Circulaires 331

LĂ©onida

1950-12-08

Souhaits, 405. - Recrutement et culture des vocations 407. - Pourquoi recruter ? 408. - Nombre et qualité, 411. - Qui doit travailler au recrutement? 413. - Faut-il des recruteurs attitrés ? 416. - Recrutement dans nos écoles, 416. - Principaux motifs du recrutement dans nos écoles, 417. - Conditions que doivent remplir les aspirants, 423. - Moyens d'assurer un bon recrutement, 432. - Peines et consolations du recruteur, 448. - Cause de béatification du Vénérable Fondateur, 454. - Visite de délégation à la Province de Norte (Espagne), 457. -Visite à la Province de Grande-Bretagne et Irlande, 466. - Élections, 472. - Liste des défunts, 473

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V. J. M. J.

       Saint-Genis-Laval le 8 décembre, 1950.

Fête de l'Immaculée-Conception.

                     MES BIEN CHERS FRÈRES.

 L'Année Sainte est à son déclin ; on a vu accourir à Rome des multitudes venant de tous les points de la chrétienté ; on a beaucoup parlé de la ferveur des fidèles dont le nombre à certains jours s'élevait à des centaines de mille de la splendeur incomparable des cérémonies présidées par le Souverain Pontife, des acclamations enthousiastes et autres témoignages d'amour filial dont l'auguste représentant du Christ sur la terre a été l'objet.

Si ce que la presse, la radio et l'écran nous ont appris de ces manifestations est exaltant, comment exprimer les émotions ressenties par les heureux pèlerins qui ont eu, de plus, le bonheur de franchir la Porte Sainte, de faire les visites prescrites et de s'incliner sous la bénédiction du Saint-Père ? Échappent aussi à nos investigations les grâces abondantes obtenues par ces pieux pèlerins et par tous ceux qui les accompagnaient de leurs prières et de leurs bonnes œuvres en s'unissant aux multiples intentions du Pape.

Ces grâces se sont déversées non seulement sur les individus, mais encore sur l'Église et la Société. De ce fait, à nous tous qui avons l'immense avantage de croire, l'année 1950, malgré le malaise social et les bruits de guerre où nous vivons, laissera le souvenir d'un événement particulièrement glorieux et fécond.

Ces manifestations religieuses nous ont élevés dans une atmosphère de calme et de sérénité où les valeurs spirituelles ont la primauté, où l'on échappe au matérialisme envahissant du monde actuel et aux discordes qui maintiennent les peuples dans un pénible et interminable cauchemar.

Mais, bien que considérable, le nombre des pèlerins de Rome et de ceux qui, pour divers motifs, ont pu gagner le Jubilé sans être astreints à ce déplacement, ne représente qu'une minorité du peuple chrétien. C'est pourquoi l'Eglise, toujours maternelle, se dispose à étendre la grâce du Jubilé au monde entier, et pour toute l'année 1951. Chacun de nous sera heureux de profiter de cette insigne faveur, en satisfaisant aux conditions requises.

Toutefois nous ne nous bornerons pas à ce qui sera strictement exigé : visites aux églises, prières, réception des sacrements, etc. … Nous nous appliquerons à mener une vie plus fervente, nous attachant surtout à la pratique plus parfaite de la piété, de la charité et de la régularité.

C'est, mes bien chers Frères, le principal souhait que je forme pour vous ; il se résume ainsi : « Que cette année jubilaire marque pour chaque Petit Frère de Marie un sérieux progrès dans la perfection.» En cela consistera notre retour à Dieu indiqué par le Saint-Père comme objet primordial du Jubilé, car un tel retour n'est pas seulement nécessaire aux âmes éloignées de Dieu par l'erreur ou le péché, mais encore aux religieux dont les liens des vœux, les unissant au divin Maître, risquent trop souvent, hélas ! de se relâcher.

Pour atteindre le but que je vous signale, il faudra des efforts et des renoncements pénibles à la nature, mais Notre-Seigneur nous aidera par sa grâce dans la mesure de notre générosité. Nous devons compter aussi sur une spéciale assistance de la Très Sainte Vierge. La proclamation du dogme de son Assomption glorieuse au Ciel a comblé d'allégresse nos cœurs de fils aimants. Que ce riche joyau ajouté à sa couronne accroisse notre confiance en sa maternelle protection !

Quoique préoccupés d'abord de notre retour personnel à Dieu , nous n'aurons garde d'oublier le prochain. Nous demanderons à Notre-Seigneur qu'il réalise au plus tôt son désir de ne voir dans le monde qu'un seul troupeau et un seul Pasteur. Mais, comme c'est surtout par la formation chrétienne de l'enfance et de la jeunesse que la société sera ramenée à Dieu, nous nous efforcerons de lui procurer des maîtres chrétiens, nous adonnant avec le plus grand zèle, pendant cette année jubilaire, au recrutement des vocations, tâche belle entre toutes et plus urgente que jamais. 

Recrutement et culture des vocations

 La Commission qui, au dernier Chapitre Général, s'est occupée du recrutement, y voit, avec raison, une question vitale pour l'avenir de l'Institut. Aussi, tout en reconnaissant que la plupart des Frères se préoccupent de découvrir et de cultiver des vocations, elle formule le désir de voir cette préoccupation se généraliser encore davantage afin que chacun s'assure, par tous les moyens possibles, un ou plusieurs remplaçants.

C'est pour vous aider à réaliser ce souhait que je vous livre ces quelques considérations. Dieu veuille qu'elles suscitent parmi vous un nouvel élan pour trouver des aspirants dans les divers milieux susceptibles d'en fournir, mais surtout dans nos écoles.

Le sujet étant trop vaste pour être étudié ici sous ses divers aspects, je me bornerai à examiner les points plus particulièrement pratiques pour nous, d'autant plus que les livres traitant du recrutement et capables de vous orienter dans ce travail délicat, se multiplient de plus en plus. Je leur ai fait maints emprunts et il est à souhaiter que toutes nos bibliothèques possèdent un bon choix de ces ouvrages. 

