Circulaires 327

LĂ©onida

1948-12-08

Souhaits, 89. - La Direction. Sa nécessité, 91. - Législation de l'Église sur la direction, 95. - Compte de conduite extérieure, 98. - Rôle du Frère Directeur, 99. - Rôle des inférieurs, 104. - Motifs qui font négliger l'entrevue de Règle, 111. - Un modèle : Frère Bonaventure, 116. - Nos Causes de Béatification, 118. - Visite de délégation aux Provinces de Belgique et d'Allemagne, 126. - Visite de délégation à la Province de Varennes-Orient : France et Grèce, 140. - Voyage au Canada et aux États-Unis, 150. - Notre nouveau Cardinal Protecteur, 165. - Audience du Saint-Père, 168. - Érection de Noviciats, 170. - Élections de Frères Provin-ciaux, 170. - Liste des défunts, 171

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V. J. M. J.

 Saint-Genis-Laval. le 8 décembre 1948.

            Fête de l'Immaculée- Conception.

     MES BIEN CHERS FRÈRES,

 Dans quelques jours les services des Postes, Télégraphes et Téléphones de tous les pays connaîtront un surcroît de travail. Ils devront assurer, d'une façon rapide et efficace, les échanges de vœux et de présents auxquels donne lieu le renouvellement de l'année.

Bien des personnes entreprendront des voyages, feront des visites, assisteront à des réunions, dans le seul but de rencontrer des parents ou des amis, réjouir avec eux et exprimer des souhaits réciproques.

Sous une forme plus simple et plus modeste, cet échange de civilités se pratique également parmi nous depuis le temps du Vénérable Fondateur. On se réunit dans les communautés pour les souhaits de bonne année et pour l'accolade fraternelle. (Règles du Gouv., art. 787.)

Comme nous y engagent ces mêmes Règles à article 784, ne laissons pas tomber en désuétude cet usage traditionnel qui nous fournit l'occasion de nous donner un témoignage de mutuelle affection.

Mais, pour lui conserver l'inspiration chrétienne qui l’a fait naître, nous en bannirons tout ce qui serait trop profane et nos vœux porteront toujours l'empreinte de l'esprit surnaturel qui doit animer des religieux.

A cet effet, ne nous contentons pas des formules où domine trop souvent la préoccupation du bonheur présent et du bien-être matériel. Pensons aux besoins des âmes plutôt qu'à ceux du corps et, pour que nos souhaits ne soient pas de vaines formules, accompagnons-les de ferventes prières.

C'est vous dire, mes bien chers Frères, que si nous devons porter souvent devant Dieu le souvenir de nos parents, confrères, bienfaiteurs et amis, il nous faut être plus particulièrement attentifs à le faire à l'époque de Noël et du renouvellement de l'année.

Quel avantage pour nous de pouvoir ainsi compter. sur le secours des prières de nos Frères, de savoir que, pas plus à l'avenir que par le passé, nous ne serons pas seuls à porter notre croix à la suite du divin Maître ! La pensée que le ciel ne saurait être sourd aux supplications de ceux qui prient pour nous est bien propre à nous encourager aux heures les plus pénibles et à nous faire envisager l'année qui va commencer, sans les craintes et les appréhensions de ceux qui n'ont pas la foi.

Pour ma part, je demande instamment à Notre-Seigneur, par l'intercession de notre Ressource Ordinaire, de saint Joseph et du Vénérable Père Champagnat, qu'il veille sur vous tous, vous pré-serve de tout mal et vous fasse croître sans cesse en vertu et en mérites.

Un de mes souhaits les plus ardents est de voir régner dans nos communautés un grand esprit de famille, afin que chacun de nous, se sentant heureux d'avoir renoncé au monde, puisse s'appliquer avec enthousiasme à réaliser la double lin de sa vocation.

Bien des moyens nous sont conseillés pour obtenir un tel résultat. Nous insisterons aujourd'hui sur un des plus excellents et malheureusement aussi des plus négligés : la direction.

Celle-ci consiste dans les avis et les décisions que nous donnent les personnes compétentes pour le gouvernement de notre âme, la correction de nos défauts, l'acquisition des vertus, l'exercice (le nos fonctions, nos études, etc.

Nous voyons par là que la direction comprend les dispositions intérieures et la conduite extérieure. Nos Règles, en prescrivant l'entrevue hebdomadaire avec le Frère Directeur, visent particulièrement la conduite extérieure ; mais nous ne saurions négliger non plus, sans grave dommage, de consulter sur les besoins de notre âme, soit un prêtre, soit même nos Supérieurs, dans les limites que nous dirons ci-après.

Indiquons d'abord, brièvement, combien la direction est nécessaire. Nous exposerons ensuite les prescriptions très sages édictées par l'Église à son sujet et nous insisterons surtout sur les divers articles de nos Constitutions et de nos Règles qui peuvent nous aider à tirer le meilleur parti possible de cet exercice. 

             Nécessité de la direction.

 Les traités de spiritualité fondent cette nécessité :

a) Sur des preuves de raison. Ainsi il est évident que les ténèbres de l'ignorance et des préjugés qui parfois envahissent nos âmes, nous mettent dans la nécessité de recourir à un maître expérimenté. De même les obstacles, les dangers, les risques de s'égarer dont est semé le chemin de la perfection. rendent indispensable le secours d'un guide sûr.

b) Sur des preuves d'autorité tirées de l'Écriture Sainte, des auteurs spirituels, des exemples des saints, des Constitutions et des Règles des Instituts religieux. Bornons-nous aux témoignages suivants

« Ne vous fiez pas à votre prudence. » (Prov. III, 5.)

« La voie de l'insensé est droite à ses yeux, mais le sage écoute les conseils. » (Prov., XII 15.)

« Avez-vous un homme qui se croit sage ? il y a plus à espérer d'un fou que de lui.» (Prov., XXVI,12.)

Saint Basile ne parle pas autrement lorsqu'il dit : « C'est un grand orgueil de croire qu'on n'a pas besoin de conseil. »

Saint Bernard a écrit : « Celui qui se constitue son propre directeur se fait le disciple d'un sot. » Et il ajoute : « Pour moi, je déclare qu'il m'est plus facile et plus sûr de commander à beaucoup d'autres que de me conduire seul. »

Cassien rapporte que le premier avis que donnaient les Pères du désert aux jeunes solitaires était de découvrir au plus ancien toutes les tentations et les afflictions qui pourraient leur survenir.

« Nous ne pouvons être parfaitement clairvoyants sur nous-mêmes, dit saint François de Sales, nous ne pouvons pas être des juges impartiaux dans notre cause en raison d'une certaine complaisance si secrète et imperceptible que, si on n'a pas bonne vue, on ne la peut découvrir, et ceux mêmes qui en sont atteints, ne la connaissent pas si on ne la leur fait voir. (Vie dévote, Ille partie, ch. XXVIII.)

Écoutons saint Vincent Ferrier : « Notre-Seigneur, sans lequel nous ne pouvons rien, n'accorde jamais sa grâce à celui qui, ayant à sa disposition un homme capable de l'instruire et de le diriger, néglige ce puissant moyen de sanctification, croyant qu'il se suffit à lui-même et qu'il peut, par ses propres forces, chercher et trouver les choses utiles au salut… Celui qui a un directeur auquel il obéit sans réserve et en tout, parviendra au but bien plus facilement et plus vite qu'il ne pourrait le faire tout seul, même avec une intelligence très vive et des livres savants en matière spirituelle.. Tous ceux, en général, qui sont parvenus à la perfection, ont marché par ce chemin de l'obéissance, à moins que, par un privilège et une grâce singulière, Dieu n'ait instruit par lui-même quelques âmes n'ayant personne pour les diriger.

Notre Vénérable Fondateur disait aux Frères Directeurs « Ce n'est pas en cachant ses bévues et ses imprudences que l'on acquiert de l'expérience, mais en soumettant avec simplicité sa conduite à celui qui a le droit et le devoir de la juger. En communauté, celui qui craint le contrôle et qui n'aime pas à être dirigé se rend incapable d'administrer ; bien plus, il finit par se mettre dans l'impossibilité de remplir convenablement aucun emploi. La vue d'un homme, quelque parfaite qu'elle soit, est toujours restreinte ; ce sont les instruments d'optique qui l'étendent jusqu'aux extrémités de l'espace. De même, quelque grande que soit l'intelligence d'un Frère, si elle n'est pas amplifiée par les vues plus larges qu'ont nécessairement les Supérieurs, il ne verra et ne saisira les choses qu'imparfaitement, il n'aura que des vues incomplètes, il ne sera jamais capable d'un emploi de confiance, et il ne fera pas tout le bien que Dieu demande de lui. » (Sa Vie, page 506.)

L'expérience montre, dit à son tour l'abbé Guibert, que cette collaboration du Supérieur est vivement désirée par tous les religieux qui prennent au sérieux leur appel à la perfection… Qu'elle soit aimée et intensément pratiquée dans un noviciat, et du noviciat sortiront des recrues à volonté droite et ferme. Qu'elle se continue à travers la vie religieuse et la ferveur ne baissera pas. » (La formation de la volonté, p. 54.)

A la fin d'une retraite, le Supérieur qui la présidait ayant demandé au. prédicateur, un Jésuite, s'il n'avait pas quelque observation à lui faire comme résultat du contact qu'il avait eu avec les Frères, en reçut cette réponse : « Ce qui manque le plus à vos religieux, c'est la direction. Faute de ce secours, il en est qui se perdent dans les scrupules, alors que d'autres se familiarisent d'abord avec les fautes légères et en arrivent bientôt à de plus graves. Dans les deux cas, on ne peut attendre de ces âmes de grands progrès dans les sentiers de la vertu.»

Notre propre expérience n'est-elle pas là pour nous persuader de la vérité du Væ soli de l'Écriture Sainte : « Malheur à celui qui est seul, parce que s'il tombe, il n'a personne pour le relever. » (Ecclésiaste, IV, 1.0.)

Combien de fois n'avons-nous pas à nous poser, devant des situations difficiles, cette angoissante question : que faire le choix du meilleur parti est souvent, en effet, un véritable tourment et cependant on ne saurait rester figé, il faut agir sous peine de perdre des occasions favorables qui ne reviendront peut-être jamais. On ne peut se fier, sans présomption évidente, à ses seules lumières pour résoudre tous les doutes qui se présentent dans la vie. Le médecin et l'avocat, quels que soient leur talent et leur expérience, font appel, en certaines circonstances, à des confrères qui les aident de leurs lumières. Ainsi devons-nous faire appel aux conseils, soit d'un prêtre éclairé, soit d'un Supérieur, pour mieux réussir dans le travail de notre perfection et dans celui de l'apostolat.

Le Droit Canon et nos Règles (Art. 24) prescrivent que quatre fois par an, au minimum, on donne aux Novices un confesseur extraordinaire. Il y aurait avantage à assurer ce même bienfait à tous les Frères, et on ne peut que louer la coutume établie dans plusieurs Provinces d'inviter, à l'occasion de la récollection mensuelle, un prêtre qui parle à la communauté et se tient à la disposition des Frères qui désirent le consulter. 

Législation de l'Église sur la direction.

 Le canon 530 du Code de Droit Canonique détermine ainsi les droits et les devoirs respectifs des Supérieurs et des inférieurs à propos de la direction.

I. – II est rigoureusement défendu à tous les supérieurs religieux d'amener, d'une manière quelconque, leurs inférieurs à leur faire une ouverture de conscience.   

Il. – Toutefois il n'est pas défendu aux inférieurs de révéler spontanément et librement l'état de leur âme à leur Supérieur ; au contraire, il est convenable qu'ils s'adressent à eux avec une filiale con-fiance et leur exposent même, si ces Supérieurs sont prêtres, leurs doutes et inquiétudes de conscience.

De ce texte, j'emprunte au Père E. Jombart, S. J .. l'explication suivante qui vous aidera à mieux saisir sa portée. Il distingue trois zones dans l'ouverture de conscience :

«a) Tout ce qui apparaît extérieurement : observation des Constitutions, santé, soin de l'emploi, etc.. Les Supérieurs ont le droit d'interroger en ces matières et les sujets doivent leur répondre sincèrement.

b) A l'extrême opposé, la zone la plus intime de la conscience : péchés, tentations, scrupules ou inquiétudes… Ceci est avant tout le domaine du confesseur. Jamais aucun Supérieur ne peut prendre aucun moyen pour arriver à connaître ce terrain réservé, mais quand les Supérieurs sont prêtres, il n'est aucunement défendu à leurs sujets de les y introduire.

Quand ils ne sont pas prêtres, il ne semble pas, comme le pensent certains commentateurs, que le Code ait voulu interdire absolument toute ouverture spontanée, mais il ne l'encourage pas. Le Supérieur laïque à qui de telles confidences sont faites, agit en général plus sagement en renvoyant au confesseur. Il lui est pourtant permis de résoudre un cas de conscience très simple et de pacifier une personne manifestement scrupuleuse.

c) Zone intermédiaire, Il s'agira de la méthode d'oraison, des facilités ou des difficultés qu'on rencontre dans la prière ou dans la vie de communauté, des progrès ou des reculs dans la pratique de telle ou telle vertu, des bonnes inspirations, etc. Les sujets sont loués par le Code de s'ouvrir sur de tels points à leurs Supérieurs, même laïques. Toutefois ces derniers, s'ils se trouvaient en présence de situations assez difficiles, auraient le bon sens de renvoyer leurs sujets à un prêtre éclairé, ou, gardant toute discrétion, d'en consulter un. »

Ces explications montrent clairement l'étendue et les limites de ce qui peut être l'objet de l'entrevue hebdomadaire. Cela variera avec les circonstances et surtout avec les individus, car on ne saurait oublier que si, d'une part, l'homme est naturellement porté à protéger le secret de ses pensées intimes de l'autre, il n'est pas rare qu'il éprouve un grand besoin d'ouvrir son âme, parce que la souffrance de sa solitude morale lui devient pénible, parfois même intolérable.

Dans ce que nous allons dire du compte de conduite, nous sous-entendons toujours que les prescriptions de l'Église sont très fidèlement observées. Il faut éviter, toutefois, de faire rentrer sous la rubrique « ouverture de conscience » bien des points qui ne s'y rapportent que très indirectement. En dehors de la santé et de la tâche quotidienne, il est un grand nombre de problèmes de la vie religieuse qui peuvent être résolus avec le concours du Supérieur sans franchir les limites du compte de conduite. La Règle en signale quelques-uns en ces termes : « Quand ils auront des doutes ou des peines de conscience, autres que celles dont ils doivent entretenir leur confesseur, sur les Constitutions ou les Règles, sur les ordres reçus des Supérieurs ou sur toute autre chose de ce genre, ils ne prendront pas conseil des personnes étrangères à l'Institut, mais ils s'adresseront au Frère Directeur ou aux Supérieurs. » (Art. 386.) 

             Compte de conduite extérieure.

 Cet exercice est prescrit par les Constitutions, lesquelles, parmi les moyens de sanctification qui nous sont fournis chaque semaine, énumèrent la confession, la coulpe, l'avertissement fraternel. et le compte de conduite dans l'emploi. (Art. 67.)

La Règle précise cette même prescription en ces termes : « Dans toutes les maisons de l'Institut, les Frères rendront compte de leur conduite chaque semaine au Frère Directeur. » (B. C. Art. 33.)

Ce serait une erreur de voir en cela un exercice facultatif. Il oblige au même titre que les autres points de Règle, et un religieux qui a le souci d'être fidèle à tous ses devoirs, ne saurait se soustraire à celui-là. D'ailleurs il en retirera de tels avantages qu'il ne tardera pas à le tenir pour indispensable. Le profit s'ajoutera au devoir pour lui faire estimer le compte de conduite.

Cette estime ne saurait être exagérée car on peut assurer que, sans l'entrevue hebdomadaire, un Frère Directeur né peut remplir sa charge d'une façon satisfaisante et ses subordonnés ne peuvent porter, ni dans la vie religieuse, ni dans leur emploi, tout le fruit désirable.

