptibles de rendre moins fatigant le travail des maîtres. Certaines remarques relatives aux Frères qui sont chargés d'un emploi manuel pourraient également trouver ici leur place,' mais je ne doute pas que les indications qui précèdent ne suffisent à vous convaincre du besoin d'étudier sérieusement et partout ce grave problème. Pleine-ment confiant dans le bon esprit qui vous anime, je suis persuadé qu'en cela vous aurez en vue les intérêts généraux de la Congrégation et le bien particulier de chacun de ses membres.

Il est des mesures faciles à prendre dès maintenant ; d'autres pourront être adoptées progressivement. Que chacun s'y emploie autant qu'il dépend de lui. Si nous ne pouvons supprimer complètement le surmenage, tâchons, du moins, d'en atténuer les effets désastreux. En outre, la soumission à une discipline sérieuse et l'acquisition d'habitudes de régularité feront réaliser de rapides progrès dans un rationnel et religieux gouvernement de soi-même.

En me faisant un devoir d'attirer votre attention sur ce mal sournois très nuisible à notre vie religieuse et apostolique, je ne prétends pas, mes bien Chers Frères, sous-estimer la valeur éminente de l'esprit de sacrifice, ni vous porter à des préoccupations excessives de votre santé. Pour éviter toute équivoque, je vous dirai avec la Règle que « Si c'est une chose blâmable dans un religieux de prendre un soin trop grand et trop inquiet de son corps et de sa santé, c'en est une louable, juste et nécessaire d'en prendre un soin raisonnable et de veiller avec prudence et discrétion à la conservation de ses forces ; c'est même un devoir pour des personnes vouées par état à l'enseignement » (art. 471).

Ces recommandations sont très sages, mais s'il nous fallait choisir entre une vie féconde quoique courte et une vie plus longue mais médiocre, nous ne devrions pas hésiter un instant à sacrifier la longueur des jours à leur plénitude. Oui, soyons prudents, mais selon l'esprit de la Règle et non pas de cette prudence du siècle que le Cardinal Vaughan dénonçait chez certains hommes d’œuvres au zèle mal éclairé : « Ils conseillent tellement la prudence, disait-il, que c'est à se demander s'il n'y a pas d'autre vertu à recommander ; ils seraient même capables de prêcher la prudence à leur Crucifix. »

 Statut Capitulaire sur la pauvreté

 Les Statuts Capitulaires, une fois promulgués, deviennent obligatoires pour tous les membres de l'Institut. Mais, pour qu'ils aient toute leur efficacité, il est nécessaire de les rappeler de temps en temps. Je donnerai aujourd'hui un court commentaire du premier paragraphe du Statut Capitulaire n° 9 relatif à la pratique de la pauvreté.

Notre-Seigneur désigne cette vertu au jeune homme riche de l'Évangile, comme la base de la perfection ; et lui-même, Fils de Dieu, infiniment riche et puissant par nature, venant parmi nous comme Sauveur et comme Modèle, veut naître, vivre et mourir en pauvre.

S'il nous prêche si éloquemment l'amour de la pauvreté, par ses paroles et ses exemples, c'est qu'il en connaît les avantages, soit pour chaque religieux en particulier, soit pour les Instituts en général. Au religieux la pauvreté facilite la pratique de plusieurs vertus essentielles, telles que l'humilité, la mortification et le détachement des plaisirs du monde, la confiance et l'abandon à la Divine Providence, dispositions éminemment favorables à l'oraison et à l'union à Dieu. Pour les familles religieuses, elle forme un puissant rempart contre l'esprit du siècle et ses mœurs dissolvantes.

De cette muraille protectrice, sainte Claire aurait voulu envelopper tous ses monastères. Les fondateurs d'ordres, et notamment le Vénérable Père Champagnat, ont tous pensé de même, et l'expérience prouve que les communautés où se maintient l'esprit de pauvreté se conservent mieux à l'abri du relâchement que celles où s'établissent le confort, le bien-être et la vie bourgeoise.

Aussi la Sainte Église trace-t-elle dans le Droit canonique, des règles très sages pour l'administration des biens communs dans les Instituts religieux.

On s'est souvenu de ses principes au Quatorzième Chapitre Général. Le statut capitulaire numéro 9, sur la pauvreté, commence ainsi «Dans le but de dresser une barrière à l'esprit du monde qui assaille de toutes parts le vœu de pauvreté et la pratique de cette vertu, les Frères chargés de l'administration des maisons et des Provinces n'excéderont jamais leurs pouvoirs en ce qui concerne les dépenses, et se muniront des autorisations prévues par les Constitutions et les Règles.»

A ce sujet, mes bien chers Frères, il n'est pas rare d'avoir à déplorer des fautes ou des erreurs provenant d'une connaissance imparfaite des prescriptions du Droit canonique ou de nos Règles. Il ne sera pas inutile de rappeler ici quelques notions essentielles accompagnées d'observations d'ordre pratique.

1. Les biens temporels sont toutes choses matérielles estimables à prix d'argent, par exemple une terre, une maison, des meubles, des actions, des obligations.

2. Le Code canonique et nos Constitutions considèrent l'Institut, la Province et chaque maison comme personnes morales ayant capacité d'acquérir, posséder, administrer les biens temporels (canon 531).

3. Par administration des biens, on entend les actes destinés à les conserver où à les faire valoir.

4. L'aliénation est le transfert total ou partiel d'un bien meuble ou immeuble, par donation, échange, vente, ou concession d'hypothèques.

3. Le placement d'argent a pour but de conserver cet argent ou un bien équivalent, et de lui faire rapporter quelque bénéfice, par exemple mettre de l'argent en banque pour lui faire produire des intérêts ; ou, dans le même but, acheter des actions ou des obligations ; acquérir une ferme pour en retirer les fruits, ou un immeuble pour le louer et en percevoir une location, etc.

6. Les maisons doivent collaborer aux œuvres de la Province, et les Provinces à celles qui intéressent le bien commun de l'Institut. C'est pourquoi les Frères Directeurs ou Économes, après avoir liquidé leurs dettes, et réservé l'argent nécessaire pour aller de l'avant, verseront chaque année à la Caisse générale, par l'intermédiaire de l'Économat provincial, le tiers de l'excédent de leurs épargnes, les deux autres tiers étant versés à la Caisse provinciale. (Const., art. 169.) Il ne doit donc pas y avoir de « caisse noire », ni de dissimulation dans les comptes. « Aucune ressource spéciale, quelle qu'en soit la provenance, ne peut être distraite du fonds commun par une maison ou une Province, pour être appliquée à une œuvre particulière sans une autorisation expresse du. Conseil Général. Les sommes versées à la Caisse commune seront portées aux dépenses. » (R. du G., art. 142.) Si donc, pour une future construction, un monument à ériger, des orgues à acquérir ou autres choses semblables, on désire pendant quelques années constituer un fonds de réserve, il faut en demander la permission et faire figurer ce fonds spécial dans les arrêtés de comptes semestriels.

7. La permission du Saint-Siège est requise : 1° pour aliéner des biens d'une valeur supérieure à 30.000 francs ; 2° pour contracter des dettes ou obligations dépassant 30.000 francs.

Notons que la maison, la Province ou la Congrégation qui fait une telle demande, doit, en même temps, sous peine de nullité, faire mention des . autres dettes qu'elle a déjà.

Dans tous les pays, la valeur de l'argent a été modifiée, ces dernières années, dans des proportions extraordinaires. Elle est encore soumise à des fluctuations-continuelles, et il en résulte un déséquilibre allant s'accentuant entre les diverses monnaies-papier. La monnaie-or au contraire est plus stable. C'est pourquoi l'unité monétaire dont. parlent les documents pontificaux, comme nos Constitutions, c'est le franc-or. En conséquence, pour évaluer en chaque pays les sommes dont on peut disposer avec ou sans permission du Saint-Siège ou du Conseil Général, il faut ramener ces sommes à leur valeur-or.

Toutefois, dans les demandes d'autorisation adressées au Conseil Général ou au Saint-Siège, le montant des sommes doit être exprimé en monnaie papier du pays.

8°. Les prescriptions du Saint-Siège concernant les aliénations et les dettes sont sanctionnées par des peines très graves : la première est de frapper de nullité les actes passés sans l'autorisation du. Saint-Siège, lorsque celle-ci est requise par le droit canonique. La seconde est l'excommunication encourue de plein droit par tous ceux qui, librement, et en pleine connaissance de cause, ont omis de demander l'autorisation du Saint-Siège pour aliéner des biens ecclésiastiques ou religieux d'une valeur supérieure à 30.000 francs. Cette peine frappe le supérieur compétent et les conseillers qui ont décidé ou approuvé l'acte (canon 2347).

Remarquons toutefois que cette peine très grave ne serait pas encourue si la culpabilité était atténuée par quelque cause que ce soit, par exemple, la crainte de déplaire à un supérieur, une ignorance même grave du Droit canonique, car le canon 2347 frappe d'excommunication ceux qui posent ces actes scienter, c'est-à-dire en toute connaissance et liberté. (CREUSEN.)

 Le Code ajoute cette prescription très sage : « Les supérieurs veilleront à n'autoriser des dettes que s'il est certain qu'avec les ressources ordinaires on peut payer l'intérêt et restituer le capital, par un amortissement légitime, en un temps qui ne soit pas trop long » (canon 536).

Si la Sainte Église soumet, en ces matières, les Instituts religieux, à des règles détaillées et austères, c'est que, dans sa sollicitude, elle veut les préserver des préjudices, parfois très graves, causés par l'inexpérience ou l'esprit d'aventure. La Sacrée Congrégation des Religieux ne nous apprend-elle pas elle-même, que la nécessité de fixer de strictes limites aux dettes et emprunts lui fut imposée par l'imprudence et le manque de mesure de certains supérieurs.

N'a-t-on pas vu des économes ou des supérieurs qui, pour avoir agi avec précipitation, sans les autorisations nécessaires, ont fait subir des pertes considérables à une maison, une Province, une Congrégation, privant ces dernières de ressources indispensables ?

