Circulaires 328

LĂ©onida

1949-05-24

Invitation à la retraite annuelle, 173. - Fruit principal : L'intensification et la purification de notre zèle apostolique, 175. - Exerçons le zèle : Par le bon exemple, 176. - Par le sacrifice et la prière, 180. - Par l'enseignement, 185. - Par la surveillance, 189. Par les oeuvres scolaires et post-scolaires, 193. - Statuts capitulaires sur l'Apostolat en faveur des enfants pauvres, 199. – Nos Causes de Béatification, 207. Visite de délégation aux Provinces de Bética et de Leon (Espagne), 212. - Visite de délégation : Uruguay, Argentine, Chili, Pérou, 222. - Visite à nos Frères d'Afrique, 233. - Notre Mission de Chine, 248. - Érection de la Province de Cuba-Amérique Centrale, 250. - Élections, 252. - Liste des défunts, 253.

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V. J. M. J.

 Saint-Genis-Laval, le 24 mai 1949.

Fête de Notre-Dame Auxiliatrice.

                  MES BIEN CHERS FRÈRES,

 Dans l'Évangile Notre-Seigneur nous invite, par diverses comparaisons, à travailler sans relâche notre avancement spirituel :

« L'arbre, dit-il, doit fructifier sous peine d'être coupé et jeté au feu. Le serviteur ne peut se con-enter de garder intacts les talents que son maître lui a confiés, il doit les faire valoir. Il n'est pas permis au laboureur qui a mis la main à la charrue de regarder en arrière, il doit creuser jusqu'au bout le sillon commencé.»

Et, comme pour signifier que cette obligation de ne pas rester stationnaires concerne plus spécialement les âmes qui lui sont consacrées, le divin Maître déclare : « C'est moi qui vous ai choisis et Je vous ai établis, pour que vous alliez, que vous portiez beaucoup de fruit et que votre fruit demeure. (Jean, XV, 16.)

En cela, comme en tout, Notre-Seigneur a donné exemple avant le précepte. Tout progrès lui était impossible en tant que Fils de Dieu égal au Père ; en tant qu'homme, en vertu de l'union de la nature humaine à la personne du Verbe, il constituait un chef-d'œuvre auquel rien ne pouvait non plus être ajouté. Et cependant, afin de nous inculquer le besoin de nous perfectionner, il n'a pas laissé paraître, dès son entrée dans le monde, ses infinies perfections ; ce n'est que peu à peu et par degrés qu'il a manifesté les trésors de grâce, de science et de sagesse que renfermait son âme.

Nous ne parviendrons jamais à reproduire parfaitement ses vertus, mais, comme les saints, nous pouvons devenir d'excellentes copies de ce modèle, si nous travaillons sans cesse à perfectionner en nous la vie divine, à croître dans le Christ, selon l'expression de l'Apôtre, en gravant chaque jour, dans notre âme, quelques-uns des traits que la foi nous découvre en notre Sauveur.

La retraite annuelle, à laquelle je vous convie, nous fournira l'occasion de voir où nous en sommes de ce travail. C'est le temps favorable, ce sont des jours de salut qui reviennent par un effet de l'infinie bonté de Dieu et dont nous ne saurions trop le remercier.

Efforçons-nous, pendant ces jours bénis, de nous convaincre de ces vérités importantes : Dieu nous a appelés à son service non seulement pour accepter une Règle mais encore pour que nous l'observions exactement ; non seulement pour émettre des vœux mais pour que nous les gardions avec fidélité. Il ne nous a pas invités à une pauvreté, à une chasteté, à une obéissance théoriques, à un apostolat exempt de sacrifices, mais à l'imitation aussi parfaite que possible de son divin Fils qui a été réellement pauvre, chaste, obéissant, immolé pour le salut de l'humanité. Il veut que nous réglions notre conduite non sur nos goûts ou sur les maximes du siècle mais sur les enseignements et les exemples de Celui qui est la Voie, la Vérité et la Vie. 

Fruit principal à retirer de nos retraites.

 En embrassant la vie religieuse, nous nous sommes libérés de bien des soucis d'ordre temporel afin de pouvoir mieux nous adonner au travail apostolique ; nous avons renoncé à des affections légitimes pour réserver une plus large part dans nos cœurs aux âmes de nos disciples. Nous avons été placés dans les conditions les plus favorables à notre enrichissement spirituel mais, en retour, nous nous sommes engagés à travailler de notre mieux à la formation chrétienne des enfants. C'est dire que, si nous voulons véritablement imiter Notre-Seigneur, nous ne devons jamais perdre de vue le double but de notre vocation : notre propre sanctification et le salut des âmes.

Il semble donc utile et opportun que, vous ayant proposé l'année dernière, comme fruit principal de nos retraites, le premier de ces objectifs : la tendance à la sainteté, cette année-ci nous fassions converger nos prières, nos réflexions et nos efforts vers une meilleure réalisation de notre but secondaire et, comme d'après nos Règles, le zèle est une des dispositions les plus nécessaires pour atteindre ce résultat, notre programme sera l'intensification et la purification de notre zèle apostolique.

 On a donné bien des définitions du zèle, adoptons celle-ci : « Le zèle est une ardeur toute sainte communiquée par le Saint-Esprit qui nous porte faire régner Dieu dans l'âme de nos élèves afin que, le servant pendant leur vie, ils le possèdent éternellement. » C'est un effort constant pour leur Inculquer l'amour de la vertu et la haine du péché, leur barrer le chemin de l'enfer et les conduire au ciel. C'est le feu que Notre-Seigneur Jésus-Christ nous dit avoir apporté sur la terre et qu'il veut voir se répandre partout.

Il est parlé du zèle, d'une façon admirable, dans nos livres ascétiques qui donnent la très substantielle doctrine de notre Vénérable Fondateur. Les circulaires des Supérieurs y reviennent souvent et cependant, y insister encore ne saurait être superflu car l'apostolat est la plus haute des œuvres de charité et l'on pourrait dire, de toutes les œuvres des hommes, puisqu'elle nous fait collaborer avec Dieu au salut des âmes.

Le sujet est tellement vaste qu'il faudra nous borner à parler brièvement des principales formes que revêt l'exercice du zèle dans notre Congrégation, suggérant d'utiles retours sur le passé et des résolutions pratiques pour l'avenir. 

Principales formes que peut revêtir notre zèle.

 Étant donnée notre vocation de Petits Frères de Marie, de religieux éducateurs, nous pouvons surtout exercer notre zèle : par le bon exemple, par le sacrifice et la prière, par l'enseignement, par la surveillance, par les œuvres ou associations scolaires et post-scolaires

1. Exerçons le zèle par le bon exemple.

 Écoutons notre Vénérable Fondateur nous parler des fruits salutaires du bon exemple « Un Frère pieux, charitable, patient, dévoué et fidèle à ses devoirs, fait continuellement le catéchisme. Par ses bons exemples et, sans y penser, il inculque aux enfants toutes les vertus chrétiennes. » (Sa Vie, p. 600.)

Nous trouvons cette même doctrine dans la Règle : « Le meilleur moyen de porter les hommes à la vertu et de les gagner à Dieu étant le bon exemple et la sainteté de la vie, ils se conduiront de manière à donner aux enfants l'exemple de toutes les vertus, et ils travailleront tous les jours à devenir plus parfaits, c'est-à-dire plus humbles, plus mortifiés, plus obéissants, plus charitables, plus pieux et plus unis à Dieu. » (Art. 216.) L'article 325 insiste également sur ce besoin primordial du bon exemple.

En vain voudrions-nous enseigner la vérité et former à la vertu par nos seules paroles : « L'apôtre, comme le dit fort bien Dom Chautard, doit avoir plus souvent le flambeau de l'exemple dans les mains que de belles paroles sur les lèvres et pratiquer excellemment lui-même, le premier, les vertus qu'il prêche. » (L' Ame de tout Apostolat.)

S'il y avait le moindre désaccord entre la conduite et les paroles d'un maître, sa voix n'aurait plus l'accent de la conviction qui subjugue et entraîne : il aurait des élèves mais non des disciples, parce que ses défauts l'empêcheraient d'atteindre les âmes. Ne perdons pas cela de vue, bien persuadés que rien, dans notre conduite, n'échappe à nos élèves, grâce à leur perspicacité naturelle et au commerce assidu qu'ils ont avec nous. Leurs âmes, telles des plaques hypersensibles, enregistrent tout et en subissent, souvent pendant toute leur vie, l'influence favorable ou nuisible. C'est ce qu'exprimait Fénelon en ces termes : « Le mauvais exemple des parents et des maîtres est, pour les enfants, un second péché originel ».

Nous devrions être irrépréhensibles en tout, mais particulièrement sur les points suivants qui frappent davantage les enfants : la piété, la politesse, l'union fraternelle et les bonnes mœurs.

Un Frère inspire l'amour de la piété non seulement par sa façon de prier et de faire prier : par sa tenue, son ton de voix, ses signes de croix et ses génuflexions, son soin scrupuleux à ne pas omettre les prières en classe, à porter les élèves à la réception des sacrements, mais encore par l'amour qu'il témoigne à tout ce qui a trait à la religion, le respect avec lequel il parle des choses saintes, l'onction et la doctrine de ses catéchismes.

Qui dira la bienfaisante influence de Frères qui, par leur piété, méritent l'éloge décerné aux Frères Arsène et Cassien par leurs élèves : «Nous les regardions comme des saints ! »

Un maître ne peut ignorer ou enfreindre les règles de la politesse qui sont de mise entre personnes bien élevées. Il évitera cependant toute affectation dans son langage et ses manières. Faisons usage avec tous nos élèves, même avec les plus jeunes et les plus pauvres, des expressions consacrées par les manuels de civilité. Évitons le langage vulgaire et, à plus forte raison, les termes grossiers ou offensants, de même que l'emportement et autres saillies de caractère, spécialement déplacées chez un éducateur.

Les enfants doivent toujours nous voir parfaitement unis et nous donnant, en toute occasion, des marques de respect réciproque. Notre ascendant y gagnera et, par suite, l’œuvre de l'éducation. Devant les élèves, plus qu'ailleurs, chacun doit témoigner par son langage et par sa docilité qu'il estime son Frère Directeur et partage entièrement ses vues. De même, les élèves ne doivent jamais remarquer dans les rapports des Frères entre eux de la froideur, de l'antipathie, un désaccord quelconque, mais, au contraire, des relations toujours cordiales, une assistance réciproque dans les travaux, la discipline, en tout.

Je souhaite ardemment que, surtout sur le point des bonnes mœurs, il n'y ait jamais chez aucun d'entre nous le moindre oubli, la plus légère imprudence. Que notre délicatesse soit extrême. Si, dans certaines sciences, il nous faut traiter des sujets scabreux, les élèves doivent remarquer que par respect pour eux et pour nous-mêmes, nous ne disons que ce qui est indispensable, évitant les détails et les termes capables de troubler des âmes délicates. Il faut, de même, que notre modestie et notre réserve, quand nous traitons avec des personnes de l'autre sexe, fasse l'édification de ceux qui en sont témoins.

Que chacun se tienne en garde contre les odieuses prédilections pour certains enfants et, plus encore, contre toute familiarité inspirée par une affection sensible mal contrôlée, par un sentimentalisme maladif. Évitons, comme le veut une règle fort sage, « de parler aux élèves en particulier, à moins d'une grande nécessité » (.Art. 335) ; ne les portons jamais à des confidences réservées au confesseur.

Y aurait-il rien de plus triste qu'un religieux qui, engagé au service de Notre-Seigneur par des vœux sacrés, chargé par vocation de veiller sur l'innocence des enfants, céderait à ses pires instincts au point de pervertir les âmes qui lui sont confiées ? L'esprit de foi comme la simple raison nous disent que la ruine d'institutions prospères, ou la mort même des maîtres les plus capables, sont pour une communauté ou une Province des épreuves incomparablement moins graves que, le malheur d'avoir un seul religieux qui, oubliant la sainteté de son état, scandaliserait et porterait au mal une âme dont il a la charge.

Gardons-nous les uns les autres pour qu'à tout prix, les fautes que je signale soient évitées. Que les Supérieurs soient vigilants pour les prévenir, sévères pour les réprimer, écartant de l'institut les coupables qui se rendent indignes de la noble fonction d'éducateur. Une trop grande indulgence contribuerait à multiplier ces fautes qui provoquent la colère de Dieu et des hommes.

Ne nions pas la valeur et la nécessité de la miséricorde, ne renonçons pas à l'exercer, mais, pouvons-nous, sous couvert de bonté, laisser pervertir des âmes d'enfants, temple du Saint-Esprit, espoir des parents, de l'Église et de la Société ? Ce serait trahir Notre-Seigneur qui a racheté ces âmes de son sang, veut en être le seul Maître et condamne en termes d'une extrême sévérité ceux qui les portent au mal : « Il est impossible qu'il n'arrive pas de scandales mais malheur à celui par qui ils arrivent ! Il vaudrait mieux pour lui qu'on lui mît au cou une pierre de moulin et qu'on le jetât dans la mer, que de scandaliser un de ces petits. » (Luc, XVII, 1-2.) 

Il. Exerçons le zèle par le sacrifice et par la prière.

 Notre-Seigneur nous a enseigné qu'il est des démons qui ne se chassent que par le jeûne et la prière. Notre apostolat étant une lutte incessante contre l'esprit du mal, employons ces deux armes pour protéger et former l'âme des enfants. Nous sommes exposés à ne pas user suffisamment de des deux excellents moyens, à vouloir convertir les autres sans nous vaincre nous-mêmes, à préférer [activité à l'immobilité de la prière.

C'est par le sacrifice, par la croix, que Jésus-Christ a racheté le monde, et le Vénérable l'ère Champagnat nous enseigne, « qu'on ne peut être utile aux autres et procurer le salut des âmes qu'en se sacrifiant ».

Illusion donc de prétendre à un apostolat fécond sans rien sacrifier de ses aises et de ses commodités. Rappelons à ce propos la pensée du grand philosophe espagnol Balmès : « Le secret de faire beaucoup de bien consiste à savoir s'exploiter soi-même. »

Par esprit de sacrifice, ne nous plaignons pas des difficultés de notre emploi, ce serait en compromettre le mérite et la récompense. Sachons dominer toute irritation à la vue de la légèreté, de la paresse, de l'insolence mémo des enfants. Imitons la patience dont tant de personnes font preuve pour satisfaire un patron, conserver leur clientèle, poursuivre une recherche scientifique, etc. Les peines de l'emploi sont un breuvage de fiel qu'il faut boire avec esprit de foi. On a fait remarquer avec raison que lorsque Notre-Seigneur eut .pris le sien, le bon Larron se convertit, le centurion confessa la divinité de Notre-Seigneur et un grand nombre s'en allèrent en se frappant la poitrine.

Il reste toujours vrai que le sang des martyrs est la semence des chrétiens, qu'il coule sous le glaive des bourreaux et sur l'échafaud des révolutionnaires, ou qu'il tombe goutte à goutte, dans le labeur monotone et patient de chaque jour.

Puisqu'il en est ainsi, que tout se sanctifie au contact de la croix, il faut que nous soyons toujours prêts à dire : Prenez, Seigneur, en moi tout ce que vous voudrez : mon repos, mes joies, mes affections, ma vie même, mais donnez-moi des âmes. Telle était la prière de saint Jean Bosco : « Da mihi animas, cœtera tolle : Donnez-moi des âmes et prenez le reste.

Le chapitre de nos Règles qui traite de l'esprit de pénitence et de mortification énumère un grand nombre de sacrifices que nous avons, chaque jour, l'occasion de faire ; ils nous assureront bien des conquêtes si nous les acceptons avec esprit de foi.