Pourquoi recruter ?

 Parce que Dieu le veut. II veut que des âmes nombreuses embrassent la vie religieuse afin que, non seulement les commandements, mais encore les conseils évangéliques soient observés. Il désire de même que lus hérauts de la vérité se multiplient dans le monde, afin que partout soit prêchée la Bonne Nouvelle apportée par son Divin Fils.

L'Eglise, qui invite fortement les laïcs à s'enrôler dans l'Action Catholique et à seconder le clergé, veut tout spécialement que les religieux éducateurs se recrutent, se multiplient, et deviennent ses auxiliaires les plus précieux dans son travail d'apostolat.

Notre Congrégation, dont la raison d'être est la sanctification de ses membres et l'apostolat par l'école, éprouve un ardent désir de rénovation et de progrès qui lui permette de remplir toujours mieux sa sublime mission. Mais elle a absolument besoin, pour cela, de constants apports de vie, c'est-à-dire de nouvelles recrues qui réparent ses pertes et accroissent ses effectifs.

Affligé, comme l'Église, à la vue de la multitude d'âmes qui sont privées du pain de la vérité, notre Institut voudrait être à même de le distribuer aux enfants du monde entier, car « tous les diocèses, entrent dans ses vues ». Il voudrait pouvoir répondre aux nombreuses demandes de fondation qui lui viennent, tantôt de régions où nous sommes déjà établis et tantôt de pays de mission en plein essor, ou à l'école chrétienne décuplerait l'action des prêtres ; mais, où trouver les milliers d'ouvriers que cela exigerait ? Car c'est un fait avéré que toutes les Provinces quoique à des degrés divers, éprouvent le besoin de plus nombreux sujets.

Ici, la sécularisation la persécution, la guerre ont, sinon tari, du moins rendu déficitaire le recrutement, au point qu'on ne parvient pas toujours à combler les vides et que l'on se voit parfois dans la triste nécessité de fermer des écoles. Là, les religieux sont plus nombreux, mais les œuvres se sont développées à une cadence telle qu'on n'a pu leur fournir le personnel nécessaire. Aussi, a-t-il fallu, dans bien des cas, soit recourir à des auxiliaires civils, soit voir les Frères s'astreindre à un travail excessif au détriment de leur santé et de leur vie spirituelle.

Ajoutons que, Dieu merci, on est partout de plus en plus convaincu de la nécessité d'assurer à nos religieux une formation plus longue et plus complète ce qui exige une augmentation de sujets. Ces considérations nous permettent d'affirmer qu'il n'est pas de secteur de la Congrégation où l'on ne puisse redire avec Notre-Seigneur : « La moisson est abondante mais les ouvriers sont en petit nombre » (Matth. IX, 37) et avec notre Vénérable Fondateur : « Il nous faut des Frères ! » C'est dans cette conviction, mes bien chers Frères, que je fais mien et que je vous transcris l'appel véhément lancé autrefois par deux des Frères Assistants qui ont le mieux servi la Congrégation et dont on devine, à ces lignes, le zèle ardent.

Le Frère Pascal écrivait en 1860 à un Frère Visiteur : « Mon cher Frère, il faut que nous trouvions des novices. Allons, nous aussi, selon l'invitation du Divin Maître, dans les carrefours, dans les places publiques, le long des haies, et forçons les gens d'entrer, jusqu'à ce que la salle du festin soit pleine, c'est-à-dire que le nombre des bons Frères soit en rapport avec celui des demandes. Allumons le feu divin, le saint zèle chez nos Frères, chez tous, mais surtout chez nos bons Directeurs. Ce sont eux qui, mieux que tous les autres, peuvent nous comprendre ; ce sont eux qui peuvent nous trouver et nous préparer de bons sujets. » (Biographies, p. 306.)

Le Frère Norbert écrivait à son tour, en 1877 : « Je vous en supplie donc, mon cher Frère Directeur, ainsi que tous vos Frères, au nom de notre chère Congrégation, au nom de Marie, notre bonne et tendre Mère, et de saint Joseph, notre Protecteur ; pour le salut des enfants qu'il faut instruire chrétiennement, et des jeunes gens que vous soustrairez aux illusions du monde ; pour l'amour et la gloire de Dieu, priez que le Maître de la moisson envoie des ouvriers à sa moisson et agissez de votre côté avec courage et constance, afin de seconder l'action de la divine Providence qui veut lien se servir de nous pour être les instruments de sa miséricorde.

… Permettez-moi d'espérer, mon cher Frère Directeur, que vous nous viendrez en aide et que, par la grâce de Dieu et la protection de Marie, l'année ne se passera pas que vous ne nous ayez amené quelques bons postulants. » (Biographies, vol. IV.) 

Nombre et qualité.

 En vous engageant à un recrutement plus abondant, je ne prétende pas, mes bien chers Frères, vous faire rechercher le nombre au détriment de la qualité, mais plutôt le nombre pour mieux assurer la qualité. En effet, quand le nombre manque, non seulement la formation des aspirants risque d'en souffrir, parce qu'il est plus difficile de bien organiser les études, mais on est, de plus, exposé, à cause de besoins urgents, à abréger la formation ou à être moins sévère qu'on ne le devrait dans l'admission des candidats, gardant pratiquement tous ceux qui n'insistent pas pour se retirer. De la sorte on favorise sans s'en douter peut-être, la médiocrité religieuse de l'ensemble et l'on se prépare, pour plus tard, des défections qui, en se multipliant, porteront les religieux tièdes à minimiser l'importance des promesses faites à Dieu et à tenir pour affaire secondaire la persévérance jusqu'à la mort dans la vocation.

Précisons encore cette idée du nombre et de la qualité, en disant qu'on ne saurait approuver que, pour faire nombre, l'on admette les recrues sans se préoccuper suffisamment de leurs aptitudes, sous réserve d'évincer à bref délai ceux qui n'auront pas les qualités requises. On s'expose ainsi à des départs massifs qui peuvent ébranler parfois de bons aspirants et créer, dans certaines paroisses, un courant contraire au recrutement.