 Voici quelques faits :

Une supérieure de Congrégation se lance dans d'immenses entreprises qui demandent d'énormes capitaux. Elle les obtient sans peine, grâce à la bonne réputation de son Institut et à la situation de son excellente famille avantageusement connue dans le pays. N'ayant pas, au moment voulu, de quoi rembourser les emprunts ou en payer les intérêts et amortissements, elle ne s'embarrasse pas pour si peu. Dans le but de liquider ses premières dettes, elle fait d'autres emprunts et continue ses œuvres grandioses qui excitent l'admiration universelle. Mais, un jour, un Visiteur canonique finit par y voir clair et découvrit une situation financière catastrophique et l'imminence d'un grand scandale. Ce malheur pour la Congrégation et pour la religion fut évité grâce à des parents, à des amis et bienfaiteurs généreux qui se chargèrent de solder les dettes et de rembourser les emprunts. Inutile d'ajouter que la supérieure imprudente fut déposée et privée de toute charge.

Les œuvres entreprises sans ressources suffisantes au moyen d'emprunts non garantis, sont contraires à l'esprit des prescriptions apostoliques, ne peuvent être agréables à Dieu, et ne sauraient procurer au prochain une utilité durable. (BATTANDIER.)

Il faudra imiter l'obéissance des saints aux prescriptions de l'autorité légitime, plutôt que leurs initiatives, justifiées par une inspiration spéciale de Dieu. (CREUSEN.)

 Autre exemple :

Un Frère occupe une charge importante dans sa Congrégation ; il revoit la visite d'un inconnu ; celui-ci lui dit que, par bienveillance pour des religieux dont il estime les œuvres, il vient lui proposer une affaire merveilleuse. Qu'on lui avance des capitaux. et on en retirera des bénéfices considérables. Mais il faut se décider immédiatement ; demain ce serait trop tard.

Le bon religieux hésite ; il lui faut l'autorisation des supérieurs. D'autre part, l'inconnu paraît si désintéressé, animé d'intentions si droites, l'occasion est si magnifique, ne serait-il pas fâcheux, ou même coupable, de la manquer ? Il avertira immédiatement après, qui de droit. Et voilà qu'il signe ce qu'on lui propose, et remet tous les fonds dont la gestion lui est confiée. Hélas ! bientôt il constate avec stupeur qu'il est victime d'un escroc très habile.

Que de fois les circulaires des supérieurs n'ont-elles pas mis en garde contre les propositions d'inconnus offrant à des conditions, à première vue très avantageuses, soit des placements d'argent, soit des marchandises. Et malgré ces avis, il en est encore de temps en temps qui se laissent tenter et ont ensuite à regretter amèrement leur imprudence et leur manque de docilité.

Un Frère Directeur d'un important pensionnat avait besoin d'un orgue. Il s'en présente un d'occasion. C'est certainement une excellente acquisition et il la fait, mais sans autorisation. Il demande ensuite sanation à son Supérieur Général. Celui-ci lui répond : « Vous avez manqué à la pauvreté, revendez l'orgue immédiatement. » Et il lui impose une salutaire pénitence.

Un Frère économe, pour couvrir une négligence coupable ou une maladresse humiliante, fausse sa comptabilité, se proposant bien de rétablir la balance exacte au moyen de certains bénéfices qu'il escompte. Mais ses espoirs ne se réalisent pas, sa conscience crie. Il est contraint de tout avouer, et il apprend à ses dépens la sagesse de cette devise, pour tout supérieur et tout administrateur : Etre droit pour être adroit.

On pourrait multiplier les exemples. Tous montreraient que s'il convient de laisser aux administrateurs une certaine initiative et une liberté raisonnable , il serait dangereux qu'ils puissent, sans permission, prendre des mesures importantes dont ils ne devraient aucun compte aux supérieurs.

Ajoutons que les Frères Directeurs et Provinciaux ne sont en droit de décliner toute responsabilité pour les erreurs ou les irrégularités de leurs subordonnés que s'ils ont été exacts à les diriger et à se faire rendre compte de leur gestion.

Quand des Frères ou des Conseils ont dépassé leurs attributions sur le point qui nous occupe ils doivent en toute humilité et franchise en demander sanation. Se dérober alors, de quelque façon que ce soit, au contrôle des Supérieurs serait une nouvelle faute qui exposerait à des états de conscience inquiétants.

Il n'est pas rare d'entendre dire que le temps passé à attendre une permission risque de faire perdre de bonnes occasions mais l'expérience prouve qu'une telle attente a souvent préservé de graves erreurs ou a permis de trouver de meilleures solutions que celles que l'on envisageait.

Le Code canonique, les Constitutions, les Règles nous tracent la conduite à suivre. Soyons-y minutieusement fidèles. Notre conscience sera toujours en paix et Dieu bénira nos entreprises.

 Visite de délégation

 à la Rhodésie du Sud et au Nyassa.

                          MON RÉVÉREND FRÈRE SUPÉRIEUR,

De retour de la visite canonique à nos missions de la Rhodésie du Sud et du Nyassa dont vous m'aviez chargé, je m'empresse de venir vous rendre compte de ma mission. Je dois d'abord vous remercier de m'avoir permis de prendre l'avion pour cette visite, ce qui a notablement abrégé la durée du voyage ; puis de m'avoir accompagné de vos prières et d'en avoir demandé à mon intention, si bien que mon itinéraire s'est effectué non seulement sans incident fâcheux, mais même d'une façon très agréable. Les Frères des deux postes m'ont chargé de vous exprimer leur reconnaissance pour la marque d'affectueux intérêt qu'est une visite du délégué du Supérieur Général, surtout quand elle demande des frais et un déplacement considérables, et, en outre, de vous assurer de leur détermination de faire tout leur possible pour être de dignes missionnaires maristes dont puisse être fier le Vénérable Père Champagnat.

 KUTAMA (Rhodésie du Sud)

 Ma première visite fut pour Kutama, en Rhodésie du Sud. Quand l'on dit Kutama, il ne faut pas imaginer une ville ou même un village à l'européenne. Le terme désigne surtout une des réserves dans lesquelles sont groupés les noirs de la Rhodésie. Les blancs en sont exclus à moins qu'ils ne représentent le gouvernement ou quelque activité missionnaire. La mission elle-même est située sur un terrain d'environ cinquante hectares, entourée de plusieurs petits villages nègres. Elle se trouve à douze kilomètres du chemin de fer Johannesburg-Salisbury, soit environ au 17° degré de latitude sud, et au 30° degré de longitude est du méridien de Greenwich. La ville la plus rapprochée est Salisbury, siège d'un Vicariat Apostolique.

 Fondation.

 La fondation remonte à 1938. Les Frères canadiens de la Province d'Iberville, envoyés pour assurer la relève des Frères de l'Afrique du Sud à Roma (Basutoland), se heurtèrent à des difficultés qui les empêchèrent de prendre pied au Basutoland. Alors Monseigneur Chichester, vicaire apostolique de Salisbury, ayant rencontré ces Frères les invita à prendre la direction de son école de Kutama, dirigée par un Père Jésuite cumulant les fonctions de directeur d'école, de missionnaire, de surintendant d'hôpital, etc. Le Cher Frère Louis-Patrice, directeur du groupe, se rendit sur place pour étudier les possibilités d'exécution de ce projet. II y enseigna quelques mois, pendant que les autres Frères prêtaient main-forte dans les établissements de la Province de l'Afrique du Sud. A la fin de l'année scolaire 1938, il les réunit à Kutama pour préparer l'ouverture des classes de 1939, sous la direction des Frères Maristes. Ils étaient six Frères.

Sur le terrain de la mission, ils trouvèrent une belle église, construite en blocs de ciment, un presbytère en briques, un édifice en blocs de ciment qui servit de résidence aux Frères, et plusieurs constructions en pisé avec toit de chaume, utilisées comme salles de classes et dortoirs pour les élèves. L'école fonctionnait comme petit pensionnat où se donnaient les cours primaires et deux années d'école normale. L'école du village annexe servait aux leçons d'application.

 Développement.

 Dès la première année, les Frères durent envisager l'amélioration et l'agrandissement des locaux. Comme matériel ils trouvaient sur place des briques et des tuiles du pays, pour lesquelles les termitières fournissaient la matière première. Pour la construction ils ne trouvaient dans les environs qu'un bois fort dur et en petite quantité. Ils durent l'acheter, ainsi que les autres matériaux, chez les entrepreneurs de la ville de Salisbury. Avec l'aide des indigènes et des ressortissants italiens, prêtés par le gouvernement pendant la guerre, et beaucoup de travail personnel, les Frères ont pu bâtir deux autres résidences pour eux-mêmes, deux grands dortoirs d'élèves, deux vastes ateliers et deux belles maisons d'école, où ils logent leurs douze classes actuelles et leurs bureaux.

Inutile de dire que le nombre d'élèves a augmenté. On compte à présent 389 pensionnaires répartis dans le cours primaire de six années, le cours d'école normale de deux ans, et le cours secondaire (Junior Certificate) de trois classes, inauguré il y a deux ans.

L'école d'application pour l'école normale a hérité des locaux primitifs. Elle compte environ 130 élèves et sert d'école de village.

De plus, un Frère est chargé de l'organisation et de l'inspection d'écoles catholiques dans cinq villages. Ces écoles sont érigées par les villages eux-mêmes, avec l'aide du gouvernement et des Frères. L'avantage pour la religion est que l'inspecteur a le droit d'engager les maîtres. Ainsi une école de village organisée par des catholiques aura des maîtres catholiques et pourra enseigner la religion catholique. Les salaires sont payés par le gouverne-ment par l'entremise du Frère Inspecteur. Chacune des écoles que nous dirigeons ainsi compte de 100 à 140 élèves, répartis en trois classes et comprend six années d'enseignement. Pour la leçon de religion, les enfants sont divisés en trois groupes homogènes : Chrétiens, catéchumènes et païens. La classe se fait en langue indigène et en anglais. J'ai été agréablement surpris d'entendre. des élèves de la classe enfantine employer avec aisance quelques phrases anglaises qu'on leur avait apprises par la méthode directe. En sixième année, ils lisent et parlent déjà très convenablement.

Monseigneur le Vicaire Apostolique désire vivement la multiplication de cette sorte d'écoles qui assurent définitivement la propagation de l'Évangile, et qui fournissent aussi des débouchés pour Ies finissants de notre École Normale. Le manque d'argent et de personnel, ainsi que la concurrence protestante, retardent quelque peu l'exécution des désirs apostoliques de Monseigneur.

 Élèves.