La prière n'est pas moins nécessaire que le sacrifice. C'est ainsi que nous lisons à l'article 228 de la Règle : « Comme la prière est un excellent moyen de travailler au salut des enfants, les Frères les recommanderont souvent à Dieu, lui offrant à cette intention, leurs exercices de piété, leurs communions et tous les autres actes de vertu qu'ils pratiquent. » Dans ce même ordre d'idées, saint Augustin enseigne que l'éducateur ne doit pas seulement parler de Dieu aux enfants, c'est-à-dire leur faire connaître la religion, mais encore parler des enfants à Dieu et donc, prier pour eux.

Si Notre-Seigneur nous ordonne de prier pour nos ennemis, à plus forte raison veut-il que nous priions pour les enfants, objet de ses prédilections. Notre Vénérable Fondateur nous dit : « Vos instructions, vos bons avis, vos corrections même sont une semence que vous jetez dans le cœur de vos enfants ; mais, pour lever et porter du fruit, cette semence doit être arrosée par la prière. Sans humidité, la terre ne produit rien ; sans prière nous ne pouvons rien, ni pour nous ni pour les autres. Plus certains enfants ont des défauts, plus ils sont difficiles à conduire et à former ; moins ils profitent de vos instructions et de vos soins, plus vous devez prier pour eux. De tels enfants ne se gagnent à Dieu que par la prière ; recommandez-les donc tous les jours à Notre-Seigneur et à la Sainte Vierge. Votre persévérance à prier pour eux est le plus grand acte de charité que vous puissiez exercer à leur égard et le moyen le plus sûr de les changer et de les ramener dans les sentiers de la vertu. » (Sa Vie, p. 562). Ces paroles s'inspirent de ce texte de saint Paul : «Moi, j'ai planté, Apollon a arrosé, mais Dieu a fait croître ». (I Cor., II, 6.)

Tous les saints dans leur apostolat ont eu recours à la prière et l'on peut affirmer que les fruits qu'ils ont produits dans les âmes ont été proportionnés à leur esprit de prière. Imitons-les et, quels que soient nos efforts, ne croyons pas avoir fait grand chose tant que nous n'aurons pas beaucoup prié. Dieu seul peut nous inspirer ce que nous devons dire ou faire pour le bien des âmes ; lui seul peut donner de l'efficacité à nos paroles et aux autres moyens d'apostolat. N'avons-nous pas constaté parfois notre impuissance en face d'élèves qui résistaient à nos conseils, à nos ordres les plus pressants ? N'avons-nous pas été tentés de dire de tels enfants il n'y a rien à faire, oubliant qu'il nous restait la grande ressource de pouvoir prier pour eux ?

Les hommes superficiels sont portés à croire que leur travail reste en souffrance pendant qu'ils prient, c'est qu'ils oublient qu'il se fait alors et eux et dans les âmes pour lesquelles ils prient, un travail intérieur de la grâce divine d'une valeur incomparable, sans lequel toute autre activité serait stérile.

Par nos sacrifices et nos prières, notre champ d'action s'étend bien au-delà de l'enceinte de l'école et de nos élèves actuels. Souvent nos anciens élèves, lancés dans la vie, dans les milieux, les travaux, les emplois les plus divers, ne sauraient plus être atteints par nos paroles ou nos écrits, mais nos sacrifices et nos prières leur obtiendront les grâces nécessaires pour conserver leurs bons principes et triompher dans leurs luttes. C'est là une pensée bien consolante pour chacun de nous, mais elle doit l'être plus particulièrement pour les Frères auxquels leur emploi ne fournit pas, autant qu'aux professeurs et surveillants, l'occasion de faire de l'apostolat direct. Ils ont, du moins, la grande ressource d'offrir leurs peines, leurs travaux et leurs prières. Dieu leur donnera au dernier jour là révélation des élus qui leur devront leur bonheur éternel.

Les religieux que l'âge ou les infirmités obligent à prendre du repos sont aisément portés à considérer leur vie comme inutile ; leur impuissance leur est pénible, ils se croient une charge, un poids mort pour la communauté et, cependant, peut-être leur vie n'a-t-elle jamais été plus féconde. Parce qu'ils s'humilient et ne comptent plus sur eux-mêmes, Dieu bénit leurs souffrances et leurs prières, les supplée auprès des âmes et rend plus fructueux le travail de leurs confrères, qui ne soupçonnent même pas avoir de si puissants auxiliaires.

La revue Prêtre et Apôtre écrit à ce sujet : « En dépit de toutes les apparences, le vaincu de la vie, l'ataxique traîné dans sa petite voiture, peut être ne vrai conquérant, un ardent chasseur d'âmes. Son activité physique est presque nulle ; son activité morale est immense. Cet immobile travaille. Cet obscur rayonne. Un Supérieur de collège demandait à son Provincial la faveur d'hospitaliser toujours un infirme ou un vieillard brisé par l'âge. Le vieillard s'immolait comme un cierge consumant son reste de cire à la gloire de Dieu. Qui méritait le plus pour les âmes des élèves ? Les surveillants affairés, les professeurs surmenés, ou celui qui souffrait dans la cellule solitaire ? » 

Ill. Exerçons le zèle par l'enseignement.

 En tant que professeurs nous devons utiliser tous les moyens pédagogiques pour donner à nos élèves l'amour du savoir, plus encore l'amour de la vérité et, par-dessus tout, l'amour du bien. Seul le manque de zèle bien compris fait intervertir et ordre au point que le savoir des élèves préoccupe plus que leur formation chrétienne.

L'enseignement profane a une grande importance ; bien donné, il accroît le prestige de l'école et lui attire des élèves auxquels il sera possible de faire du bien. D'autre part, toutes les sciences se prêtent à des réflexions morales variant beaucoup selon l'esprit qui anime le maître. Si celui-ci possède une foi agissante, il s'efforcera de rattacher aux enseignements de la foi tout ce qu'il enseigne dans l'ordre des faits purement scientifiques. « Il saura placer à propos au milieu d'une leçon profane, comme le veut la Règle, une sage réflexion, quelques paroles d'édification qui, n'étant pas attendues, ne seront que mieux reçues et ne feront que plus d'impression sur l'esprit des enfants. » (Art. 229.)

Il ne doit pas y avoir un seul moment où nous ne soyons que maîtres ou professeurs ; l'habit dont nous sommes revêtus et des engagements sacrés nous font un devoir d'être en tout et partout des éveilleurs d'âmes, des apôtres. Mais c'est surtout par l'enseignement religieux que nous trouverons le moyen de porter les âmes à Dieu.

On rencontre parfois des Frères qui, promus à une classe supérieure, objectent leur manque de préparation pour telle ou telle matière du programme. Mais rarement ils se jugent inférieurs à leur tâche pour l'enseignement religieux. Il est possible que plusieurs possèdent en réalité les connaissances voulues, mais certains ne se font-ils pas illusion sur la capacité que requiert l'enseignement de la religion pour être vraiment profitable ? Pour penser juste sur un point si important, tâchons de nous persuader, pendant cette retraite, que nous ne saurions atteindre, comme il convient, la fin de notre vocation si nous étions moins aptes à. enseigner le catéchisme que les autres sciences. Et comment pourrions-nous être en sécurité de conscience, au moment de paraître devant Dieu si, étant bons professeurs pour d'autres disciplines intellectuelles, nous n'avions été cependant que des catéchistes médiocres ?

L'on admet assez généralement, de nos jours, que la volonté ne cherche pas le bien si l'intelligence ignore les vérités religieuses, car cette ignorance est, au dire de Pie XI, la cause principale de la corruption actuelle des mœurs de la lâcheté des âmes, et des désordres qui en résultent. C'est en vain que les meilleurs règlements de police ou les codes de morale laïque essayeraient de remplacer le catéchisme. De là l'obligation grave qu'il y a pour nous de bien préparer cette leçon, de ne pas l'écourter et de lui réserver le moment de la journée nous les élèves sont mieux disposés à écouter.

Trop nombreux sont les hommes qui se plaignent d'être sortis des écoles catholiques avec des idées vagues sur les problèmes les plus importants ; il est donc nécessaire d'instruire solidement nos élèves de la doctrine chrétienne afin qu'ils acquièrent des convictions que rien ne puisse ébranler.

D'où vient la stérilité de l'enseignement catéchistique ? se demande un savant religieux ; des Idées ? non ; des sentiments qu'elles suscitent non plus ; de la façon d'enseigner ? peut-être ; unis c'est avant tout du fait que cet enseignement est incomplet. Or cet enseignement est insuffisant surtout parce qu'on néglige la préparation toujours nécessaire pour se mettre à la portée de son auditoire. On ne peut alimenter les âmes avec des mots mais seulement avec la vérité lumineuse et substantielle qu'ils renferment, ce qui oblige à rendre assimilables, par des explications appropriées, les formules abstraites des manuels. Ceci nous oblige à accroître sans cesse nos connaissances religieuses et à nous tenir au courant des meilleures méthodes finir en faire profiter nos élèves. De là l'importance de l'étude religieuse que nul maître ne devrait négliger sous peine d'être inférieur à sa mission essentielle de catéchiste.

Je suis heureux de voir le Bulletin de l'Institut insister sur les progrès de la pédagogie catéchistique ; tâchons de nous pénétrer d'une si excellente doctrine et de l'appliquer dans notre enseignement Nous serons ainsi plus à même d'obtenir que, chez nos élèves, le niveau de la science religieuse aille de pair avec leur instruction profane. Nous leur épargnerons un déséquilibre trop fréquent et si funeste entre leur formation intellectuelle qu'on développe saris arrêt et leur formation religieuse qu'on laisse aller au ralenti.

Mais ne nous contentons pas d'exposer la vérité à nos disciples, tâchons, surtout, qu'ils la vivent c'est-à-dire qu'ils aiment et pratiquent la vertu car le catéchisme manquerait son but s'il n'étai avant tout, une formation à la vie chrétienne. Ne nous berçons pas d'illusions à la vue de la bonne conduite de nos élèves en classe, ce serait juger de l'arbre sur les feuilles et non sur les fruits. Bien de jeunes gens passent par des écoles chrétiennes avec les meilleures notes, sont très respectueux de leur maîtres, obtiennent même des prix en religion et cependant ne tardent pas, après leur sortie de l'école, à abandonner les pratiques religieuses pour aller même, parfois, grossir les rangs de nos adversaires.

On peut assigner à ce triste phénomène bien des causes sur lesquelles nous ne pouvons rien, mai nous devons craindre de n'avoir pas suffisamment préparé nos élèves à affronter les milieux où leur foi sera battue en brèche. Si nous ne pouvons écarter les germes de perversion qui les menacent. préparons du moins leur organisme spirituel à y résister par une instruction et une éducation chrétiennes vraiment solides. 

IV. Exerçons le zèle

par une surveillance consciencieuse.

 Surveiller est le propre d'un bon maître comme d'un bon pasteur : l'un et l'autre tâchent de défendre le bercail contre le loup ravisseur.

La Règle nous établit les anges gardiens des enfants et veut que nous soyons animés d'un amour, d'un dévouement et d'une constance comparables à ceux de ces esprits bienheureux.

Il convient de nous demander, mes bien chers Frères, si, conscients de notre responsabilité, nous veillons suffisamment sur nos élèves pour les préserver du mal, car il est d'expérience que lorsque la surveillance fléchit, non seulement les études et la docilité, mais encore la piété et la moralité, sont en péril. La tentation de manquer au devoir, du fait des passions ou des camarades, acquiert, en effet, une force toute particulière lorsque les élèves croient échapper à l’œil du maître. Aussi un on éducateur se fait-il un devoir de bien surveiller afin de prévenir les fautes pour n'avoir pas ensuite à les réprimer, devenant de la sorte le protecteur, le défenseur et le soutien des âmes qui lui sont confiées.

En général, dans une école tenue par nos Frères, la surveillance doit être exercée selon les circonstances par tous les maîtres. Nul ne peut passer à côté d'un désordre sans avertir les coupables sous prétexte qu'il n'est pas de service ou que le délinquant n'appartient pas au groupe dont il a la charge. C'est qu'en effet, le religieux n'est pas un simple salarié dont les obligations sont déterminées par un contrat de travail dont il suffit de respecter la lettre. Il s'est donné à Dieu sans réserve pour étendre son règne dans les âmes ; rien, par conséquent, ne peut le laisser indifférent quand il s'agit de promouvoir le bien. « Seigneur, gardez-nous de ceux qui ne font que leur métier ! », dirions-nous volontiers avec Mgr Julien, devenu évêque d'Arras après avoir été directeur d'un collège.

Ce que nous venons de dire des maîtres en général s'applique plus particulièrement aux Frères Directeurs. Quels que soient le nombre et la qualité de leurs auxiliaires, ils ne doivent jamais croire que la surveillance est assez parfaite pour qu'ils puissent s'en désintéresser. Sans doute doivent-ils faire confiance à leurs Frères mais ils doivent aussi, au besoin, les suppléer, les seconder et exciter leur zèle pour obtenir d'eux une surveillance exacte, active et prudente.

La surveillance est indispensable dans toutes les écoles, mais dans les pensionnats elle doit être particulièrement attentive parce que les maîtres ont l'obligation d'y représenter, d'une façon plus spéciale, les parents absents. D'autre part, on ne saurait oublier qu'il existe habituellement dans les internats, quoique à un degré très variable, deux catégories d'enfants : ceux qui ont à gagner dans ce milieu, leurs parents n'étant pas à même de leur donner une bonne éducation, et ceux pour qui l'internat est une regrettable nécessité du fait que, pour s'instruire, ils ont dû s'éloigner d'un excellent foyer. Ce sont donc des éléments hétérogènes, sans cesse en contact, parmi lesquels se trouvent, trop souvent, des enfants capables d'exercer une influence pernicieuse sur leurs camarades.

Ceci me porte à insister sur le rôle prépondérant des maîtres de discipline ou des surveillants pour le maintien du bon esprit dans les pensionnats. L'expérience établit avec évidence que si l'instruction est donnée en classe, l'éducation morale, qui implique la connaissance et la formation des caractères, se fait surtout hors de la classe. De sorte que l'on peut affirmer, sans exagération, que cette influence l'emporte sur celle des autres membres du corps enseignant.

Un bon surveillant doit demander à ses surveillés : la piété, l'obéissance, l'ordre et le silence, le bon emploi du temps, la propreté, la modestie, la politesse, la charité envers le prochain, etc. II doit combattre le mensonge, les mauvais discours et bien d'autres défauts. Il doit apprendre aux jeunes gens à se connaître et à se vaincre en une multitude d'occasions. Tout cela demande que le surveillant ait le sens de l'éducation, qu'il connaisse la psychologie des enfants et des adolescents afin d'éviter dans ses rapports avec eux des erreurs dont les suites peuvent être incalculables pour leur avenir.

C'est par tout un, ensemble de qualités personnelles qu'il acquiert l'ascendant moral indispensable à sa réussite. Il doit être, en effet, un éducateur bien informé et non pas seulement le policier qui assure un ordre extérieur et militaire.

D'où l'importance exceptionnelle qu'on doit attacher au choix des surveillants. Seule une conception gravement erronée peut faire confier cette fonction éducatrice à des sujets qui en sont notoirement incapables.