Serait-ce complètement inexact de dire qu'en raison des trop nombreux retours d'aspirants chez eux, des localités, autrefois riches en vocations, ont cessé d'en fournir et qu'en d'autres endroits, les parents ne se font pas scrupule d'envoyer leurs enfants au Juvénat, dans le but bien arrêté de les faire instruire à peu de frais ? Tant d'autres l'ont fait qu'on n'y voit aucun mal.

Et, puisque nous touchons ce point de la sortie ou du renvoi des sujets, il ne sera pas hors de propos d'insister pour que, autant qu'il dépend de nous, ni les juvénistes, ni les Postulants ni les Frères qui retournent dans le monde n'aient des motifs légitimes de plainte contre la Congrégation. Qu'il n'y ait rien de blessant dans le libre départ ou l'exclusion du sujet. Plus les motifs sont graves et plus aussi la discrétion s'impose. Sans admettre des droits souvent inexistants, qu'on soit, plutôt généreux dans le trousseau ou l'argent à fournir. Certains sujets partis en bons termes sont devenus des auxiliaires des Frères recruteurs, collaboration qu'on ne saurait attendre de cœurs ulcérés par des procédés durs ou indélicats.

Remplissons nos juvénats et nos Noviciats, ouvrons-en d'autres au besoin, mais, comme au festin des noces, exigeons avant  tout que les invités, d'où qu'ils viennent, aient la robe nuptiale, c'est-à-dire à un degré suffisant les conditions requises ; nous obtiendrons ainsi les avantages et nous éviterons les inconvénients que-nous venons, de signaler. 

Qui doit travailler au recrutement ?

 Le recrutement ne saurait être l'apanage de quelques-uns qui en seraient les spécialistes. C'est un devoir pour tous les Frères. Tous, en effet, nous pouvons susciter des vocations tout au moins par nos prières, nos sacrifices et l'offrande de notre travail ; et nous ne chercherons pas à nous soustraire à ce devoir si nous sommes pénétrés de la grandeur de notre vocation et reconnaissants envers Dieu qui nous l'a donnée.

Que dans toutes les communautés, dans toutes les classes aussi bien que dans nos maisons de formation et de retraite, on fasse des neuvaines, des visites au Saint-Sacrement, des chemins de croix et autres prières à cette intention. Que chacun accepte ou s'impose dans ce même but des sacrifices.

Qu'à cette même nos Frères anciens et nos chers malades offrent généreusement leurs infirmités et leurs souffrances. Le trait suivant, publié par les Echos de Famille de Saint-Paul-Trois-Châteaux, est bien fait pour les y engager. «Vers le fin de janvier 1870, un jeune Frère se mourait à l'infirmerie de notre maison provinciale. Résigné et fervent, il n'avait pas peur de quitter la vie prématurément, mais une pensée l'obsédait et voilait son front de tristesse. Il ne voulait pas s'en aller avant qu'un compatriote ne fût venu le remplacer dans sa famille religieuse. Il demandait cette faveur à la Bonne Mère avec instance, et cependant il sentait ses forces décliner rapidement.

 « Arrive Ie jour de la Purification. Avant de recevoir la sainte Communion, il renouvelle le sacrifice de sa vie en faveur de la recrue si ardemment désirée. Voilà que dans la matinée un postulant se présente pour être admis au Noviciat. Il venait précisément du pays natal du Frère agonisant. Celui-ci le reconnaît, lui prodigue ses félicitations et lui donne rendez-vous au Ciel. Ce candidat était celui qui, sous le nom de Frère Candidus, devait devenir notre premier Procureur Général près le Saint-Siège. »

Bien des Frères remplissent ce devoir du recrutement qui, je le répète, nous incombe à tous, en attirant à leur suite des membres de leur famille ou des connaissances. D'autres profitent des visites au pays natal pour chercher des vocations, tandis que certains font malheureusement dans ces mêmes visites, un travail inverse par une conduite trop peu religieuse.

On a pu écrire du Frère Firmin († 1893) : «Il aurait voulu voir toute sa parenté embrasser, comme lui, la vie religieuse bien différent en cela de ce Frère à qui Frère Pascal adressa une verte semonce pour avoir écrit à son jeune frère qui pensait à se faire religieux : « Si tu es bien dans le monde, restes-y. » (Biographies, vol. III, p. 75.)

« Sans être chargé du recrutement, nous dit-on du Frère Algis († 1925), il s'y intéressa toute sa vie. Il attira d'abord son frère ; puis ce fut le tour de plusieurs cousins et pas mal de compatriotes. Vers la fin de sa vie, il avait étendu son rayon d'action autant que le lui permettaient ses rares sorties et ses vieilles jambes, ralenties par les infirmités. » (Biographies, vol. IV, p. 118.)

Mais, c'est spécialement aux Frères qui ont le plus de rapports avec les élèves qu'il appartient de recruter des vocations. Ce devoir est exprimé par les Règles Communes en ces termes : « Afin de susciter un plus grand nombre d'ouvriers apostoliques, ils se font un devoir de parler à leurs élèves de l'importance du choix d'un état de vie, s'efforçant d faire germer et de cultiver les vocations sacerdotales et religieuses. Ils auront particulièrement à cœur de discerner les enfants pouvant convenir à notre Institut, pour les diriger, au moment propice, vers le Juvénat ou le Noviciat. (Art. 225.)

Les Règles du Gouvernement ajoutent : « L'école chrétienne doit être une pépinière de vocations sacerdotales et religieuses et c'est principalement au Frère Directeur à les cultiver. Pour connaître et préparer les âmes que Dieu se choisit, il prendra tous les moyens que peut suggérer un zèle prudent et surnaturel. » (Art. 481.)

Nous lisons dans les mêmes Règles cette recommandation au Supérieur en visite canonique : '« Il verra si on prend les moyens que suggère un zèle industrieux pour se procurer de nombreux et excellents postulants et si, par un choix judicieux, on n'admet au Noviciat que des sujets guidés par des motifs surnaturels. » (Art. 397.)