 L'école des Frères est fréquentée par des noirs dont l'âge varie de 11 à 28 ans. Ces différences d'âge s'expliquent assez facilement par l'inexistence d'une loi de fréquentation scolaire, par le manque d'écoles à proximité de leur village, par la pauvreté du grand nombre d'entre eux et aussi par le fait que certains n'éprouvent que très tard le besoin d'apprendre.

D'une façon générale, l'on peut dire que ces élèves sont, dociles et témoignent une grande bonne volonté. A peu près tous assistent à la messe quotidienne, bien que les païens n'y soient pas tenus, et un grand nombre y communient. Ils participent avec entrain aux prières vocales et au chant, aussi leurs prières et leurs cérémonies religieuses sont-elles des plus édifiantes.

Ces noirs ont cependant leurs petites susceptibilités et une psychologie avisée est nécessaire pour les retenir à l'école, afin de les former sérieusement à la religion catholique. La discipline doit être ferme mais paternelle, et je suis heureux de dire qu'à Kutama elle réunit ces deux conditions et que l'esprit de la gent écolière est tout ce que l'on peut désirer de mieux.

 Enseignement.

 Récemment on a donné à notre école de Kutama le nom de St. Francis Xavier College.

Les classes préparatoires au secondaire, ou classes primaires, sont tenues par-deux Frères Maristes et quatre maîtres indigènes. L'enseignement du secondaire et de l'école normale est exclusivement donné par les Frères.

Comme l'école est officiellement re connue par le gouvernement, les examens sont contrôlés par les inspecteurs et les succès ont été jusqu'ici satisfaisants. Les examens de la section « Junior Certificate » auront lieu pour la première fois l'an prochain quand les élèves de cette section récemment inaugurée termineront leurs cours.

Les Frères visent à élever encore le niveau des études en introduisant aussitôt que possible les cours conduisant à l'immatriculation à l'université et une école normale supérieure, n'acceptant que les élèves munis de leur « Junior Certificate ». Actuellement ces derniers peuvent entrer à l'École Normale après l'enseignement primaire. Les Frères sont fortement encouragés à suivre ce plan par Mgr le Vicaire Apostolique qui voit aussi l'influence dont jouira une élite africaine formée dans une école catholique. La nôtre sera unique dans ce genre en Rhodésie du Sud. Mais la réalisation de ce programme si important exigera un personnel de vingt-deux Frères alors qu'ils ne sont que douze à présent. Aussi l'appel pour les volontaires aux missions doit-il se faire plus pressant.

En plus de l'enseignement de la religion, la littérature, les mathématiques, l'histoire, le programme comprend celui de l'agriculture et des arts et métiers, désigné sous le nom de « craft ». L'atelier, les jardins, la ferme et le troupeau de bêtes à corne servent à la pratique de diverses théories proposées en classe. Presque toute la soirée des jours ouvrables y est consacrée. Les cours se donnent le matin de 8 heures à midi et demi, avec une courte interruption après chacun d'eux. On comprend facilement que les journées des Frères soient ainsi bien remplies.

 Finances.

 Grâce aux salaires que les Frères reçoivent du gouvernement, les finances sont satisfaisantes. Avec l'appoint d'une maigre mensualité, de la vente de produits laitiers, et de quelques rares dons, l'école peut boucler son budget, et même économiser peu à peu pour agrandir ses locaux. Il manque beaucoup de choses pour en faire une école moderne bien outillée, mais la patience de nos missionnaires ne se dément pas, et ils savent que la Providence leur viendra en aide au moment opportun, surtout quand ils y mettent du leur comme ils le font.

 Vocations.

 C'est avec grand plaisir que j'ai constaté que les efforts des Frères pour le recrutement de vocations indigènes ont obtenu déjà quelque succès. Il est convenu qu'un juvénat, oh ! bien primitif, sera inauguré sur place dès la rentrée de la prochaine année scolaire. On fera suivre aux juvénistes le cours complet du secondaire et les deux ans de l'école normale, pendant ce temps on les initiera à l'étude de la langue française. Pour le postulat et le noviciat on pourra les conduire soit à Madagascar, soit au Congo Belge. Dieu veuille que dans quelques années nous ayons des Frères Maristes noirs en Rhodésie du Sud.

 En regardant l'avenir.

 Notre champ d'action dans l'avenir ne se limitera pas à la seule école de Kutama, tout importante qu'elle soit, mais il pourra s'étendre au loin, si les ressources en matériel et en personnel lui sont fournies. Nous sommes jusqu'à présent la seule congrégation de Frères enseignants implantée en Rhodésie du Sud, et de nombreuses colonies anglaises avoisinantes nous tendent les bras.

 MTENDERE (Nyassaland)

 Arrivé à Kutama le 15 mai au soir, je le quittais momentanément le 2 juin suivant, pour visiter les Frères de Mtendere (Nyassa). Les communications ne sont ni commodes, ni directes, sinon par air. Je me vis donc contraint de prendre l'avion régulier de Salisbury en Rhodésie du Sud jusqu'à Blantyre (Nyassa) et pour les trois cents kilomètres restants, un avion d'occasion à passager unique. Le 4 juin je descendais à Likuni, siège du Vicaire Apostolique, actuellement Monseigneur Julien, des Pères Blancs. II était absent mais il avait laissé un mot à mon adresse me demandant de l'attendre. Il revint en effet le lendemain, et il me reçut très aimablement. Monseigneur parla longuement de la mission et de ses projets d'éducation, et il s'offrit à me faire conduire à Mtendere dans sa camionnette. Le lendemain, 6 juin, spontanément, il offrit le Saint-Sacrifice pour demander la béatification du Vénérable Père Champagnat, et après-dîner, il me fit conduire à la mission où nos Frères ont pris la direction d'une école, à soixante-dix kilomètres au sud de Likuni. Pendant cette saison sèche de l'hiver, les chemins étaient en assez bon état, mais très poussiéreux.

A 2 heures, je mettais pied à terre devant l'église de Mtendere, au moment où les Frères avec leurs élèves se rendaient au Salut du Saint-Sacrement. Les Frères sont au nombre de quatre dont deux dirigent l'école étant au Nyassa depuis bientôt un an, et les deux autres étudient la langue du pays, le quinyanja.

'Mtendere est dans la partie sud du Nyassaland, longue bande de terre étroite qui longe la rive occidentale du lac Nyassa. La mission se trouve environ au 14° degré de latitude sud et au 35° degré de longitude est de Greenwich ; son altitude est d environ 1.560 mètres. Les Pères Blancs y sont établis depuis assez longtemps, mais l'école centrale qu'ils ont confiée à nos Frères a été construite peu de temps avant l'arrivée de ces derniers, et elle n'était pas même tout à fait prête pour l'ouverture des classes.

 Fondation.

 Depuis longtemps, Monseigneur Julien demandait instamment nos Frères du Canada pour la direction des écoles les plus importantes de son vicariat. Le Cher Frère Clement, assistant général, lors d'une visite canonique à Kutama avait, sous l'invitation pressante du Vicaire Apostolique, poussé une pointe en compagnie du Cher Frère Louis-Patrice jusqu'à Likuni. Il était revenu édifié de ce qu'il avait vu, surtout de la pauvreté évangélique des Pères Blancs, et il avait conseillé d'accéder à leurs demandes.

C'est ce que fit le Conseil Provincial du Canada, et à l'occasion de la division de la Province canadienne, la nouvelle mission échut à la Province de Lévis. Deux Frères de Kutama allèrent en juin 1946 étudier la langue indigène et préparer les voies deux autres les rejoignirent en octobre suivant.

 École.

 L'école de Mtendere, placée par les Frères sous le patronage de Notre-Dame de la Paix, est appelée Station School, et constitue, dans le système d'éducation de cette colonie anglaise, un cours complémentaire de trois ans entre le premier degré de l'école primaire et l'école secondaire. Le gouvernement ne verse des subsides que pour une seule Station School par mission, mais les Pères ne veulent pas se laisser arrêter par la question financière.

Comme il a été dit, deux Frères s'occupent de l'école, et ont trois instituteurs auxiliaires indigènes, dont un ancien séminariste bien instruit. L'enseignement s'y donne en quinyanja, et surtout en anglais. Les inspecteurs officiels visitent l'école plusieurs fois chaque année et contrôlent les examens. On ne peut encore apprécier la qualité de l'enseignement et des enseignés, car l'établissement n'a que huit mois d'existence. Mais l'inspecteur du gouvernement, venu quelques jours après mon départ, a écrit une lettre au Cher Frère Directeur pour le féliciter de l'organisation de l'école et du travail déjà accompli.

Comme à Kutama, Monseigneur a mis à la disposition des Frères un immense terrain pour jardinage et cultures variées. Jusqu'ici les Frères n'ont travaillé qu'au jardinage avec l'aide des élèves qui font l'application des notions théoriques du cours d'agriculture. Il est à remarquer que le terrain est d'une fertilité extraordinaire et que les produits du jardin déjà récoltés sont très satisfaisants.

 Élèves.

 La clientèle scolaire est loin d'être homogène au point de vue études, âge, religion, fortune, etc. La première année il a fallu prendre à peu près tous ceux qui se présentaient et qui offraient une garantie suffisante de bonne conduite. Il y a environ cent trente nègres, tous pensionnaires, dont la plupart sont païens ou catéchumènes. Ils sont d'une pauvreté extrême surtout si on en juge par notre train de vie, mais ils ne semblent pas trop s'en soucier. L'esprit des élèves est très bon actuellement ; mais il a fallu du temps, du doigté et de la patience pour gagner la confiance de ces êtres primitifs qui se rebutent facilement. C'est ainsi que trois décès successifs dus à des maladies apportées de chez eux par les enfants ont failli vider l'école, les noirs ayant pris la panique. Le Frère Directeur réussit à les calmer mais une vingtaine quittèrent subrepticement dans la suite.

Les Frères se proposent d'aller faire eux-mêmes l'examen des élèves que leur préparent les différents postes de mission et de se servir des résultats de ces examens pour l'admission de nouveaux élèves.

 Locaux.

 L'édifice qui doit servir exclusivement à l'école n'est pas entièrement fini à l'intérieur mais il est spacieux, et d'une bonne distribution. Il existe pour les élèves une cuisine et un réfectoire séparés et très bien conditionnés. On construit présentement une, belle résidence pour les Frères, qui devra être prête pour la rentrée. Les fondations sont déjà posées d'un vaste dortoir pour loger cent quatre-vingts élèves. Dans quatre ou cinq ans, quand toutes les constructions seront finies, les Frères seront convenablement installés pour vivre leur vie de religieux éducateurs.