Il est opportun de préciser, car parfois dans la pratique on l'oublie, que la direction est pour tous les Frères : pour les Frères économes qui, devant administrer sous la dépendance et la responsabilité du Frère Directeur, ont à lui rendre compte de leur gestion ; pour les Professeurs, auxquels les entretiens avec leur Supérieur seront très utiles, non seulement pour l'orientation de leur vie religieuse, mais encore pour l'éducation des enfants ; pour les Frères surveillants qui, dans leur rôle important et parfois ingrat, sont souvent tenus dans un isolement nuisible à eux-mêmes et à l’œuvre commune. Enfin, aux Frères occupés à des travaux manuels, la direction offre une occasion favorable de leur prouver que, conformément à la Règle, loin de former une catégorie distincte, ils ont les mêmes obligations que leurs confrères et ont droit aux mêmes égards. (Art. 488.) 

Un dialogue cordial. Rôle du Frère Directeur.

 Chacun s'efforcera de faire régner dans l'entrevue la simplicité et la mutuelle confiance qui marquent les rapports d'un bon père avec son fils désireux de recevoir ses conseils. Le Frère Directeur indiquera à son interlocuteur la conduite à tenir, dissipera ses doutes, rectifiera, au besoin, ses idées et ses jugements. Il l'encouragera surtout, mais aussi lui donnera des avis et des ordres. Il s'efforcera de faire de la direction un moyen d'apostolat et de sanctification et non pas une séance de reproches, ou, à l'opposé, une simple occasion de confidences mutuelles.

II devra souvent parler le premier pour mettre en confiance son inférieur et lui épargner toute hésitation. Mais il doit éviter de faire tous les frais de la conversation ou même de s'en réserver la part principale. C'est au dirigé qu'il appartient d'exposer tout ce que signale la Règle, en y ajoutant sur sa vie intérieure ce qui lui semblera opportun.

Voyons à la lumière des textes, quelques-uns des sujets qui peuvent fournir matière à l'entrevue hebdomadaire. Nous disons quelques-uns, car non seulement on en trouverait d'autres dans nos Règles, mais encore la vie quotidienne en présente sans cesse de nouveaux.

Un Frère Directeur « doit défendre ses Frères contre l'oisiveté et les obliger à lui rendre compte de leur travail et de l'emploi de leur temps ». (Const., Art. 206, 40.) Ce serait une erreur de croire que les Frères répugnent à être ainsi suivis et dirigés dans l'utilisation de leur temps. Nombreux sont ceux qui bénissent les Supérieurs qui, par ce contrôle, les aidèrent à accroître leur capacité professionnelle et à se soustraire à la dissipation. On trouverait, au contraire, bien des religieux qui n'ont pas donné tout ce que l'on pouvait eu attendre, ou sont devenus infidèles à leur vocation parce que, dès le début, ils ont été trop livrés à eux-mêmes.

Un Frère Directeur « doit veiller à ce que chacun. prenne la nourriture qui lui est nécessaire et les aliments qui conviennent à son état ; que les Frères âgés ou infirmes ne soient pas surchargés de travail, qu'ils prennent le repos convenable et, s'ils sont malades, qu'ils emploient les remèdes qui leur sont prescrits ». (R. C., Art. 475.)

Cet article se complète par celui-ci : « Quand un Frère est malade, quelle que soit son indisposition, il doit la faire connaître. » (R. C., Art. 476.)

On ne peut pas toujours attendre l'entrevue de Règle pour faire connaître un malaise, mais par ces deux articles, les Frères Directeurs savent qu'ils doivent avoir le souci de la santé de leurs Frères. Si ces derniers ne leur font pas connaître leurs malaises ou leurs indispositions, les Frères Directeurs profiteront de la direction pour s'en informer ; car c'est le propre d'un père de s'enquérir des souffrances de ses enfants et de ce qui. pourrait les soulager. Il est. sans doute des religieux que la moindre indisposition préoccupe outre mesure, qui sont exposés à recourir trop souvent au médecin. Certains même sans tenir compte de leur vœu de pauvreté, ne voudraient consulter que des médecins de renom, fallût-il aller les chercher au loin et à grands frais ; mais bien plus nombreux sont les Frères qui, par mortification, timidité ou insouciance ne pensent pas à prendre, en temps opportun, les soins indispensables. La paternelle sollicitude de leur Frère Directeur doit y suppléer.

«Le Frère Directeur, disent à leur tour les Règles du Gouvernement (Art. 456), s'efforcera de faire progresser chacun n de ses Frères en science et. en vertu, continuant la formation du noviciat et du scolasticat, les affermissant dans leur vocation, les dirigeant et les encourageant dans leur emploi, leurs études et les pratiques de la vie religieuse. »

C'est un fait facile à constater que malgré sa bonne volonté, un religieux est fort exposé à se négliger, à céder à la tiédeur, à la lassitude causée par la continuité de l'effort qu'exige le devoir. il a bien la Règle pour lui dire ce qu'il doit faire et éviter, mais il la perd parfois de vue. Sa conscience se fait sans doute entendre pour approuver ou condamner, pour retenir ou exciter, mais malheureusement, la nature, toujours exigeante, rend difficile l'accomplissement du devoir. Il faut alors qu'une voix amie, une voix paternelle, celle du Supérieur, relève le courage, soutienne dans l'épreuve, reprenne les écarts, signale les écueils à éviter et la route à suivre.

Mais comment un Frère Directeur pourra-t-il remplir ce rôle important s'il ne voit pas les Frères en particulier, s'il omet ou néglige ce cœur qu'est la direction bien faite, cette excellente occasion de leur prouver qu'il partage leurs soucis, qu'il veut leur bien, qu'ils occupent une place de choix dans ses affections ?

Un Frère Directeur employait la méthode suivante pour rendre plus profitable l'entrevue hebdomadaire :

1° A la coulpe, ou à l'explication de la Règle, il indiquait un point particulier sur lequel toute la communauté était invitée à se surveiller pendant la semaine. En direction, on commençait par rendre compte de sa conduite sur le point signalé.

2° Au cours de la semaine, il était attentif à. voir ce qui dans chaque Frère méritait félicitations et encouragements, et tout ce qui, au contraire, demandait à être modifié dans les rapports avec les Frères, les élèves : classe, surveillance, punitions, etc. Que de sujets de conversation, que d'échanges de vues très utiles provenaient de ces remarques paternelles !

3° L'inférieur, à son tour, était invité à dire bonnement ce qu'il avait remarqué d'important dans la conduite du Frère Directeur, des Frères et des élèves ; sur les modifications éventuelles au règlement : jours de fête, cérémonies, séances récréatives, religieuses, sportives, etc.

Ici encore quel profit réciproque on pouvait retirer de ce petit exposé fait en toute simplicité ! quel avantage aussi pour la bonne marche de la communauté et de l'école !

4° Le Frère, selon le cas, montrait alors. son cahier de notes religieuses, de préparation de catéchisme ou de classe, ou parlait de son emploi, de l’œuvre scolaire dont il avait la charge, ou de  sa cuisine, de son jardin, etc. De là, matière à encouragements, à conseils et directives pour l'avenir.

Bien que la valeur d'une méthode dépende surtout de celui qui l'emploie, il faut reconnaître que. si l'on n'en suit aucune l'entrevue sera rarement fructueuse.

De quelque façon qu'il s'y prenne, le Frère Directeur qui désire obtenir un bon résultat et rendre ses avis profitables, doit « s'efforcer de gagner la confiance des Frères, par une conduite toujours digne, juste et paternelle ». (R. du Gouv., Art. 466.) Il aura ainsi pour lui la puissance de l'exemple et de l'amour, à laquelle nul ne résiste. L'amabilité de l'accueil, l'égalité d'humeur, l'esprit de compréhension, la parfaite franchise, la bienveillance à écouter les suggestions, sont autant de moyens qu'un Frère Directeur, désireux de faire aimer la direction, ne saurait négliger.

Il doit de plus, et surtout, être discret, car rien ne porte autant à s'abstenir de parler que la crainte d'une indiscrétion de la part de celui à qui on se confie. On peut dire que le secret résultant d'une ouverture de conscience en direction est comparable à celui de la confession. Ce qui est connu de la sorte peut être utilisé d'une façon légitime pour mieux conseiller mais nullement pour la punition ou. le préjudice de celui qui. s'est manifesté. Dans le cas même où il n'y a pas ouverture de conscience, la plus grande réserve s'impose sur tout ce qui se traite en direction. « Par charité et par prudence, disent les Règles du Gouvernement, un Frère Directeur se gardera soigneusement de faire connaître les défauts de ses Frères, de rapporter à l'un ce qu'il a appris d'un autre, de manifester ouvertement ou indirectement en public ce qu'on lui a dit en particulier. » (Art. 467.)

Outre les qualités dont nous venons de parler, un Frère Directeur, pour rendre la direction efficace, devra posséder une réelle aptitude à guider ses Frères. Cette aptitude, qui fait éviter bien des erreurs de jugement et de tactique, est le fruit de l'étude et de l'expérience. De là le besoin pour lui de s'instruire auprès de personnes versées dans la conduite des. âmes et dans de bons traités d'ascétique, de psychologie et de pédagogie.

Mais aucune science ni aucune qualité humaine ne sauraient suppléer la prière. Un Frère Directeur demandera au Saint-Esprit d'être sa lumière, pour qu'il puisse à son tour, éclairer les autres ; il comptera sur la grâce plus que sur ses talents pour gagner les volontés, soutenir les courages, vaincre les résistances et porter chacun de ses Frères et toute sa communauté à mieux servir Dieu et les âmes. 

Rôle des inférieurs dans l'entrevue.

 Les Frères sont tenus par la Règle à parler au Frère Directeur d'abord d'eux-mêmes. Ils « doivent lui rendre compte, toutes les semaines, de leur travail et de l'emploi de leur temps ». (Art : 269 des H. C.) Remarquons dans cette répétition de ce qui a été dit plus haut, que l'obligation du compte de conduite extérieure est aussi bien pour celui qui doit le rendre que pour celui qui duit le recevoir. Si l'un oublie, l'autre doit le lui rappeler en toute confiance, l'entrevue de Règle étant un droit et un devoir réciproques.

Les Frères sont tenus, quand ils ont manqué à quelque point important des Constitutions ou des Règles à déclarer leur faute au Frère Directeur et à lui demander une pénitence. » (R. C., Art. 285.) Y a-t-il meilleur moment pour cela que l'entrevue hebdomadaire ?

Les Frères auront une grande confiance en leur Frère Directeur, lui demanderont conseil dans leurs doutes, lui feront part de leurs peines, des difficultés qu'ils éprouvent dans leur emploi et suivront en toutes choses la ligne de conduite qu'il leur aura tracée. » (R. C., Art. 31.7.)

Combien sont à plaindre les Frères qui, ayant besoin de tels conseils, n'ont pas l'occasion de les demander parce que la direction, ne se fait pas. Quelle peine on éprouve en entendant, dire parfois : « Dans notre communauté la direction n'existe pas », ou bien : « En trois ans, je n'ai pu m'entretenir avec le Frère Directeur que très rarement » ; ou encore : « Je n'ai été appelé en direction qu'une fois cette année-ci, peu après la. retraite où l'on avait insisté sur son importance ; depuis lors on l'a délaissée. » Écoutez l'aveu d'un jeune Frère : « La lutte devient plus pressante et… pas de direction. Que faire ? » Cette phrase ne résonne-t-elle pas comme un S.O.S., comme un appel angoissé ?

Elle est toute une révélation des situations pénibles que peut créer la négligence à faire la direction et de l’œuvre très méritoire accomplie par les Frères Directeurs qui y sont fidèles.

Ne nous étonnons pas si des Frères, ne pouvant demander conseil, commettent des erreurs, si, n'étant pas soutenus par une main amie, ils se découragent ; si, ne trouvant pas dans leur Frère Directeur un cœur qui veuille les aider, ils cherchent, parfois pour leur malheur, d'autres conseillers. L'absence d'un conseiller sage et dévoué a été une grande épreuve pour beaucoup de saints ; elle l'est également pour bien des religieux. Aussi dirons-nous : Heureux les Frères, surtout les jeunes, qui, grâce à la direction, évitent bien des tâtonnements, des fautes et peut-être l'abandon de leur sainte vocation

Combien il est à désirer que tous les Frères qui sont tentés de découragement puissent rendre à leur. Frère Directeur un témoignage semblable à celui qui fut rendu au Bienheureux Frère Bénilde :

« Sans mon saint Directeur, à l'heure qu'il est, je ne serais plus Frère : Quand j'étais à Saugues, il me parlait de longs moments en particulier pour me consoler, m'encourager, m'exciter à poursuivre sans défaillance la belle carrière que j'avais embrassée. Et je sortais d'auprès de lui réconforté, plus fermement résolu à me montrer généreux dans l'accomplissement des devoirs journaliers. » (Sa vie, par un Frère.)

Nous trouvons dans la biographie du Frère Urbain des témoignages analogues, prouvant le bien que peut faire un Frère Directeur qui dirige sa communauté avec zèle et constance. Un jeune Frère écrivait : « Il suffit qu'on me laisse quelque temps avec Frère Urbain pour que je devienne un homme raisonnable et un bon religieux. »

« Vous n'avez qu'un moyen pour me réformer et faire quelque chose de moi, c'est de me confier quelque temps à Frère Urbain », disait un autre.

Un troisième avouait : « Frère Urbain a principié ma tête, refait mes idées, corrigé mon caractère, ravivé ma piété mourante, affermi ma vocation, formé mon cœur et ma vertu, m'a appris à faire la classe et à conduire les enfants. »

« Les Frères, disent les Règles Communes à l'article 318, dans leurs études, dans leurs classes ou dans leur emploi, se conformeront à la direction et au règlement qui leur seront donnés par le Frère Directeur. » Mais il ne suffit pas de donner une direction et un règlement ; il faut s'assurer, en outre, qu'ils sont suivis. L'on peut bien pour cela exercer un contrôle de visu, mais n'y a-t-il pas avantage à le compléter par un échange de vues fait avec un égal souci de la bonne marche de l’œuvre dont on a solidairement la charge ?

C'est pour les études religieuses surtout que la direction fournit l'occasion de diriger les jeunes Frères, de leur conseiller les livres à lire ou à analyser, de voir leurs notes religieuses, etc. On leur apprend ainsi à bien profiter d'un temps susceptible de contribuer puissamment à donner des convictions, à développer l'esprit sérieux.

Un Professeur qui tient le Frère Directeur au courant de la marche de sa classe, se concerte avec lui sur la façon de résoudre les difficultés, sur la conduite à tenir avec les élèves qui s'écartent d devoir. Il fait approuver ses initiatives et toutes les mesures exceptionnelles qu'il pense prendre, évitant ainsi bien des erreurs et des dangers.

 Un Frère, après avoir parlé de lui-même et de son emploi, et c'est l'objet principal de la direction, peut avoir en outre à parler de ses confrères. Ce ne doit pas être sans motif suffisant, mais il peut y avoir pour lui « une obligation grave à faire connaître aux Supérieurs les défauts ou les fautes qui seraient de nature à scandaliser le public ou à compromettre l'Institut ». (R.C., Art. 436.) « S'il arrivait qu'un Frère eût avec les séculiers ou les enfants des rapports dangereux, s'il tenait des discours capables de scandaliser, s'il transgressait les Constitutions ou les Règles en matière grave, s'il introduisait quelque abus dans la maison, ceux qui seraient témoins de sa conduite devraient d'abord l'en avertir, et, s'il ne s'amendait pas, en donner avis aux Supérieurs. » (R. C., Art. 437.)