Il ne sera pas inutile de rappeler ici quelques principes élémentaires ayant trait à la surveillance

a) Une confiance exagérée ou un manque d'abnégation portent certains maîtres à croire que leur autorité personnelle suffit à garantir l'ordre et que d'ailleurs leurs élèves sont dignes de confiance. Sans doute doit-on croire, d'une façon habituelle, aux bonnes dispositions des élèves, mais sans les tenir, néanmoins, pour impeccables. Nombreux sont les éducateurs qui, ayant essayé d'implanter la discipline de l'honneur, ont dû reconnaître que, si elle est possible pour une élite et même, parfois, pour le plus grand nombre, quelques réfractaires suffisent à la faire échouer.

b) Par prudence on doit éviter toute exagération dans l'appréciation des fautes, ainsi que toute contrainte, non nécessaire, afin que les élèves comprennent que dans la surveillance on n'a en vue que leur bien. Si l'on a parfois des motifs de la rendre plus stricte, il ne faut pas, par une déplorable maladresse, ériger en système l'espionnage et la délation qui tuent l'esprit de famille, portent à la dissimulation, compromettent l’œuvre de l'éducation.

c) La surveillance doit tenir compte des circonstances, être flexible, ne s'afficher que dans la mesure où les élèves abusent de leur liberté. Si la surveillance était trop inquiète, elle empêcherait la conscience de s'exercer : or, une faculté qui ne s'exerce pas ne tarde pas à s'atrophier. D'après ce principe, la surveillance d'un groupe nombreux ne saurait être identique à celle de quelques unités, car les collectivités ont un esprit fort différent des individus qui les constituent : la légèreté s'y développe aisément conduisant souvent à des manquements graves.

De même, la surveillance doit être moins minutieuse pour les grands élèves que pour les petits. Elle doit réduire progressivement son intervention dans la mesure où le jugement et la volonté se développent et où le bon ordre est assuré. Plus approche pour les adolescents l'heure de l'affranchissement de toute contrainte scolaire, plus aussi on doit les habituer à ne prendre que leur conscience comme guide et contrôle de toute leur conduite.

d) Quelque soin que l'on apporte à la surveillance, on devra se résigner à constater des fautes, mais il convient de ne pas oublier que le progrès moral des élèves consiste moins dans la diminution numérique des fautes que dans une volonté toujours plus ferme de les éviter. C'est dans ce sens qu'il faut orienter l'activité des élèves au lieu de trop la contenir ou même la détruire. Il faut aller de l'intérieur à l'extérieur, former la conscience et non pas se livrer à un vulgaire dressage. 

V. Exerçons le zèle

par les œuvres scolaires et post-scolaires.

 Ne parlons des œuvres qui ont un but littéraire ou scientifique que pour dire qu'un professeur zélé saura en faire, non seulement un moyen d'émulation, mais, de plus, un instrument d'apostolat.

Quant aux associations sportives indispensables en bien des écoles, surtout dans les pensionnats, pour y maintenir le bon esprit et sauvegarder la moralité, il faut prendre les mesures nécessaire pour qu'elles ne nuisent pas aux études et ne soient pas, pour les Frères qui en assurent la direction. avec un dévouement souvent admirable, une cause de dangereuse extériorisation et de médiocrité de vie spirituelle.

Les œuvres qui se proposent la formation religieuse des élèves ne devraient manquer dans aucune école. Leur efficacité dépend surtout de ceux qui les dirigent. Ceux-ci ne sont des animateurs que dans la mesure de leur piété et de leur esprit apostolique.

Quelle que soit la dénomination de ces œuvres, le caractère commun à toutes devrait être la large part faite à la vie eucharistique et à la dévotion à la Très Sainte Vierge. Sans Eucharistie, il n'y a ni vie chrétienne ni persévérance. En formant des communiants, nous préparons des militants fiers de leur foi, capables de dire avec Ozanam : « Alors même que le monde entier renierait Notre-Seigneur, je trouve une telle force de conviction dans l'inexprimable suavité de la communion et dans les douces larmes que j'y répands que, malgré cette universelle apostasie, j'embrasserais la Croix, défiant moi seul toute l'incrédulité triomphante. »

J'ai dit également que nos associations doivent servir à mieux faire connaîtrez et aimer la Sainte Vierge qui sera, pour nos élèves devenus adultes, la gardienne de la foi et de la vertu. Peut-être s'écarteront-ils du devoir, mais ce sera pour y revenir. Tel est le sentiment de notre Vénérable Fondateur qui dit « Si vous avez le bonheur de graver cette précieuse dévotion dans le cœur de vos enfants, vous les avez sauvés ; car, ou ils ne s'écarteront pas du sentier de la vertu, ou ils y seront ramenés par Marie, la Mère de miséricorde. » (Sa Vie, p. 387.)

L'éducation chrétienne de la jeunesse ne serait pas complète sans une formation apostolique, sans l'esprit de prosélytisme, sans le désir de collaborer avec l'Église et ses pasteurs. C'est pour nous engager à atteindre ce but que le dernier Chapitre Général a fait ajouter à nos Règles ce qui suit :

Un religieux éducateur doit attacher la plus grande importance aux directives pontificales concernant l'Action Catholique. Les Frères en étudieront avec soin l'esprit, l'organisation, les méthodes et le fonctionnement pour les appliquer, dès les classes élémentaires, à leur enseignement catéchistique et former leurs élèves à ce genre d'apostolat. (Art. 230.) Le pape Pie XI, en divers documents, a demandé que l'Action Catholique commence à l'école. On s'en étonna d'abord en divers milieux ; mais les objections présentées provenaient d'une connaissance imparfaite de l'œuvre ; les résultats ont prouvé qu'elles n'étaient pas fondées.

Pour nous conformer, dans la mesure de nos moyens, aux directives pontificales sur ce point, efforçons-nous d'organiser, spécialement dans nos maisons d'enseignement secondaire, des œuvres de jeunesse, par exemple : la Jeunesse Étudiante Catholique (la J.E.C.), les Cercles d'études, etc. … en vue d'initier nos grands élèves à l'action catholique et aux diverses formes d'apostolat.

En prenant conscience de l'insigne bienfait de l'éducation chrétienne reçue et, par suite, du devoir de la reconnaissance envers Dieu qui s'impose à eux, il faut que ces jeunes gens se rendent aussi compte de la nécessité de travailler à leur propre formation spirituelle pour répondre généreusement à l'appel divin dans la vocation que leur ménage la Providence.

A la fin de la période scolaire, nous devons contribuer à mettre les élèves sortant de nos collèges à la disposition de l'Église, c'est-à-dire à les engager dans l'Action catholique universitaire ou paroissiale dont les écoles chrétiennes doivent être comme les séminaires ou les noviciats. Ce sera tenter de résoudre, en partie du moins, le très grave problème de la persévérance des jeunes dans la foi en butte actuellement à tant d'attaques en certains milieux et en certaines contrées : l'esprit apostolique les préservera de l'indifférence et du néo-paganisme dont souffre la société moderne.

L'article 230 des Règles ajoute : « Ils s'emploieront avec le même zèle, au développement et à la bonne marche des Associations d'anciens élèves et aux Œuvres de persévérance, complément nécessaire de l'école chrétienne. » Ces associations existent dans bien des pays et l'on se plaît à reconnaître leurs heureux résultats. Leurs membres s'aident mutuellement à conserver leurs bons principes, édifient les élèves actuels et sont un puissant appui pour leurs anciens maîtres. Ils concourent à assurer la prospérité de leur école et, au besoin, la défendent.

Pour répondre aux vœux de divers Chapitres Généraux, notamment du dernier, dotons chaque école d'une Association d'anciens élèves et que tous les maîtres l'encouragent de leur sympathie et de leur dévouement.

Certaines de nos Amicales ont exprimé le désir de voir celles du monde entier se grouper en une vaste fédération ; mais cela ne sera possible que lorsque ces associations auront été organisées d'abord, un peu partout, sur le plan national.

A cette époque où surgissent sans cesse de nouveaux groupements se proposant les buts les plus divers, nos anciens élèves ne sauraient être des isolés. Si certains d'entre eux sont assez fermes pour ne pas dévier du devoir, d'autres sont exposés à entrer dans des organisations dangereuses pour leur foi.

Un Frère zélé, qui s'occupe des œuvres de préservation ou de persévérance, ne saurait oublier que, plus son activité est grande, plus doit être intense sa vie intérieure, faute de quoi, il risquera de trop s'appuyer sur des moyens humains, sur des techniques profanes, sans compter suffisamment sur le secours de la grâce. Il courra le danger de s'étioler, de négliger son âme, se rendant ainsi incapable de donner Dieu aux autres. Il doit également rester humble pour ne pas s'attribuer les succès ni se décourager des échecs.

Ces conseils se complètent par cet autre de nos Règles : « Le zèle des Frères pour être agréable à Dieu, avantageux au prochain et à la religion, doit être circonscrit dans les œuvres de leur vocation et réglé par l'obéissance. » (Art. 231.) Nul ne doit oublier qu'aucune victoire n'est possible sans la subordination des soldats à leurs chefs ; quand chacun agit à sa guise, on disperse les aptitudes et les efforts, on multiplie les projets, chacun veut faire prévaloir les siens. Sous couvert d'apostolat, on se recherche soi-même, critiquant au lieu de seconder et ne construisant rien de solide, car tout, maison divisée contre elle-même tombera en ruines. 

Conclusion.

 Après avoir rappelé succinctement les principales formes que peut revêtir notre zèle, il ne me reste plus, mes bien chers Frères, qu'à vous engager à remplir sans cesse avec plus d'ardeur votre sublime mission.

Quel que soit l'emploi qui vous est confié, que vous soyez professeurs, surveillants ou chargés d'un travail manuel, vous pouvez contribuer à l'extension du règne de Notre-Seigneur et au salut des âmes si vous avez la charité, si vous aimez Dieu et le prochain.

Sans cette charité, parlerions-nous toutes les langues des hommes et des anges, aurions-nous le don de prophétie et connaîtrions-nous tous les mystères et toute la science, que nous ne serions parmi nos élèves qu'un airain sonnant, une cymbale retentissante, au dire de saint Paul. En d'autres termes, eussions-nous l'auréole du savoir, de l'habileté et de talents multiples, nous ne parviendrons jamais à marquer d'une empreinte profonde et durable les âmes qui nous sont confiées si nous n'avons en nous la flamme ardente de l'amour de Dieu qui a consumé tous les vrais apôtres.

Ravivons donc en nous cet indispensable amour de Dieu par le souvenir constant de ses bienfaits, de ses récompenses et du sacrifice suprême de Notre-Seigneur sur la croix. Que chaque année les saints exercices de la retraite et, chaque jour, nos prières, surtout la méditation, la messe et la sainte communion contribuent à rendre plus intime notre union avec le divin Maître. Nous sentirons alors, comme le grand Apôtre, que « l'amour de Jésus-Christ nous presse » (II Cor., v, 14) et nous mettrons tout en œuvre pour faire de nos élèves de vrais chrétiens et même, s'il plaît à Dieu, des apôtres dans la vie religieuse ou sacerdotale. 

Statuts capitulaires sur l'Apostolat

en faveur des Enfants pauvres

 Ce que je viens de dire du zèle serait trop incomplet si je passais sous silence ce que nous devons, entame éducateurs, aux déshérités de la fortune que Notre-Seigneur, a aimés d'un amour de prédilection.

« Heureux les pauvres, dit-il, le royaume des cieux leur appartient. » Il assure une récompense à ceux qui leur viennent en aide, ne serait-ce que par un verre d'eau.

Avons-nous assez remarqué que, dans l'Évangile, Notre-Seigneur énumère l'instruction des pauvres parmi les marques prophétiques de sa mission divine ? En effet, lorsque les disciples de Jean-Baptiste viennent demander au divin Maître s'il est celui qui doit venir, il. leur répond : « Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres sont évangélisés. » (Matth., XI,4et 5.)

C'est ainsi que Jésus, loin de tenir les pauvres à l'écart, de les traiter avec dédain, leur prêche la bonne nouvelle.

A son tour, l'Église, par les papes, les évêques et les Ordres religieux se penchera sur eux et leur distribuera, avec libéralité, comme aux riches, le pain de la vérité.

Quelle a été sur ce point spécial l'attitude de notre Vénérable Fondateur? Il a ouvert toutes grandes sur le monde les portes de notre activité apostolique auprès de' l'enfance et de la jeunes, dans tous les milieux sociaux, mais en marqua, ses préférences pour les humbles.

« A La Valla, les pauvres étaient reçus gratuitement, les autres ne payaient qu'une légère rétribution. » (Vie, p. 102.)

Dans les premiers engagements contractés par les Frères, il est dit : « Nous nous engageons instruire gratuitement tous les indigents que présentera M. le Curé. » Si les autres élèves payaient c'était dans l'intérêt même des pauvres… « S'il avait pas d'enfants riches pour assurer le traitement des Frères, l'école ne pourrait pas se soutenir. » (Vie, p. 578-579.)

S'adresse-t-il au roi (28 janvier 1834), à la reine (mai 1835), au ministre de l'Instruction Publique 1ierdécembre 1837), pour obtenir l'autorisation légale de son Institut, il fait ressortir que «le but de l'Association des Frères de Marie est de procurer aux enfants des campagnes le bon enseignement que les Frères des Écoles Chrétiennes procure aux pauvres dans les villes ». Il dit ailleurs que ses Frères pourront diriger « des maisons de providence et de refuge pour les jeunes orphelins ».

S'il fonde des écoles dans des agglomérations importantes et dans les villes, il s'en explique en ces termes : « Notre but, en fondant cette société, a été de donner l'instruction et l'éducation chrétiennes aux enfants des petites paroisses des campagnes, mais voilà que des populations importantes réclament de nous le même bienfait. Il est sans doute de notre devoir de ne pas refuser ce service, puisque la charité de Jésus-Christ, règle de la nôtre, s'étend à tous les hommes, et que les enfants des villes lui ont coûté aussi tout son sang… Mais nous ne devons jamais oublier que nous sommes établis principalement pour les campagnes, et que les écoles de ces paroisses doivent avoir nos prédilections. » (Vie, p. 120-121.)

En 1835 le Vénérable Fondateur accepte que nos Frères prennent la direction d'un hospice de jeunes orphelins, fondé par M. Denuzière, à Lyon et, en 1839, celle de l'hospice de la Charité pour les jeunes enfants, à Saint-Chamond.

Le F. Jean-Baptiste, aussi bien que le Vénéré François et le R. F. Louis-Marie, avait l'esprit du Vénérable P. Champagnat. C'est ainsi qu'il dit un jour aux Frères réunis à Saint-Genis-Laval pour la retraite annuelle : « Voulez-vous voir, mes Frères, si votre zèle est ce qu'il doit être ? Examinez si vos préférences vont aux enfants qui ont le plus de qualités ou bien à ceux qui sont moins bien doués, ou qui sont les plus pauvres ; c'est le soin que l'on a pour ces derniers qui montre si un Frère a l'esprit de son divin Maître.

« Tenez, il y a ici un bon Frère Directeur que j’aimais beaucoup, mais vous ne sauriez croire combien mon affection pour lui a augmenté depuis que j'ai appris le fait suivant : Le Maire de sa localité a fait venir, au début de l'année passée, deux instituteurs laïcs, et il a fait savoir que les nouveaux venus, étant très capables et distingués n'admettraient dans leurs classes que les enfants des familles les plus riches. Le bon Frère dont je parle, l'ayant su, n'a cessé depuis de répéter qu'ils se croyait très honoré de ce que les enfants des familles pauvres lui étaient réservés et qu'on pouvait les lui amener sans crainte, il en aurait soin comme s'ils étaient nés princes, puisqu'ils sont les préférés de Jésus-Christ. Cela a suffi pour lui conserver l'estime de tout le pays, et augmenter la mienne à un point que je ne puis dire. » (Notice sur le F. Jean-Baptiste.)