 Vie religieuse.

 Avec deux Pères Blancs et un prêtre noir à la cure, l'école jouit de toutes les facilités au point de vue du culte. Tous les matins Frères et élèves descendent la colline où est située leur école pour se rendre .à l'église du Village. A part les prières liturgiques qui se disent en latin,, tout se fait en langue indigène. Tous les élèves récitent la prière du matin, qui est suivie de la messe à laquelle on assiste pieusement en priant tout haut et en chantant. Nombreuses sont les communions parmi les chrétiens.

J'ai été grandement édifié par les cérémonies de la Fête-Dieu auxquelles prenaient part hommes, femmes et enfants du village, ainsi que les élèves des Frères. Un chœur d'élèves préparé par le Frère Victor-Dominique exécuta plusieurs chants en partie, par cœur et avec une maîtrise extraordinaire après un si court laps de temps.

Les jeunes en général sont avides d'instruction, tant religieuse que profane, et avec la grâce de Dieu ils arrivent ainsi facilement à la connaissance et à la pratique de notre sainte religion.

 Projets d'avenir.

 Dès maintenant Monseigneur Julien fait la demande ferme de Frères pour son École Normale de Likuni, pour des Station Schools à trois endroits et pour certains cours dans son Petit Séminaire de Kasina. Avec un minimum de quatre Frères par poste, cela représente un placement immédiat de vingt Frères. Combien de temps faudra-t-il à la Province de Lévis pour fournir ce beau contingent de Missionnaires ?

Monseigneur le Vicaire Apostolique donne toute liberté de faire du recrutement, même parmi les élèves de son Petit Séminaire. Les Frères de Mtendere se sont déjà occupés de vocations et il est possible que, dès la rentrée prochaine, un ou deux juvénistes se rendent à Kutama en Rhodésie du Sud, où sera le juvénat pour les deux Provinces.

 Régularité.

 Les conditions de vie dans nos établissements de la Rhodésie du Sud et du Nyassa sont telles, Mon Révérend Frère Supérieur Général, que les Frères peuvent y vivre leur vie de communauté intégralement, et je suis heureux de leur rendre le témoignage qu'ils s'y sont appliqués généreuse-ment jusqu'ici. L'adaptation au pays avait donné lieu sur deux ou trois points à une interprétation un peu large de la règle, mais tous les Frères se sont rangés aux directives données par les Supérieurs aussitôt qu'elles ont été connues. Leur bon esprit et leur zèle sont au-dessus de tout éloge, ainsi que leur attachement à l'Institut, et je suis certain que, dans le cours de votre généralat, vous n'aurez qu'à vous réjouir et à bénir Notre-Seigneur et la Sainte Vierge des œuvres missionnaires des enfants du Vénérable Père Champagnat en Rhodésie du Sud et au Nyassaland.

Fr. PAUL-STRATONIC, A. G

Visite de Délégation

à la Province de Beaucamps

 Extrait du rapport.

 La Province est une vieille centenaire. Elle aurait beaucoup à dire si elle contait ses Mémoires.

Née en 1842, elle fut, à l'âge de 8 ans, consacrée au Saint et Immaculé Cœur de Marie par le Frère Louis-Bernardin, dès qu'il prit la direction de la maison. La cérémonie se fit le 2 juillet 1850, fête de la Visitation de la Sainte Vierge, en présence des Frères, des novices et des élèves pensionnaires et externes. Pour en perpétuer le souvenir, après un discours de circonstance, on attacha au cou de la statue de Marie, à la chapelle, un grand cœur en argent dans lequel on mit la liste de tous les Frères de la Province, des élèves de la maison, pensionnaires et externes, des fondateurs et bienfaiteurs, sans oublier les Supérieurs de la Congrégation.

Bénie par sa divine protectrice, la jeune Province ira, grandissant et prospérant avec, comme Assistants, des hommes comme les Frères Jean-Baptiste, Pascal, Théophane, Norbert, Climaque, Diogène.

Comme toutes les œuvres de Dieu, elle devait être marquée au front, du signe de la croix.

Première catastrophe et premier relèvement.

 En 1903, commença la grande épreuve : des lois sectaires interdirent la Congrégation en France.

Tandis qu'un grand nombre de ses sujets allaient à l'étranger, jeter les fondements d’œuvres aujourd'hui prospères, les autres, dans la mère-patrie dissimulaient sous l'habit laïc leur appartenance la Congrégation et s'efforçaient de continuer leur vie religieuse et leur apostolat. Beaucoup furent poursuivis devant les tribunaux, comme ce bon Frère Salathiel qui s'affaissa et perdit connaissance devant les juges et qui tomba mort dans un sentier en retournant à son école.

Mais rester fidèle à ses vœux et à ses Règles, en un mot rester religieux foncièrement, quand on est obligé de tout faire extérieurement pour montrer qu'on ne l'est pas, n'est-ce pas une gageure ? Cette vie constamment dédoublée et contradictoire n'est-elle pas aussi périlleuse que difficile ?

Si, comme l'a dit un grand écrivain catholique, « Quand on ne vit pas comme l'on pense on finit par penser comme l'on vit », quelle constance, quel héroïsme parfois n'a-t-il pas fallu à ces Frères persécutés, pour tenir ainsi pendant quarante ans, jusqu'à ce qu'enfin, en 1940, des décrets libérateurs abolirent les lois sectaires de 1903 ?

Mais quelle catastrophe pour la Province ! Elle comptait en 1903 :

87 établissements, aujourd'hui 17 ;

Il y avait 937 Frères, aujourd'hui 144 ;

Elle éduquait 17.520 élèves, aujourd'hui 2.699.

Toutefois il lui reste une fière et légitime satisfaction : ce sont les filles ou Provinces auxquelles elle a donné naissance et qui sont à ce jour en pleine prospérité.

C'est d'abord la Province de Grande-Bretagne et Irlande, dont les premiers sujets furent formés au noviciat de Beaucamps. C'est ensuite le Brésil Méridional avec ses six juvénats, et autres centres de formation et collèges si nombreux et si pleins de vie et de juvénile ardeur. Puis c'est la Belgique, séparée depuis dix ans, avec ses deux écoles normales, primaire et moyenne, ses Frères formés aux études pédagogiques, ses quarante écoles, et qui a fondé elle-même des œuvres magnifiques au Congo et en Hollande.

C'est enfin le district d'Allemagne érigé l'an dernier en Province, dont les œuvres, fondées entre les deux guerres, avaient pris un développement remarquable et que la persécution nazie a détruites, jetant les Frères, les uns aux armées, les autres à l'étranger dans le Liechtenstein, la Suisse et l'Uruguay. La jeune Province relève aujourd'hui vaillamment ses ruines.

Quant à la Province de Beaucamps, se réjouissant du succès de ses enfants et petits-enfants, elle vit, pour elle-même, se prolonger la persécution. Mais avec un courage admirable elle profita de toutes les circonstances favorables pour relever ses œuvres.

Dès 1903 elle transporta dans un pays voisin. l'hospitalière Belgique, son noviciat et son scolasticat, à Pommerœul, qui devint la maison provinciale. Les juvénats furent transférés à Pitthem et à Arlon.

En 1905 elle fonda sur la frontière franco-belge le pensionnat de Péruwelz destiné à recueillir les élèves dispersés de ses trois pensionnats du Nord.

En 1922, pour décongestionner la maison d'Arlon où trop d’œuvres s'embarrassaient, le juvénat qui s'y trouvait fut transféré à Habay-la-Vieille, dans un couvent délaissé par des religieuses qui nous le cédèrent à des conditions avantageuses.

En 1928, elle reconstruisit la belle maison de Beaucamps, que la comtesse de La Grandville avait jadis édifiée avec tant d'intelligence et de soin et dont la guerre de 1914-1918 n'avait laissé que des ruines amoncelées.

La réouverture du pensionnat fut accueillie avec grande satisfaction par le clergé et les familles. Celle du juvénat mit l'espérance au cœur de tous les Frères de la Province.

Puis, ce furent les populations de l'Oise qui, en 1929, se réjouirent de voir les Frères Maristes reprendre leur pensionnat de Pont-Sainte-Maxence occupé, depuis 1903 par un séminaire.

Un second juvénat, modèle pour la disposition des locaux, fut en 1930 construit pour recevoir quatre-vingts à quatre-vingt-dix juvénistes, à Cassel, petite ville qui domine la plaine des Flandres, à la population composée surtout de cultivateurs et de paysans restés bien attachés à la religion des ancêtres.

Jetant les yeux vers l'Est d'où venaient de belles et nombreuses vocations, on eut la pensée d'ouvrir un troisième juvénat sur place, dans la catholique Lorraine. On chercha longtemps et enfin la divine Providence nous fit trouver un magnifique château, classé par les Beaux-Arts, et dont les vastes salles pouvaient s'adapter à merveille à leur nouvelle destination. La propriété de onze hectares en parcs, pelouses, bois, verger et potager sur les bords de la Seille fut acquise à très bon marché. Les permissions d'installation d'un établissement scolaire nouveau par une Congrégation religieuse étaient très difficiles à obtenir. La Sainte Vierge y mit la main. Toutes les difficultés purent être surmontées et un très beau juvénat s'y installa en 1935.

Tandis que les juvénistes se multipliaient, les novices et scolastiques étaient toujours dirigés vers la maison de Pommerœul.

L'avenir paraissait des plus prometteurs et la Province se reconstituait magnifiquement.

 Nouvelle catastrophe et nouvelle résurrection.

 Hélas, la ruée nazie de 1940 vers l'Ouest balaya encore une fois toutes nos œuvres. C'est le sort de nos régions du Nord et de l'Est de la France. Les armées s'avancèrent comme un ouragan. C'était la guerre éclair.

Toutes nos grandes maisons furent occupées. Les Frères de 30 à 40 ans avaient été appelés sous les armes, nombre d'entre eux furent faits prisonniers et restèrent en captivité pendant cinq longues années. Quelques-uns même de ces derniers furent privés de confession, de communion et de messe pendant de longs mois.