Cet avis se donnera généralement tout d'abord au Supérieur le plus proche, au Frère Directeur, si le mal requiert une intervention immédiate. Combien un Supérieur devrait être reconnaissant de telles communications ! Comme il devrait tenir pour bien employé le temps consacré à l'entrevue de Règle qui lui permet de porter remède à des écarts pouvant avoir de graves conséquences ! C'est bien pour lui l'occasion de connaître ou de découvrir les nids cachés les nids de serpents qu'aimait à dénicher le Frère Jean-Baptiste et qui malheureusement peuvent exister même dans les meilleures communautés.

Quel temps mieux employé pour un Frère Directeur que celui qui lui permet de faire éviter un faux pas à un confrère, de prévenir un scandale. susceptible de flétrir ou d'ébranler la vertu des Frères ou des, élèves et de porter atteinte à l'honneur de la Congrégation et même de la Religion !

Si les cas dont nous venons de parler sont rares, Dieu merci, il est d'autres irrégularités qui, sans avoir la même gravité, exigent un avertissement opportun. Ainsi l'article 435 des Règles Communes dit : « Ils s'avertiront charitablement de leurs défauts et se feront remarquer avec simplicité tout ce qui, dans leur conduite ou dans leur emploi, aurait besoin d'être réformé, et généralement tout ce qui serait contraire à la régularité et à l'édification du prochain. » Mais, si parfois le Frère qui a remarqué de tels défauts, ne se sent pas la confiance ou le courage voulus pour accomplir ce devoir, il a, du moins, la ressource de faire intervenir le Frère Directeur qui donnera les avis jugés nécessaires.

 Après avoir parlé de soi et de ses confrères, on peut avoir à faire au Frère Directeur des observations qui le concernent.

La Règle dit en effet : « S'il leur arrive d'être mécontents de la conduite que le Frère Directeur aura tenue à leur égard en quoi que ce soit, ou d'éprouver quelque antipathie contre lui, au lieu. de murmurer et de se plaindre devant les autres, ils iront le trouver et lui feront connaître, avec simplicité et franchise, leur sujet de mécontentement et tout ce qui les peine. C'est là le vrai moyen de faire tomber toutes les préventions qui pourraient exister de part et d'autre, de rétablir ou de maintenir la paix et l'union qui doivent régner dans la. maison et de conserver l'amour, le respect et l'obéissance qu'ils doivent à leur Frère Directeur. » (R. C., Art. 322.)

Les âmes vertueuses peuvent bien réprimer leur mécontentement et souffrir en silence, mais ce silence est-il toujours à conseiller ? N'est-il pas des cas où il convient plutôt de découvrir le malaise qui pourrait nuire aux bons rapports et au bon exemple que l'on se doit ? D'autre part, si certains religieux moins vertueux ou moins maîtres d'eux-mêmes n'ont pas l'occasion de faire cette démarche, de dire en particulier et à qui de droit leurs motifs de plainte, n'est-il pas à craindre qu'ils laissent éclater leur contrariété en public ? Telle est parfois l'origine de scènes pénibles qui se produisent soit à table, soit en récréation. Elles ne font qu'aigrir davantage les cœurs, portent atteinte à l'autorité du Supérieur, au respect qu'on lui doit et scandalisent ceux qui en sont témoins.

L'article 324 des Règles Communes prévoit des cas particulièrement regrettables, mais toujours possibles : « Si le Frère Directeur tombait dans quelque faute grave, s'il laissait introduire des abus dans la maison, s'il négligeait la régularité ou le soin du temporel, s'il avait avec les séculiers ou avec les enfants, des rapports contraires aux Constitutions ou aux Règles, les Frères, et particulièrement le Frère Sous-Directeur, devraient l'en avertir avec respect et le prier humblement de corriger dans sa conduite ou dans son administration ce qui serait répréhensible et, s'il ne s'amendait pas, il faudrait en prévenir le Frère Provincial.

Si la confiance mutuelle qu'engendre la direction, faite d'une façon suivie et cordiale, permet de parler avec la franchise que la pratique de cet article suppose, le Frère Directeur aura dans ses Frères d'excellents admoniteurs. Grâce à eux, il corrigera ses défauts et progressera comme religieux et comme Supérieur. Mais, si l'occasion n'est pas fournie à ses subordonnés de lui faire remarquer ses torts, il est à craindre que l'on en parle en son absence, au détriment de la charité, et que le mal ainsi dévoilé à tous, sauf à celui qui tout le premier devrait en être averti, ne fasse que grandir et devienne irrémédiable.

Bien d'autres articles de nos Règles pourraient être invoqués ici pour confirmer la nécessité et l'importance de l'entrevue hebdomadaire ; ce que nous en avons dit suffira, nous l'espérons, à faire apprécier davantage cet exercice. 

Motifs qui font négliger l'entrevue de Règle.

 Pour se dispenser de cet exercice, on invoque le manque de temps, la difficulté qu'il y a à traiter avec certains Frères et le manque de discrétion dont font preuve parfois ceux auxquels on parle avec confiance.

Le manque de temps n'est guère concevable puis qu'il est admis que l'entrevue pourra avoir lieu pendant l'étude religieuse pour laquelle un temps doit être assuré à chaque Frère. Il n'est pas rare que l'on manque de temps parce que la direction se transforme, du moins avec certains Frères, en une longue causerie sur des sujets étrangers au cadre prévu par la Règle et au but qu'elle se propose dans cet exercice.

L'on avance parfois que le temps manque parce que l'on a beaucoup de travail. Mais ce travail. est-il toujours dans l'ordre ? Est-il vraiment d'obligation ou simplement de libre choix ? Un Frère Directeur ne peut oublier que la communauté est le premier champ d'apostolat pour tout religieux et surtout pour son chef. Les élèves, leurs parents et, à plus forte raison, les étrangers, ne peuvent avoir la priorité sur les Frères. Ce serait leur donner cette priorité que de consacrer à leurs affaires ou au parloir un temps réservé à la communauté.

D'autre part, l'entrevue contribue à diminuer le travail plutôt qu'à l'augmenter. En effet, dans les communautés nombreuses surtout, le Frère Directeur ne peut être partout, mais son impulsion peut s'exercer partout s'il est fidèle à la direction. Celle-ci lui fournira l'occasion de préciser à chacun son travail, et, au besoin, de faire appel au dévouement de tous pour qu'ils l'aident. Sans doute admire-t-on, en général, un Supérieur qui travaille beaucoup ; mais dans bien des circonstances, il y aurait avantage, sous tous les rapports, à ce qu'il s'en remît à ses collaborateurs, de bien des travaux. La plupart seraient heureux de lui rendre service ils y verraient même une marque de confiance ainsi que l'occasion d'exercer leur esprit d'initiative.

On ne saurait approuver la conduite d'un Frère Directeur qui, n'ayant pas fixé une heure déterminée pour le compte de conduite, dirait à ses Frères : « Venez me voir librement lorsque vous aurez quelque chose à me communiquer », car ce serait présenter comme facultatif un exercice que la Règle rend obligatoire. De plus, il est fort à craindre. que certains sujets s'abstiennent de cet exercice par timidité, tandis que d'autres profiteront de la latitude qu'on leur laisse pour se dérober à une entrevue qui les gêne ou répugne à leur amour-propre.

Voyons comment s'y prend Notre-Seigneur «On dirait qu'il n'a que cela à faire : être à la disposition de qui l'interroge et le sollicite. II n'a pas l'air pressé : on s'ouvre si difficilement à qui paraît constamment préoccupé ou débordé. « Jésus, voyant la foule, monta sur une haute montagne et il s'assit. » (Matth., v, 1.) Une autre fois, Jésus étant sorti de la maison, s'assit au bord de la mer… « Il monta dans une barque et il s'assit. » (Matth., XIII, 1-2.) « S'étant assis, il enseignait le peuple. » (Luc, v, 3.) Quelle leçon ! S'asseoir, c'est-à-dire, car on le comprend, faire entendre à une âme, par son attitude, équivalemment ceci : « Je suis tout à vous, vous pouvez y aller, je vous appartiens ; si vous saviez l'intérêt que je prends à ce que vous allez me dire. » (R. Plus, Rayonner le Christ, p.29-30.)

 Les appréhensions que révèle la seconde excuse, c'est-à-dire la difficulté que l'on trouve à traiter avec certains sujets, à cause de leur âge, de leurs talents ou de leur caractère, est souvent due à. la timidité propre. des commençants, timidité qui d'ailleurs les paralyse en bien d'autres occasions. En se faisant violence, en ayant recours à la prière et en réveillant sa foi. et sa. confiance dans les grâces d'état inhérentes à sa charge, un Frère Directeur arrive à dominer sa timidité.

Au sujet des Frères qui n'ont pas un heureux caractère, et dont le commerce est pénible, il ne saurait ignorer qu'ils sont une croix pour eux-mêmes avant de l'être pour les autres, ce qui rend leur cœur particulièrement sensible à l'intérêt qu'on leur témoigne. Qui leur donne des marques d'affection ne tarde pas à les gagner. La direction est le temps propice pour faire appel à leurs bons sentiments.

S'il s'agit de Frères difficiles à former, les Règles du Gouvernement conseillent au Frère Directeur de rie pas se décourager, ni de cesser de leur donner ses avis et ses leçons, mais plutôt de redoubler de zèle et de soin à leur égard, leur demandant compte plus souvent de leur conduite et de la manière dont ils s'acquittent de leur emploi. De la sorte certains sujets lui donneront d'autant plus de consolations qu'ils lui auront coûté plus de peines. (Art. 459.)

A l'égard de tels sujets, un Frère Directeur devrait imiter notre Vénérable Fondateur, dont il est dit : « Semblable à un bon médecin, dont les plaies des malades excitent la compassion, les misères de ses Frères le touchaient sans jamais l'irriter… Il cherchait d'abord à s'insinuer dans l'esprit et à gagner le cour de celui qu'il reprenait, afin de lui faire avouer lui-même sa faute, puis il lui donnait avec bonté les moyens de s'en corriger. Ses corrections avaient toujours la forme d'avis et consistaient à indiquer avec simplicité, d'un air ouvert et bon, ce qu'il fallait faire ou éviter. Quand un premier avertissement n'avait pas eu d'effet, il se contentait de le renouveler de la même manière, sans témoigner de l'humeur. » (Sa vie, p. 489.)

Ii est des Frères qui manquent de discrétion. La chose n'est malheureusement que trop vraie. Nous avons déjà indiqué l'obligation pour les Frères Directeurs d'être parfaitement réservés sur tout ce qui leur est confié en direction. Mais les Règles imposent le même devoir à tous les Frères, et il doit être observé non seulement envers les Supérieurs majeurs, mais aussi envers le Frère Directeur.

« Ils ne s'entretiendront pas entre eux des réponses faites par écrit ou de vive voix à leurs communications, ne parleront à personne des réprimandes et des avis reçus et s'efforceront de conformer leur conduite à ce qui. leur sera prescrit ou conseillé.» (R. C., Art. 29.)

« Tous les Frères sont tenus, disent les Règles du Gouvernement, art. 391, …2°, de garder le secret sur toutes les déclarations qu'ils auraient faites, quand même on les interrogerait ; 3°, de garder également le silence sur les observations que le Supérieur leur aura faites. » Et encore « On regardera comme un manquement notable de chercher, après la visite, (nous ajoutons direction), par des questions ou. allusions indiscrètes, quel est l'auteur des communications qui auraient attiré quelque avertissement. » (Art. 392.)

Il est à souhaiter que chacun ait assez de délicatesse pour se conformer à ces sages conseils, mais il convient de faire remarquer que même s'ils étaient oubliés parfois, ce ne serait pas un argument valable contre un exercice de Règle qui produit de si grands avantages.

 Il n'est pas rare d'entendre cette autre objection : Notre communauté est peu nombreuse, nous sommes sans cesse en compagnie du Frère Directeur, nous nous parlons constamment au cours des récréations ; le moindre événement un peu saillant, nous nous le communiquons. ; que voulez- vous qu'on dise en direction ? Rien des détails de notre vie n'est inconnu !

Malgré cela, il faut répondre que la direction est utile. En. effet, il y a des sentiments intimes qu'on ne communique pas au cours d'une conversation banale. S'ouvrir confidentiellement, parler de ses obligations, de ses manquements, de ses désirs, de ses peines, de ses aspirations demande le calme et se dit comme tout naturellement au moment prévu par la Règle.

Ne voit-on pas les amis d'un docteur ou d'un avocat les fréquenter, passer avec eux des soirées entières et cependant aller les trouver dans leur cabinet de consultations quand il s'agit de traiter sérieusement de leur santé avec le premier ou d'affaires avec le second ? Chaque chose en son temps, dit le proverbe ; n'est-ce pas le cas de l'appliquer à propos de la direction ? 

Un modèle : Frère Bonaventure :

 En ce qui concerne la direction, le Frère Bonaventure mérite d'être proposé comme modèle aussi bien aux Supérieurs qu'aux inférieurs. Voici, en effet, ce que le Frère Jean-Baptiste a pu écrire de lui : « Pendant qu'il était maître des novices, il. veillait, avec la sollicitude d'une mère sur tous ses inférieurs afin de leur procurer tout ce donc ils avaient besoin. Ne craignez pas, leur disait-il, de me demander ce qui vous est nécessaire, ni de vous adresser à moi dans vos ennuis et dans vos peines. ; c'est pour moi la plus douce des consolations que de vrais encourager, vous rendre service et, vous aider à porter vos petites croix. Si. j'apprenais jamais que vous souffrez, que vous manquez de quelque chose sans le dire, vous m'affligeriez profondément.

Rien de plus touchant, rien de plus édifiant que de le voir, une fois déchargé du soin du noviciat, demander les permissions ordinaires et rendre compte de sa conduite, et même de sa conscience a des jeunes Frères qu'il avait reçus, formés et élevés. Ne regardant en leur personne que la personne même de Jésus-Christ, il. leur ouvrait son cœur demandait humblement leurs conseils et suivait leurs avis avec une docilité entière. »

« Tant que j'ai été chargé de la Maison-Mère, dit un de ses Directeurs, son ancien élève, il m'a fait l'ouverture de son cœur, chaque semaine, avec la même simplicité et le même esprit filial qu'un fervent novice. Il me demandait jusqu'aux moindres permissions ; jamais il ne s'est prévalu de son ancienneté, de son expérience, ni de l'autorité qu'il avait eue sur moi, pour agir de lui-même. Tous ses actes portaient le cachet de l'obéissance. » (Biog., pp. 93, 90.)

Dieu fasse, mes bien chers Frères, que ces réflexions vous portent, s'il en était besoin, à un effort généreux pour mettre partout en honneur la pratique de la direction.

Que les Frères Directeurs, avec dévouement, bienveillance, paternité, en fassent l'occasion d'un apostolat en faveur de ces âmes de choix que sont les Frères dont ils ont la charge. Qu'ils les aident ainsi à mieux s'acquitter de leurs obligations religieuses et professionnelles, qu'ils les soutiennent aux. heures d'épreuve où le cœur peut fléchir.

Qu'ils contribuent à leur bonheur et à leur persévérance au service de Notre-Seigneur et de la Sainte Vierge.

Que, de leur côté, les inférieurs, animés d'esprit de foi, d'humilité et de simplicité, s'appliquent à retirer de la direction tous les fruits qu'elle est susceptible de produire.

En agissant ainsi, nous contribuerons tous à perpétuer et à affermir parmi nous l'esprit de famille, élément indispensable de notre vie religieuse et de la prospérité de l'Institut.  

Nos Causes de Béatification

 Cause du Vénérable Père Champagnat.

 Parmi nos causes de béatification, aucune, sans nul doute, ne nous tient plus à cœur que celle de notre Vénérable Fondateur. Elle a été entreprise la première et tout nous porte à croire qu'elle aboutira sans trop tarder si nous demandons instamment au bon Dieu une telle faveur et si nous la méritons.

Introduite, comme on le sait, en cour de Rome le 9 août 1896, cette cause a franchi ce jour-là la première étape, ce qui a valu à notre Fondateur, selon la législation alors en vigueur, le titre de Vénérable.