Bien que nous insistions surtout sur le besoin de trouver des sujets pour la belle carrière de religieux éducateur dans notre chère famille mariste, nous nous ferons également un devoir de travailler dans la mesure du possible au recrute-ment sacerdotal. 

Faut-il des recruteurs attitrés ?

 Tandis que la plupart des Provinces nomment des Frères spécialement chargés de faire connaître notre vocation et de chercher des aspirants aussi bien dans nos écoles qu'au dehors, quelques autres Provinces, où un recruteur serait indispensable, n'en ont point ou n'en désignent que d'une façon intermittente à cause de la pénurie de sujets. Parfois aussi, elles confient cette mission à des Frères qui n'ont pas d'aptitudes spéciales pour la remplir. Elles ne veulent pas priver une classe ou une maison d'un professeur ou d'un Directeur qui auraient toutes les qualités requises. C'est faire passer l'intérêt particulier d'une maison avant l'intérêt général de la Province et aggraver la crise de personnel que l'on invoque, car, pour épargner un sujet, on en perd des dizaines d'autres qu'il aurait procurés à l'Institut.

Dans quelques rares Provinces on ne sent pas le besoin de recruteurs, parce qu'on trouve des aspirants en nombre dans nos écoles. C'est là un idéal qu'il faut poursuivre partout. Il sera particulièrement difficile de l'atteindre dans certains pays ; dans d'autres, on y parviendra plus aisément, et le recruteur, si l'on en désigne un, aura surtout pour mission de seconder ou, de compléter' le travail des Frères Directeurs et des maîtres. 

Recrutement dans nos écoles.

 En insistant sur le recrutement dans nos écoles, veut-on dire par là qu'on ne puisse trouver ailleurs d'excellents candidats et qu'on doive renoncer à les y chercher ? Non, assurément ; il y a des vocations de choix dans les milieux les plus divers, mais il est hors de doute qu'il y a de réels avantages à les susciter de préférence parmi nos élèves.

Nous n'avons pas toujours su exploiter suffisamment, par le passé les ressources en vocations qu'offrent nos écoles. On l'a surtout négligé là où les recruteurs trouvaient facilement des aspirants hors, de chez nous : ils en trouvaient souvent plus que ne pouvaient en recevoir les maisons de formation. Ce même motif portait les maîtres à se désintéresser du recrutement dans leur classe, n'en comprenant pas les précieux avantages. On les apprécie beaucoup mieux aujourd'hui et je constate avec plaisir que la plupart de nos périodiques des Provinces insistent sur ce point et donnent d'excellentes directives.

C'est pour seconder cet heureux mouvement que je vais vous entretenir :

I. Des principaux motifs du recrutement dans nos écoles ;

II. Des conditions que doivent remplir les aspirants ;

Ill. Des moyens d'assurer, un bon recrutement ;

IV. Des peines et des consolations du recruteur

I. Principaux motifs du recrutement

dans nos écoles.

 Nous devons chercher des vocations dans nos écoles parce que ce recrutement est généralement plus facile. Les Frères chargés de trouver des aspirants dans d'autres milieux peuvent dire parfois avec Frère Marie-Emeric ( † 1932) : "Je suis reçu à bras ouverts par ces bons prêtres qui tous m'encouragent. » Mais, comme lui aussi, ne doivent-ils pas plus souvent encore s'écrier : « Que la vie de recruteur est pénible ! Il faut, non seulement une bonne santé, mais de l'esprit de foi, de la confiance en Dieu, et pas mal d'optimisme pour résister aux déceptions. » (Biographies, vol. IV, p. 128.)

Ce recrutement, en effet oblige à des courses fatigantes et souvent infructueuses. On doit demander une hospitalité qui sera parfois accordée de mauvaise grâce. Certaines familles, peu nombreuses ou dépourvues d'esprit chrétien, ne permettent pas à leurs enfants d'embrasser la vie religieuse. Lorsque, dans d'autres milieux, les conditions sont plus favorables, il arrive que les séminaires y puisent abondamment, les recruteurs de diverses Congrégations s'y succèdent nombreux, et l'on n'y glane que fort peu d'aspirants.

Le recrutement dans nos écoles ne présente pas tant de difficultés car, Dieu merci, parmi les parents de nos élèves nous trouvons généralement, plus qu'ailleurs, de bons chrétiens disposés à donner à Dieu quelqu'un de leurs enfants s'il le leur demande. D'autre part, grâce aux enseignements reçus dans la famille et à l'école, nos élèves sont plus aptes à comprendre le prix de l'âme, le besoin de la soustraire aux dangers du monde et d'utiliser au maximum les dons reçus de Dieu. Que peut-on attendre des enfants qui fréquentent l'école neutre et dont les âmes sont exposées à se dessécher dans une atmosphère vidée de surnaturel ? Comment espérer que la vie religieuse les attire ?

Le recrutement dans nos écoles est le meilleur, car les enfants nous sont connus personnellement et non par de simples références parfois intéressées. Nous pouvons leur parler fréquemment, sonder leurs goûts, leurs aspirations, mettre à l'épreuve leur vertu. Étant les témoins constants de notre genre de vie, il leur sera facile de voir s'il leur convient.

Leur préparation religieuse et intellectuelle est habituellement meilleure que celle des aspirants venus d'ailleurs. De plus, ils sont habitués à nos méthodes d'enseignement et de discipline, ce qui facilite leur adaptation au règlement du Juvénat ou du Postulat et contribue ensuite à leur formation professionnelle. Rien d'étonnant, dès lors, si les statistiques prouvent que la moyenne de la persévérance est plus élevée parmi les recrues venues de nos écoles que parmi les autres.

Nous devons également travailler à cette œuvre pour remplir l'obligation que nous avons d'orienter nos élèves dans le choix d'une vocation, comme nous le rappelle l'article 225 des Règles Communes, cité plus haut. Il ne suffirait pas, en effet, de développer leurs facultés et leur conscience afin de préparer ainsi des valeurs humaines. Notre rôle essentiel est de tendre à la formation et à l'orientation religieuse de nos élèves. Nous devons en faire d'abord des chrétiens et, de plus, favoriser l'éclosion des germes de vocation que Dieu a semés et dont beaucoup seraient exposés à se perdre si nous n'avions le souci de les cultiver.