La pensée du Vénérable Fondateur et de ses premiers disciples sur la nature des écoles et des élèves à y admettre trouve sa consécration dans les Constitutions, où nous lisons :

« Le but secondaire des Petits Frères de Mari, est de procurer le salut des âmes par l'instruction et l'éducation chrétiennes des enfants, principale ment des campagnes » (Art. 2)… «L'Institut pourra diriger des pensionnats, des orphelinats et des œuvres de persévérance » (Art. 194).

Sommes-nous restés fidèles à l'esprit du Vénérable Père Fondateur ? Ce qui suit, tout en signalant le danger de s'en écarter qu'il peut y avoir en certains endroits, nous rassure à cet égard.

Les nombreuses lettres de recommandation des évêques, appuyant, vers 1903, notre demande d'approbation définitive des Constitutions de l'Institut par le Saint-Siège reconnaissent que « les Petits Frères de Marie donnent aux enfants du peuple l'enseignement primaire et l'éducation chrétienne… avec un zèle et un dévouement admirables ». (Circulaire, vol. X, p. 533 et s.)

Sans doute nous avions déjà, à cette époque, des écoles payantes, mais leur nombre s'est multiplié depuis. Le fait est facile à comprendre. Les lois persécutrices ayant obligé les Frères de France a émigrer en nombre et précipitamment, on fut souvent amené à ouvrir hâtivement des écoles dans des conditions financières tout à fait précaires. En effet, ceux qui nous appelaient se bornaient par-fuis à fournir un. secours initial pour frais d'instillation. Comment, dès lors, aurait-on pu, sans écoles payantes, assurer l'entretien des maîtres, soutenir les maisons de formation, prendre soin des malades et des vieillards, développer les écoles, etc. ?

C'est la multiplicité de ces écoles à rétribution parfois élevée, surtout dans les Provinces de fondation. récente, qui, en 1932, a porté le XlII° Chapitre Général à examiner si l'Institut avait gardé suffisamment, à l'égard des pauvres, l'esprit du Vénérable Fondateur. La Commission chargée d'étudier ce point fit la déclaration suivante : « L'Institut a toujours observé fidèlement l'article 2 des Constitutions car, aujourd'hui encore, c'est bien la classe pauvre qui absorbe l'activité de la majorité des Frères employés dans l'enseignement, malgré le développement de nos grands établissements d'enseignement secondaire, hors d'Europe principalement.

« La création d'une école gratuite à côté d'un collège florissant est une idée qui a sa valeur et qui mérite examen. Elle ne peut que produire bon effet sur le public, parfois trop porté à voir des entreprises financières dans les grands collèges tenus par des religieux. Il va sans dire que l'opportunité d'une telle école doit être laissée à la sagesse du Conseil Provincial.

« La Commission a été heureuse de constater que l'Institut n'a pas oublié de faire bien large la part du pauvre dans tous nos grands établissements scolaires par l'acceptation d'un certain nombre d'enfants à des conditions de faveur qui vont parfois jusqu'à la gratuité. »

Comme suite à ces considérations que j'ai abrégées, la Commission émit, à l'unanimité, le vœu de voir, autant que possible, se fonder une école gratuite à côté de tout collège florissant.

En 1946, le XIV° Chapitre Général se devait, à son tour, de voir si nous nous préoccupons, comme il convient, de l'apostolat auprès des enfants pauvres. Cet examen s'imposait non seulement pour s'assurer si le vœu du précédent Chapitre s'était réalisé, mais aussi pour des raisons pressantes d'ordre social. En effet, à l'heure actuelle, le prolétariat ou la classe ouvrière s'éloigne du Christ et de son Église. Trop nombreux sont ceux qui, dans un milieu déplorable, ont renié la foi de leurs pères par suite des doctrines subversives et antireligieuses qu'on ne cesse de leur inculquer.

Aucun chrétien et, à plus forte raison, aucun religieux éducateur n'a le droit de se désintéresser de ce grave problème. Nous pouvons contribuer pour notre part à le résoudre favorablement en nous appliquant davantage à élever les enfants du peuple dans l'amour de Notre-Seigneur et de son 'Église. Tel est le but des deux statuts capitulaires suivants :

a) « Pour maintenir nos traditions de famille, es écoles gratuites auront toujours nos préférences. Nos pensionnats et collèges, d'accord avec le Cher Frère Provincial et son Conseil, auront à cœur, sous des formes diverses, de faire très large la part des enfants pauvres. »

b) « Quand un Conseil Provincial présentera au Conseil Général un projet de fondation. d'école payante, sa demande sera accompagnée d'un tableau succinct de ce qui a été réalisé, dans la Province, en faveur des enfants pauvres et, en général, de la classe ouvrière. »

La Commission a exprimé l'espoir qu'au prochain Chapitre Général on puisse constater des progrès sensibles sur cette importante question. Je suis persuadé qu'il en sera ainsi si nous avons avant tout le souci de la gloire de Dieu et du salut des âmes. Sans des vues de foi convaincue et solide, on est porté à donner la préférence à des fondations plus brillantes ou rémunératrices au détriment d’œuvres populaires d'une plus urgente nécessité.

Ces mêmes vues de foi sont indispensables pour que dans nos relations avec des élèves de condition sociale fort différente, nous ayons, conformément à la Règle (Art. 123), «une prédilection particulière pour les pauvres, comme nous représentant, d'une usinière plus sensible, Jésus-Christ anéanti et fait pauvre pour nous ».

Tels étaient les sentiments de nos premiers Frères faisant l'école aux enfants de La Valla et des hameaux d'alentour puisqu'à leur sujet le Frère Jean-Baptiste s'écrie : « Heureux le Petit Frère de Marie qui, pour imiter de si beaux exemples, ambitionnera d'être envoyé dans un établissement pauvre, et estimera comme une faveur d'être chargé d'une classe composée d'enfants indigents : il aura véritablement l'esprit' de son état ; Dieu bénira ses travaux et le comblera de grâces et de consolations. Un tel Frère sera la gloire et le soutien de son Institut. » (Vie du P. Champagnat, p. 111.)

A ce propos, je suis heureux de dire que, dans ma visite à nos missions d'Afrique, plusieurs Frères, quoique pleinement soumis à la volonté des Supérieurs, m'ont affirmé avoir été déçus en se voyant confier des enfants européens, alors que leur désir le plus cher en s'expatriant avait été de se consacrer aux plus pauvres parmi les indigènes.

Saint Vincent de Paul s'écriait de tout son grand cœur : « Oh ! que le pauvre est beau envisagé en Jésus-Christ ! » Si cette beauté morale du pauvre ne nous porte pas à faire en sa faveur tout ce qui est en notre pouvoir, nous nous priverons de bien des grâces et nous courrons le danger de perdre l'esprit mariste d'humilité, dans une ambiance fort différente de celle de la Congrégation à ses débuts.

On ne saurait nier qu'il y a actuellement tendance chez trop de religieux à négliger l'observation du vœu de pauvreté et à méconnaître l'excellence et la nécessité de la mortification pour sauvegarder la vertu. Le contact avec les riches expose à adopter d'abord certaines de leurs exigences et attitudes et, ensuite, leurs pensées et leurs sentiments.

Le péril d'embourgeoisement insensible et progressif n'est point illusoire et nous devons sérieusement nous mettre en garde contre ses pernicieux effets.

Lorsque le préfet de Rome demanda à saint Laurent de lui remettre ses richesses, celui-ci lui présenta une foule d'indigents et lui dit : « Voici les vrais trésors de l'Église. Je souhaite vivement que de tels trésors ne manquent jamais dans nos écoles afin qu'ils y attirent les bénédictions du Ciel. Plaise à Dieu que si un jour des spoliateurs menacent un secteur quelconque de l'Institut ils ne soient que les instruments providentiels d'une épreuve méritoire et non pas les émissaires chargés de nous ramener dans la voie de la pauvreté évangélique ! »

Nos Causes de Béatification 

Faveur attribuée au Vénérable Père Champagnat.

Nous empruntons à la Revue Champagnat la lettre suivante :

                           Saint-Chamond (Loire).

                  MON BIEN CHER FRÈRE,

« Un mois après une intervention chirurgicale, je tombais gravement malade : Le mal empira si rapidement que j'étais dans un état désespéré. On me transporta à l'hôpital pour tenter la transfusion du sang. A cause de ma faiblesse et dans la crainte de complication possible ; on me fit la transfusion artificielle à la suite de laquelle je tombai en syncope, puis dans le coma où je restai cinq heures.

A ce moment les docteurs me déclarèrent perdue, on attendait d'un moment à l'autre mon dernier soupir. J'ai une grande confiance en la Sainte Vierge et en son fidèle Serviteur, le Vénérable Père Champagnat à qui, d'ordinaire, je confie mes peines et tous mes ennuis. C'est sur cette pensée que je perdis conscience de tout. J'avais demandé aux Sœurs et Infirmières présentes de prier pour obtenir ma guérison de la Vierge de l'Hermitage et du Vénérable Père Champagnat. Pendant cinq heures, les prières et les dizaines de chapelet se succédèrent. Quand mon mari arriva, et sans avoir encore ma pleine connaissance, je lui demandai d'aller de suite à l'Hermitage prier la Sainte Vierge et le Vénérable Père, ce qu'il fit immédiatement.

« Le Frère qui le reçut le voyant si effondré et si peiné, l'encouragea, lui disant qu'il y aurait peut-être bien un mieux à son retour puisque sa femme avait une si grande confiance au Père Champagnat. Effectivement, contre toute attente, quand mon mari arriva près de moi, je repris connaissance complètement.

« Mais je suis redevable d'une faveur encore plus grande envers le Vénérable Père Champagnat, car trois jours après, devant des signes évidents d'infection, il fut décidé que je subirais une autre opération qui s'avérait dangereuse dans l'état d'extrême faiblesse où je me trouvais, mais qui cependant était inévitable. J'y étais résolue, mais je ne voulais pas la subir sans avoir la relique du Vénérable qui m'avait si bien protégée. Je l'envoyai donc chercher à l'Hermitage et la fixai sur moi le matin du jour où devait avoir lieu l'opération. Aussitôt les signes d'infection cessèrent et quand je fus dans la salle d'opérations, quelle ne fut pas la surprise du chirurgien de constater que l'opération, qui était inévitable la veille, pouvait être remise à plus tard, et même évitée si l'amélioration constatée se maintenait. Mais je n'ai pas partagé la crainte du docteur. J'ai bien compris qu'il s'agissait là d'une guérison, et que ma confiance en Notre-Dame de l'Hermitage et au Vénérable Champagnat venait d'être merveilleusement récompensée.

« Maintenant, j'ai repris ma place à mon foyer et je puis m'occuper de mes cinq enfants.

« Je garde une très vive reconnaissance à Notre-Dame de l'Hermitage et au Vénérable Père Champagnat. »

                       MmeGIRAUDET. 

Frère Crisanto.

 Le 28 décembre 1918 a eu lieu, au palais épiscopal de Lérida (Catalogne), la séance solennelle de clôture du procès diocésain relatif au martyre, à la vie et aux vertus de ce nouveau Serviteur de Dieu qui donna généreusement sa vie dans l'exercice de sa charge de Directeur du Juvénat de Avellanas.

L'acte fut présidé par S. Exc. Mgr l'Évêque, Dr. D. Aurelio del Pino Gômez. Étaient présents les membres du Tribunal ecclésiastique, le vice-postulateur, Frère Adulfo, les Frères Directeurs de nos deux Collèges de Lérida, des délégations d'anciens élèves et une représentation du clergé local et de nos communautés.

C'est aux heures tragiques du mois de juillet 1936 que les hordes communistes assaillirent la pacifique demeure que protégeait Nuestra Senora de las Avellanas. .

Tandis que la Communauté se dispersait aux quatre vents, le Frère Crisanto cherchait dans les fermes voisines un asile pour ses juvénistes, et faisait une garde permanente, bien que restant caché,

Les sicaires ne tardèrent pas à le découvrir, et bien que les voisins le suppliaient de s'enfuir, lui promettant de veiller sur les juvénistes, il s'y refusa, pleinement conscient de la responsabilité qui lui incombait.

Le martyre vint récompenser sa conception austère du devoir.

Les actes du. procès, établis en parfait accord avec les sévères prescriptions du Droit Canonique, furent remis par le Cher Frère Sixto, Assistant Général, à la Sacrée Congrégation des Rites, le 10 janvier 1949.

En même temps, le Cher Frère Émery, postulateur, fit une demande pour que fût ouvert le coffret scellé qui contient les pièces du procès, et que fût nommé d'office le tribunal correspondant pour en faire l'examen.

Les Provinces d'Espagne ont fait imprimer vingt mille exemplaires de la brochure Victima por su grey (Victime pour son troupeau) qui raconte la vie et le martyre du Frère Crisanto, brochure spécialement destinée aux élèves de nos écoles. 

Frère Alfano.

 Le dernier fascicule paru des Notices biographiques de l'Institut des Petits Frères de Marie (août-sept. 1948), a donné quelques pages d'une intéressante biographie du Frère .Alfano, décédé à Ventimiglia, le 1ier mars 1943 et qui a laissé aux Frères d'Italie le souvenir impérissable d'une éminente vertu. En effet, ceux qui ont connu cet excellent religieux constatent unanimement l'extraordinaire fermeté et logique de sa foi et l'énergie non moins vigoureuse avec laquelle il a su pratiquer les vertus solides que la foi, toujours présente, actuelle, active, introduit et soutient avec constance dans une âme fervente.

Devant cette unanimité des témoignages, le Conseil Général, dans la séance du 18 septembre 1948, a chargé le Cher Frère Provincial d'Italie de l'aire les démarches opportunes pour la constitution d'un Tribunal ecclésiastique en vue d'un examen canonique informatif sur la réputation de sainteté et les vertus du Frère Alfano (Giuseppe Vaser).

Son Exc. Mgr Rousset, évêque de Ventimiglia, a répondu avec bienveillance à la demande qui lui a été adressée et, après avoir constitué le Tribunal, a prescrit la recension des écrits du serviteur de Dieu, par une ordonnance du 1ier janvier 1949.

En portant ce fait à la connaissance de l'Institut, j'invite les Frères qui auraient quelque écrit du vénéré défunt ou quelque renseignement à fournir à son sujet, à en donner communication directement à l'Ordinaire de Ventimiglia ou bien par l'intermédiaire du Vice-Postulateur, le Cher Frère Martino Giuseppe, Villa Santo Stefano, Ventimiglia.

Puisse l'introduction de cette cause être, pour nous tous, un stimulant à nous renouveler dans la ferveur de notre état, à reproduire l'esprit de foi et de mortification, la solide et tendre piété, l'amour de nos saintes Règles, l'attachement à l& vocation d'éducateur chrétien, le respect et la docilité envers la Sainte Église et ses Pasteurs qui ont brillé d'un si vif éclat dans la vie du cher et vénéré défunt. 

Visite de Délégation

aux Provinces de Bética et de Léon

(Espagne)

                  MON RÉVÉREND FRÈRE SUPÉRIEUR,

Alors que résonnaient encore les échos de votre passage dans nos maisons d'Espagne, vous m'avez chargé d'aller visiter les communautés et les collèges de Bética et de Léon.

J'ai été très heureux d'accomplir cette honorable mission. Les brèves impressions que je transcris ici donneront un aperçu sur l'état de nos œuvres dans ces deux importants secteurs de l'Espagne mariste. 

PROVINCE DE BÉTICA 

La Province de Bética s'étend sur le tiers environ du sol national. Son principal champ d'action est situé en Andalousie, pays du soleil et de la joie, des oliviers et des vergers.