Moins de trente ans après, le décret du 11 juillet 1920 proclamant l'héroïcité des vertus du Vénérable Père, marquait la fin, de la deuxième étape. L'Église, par la voix du Vicaire de Jésus-Christ, certifiait, ce jour-là, la sainteté du serviteur de Dieu.

Mais, pour permettre aux fidèles de rendre un culte public à celui dont la sainteté est ainsi officiellement reconnue, il faut, en quelque sorte, la signature du bon Dieu par la réalisation de deux miracles dûment constatés et juridiquement admis comme tels. C'est la troisième et dernière étape pour arriver à la béatification. La cause de notre Vénérable Père en est à ce troisième stade. Combien de temps durera-t-il ? Nous l'ignorons. Nous savons seulement que seuls des miracles de premier ordre peuvent subir avec succès l'examen canonique et, que Rome est, en cela comme en tout, d'une sage lenteur.

C'est assez dire que s'il nous faut éviter tout pessimisme quant à l'issue d'une cause qui nous est particulièrement chère, nous devons également nous garder de tout optimisme excessif au point de croire que toute faveur attribuée au serviteur de Dieu, et soumise au jugement de l'Église obtiendra un verdict favorable. C'est avec raison que l'on a pu affirmer que «dans ces sortes d'examens, Rome est plus exigeante que n'importe quel corps médical ».

Nul n'ignore, à ce propos, que la législation de l'Eglise relative aux béatifications et canonisations comporte, surtout depuis le pontificat de Benoît XIV, une procédure beaucoup plus rigoureuse qu'autrefois. C'est pourquoi s'il est certaines causes, comme celles de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et de saint Jean Bosco qui ont abouti rapidement, par contre, il en est d'autres dont l'achèvement a exigé un temps considérable, parfois des siècles. Ainsi saint Jean-Baptiste de la Salle et saint Louis Grignion de Montfort ne sont parvenus aux honneurs de la béatification que cent soixante-dix ans après leur mort. Il a fallu attendre trois ou quatre cents ans pour la béatification et la canonisation de sainte Jeanne d'Are, de saint Pierre Canisius et de saint Robert Bellarmin ; qui n'admettrait cependant que tous étaient de grands. saints ?

Si, de ce fait, les délais apportés à la réalisation de nos légitimes désirs de voir notre Fondateur glorifié par l'Église, ne sauraient nous surprendre, nous ne devons pas. pour autant, nous résigner à une attente passive. La pensée de l'honneur que la béatification. attirera au Vénérable Père Champagnat et du prestige accru qu'en retirera notre chère Congrégation, la perspective des fruits de grâce et de salut qui en. rejailliront sur nous et sur le champ d'apostolat confié à notre zèle, doivent nous exciter, non seulement à désirer cette glorification, mais encore à ne rien négliger pour l'obtenir au plus tôt.

Dieu, au temps marqué par sa sagesse infinie, exaltera, nous ne saurions en douter, notre Vénérable Père, comme il s'est plu à exalter, à travers les siècles, les fondateurs de bien des familles religieuses pour les donner en modèles et intercesseurs à leurs fils spirituels. Mais soyons de même persuadés que nous pouvons, par divers moyens et surtout par nos prières et par la sainteté de notre vie, hâter la décision de l'Église en obtenant de Dieu des miracles qui manifesteront d'une façon évidente la sainteté de son serviteur.

Autrement dit, il y a, là comme ailleurs, la part de Dieu et la nôtre. Comme le disait au Rév. Frère Stratonique le cardinal Ferrata, ponent de la cause du Vénérable Père Champagnat : « Il faut faire faire à votre Fondateur des miracles, et des miracles qui comptent. Cela dépend de vous, de la ferveur avec laquelle ces miracles seront demandés.

« Cette glorification, dit de son côté le Rév. Frère Diogène, est une récompense qu'il faut, en quelque sorte, mériter. Nous pouvons donc affirmer, sans crainte de nous tromper, que nous hâterons le jour glorieux de la béatification de notre Fondateur par la régularité, la ferveur de notre vie comme religieux et par le zèle, par la charité de notre apostolat comme éducateur religieux. »

II suit de là que tous les membres de l'Institut doivent s'intéresser, je dirai même se passionner, pour cette cause et s'y employer, d'une manière de plus en plus active, par la prière fervente, par la pratique des vertus de leur état et par une propagande intelligente.

La prière d'abord. Depuis des années on récite régulièrement dans la plupart des maisons, surtout dans celles de formation, la prière pour demander la béatification de notre Vénérable Père ; cette même intention est formulée à la fin de l'acte d'offrande de la journée ; tous les membres de l'Institut ne manquent certainement pas d'y ajouter chapelets, messes, communions et actes méritoires. Continuons à prier avec ferveur, confiance et persévérance. Faisons prier nos élèves et intéressons leurs familles, les communautés religieuses et tout notre entourage à cette cause.

Redoublons de confiance en Dieu. Entendons la très Sainte Vierge nous répéter, comme aux petits voyants de Pontmain : « Mais priez, mes enfants mon Fils se laisse toucher. » Supplions cette bonne Mère, que le Vénérable Fondateur a tant aimée et si bien servie, de nous obtenir que, par sa puissante intervention, soit devancée l'heure si attendue où il nous sera enfin donné d'invoquer le Père Champagnat sous le titre de Bienheureux.

Offrons à cette même intention tous les sacrifices, tous les actes de renoncement qu'exigent la parfaite régularité et le dévouement à notre emploi, quel qu'il soit.

J'engage de même instamment nos Frères anciens, nos malades et nos infirmes à utiliser au maximum leurs souffrances et à les offrir à Dieu pour le succès de nos causes de béatification, en particulier pain celle du Vénérable Fondateur. 

Neuvaine mensuelle.

 Le Conseil Général, après avoir examiné le moyens à prendre pour obtenir la prompte glorification de notre Vénérable Père, a décidé que dans toutes les maisons une neuvaine soit faite en communauté les neuf premiers jours de chaque mois pendant les années 1949 et 1950.

Tous les mois le Calendrier religieux rappellera cette décision en ces termes : « Neuvaine pour obtenir la béatification du Vénérable Fondateur : prière, sacrifices. »

La prière prescrite n'est autre que celle que nous récitons habituellement dans ce même but. On la dira à la suite de la méditation en y ajoutant un Pater et un Ave.

Les sacrifices à faire seront laissés, en général, au choix de chacun, mais combien il est à désirer que dans un élan d'amour filial pour notre Vénérable Père, les communautés choisissent quelque mortification collective indiquée par le Frère Directeur : silence mieux gardé, ponctualité, modération à table, pratique plus exacte de la pauvreté ; de la charité et autres vertus, fidélité aux Règles relatives aux visites actives et passives, etc. …

On pourra organiser quelque chose d'analogue dans toutes les classes. Si., avec nous, nos deux cent mille élèves demandent fervemment à Dieu chaque jour, la béatification de notre Vénérable Père, le Seigneur se laissera. toucher.

La « journée Champagnat », qui a été instituée par le treizième Chapitre Général et se célèbre le 6 juin, a été, un peu partout, une réussite, grâce à la bonne volonté de vous tous. Je fais des vœux pour que les neuvaines prescrites reçoivent le même accueil. Ce mouvement, d'ensemble, s'il est fait avec ferveur dans la prière. et avec générosité dans les sacrifices, sera certainement agréable à Celui qui a dit « Tout ce que vous demanderez dans la prière, croyez que vous l'obtiendrez et vous le verrez s'accomplir. » (Marc, XI , 24. ) 

Cause du Vénéré Frère François.

 Le procès informatif diocésain sur la. cause du Vénéré Frère François, commencé le 20 juin 1911), fut porté à Rome en 1912, par le chanoine Buy, président du tribunal diocésain. Son étude a subi un retard considérable du fait de la guerre mondiale de 1914-1918.

Le 14 novembre 1934, le Saint-Père signait l'introduction officielle en cour de Rome. Depuis, d'autres troubles internationaux n'ont pas facilité les travaux des bureaux romains chargés de l'examen méthodique de nombreuses causes de béatification et de canonisation en instance.

Actuellement la mise au point du dossier nécessaire pour le procès sur l'héroïcité des vertus du Serviteur de Dieu est chose faite. Un volumineux Summarium doit être l'objet d'une étude patiente, longue, minutieuse, de la part des avocats, des membres consulteurs de la Sacrée Congrégation des Rites. C'est après avoir franchi trois étapes marquées par des réunions ou congrégations dites antépréparatoire, préparatoire et générale que la cause pourra aboutir au décret proclamant l'héroïcité des vertus du Frère François. Alors devra s'ouvrir le dernier procès définitif : celui des miracles.

Ici encore ce sont nos prières et nos actes de vertu ou sacrifices personnels qui attireront les secours du Ciel. 

Causes de nos Martyrs.

 Frère Bernardo. – Comme l'ont annoncé le Bulletin de l'Institut et diverses revues de famille, le procès informatif de l'Ordinaire a été clôturé solennellement à Burgos, le 30 avril dernier.

La séance publique était présidée par Mgr Diez, archevêque de Burgos. Assistaient à l'auguste cérémonie les membres du tribunal ecclésiastique chargé d'instruire la cause, des notabilités civiles et militaires, le Cher Frère Adulfo, Vice-Postulateur, le Cher Frère Andrés frère du martyr, et des représentants de nos diverses communautés de Burgos.

Mgr Rodero Roca, en sa qualité de juge, a lu le compte rendu des séances auxquelles a donné lieu le procès informatif qui comprend trois parties : 1° les écrits, instructions et manuscrits du martyr ; 2° ce qui se rapporte à la vie, à la sainteté et au martyre du serviteur de Dieu ; 3° ce qui a trait au non-culte.

Les pièces officielles du procès, insérées dans un coffret artistiquement ouvragé par nos Frères de Burgos, ont été envoyées à la Secrétairerie d'État du Vatican, par la valise diplomatique. Le Cher Frère Emery, Procureur Général, a remis, peu après, le procès à la Sacrée Congrégation des Rites qui, le 5 juillet, en a accusé réception en un document destiné au tribunal ecclésiastique de Burgos.

Le Cher Frère Émery en rendant, compte de ce qui précède ajoute : « J'ai demandé l'ouverture du Procès, ce qui est fait. En novembre, il sera traduit en italien. Ensuite on fera imprimer cette traduction que l'on remettra pour étude à notre avocat. Cette étude, une fois terminée et imprimée, sera donnée au Promoteur de la Foi. Il fera les objections qu'il croira opportunes et que l'avocat devra réfuter. Ces réfutations seront également imprimées en vue de la Congrégation antépréparatoire. »

 Frère Crisanto. — Le procès informatif du tribunal diocésain de Lérida se poursuit activement. On espère qu'il sera bientôt terminé.

 Martyrs de Chine. – La cause de nos martyrs de Chine : Frères Jules-André, Joseph-Félicité, Joseph-Marie Adon et le postulant Paul Jens, massacrés en 1900 par les Boxeurs, à Pékin, reste, à notre grand regret, stationnaire. Comme on le sait, cette cause est jointe à celle d'un groupe nombreux d'autres martyrs.

 Redoublons de ferveur et de confiance pour obtenir de Notre-Seigneur et de notre « Ressource Ordinaire» le succès de toutes ces causes.

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Visite de délégation

aux Provinces de Belgique

et d’Allemagne 

                          MON RÉVÉREND FRÈRE SUPÉRIEUR,

 Le rapport que j'ai l'honneur de vous adresser sur mes visites aux Provinces de Belgique et d'Allemagne vous procurera, je l'espère, une très grande satisfaction.

Après les événements tragiques qui ont éprouvé ces deux Provinces, c'est pour moi une grande consolation de constater, dans l'ensemble, un renouveau de régularité, un grand souci des exercices de piété bien faits, la soumission respectueuse de tous à leurs Supérieurs et un grand attachement au centre de la Congrégation. 

Belgique

 Aperçu historique. — La Province de Belgique est très jeune. L'indult qui lui a donné naissance porte la date du 28 mai 1934. Mais depuis longtemps, y avait des Frères dans le pays ; ils faisaient partie de la Province de Beaucamps. Après 1903, ils en constituèrent l'élément essentiel et on en vint à envisager une séparation que consacra l'indult précité.

Avant de parler de l'état actuel de la Province, jetons un regard rétrospectif sur l’œuvre des Frères en Belgique avant 1934. Nous partagerons e temps en trois périodes.

a) De 1855 à 1879, quelques écoles sont fondées. Elles répondent souvent à une nécessité urgente ; elles font du bien pendant un temps plus ou moins long, puis on les ferme pour l'une ou l'autre raison, toujours au grand regret des populations. Seule l'école de Gohissart, fondée en 1863, a tenu bon jusqu'aujourd'hui.

b) De 1879 à 1903, un assez grand nombre d'écoles sont fondées, dont quelques-unes sont encore à l'heure actuelle parmi les plus importantes de la Province. Le bien sort souvent de l'excès du mal. La loi de 1879, dénommée «loi de malheur », dirigée par un gouvernement sectaire contre l'enseignement chrétien, provoqua en Belgique une floraison d'écoles libres. L'élan était donné, les Frères créèrent de nombreuses écoles dont Arlon et Bruxelles (Saint-Gilles). L'ouverture du Noviciat d'Arlon date de 1888 et celle de l'École Normale, de 1890.

e) De 1903 à 1934, il y a d'abord quelques années de prospérité très grande, causée par l'afflux en. Belgique de beaucoup de Frères chassés de France par des lois iniques, puis un temps d'arrêt amené surtout par la guerre de 1914-1918.

Soulignons qu'en 1911 commence l’œuvre admirable du Congo. Stanleyville y est fondé en 1911 et Buta en 1912.

Le Noviciat d'Arlon ayant été interrompu pendant la guerre de 1914, Pommerœul ouvert en 1903 aux novices français de Beaucamps, accueille toutes les recrues jusqu'à la fondation de la Province de Belgique. 

Maison Provinciale et maisons de formation.

 Mont-Saint-Guibert. — On sait dans quelles conditions heureuses nous avons acheté, dans cette localité, la propriété des ducs d'Arenberg : château et dépendances, parc, jardin, verger, prairies. Le parc, malgré les durs hivers récents, malgré le bombardement de mai 1940, est resté magnifique. Pour adapter le château à sa destination, il a fallu bâtir une chapelle, des classes, des dortoirs : désormais l'établissement se prête aux usages les plus variés.

C'est en juillet 1934, à la suite de la création de la Province de Belgique, que la maison a ouvert joyeusement ses portes aux novices et aux postulants belges venant de Pommerœul. En dix ans, 285 postulants ont pris l'habit à Mont-Saint-Guibert, 264 novices y ont émis leurs premiers vœux. Depuis 1944, il n'y a plus de vêture, le Juvénat ayant été prolongé de deux ans. C'est pourquoi Mont-Saint-Guibert a abrité, pour quelque temps, des juvénistes qui, en 1945, ont été transférés à Habay. A la. place laissée vide, on installa provisoirement un petit pensionnat. Nous comptons bien que prochainement, lorsque certaines difficultés seront aplanies, le Noviciat reprendra possession de ses anciens locaux.

 Arlon. — Arlon, fondé en 1888, comme il a été déjà dit, ne devait être qu'un Noviciat, admirablement situé pour recevoir les recrues, non seulement de Belgique, mais encore du Grand-Duché de Luxembourg, de la Lorraine et de l'Allemagne. Il y a encore, en beaucoup d'endroits du monde, des professeurs et des missionnaires formés à Arlon ; tous les Frères anciens des divers postes de Belgique ont été également novices d'Arlon.

Mais dès janvier 1889, on est obligé d'ouvrir une école primaire qui se développe d'année en année et se complète bientôt par des classes professionnelles devenues dans la suite les cours d'Humanités Modernes. Ces cours ont déjà donné, à la ville d'Arlon et aux environs, une élite chrétienne très influente.