Ceux qui étaient trop jeunes pour être soldats au début de la guerre, furent enrôlés, dans la suite, par le vainqueur, pour les chantiers de jeunesse ou pour les services du travail obligatoire en Allemagne ou en France, dans les usines, les ateliers ou les mines. Quelques-uns se cachèrent dans les bois ou se dissimulèrent en diverses localités. Ceux, en petit nombre, qui réussirent à passer à travers les mailles du réseau, purent, avec les Frères âgés. maintenir les écoles à force de dévouement et de surmenage.

Souvent, ils étaient, la nuit, astreints à garder les voies de chemin de fer. On sait que l'un d'eux. sujet plein d'avenir, de la Communauté de Pont-Sainte-Maxence, fut tué par un train express alors qu'il était de service sur la voie ferrée, par une nuit obscure. On ne retrouva de son corps que des lambeaux de chair informes.

Quant aux juvénistes, novices et scolastiques, ils avaient presque tous, lors de l'invasion, été rappelés par leurs familles en désarroi. Pour tous nos jeunes quelle terrible série d'épreuves et quel attachement à leur vocation il leur a fallu pour y rester cramponnés envers et contre tout, comme des naufragés à une planche de sauvetage ! Que les jeunes des autres Provinces qui, pendant ce temps, ont pu rester paisibles au sein de nos communautés, remercient le bon Dieu, et prient pour leurs confrères dont nous avons ,dit les misères et les combats.

On comprend aisément que le recrutement fut quasi impossible, tandis que les ennemis couvraient le pays, que beaucoup de familles avaient fui leurs demeures, et que toutes s'accrochaient désespérément à leurs enfants. Cependant, sans se décourager, même au milieu de la tourmente, et surtout depuis la libération du territoire en 1944, on profita pour remettre nos œuvres sur pied, de toutes les possibilités, au fur et à mesure que la divine Providence nous les envoyait.

Le noviciat, réfugié en Belgique en 1903, profita, en 1943, d'une certaine liberté qui nous était rendue, pour se reconstituer à Beaucamps. Mais le pensionnat avait repris tout son développement et, pour lui faire place, on installa le noviciat à Cassel en 1944. Le recrutement déficitaire durant la guerre et l'après-guerre vient de décider les supérieurs à confier les novices de la Province au noviciat de Saint-Genis-Laval.

On sait qu'en août 1946, la maison provinciale de Pommerœul, désormais sans destination bien définie, fut vendue après nous avoir rendu les meilleurs services pendant quarante-trois ans.

La Province ne possède donc plus en Belgique que le pensionnat de Péruwelz.

Le scolasticat, après avoir préparé à Beaucamps plusieurs jeunes frères aux examens du Brevet et du Baccalauréat est fermé temporairement. Heureusement l'espoir renaît par le moyen des juvénistes qu'on a groupés en deux sections. Le juvénat primaire avec une bonne trentaine de sujets va s'installer à Cassel à la place du noviciat. A Beaucamps continuera de fonctionner le juvénat supérieur préparant une vingtaine de juvénistes aux examens du diplôme d'instituteur et de la première partie du Baccalauréat.

Notre juvénat d'Aulnois, très endommagé par les bombardements, n'a pas encore rouvert ses portes. C'est pourquoi nos recrues de la Lorraine se joignent jusqu'ici à celles du Nord. On espère que 1948 verra le juvénat lorrain reprendre son activité d'avant-guerre et faciliter le recrutement dans la région.

Si des maisons de formation nous passons à nos internats, nous les trouvons en pleine prospérité :

Celui de Beaucamps détruit en 1918 par la guerre et reconstruit en 1928, refuse chaque année un grand nombre de pensionnaires qu'on ne saurait loger. Les parents le savent et prennent la précaution de faire inscrire leurs fils plusieurs années à l'avance. Les succès remarquables 'remportés aux derniers examens ne peuvent qu'accroître encore le renom et la prospérité de l'Institution Sainte-Marie.

Péruwelz maintient à peu près le chiffre de ses pensionnaires malgré les grosses difficultés que lui crée la frontière. L'impossibilité de faire passer nos devises en Belgique et la dévaluation actuelle du franc français, qui a fait élever le taux de la pension, n'ont pas jusqu'ici découragé les parents. Ils savent s'imposer de gros sacrifices pour assurer à leurs enfants l'éducation chrétienne et la solide instruction qui ont fait depuis quarante-deux ans la réputation du Collège Notre-Dame-de-Bon-Secours.

Le pensionnat de Pont-Sainte-Maxence, occupé par les troupes pendant la guerre, a transporté ses classes dans dés maisons particulières. A peine eut-il récupéré et réparé ses locaux en 1945, qu'au mois de février 1946 un violent incendie le détruisit presque complètement. Le sinistre arrivé en pleine nuit n'a heureusement causé la mort d'aucun Frère ni pensionnaire, grâce au sang-froid des professeurs et surveillants qui, alertés, ont fait descendre les enfants par un escalier de secours, dans le calme, le silence, l'ordre le plus parfait. Grâces soient rendues à Dieu et à saint Joseph, patron de l'établissement.

On put aussitôt entreprendre la reconstruction. La vente de la maison provinciale de Pommerœul a fourni en partie les moyens financiers. Les travaux poursuivis rapidement, malgré la pénurie des matériaux, ont permis en ce mois d'octobre 1947 de reprendre la vie normale. Les Frères ont sur-monté courageusement toutes les difficultés résultant de la guerre et de l'incendie. Il leur a fallu des prodiges de dévouement et d'ingéniosité pendant ces six années pour trouver toujours le mobilier et les locaux nécessaires.

Nos externats se sont maintenus aussi, malgré la pénurie du personnel et l'augmentation, par les comités paroissiaux, des rétributions scolaires. On s'est arrangé pour n'en fermer aucun et c'est là une bonne note aux yeux du clergé qui souffrirait de voir les écoles paroissiales sacrifiées au développement des internats. En cela d'ailleurs il est bien d'accord avec notre Vénérable Fondateur et avec le dernier Chapitre Général.

Dans une fête présidée par Son Éminence le Cardinal Évêque de Lille, la population de Quesnoy-sur-Deûle a célébré l'an dernier, le centenaire de l'arrivée des Frères clans cette chrétienne paroisse. D'autres écoles ne tarderont pas à célébrer une fête analogue. A Beaucamps, c'est en juillet 1945, la guerre n'ayant pas permis de le faire en 1942, que l'on a fêté le centenaire de l'heureux jour où la comtesse de la Grandville jeta le fondement de cette œuvre qui devait devenir si belle.

 Agréables constatations.

 Je suis heureux de dire que nos Frères sont en général fidèles à leurs devoirs de religieux et d'éducateurs. Ils sont estimés du clergé qui apprécie leur dévouement et leur conduite pleine de respect et de déférence. Que de fois les évêques, les inspecteurs diocésains, les curés et les prédicateurs de retraites, m'ont répété : « On aime bien vos Frères ; leur esprit d'humilité et de simplicité rend les relations avec eux cordiales et agréables. »

Nos Frères âgés veulent se dévouer jusqu'au bout de leurs forces ; leur idéal est de tomber, comme ils disent, le signal à la main. Et quand les supérieurs, dans leur paternité, estiment qu'on ne saurait les laisser plus longtemps en classe, et qu'il convient de les appeler à la maison provinciale, il arrive souvent que les anciens élèves et les comités scolaires leur donnent un dernier et solennel témoignage de leur gratitude. Quatre fois, au cours de cette seule année, j'ai été témoin de ces démonstrations enthousiastes en faveur de Frères qui avaient quarante, cinquante, soixante ans d'enseignement, dont une bonne partie dans la même école. Le Cardinal Liénard ne manque jamais de s'y faire représenter par quelque membre qualifié de son clergé, porteur d'une lettre autographe de félicitations et de remerciements pour le jubilaire.

Pour remplacer les vétérans qui tombent, pour maintenir et multiplier les œuvres, il faut intensifier le recrutement. Il le faut aussi pour mettre fin au surmenage des maîtres, pour éloigner complète-ment les auxiliaires étrangers, et pour appliquer un plus grand nombre de jeunes Frères aux études universitaires. Les Frères le comprennent et se montrent zélés dans la recherche et la culture des vocations. Celles qui nous viennent de nos écoles – et c'est la majorité – sont excellentes et donnent beaucoup d'espoir pour l'avenir.

Les maîtres de nos maisons de formation – c'est reconnu dans la Province – sont bien choisis.

Dans les établissements il y a un grand désir d'améliorer les méthodes pédagogiques et catéchistiques. Les cours de vacances auxquels ont pris part une vingtaine de jeunes Frères, ont été suivis avec enthousiasme.

Depuis plusieurs années les études religieuses ont été malheureusement contrariées par tout ce remue-ménage de la guerre et de l'après-guerre, par le service militaire, obligatoire encore aujourd'hui, par les courses pour le ravitaillement, par le manque de personnel, etc. On va s'y remettre, et l'on envisage la préparation aux diplômes diocésains de religion pour nos propres sujets et pour les élèves.

J'ai été heureux également, de constater que la plupart de nos Frères s'inspirent de plus en plus des procédés disciplinaires conseillés par le Vénérable Père Champagnat et les vrais éducateurs, en substituant à un système suranné, à l'emploi abusif de pensums, la méthode préventive qui fait appel à la raison, à la conscience, au cœur et au sentiment religieux de l'enfant.

J'ai été bien édifié dans nos pensionnats par le grand nombre de communions quotidiennes et par les procédés employés pour rendre la messe pieuse et intéressante.

Partout aussi le Frère Directeur est fidèle à donner aux pensionnaires la réflexion ou petit mot du soir, contribuant ainsi à faire l'esprit de sa maison à l'exemple de grands éducateurs, tels que Monseigneur Dupanloup, saint Jean Bosco, etc.

J'ai éprouvé une grande satisfaction au sujet des Amicales d'anciens élèves dont le nombre va croissant ainsi que la vitalité et le dévouement à leur école.

Je dois signaler spécialement celle du Pensionnat Saint-Joseph, de Pont-Sainte-Maxence, et celle du Pensionnat Sainte-Marie, à Beaucamps. Les deux écoles, comme il a été dit, avaient été abandonnées lors de la persécution de 1903 et lorsque les maîtres revinrent, quinze ans après, en reprendre possession, ils retrouvèrent les deux Amicales vivantes et pleines d'enthousiasme et d'esprit de famille. J'ai toujours regretté que le pensionnat de Péruwelz n'ait pas pu constituer son Association d'anciens, surtout à cause des difficultés de frontière et de passeport.