Plus de 4.000 élèves d'enseignement primaire et autant d'enseignement secondaire y reçoivent dans 16 collèges l'instruction et l'éducation chrétiennes.

La Province compte 294 Frères et 180 sujets en formation, y compris les scolastiques.

 Maisons de formation. — La prospérité croissante des collèges et le développement de nos œuvres posent le grave problème de l'élargissement du cadre des professeurs. Seul un recrutement de choix et la bonne organisation de nos maisons de formation peuvent y apporter une solution favorable.

Les Supérieurs de la Province l'ont ainsi compris. Un grand effort a été déjà réalisé avec le meilleur succès.

Le Scolasticat de Castilleja, non loin de Séville, vient d'être agrandi. L'étendue et la fertilité de la propriété, la position et la beauté de l'endroit en font un site idéal.

Ils sont actuellement vingt-huit les scolastiques qui poursuivent leurs études dans ce milieu si favorable aux travaux de l'esprit. Demain ils pourront être quarante.

Nous pourrions en dire autant, sans exagération, du Noviciat de Cordoue, construit ad hoc sur les flancs de la montagne, parmi les oliviers et les orangers. Rien ne manquera, ni espace, ni charmes, pour en faire une maison modèle. Elle recevra prochainement le premier contingent, de postulants.

Reste à résoudre la création des Juvénats (je dis bien, des Juvénats), car Bética devra nécessairement penser à installer les deux sections : préparatoire et supérieure, vu que la maison d'Arceniega, comme d'ailleurs celle de Villafranca de Navarra, doit retourner à sa légitime propriétaire : la généreuse Province de Norte.

La bonne volonté et l'enthousiasme de tous auront raison des difficultés que ce projet semble présenter.

Je me fais ici l'interprète de la Province pour remercier le personnel de nos trois maisons de formation du dévouement inlassable dont ils font preuve, et féliciter la vaillante jeunesse qui, sous l'égide de la Très Sainte Vierge, se prépare avec enthousiasme au bel apostolat de l'éducation de l'enfance.

 Problèmes résolus. L'effort de la Province, durant ces dernières années, ne s'est pas limité à ce qui vient d'être dit. Plusieurs collèges ont pu trouver une solution à des problèmes, parfois urgents, de construction, d'agrandissement ou d'adaptation.

C'est ainsi que Madrid a vu s'élever le Collège Chambéri, un des plus modernes et des plus complets. de la capitale, qui regorge d'élèves : plus d'un millier.

Tolèdea pu réparer ses ruines, construire un nouveau pavillon et paver sa grande cour centrale. Le chiffre de 550 élèves témoigne du prestige bien mérité dont jouit l'établissement.

Huelva dispose aujourd'hui d'un local à la moderne pouvant recevoir plus de 500 élèves, y compris des internes.

Grenadevient d'achever une importante construction qui lui a permis d'élever, le chiffre des inscriptions à près de 900.

Malaga, par deux fois la proie des « sans-Dieu », vient d'acquérir un local ample et accueillant où il loge bien commodément ses 700 élèves.

Séville, qui en a 1.110, a pu installer dans deux édifices distincts l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire.

Cordouevoit sa situation affermie, grâce à un accord réalisé avec un patronat très influent dans la capitale des Califes. L'inscription atteint le chiffre de 600, y compris les enfants des écoles gratuites que le collège prend à sa charge.

Nous ne pouvons inclure dans cette liste Murcie qui n'a pas encore récupéré tout son local, ni Badajoz qui attend impatiemment l'heure de sa destinée. Mais, par contre, les bénédictions du bon Dieu ne leur font pas défaut.

Carthagène et Lucena, bien que moins exigeants, ont aussi leurs aspirations bien connues du Cher Frère Provincial et de son Conseil.

Larache (Maroc espagnol), Villanueva de las Minas et l'école d'Arceniega ne connaissent que les inquiétudes apostoliques. Bienheureux les petits et les humbles !

 Soucis d'apostolat. – Ce m'est une grande consolation de témoigner ici de l'intérêt que manifestent les Frères de la Province pour les œuvres de zèle compatibles avec notre vocation : Action Catholique, catéchismes de banlieue, associations d'anciens élèves.

2.000 enfants environ accourent chaque dimanche aux divers centres de catéchisme dirigés par les Frères, avec l'aide de plus de 200 jeunes gens, des cours supérieurs, appartenant à l'A. C. Sont enrôlés depuis des années dans ce méritant apostolat, les collèges de Badajoz, Carthagène, Cordoue, Huelva, Lucena, Madrid, Malaga, Murcie, Séville et Grenade.

Il existe aussi une louable émulation pour organiser les Amicales d'anciens élèves, en vue de constituer bientôt la Fédération de Bética. Moyen excellent de continuer notre action éducatrice sur nos anciens disciples, cette organisation peut constituer, en outre, une garantie de sécurité pour nos œuvres et une force aux ordres de l'Eglise pour des temps difficiles toujours possibles.

L'Association d'Anciens Élèves est déjà organisée dans les collèges de Madrid, Lucena, Séville, Cordoue, Badajoz et Villanueva de las Minas.

L'idée du recrutement dans nos classes est bien ancrée chez nos Frères qui organisent à cet effet des journées et des semaines de vocations.

On a généralisé aussi la pratique des retraites fermées de trois à cinq jours pour les jeunes gens qui achèvent leurs études dans nos écoles, au grand profit spirituel de ces futurs universitaires.

 En résumé, mon Révérend Frère Supérieur, la Province de Bética, gouvernée avec une sollicitude paternelle par un Frère Provincial très dévoué et par un Frère Visiteur infatigable, en. étroite union avec leurs Conseillers, avec les Frères Directeurs et les membres des Communautés, réalise un magnifique labeur apostolique et mariste.

On veille à l'observance régulière, on encourage les études universitaires et normales, on favorise, dans la mesure du possible, le recrutement des vocations et la- bonne formation de la jeunesse.

Nul doute que cela servira de consolation à votre cœur de père et de Supérieur. 

Données statistiques comparées.  

Années

Juven.

Postul

Novices

Profès

temp

Profès perp. et Stables

Elèves

1947

102

50

104

182

7.985

1948

107

44

110

201

8.184

1949

111

42

108

214

8.308

 

 PROVINCE DE LÉON

 Depuis la Circulaire du 24 mai 1947 qui a fourni quelques brèves données statistiques sur la Province, il n'y a pas eu de changement notable en ce qui concerne le personnel et l'ensemble des élèves.

Le souci du lendemain. – Un événement significatif pour Léon et qui offre des perspectives d'un consolant avenir pour ses œuvres, c'est l'installation, à Venta de Baños, d'un Juvénat préparatoire qui peut loger plus de cent aspirants.

Le Juvénat supérieur reste, pour l'instant, à Tuy.

Le chiffre total des deux sections s'élève à 125, nombre que les autres Provinces n'ont pas encore atteint. Léon est aussi la première qui a réalisé cette subdivision que des raisons fondamentales de surveillance et de bonne formation rendent souhaitable.

Par ailleurs, il existe dans la Province le souci du recrutement dans nos collèges, et les œuvres d'apostolat mariste s'y organisent et donnent déjà des résultats fort appréciables : 13 vocations pendant la dernière année scolaire et plus de 12.000 pesetas pour le premier trimestre de l'année en cours. Le mouvement est donné par les collèges de Léon, Salamanque, Plasencia, Palencia et Madrid.

Le Noviciat de Tuy enregistre une augmentation sensible : 54 sujets en formation, postulants ou novices, au lieu de 29 en 1947 et 22 en 1945. Et comme la qualité accompagne la quantité, il y a lieu d'envisager l'avenir avec confiance.

Le Scolasticat, par contre, marque une légère baisse dans son effectif, ce qui démontre la nécessité de renforcer les cadres par la base. Une meilleure formation, conditionnée par l'intensité du travail et la prolongation de la période des études, compensera avantageusement la diminution du nombre.

 Événement de bon augure. La bénédiction de la première pierre du nouveau collège de Léon qui a eu lieu le 19 mars dernier, fête de saint Joseph, avec la solennité que cet acte comporte et la sympathie chaleureuse de la population, vient combler un ardent désir de la Province et sera un nouveau stimulant pour sa marche ascendante.

L'œuvre mariste léonnaise, qui groupe près d'un millier d'élèves en y comprenant les écoles populaires complémentaires, réclamait un effort généreux de la part de la Province à laquelle elle a donné son nom. Il y aura là, sous peu, le meilleur pensionnat de la région, avec, en plus, les sections du préparatoire et du secondaire. Les efforts intelligents et tenaces des supérieurs responsables se sont employés à fond pour hâter les laborieux préparatifs et résoudre les difficultés inévitables que rencontre aujourd'hui toute construction.

Placée sous le patronage de saint Joseph, titulaire du collège, et appuyée par les vœux et les ferventes prières de tous, l'entreprise a les meilleures garanties de succès.

 Réalisations. – Au cours de ma visite, j'ai pu apprécier les améliorations introduites dans plusieurs établissements.

C'est ainsi que Ségovie, si éprouvée par l'adversité, aux heures de tragédie, a vu s'achever son plan de reconstruction. Elle offre aujourd'hui à. ses 400 élèves un local commode et accueillant.

Lugo a complété son installation. qui lui permet d'admettre un bon nombre de pensionnaires, ce qui porte le chiffre de ses inscriptions à près de 500.

Le collège d'Oviedo, comme on le sait, a partagé le sort de la ville martyre et payé son tribut de sang de destruction. Il voit aujourd'hui réalisés en partie ses projets d'amélioration et d'agrandissement qui permettent de loger aisément ses quelque 600 élèves.

Maintenir bien haut le drapeau mariste à Salamanque, telle est l'ambition du groupe de vaillants qui composent la communauté. Il y faut beaucoup de décision, car la Ville Savante a ses exigences.

On a déjà bien commencé. Il reste encore beaucoup à faire ; mais les maîtres et leurs 600 disciples s'emploient corps et âme à la tâche. Dieu veuille que sonne bientôt l'heure de Salamanque

Comme complément du travail entrepris, je signale volontiers l'organisation sérieuse donnée à l'A. C. et le vigoureux élan que prend l'Association des anciens élèves.

San José, de Madrid, toujours en veillée d'armes, rajeunit et amplifie son local. Ce n'est pas chose facile que de procurer un minimum d'espace vital à plus de 900 élèves et à 28 membres de la communauté en plein centre de la capitale.

Mais le collège qui a pu mener à bonne fin un plan d'adaptation méthodique et d'envergure est celui de La Corogne. Au souvenir des vicissitudes qui ont marqué sa route ces dernières années, on ne peut qu'admirer son élan actuel et l'effort que suppose, pour un centre d'éducation dont le chiffre d'inscriptions atteint le millier, la dotation de toutes les installations d'un établissement moderne.

A l'heure actuelle, l'attention et l'enthousiasme de toute l'école sont centrés sur ce qui sera bientôt une splendide chapelle ; digne complément du Collège du Christ-Roi.

La Corogne offre aussi de belles réalisations en fait d'œuvres d'apostolat : Action Catholique bien organisée, catéchisme de banlieue et Association d'anciens élèves.

Ni Vigo, ni Palencia n'ont encore apporté à leurs édifices les améliorations qui pourtant s'imposent. On doit louer leur souci d'augmenter le prestige et le chiffre d'inscriptions de l'établissement.

Les fondations de Léos, Sahagun et Plasencia témoignent de la sollicitude qu'apporte la Province à l'éducation des enfants pauvres.

Exultation. Le 6 juin prochain, fête du Vénérable Père, aura lieu la bénédiction solennelle de la nouvelle chapelle construite par la Province à Tuy, qui fut son berceau et reste son « Alma Mater ».

Il est peu de chapelles dans l'Institut qui la surpasseront en beauté et qui incarneront, comme elle, l'amour, l'intérêt et la collaboration des Frères et des élèves. On a voulu qu'elle soit comme le sanctuaire de famille.

Il n'y manquera ni la série artistique de vitraux dont les motifs sont tirés de la vie et de l’œuvre du V. P. Champagnat, ni un orgue magnifique. Les carrières de la région ont fourni les nobles matériaux ; l'affection de tous a présidé à sa construction ; la ferveur des habitants de la maison maintiendra toujours vivant le feu sacré devant le Tabernacle et l'autel de Marie.

Telles sont, mon Révérend Frère Supérieur, les impressions, que faute d'espace, je n'ai pu présenter que d'une façon très concise. Elles vous diront que vos enfants de Léon vivent une heure intéressante de leur histoire et sont animés d'une nouvelle et sainte ardeur pour remplir de leur mieux la mission que la Providence leur a assignée.

Le Cher Frère Provincial, en parfait accord avec ses conseillers, ne ménage pas les sacrifices pour activer la marche des œuvres : maisons de formation aux plans bien établis, recrutement, études religieuses et profanes, assistance aux cours des Facultés, vie régulière, tout ce qui caractérise un Province fervente est l'objet de sa sollicitude. 

Données statistiques comparées.  

Années

Juven.

Postul.

Novices

Profès

temp

Profès perp. et Stables

Elèves

1947

114

29

91

175

4.916

1948

114

22

79

192

4.933

1949

125

53

67

199

5.323

 

 Qu'il me soit permis, mon Révérend Frère, en vous présentant l'hommage filial de tous les Frères, de Bética et de Léon, d'implorer votre paternelle bénédiction pour eux et pour le soussigné.

         F. SIXTO, A. G

Visite de Délégation :

Uruguay, Argentine, Chili, Pérou

                   MON RÉVÉREND FRÈRE SUPÉRIEUR,

Vous m'avez chargé de visiter nos Frères des Provinces d'Argentine, du Pérou et du Chili, ainsi que ceux du district de l'Uruguay. Vous avez fait vous-même, il y a sept ans, la visite de ce secteur de l'Institut, et la circulaire du 25 décembre 1942 en a donné le compte rendu. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit ; je me contenterai d'exposer sommairement l'état actuel de nos œuvres dans ces divers pays. 

URUGUAY

 Ce jeune district de la Province d'Allemagne est plein d'avenir. Il compte aujourd'hui 43 Frères, – 28 sujets en formation, 6 écoles et un millier d'élèves environ. Les Frères s'y font remarquer par leur dévouement, leur régularité et leur bon esprit.

. Nos deux établissements de Montevideo voient affluer un nombre toujours croissant d'élèves, notamment le Liceo Santa Maria, établissement d'enseignement primaire et secondaire, à l'intérieur de la capitale. 11 a 400 élèves, dont une trentaine de pensionnaires. C'est l'école la plus importante du district.

Le Colegio Zorrilla de San Martin, situé dans la banlieue, à Punta Carreta, loge péniblement ses 140 élèves, faute d'espace. Ce nombre sera certainement doublé le jour où pourront se réaliser les projets d'agrandissement des locaux scolaires.

Les écoles paroissiales de Rocha, Durazno et Pando ont à peu près le même nombre d'élèves et font la consolation des familles et du clergé, entièrement dévoué à nos Frères. Je citerai notamment M. Enrique Cabrera, curé de Pando, lequel, après avoir cédé généreusement son presbytère, pour résidence de la communauté, au début de la fondation, continue de témoigner aux Frères la plus bienveillante sympathie.

Chajari, en territoire argentin, a été le berceau du district. Cet établissement, fondé en 1936 et qui a aujourd'hui un effectif de quatre-vingt-dix élèves dont une trentaine de pensionnaires, est appelé à devenir un centre de formation mariste. La maison d'école et la vaste propriété attenante en font un endroit idéal comme juvénat pour les vocations d'Argentine. Une partie de l'édifice est déjà occupée par onze juvénistes.