Dès 1890, on ouvre l'École Normale, agréée par le Gouvernement au début de 1892.

Son rôle a été considérable puisqu'elle a pourvu des titres nécessaires tous les Frères qui enseignent en Belgique ; elle a, de plus, formé et dispersé à travers le pays, où ils font un grand bien, de nombreux maîtres chrétiens laïcs.

En 1944, le Conseil Provincial a décidé de retarder l'entrée au postulat, qui ne se fait désormais qu'après deux ans d'École Normale, d'où l'ouverture à Arlon du Juvénat Supérieur.

Depuis quelques années, on a ouvert une École Normale qui délivre des diplômes officiels de « régent». Ses cours ne sont suivis actuellement que par des Frères ; les examens se passent devant un jury composé des professeurs de l'école et de professeurs étrangers désignés par Le Ministère.

Le Frère Directeur de l'École Normale dirige un Centre d'Orientation professionnelle très estimé et qui maintient dans le monde scolaire officiel. l'excellente réputation pédagogique des Frères Maristes.

Arlon, avec ses huit cents élèves, est la plus peuplée de nos écoles de Belgique. Sa fanfare, composée de maîtres et d'élèves, donne un cachet tout particulier aux processions et aux fêtes, ce qui la rend très sympathique à la population arlonnaise

 Juvénat de Pithem. — Cette maison a été fondée en 1896 danse la plaine féconde de la Flandre, au. milieu de populations fervemment chrétiennes. Plus de 1.200 Juvénistes y ont passé, et la plupart des Frères de Belgique sont des anciens de Pithem dont ils ont gardé un délicieux souvenir.

Les recruteurs d'aujourd'hui et les Frères de nos postes flamands assurent au Juvénat une population satisfaisante.

Juvénat de Habay. – Dans cette localité située à 15 kilomètres d 'Arlon, nous avons acheté, en 1903, leur maison, aux Sœurs Dominicaines qui rentraient en France, et nous en avons fait un Juvénat. Il fallut naturellement modifier ce couvent de religieuses cloîtrées. Ce fut fait progressivement ; et l'on eut désormais, en pleine campagne solitaire, à proximité des grands bois, un Juvénat suffisamment vaste. Abandonné du fait de la guerre en 1940, il a été rouvert en 1945 pour les recrues des régions d'expression française et pour les Juvénistes flamands formés à Pithem qui viennent y parfaire leur connaissance du français avant d'entrer à l'École Normale.

C'est à Habay, à côté du Juvénat, que fonctionne actuellement le Noviciat qui avait été momentanément interrompu.

Puisse cette maison continuer à mériter le nom de «Val des Anges » que lui avaient donné les Dominicaines

Il va sans dire que l'entretien des nombreux sujets de nos maisons de formation et de nos étudiants universitaires constitue une lourde charge pour la Province. C'est pourquoi je renouvelle l'appel lancé lors des retraites, pour une pratique toujours plus stricte et plus généreuse de l'esprit d'économie et de pauvreté.

 Nos Écoles. — Après avoir parlé de nos maisons de formation, disons un mot de notre enseignement en Belgique.

Nos écoles primaires y forment trois groupes : le premier, où la langue véhiculaire est le français. – en compte dix-sept ; le second, où la langue usitée est le flamand, sept ; et le troisième groupe est constitué par les écoles des régions bilingues : cinq dans la Flandre française et quatre dans l'agglomération bruxelloise. Parmi ces dernières, signalons celle d'Auderghem qui a été dotée par ses fondateurs d'une chapelle semi-publique, véritable bijou d'art et de piété. Sur la façade de cette école, située en bordure d'un large carrefour très fréquenté, on lit cette inscription se déroulant comme une immense banderole : «Laudetur Jesus Christus », inscription qui remplissait d'enthousiasme le Révérend Frère Stratonique.

Parmi ces écoles, deux sont d'une catégorie différente : celles de Verviers et de Tielt. Nos Frères sont les auxiliaires des Pères Jésuites dans la première, et des prêtres diocésains dans la seconde. Signalons que Tielt semble pour les Frères comme un apprentissage de la vie missionnaire : huit de ses anciens directeurs ou professeurs se dévouent maintenant au Congo.

En plus des écoles primaires, deux établissements (Arlon et Saint-Gilles à Bruxelles) dirigent une section d'Humanités Modernes qui délivre le diplôme officiel (baccalauréat). Saint-Gilles prépare aussi à l'É.C.A.M. (École Catholique des Arts et Métiers). De leur côté, Saint-Hubert et Couvin possèdent une école professionnelle agréée par le Gouvernement.

En résumé, les Frères ont actuellement trente-trois écoles en Belgique et donnent l'enseignement à plus de 8.000 élèves. A ces chiffres il faudrait ajouter les cinq écoles et les 4.000 élèves du Congo.

 A Azelo, en Hollande, existe un pensionnat dirigé par huit Frères auquel s'adjoindra aussitôt que possible un Juvénat.

Terminons la nomenclature des maisons en signalant :

1° Le poste de la rue de Linthout, à Bruxelles : c'est le siège de l'Économat Provincial et de la Procure où l'on s'occupe de la composition, de l'impression et de la diffusion de nos deux collections de manuels scolaires en langues française et. flamande.

20 La maison située à. Genval centre du Secrétariat de nos Œuvres Maristes où quelques Frères, par des collectes, par la vente d'images et de. calendriers, procurent à la Province d'appréciables ressources.

3° Une maison à Louvain, réservée aux Frères qui suivent les cours de l'Université.

Il se conçoit qu'une telle Province ait besoin d'un recrutement intense. Mais la guerre, hélas ! a entravé ce recrutement rendu déjà difficile par bien d'autres causes. Il en résulte l'emploi dans nos écoles, d'un bon nombre d'instituteurs laïcs, formés pour la plupart à notre École Normale.

Pendant la guerre, deux Frères ont été tués par des bombes et un autre s'est noyé en voulant gagner l'Angleterre. D'autres ont couru de réels dangers du fait de l'ennemi, sans parler de ceux que l'exode inoubliable de 1940 a jetés sur les routes fréquemment bombardées, et qui, après des voyages aux péripéties invraisemblables, ont trouvé pendant plusieurs mois un accueil fraternel à la Maison-Mère et dans les maisons environnantes.

 Remarques générales. — Néanmoins, tous ces incidents n'ont pas ralenti le zèle des Frères qui reste digne de, tout éloge.

Goût pour embellir des locaux scolaires, en général vastes et clairs, enjolivés par des fleurs et une ornementation qui rendent les classes très agréables aux enfants.

Application à suivre les directives apostoliques et persévérantes du Cher Frère Visiteur en vue de donner aux enfants des pratiques et des habitudes chrétiennes si importantes pour le reste de leur vie.

Efforts continus pour promouvoir et intensifier les études pédagogiques ; pour procurer la gloire de Dieu et le bien spirituel des enfants par le catéchisme bien fait et aussi, en certains endroits, en les conduisant très nombreux à la messe quotidienne.

A signaler de même les groupes de la Croisade eucharistique qui existe dans presque toutes nos écoles ; les formations de la J.E.C., réservées aux plus grands. Quelle consolation encore de voir se multiplier les chapelles, où Dieu veut bien résider parmi les Frères de nos communautés ! Onze de ces dernières jouissent de cet avantage.

Les Frères ont fondé des associations d'anciens élèves dans vingt-trois, de nos établissements. Quelques-unes sont très prospères. Elles sont toutes groupées en une Fédération : « Les Anciens Élèves des Frères Maristes de Belgique ».

Nous sommes heureux de féliciter les rédacteurs de la revue de famille Entre Nous, qui travaillent avec ardeur et talent à intensifier, clans la Province, la ferveur et la charité fraternelle.

Nous avons constaté avec plaisir que les ateliers provinciaux de taillerie et de cordonnerie étaient très bien organisés.

La musique est en honneur dans toute la Province, surtout la musique sacrée, et nombreux sont les Frères qui s'exercent à tenir l'harmonium. Nous avons été charmé de voir nos Scolastiques et nos Juvénistes prendre joyeusement leur part du travail de nos maisons, alertes et courageux comme leurs aînés bâtissant l'Hermitage. N'a-t-on pas vu à l'Ecole Normale, à la suite des examens de juillet, en attendant les vacances, un groupe d'élèves, frères et laïcs, se transformer, sous la direction d'un professeur, en une équipe d'ouvriers, et se mettre à badigeonner, à peindre dortoirs et locaux scolaires. à vernir lits et bancs de classe, si bien qu'à la sortie… tout était prêt pour la rentrée ! Ce fut, un spectacle délicieux d'esprit de Famille.

Nous avons vu les prêtres des paroisses et les chefs d'institutions. Tous rendent hommage à la vaillance des Frères et à la fécondité de leur zèle.

Disons, pour terminer, que notre visite de la Province de Belgique nous a procuré bien des consolations. Sans aucun doute, il y a progrès dans les. étude, les méthodes d'enseignement et la pratique de la vie intérieure. Et partout grandit le zèle pour les missions lointaines. Les jeunes Frères sont de plus en plus attirés par l'apostolat en terre païenne. Ce sera, nous n'en doutons pas, un gage de bénédictions pour la Province de Belgique qui a choisi Marie Médiatrice pour Patronne. 

Allemagne

 Les formalités à remplir pour passer les frontières ont été longues et compliquées. En rentrant en suisse, ma première visite a été pour notre Collège de Saint-Gingolph. J'ai été heureux de voir à peu près achevées les constructions qui vont presque tripler la façade, ce qui donne à l'établissement, vu du lac Léman sur le bord duquel il se trouve, un aspect magnifique. Mais l'essentiel c'est que les locaux agrandis vont mettre le pensionnat plus à l'aise et surtout ménager une belle chapelle répondant bien à la piété qui fait une note remarquable du Collège.

Pour pénétrer de la principauté de Liechtenstein d'abord, en Autriche et dans les zones d'occupation française, américaine et britannique, il a fallu surmonter bon nombre de difficultés.

C'est avec un soupir de soulagement et d'action de grâces au Seigneur qu'on arrive au bout de l'interminable filière des contrôles.

L'établissement de Vaduz (Liechtenstein), va aussi bien. que possible. Les démarches pour la possession légale de la maison sont en bonne voie. Sa situation financière s'améliore. Il y a 78 élèves dont 22 internes. Douze Frères y assurent l'enseignement secondaire que couronne le baccalauréat. Le nombre restreint des élèves a de quoi surprendre au premier abord ; mais les difficultés de visa et de la monnaie rendent fort malaisé l'accès de la principauté aux étrangers. Le maintien de cette œuvre est cependant commandé par les circonstances

On peut facilement imaginer la joie éprouvée par les Frères d'Allemagne accueillant le Délégué du Révérend Frère Supérieur Général après neuf longues années chargées des plus graves événements pour les maisons e t les œuvres de la Province. Nos Frères ont terriblement souffert ; mais, au milieu de leurs épreuves, ils ont conservé l'esprit religieux mariste. La guerre en a tué un grand nombre ; elle en a forcé beaucoup d'autres à suivre le mouvement des armées en plusieurs pays d'Europe à travers d'innombrables périls physiques et moraux. Des prisonniers ont été privés des secours religieux durant plusieurs années. Malgré ces circonstances tragiques exceptionnellement graves, et, il faut bien en convenir, de regrettables défections, les Frères restés fidèles à leur vocation ont repris le travail manuel ou scolaire avec un admirable dévouement.

J'ai eu le plaisir d'assister aux retraites de Vaduz et de Fürth. A cette maison provinciale, il y a eu vêture de sept postulants et émission des premiers vœux par trois novices.

L'œuvre des Frères dans les écoles se heurte à des obstacles créés par les événements et par la qualité des élèves qu'ils ont à instruire ou à éduquer. Un grand nombre de jeunes gens, contraints par la guerre à interrompre leurs classes, veulent maintenant conquérir les diplômes qui leur sont nécessaires pour embrasser les carrières désirées et ils se sont remis aux études. Mais on comprend que d'anciens membres de groupements hitlériens ou d'anciens soldats ne soient pas des éléments très malléables entre les mains des maîtres qui leur parlent de piété ou de discipline.

 Coup d'œil sur les écoles. Actuellement nos Frères eu Allemagne exercent leur apostolat dans les écoles de Cham, de Mindelheim et de Recklinghausen.

 A Cham, treize Frères dirigent un pensionnat de 205 internes. Ces élèves suivent les cours dans une institution de la ville. La maison possède une belle chapelle. Les Frères ont eu beaucoup de peine à reconstituer le mobilier dispersé ou endommagé par les divers occupants amenés par la guerre. C'est dans le voisinage de cette localité que se trouve Konnersreuth, pays de Thérèse Neumann la célèbre stigmatisée qui, contrairement à certaines nouvelles répandues à son sujet, continue à ne vivre que de la Sainte Hostie et à éprouver au cours des extases du vendredi les douloureux et sanglants stigmates de la passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

 A Mindelheim, l'enseignement secondaire est donné par nos Frères avec l'aide de quelques maîtres auxiliaires. Il y a 605 élèves dont 135 internes. Les Frères sont vingt-quatre y compris quelques scolastiques. Des circonstances particulières et, disons même, certaines jalousies ont provoqué des difficultés locales qui, espérons-le, ne seront que passagères. Un fait indubitable est que les Frères ont été l'objet de manifestations publiques de sympathie de la part des familles heureuses de confier leurs enfants à des maîtres religieux.

 La maison de Recklinghausen a pu être rachetée par les Frères. En attendant qu'elle reprenne son ancienne destination de Juvénat, elle est occupée par une œuvre de charité vraiment digne d'intérêt. Elle abrite 120 enfants ou jeunes gens réfugiés de tous les pays et qui suivent les diverses écoles de la ville. Un prêtre, réfugié lui-même, a pris à cœur cette œuvre et se dévoue à recueillir des moyens de subsistance pour cette jeunesse. Malgré les difficultés que l'on conçoit facilement, les Frères s'efforcent d'assurer l'éducation chrétienne à cette clientèle spéciale.

 Notre maison de Straubing, qui servait de Scolasticat précédemment, est en partie occupée par les Américains qui payent un loyer. L'autre partie l'est par des réfugiés des régions orientales qui vivent dans une promiscuité déplorable et endommagent des locaux dont la restauration sera impossible. C'est pourquoi les Frères qui poursuivent leurs études sont à Mindelheim ou à Munich.

 A Fürth, maison provinciale, j'ai été heureux de constater une encourageante renaissance de le Province. En effet, le recrutement est repris activement. Il y a quatre-vingts juvénistes, neuf postulants et sept novices. C'est donc la vie qui est de nouveau en marche à un rythme fort consolant. Il y a tout lieu d'espérer que les ruines accumulées par l'ouragan seront réparées et que les œuvres retrouveront leur ancienne prospérité.

Il me reste à vous remercier, Mon Révérend Frère Supérieur Général, de m'avoir procuré le bonheur de revoir et d'encourager ces bons Frères si éprouvés dans la tourmente, mais si courageux et si désireux de travailler à la gloire de Dieu et à l'honneur de le Très Sainte Vierge Marie.

C'est vers Elle enfin que montent leurs actions de grâces et les miennes pour les bénédictions divines que sa maternelle bonté a attirées sur les Frères et les œuvres de la Province d'Allemagne.

Frère MARIE-ODULPHE, A. G.  

Visite de délégation

à la Province de Varennes-Orient

                           Mon RÉVÉREND FRÈRE SUPÉRIEUR,

 La vaste Province de Varennes-Orient, vu son étendue, est difficile à visiter d'un trait. Le secteur de Madagascar, le plus lointain, a été visité l'art passé et votre circulaire a pu en donner un compte rendu. II m'a été possible d'achever la visite par les maisons de France et, pendant ces vacances, de celles de Grèce. C'est de ces deux secteurs de la Province que ces lignes parleront. 