« Il faut que nous tenions à honneur d'inscrire dans le livre d'or de nos collèges et de nos écoles, comme le dit le P. Delbrel, non seulement un bon nombre de bacheliers, ce qui est très bien, non seulement le nom de ceux de nos élèves qui se sont sacrifiés pour la Patrie, ce qui est mieux mais aussi, le nom de ceux qui se sont faits prêtres ou religieux et sont des Apôtres que nous avons donnés à l'Église et à Jésus-Christ, ce qui dépasse tout le reste. »

Cherchons des sujets pour notre institut non seulement dans les écoles pauvres et de campagne, mais encore dans les externats payants et les pensionnats. On croit parfois devoir s'en abstenir en alléguant que dans ces milieux, les élèves, généralement plus habitués au bien-être, seront sourds à l'appel de Notre-Seigneur. On oublie qu'on doit les aider comme les autres à choisir leur voie et que souvent Dieu trouve parmi eux des âmes généreuses dont la vocation est d'autant plus certaine que, pour l'embrasser, ils ont dû renoncer à de plus grands avantages matériels.

Si c'est une grave erreur de ne pas chercher des vocations d'abord parmi nos élèves en général, c'en est une autre de renoncer à en trouver parmi les élèves des classes supérieures. Une formation sérieuse et complète doit faire connaître aux adolescents les diverses carrières qui s'ouvrent devant eux. Ils entendent des conférences sur le commerce, l'industrie, la médecine, la jurisprudence, l'armée, la marine, etc. Ce serait trahir notre mission que de borner leurs aspirations à une situation temporelle, quelque brillante qu'elle soit. Parmi les vocations possibles, il importe de leur faire apprécier les plus élevées, comme pouvant le mieux assurer leur salut personnel et en faire des apôtres utiles à l'Église et à la Société.

Les jeunes gens des classes supérieures, se déterminant en parfaite connaissance de cause, sont moins exposés aux velléités d'enfants tournés parfois vers la vie religieuse par un enthousiasme passager. Leur résolution de se consacrer à Dieu indique, la plupart du temps, qu'ils ont su veiller à la garde de leur cœur pour fuir le mal. L'âge critique, s'il n'est pas déjà passé pour eux, les éprouvera moins que ceux qui, n'ayant pas une expérience suffisante de la vie, sont plus enclins à se laisser captiver par les mirages de l'imagination.

Etant plus aptes à raisonner leurs motifs d'embrasser la vie religieuse et à répondre aux objections possibles, ils sauront, à l'occasion, vaincre la résistance de leurs parents. Enfin, leur maturité leur donnant de l'influence sur les autres aspirants contribuera à créer chez tous une atmosphère de sérieux dans la conduite et dans la façon d'envisager les buts de la vie religieuse. C'est ce qu'affirment les Maîtres des Novices des diverses Provinces qui comptent des postulants venus directement des classes supérieures.

Je ne voudrais pas, mes bien chers Frères, que ce qui précède diminue à vos yeux l'importance des Juvénats. S'il est des jeunes gens qui persévèrent, jusqu'à l'âge de passer au postulat, dans leur dessein de se faire religieux, il en est bien d'autres dont la vocation a sombré pour avoir trop différé de s'engager à la suite du Divin Maître.

Sans doute les postulants venus directement de chez eux offrent-ils de réelles garanties par suite des dangers et des obstacles qu'ils ont surmontés, mais lorsque le Juvénat est conduit sérieusement, n'éprouve-t-il pas encore mieux les sujets que la vie de famille ou de collège ? Quant aux études, ne peuvent-elles pas y être plus poussées et plus formatrices qu'ailleurs ? Nous pourrions dire de même que si l'âge rend certains candidats plus aptes à comprendre leurs maîtres, il en est d'autres auxquels les années passées dans le monde ont donné une tournure d'esprit et des habitudes défectueuses qu'on ne parvient pas toujours à modifier. En résumé, recrutons parmi les grands élèves, soyons heureux de les accueillir, mais continuons à mettre surtout nos espoirs dans nos Juvénats, comme les Évêques qui, tout en acceptant volontiers des vocations tardives, comptent encore plus sur leurs petits séminaires.

Le recrutement dans nos pensionnats et parmi les élèves les plus avancés nous obligera parfois à améliorer l'installation matérielle des maisons de formation et à y établir des programmes d'études plus complets. Sans nous départir de notre esprit de pauvreté et de simplicité, faisons les adaptations jugées nécessaires. N'exposons pas des recrues de choix au découragement par l'idée amoindrie, et par conséquent inexacte, que dès l'abord elles pourraient se faire de la Congrégation..

J'ajouterai que nulle part nous ne devons admettre la formule des découragés et des paresseux qui disent : « Ici, il n'y a rien à faire : les enfants ne témoignent ni goût ni estime pour la vie religieuse. » C'est une façon commode de se dispenser de travailler au recrutement. Dieu, qui des pierres peut susciter des enfants d'Abraham, se choisit des disciples où il veut ; il les choisira également dans nos classes si nous secondons l'action de la grâce dans les âmes.

Parcourons de temps en temps la liste de nos élèves et demandons-nous s'il n'y a pas chez tel ou tel des germes de vocation religieuse. Quand les séminaires et diverses Congrégations trouvent des recrues dans nos établissements, est-on fondé à dire qu'on ne pourrait y trouver des aspirants pour notre Institut ? Dans bien des écoles il n'y avait rien à faire tant que des religieux zélés ne furent pas là pour susciter des vocations et des acheminer vers lé Juvénat ou le Postulat. Il n'y avait rien à faire dans certains pays ; des prêtres et des religieux, découragés ou trop enclins à ne voir que les défauts de leur patrie d'origine ou d'adoption, le répétaient à satiété : c'était devenu un axiome que nul n'osait contredire. Mais, lorsqu'une Congrégation eut commencé à faire du recrutement, dix autres virent tomber leurs préjugés et se décidèrent à chercher des aspirants. Leurs efforts ne furent pas infructueux et l'auraient-ils été qu'on ne saurait oublier, qu'un travaillent, à longue échéance, dont peut-être on ne verra pas le résultat immédiat, n'est pas pour autant inutile. Du moins prépare-t-on le milieu pour que, plus tard, les élèves d'aujourd'hui, devenus chefs de famille, donnent plus facilement leurs enfants au bon Dieu. 