Enfin, la maison districtale (Casa San José), est établie depuis peu à 16 kilomètres de la capitale. Elle comprend une maison d'habitation et une propriété de 15 hectares totalement plantée d'arbres fruitiers et d'une vigne en plein rendement. Une construction récente y abrite une quinzaine de juvénistes.

Si l’œuvre du recrutement, bien commencée, se poursuit avec zèle, tout fait espérer que le district réalisera avec le temps, dans l'Uruguay, une belle œuvre d'apostolat, de caractère spécialement rural, selon les préférences du Vénérable Père Champagnat. 

ARGENTINE

 Dans cette importante Province, il ne s'est pas produit de grands changements depuis votre visite de 1942, si ce n'est l'annexion, en 1943, du district de Rosario que la Province de Léon avait fondé pour faciliter à ses jeunes Frères l'exemption du service militaire. Cette annexion a restreint nécessairement le développement des œuvres en perspective, car il a fallu remplacer à Rosario, Rafaela et San Francisco les Frères de Léon qui regagnaient le sol de la Mère Patrie.

On doit ajouter à cela l'envoi au Second Noviciat de nombreux groupes de Frères que la guerre avait empêchés de prendre part à ces saints exercices, fait la prolongation des années de formation, notamment au Scolasticat, pour intensifier les études et répondre ainsi aux exigences impérieuses de l'enseignement et des lois de l'Etat.

Malgré cela, tous les collèges de la Province regorgent d'élèves, ce qui met les Frères Directeurs dans la nécessité de parer au danger de se laisser surprendre par des inscriptions excessives dans les différents cours.

Les excellents résultats que ces collèges continuent d'obtenir aux examens officiels témoignent de la capacité des Frères et de leur dévouement à leur tâche professionnelle.

C'est avec une grande satisfaction que j'ai remarqué dans cette Province cette ferveur pour Ia glorification du Vénérable Père Fondateur, ce zèle« pour l'Action. Catholique, cet enthousiasme pour les études, le recrutement et les œuvres des Juvénats que vous aviez observés dans votre visite.

La maison de Noviciat est maintenant installée à Alta Gracia. Il y a là une belle propriété située sur les flancs des premières collines que l'on trouve en allant de Buenos Aires au. centre du pays, c'est-à-dire à 800 kilomètres de la capitale. Le climat est réputé comme un des plus sains de la République ; ainsi Alta Gracia est l'endroit tout indiqué comme maison de repos pour les Frères malades ou infirmes. Le Noviciat fonctionne actuellement dans une ancienne fabrique d'eau minérale, en attendant qu'un local mieux adapté et plus vaste permette de recevoir les nombreux postulants venant du Juvénat de Notre-Dame de Lujàn.

Ce Juvénat comprend une centaine de recrues. Il est divisé en deux sections qui ne sont pas une simple séparation des juvénistes, mais la suite logique des études et de la formation religieuse mariste.

Le Scolasticat de Lujàn compte actuellement quarante-six scolastiques. Il est reconnu comme École Normale annexée à l'École Normale publique de la localité. Les études se poursuivent donc d'après les programmes officiels. Les jeunes Frères y obtiennent le diplôme d'Instituteur par lequel ils sont jugés aptes à l'enseignement dans les écoles primaires sur tout le territoire argentin, sans distinction d'États ou de Provinces. Ils utilisent pour leurs études les laboratoires et musées de notre Collège de Notre-Dame de Lujàn, où ils font aussi les exercices pratiques d'enseignement exigés par les programmes au cours des trois dernières années d'École Normale. Les cours de pédagogie et les exercices pratiques qu'ils comportent ont été confiés, ces dernières années, à un pédagogue foncièrement chrétien et très compétent, professeur de pédagogie à l'Université de Buenos Aires.

La formation religieuse mariste va de pair avec la culture intellectuelle ; aussi les scolastiques sont-ils animés d'un excellent esprit.

A Buenos Aires, la Maison Éditoriale est, en outre, résidence des Frères qui fréquentent les cours de l'Université ou d'autres centres d'études supérieures.

Le Scolasticat supérieur est composé des Frères qui, après la profession perpétuelle, poursuivent leurs études en vue d'obtenir les diplômes académiques exigés pour les professeurs d'enseignement secondaire. Ils disposent de trois années, exclusivement consacrées à l'étude. En plus de leurs cours de spécialisation, ils reçoivent une sérieuse formation en philosophie scolastique et en théologie. Il y a aussi au programme l'étude de thèmes d'ascétique mariste.

La Province d'Argentine compte aujourd'hui 305 Frères profès, 11 novices, 140 juvénistes (y compris ceux qui lui sont attribués dans les juvénats de Carrión (Espagne) et de Gassino (Italie). Le nombre des maisons est de 17 et celui des élèves, 6.094. 

CHILI

 Les œuvres réunies du Chili et du Pérou ont formé un seul district pendant vingt-cinq ans. D'abord dépendant de la Grande Province d'Espagne, ce district en fut détaché en 1932 ; il eut dès lors un gouvernement pratiquement autonome jusqu'en 1946.

Eu égard au rapide développement des œuvres maristes dans les deux pays et aux énormes dis-tances qui séparaient les établissements (entre les deux maisons les plus éloignées : Constitutión, du Chili, et Sullana, du Pérou, il y a 4.000 kilomètres à vol d'oiseau), le dernier Chapitre Général a créé les deux Provinces du Chili et du Pérou. C'est un fait unique dans nos annales que celui d'un district divisé en deux Provinces.

La Province du Chili, à l'époque de la visite, comptait 116 Frères, 10 postulants, 35 juvénistes (y compris ceux d'Espagne) et 9 collèges avec près de 3.000 élèves.

Les Frères, animés d'un excellent esprit, visent à la prospérité toujours croissante des œuvres existantes, avant d'envisager de nouveaux champs d'action.

Les collèges ont été fondés, pour la plupart, à la demande et par les soins du « Centro Cristiano » qui s'est proposé de contrecarrer, par la fondation d'écoles secondaires catholiques, l'action néfaste d'un enseignement officiel hostile à la religion. Les lycées de l'État, devant lesquels les élèves des écoles privées doivent se présenter pour les examens, ont mené contre nos collèges une guerre sans merci et souvent déloyale. Malgré ces conditions défavorable s, grâce à la capacité et au dévouement des Frères, toutes nos écoles sont en pleine prospérité.

Il est bien consolant de voir comment nos élèves se distinguent entre tous, à l'Université Catholique et plus tard, par leurs aptitudes et leur zèle, dans les diverses activités sociales et pieuses, comme l'a proclamé publiquement Mgr le Recteur de l'Université dans une circonstance solennelle. Il attribuait ce résultat à la bienfaisante influence qu'exerce sur la vie chrétienne « la dévotion à la Très Sainte Vierge Marie que les Frères savent si bien inculquer à leurs élèves ».

On ne saurait passer sous silence les résultats qu'obtiennent les Frères au moyen de la direction spirituelle et des retraites fermées que pratiquent des centaines de leurs élèves, spécialement de l'enseignement secondaire. Voici comment s'exprime à ce sujet le Révérend Père Supérieur du Centre de Retraites des Pères Jésuites, dans une lettre adressée récemment au Cher Frère Provincial : « Nous profitons de cette occasion pour vous exprimer nos félicitations pour la bonne conduite, l'éducation distinguée et le recueillement qu'ont montrés les élèves des Frères Maristes qui ont assisté à ces exercices de la retraite. Comme les années antérieures, ils ont été des modèles que nous proposons tous les autres groupes ou collèges qui se réunissent chez nous. »

Ces magnifiques résultats sont certainement le fruit de l'éducation religieuse donnée dans nos écoles. A titre d'exemple, je citerai le collège de Santiago. La formation morale des élèves est accentuée par l'Action Catholique, la Croisade Eucharistique, la Congrégation de la Sainte Vierge et surtout par la direction spirituelle que donnent toutes les semaines aux élèves, en dehors de la confession, un groupe de prêtres zélés.

Tout cela favorise non seulement le bon esprit parmi les élèves, mais aussi l'épanouissement d'une vie foncièrement chrétienne, comme l'affirmait dernièrement, en présence de S. E. le Cardinal de Santiago, un des prêtres chargés de l'inspection de l'enseignement religieux dans les écoles.

Dans ce même collège de la capitale, un bon groupe d'élèves des classes supérieures font partie des catéchistes volontaires qui, tous les dimanches, se rendent dans les paroisses des faubourgs pour y instruire les enfants ignorants des vérités de la foi.

Comme on le voit, le clergé comprend l'importance de l'école chrétienne pour la vie religieuse du pays. Je m'en voudrais de ne pas mentionner ici le zèle admirable de l'évêque actuel de Rancagua, ville de 4.000 habitants, où nos Frères dirigent une école d'enseignement primaire et secondaire qui atteint le chiffre de 600 élèves. Non content d'avoir doté d'excellents directeurs spirituels les différentes associations pieuses qui fonctionnent à l'école, Mgr Eduardo Larrain Cordobés se met lui-même à la disposition des élèves qui désirent se confesser ou le consulter en direction.

Nos maisons de formation s'organisent au Chili, et nos écoles commencent à fournir des vocations.

A la maison provinciale (La Cisterna), il y a 5 scolastiques et 7 postulants.

Le « Juvénat San José » est installé depuis 1944 à San Francisco de Limache, ville pittoresque de 8.000 habitants, à quelque 55 kilomètres de Valparaiso, sur la voie ferrée qui va de cette ville à Santiago. C'est une position idéale pour nos juvénistes, à cause de son climat tempéré, de la beauté du paysage et des facilités qu'elle offre pour des promenades et des excursions.

La propriété avec jardin, plantations d'arbres fruitiers. bosquet d'eucalyptus, etc., mesure 4 hectares. La maison, un ancien hôtel, peut recevoir une trentaine d'aspirants. Ils sont quinze actuellement qui préparent les quatre premières années d'humanités avant de passer au postulat vers l'âge de 16 ou 17 ans.

Je fais des vœux pour que cette maison réalisé. dans l'esprit de l'Institut, le but qui lui est assigné, et pour que la Providence lui envoie de bons aumôniers, en attendant qu'une communauté religieuse vienne s'installer dans le voisinage. 

PÉROU

 Après quarante années d'apostolat dans un pays où ils ont été appelés par la « Jeunesse Catholique de Lima » pour contrebalancer l'influence des écoles secondaires protestantes, nos Frères du Pérou poursuivent avec le même élan et le même succès leur mission d'éducateurs religieux.

Nos collèges jouissent de la confiance des familles distinguées et foncièrement chrétiennes qui apprécient la qualité de l'enseignement et la solide formation religieuse que donnent les Frères.

Les locaux scolaires s'avèrent très insuffisants pour faire face aux demandes d'inscription, aussi bien à Miraflores et à San Isidro où des agrandissements sont en cours, qu'à Barranco et à Huacho où se fait sentir le besoin urgent de nouvelles constructions.

Le Callao a dû réparer les brèches faites à l'édifice au cours de l'insurrection du 3 octobre dernier. Grâce à l'intervention de l'ambassadeur d'Espagne, le Gouvernement du Pérou a pris à sa charge les Frais de réparation.

Sullana, après dix ans d'existence, montrait une prospérité que les plus optimistes, au début de l’œuvre, n'auraient même pas soupçonnée.

A La Magdalena, l' « Ecole Climatique » dont le Bulletin de l'Institut (avril 1947) a fait une longue description, et l' « Orphelinat Tomàs Valle» sont considérés par la Province comme ses œuvres les plus intéressantes, vu qu'il s'agit d'enfants pauvres ou chétifs.

Le recrutement, question vitale pour le maintien et le développement des œuvres, fait aussi l'objet de la préoccupation constante de tous les Frères. On enregistre déjà d'encourageants résultats, notamment au collège de Barranco qui vient de célébrer ses noces d'argent.

On a obtenu la reconnaissance officielle des études du Scolasticat et des cours de vacances donnés par des Frères diplômés, sous le contrôle des inspecteurs de l'État.

La maison de formation, d'abord établie à Lima, vient d'être transférée à Chosica (nom indigène qui signifie : Ville du Soleil), à 45 kilomètres de la capitale et à 900 mètres d'altitude, dans une belle propriété de 20 hectares où l'on envisage d'installer la maison provinciale.

Lima, depuis 1948, a une résidence pour l'Économat Provincial et la Maison Éditoriale. Celle-ci a déjà publié une modeste collection de livres, principalement d'enseignement secondaire.

Une preuve éloquente de l'esprit religieux de la. Province est fournie par le remarquable pourcentage de persévérance. Il faut l'attribuer à la régularité, à la piété et à l'esprit de famille qui règnent dans toutes les communautés, ainsi qu'au soin jaloux que prennent les Frères plus âgés d'être constamment les modèles et les soutiens de leurs confrères plus jeunes.

Un magnifique exemple de discipline a été donné récemment. Des raisons de force majeure avaient imposé dès le début la suppression du rabat. Conformément aux prescriptions du dernier Chapitre Général, le costume intégral a été repris partout le 1ier août 1947, et les autorités religieuses ont été profondément édifiées du culte de l'autorité dont les Frères ont fait preuve en cette circonstance.

La Province compte aujourd'hui 91 Frères, 45 sujets en formation (y compris ceux qui lui sont attribués par les Juvénats d'Europe) et 8 écoles ou collèges qui totalisent 3.640 élèves.

Tel est, dans ses grandes lignes, l'état actuel de nos œuvres dans le secteur Mariste que je viens de visiter.

Il y a lieu de remercier Dieu et notre Ressource Ordinaire de tout le bien réalisé jusqu'ici.

Comme gage de la protection divine pour un avenir encore plus prospère, je sollicite humblement, mon Révérend Frère Supérieur, pour nos Frères et nos œuvres de l'Argentine, du Chili, du Pérou et de l'Uruguay, votre paternelle bénédiction.

          F. SEBASTIANI, A. G

Visite à nos Frères d'Afrique

 L'Église, fidèle à sa mission, s'efforce de porter pal tout la lumière de l'Évangile. Les obstacles semés sur ses pas par l'esprit du mal et ses suppôts ne la découragent pas. Elle est l'éternelle recommenceuse.

Pendant longtemps l'Afrique a été réfractaire il son action. La pénétration de la vraie foi y a été lente sur bien des points, mais constante. Actuellement toute une armée de missionnaires, hommes et femmes, appartenant aux familles religieuses les plus diverses, déploient une activité extraordinaire qui, sur tous les points du continent noir, dissipe progressivement les ténèbres du paganisme, fait reculer l'erreur.

Dans la phalange conquérante de ce vaste territoire au Christ, notre Congrégation occupe une place qui, déjà importante, tend à le devenir encore davantage. Nous faisons acte de présence au Maroc espagnol et en Algérie, notre établissement récent, en Rhodésie, au Nyassaland et au Mozambique autorise les meilleurs espoirs. A Madagascar, dans l'Union Sud-Africaine et au Congo belge, nous possédons des œuvres florissantes. Des demandes de nouvelles fondations nous viennent fréquemment, non seulement des pays où nous sommes déjà, mais aussi du Soudan, du Sénégal, de l'Angola, du Niger, du Tanganyika, etc.

J'ai visité, pendant deux mois et demi, la plupart de nos œuvres en Afrique. Ce voyage rapide a été très heureux dans son ensemble et j'ai éprouvé un véritable bonheur à constater le dévouement de nos Frères, le bien qu'ils ont déjà réalisé et celui qu'on peut encore. en attendre s'ils sont d'abord fervents et, ensuite, en nombre suffisant.