La Province fait le bien sans bruit et sans éclat, comme il sied aux vrais Petits-Frères de Marie. Que Dieu préserve les autres Provinces aujourd'hui florissantes des épreuves de toutes sortes qui ont . frappé celle de Beaucamps, comme d'ailleurs toutes celles de France, sans jamais l'abattre ou la décourager. Elle n'attend pour se relever, avec la grâce de Dieu, qu'une période un peu prolongée de tranquillité et de liberté.

Que Marie Immaculée protège sa Province !

Fr. MARIE-ODULPHE, A. G.  

Autres visites de délégation

 LeCher Frère Euphrosin, Assistant Général, parti de la Maison-Mère en mars dernier, a visité successivement nos communautés du Guatemala, du Salvador, de la Colombie, du Venezuela, et de Cuba. Il est actuellement au Mexique où il pense terminer, dans le courant de ce mois, la mission qui lui a été confiée.

LeCher Frère Paul-Stratonic, Assistant Général, s'est embarqué, è Liverpool, le 29 octobre, à destination du Canada. Il fera la visite des Provinces de Lévis, d'Iberville et des États-Unis.

Les Chers Frères Jean-Émile, Assistant Général et Sixto, Assistant Général, font respectivement la visite canonique des Provinces de Varennes-Orient, et de Bética.

Je recommande à vos prières toutes ces visites afin qu'elles produisent des fruits abondants et durables.

 Voyage en Espagne

 A l'occasion des dernières retraites, il m'a été donné de passer quelques semaines en Espagne où, comme chacun sait, l'Institut possède quatre Provinces florissantes.

Parti de la Maison-Mère le 26 juin, j'y étais de retour le 17 août.

Je ne donnerai pas l'itinéraire quelque peu chargé qu'avec mon aimable socius, le Cher Frère Sixto, Assistant Général, nous avons suivi ; les revues des Provinces visitées l'ont déjà fait. Il n'entre pas non plus dans mes vues de relater en détail mes observations et mes impressions. Je me bornerai à dire que ce voyage m'a été extrêmement agréable.

J'ai pu visiter presque toutes nos écoles et j'ai vu, à quelques unités près, tous les Frères et tous les sujets en formation soit dans leurs maisons respectives, soit à l'occasion des retraites.

Tout s'est passé dans l'intimité, en famille, avec un cachet de simplicité charmant sans que mon temps limité ait été pris par d'autres que par ceux auxquels je devais et voulais le donner.

Il y a eu partout une véritable émulation pour témoigner en ma personne, une grande vénération pour le dépositaire de la première autorité dans l'Institut :. Des trésors spirituels ou des promesses de prières en ont été l'expression pour moi la plus précieuse et la plus agréable.

Dans les adresses et les chants, j'ai eu le bonheur d'entendre redire l'attachement de chacun à notre chère Congrégation, ainsi que l'ardent désir d'en accroître la beauté par plus de vertu et plus de zèle.

C'est avec émotion que j'ai prié sur les tombes de nos martyrs, demandant à Notre-Seigneur de les glorifier et de nous communiquer l'esprit d'abnégation totale dont ils nous ont donné l'exemple. Mais mon émotion n'a pas été moindre en écoutant le récit d'autres martyrs authentiques qui, sans perdre la vie, ont souffert toutes sortes de pénalités : prison, sévices, privations, etc. Tel a connu neuf prisons ou camps de concentration distincts ; tel autre, parle des quatorze stations de son Calvaire.

Et, peut-on oublier ceux qui, tout en échappant aux sbires, ont connu, avec l'isolement, tous les graves problèmes qu'il posait ? Seul un grand amour pour la vocation, une entière docilité à la grâce et le soin de fuir les mauvaises occasions ont pu les conserver au service de Dieu.

On travaille actuellement à recueillir les documents qui permettront d'écrire cette magnifique épopée. Nous y puiserons des leçons de mâle courage, ainsi que des motifs de sainte fierté et d'invincible espérance.

Mais dès à présent nous avons le droit de nous écrier : Persécuteurs, où est votre victoire ? Le sang que vous avez versé, les ruines que vous avez amoncelées vous condamnent tandis que s'est accrue la fécondité pour le bien, de cette terre d'où vous vouliez bannir le Christ et tous ceux qui l'aiment et le servent ! En effet. il est heureux de constater en Espagne les nombreuses initiatives, officielles ou privées, qui ont pour objet le retour à la vie foncièrement chrétienne de la nation et il est particulièrement consolant de voir la prospérité croissante de nos œuvres. Les vocations abondent au point que bientôt le chiffre de nos religieux sera ce qu'il était avant l'affreuse hécatombe. Il y avait 1.180 Frères profès au 1ier janvier 1936 et 1.118 au 1ier janvier 1947.

Une des principales préoccupations des Supérieurs des quatre Provinces est, actuellement, de fournir aux juvénats, noviciats et scolasticats les locaux dont ils ont besoin tant pour recevoir un plus grand nombre d'aspirants que pour assurer à ceux-ci la meilleure formation possible.

Plusieurs écoles ont pu être dotées d'édifices plus en harmonie avec les exigences pédagogiques actuelles, d'autres le seront bientôt. Mais, ce qui est mieux encore, la ferveur et la régularité sont partout très satisfaisantes et les études sont de plus en plus en honneur.

Bénissons Notre-Seigneur et la Très Sainte Vierge qui n'ont pas permis que nos œuvres d'Espagne fussent submergées par les eaux de la tribulation. Que les pronostics pessimistes qui, à l'heure actuelle. se donnent libre carrière à travers le monde, ne nous fassent pas oublier que les projets des hommes, fussent-ils nos persécuteurs, sont subordonnés au divin vouloir. Le passé garantit l'avenir : Dieu sera avec nous dans la mesure où nous serons à Lui. S'il ne nous épargne pas l'épreuve, il nous aidera à la supporter ; elle sera méritoire et nous grandira.

 Cinquantenaire du Second Noviciat

 Le 24 octobre dernier amenait le cinquantième anniversaire de l'ouverture du Second Noviciat. Elle avait eu lieu en 1897, à Saint-Genis-Laval. dans la Maison Sainte-Marie, située à quelques centaines de mètres de la maison-mère. C'était un bâtiment aménagé spécialement en vue de sa nouvelle affectation et pouvant accueillir quarante Grands Novices. Il était situé dans une vaste propriété qui, avec tant d'autres, a été la proie du fisc, lors des lois persécutrices de 1903. Ce bâtiment a d'ailleurs été démoli depuis.

Il est dans l'Histoire des peuples et des sociétés des événements qui ont exercé sur leurs destinées une grande influence. Pour ce qui est de notre Congrégation nous devons citer comme ayant été particulièrement bienfaisants, outre l'approbation définitive des Constitutions, la fondation des juvénats votée par le Chapitre Général de 1878, la pratique des Grands Exercices de saint Ignace, inaugurés en 1886 et, plus près de nous, la création du Second Noviciat.

A l'inverse des événements extérieurs qui attirent l'attention et jettent parfois un peu d'éclat sur tel Frère ou telle maison, cette institution a fonctionné sans bruit, loin des regards des hommes et ne se préoccupant que de la vie intérieure des âmes qu'elle groupait, comme dans un sanctuaire silencieux. Elle n'en mérite que davantage notre attention et nous ne saurions l'entourer de trop d'estime.

Nous devons, en effet, à celui-ci, l'immense avantage du maintien et de l'accroissement de l'esprit religieux dans l'Institut. Combien de nos Frères en ont fait pour eux-mêmes la consolante expérience !

Souvent emportés par leur zèle, accablés par des occupations distrayantes, ou tiraillés par des soucis de tous les instants, bien des religieux, même fervents, ont senti faiblir, après quelques années d'apostolat, leur estime de la vie pieuse et recueillie qui doit être la nôtre. Combien ont gémi sur une sorte de relâchement qui lés envahissait ! Combien se sont sentis dominés par la routine, moins appliqués à la prière ou moins souples à l'obéissance ! Combien même ont frôlé des précipices au bord desquels ils s'étaient imprudemment aventurés !

Le Second Noviciat, en les replaçant dans un milieu complètement séparé du monde et des soucis distrayants de la vie active, leur offre les avantages bien connus d'une retraite prolongée. Leurs intérêts éternels passent au premier plan. Des réflexions et des méditations appropriées à leurs besoins font sur leur âme les mêmes effets que des pluies abondantes sur une terre desséchée.

Des études ascétiques bien dirigées rafraîchissent les notions acquises un peu superficiellement, à cause du jeune âge, au premier noviciat, et les Grands Novices font souvent des découvertes insoupçonnées dans les livres de l'Institut.

Sans doute, plus d'un Frère arrive-t-il parfois avec une certaine appréhension à cette longue retraite où il lui semble que la contrainte va être de chaque instant. Mais le préjugé tombe vite et c'est une période de joie intime et de bonheur constant qui est la règle de ce séjour. On en sort tout renouvelé, armé pour le reste de la vie qui en gardera l'empreinte et, par là, sera plus féconde et plus agréable à Dieu.

Voici en quels termes heureux et justes un confrère a résumé le s bienfaits du Second Noviciat lors de la célébration, à Saint-Quentin-Fallavier. du cinquantenaire qui nous occupe : « Il est ferment de vie intérieure, donc âme de notre apostolat ; il maintient le niveau moral de l'Institut, il étend son influence ; il est l'un des principes de vie, cette vie que nous donnons par notre paternité spirituelle ; il l'est parce qu'il nous permet de puiser à la source c'est-à-dire de nous unir plus fortement au Fondateur dont vient la sève. Le Second Noviciat est l'un des hauts-lieux où souffle l'Esprit, où l'âme doit boire à l'eau vive. Là, Dieu révèle au fervent, un mot, le mot de toute grande vie : « aime ». Et le cœur mariste, attentif et reconnaissant, n'a qu'une réponse valable : Ecce, Me voici !

C'est au Révérend Frère Théophane que l'Institut doit la réalisation, quine manquait pas de difficultés, de ce Second Noviciat si important et si bienfaisant.