II. Conditions que doivent remplir les aspirants. 

On doit porter son choix sur des sujets qui ont les aptitudes voulues et une intention droite. Ces deux conditions suffisent, mais sont indispensables. Il ne faut jamais perdre de vue dans ce choix les intérêts de la Congrégation et, par conséquent, on écartera les candidats chez qui on reconnaîtrait de graves déficiences. On n'écoutera pas la voix du sang qui ferait admettre des jeunes gens de sa parenté ne présentant pas les garanties suffisantes et l'on se tiendra en garde contre une sympathie naturelle qui porterait à voir chez certains enfants des qualités qu'ils n'ont pas. On devra, de même. résister aux instances de personnes que l'on reconnaîtrait trop intéressées humainement à l'admission d'un candidat.

Les Constitutions et les Règles du Gouvernement donnent de sages directives auxquelles on se sou-mettra. Il est facile de s'assurer si les conditions dont la dispense relève du Saint-Siège sont rem-plies ; mais il n'en est pas de même pour les autres, et seule une grande prudence fera éviter aux recruteurs des erreurs capables de causer plus tard de sérieuses difficultés.

Cependant, bien que la vie religieuse soit une école de perfection, on ne doit pas demander aux enfants qui s'y destinent une vertu qui n'est pas de leur âge. D'autre part, l'expérience prouve que tout enfant normal moyennement doué, pieux et docile, accoutumé de très bonne heure à faire effort et à se vaincre, peut un jour, avec la grâce de Dieu, devenir un bon Frère.

On sera particulièrement indulgent pour 'les défauts dont on peut raisonnablement espérer la correction pendant les années de formation. En examinant jusqu'à quel point les candidats rem-plissent les conditions exigées, on tiendra surtout compte de ce qui est essentiel et on se déterminera plutôt par une appréciation d'ensemble que par des détails d'ordre secondaire. Cela suppose que les recruteurs et les formateurs possèdent assez de psychologie pour éviter aussi bien une indulgence excessive qu'une trop grande rigueur dans l'admission des recrues.

Dès avant l'admission au Juvénat, on devra connaître suffisamment les dispositions de l'aspirant, sa famille, sa santé, ses qualités d'esprit et de cœur, ainsi que son caractère.

La disposition essentielle d'un candidat est son désir, sa volonté de devenir religieux dans notre Congrégation. Si elle manque, on ne peut rien se promettre de définitif. Cet attrait n'est pas identique chez tous les candidats ; il peut varier avec les tempéraments, mais chez tous il doit être accompagné d'une volonté ferme d'être religieux, car le bon Dieu ne veut pas qu'on le serve par force. Au début, les motifs de cette détermination peuvent ne pas être très élevés, il ne faut pas s'en étonner. Au cours des années de formation, les instructions entendues par l'aspirant, ses propres réflexions et surtout la grâce divine, lui feront mieux connaître et apprécier l'excellence et le but de la vocation qu'il veut embrasser.

Quand un enfant se sent attiré vers une autre famille religieuse ou vers le sacerdoce, il ne faut pas contrarier cet attrait par une trop grande insistance, car la vocation est un appel de Dieu qu'il n'appartient pas à l'homme de modifier. On peut éclairer le candidat, mais sans faire pression sur lui. Un ancien élève du Frère Kentigern († 1933), aujourd'hui Vicaire Général, écrivait récemment en parlant de son professeur vénéré : « Religieux passionné de sa vocation, il n'a jamais dit un mot ni fait un geste, qui auraient pu orienter vers son Noviciat ceux qui partaient au Séminaire… » Méconnaître ces principes constitue une grave imprudence susceptible de nuire à l'avenir de l'enfant et aux intérêts de la religion. Ceci est valable, non seulement pour l'admission au Juvénat, mais encore pour chaque nouvelle étape de la vie religieuse.

En ce qui concerne la santé, les Règles du Gouvernement, à l'article 9, indiquent « qu'il faut un tempérament sain et assez robuste qui permette de se livrer à l'étude et de supporter la vie sédentaire. On se gardera de recevoir des aspirants atteints de maladies héréditaires, comme la tuberculose ; d'infirmités habituelles, comme l'épilepsie, les palpitations ; ayant des difformités trop apparentes, ou la vue trop faible, l'ouïe trop dure ».

Pour la mise en pratique de ces sages prescriptions, on peut recueillir soi-même des données utiles, mais il est indispensable de recourir à un médecin méritant tout crédit et ne pas se contenter de certificats de complaisance. De plus, les fiches de santé seront tenues à jour, pendant toute la durée de la formation.

Dans un ouvrage récent et très apprécié, un prêtre, qui est à la fois docteur en théologie et en médecine, donne sur l'admission des candidats au sacerdoce des conseils très pratiques et d'une haute valeur scientifique qui s'appliquent tout aussi bien à l'admission des aspirants à la vie religieuse. « Il faut, dit-il, avoir le clergé le plus résistant physiquement, le mieux préparé et le plus solide au point de vue psychique, le meilleur par le corps et par l'esprit.» (Joseph GERAUD, Contre-indications médicales à l'orientation vers le clergé.)

La famille doit être honorable et chrétienne, jouir d'une bonne réputation sons le rapport des mœurs et de la probité, n'avoir pas de tare héréditaire. Ces conseils s'inspirent de ces paroles de Notre-Seigneur : « Cueille-t-on des raisins sur des épines et des figues sur les ronces ? Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits ni un arbre mauvais porter de bons fruits. » (Matth., VII, 16, 18.)