Mais un voyage de ce genre demande une longue préparation ; j'y ai mis trois mois et ce n'est qu'à la veille du départ que j'ai obtenu le dernier des six visas exigés. Des billets d'avion m'assuraient une place à date fixe pour le parcours Paris -Tananarive – Nairobi – Salisbury – Johannesburg – Léopoldville – Paris.

Les Frères Provinciaux et Visiteurs avaient prévu dans le détail les déplacements à effectuer dans leur territoire. Il ne s'est présenté à ce sujet qu'un accroc imputable, non aux confrères, mais aux circonstances. Pour éviter d'être trop long et ne pas répéter ce que vous ont appris les rapports des visites précédentes, je me bornerai à vous communiquer quelques faits ou impressions, non sans avoir, au préalable, remercié de tout cœur ceux qui, Supérieurs ou autres, ont contribué, tant par leur bon esprit que par leurs soins empressés, à rendre mon voyage instructif et agréable. 

MADAGASCAR

  A Tananarive, j'ai reçu la plus fraternelle hospitalité, aussi bien à l'arrivée qu'au départ, chez les Frères du Sacré-Cœur, toujours très accueillants pour les Frères Maristes de passage.

Ayant fait dans cette même ville une visite à la maison de formation des Frères des Écoles Chrétiennes, le Cher Frère Visiteur a bien voulu me présenter tout le personnel, profitant de cette occasion pour rappeler les excellents rapports existant entre nos deux Congrégations. A mon tour, j'ai été heureux de dire combien notre Vénérable Fondateur s'est inspiré de la doctrine et des méthodes de saint Jean-Baptiste de La Salle dont la famille religieuse nous a toujours inspiré la plus haute estime.

A Antsirabé j'ai trouvé nos Frères en retraite. A la clôture de celle-ci, le S décembre, un Frère Malgache a émis le vœu de stabilité et deux autres se sont liés à Dieu par la profession perpétuelle. Le District compte 41 Frères dont 15 Européens et 28 Malgaches. Parmi ces derniers, un est stable, 12 sont profès perpétuels et 13 profès temporaires. Jusqu'ici la persévérance a été très bonne. Je crois devoir l'attribuer surtout à la formation plutôt austère du Noviciat et à la régularité qui règne dans les communautés. Au Scolasticat, les études sont en progrès, et l'on a obtenu pour la première fois, l'année dernière, des succès au brevet français.

Le District a reçu, depuis la fin de la guerre six auxiliaires européens qui m'ont édifié par la façon dont ils se sont adaptés aux. confrères et au milieu. C'est bien ce que veut la Règle : une seule famille sans distinction. de race ou de nationalité.

La maison de formation, qui abrite également l'école européenne avec ses 140 élèves, est devenue trop étroite. On l'agrandit.

La Province de Varennes-Orient, à laquelle appartient Madagascar, s'est montrée très généreuse envers le District. Elle a acheté, de ses deniers, à trois kilomètres d'Antsirabé, un terrain de 33 hectares qui, en temps opportun, permettra de mieux installer, soit la maison de formation, soit l'école européenne ; en. attendant, on l'utilisera pour des cultures rémunératrices..

Les écoles malgaches d'Antsirabé et de Bétafo, qui dépendent de la mission, éduquent 800 élèves. Elles ont un besoin. urgent de meilleurs locaux. J'ai été heureux de constater que Mgr le Vicaire Apostolique cherche une solution à ce problème.

Le protestantisme, qui occupait depuis longtemps d'importantes positions dans l'île, y décline -visiblement. Pour ne parler que d'Antsirabé, à voir sa vaste et belle cathédrale se remplir aux messes du dimanche, on a de la peine à croire que naguère il n'y avait pas de prêtres à demeure dans la ville et que ceux qui, de temps à autre, venaient y exercer leur ministère ne trouvaient que peu de gens disposés à en profiter.

Le groupe nombreux d'anciens élèves, qui ont voulu me saluer, met en évidence le grand bien réalisé par nos Frères depuis 1911 ; on pourrait dire plutôt depuis 1920, car la première guerre mondiale, en privant d'un Frère la petite communauté des trois fondateurs et en rendant impossible l'envoi de tout renfort, mit en veilleuse, pendant neuf ans, l'œuvre naissante. 

RHODÉSIE

 C'est le 15 décembre après quatorze heures de vol depuis Tananarive, avec une escale de deux jours à Nairobi, que j'arrivai à Salisbury, capitale de la Rhodésie et siège du Vicariat Apostolique. Encore trois heures en camion et me voilà à Kutama où nos Frères sont en retraite sous la présidence du Cher Frère Auguste-Henri, Provincial de Lévis.

Cette mission ne dépend pas de lui, elle appartient à la Province d'Iberville, mais son passage comblera de joie la communauté et lui-même pourra se documenter en vue de l'organisation de la mission de Mtendere dont il est chargé et qu'il va visiter.

Les 450 internes de Kutama suivaient, jusqu'ici, les cours de l'école normale élémentaire ou ceux de l'enseignement secondaire. Depuis janvier les élèves de cette dernière catégorie, qui ont conquis leur diplôme, sont admis à des cours d'école normale supérieure qui les préparent à enseigner dans des classes plus élevées et leur assurent un meilleur salaire.

Dans les écoles de village – quatre l'année dernière et actuellement six – une trentaine de maîtres indigènes donnent l'instruction primaire à 1.200 enfants sous la direction d'un Frère.

Mgr Chichester, S. J., vicaire apostolique, m'a fait l'éloge de nos Frères et de leur école qu'il tient pour la mieux organisée de son diocèse. Mgr le Délégué Apostolique ainsi que les inspecteurs of fi ciels partagent son opinion.

A son tour, le Gouverneur Général de Rhodésie, après avoir passé deux heures à visiter l'école, en compagnie de son épouse, s'est déclaré très satisfait de la marche de l'établissement.

Il convient de dire que les autorités civiles accordent un salaire convenable aux maîtres et payent la moitié des dépenses pour les constructions. De. leur côté les Frères emploient, au développement de l'école, la totalité de leurs économies la Province d'Iberville renonçant, dans un but apostolique, à retirer un profit quelconque de cette mission. La Province de Lévis fait de même pour celle de Mtendere.

J'ai trouvé à Kutama un embryon de Juvénat je fais des vœux pour qu'il devienne une pépinière d'excellents religieux. J'en fais également pour que la Province d'Iberville, qui s'intéresse tant à cette mission, puisse y ouvrir, sans tarder, une autre école afin que nos confrères soient moins isolés. 

NYASSALAND

 Le long voyage de Kutama à Mtendere par la route, a été marqué par des péripéties multiples, pas toujours agréables, mais souvent amusantes. Elles ont enrichi mon expérience aussi bien que celle du Cher Frère Provincial de Lévis et du Cher Frère Paul Constant, de Kutama, qui m'accompagnaient. D'ailleurs nous avons été bien payés de la fatigue du chemin par le bonheur de pouvoir embrasser les quatre Frères qui, au Nyassaland, sont les auxiliaires des Pères Blancs.

Mtendere, comme Kutama, est un de ces territoires que l'on appelle « réserve », où seuls sont admis à habiter les noirs et les missionnaires. Ceux-ci y ont déjà réalisé un travail considérable. Nos Frères ont 180 élèves, tous d'enseignement primaire, et internes. On espère en porter le nombre à 400.

La construction des locaux, qui est à la charge de la mission, s'est poursuivie sans discontinuer, depuis 1946, date de la fondation. La surveillance étant exercée par les plus grands élèves, avec un sérieux qui étonne, les Frères, quoique peu nombreux, ont l'avantage du pouvoir, en général, se réunir pour les exercices de Règle. Ils disposent pour cela, depuis peu, d'une maison de communauté fort bien adaptée à son objet.

Tous les frais, aussi bien ceux des maîtres que ceux des élèves, sont couverts par les soins du Vicariat. Ceci constitue pour nos Frères une dépendance économique qui exigera toujours, de part et l'autre, un grand esprit de compréhension. Cet esprit a existé, Dieu merci, jusqu'à ce jour à un degré peu commun. Mgr Durrieu, supérieur général des Pères Blancs, en a félicité nos Frères lors d'une visite récente. Je m'associe volontiers à ses félicitations en souhaitant vivement que cette bonne harmonie, indispensable à un apostolat efficace, ne souffre jamais d'éclipse.

Le Cher Frère Provincial de Lévis, qui a passé trois semaines dans la mission, a fait avec Mgr Jullien, vicaire apostolique, divers arrangements qui donneront une grande impulsion à notre œuvre dans ce secteur. Il a été convenu, en effet que, dès septembre prochain, nous prendrions à notre charge l'école normale et les cours d'enseignement secondaire que les Pères dirigent à Likumi, siège du Vicariat. De plus, Monseigneur a bien voulu accepter de faire construire, non loin de l'école de Mtendere, une maison pour le Juvénat que l'on se propose d'ouvrir sans tarder. Ces deux fondations projetées se prêteront un mutuel appui. Le Juvénat préparera des recrues qui, après le Noviciat, pour suivront leurs études à Likumi et deviendront. dans la suite, de bons ouvriers dans ce champ immense où les sectes protestantes et les musulmans prêchent l'erreur aux pauvres païens que le Christ brûle de conquérir. 

MOZAMBIQUE

 Quoique j'aie pénétré dans le Mozambique en me rendant à Mtendere, je n'ai jugé ni nécessaire, ni opportun d'aller jusqu'à Beira où la Province du Brésil Méridional a fondé une école en septembre dernier.

A un moment donné, je n'en étais qu'à 800 kilomètres, mais outre que je connais les quatre Frères qui y travaillent, mon itinéraire était arrêté avant que se fit la fondation dont le Cher Frère Vendelino, provincial du Brésil méridional, avait réglé sur place les conditions.

Cependant il m'a paru utile d'appeler le Cher Frère Directeur de Beira à Salisbury afin de mieux me renseigner sur cette œuvre naissante.

Nos Frères dirigent le lycée officiel qui pour le moment ne comporte que les trois premiers cours d'enseignement secondaire ; on ouvrira les autres au fur et à mesure des besoins et possibilités. Les élèves, au nombre d'une cinquantaine, sont dociles mais, soit par manque d'entraînement, soit à cause du climat débilitant, ne sont pas très ardents au travail. On s'aperçoit cependant déjà des bienfaits de la bonne discipline implantée dans l'école dont Monseigneur l'Évêque se montre très satisfait aussi bien que les autorités civiles et les familles.

Le lycée fonctionne actuellement dans un local provisoire loué par le conseil municipal lequel se préoccupe de la construction d'un édifice ad hoc.

Monseigneur l'Évêque de Beira demande la fondation pour les indigènes d'une école primaire, d'une école normale et dune école d'arts et métiers. S. E. le Cardinal de Lourenço Marques espère également obtenir sous peu des Frères pour diverses fondations. Toutes ces demandes ne pourront être prises en considération que graduellement, mais elles sont une preuve, parmi bien d'autres, du prix que l'on attache, dans les missions, aux services des religieux enseignants. 

AFRIQUE DU SUD

 Nous sommes dans ce pays depuis 1867. Nous y dirigeons dix écoles : neuf pour les blancs et une pour les noirs, avec un total de 4.000 élèves.

Cinq de ces écoles : Inanda et Observatory, à Johannesburg, Rondebosch au Cap, Uitenhage non loin de Port Elizabeth et Pietermaritzburg à 80 kilo-mètres de Durban, ont un internat et externat donnant l'enseignement primaire et secondaire. Deux autres : Durban et Port Elizabeth sont des externats et donnent également l'enseignement primaire et secondaire. Koch's Street, à Johannesburg, et Hatfield Street, au Cap, ne s'occupent que de l'enseignement primaire.

L'école pour noirs est à Orlando (Johannesburg). Deux Frères de la communauté de Koch's Street la dirigent, secondés par des maîtres indigènes. On se propose, dès que ce sera possible, de transformer cette école primaire en secondaire ; un terrain a déjà été acquis dans ce but et le conseil municipal a promis son concours.

On fait également des projets pour la construction, dans la banlieue de Port Elizabeth, d'un internat pour remplacer celui de Uitenhage qui a eu un très beau passé, mais dont le local ne répond plus aux exigences actuelles des familles et des autorités scolaires.

Toutes nos écoles, pour blancs, de l'Afrique du Sud, comptent une forte proportion, en moyenne 47 %, de protestants et de juifs. D'accord avec les évêques, nos Frères admettent de préférence les enfants catholiques afin que l'ambiance de l'école soit favorable à ces derniers. Mais le travail qui se fait auprès des non catholiques n'est pas sans produire d'excellents résultats : certains se convertissent, la plupart des autres se montrent, dans la suite, très tolérants parce que libérés des préjugés de leur milieu.

J'en citerai comme preuve le grand attachement montré aux Frères par leurs anciens élèves à quelque religion qu'ils appartiennent. Ces Marist Old Boys sont organisés en associations locales et en Fédération nationale. J'ai été l'objet, de leur part, de nombreux témoignages de sympathie. Généralement les évêques honoraient de leur présence ces manifestations, et l'un d'eux voyant sans doute mon peu d'enthousiasme pour ces fêtes extérieures m'a dit en substance : « Nous ne sommes qu'une faible minorité de catholiques dans ce pays, mais notre prestige et notre influence sont considérables. Il convient qu'à l'occasion de votre visite on proclame publiquement dans Ies discours des autorités aussi bien que dans les comptes rendus de la presse tout ce que l'Afrique du Sud doit aux Frères Maristes et par conséquent à l'Eglise.»

J'aurais néanmoins regretté le temps passé à certaines fêtes et réceptions si la visite n'avait commencé par une retraite à laquelle ont pris part tous les Frères de la Province et qui m'a fourni l'occasion de m'entretenir avec chacun d'eux.

La veille de mon départ de Johannesburg, une messe pontificale a été célébrée par Mgr Wheelarn, O. M. I., qui, à l'évangile, a rendu grâces au Ciel pour l'excellent travail réalisé en Afrique du Sud par nos Frères. Il a fait un rapprochement fort à propos entre les fils de Mgr Mazenod et ceux du Vénérable Père Champagnat, qui travaillent côte à côte en diverses contrées.

Cette Province, qui a bien mérité de l'enseignement chrétien pendant ses quatre-vingt-deux ans d'existence et qui a devant elle un immense champ d'apostolat, souffre d'une grande pénurie de personnel. Elle tâche d'y remédier par des appels aux Provinces plus fortunées, par le recrutement en Irlande et aussi chez elle. On aimerait à voir s'intensifier ce dernier ; les vingt Frères Maristes Sud-Africains et les nombreux prêtres sortis de nos écoles prouvent que l'on peut trouver des vocations sur place. 

CONGO BELGE

 La Belgique a réalisé une œuvre civilisatrice admirable au Congo dont la superficie égale quatre-vingts fois la sienne. C'est l'honneur de son gouvernement de s'être inspiré, en général, dans cette colonie, des principes chrétiens, s'assurant en bien des entreprises la collaboration des missionnaires.

Notre Congrégation est fière du rôle de premier plan joué par ses enfants, ainsi que des résultats obtenus par eux dans cette magnifique croisade.

Fondé en 1911, le District du Congo compte aujourd'hui plus de 6.000 élèves confiés à 65 Frères qui assurent la bonne marche des œuvres suivantes :

A Léopoldville et à Costermansville, ils secondent, à l'école européenne, les Pères Jésuites qui leur ont confié les cours d'enseignement primaire et de secondaire moderne. Leurs services sont fort appréciés.

A Buta et à Stanleyville, nos écoles ne reçoivent que des indigènes. Il s'y donne l'enseignement primaire, l'enseignement secondaire moderne et l'enseignement professionnel (ateliers du bois et du fer, et de plus, à Stanleyville, une imprimerie).