FRANCE

 Ce secteur qui compte, avec la maison provinciale, huit maisons de l'ancienne Province de Varennes et six de l'ancienne Province de Constantinople, s'étend sur le centre et l'ouest de la France, depuis le département de Saône-et-Loire, où nous avons deux établissements, jusqu'au Finistère, non loin de Brest. En tout, cela fait donc quatorze établissements. Le personnel monte à 102 Frères, non compris 16 professeurs civils, faisant la classe à 1.777 élèves dont 557 internes.

Les pensionnats sont au nombre de neuf, dont cinq seulement dépassent 50 internes. Ce sont Chagny (112 internes), Le Mayet-de-Montagne (95), Trégunc (80), La Clayette (68) et Saint-Pourçain (53). Les autres sont moins fournis 'et le dernier, fondé cette année, celui d'Ariane, commence avec 8. Tous ces pensionnats reçoivent aussi des externes. Aucun cependant n'arrive à un total de 200 élèves.

Les externats sont au nombre de cinq, tous situés en Bretagne. Ils sont de fondation relativement récente, ce qui eut lieu quand la Province de Constantinople se vit forcée d'évacuer la Turquie, il y a un quart de siècle. Leur population scolaire va de 80, à Langon, à 160, à Pipriac.

Nous avons donc, dans cette partie de la Province, des établissements plutôt modestes, à côté de ceux de Grèce qui frisent les 500 élèves, de ceux du Liban dont le principal, Jounieh, atteint les 900 et même d'Antsirabé, à Madagascar, qui ouvre ses portes à près de 600 petits Malgaches.

Il en est de même pour le personnel des communautés. La plus nombreuse, celle de Chagny, a douze Frères et les externats en ont trois ou quatre. Ces dernières communautés ont bien du mérite. Il faut, dans ces petites maisons, assurer non seulement la classe, du matin au soir, mais encore les surveillances des récréations, le soin de propreté des classes ; il faut couper le bois et allumer les poêles en hiver, travailler au jardin qui aide à vivre, balayer la maison et, souvent courir après un ravitaillement encore difficile et peu assuré.

Ajoutons qu'avec un dévouement merveilleux, de tradition dans notre institut, ce sont souvent des Frères arrivés à l'âge normal du repos lui continuent jusqu'au déclin de leurs forces, à faire la classe et à se dévouer aux enfants.

 Il y a deux ans, la Province a fêté 23 jubilaires à Varennes. C'est très beau, sans doute, mais cela n'indique pas beaucoup de jeunesse.

Il faudrait un recrutement abondant et on sait qu'actuellement, en France, les noviciats, comme les séminaires, ont beaucoup e peine à se remplir.

Il y a pourtant, deux juvénats dans ce secteur de la Province, celui de Langon. et celui de Varennes. Le premier, situé eu Bretagne, a été fondé par la Province de Constantinople et il continue, car il est difficile de proposer aux parents d'envoyer leurs enfants trop loin. On y garde donc les juvénistes un an ou deux, avant de parler d'aller à Varennes et plus tard à Saint-Genis, pour le noviciat. Ils ne sont malheureusement qu'une douzaine pour le moment et ne pouvant constituer, avec un si petit nombre, les classes nécessaires, les plus jeunes ou les moins avancés sont joints aux autres élèves de l'école, pendant les classes.

Le deuxième juvénat, celui de Varennes, a été, en octobre de l'année dernière, l'objet d'une refonte. En effet, comme on prolongeait, d'une année le temps du juvénat, la Province de Saint-Genis a eu l'heureuse idée de joindre un groupe de ses juvénistes de Franois à ceux de Varennes et on est arrivé ainsi au nombre inconnu depuis longtemps de près de 50 juvénistes, au lieu d'une vingtaine les années précédentes. Du coup, tout a pris vie, les classes mieux garnies ont eu plus d'émulation, les chants de la chapelle, plus d'ampleur, les jeux même plus d'ardeur. On a dès cette année. cueilli des lauriers aux examens du brevet élémentaire. Plusieurs juvénistes viennent d'Orient, soit de Grèce, soit du Liban, soit d'Égypte. Tout ce petit monde fraternise comme il convient aux enfants de la Sainte Vierge,

La maison de Varennes comprend, à côté du juvénat, quelques Frères généralement âgés qui se partagent le travail d'ensemble soit d'entretien de la maison et de la vaste propriété, soit de la cordonnerie et de la taillerie.

La propriété est bien entretenue et des arbres fruitiers nombreux, qui seront bientôt en plein rapport, sont d'un précieux appoint pour le ravitaillement.

La maison a été l'objet, pendant les dernières vacances, d'une restauration sérieuse. Les corridors et nombre de chambres ont été badigeonnés par Ies Frères eux-mêmes, avec goût. La belle et vaste chapelle, qui a été incendiée en 1922, reste malheureusement inutilisable, mais la chapelle provisoire qui la remplace est encore bien suffisante.

Le côté matériel des écoles est peu florissant, surtout dans les externats. Les écoles libres sont o peu dans la misère et c'est une chose admirable de voir les Frères vivre pauvrement sans se plaindre et économiser encore de quoi venir en aide à la Province pour la formation de la jeunesse.

Ce qui est consolant aussi, c'est de constater II 'affection des bonnes familles chrétiennes pour leurs écoles. Cela se traduit de façon tangible par des souscriptions, des dons en nature, des participations aux kermesses. Et d'ailleurs, dans tout l'Ouest de la France, un mouvement des populations se groupant en des manifestations publiques, à effectifs souvent énormes, réclame non seulement la liberté d'enseignement mais une plus juste répartition du budget de l'Éducation nationale.

Ce qui est plus consolant encore, c'est de constater que nos communautés jadis « sécularisées » et, par suite, plus ou moins en règle avec les exigences d'une vie conventuelle, ont repris l'aspect des maisons les plus régulières. Tout n'y est pas encore parfait partout, mais, du moins, les maisons déjà bien réglées n'ont pas dégénéré et celles qui avaient besoin de quelques réformes les ont accomplies. Il a suffi, en plus d'un endroit, de l'arrivée d'un Directeur régulier et zélé pour qu'avec ensemble les Frères, qui ont toujours eu bonne volonté, se mettent à l'alignement, si je puis dire.

C'est là un des grands avantages de la réunion en une seule, des trois anciennes Provinces de Constantinople, Syrie et Varennes qui, toutes trois, étaient devenues bien affaiblies en personnel, après tant de bouleversements politiques de ces dernières années. Le Frère Provincial n'a pas plus de monde sous la main, mais il peut mieux utiliser les compétences, et plus facilement répartir les effectifs dont il dispose.

Si donc, comme il faut bien l'espérer, les Frères continuent les efforts entrepris pour augmenter les effectifs des juvénats et dont on voit déjà les heureux résultats, et si, en même temps, se pour-suivent les améliorations concernant la régularité qui sont le gage de la bénédiction du bon Dieu. on peut être sûr que ce secteur de la Province de Varennes-Orient retrouvera sa vitalité et sa prospérité d'autrefois.

 C'est cet espoir que je crois pouvoir vous demander de partager, mon Révérend Frère Supérieur Général, en vous assurant de la bonne volonté de tous vos enfants des établissements que je viens de visiter en France.

Il en est de même pour ceux de Grèce, dont il me reste à vous parler. 

GRÈCE

 C'est une vie bien mouvementée qu'ont menée nos Frères de Grèce, depuis bientôt dix ans. Ils ont subi la guerre étrangère, la guerre civile, la famine, les menaces des bandes communistes, ils ont vu leurs locaux réquisitionnés par tous les occupants : anglais, italiens, allemands et révolutionnaires, puis par les hôpitaux, les réfugiés, la gendarmerie, une école d'officiers et ce n'est pas fini encore. Il a fallu une souplesse, une diplomatie de tous les instants pour se tirer le moins mal possible des situations les plus délicates et, en somme, faire preuve cons-tante qu'on était simplement de bons religieux serviables pour tous, dont personne n'avait rien à craindre. On a ainsi obtenu de tous les pouvoirs militaires successifs, dont chacun pouvait tout détruire, la sauvegarde de nos intérêts essentiels. De fait, avec la protection de la bonne Providence, nos Frères et leurs œuvres ont souffert bien moins qu'on aurait pu le craindre.

Nos écoles ont été tour à tour fermées et rouvertes, réquisitionnées, suspendues ou libérées ; des mobilisations successives ou mises en camp de concentration, suivant le parti vainqueur, ont dérangé nos communautés, mais, tout de même, elles ont pu mener, jusque dans les plus mauvais jours, leur vie religieuse. Le juvénat a dû être suspendu pendant cinq ans ; il a fallu, pendant deux ans, s'occuper de distribution et préparation de vivres envoyés par la Croix-Rouge. Il a fallu même défoncer et cultiver les cours, les transformer en jardins pour ne pas mourir de faim et recourir, à certaines heures, aux aliments les plus étranges, jusqu'aux caroubes que l'Enfant prodigue affamé enviait aux pourceaux.

Aujourd'hui, grâce à Dieu, la Grèce revient à une situation normale dans l'ensemble du pays, car il reste des régions frontières ou montagneuses infestées de bandes communistes. L'aide puissante de l'Amérique achèvera la guérison du pays, espérons-le.

Nos deux maisons d'Athènes et celle de Patras ont donc repris leur marche habituelle. Cette dernière, toutefois, par suite de l'exode forcé de la population italienne qui fournissait le plus d'élèves catholiques, ne va plus qu'au ralenti, mais les deux autres sont revenues à peu près à leur niveau d'avant-guerre. Il faut pourtant noter que l'internat de Patissia qui compta jadis 250 pensionnaires n'est encore remonté qu'à une soixantaine. Ce n'est pas que l'excellente réputation de nos écoles ait baissé, mais c'est parce que, le prix de la vie étant monté en flèche, il faut établir un prix de pension au-dessus des moyens de bien des familles, dont les événements de ces dernières années ont déséquilibré le budget.

Nous avons en Grèce actuellement un effectif de 33 religieux : 3 à Patras, 12 au Lycée Léonin Saint-Denis, rue Sina, et 18 au Lycée Léonin, Sacré-Cœur, de Patissia. Cette double appellation de Lycée Léonin rappelle que dans l'idée primitive, quand on construisit à Patissia on songeait simplement à y retirer l'internat, jusque-là mal logé à Saint-Denis. Ces deux maisons sont à 5 kilomètres de distance, la première au centre de la ville, proche de la cathédrale. C'est aujourd'hui un des quartiers les plus bruyants et l'accoutumance seule permet de supporter le tapage des trams et des cars qui ne cesse que vers une heure du matin. C'est là que nos Frères sont venus en 1908.

La section de Patissia devenue depuis un lycée de plein exercice est au contraire plus à l'écart, sur un vaste terrain acheté en 1914, alors en pleine campagne, mais maintenant entouré de tout un quartier bâti. C'est un des plus beaux et des plus commodes collèges que l'Institut ait construits. L'effectif scolaire de ces deux établissements athéniens est d'environ 500 élèves, chacun avec enseignement primaire et secondaire. Nombre de professeurs civils nous sont nécessaires.

Nos communautés sont actuellement composées. de moitié, environ, de Frères sortis du petit juvénat qui fonctionna d'abord à Héraclée, village voisin d'Athènes, où nous avons une maison de campagne, mais qui dut ensuite se joindre au Lycée de Patissia, à cause des règlements scolaires. Tous ces Frères, malheureusement astreints au service militaire, ont traversé l'épreuve sans faiblir, après deux, trois ou même quatre années de service ou de guerre. Les vocations nous arrivent des îles de Tinos et Syra, qui font partie des Cyclades. Il y a là de bonnes familles catholiques où la vie chrétienne s'est conservée fervente.

Nos juvénistes sont au nombre de 24 au début de cette année scolaire. C'est le chiffre qui paraît le plus convenable. Cela console de l'interruption de cinq années, qui a suivi l'invasion du pays.

Cette adjonction d'un juvénat à un collège n'est pas normale, allez-vous penser, sans doute ; mais les circonstances nous ont forcés à y recourir. Elle a d'ailleurs réussi bien mieux qu'on ne l'espérait d'abord. Grâce au dévouement de Frères qui se sont consacrés jour et nuit à ces enfants et souvent en plus de leur travail ordinaire, le juvénat a pu fonctionner de façon bien satisfaisante, les juvénistes n'ayant de commun avec les collégiens que le temps des classes. Récréations, promenades, dortoir, tout est à part.

Ce qui est mieux encore, c'est que la bonne marche du système nous amène comme externes et les séminaristes des divers diocèses de Grèce, soit de rite latin, soit de rite grec, et les juvénistes des Pères Assomptionnistes et ceux des Pères Jésuites. Ainsi nous est confié, en partie du moins, l'avenir du clergé et des ordres religieux de Grèce. C'est ainsi un bien incalculable que font nos Frères. Sur leurs autres élèves dont la majorité est orthodoxe, leur action est moins profonde. On ne peut, vu les règlements scolaires, les catéchiser directement, vu nos lois ecclésiastiques, les conduire à la messe ou aux sacrements. Mais un travail lent et sûr se fait tout de même dans l'esprit et ; le cœur de ces enfants qui, malgré tout, baignent dans une atmosphère religieuse. On le constate en bien des circonstances, ne fût-ce qu'au mois de Marie, que tous font fidèlement, avec même leurs professeurs, orthodoxes ou non. C'est que la Sainte Vierge, la Panaya, c'est-à-dire ta « Toute Sainte », comme on la nomme ici, est unanimement vénérée dans tout l'Orient et qu'il n'y a pas de schisme à son égard.

Comme un peu partout, le personnel fait défaut en Grèce. J'ai dû, comme le fait votre lettre d'adieu aux Frères du Brésil, prier les Frères de restreindre et même supprimer certaines activités que leur zèle leur faisait entreprendre ou souhaiter. D'ici quelques années' on pourra reconsidérer, toutes choses. Il faut dire que plusieurs Frères suivent les cours fort absorbants de l'Université, pour conquérir les diplômes voulus, afin de remplacer quelques professeurs civils et que cela diminue encore leurs heures de présence dans les deux collèges.

J'ai trouvé nos trois communautés aussi régulières et aussi ferventes que lors de ma dernière visite. Nous avons une chapelle dans chacune de nos maisons et Notre-Seigneur n'y est pas délaissé. Il n'y a donc qu'à féliciter nos Frères de leur bon esprit et de leur zèle pour le recrutement de borines vocations.

 Il reste à souhaiter que les conséquences des temps calamiteux que nous venons de traverser continuent à s'atténuer. Cela, sans doute, ferait libérer nos locaux d'Héraclée où se forment trois cents gendarmes et le second bâtiment de Patissia qui est le Saint-Cyr d'une centaine de futurs officiers. Il est vrai que nous ne nous montrons pas trop pressés, craignant d'autres remplaçants, qui n'auraient ni la même tenue ni la même discipline. C'est là qu'un voit les avantages d'une Règle, soit militaire, soit religieuse, qui assure la bonne marche de tous, chacun dans son domaine.

Inutile d'ajouter que j'ai emporté le meilleur souvenir de mon passage parmi nos Frères de Grèce, quelques-uns d'ailleurs anciens compagnons d'armes de Turquie, quelques autres anciens novices d'Héraclée, quand le noviciat y fut installé, et restés bons Petits Frères de Marie. Tous, à commencer par le Cher Frère Visiteur, qui m'a accompagné dans mes visites, m'ont entouré des meilleurs soins possibles, dont je saisis l'occasion de les remercier.

Frère JEAN-EMILE, A. G.

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Voyage au Canada et aux Etats-Unis

 Lors du dernier Chapitre Général, je l'us instamment invité à visiter nos Provinces du Canada et des États-Unis. L'invitation s'est renouvelée maintes fois dans la suite.