Il est à craindre que les parents qui manquent de convictions religieuses réclament leurs enfants lorsqu'ils seront grands, instruits, capables de leur être utiles. En tout cas, on ne peut compter sur de tels parents pour encourager des vocations chancelantes. Et cependant, combien de religieux n'auraient pas persévéré sans les conseils d'un père ou d'une mère, ou tout au moins sans la crainte de les affliger par leur défection !

Les familles nombreuses sont généralement mieux disposées à donner au bon Dieu un ou plusieurs de leurs enfants, car il en restera d'autres pour continuer la lignée, hériter du champ, de l'atelier, du négoce. Mais s'il n'y a qu'un enfant, outre que les parents s'en séparent plus difficilement, ce sera souvent un enfant trop choyé, mal préparé à une vie de renoncement. Gardons-nous cependant de principes trop absolus, car l'Esprit de Dieu souffle où il veut.

Quant à la situation de fortune, il n'est pas nécessaire que les parents soient riches, mais il ne faut pas qu'ils soient tellement pauvres qu'ils soient obligés plus tard de réclamer leurs enfants pour leur servir de soutien.

L'aide économique à demander aux parents variera avec les pays et les milieux. Il convient qu'ils participent aux frais de formation, dans la mesure où ils l'auraient fait si leurs enfants étaient restés à la maison, mais la question d'argent devra toujours rester secondaire, dès qu'il s'agit d'un aspirant bien disposé et de parents désintéressés. Inspirons-nous de l'exemple de notre Vénérable Fondateur : « Ce n'est pas l'argent qui nous manque, disait-il, mais les bons sujets », et il accueillit avec joie un postulant qui n'avait qu'une pièce de vingt sous pour couvrir ses frais de pension, mais qui manifestait un grand amour pour lai Sainte Vierge.

Dans ce même ordre d'idées on pourrait admettre à des taux réduits, dans nos écoles payantes, des enfants de condition modeste, qui donnent des espérances de vocation religieuse.

L'intelligence des aspirants doit leur permettre d'acquérir les diplômes requis pour l'enseignement, même s'ils sont destinés aux pays de mission. En cela, on ne perdra pas de vue qu'un enfant d'intelligence moyenne peut, avec de la ténacité, arriver à un meilleur résultat qu'un autre mieux doué, mais porté à l'inconstance et à la paresse.

D'autre part, on n'écartera pas un candidat qui, manquant d'aptitudes pour l'enseignement, montre du goût et des dispositions pour un emploi manuel. Si, dans certains pays, on trouve encore des domestiques pour nos maisons, dans d'autres, cela devient difficile ou très onéreux, et, par ailleurs, il y a partout des emplois manuels qu'on ne peut guère confier à des étrangers. C'est pourquoi on sent le besoin d'avoir des Frères formés à ce genre d'occupations. On devra parfois adapter les programmes des maisons de formation à la capacité intellectuelle de. ces aspirants et aux emplois auxquels on les destine ; c'est là un problème qui mérite d'être étudié avec soin et résolu par chaque Province suivant ses conditions particulières, en se conformant toujours au Droit canonique et aux Constitutions.

Un bon jugement est indispensable à un futur religieux aussi bien pour pratiquer la vertu que pour exercer les emplois qui lui seront confiés. Seul celui qui est doué d'un bon jugement peut comprendre la grandeur de ses obligations et les remplir dans leur intégrité. Les sujets qui n'en sont pas suffisamment pourvus sont incapables de se rendre un compte exact de la portée de leurs paroles et de leurs actes or, le jugement se forme, se rectifie, mais ne se donne pas. Évitons, par conséquent, de recevoir des enfants plus ou moins bizarres, enclins à ne jamais penser comme les autres et à raisonner de travers.

On dit parfois : « Cet enfant est intelligent, il a une excellente mémoire, etc. » Si l'intelligence pratique ou jugement fait défaut, l'intelligence théorique peut devenir plus nuisible qu'utile. Même des qualités brillantes ne sauraient tenir lieu d'un jugement droit, car les déficiences du jugement s'accentuent généralement avec l'âge, rendent inaptes à se conduire soi-même et à diriger les autres. Il arrive parfois que des religieux à jugement faux deviennent de véritables fléaux pour leur communauté, par leurs erreurs, leurs excentricités et les conflits qu'ils occasionnent au dedans et souvent au dehors.

Qualités du cœur. L'aspirant doit faire preuve, sinon d'une solide piété, tout au moins de goût pour la piété, se portant volontiers aux choses de la religion. L'enfant pour qui les exercices de piété sont une corvée ne nous convient pas ; mais il faut nous défier tout autant de la piété hypocrite, soucieuse avant tout de l'estime et des bonnes grâces et qui ne se maintient que sous l’œil du maître. On reconnaîtra la piété sincère d'un élève à sa manière de prier, à son goût pour l'étude de la religion, à l'intérêt avec lequel il en écoute les explications. On tiendra compte également de sa fidélité à la réception des sacrements, et du sérieux qu'il y apporte. La piété rendra l'aspirant courageux pour l'étude, la pratique de la vertu et le travail de sa formation religieuse.

Si, dans nos écoles, les associations pieuses, surtout la Croisade Eucharistique et la Congrégation de la Sainte Vierge, sont bien organisées, elles attireront naturellement les âmes généreuses et aptes au service de Dieu. On peut d'ailleurs juger que ces œuvres marchent bien si elles sont une pépinière de vocations sacerdotales et religieuses.

L'aspirant doit être pur, sinon sa persévérance est impossible, car sensualité et vie religieuse ne peuvent aller de pair. Or, il est, dans les milieux déchristianisés, des enfants que la contagion du vice envahit, de bonne heure ; souvent on s'en aperçoit trop tard. Si. le mal est devenu une habitude et si ses victimes ne luttent pus vigoureuse-ment, elles seront incapables de porter le joug de Notre-Seigneur.