L'école de Buta est subsidiée par le gouvernement qui prend à sa charge, selon les cas, 60, 70 ou plus pour cent des dépenses. Celle de Stanleyville est officielle, sauf l'imprimerie et une section d'enseignement primaire qui dépend de la mission. Le gouvernement couvre tous les frais de l'école officielle et accorde un subside à celle de la mission.

On prévoit pour le mois de septembre prochain l'ouverture d'une école professionnelle officielle à Costermansville. Le terrain a été déjà choisi, les plans et les devis approuvés. Les constructions et les machines représenteront, pour le gouvernement, une dépense de 40 à 50 millions de francs belges à répartir sur plusieurs années. Un groupe d'élèves, suit, dès à présent, le cours préparatoire à cette école.

 !Une autre chose digne d'être mentionnée au sujet de Costermansville, c'est l'association d'anciens élèves fondée récemment. Aucun de ses membres ne provient de l'école de cette ville qui n'en est qu'à ses débuts, mais on a eu l'heureuse pensée de grouper des anciens élèves de nos diverses écoles indigènes du Congo et demeurant dans la région. Leur groupe est déjà imposant. J'ai eu la joie de les voir nombreux et fiers à la prise d'habit de leurs compatriotes auxquels ils ont offert leurs premières soutanes, moyennant une collecte qui représente de la part de tous une grande générosité et de la part de certains un sacrifice bien méritoire.

A Karhongo, à 30 kilomètres de Costermansville, on donne, comme l'a dit le Bulletin de l'Institut, les enseignements primaire et secondaire moderne. J'ai été très heureux d'assister le 2 février à la première vêture de jeunes Congolais, gage de si riches espérances pour l'avenir. 

L'ouverture du Noviciat entraînera la fondation du Scolasticat que l'on se propose d'organiser en école normale officielle. A côté de nos jeunes Frères trouveront place de futurs maîtres indigènes chrétiens.

Il me reste à parler de Kilo. Il y a là trois Frères qui dirigent une école normale indigène et une école primaire. La première compte 100 élèves, et la seconde, qui lui sert d'école d'application, comporte six classes que fréquentent 230 élèves.

Un contretemps imprévu ayant empêché la petite communauté de se rendre à la retraite de Stanleyville, je craignais de ne pouvoir saluer ces Frères, ce qui m'eût été fort sensible, mais nous avons pu, Dieu merci, nous voir à une escale de l'avion, ce qui m'a causé une grande consolation.

L'école de Kilo a fait et fait encore œuvre très féconde. Que l'on en juge par cet extrait d'un compte. rendu que je cite, non seulement pour dire tout bien que font nos Frères dans cette localité, mais celui qui se fait dans toutes les écoles normales de nos missions.

« … L’œuvre donne pleine satisfaction et aux autorités civiles et aux autorités religieuses. Lors de sa dernière visite, l'inspecteur du gouvernement disait en se retirant : « Votre école normale est la meilleure de la province. » Le gouvernement. demande des instituteurs formés et il les reçoit. Mgr le Vicaire Apostolique demande que ces instituteurs soient, en même temps, des catéchistes instruits et dévoués, et son désir est pleinement satisfait.

« A la rentrée des classes, les Supérieurs des diverses missions du Vicariat envoient à l'école normale le nombre d'élèves désignés selon les places disponibles. Après l'examen de fin d'études, présidé par un délégué du gouvernement, ils reçoivent leur diplôme d'instituteur et vont se mettre à la disposition du Supérieur de leur mission respective. Celui-ci leur confie un emploi en rapport avec les indications envoyées par les maîtres. La plupart sont placés soit dans une école de village, soit à l'école centrale de la mission. Ces derniers, outre leur classe, s'occupent de préparer les enfants chrétiens à leur première communion privée et à la communion solennelle. Pour cette dernière, les candidats doivent séjourner six mois dans la mission, où ils reçoivent deux instructions par jour. Les jeunes maîtres envoyés dans les villages ont, de plus, à préparer les païens au baptême, à réunir, matin et soir, les chrétiens, enfants et adultes, pour la prière en commun. Les dimanches et fêtes, ils (lisent les prières qui remplacent la messe en l'absence du missionnaire. Ils sont, en outre, chargés de la préparation des catéchumènes au baptême, de la visite des malades, du baptême des païens en danger de mort, etc. …. »

Ajoutons que l'école normale de Kilo est aussi une pépinière de vocations sacerdotales et religieuses ; c'est ainsi que, le 2 février, deux de ses anciens élèves ont pris l'habit mariste au Noviciat de Notre-Dame du Congo, tandis que deux autres commençaient leur postulat.

La visite dont je viens de donner un simple aperçu m'a été très agréable. Partout nos Frères se sont montrés heureux de voir leur Supérieur au milieu d'eux et se sont intéressés vivement à tout ce qui a trait à la Congrégation.

En général je n'ai eu qu'à encourager et si, par devoir grave de ma charge, j'ai dû signaler certaines irrégularités, j'ai trouvé chez tous nos confrères un grand désir de répondre à mon instante invitation de rénovation spirituelle. Cette rénovation, ce progrès constant dans la vertu, doit être, en effet, la grande préoccupation de tout Petit Frère de Marie qui veut être un digne ouvrier de l'abondante moisson qui nous attend sur tous les continents et, plus particulièrement, sur celui de l'Afrique.

En conclusion, mes Bien Chers Frères, jetant un coup d’œil sur l'ensemble de nos Provinces qui m'étaient déjà connues ou que je viens ne visiter, je ne puis qu'admirer la pensée géniale et le zèle universel du Vénérable Père Champagnat et vous demander qu'ensemble nous remerciions le bon Dieu et la Sainte Vierge d'avoir permis à notre Congrégation de faire œuvre missionnaire en maints pays trop longtemps privés du bienfait de la vraie foi. 

Notre Mission de Chine

 Je recommande vivement aux prières de tous les membres de l'Institut nos Frères de Chine et leurs Œuvres actuellement menacées de destruction complète par l'avance communiste. Depuis la dernière circulaire, les nouvelles qui nous sont arrivées de ce lointain secteur n'ont cessé d'être mauvaises. Le Bulletin de l'Institut n'a pas manqué ces temps-ci de donner un aperçu d'ensemble des malheurs survenus à nos Frères, dans toute la région du nord, c'est-à-dire principalement Pékin et Tientsin, où nous possédions de belles écoles et où se trouve la maison provinciale. Plus de soixante-dix Frères, en grande majorité chinois, y sont bloqués.

Il faut demander au bon Dieu de venir en aide aux chrétientés de ces régions que dévastent les communistes et plus particulièrement à nos Frères. Ceux-ci dans leurs lettres ne cessent de se recommander à nos charitables prières, ne voyant plus d'espoir que dans le secours du Ciel.

Les pertes matérielles : pillages, confiscations, expulsions, sont sans doute bien fâcheuses mais elles ne sont pas sans l'avantage de nous faire pratiquer, plus qu'en temps de prospérité, la vertu fondamentale de pauvreté. Les pertes spirituelles sont, au contraire, sans compensation ; ce sont relies que nous devons redouter : découragement des ouvriers, perversion des élèves, arrêt de l'évangélisation, pertes dé vocations religieuses, soit des sujets en formation qu'il a fallu rendre aux familles, soit de sujets formés, qui seront peut-être obligés de se disperser si la persécution se prolonge. C'est pourquoi il faut prier ardemment pour que le bon Dieu soutienne nos Frères dans leurs épreuves et écarte de nouveaux malheurs en perspective.

Vous entendrez cet appel, j'en suis persuadé, témoignant ainsi de l'étroite solidarité qui existe entre tous les membres de notre chère famille dont la sympathie doit aller plus particulièrement vers ceux qui en ont un plus grand besoin.

Aux dernières nouvelles, après trois mois de silence derrière le « rideau de fer », des lettres de Pékin ont pu arriver à Shanghai et, ces jours-ci, directement à Saint-Genis. Elles nous disent que quelques écoles primaires ont été autorisées à fonctionner, mais que nos deux établissements secondaires, l'un à Pékin, l'autre à Tientsin, sont, suivant la formule bien connue, devenus propriété du peuple.

Les Supérieurs, il va de soi, se sont préoccupés de venir en aide à nos Frères qui sont menacés de rester sans moyens de vivre.

Le Cher Frère Marie-Nizier, provincial, est bravement resté, malgré ses 70 ans, à l'endroit le plus exposé, au milieu de ses Frères en danger. Il nous écrit que le but avoué et même proclamé des nouveaux maîtres est de détruire le catholicisme. Ils ont renoncé pourtant, du moins ils le disent, à employer la violence, mais ils essayeront d'arriver à leurs fins par d'autres moyens.

C'est donc bien une lutte contre les ennemis spirituels que nos Frères de Chine livrent actuellement, lutte où la prière joue le rôle primordial. 

Érection de la Province

de Cuba-Amérique Centrale

              Très Saint-Père,

 Le Supérieur Général de l'Institut des Petits Frères de Marie et les Membres de son Conseil, prosternés aux pieds de Votre Sainteté, lui exposent humblement la requête suivante :

La prospérité de nos œuvres au Mexique, à Cuba, en Amérique Centrale et en Colombie nous met dans la nécessité de remanier la carte des Provinces existantes.

Jusqu'ici les maisons de Cuba au nombre de dix relevaient de la Province du Mexique et comptaient 140 sujets formés et une douzaine de juvénistes. Les maisons du Salvador et de Guatemala

au nombre de sept comptant 58 sujets dépendaient de la Province de Colombie.

Ces deux groupes d'établissements, détachés de leurs Provinces respectives, peuvent constituer, en y ajoutant deux maisons de formation : Pontôs et Carriôn de los Condes en Espagne où se trouvent environ 75 sujets en formation au compte des susdites Provinces, une nouvelle Province indépendante sous le vocable de Cuba-Amérique Centrale.

Persuadés que cette nouvelle organisation sera de nature à favoriser le développement des œuvres d'éducation chrétienne dans ces contrées, le Frère Supérieur Général et son Conseil supplient Votre Sainteté de vouloir bien accorder l'indult requis par les Saints Canons pour l'érection de cette Province de l'Institut des Petits Frères de Marie.

Et que Dieu…

 En vertu des pouvoirs concédés par Notre Saint-Père, la Sacrée Congrégation préposée aux Affaires des Ordres religieux, vu les faits exposés, a bénignement accordé la faveur demandée, pourvu que soient observées les prescriptions de droit.

Nonobstant toutes choses contraires.

Donné à Rome, le 25 mars 1949.

P. ARC. LARRAONA, .subs.

H. AGOSTINI, Ad. e Studiis

Élections

 Du Frère Procureur Général près le Saint-Siège

Dans la séance du 22 février 1949, le Conseil Général a élu à la charge de Procureur Général près le Saint-Siège, le C. F. ALESSANDRO, en remplacement du C. F. ÉMERY, parvenu au terme de son mandat. 

Du Frère Provincial de la Province de Cuba-Amérique Centrale.

Dans la même séance, le Conseil Général, ayant décidé la constitution de. la Province de Cuba-Amérique Centrale, a élu pour en prendre la direction, le C. F. BRAULIO. 

D'un Frère Assistant Général:

Dans la séance du 26 mars 1949, le Conseil Général ayant à nommer un successeur au C. F. MARIE-ODULPHE, démissionnaire, a élu le C. F. CHARLES-RAPHAEL.  

LISTE des FRÈRES dont nous avons appris le Décès

depuis la Circulaire du 8 Décembre 1948.

  

Noms des Défunts                              Lieux des Décès                                  Date des Décès

 

 F. Nivardus                  Profès temp.   Kujbischew (Russie)                             2 déc.           1944

F. Bonaventure-VictorStable             Apia (Samoa)                                       15 nov.          1948

F. Louis-Célestin      «                       Lujan (Argentine)                                  3 déc.           « 

F. Eloy Maria            Profès perp.    Rafaela (Argentine)                              10      «          « 

F. Girard                    Stable              Saint Geniez-d'Olt (France)                 22      «          « 

F. Paul-Remigius     Profès perp.    Kilmore (Australie)                                24      «          « 

F. Sergius                 Stable              Saint-Paul-3-Châteaux-(France)         31      «          « 

F. Jose Maria           «                       Popayan (Colombie)                            6 janvier 1949

F. Yves                      Profès perp.    Curitiba (Brésil)                                     7       «          « 

F. Gustavo Raul        «                       Poblacion de Soto (Espagne)            8       «          « 

F. Adolphe-ArmandStable              Poughkeepsie (Etats-Unis)                 14      «          « 

F. Paul-Emile            «                       Beaucamps (France)                           17      «          « 

F. Pierre-Paul           «                       N.-D de l'Hermitage (France)              19      «          « 

F. Ernest-Joseph     «                       N.-D de Lacabane (France)                22      «          « 

F. Wilfrid-Mary          «                       Sydney (Australie)                                25      «          « 

F. Marie-Fortuné      «                       Tuy (Espagne)                                       26      «          « 

F. Henri-Euloge        Profès perp.    Roanne (France)                                   1ierfévrier     « 

F. Henri-Gustave      Stable              Mont-Saint-Guibert (Belgique)            2       «          « 

F. Doucelain             Profès perp.    Avellanas (Espagne)                            5       «          « 

F. Emile-Nestor        Stable              Washington (États-Unis)                      7       «          « 

Abbé Jh ANDRILLAT Aumônier      Saint-Genis-Laval (France)                 8       «          « 

F. Marc                      Stable              Nantes (France)                                    11      «          « 

F. Cantidien              Profès perp.    Aubenas (France)                                 14      «          « 

– Paulino Garcia O.  Juvéniste         Querétaro (Mexique)                            19      «          « 

F. François-Régis    Stable              Poughkeepsie (Etats-Unis)                 22      «          « 

F. Alvar                      Profès perp.    Saint-Paul-3-Châteaux (France)         25      «          « 

F. Cesaren                Stable              Avellanas (Espagne)                             2 mars          « 

F. Paulinus                «                       Westmead (Australie)                          5       «          « 

F. Marie-Sébastien  Profs perp       Saint-Genis-Laval (France)                 10      «          « 

F. Léon-Théophile    «                       Aubenas (France)                                 11      «          « 

F. Joseph-Azarie     Stable              Saint-Martin-de-Valamas(France)      18      «          « 

F. Ignatius-John        »                       Eagle Heighls (Australie)                     19      «          « 

F. Louis-Patrice       «                       Salisbury (Rhodésie)                            22      «          « 

F. Charles-Damien  «                       Saint-Etienne (France)                         24      «          « 

F. Nazaire                 «                       Salon de Provence (France)               30      «          « 

F. Henri-Daniel         «                       Chagny (France)                                   7 avril           « 

F. Marcy                    «                       Avellanas (Espagne)                            9       «          « 

F. Adonin                  Profès perp.    St-Paul-3-Châteaux (France)              20      «          « 

F. Marie-AmbrosiniersStable             Montech (France)                                 21      «          « 

F. Evellius                 profès perp.     Mendes (Brésil)                                    22      «          « 

F. Marie-Sabinien    Stable              Beaucamps (France)                           27      «          « 

F. Louis-Fernand     Profès perp.    Saint-Genis-Laval (France)                 30      «           « 

 

 La présente circulaire sera lue en communauté à l’heure ordinaire de la lecture spirituelle.

  Recevez, mes Bien Chers Frères, la nouvelle assurance du religieux attachement de

  Votre très humble et tout dévoué serviteur,

                                    Frère LEONIDA Supérieur Général.

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