Ce serait, disait-on, continuer une tradition,, puisque le Révérend Frère Théophane s'y était rendu en 1887, le Révérend Frère Stratonique en 1910 comme Supérieur Général, après y avoir été à plusieurs reprises en sa qualité d'Assistant. A son tour, le Révérend Frère Diogène leur avait porté en 1927 ses conseils et ses encouragements. Puis, on citait une longue liste de Supérieurs Généraux qui visitent ou ont visité récemment leurs religieux dans ces pays.

II a été facile de me convaincre, d'abord parce que je suis persuadé que ces visites, quoique rapides, contribuent à resserrer les liens qui doivent unir, au centre de la Congrégation, tous ses membres ; ensuite parce que, me devant à tout l'Institut, c'est en moyen de le mieux servir que d'avoir une con naissance personnelle des Frères et des œuvres dans les divers pays.

Avec le Cher Frère Régis-Aimé, Assistant Général, nous sommes partis de Saint-Genis-Laval, le 22 juin. La veille, les membres de l'Administration Générale et les communautés de la Maison-Mère, avec un bon esprit que je me plais à louer, nous ont offert, comme en d'autres circonstances analogues, leurs vœux d'heureux voyage, nous assurant, le secours de leurs prières.

A Paris (Clamart), de même qu'à Londres (Dunctan Terrace), nos confrères nous ont fait l'accueil aimable et empressé que connaissent tous ceux qui leur demandent l'hospitalité.

Nous avons pris l'avion dans la nuit du 24. Un retard de quelques heures nous a fait arriver à Montréal non pas le 25 à midi, comme il était prévu, mais en fin de journée. Cela a permis à nos Frères d'être particulièrement nombreux, plus de cent, au camp d'aviation.

Je ne m'arrêterai pas à décrire les réceptions dent chacune, cela va de soi, a revêtu un caractère particulier, notamment dans les maisons de formation où l'on dispose de plus d'éléments que dans les autres communautés. D'ailleurs, la plupart de temps nous sommes arrivés quand les retraites étaient déjà en cours. Le règlement ordinaire n'a subi aucune modification et nous avons commencé aussitôt nos instructions aux Frères et l'entrevue avec chacun des retraitants. La présentation des souhaits de bienvenue était remise. au jour de la clôture des saints exercices.

L'esprit filial et l'amour de la Congrégation ont été invariablement la note dominante de ces rencontres. Je ne puis que remercier tous ceux qui ont contribué à créer une telle atmosphère, en particulier les Frères Provinciaux qu'animait un même désir : celui d'assurer à la visite des fruits abondants.

Nous avons passé une vingtaine de jours dans chacune des trois Provinces, ayant pu consacrer quelques heures à neuf sur onze des retraites annuelles. A notre grand regret, il ne nous a pas été possible d'assister à celles des, novices, mais un contact assez prolongé avec eux, nous a permis de constater les bonnes dispositions qui les animent et la formation sérieuse qui leur est donnée.

Les maisons nous intéressaient moins qu'en d'autres pays, étant donné que ln plupart, comme je le dirai plus loin, ne sont pas la propriété de l'Institut. Nous avons eu cependant l'occasion de les visiter presque toutes. Ne pouvant donner ici un compte rendu détaillé de nos œuvres dans ces trois Provinces, je me bornerai à une vue d'ensemble, laissant au Cher Frère Assistant le soin de compléter ces quelques données après la visite canonique qu'il poursuit actuellement dans ce secteur si intéressant de l'institut. 

Fondation et évolution.

 En1885, six Frères de Notre-Dame de l'Hermitage se rendaient au Canada pour fonder une école dans la paroisse de Saint-Athanase à Iberville.

C'est ainsi que notre Congrégation prenait pied eu Amérique où elle compte actuellement 11 Provinces florissantes avec environ 250 maisons, 1.200 religieux, 2.000 sujets en formation et 85.000 élèves.

En date du 3 novembre 1885, deux mois après l'ouverture de cette école, Mgr Moreau, évêque du diocèse de Saint-Hyacinthe auquel appartient Iberville, écrivait au Révérend Frère Supérieur Général : « Les commencements de votre œuvre canadienne sont certainement des plus votre consolants et donnent beaucoup à espérer par la suite. Ces espérances se réaliseront sans doute avec la bénédiction du seigneur. »

Comment ne pas reconnaître cette bénédiction de Dieu dans les trois Provinces et les trois Missions issues du grain de sénevé jeté en terre canadienne le Cher Frère Césidius et ses compagnons ?

Nos Frères eurent à peine débuté dans leur humble école paroissiale que les demandes de fondation affluèrent. Il en vint bientôt, non, seulement du Canada, mais encore des États-Unis où une première école fut ouverte à Lewiston dès 1886.

Dans les deux pays, les écoles se multiplièrent rapidement, grâce non seulement aux auxiliaires venus de France pendant une vingtaine d'années, mais aussi par suite du recrutement local qui fut entrepris dès la première heure.

II est intéressant de remarquer à ce sujet que le Noviciat d'Iberville fut ouvert en 1886 et qu'ainsi, deux ans à peine après l'arrivée de nos Frères au Guinda, avait lieu la première vêture. C'était le 5 juillet 1887. Le Révérend Frère Théophane présidait la cérémonie. C'est en son honneur que le nouveau novice (car il n'y en eut qu'un) reçut le nom de Frère Marie-Théophane qu'il devait porter dignement jusqu'à sa mort survenue en 1924. Six autres postulants prirent le saint habit le 18 mars 1888 et la vêture du 8 décembre de la même année donnait encore six novices à la Province.

Combien il est à souhaiter que la même sagesse préside toujours à notre établissement dans de nouvelles contrées. L'expérience prouve, en effet, que si des Provinces acceptent volontiers d'assurer la mise en marche d'une fondation en dehors de leur territoire, elles sont rarement à même de s'imposer indéfiniment des sacrifices pour leur fournir du renfort.

Le recrutement fut envisagé dés le début non seulement au Canada mais aussi aux États-Unis. Après avoir envoyé pendant quelque temps les aspirants américains à Iberville, on jugea nécessaire d'établir des maisons de formation dans leur pays même, leur évitant ainsi les difficultés inhérentes au passage de la frontière et à l'emploi d'une langue étrangère. C'est dans ce but que furent fondés, en 1906, le Juvénat et, en 1907, le Noviciat de Poughkeepsie sur la rive gauche de l'Hudson, à quelque quatre-vingts kilomètres de New-York.

Les résultats de cette mesure furent très satisfaisants. C'est ainsi, qu'en 1911, les maisons des États-Unis, déjà nombreuses et prospères, purent être groupées en Province indépendante. En 1943, les établissements du Canada s'étant multipliés et quelques-uns étant trop distants pour qu'un seul Provincial pût en assurer le gouvernement, le Conseil Général de l'Institut procéda à l'érection de deux Provinces distinctes : celle d'Iberville, dont les maisons s'ont en majeure partie groupées dans le secteur de Montréal, et celle de Lévis, dont le centre principal est Québec. 

CANADA

 Le Dominion du Canada est, comme on sait, divisé politiquement en Provinces. Celle de Québec est en très grande majorité catholique ; les autres, par contre, sont en majorité protestantes. C'est dans la première que sont établies les deux Provinces Maristes .

 La Province d'Iberville n'a en propriété que les quatre établissements suivants :

La Maison Provinciale qui abrite, outre les divers services de l'administration, le Scolasticat et le Juvénat préparatoire ;

Celle de Saint-Hyacinthe où fonctionne le Noviciat des deux Provinces ;

Le pensionnat de Laval, dans la commune de Saint-Vincent-de-Paul, à peu de distance de Montréal ;

Enfin la Province vient d'installer à Saint-Joseph-des-Ecoles, dans un bâtiment construit ad hoc, à proximité de Saint-Vincent-de-Paul, le Juvénat supérieur qui jusqu'ici était à Iberville.

A Saint-Boniface, dans le Manitoba, quatre Frères sont les auxiliaires des Pères Jésuites ; quinze se dévouent dans la mission de la Rhodésie du Sud, fondée en 1938.

Toutes les autres écoles, au nombre de dix-neuf, sont des écoles publiques et confessionnelles.

 La Province de Lévis possède :

La Maison Provinciale, qui abrite également un Juvénat ;

La maison de Valcartier où est installé le Scolasticat ;

Celle de Beauceville qui vient de fermer l'internat pour y établir le second Juvénat de la Province.

Un nouveau Juvénat est également en construction à Desbiens, sur les bords du lac Saint-Jean. excellent centre de vocations où nos Frères dirigent neuf écoles.

On envisage l'installation prochaine du Noviciat, qui fonctionne actuellement avec celui de la Province d'Iberville, à Saint-Hyacinthe.

Depuis octobre 1946, la Province de Lévis a pris à sa charge la Mission du Nyassa qui compta actuellement sept Frères.

Elle dirige, en outre, vingt-cinq écoles publiques soumises, comme celles de la Province-sœur au régime suivant :

Dans chaque localité, une commission scolaire élue par les contribuables, engage les maîtres et leur assure un salaire ainsi que les locaux et le mobilier nécessaires. Les frais de chauffage, d'éclairage et d'entretien sont également à la charge de ces mêmes commissions qui trouvent les fonds nécessaires au moyen de taxes ou impôts perçus à cet effet. Les maîtres, qu'ils soient congréganistes ou non, doivent enseigner la religion et, d'accord avec MM. les curés, assurer l'éducation religieuse de leurs élèves et l'assistance de ceux-ci aux offices paroissiaux.

Toutes ces écoles sont bien selon l'esprit de notre Vénérable Fondateur.

Voici maintenant quelques-unes des réflexions que j'ai communiquées aux Frères des deux Provinces du Canada en prenant congé d'eux.

« Le bon esprit qui vous anime et le zèle que vous déployez dans votre beau champ d'apostolat m'ont causé une bien vive satisfaction. Conservez et développez sans cesse ces excellentes dispositions apportées du berceau même de l'Institut par le vénéré et, regretté Frère Césidius et ses auxiliaires des premiers temps de l’œuvre mariste au Canada.

« J'ai constaté, avec bonheur, qu'un bon nombre de Frères consacrent leurs vacances à rendre service par divers travaux ou suppléances dans les maisons de formation. Qu'ils en soient félicités et remerciés !

« D'autre part, il existe, chez les moins âgés, un très bel enthousiasme pour les études et pour l'obtention des diplômes, ce qui favorise, à la fois, la pratique de la vertu et la formation professionnelle. Je me plais à louer de tout cœur un tel élan ri à dire toute ma reconnaissance aux Frères qui donnent les cours organisés à cet effet, ainsi qu'à ceux qui les suivent.

« Je ne puis taire combien m'a été agréable la détermination prise par le Conseil Provincial de prolonger d'une année, dès maintenant, la durée du scolasticat. Cette mesure aura, je n'en doute pas, les conséquences les plus heureuses pour la Province.

« J'ai été, de même, particulièrement satisfait de voir que l'ouverture d'un deuxième Juvénat coïncidait avec ma visite et que l'on faisait des projets pour l'établissement d'un troisième, dès que ce sera possible. Contribuez tous, par votre zèle, vos prières et la sainteté de votre vie, à susciter parmi vos élèves, des vocations de choix qui viendront remplir vos maisons de formation. Ainsi la Province sera bientôt en mesure de moins recourir aux auxiliaires étrangers, de consacrer un plus grand nombre de Frères aux études, de développer la belle mission dont elle a pris la charge en Afrique et de répondre à de multiples demandes de fondation qui n'ont pu jusqu'ici être satisfaites.

Il me semble, mes bien Chers Frères, qu'il n'est pas de pays au monde où les religieux jouissent., d'une situation plus favorable que la vôtre : les familles sont foncièrement chrétiennes, de sorte que l'éducation du foyer prépare et seconde admirablement celle que vous donnez ; vous dirigez des écoles officielles dont l'organisation est entièrement conforme aux directives de la hiérarchie catholique, l'enseignement religieux fait partie des programmes officiels, les manuels scolaires sont irréprochables quant à la doctrine, les autorités civiles vous protègent en toute occasion, le clergé paroissial facilite les pratiques religieuses des élèves, les commissions scolaires rémunèrent vos services, se préoccupent de construire ou d'adapter les locaux et de les doter d'un mobilier moderne, etc. …

« Sachez apprécier, comme il convient, de tels avantages ; que l'habitude d'en jouir ne vous les fasse pas perdre de vue, ni les sous-estimer. Trouvez-y plutôt un nouveau stimulant pour répondre de votre mieux, comme religieux, à l'appel de Dieu et, comme éducateurs, à la confiance des familles et des autorités.

« Pour vous aider à réaliser ce programme, je n'ai que cette consigne à vous donner : Attachez-vous fortement à l'observance de la Règle.

Tous, et surtout les Frères Directeurs, réagissez dans un élan généreux contre toutes les concessions à la sensualité qui conduisent à la tiédeur et souvent même à la perte de la vocation. Les hommes vous estimeront dans la mesure où vous serez fervents et c'est dans cette même mesure que Dieu vous bénira.» 

ÉTATS-UNIS

 Cette Province possède comme centres de formation :

La Maison Provinciale de Poughkeepsie, avec le Noviciat et le Scolasticat ;

Le Juvénat de Tyngsboro, dans l'État de Massachusetts ;

Le Juvénat d'Esopus, sur la rive droite de l'Hudson, à une vingtaine de kilomètres de Poughkeepsie.

Trois écoles appartiennent également à la Province et lui fournissent la plus grande partie de ses ressources. Ce sont : St. Ann's Academy et Mount Saint Michael, les deux à New-York avec internat et externat, ainsi que Lawrence, avec externat seulement, dans le Massachusetts.

Aux Philippines, à Cotobato, dans l'île Mindanao, quatre Frères ont pris, en juillet dernier, la direction d'une école où ils remplacent les Pères Oblats de Marie-immaculée, premier jalon d'une œuvre qui, nous l'espérons, connaîtra une grande prospérité.

Dans les onze écoles restantes, nos Frères sont engagés par le clergé moyennant un traitement parfois bien modique, inférieur même, là où il est le plus rémunérateur, à celui que perçoivent les Frères du Canada.

Ceci contribuera à détromper ceux qui croient qu'au pays du dollar, les ressources de nos confrères sont illimitées. La générosité dont ils ont fait preuve en maintes circonstances et surtout en ces derniers temps, est d'autant plus méritoire que de nombreuses charges les obligent à une grande économie.

Il ne s'agit pas seulement du soutien de la jeunesse et des vieillards ou infirmes, mais d'emprunts à amortir et de constructions coûteuses à envisager.

La Maison Provinciale et ses dépendances sont en majeure partie en bois ; la chapelle est Un appartement aménagé et de dimensions restreintes. Mais le besoin le plus urgent est celui de la construction d'un nouveau bâtiment pour le Noviciat. L'actuel est devenu très insuffisant pour y loger les trente-cinq novices et les trente postulants qu'il y a présentement. Ce chiffre de trente-cinq novices constitue le record depuis la fondation de la Province. Les postulants proviennent à peu près par moitié des Juvénats et de nos écoles où un recrutement intelligent suscite des vocations de choix parmi les, élèves des derniers cours de l'enseignement secondaire (High School}..

Le Conseil Provincial a décidé dernièrement de transférer le Noviciat à Tyngsboro en attendant de construire un édifice ad hoc. Cette construction n'a pu se faire plus tôt parce qu'il a fallu, avant tout, assurer un asile aux Juvénats et obtenir la reconnaissance officielle des études faites au Scolasticat. Ce n'est qu'au prix de grandes dépenses que l'on est parvenu à remplir les conditions exigées pour cette reconnaissance : personnel spécialisé et diplômé, construction ou aménagement des locaux, installation des laboratoires, de la bibliothèque, etc. … Grâce à cela, le Scolasticat est devenu le « Mariait College », nom qui lui a été donné en l'honneur de la Vierge Marie. Il est affilié à l'Université catholique de Washington et autorisé, par l'Université de l'Etat de New-York, à délivrer le diplôme de bachelier, qui, aux États-Unis, représente huit années d'études primaires, quatre de High School et, quatre de College.