Nous avons l'avantage de posséder encore parmi nous quatre survivants de la première session, qui s'ouvrit il y a cinquante ans. Et d'abord, le Cher Frère Michaélis, devenu Assistant en 1909 et Vicaire Général à la mort du Révérend Frère Diogène. Modèle de prière, de régularité et de discrétion, il a pris le rôle de Moïse sur la montagne après une vie des plus actives et des plus fécondes. Ensuite, c'est le Cher Frère Clement, Assistant Général, qui continue à diriger avec un' entier dévouement les Provinces anglaises de l'Institut. Puis le Cher Frère Marie-Joachim qui, après avoir rempli des emplois importants en France et au Mexique, est revenu à Saint-Paul-Trois-Châteaux où il se dévoue à des travaux manuels. Enfin le Cher Frère Nicétius, ancien Provincial d'Espagne, qui, à 77 ans bien sonnés, fait encore la classe à Espira de l'Agly.

Impossible de citer, même parmi les plus méritants, les innombrables Frères qui ont emporté de leur passage au Second Noviciat une ferveur accrue et qui ont exercé, dans toutes sortes de fonctions. une religieuse influence sur leur entourage.

Il faut aussi rappeler le souvenir des Frères qui ont dirigé cette œuvre. C'est, après le Cher Frère Michaélis, le Cher Frère Augustalis et le Cher Frère Flamien, devenus ensuite Assistants Généraux, et le Cher Frère Paul-Marie, qui auparavant avait été Provincial d'Espagne. Ces trois derniers sont aujourd'hui dans leur éternité. Vient ensuite le Cher Frère Marie-Odulphe qui fut à la tête du Second Noviciat et organisa le nouveau. bâtiment construit en 1912. Assistant Général depuis 1920, il a rempli avec autant de zèle que de tact, les fonctions de Vicaire Général avant le dernier Chapitre. Enfin, le Cher Frère Avit, Secrétaire Général, qui dirigea, Dieu sait avec quelle maîtrise, pendant près de vingt ans, trente-sept sessions.

Les événements ont plus d'une fois entravé la marche du Second Noviciat. Ainsi en 1903, il a été suspendu lors des expulsions qui nous avaient enlevé les locaux de la Maison Sainte-Marie. Rétabli à Grugliasco en 1905 il a fonctionné normalement jusqu'en 1914. Pendant la guerre 1914-1918 il s'est adapté aux circonstances, enrôlant des Frères qui n'étaient pas astreints au service militaire ou qui étaient démobilisés. De là le manque d'uniformité dans la durée des sessions et leurs effectifs. En 1920, il atteint à nouveau son chiffre normal de trente à quarante Grands Novices, mais il doit. être supprimé encore pendant trois ans lors de la dernière guerre. Le fait que les Supérieurs n'aient pas manqué, chaque fois, de le rétablir dès qu'ils l'ont pu, dit assez l'estime dans laquelle ils tiennent cette institution.

Elle n'eut d'abord qu'une session par an. Elle en a eu deux à partir de 1920. Depuis 1946 elle fonctionne dans deux centres : l'un est en France, à Saint-Quentin-Fallavier, et l'autre à Grugliasco. Le premier a pour Directeur le Cher Frère Régis-Aimé, et le deuxième, le Cher Frère Charles-Raphaël. On arrivera sans doute à augmenter encore Je nombre de ces centres, conformément à un statut du dernier Chapitre Général, mais c'est une opération de longue haleine. Il faut, à la fois, former les dirigeants et trouver ou bâtir les locaux nécessaires.

Le Conseil Général se préoccupe également de porter à neuf mois la durée du Second Noviciat, mais les dérangements amenés par la dernière guerre ont mis un tel retard dans les envois de Frères qui devaient y prendre part, que la chose est pour le moment impossible, sous peine d'en priver un grand nombre de cette insigne faveur. Dieu veuille que cette prolongation puisse se réaliser sans trop de retard.

En rendant nos actions de grâces ferventes à Notre-Seigneur et à Notre-Dame pour tout le bien réalisé par le Second Noviciat pendant le demi-siècle écoulé, nous faisons des vœux pour qu'il continue à fonctionner de mieux en mieux et pour qu'il nous donne, par un accroissement de ferveur, le remède aux maux qui nous envahissent dans une société de plus en plus tournée vers les divertissements et les activités extérieures. Que dans l'ambiance où nous vivons, il soit encore pour de nombreux Frères, la grande école de cette vie intérieure tant recommandée, par Notre Saint-Père le Pape, aux Instituts qui, comme le nôtre, s'adonnent aux œuvres apostoliques.

 Faveurs attribuées au Vénérable

Père Champagnat

 Guérison d'un Frère au Canada.

 Cette faveur remonte à quelques années. Elle n'a pu être signalée plus tôt parce qu'il fallait le témoignage du temps.

En effet, la maladie dont il s'agit est de celles dont on peut retarder la marche par des traitements appropriés, mais qui ont pourtant toujours une issue fatale. Aucun cas pareil, au dire du médecin traitant, n'a encore été guéri définitivement. Tous ont amené la mort en quelques mois.

Il s'agit ici d'un Frère actuellement au Col-lège Laval, à Saint-Vincent-de-Paul (Canada), le Frère Étienne-Simon, qui fut atteint ; en 1942, d'une enflure des ganglions du cou. Une opération chirurgicale subie l'année suivante enleva les deux ganglions atteints les premiers, mais n'osa aller plus loin, car d'autres ganglions, à leur tour s'étaient mis à enfler.

Les ganglions enlevés furent envoyés, pour analyse, à un spécialiste qui conclut – qu'on veuille bien excuser ici la terminologie technique – à la présence d'une infiltration lymphoplasmocytaire avec des cellules de Sternberg, décelant une lymphogranulomatose maligne.

Le commentaire à cette analyse fut donné peu après par le Dr Léger, professeur de pathologie à l'Université de Montréal : « Le diagnostic, disait-il, est quasi un arrêt de mort. A ce jour, pas un cas de cette maladie n'a guéri. » Il ajoutait : « Un traitement de radiothérapie peut toutefois retarder l'échéance, pour une période plus ou moins prolongée. »

Le traitement fut suivi. Mais le Frère ayant encore plus confiance au Vénérable Père Champagnat qu'à la médecine qui prédisait sa mort, commença une neuvaine qu'il renouvela maintes fois, aidé des confrères de la communauté de Saint-Hyacinthe. Et chaque soir il appliquait une image-relique sur la partie malade.

Le traitement amena bien l'affaiblissement des ganglions enflés, comme il était prévu, mais ne pouvait aller plus loin, au dire du Dr Léger. Celui-ci exprimait son opinion ainsi, le 17 avril 1944 : «. Ce n'est que partie remise, je n'ai jamais vu guérir un cas de lymphogranulomatose aiguë. »

Or le Frère écrivait en juin dernier, trois ans après son arrêt de mort : « Je suis en bonne santé, je n'ai aucunement souffert et n'ai plus été incommodé par un désordre dans le système ganglionnaire, depuis ma sortie de Saint-Hyacinthe. »

De son côté le Dr Léger disait au Frère Infirmier : « Si le Frère avait eu à mourir, ce serait déjà fait, car la maladie ne peut être retardée que d'un an au plus. » Comme il y a actuellement plus de trois ans que le Frère est guéri on peut considérer que la guérison, jugée impossible par la médecine, est due à l'intercession du Vénérable Père Champagnat.

 Guérison de la mère de deux Frères

Maristes en Espagne.

 Il s'agit de Mme Rufina Alameda de Navarro, âgée de 62 ans, de Santo Domingo de Silos, Province de Burgos.

Le 3 mai 1947, en descendant l'escalier de sa maison, en compagnie de l'un de ses fils religieux de notre Province de Norte, qui, venu en visite. se disposait à. repartir, elle fit une chute et se fractura la base du crâne.

Les siens en furent consternés ; ils appelèrent en hâte le Dr Angel Lantullo, médecin de l'endroit, qui lui fit une piqûre. Ayant été prié dans la suite de donner son avis, le docteur répondit qu'il jugeait le cas grave mais qu'il fallait attendre quelques heures pour voir l'effet de l'injection.

Vers les 23 heures, la malade ayant commencé à donner signe de vie, on en profita pour lui administrer l'Extrême-Onction. Mais la réaction fut passagère et dès lors on tint la mort pour certaine.

Le médecin, voyant le lendemain qu'il n'y avait pas eu d'amélioration, dit au Frère qui avait ajourné son départ : « Je regrette d'avoir à vous donner sur l'état de votre mère une opinion nettement pessimiste ; elle ne saurait vivre au delà de quelques jours.»

Le Frère résolut alors de faire transporter sa mère à l'Hôpital Provincial de Burgos. Elle y fut examinée minutieusement et le diagnostic fut le suivant : « Blessures confuses à la région occipitale avec commotion et contusion cérébrale à diagnostic grave. » Ceci ne fit pas juger prudente une intervention chirurgicale.

 Pendant plusieurs jours. la malade resta sans connaissance. Un autre de ses fils, également Frère Mariste, fut appelé d'urgence afin qu'il pût assister à ses derniers moments.

Devant l'inefficacité des moyens humains, les deux Frères résolurent de recourir à notre Vénérable Fondateur. A cet effet, ils placèrent une image-relique sous la tète de leur mère mourante, tandis que l'on commençait une neuvaine à notre Collège de Burgos et à Santo Domingo de Silos. Peu de jours après, les Juvénistes de Anzuola en commençaient également une.

Dans la suite, la malade parut réagir mais ce fut d'une façon passagère au point que les médecins ne tardèrent pas à constater les symptômes non équivoques de méningite. La nuit qui suivit cette constatation la religieuse infirmière craignit, par moments, que la mort ne survînt, surtout lorsqu'elle observa que le pouls était à peine perceptible.

Mais voilà que le 15 mai, jour où la neuvaine s'achevait au collège et dans la famille, la malade se sentit subitement guérie et put manger, pour la première fois depuis l'accident, toutes sortes de mets comme la personne la mieux portante. Si bien que le 19, à la surprise générale des infirmières et des malades, elle était déclarée complètement guérie. Or, ce même jour finissait la neuvaine faite à Anzuola.

Le 22, Mme Alameda de Navarro se levait sans l'aide de personne et s'employait à servir les autres malades qui n'en revenaient pas de leur surprise et la félicitaient. Il fallut, sur leurs instances, leur distribuer des images de notre Vénérable Fondateur.

La surprise ne fut pas moindre à Santo Domingo de Silos où Dona Rufina retourna le 4 Juin, veille de la Fête-Dieu. La joie y fut générale et l'on était unanime à attribuer à une intervention divine le fait que celle qui, peu de jours auparavant, se mourait, pût de ses propres mains, procéder à l'ornementation de sa maison en vue de la procession.