Les Supérieurs de la Province ont été bien inspirés en s'imposant de grands sacrifices pour obtenir cette équiparation. Par elle, de grands dangers sont épargnés aux jeunes Frères qui peuvent commencer l'exercice de l'enseignement sans passer au préalable, comme autrefois, par l'Université. Ils ne fréquentent celle-ci que plus tard, après la profession perpétuelle, pour l'acquisition du grade de Master.

Déjà l'année dernière, le «Marian College» a fourni quatre lauréats. Ils étaient dix cette année-ci. La cérémonie de collation de grades était présidée par Mgr Thomas J. Mc. Donnell, auxiliaire du cardinal Spellman de New-York et Directeur national de l'Œuvre de la Propagation de la Foi. A cette occasion, j'ai remis au digne prélat le diplôme d'affiliation à l'Institut qu'il a si bien mérité par le grand intérêt qu'il porte à nos Frères et les services inappréciables qu'il leur rend depuis de longues années.

J'ai été grandement édifié de la somme de travail matériel que fournissent nos Frères des États-Unis pour faire appel le moins possible à des ouvriers, aux salaires particulièrement élevés.

Chaque année, quelques jeunes Frères (sept en août dernier), dès la sortie du Noviciat, sont désignés pour remplir, généralement pour un an. quelque emploi manuel : cuisine, jardin, taillerie, etc., dans les maisons de formation où l'on n'a recours aux services d'aucun étranger. Deux jeunes Frères récemment diplômés, font de même actuellement un stage comme cuisiniers et ne prendront que dans un an la direction d'une classe.

Les Scolastiques, sans négliger ni les études ni les sports, consacrent, ainsi que les Novices, bien des récréations et des jours de congé aux travaux les plus divers : jardinage, menuiserie, maçonnerie, installation de l'eau ou de l'électricité, imprimerie, etc. On fait très souvent appel à des volontaires lorsqu'il y a un coup de main à donner en dehors des travaux auxquels tous prennent part.

Rien d'étonnant, dès lors, qu'à la longue ces Frères deviennent habiles et que l'on ait pu me montrer dans bien des maisons des aménagements importants que je croyais avoir été faits par des gens du métier.

Pendant les vacances, un bon nombre de Frères, dispensés des cours d'études parce que déjà diplômés, ou pour tout autre motif, entreprennent des travaux qui réclament autant de force que d'habileté. C'est ainsi qu'à Poughkeepsie un groupe de Frères, travaillant avec un nombre limité d'ouvriers spécialisés, ont construit et aménagé la salle des fêtes du « Marial College », réduisant de la sorte de plus de moitié la dépense prévue. De même, à Lawrence, une équipe d'une quarantaine de Frères

consacré les dernières vacances à aider les maçons dans des travaux importants d'agrandissement du local. Personne ne s'étonnait, paraît-il, dans la ville ce voir les professeurs de la veille transformés en simples ouvriers.

J'ajouterai qu'aux diverses retraites tons les emplois de propreté : balayage, nettoyage de la vaisselle, épluchage des légumes, etc., ont été rassurés par les retraitants eux-mêmes.

Dans un pays qui est à l'avant-garde du progrès matériel et où l'on est particulièrement tenté de rechercher le confort, il est très consolant de voir que nos Frères trouvent dans d'humbles mais utiles besognes un antidote contre l'embourgeoisement.

A la condition que les études religieuses et profanes ainsi que les exercices de piété soient bien sauvegardés, et ceci est d'une importance capitale, l'exemple de nos Frères des États-Unis mérite d'être suivi pour assurer la bonne utilisation des vacances. Celles-ci, devenues de plus en plus longues dans certains pays sont, en effet, trop souvent un temps de dangereux désœuvrement ou l'occasion de visites et de voyages contraires à l'esprit de pauvreté et nullement favorables à la santé de l'âme.

Dieu merci, on s'adonne un peu partout, quand il y a lieu, aux travaux manuels, mais n'y a-t-il pas ça et là des Frères qui recourent aux services des domestiques ou des ouvriers dans bien des cas où ils pourraient facilement se suffire ? Combien il est à souhaiter que tous les Petits Frères de Marie, à l'exemple de Notre-Seigneur et du Vénérable Père Champagnat, trouvent toujours plus de plaisir à servir qu'à être servis !

Faut-il conclure de ce qui précède que tout est parfait dans les Provinces que je viens de visiter ? Non, assurément, et nos Frères, sont les premiers à reconnaître que si, chez eux comme partout ailleurs, le bon Dieu, par sa grâce, par ses représentants et par d'autres multiples moyens, jette la bonne semence à pleines mains, son éternel ennemi ne dort pas qui, infatigablement, sème l'ivraie.

C'est, pour les aider à arracher l'ivraie susceptible de nuire à leur zèle et à leur vertu que je leur ai donné les conseils et les avis que me dictait un ardent désir de leur être utile. Ces recommandations, j'en suis sûr, seront suivies par tous avec bonne volonté et les Frères Directeurs , contribueront de leur mieux, car ils n'ignorent pas que leur négligence à prévenir ou à corriger les irrégularités causerait un grand préjudice à leurs frères et à leur école.

Les Provinces d'Iberville, de Lévis et des États-Unis se distinguent par un grand amour envers notre Vénérable Fondateur et envers la Congrégation. Un champ immense s'ouvre devant elles, aussi bien en Amérique que dans les Missions qui leur sont confiées. L'organisation actuelle du recrutement, des études et de la formation religieuse des sujets permet d'augurer à ces Provinces un bel avenir. Daignent Notre-Seigneur, la Très Sainte Vierge et la bonne sainte Anne, leur Patronne bien-aimée, les faire parvenir au plus haut degré de prospérité ! 

Notre nouveau Cardinal Protecteur

 Notre Saint-Père le Pape, dans sa paternelle bonté, daigné donner, par bref du 22 juillet dernier, un successeur au très regretté Cardinal Genaro Granito Pignatelli di Belmonte.

Son choix s'est porté sur Son Eminence le Cardinal Benedetto Aloysi Masella qui, pendant les longues années de sa Nonciature au Brésil, n'a cessé de manifester la plus grande sympathie à nos Frères de ce pays.

La cérémonie qui marque l'entrée en fonction de Son Éminence comme Cardinal Protecteur de l'Institut a eu lieu, le 11 novembre, à notre Collège San Leone Magno de Rome, où je m'étais rendu en compagnie du Cher Frère Désiré-Alphonse, A. G.

Après que lecture a. été faite du bref de Notre Saint-Père le Pape, les Frères présents sont venus rendre hommage au Cardinal. Ensuite j'ai adressé les vœux et souhaits de tous les membres de l'Institut à Son Éminence qui, en réponse, nous a assurés de sa paternelle affection et de son entier dévouement.

Nous témoignerons un amour filial au nouveau Cardinal Protecteur et nous suivrons fidèlement ses ordres et ses conseils.

Demandons tous les jours à Notre-Seigneur et à la Très Sainte Vierge de le bénir et de nous le conserver pour de longues années.

 Voici la traduction du bref :

                 PIE XII P. P.

à Notre Vénérable Frère,

salut et bénédiction apostolique.

                  Parmi les Instituts providentiels qui, dans le siècle écoulé, naquirent, principalement en France pour pourvoir à l'éducation chrétienne des enfants et des adolescents, il faut citer celui qui se nomme Institut des « Petits Frères de Marie » ou Frères Maristes des Écoles », lequel, fondé en 1817, et approuvé en 1863, par Notre Prédécesseur, de vénérée mémoire, le Pape Pie IX, a sa Maison-Mère dans la ville appelée Saint-Genis-Laval.

Parce que cet Institut prospère, très méritant de la religion et de l'Église, après la mort du très regretté Cardinal Doyen Genaro Granito Pignatelli di Belmonte, a perdu, dans la Curie Romaine, son très digne Cardinal Protecteur, Nous avons été prié par les Supérieurs du même Institut de choisir un nouveau Protecteur.

Nous avons résolu d'écouter favorablement ces suppliques et avons pensé à Vous, Notre vénérable Frère, persuadé que comme Votre Prédécesseur, Vous exercerez Votre Patronage, avec sollicitude afin que cet Institut, si souvent mentionné, recueille de jour en jour les plus abondants fruits spirituels dans le Seigneur.

En conséquence, de Notre motu proprio, avec pleine connaissance et mûre délibération, par cette Lettre Apostolique et par Notre Autorité, Nous Vous élisons, Notre Vénérable Frère, établissons et déclarons Vous, Patron et Protecteur des Petits Frères de Marie ou Frères Maristes des Écoles dont nous avons parlé et de toutes leurs maisons auprès de Nous et de ce Siège Apostolique, pour toute la vie, avec tous tes honneurs, privilèges, droits, facultés et charges habituelles.

Par conséquent Nous ordonnons à tous les Supérieurs Religieux et à tous les membres de l'Institut de Vous recevoir comme leur Protecteur et de Vous rendre les hommages qui Vous sont dus.

Nonobstant toute chose contraire.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, sous l'anneau du pêcheur, le 22 du mois de juillet de l'année 1948, dixième de Notre Pontificat. 

A Notre Vénérable Frère BENEDETTI, de la S.E.R. Cardinal Aloysi MASELLA,

Évêque de Palestrina.

Par mandat spécial de Notre Saint-Père le Pape,

 Pour M. le Cardinal Secrétaire d'État,

Dominique SPADA,

des Brefs Apostoliques

Audience de Notre Saint-Père le Pape

 J'ai profité de mon voyage à Rome pour solliciter une audience du Souverain Pontife.

Notre Saint Père le Pape ayant suspendu les audiences pour quelques jours, ce n'est que par une faveur toute spéciale que, le dimanche 14 novembre, j'ai pu être reçu par Sa Sainteté à Castel-Gandolfo, avec les Chers Frères Désiré-Alphonse, A. -G., Émery, Procureur Général, et Sebastiano, Provincial d'Italie.

J'ai fait à Notre Saint-Père le Pape un bref exposé de la situation générale de l'Institut, lui parlant tout particulièrement de nos récentes fondations en Portugal, aux Iles Philippines et au Mozambique, ainsi que des dangers qui menacent aujourd'hui nos Frères et nos œuvres en Chine et en Hongrie.

Nos Frères d'Espagne, suivant en cela les directives de l'épiscopat, avaient suscité, parmi les élèves de nos écoles et leurs familles, une croisade en faveur de la définition dogmatique de l'Assomption dé la très Sainte Vierge Marie. A cet effet. ils avaient fait confectionner un album très artistique, contenant une supplique à Notre Saint-Père le Pape appuyée d'un nombre imposant de signatures. un aperçu des œuvres maristes en Espagne, un bouquet spirituel et une offrande à Sa Sainteté. J'ai été très heureux de remettre cet album au Souverain Pontife et d'y joindre une autre offrande au nom de l'Institut.

Comme je lui suggérais que nos Frères et les lèves de nos écoles prieraient tout particulièrement à ses intentions, à l'occasion de son prochain Jubilé sacerdotal, le Saint-Père s'est empressé de dire : « Priez pour le succès de l'Année Sainte qui va bientôt s'ouvrir. Quant à mon Jubilé sacerdotal, il. n'est pas bon de se réjouir alors qu'il y a tant de souffrances dans le monde.

J'ai sollicité enfin du Saint-Père une bénédiction pour notre Institut. « Oui, a dit Sa Sainteté, je vous bénis, ainsi que tous vos Frères, vos élèves et leurs familles, vos anciens élèves, vos bienfaiteurs et toutes les œuvres dont vous êtes chargés.» 

ÉRECTION DE NOVICIATS

 Par induits du Saint-Siège :

Du 17 mars 1948, un noviciat a été érigé à Karongo dans le Vicariat Apostolique de Kivu (Congo), celui de Buta étant supprimé ;

Du 30 avril 1948, un noviciat a été érigé à Chosica (Pérou) et un autre à Paita (Nouvelle-Calédonie) ;

Du 21 mai 1948, un noviciat a été érigé à HabaylaVieille (Belgique), celui de Pithem étant supprimé ;

Du 19 octobre 1948, un noviciat à Tyngsboro, celui de Poughkeepsie étant supprimé.  

ÉLECTION DE FRÈRES PROVINCIAUX

 Dans la séance du 16 juin 1948, le Conseil Général a élu : le C. F. MARIE-BASILIDE, Provincial de Saint-Genis-Laval, pour une première période triennale, en remplacement du C. F. JOSEPH-PHILOMÈNE, démissionnaire, et le C. JOSEPH-AZARIAS, Provincial d'Iberville, pour une première période triennale, à la place du C. F. LOUIS-GUSTAVE, démissionnaire.

Dans la séance du 13 octobre 1948, le Conseil Général a élu le C. F. THOMAS-AUSTIN, Provincial des Eats-Unis, pour succéder au C. F. LOUIS-OMER, parvenu. au terme de son mandat..

  

LISTE des FRÈRES dont nous avons appris le Décès

depuis la Circulaire du 24 Mai 1948.

  

 Noms des Défunts                                Lieux des Décès                            Dates des Décès

 

F. Clément-Hofbauer Profès temp.       en Russie                                        13 août 1945

F. Carlos Diaz             Juvéniste             Montevideo (Uruguay)                   27 avril 1948

F. Joseph-Ephrem      Stable                  Mont-Saint-Guibert (Belgique)      2 mai                        »

F. Joseph-Élisée.        »                           Apipucos (Brésil)                            8       »          »

F. Modesto –                »                           S. Francisco de Limache (Chili)   10      »          »

F. Agathocle                »                           Iberville (Canada)                           12      »          »

F. Saturio                     Profès perp.       Barcelone (Espagne)                    15      »          »

F. Auguste-Léonard    »                           Porto Alegre (Brésil)                      18      »          »

F. Ansbert-René          »                           Mont-Saint-Guibert (Belgique)      23      »          »

F. d'Alcantara              Stable                  Beaucamps (Nord)                        16 juin                        »

F. Floriberto-Félix        Profès perp.       Santa Maria (Brésil)                       19      »          »

F. Jaime-Robustiano  »                           Avellanas (Espagne)                     3 juillet.         »

F. Agéric                      »                           Uitenhage (Afrique du Sud)          5       »          »

F. Athanasius-Isidore  »                           Sydney (Australie)                          13      »          »

 F. Émile-Vincent         »                           Lévis (Canada)                               17      »          »

 F. Cyril-Mary               »                           Randwick (Australie)                      25      »          »

 F. Eutiquiano              Stable                  En mer, accident d'avion Laté      1 août                       »

F. Pablo-Samuel         »                           »                                                       »       »          »

F. Jorge Pedro            Profès perp.       »                                                       »       »          »

F. Miguel Arsenic)       »                           »                                                       »       »          »

F. Marie-Anicetus        Stable                  Poughkeepsie (États-Unis)           21      »          »

F. Sébastian                Profès perp.       Kilmore (Australie)                         22      »          »

F. Féix-Antoine            »                           Iberville (Canada)                           24      »          »

F. Charles-Henri          »                           Dison (Belgique)                            25      »          »

F. Gérdus                     Profès temp.       Saint-Genis-Laval (Rhône)            10 sept.         »

F. Alphonse-Adrien     Stable                  Cassel (Nord)                                 22      »          »

F. Gemenin                  »                           N.-D. de l'Hermitage (Loire)          26      »          »

F. Matthew                   »                           Dumfries (Écosse)                         10 oct.           »

F. Joseph-Arsène       »                           Roncq (Nord)                                  19      »          »

F. Jean-Raphaël          »                           Santa Maria (Brésil)                       27      »          »

F. Régis-Victorin         Profès perp.       Aubenas (Ardèche)                        9 nov.           »

 

La présente circulaire sera lue en communauté à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle.

Recevez, mes Bien Chers Frères, la nouvelle assurance du religieux attachement de

          Votre très humble et tout dévoué serviteur,

                       Frère LÉONIDA, Supérieur Général.

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