Le jour suivant, premier vendredi du mois. l'heureuse dame, accompagnée des siens et de nombreux amis, assistait à la Sainte Messe et s'approchait de la Sainte Table. M. le Curé, religieux bénédictin, saisit cette occasion pour parler de la guérison et du Vénérable Père Champagnat dont on distribua des images à l'assistance.

Pendant plusieurs jours les visites affluèrent au domicile de la famille Navarro.

On venait féliciter Dona Rufina qui, depuis sa guérison témoigne de plus d'endurance que jamais au travail et n'éprouve plus certains malaises dont elle souffrait avant l'accident.

Pour commémorer cette heureuse guérison, la famille a résolu d'en célébrer chaque anniversaire par une messe offerte en action de grâces de la faveur obtenue et pour la' béatification du Vénérable Père Champagnat.

 Document du Saint-Siège

 Division de la Province d'Australie.

                           TRÈS SAINT PÈRE,

 Le Supérieur Général de l'Institut des Petits Frères de Marie et les Membres de son Conseil, prosternés aux pieds de Votre Sainteté, lui exposent ce qui suit :

L'Institut possède actuellement en Australie une Province très prospère dont les quarante-deux établissements scolaires donnent l'éducation chrétienne à douze mille élèves. Mais les grandes distances qui séparent ces écoles rendent difficiles les visites régulières des Supérieurs et le Frère Provincial, obligé à des absences prolongées par suite des longs voyages qu'il doit entreprendre, ne peut pas suivre la marche des communautés comme il serait désirable.

Les Membres du Conseil Général, après mûr examen du rapport de la Commission spéciale de Frères d'Australie chargée d'étudier la division en deux Provinces, ont, à l'unanimité, approuvé le projet suivant :

Une partie des établissements formant la nouvelle Province dite de Nouvelles Galles du Sud comprendra : Les Nouvelles Galles du Sud (excepté les diocèses de Wilcannia-Forbes et de Wagga), le Territoire fédéral de Canberra, le Queensland et les îles Salomon. La seconde partie formant la Province de Victoria comprendra Victoria, les diocèses de Wilcannia-Forbes et de Wagga, le Sud Australien et l'Ouest Australien.

C'est pourquoi, pour la réalisation de ce projet qu'ils croient favorable au développement de nos œuvres en cette région de l'Institut, les Membres du Conseil Général unis au Frère Supérieur Général supplient humblement Votre Sainteté d'accorder l'indult requis par le Code de Droit Canonique.

 Et que Dieu…

Vigore facultatum a SSmo Domino Nostro concessarum, S. Congregatio Negotiis Religiosorum Sodalium præposita, attentis expositis, Revmo Superiori Gen. Oratori benigne potestatem tribun super præmissis providendi juxta preces, servatis servandis.

Contrariis quibuscumque non obstantibus.

Datum Romæ, die 7 Octobris 1947.

P. ARCADIUS LARRAONA, Subs.

H. AGOSTINI, ad. a Studiis

Traduction.

 En vertu des pouvoirs accordés par Notre Très Saint Père le Pape, la Sacrée Congrégation préposée aux Affaires des Ordres Religieux, vu les faits exposés, accorde bénignement au Très Révérend Supérieur Général solliciteur, la faculté de pour-voir, selon la demande, aux arrangements susdits, en observant ce qui est de droit.

Nonobstant toutes choses contraires.

Donné à Rome, le 7 octobre 1947.

P. ARCADIUS LARRAONA, subs.

H. AGOSTINI, Ad. a Studiis

 Transfert du noviciat

de la Province de Colombie.

               TRES SAINT PÈRE,

Le Supérieur Général de l'Institut des Petits Frères de Marie implore très humblement la faculté d'ériger canoniquement un noviciat au lieu dit Yanaconas (Colombie) étant supprimé celui qui existe maintenant à Popayán.

Et que Dieu…

 En vertu des pouvoirs accordés par Notre Très Saint Père le Pape, la Sacrée Congrégation pré-posée aux Affaires des Ordres Religieux donne au requérant, le Révérendissime Frère Supérieur Général, la faculté de procéder à l'érection canonique d'un noviciat selon la prière qu'il en a faite, pourvu que soient remplies les conditions requises du droit selon les Saints Canons 554 et 564 du Code de Droit Canonique. Nonobstant toutes choses contraires.

Donné à Rome, le 3 octobre 1947.

Fr. L.-H. PASETTO, Secr.

H. AGOSTINI, Ad. e Studiis.. 

ÉLECTIONS

 Dans la séance du 25 avril 1947, le Conseil Général a réélu, pour une seconde période triennale, le C. F. SECUNDINO, Provincial de Bética, et le C. F. LUIS GONZAGA, Provincial de Norte.

 Dans la séance du 16 mai 1947, le Conseil Général n élu, pour une première période triennale, le C. F. MARIE-NIZIER, Provincial de Chine, en rem-placement du C. F. ANDRÉ-GABRIEL, arrivé au terme de son mandat, et le C. F. MARIE-CHRYSOPHORE, Provincial du Brésil Central, à la place du C. F. EXUBÉRANCE, arrivé au terme de son mandat.

Il a élu, pour une nouvelle période, le C. F. JOSEPH-PHILOMÈNE, Provincial de Saint-Genis-Laval.

 

Dans la séance du 26 septembre 1947, le Conseil Général a élu, pour une première période triennale : le C. F. JULIO BENJAMIN, Provincial de Léon .à la place du C. F. MIGUEL ANTONIO, arrivé à la fin de son mandat. 

Dans la séance du 7 octobre 1947, le Conseil Général a élu, pour une première période triennale, le C. F. ODILON BERNARDO, Provincial du Brésil Septentrional, en remplacement du C. F. CONON, démissionnaire pour raison de santé. 

Dans la séance du 7 novembre 1947, le Conseil Général a élu, pour une première période triennale, le C. F. ÉMILE-ANTOINE, Provincial du Sud-Ouest, à la place du C. F. GAÉTAN, parvenu à la fin de son mandat.

 

LISTE des FRÈRES dont nous avons appris le Décès

depuis la Circulaire du 24 Mai 1947.

 

Noms des défunts      Lieux des décès        Date des décès

 

F. José-Quintino             Profès perp.    Franco (Brésil)                                18 janvier 1946

F. Saintin                         Stable              !Iberville (Canada)                         10 avril          1947

F. Constantin- Alexis      »                       Aubenas (France)                          20      »          »

F. Philomen                     »                       Aubenas (France)                          26      »          »

F. Barnabé                      »                       Amchit (Gr. Liban)                          27      »          »

F. Henri-Constant           Profès perp.    Furth-b.-L. (Bavière)                       9  mai           »

F. Joseph Cinés             »                       Santos (Brésil)                                13      »          »

F. Eugenio                       Stable              La Havane (Cuba)                          1       juin       »

F. Berardo                       Profès perp.    Las Avellanas (Espagne)              3       »          »

F. Liberato                       Stable              Las Avellanas (Espagne)              6       »          »

F. Marcel-Marie              Profès temp.   Chicoutimi (Canada)                     9       »          »

F. Samuel-Aimé             »                       Iberville (Canada)                           24      »          »

F. Castorien                    Stable              St-Paul Châteaux (France)           25      »          »

F. Joseph-Bonifacius     Profès perp.    Johannesburg (Afrique du Sud)    27      »          »

F. Augebert                     Stable              Varennes s/Allier (France)            5  juillet         »

F. Raphaélis                    »                       Varennes-s/Allier (France)             6       »          »

F. Jude                             »                       Barcelone (Espagne)                    8       »          »

F. Luis                              »                       Barranco (Pérou)                           10      »          »

F. Josephus                    »                       Iberville (Canada)                           11      »          »

F. Starie-Brunon             »                       Athènes (Grèce)                             15      »          »

F. Pietro-Maria               Profès tempo Vintimille (Italie)                              17      »          »

F. João Felicio                Profès perp.    Ribeirão Preto (Brésil)                  22      »          »

F. Berillo                          »                       Ribeirão Preto (Brésil)                  22      »          »

F. Quirino                         »                       Anzuola (Espagne)                        23      »          »

F. Macario                       Stable              Cienfuegos (Cuba)                        29      »          »

F. Kostka                         »                       Sydney (Australie)                          4  août          »

F. Jean de Kenty            Profès perp.    Pont-Sainte-Maxence (France)    17      »          »

F. Joannès-Casimir       Profès perp.    Porto Alegre (Brésil)                      18      »          »

F. Joseph-Narcisse        Stable              Saint-Genis-Laval (France)           23      »          »

F. Rudulf-Aloïs                 Profès temp.   Furth-b/L. (Bavière)                       24      »          »

F. Clan Miguel                 »                       Valparaiso (Chili)                           28      »          »

F. Weigbert                     Stable              Porto Alegre (Brésil)                      6  sept.         »

F. Joseph-Nicétus          »                       Tchungking (Chine)                        6       »          »

F. Benen                          »                       Mendes (Brésil)                              8       »          »

F. Marie-Dioscore          Profès perp.    Lyon (France)                                 12      »          »

F. Pierre-Sénaeur          Stable              Saint-Pourçain (France)                13      »          »

F. Léon-Stanislas           »                       Bruxelles (Belgique)                       24      »          »

F. Marie-Mélhodius        Profès perp.    Cazères-s.-Garonne (France)      28      »          »

F. Juliano                         Stable              Dumfries (Écosse)                         1 octobre     »

F. l.ouis-Anatole              Profès perp.    Dison (Belgique)                            8       »          »

F. Claude-Joseph           »                       Mazamet (France)                          20      »          »

F. Geminiano                  Stable              San Salvador (Salvador)               22      »          »

F. Valentin-Èmile            profès perp.     Mont-Saint-Guibert (Belgique)      2 nov.           »

F. Ménodore                   Stable              Les Vans (France)                         10      »          »         

 

 

La présente circulaire sera lue en communauté à l'heure de la lecture spirituelle.

Recevez, mes Bien Chers Frères, l'assurance du religieux et affectueux attachement, en J. M. J. de Votre très humble et tout dévoué serviteur,

                   Frère LÉONIDA, Supérieur Général.

————————————————

RETOUR

Circulaires 324...

SUIVANT

Circulaires 326...