Mais, si l'aspirant doit être pur, il ne doit pas l'être seulement, dit le Père Delbrel, que je résume, de cette pureté négative propre de l'âge et que l'on peut attribuer à une heureuse et éphémère ignorance. Il s'agit plutôt d'une pureté positive, acceptée par le jeune homme qui, connaissant ou commençant à soupçonner l'existence et la nature des plaisirs charnels, éprouve du dédain, du dégoût pour ces choses-là et en écarte résolument ses regards, son imagination, sa vie.

Une âme ainsi disposée cherche généralement à sauvegarder sa vertu et estime que la vie religieuse en est le moyen le plus sûr.

Les Règles du Gouvernement disent que « le caractère des aspirants doit être ouvert, franc, sociable et plutôt gai ; souple et docile, mais en même temps, ferme, ardent au travail et généreux, capable de sacrifice. Les caractères sournois, qu'il ne faut pas confondre avec les timides ou les réservés, les rancuneux, les inconstants, les insubordonnés, les indolents, ceux qui sont amis de leurs aises ou revêches à la peine n'ont pas l'étoffe d'un religieux. Une certaine légèreté chez l'enfant n'est pas un obstacle à son admission ». (Art. S.)

Il faut écarter les enfants attirés surtout par une affection trop sensible pour un maître qui leur aurait témoigné des préférences ; ces enfants se décourageraient dès qu'ils ne seraient plus l'objet d'attentions particulières. On ne jugera pas non plus trop facilement aptes à la vie religieuse les élèves dont le principal mérite consiste à ne pas déranger en classe quand cela provient de leur apathie plutôt que du triomphe sur eux-mêmes. Dans une ambiance de matérialisme, de laisser-aller et de course aux plaisirs, ils seront incapables de réagir et seront entraînés par les mauvais exemples dont ils seront témoins.

On peut faire confiance à l'enfant dont la légèreté est le fait de l'âge s'il a, d'autre part, un bon jugement et s'il veille sur sa conduite pour la soustraire de plus en plus à l'irréflexion. Les caractères énergiques nous conviennent tout particulièrement, car, s'ils sont capables de se vaincre dès l'enfance, ils sauront, plus tard, accepter les sacrifices de la vie de communauté, s'imposer à leurs élèves et se montrer courageux dans les épreuves.

Il importe aussi que les aspirants sachent accepter la discipline de l'école ; si elle leur pèse trop, comment se plieront-ils, dans la suite, aux observances plus austères de la vie religieuse ? S'ils sont actuellement hautains et obstinés, n'est-il pas à craindre que plus tard ils ne soient indociles, portés à la critique et en désaccord avec leurs supérieurs et leurs confrères ?

III. Moyens d'assurer un bon recrutement. 

Les maîtres peuvent travailler au recrutement surtout par leur conduite, par la prière et le sacrifice, par un zèle actif et éclairé.

D'abord par leur conduite, par une vie vertueuse, car Notre-Seigneur oriente les âmes vers les Congrégations ferventes où les sujets d'élite seront dans les meilleures conditions pour servir Dieu et assurer leur salut.

Et, de. fait, tandis que des Congrégations tombées dans le relâchement voient leur recrutement se tarir, d'autres, qui ont conservé l'austérité primitive, jouissent d'une grande prospérité. Les âmes généreuses ne sont pas rebutées par la perspective d'un renoncement plus total, elles y sont plutôt attirées : c'est un idéal qui satisfait leurs aspirations.

C'est pourquoi il est urgent que tous s'efforcent de faire régner dans nos communautés la régularité, la charité, la piété et les autres vertus religieuses car, bien souvent, une crise de recrutement est imputable, du moins en partie, à une crise de ferveur.

Ne nous bornons pas à être vertueux uniquement aux regards du bon Dieu ; il faut aussi que notre conduite édifiante donne au, public, et surtout à nos élèves, une haute idée de la vie religieuse. Si nous sommes pieux, réservés dans les rapports avec les séculiers, dignes dans le langage et la tenue, d'une parfaite honnêteté dans les affaires, serviables pour tous, étrangers à toute rivalité et à tout parti politique, les parents verront dans notre vocation un bel avenir pour leurs enfants.

Mais, si l'on nous trouve peu édifiants à l'église, si nous ne gardons pas notre rang et donnons lieu à des soupçons malveillants, si l'on remarque que les Frères manquent d'union entre eux ou avec le Clergé, il en résultera pour le corps entier, pour la Congrégation, un discrédit susceptible d'empêcher l'éclosion des vocations.

Nous pourrions faire des considérations semblables en passant du champ de la paroisse à celui plus réduit de l'école ou de la classe et conclure que le professeur à l'humeur changeante, au vocabulaire grossier, aux procédés arbitraires, porté à avoir des prédilections pour certains élèves, manquant de piété, d'affection sincère et de zèle pour tous ses disciples, n'attirera les enfants ni à lui, ni à l'école, moins encore à la Congrégation.

Il n'est donc pas exagéré de dire que les meilleurs recruteurs parmi les maîtres sont ceux qui travaillent avec le plus d'ardeur à leur perfection et se montrent des religieux fidèles à tous leurs devoirs.

Par le rayonnement mystérieux qui se dégage de sa personne, un maître pieux et zélé exerce une action très profonde sur ses élèves et il réussit à en gagner à la cause qu'il sert et à l'apostolat qu'il pratique. L'âme des enfants enregistre les impressions les plus fugitives : un mot d'encouragement ou de blâme, un avis ou un exemple qui semblent n'avoir pas fait impression, reparaissent souvent dans la suite avec un sens qui avait échappé quand ils furent vus ou entendus pour la première fois. De là l'influence qu'exerce un maître qui est parfois pendant des années en rapports constants, répétés et prolongés, avec ses élèves. S'il aime d'un amour sincère sa vocation, s'il en accomplit les devoirs avec dignité, abnégation, dévouement et dans un esprit vraiment surnaturel, les enfants qui en sont témoins seront épris de respect et d'admiration. Ils rêveront d'apostolat. Et s'ils sont encouragés et soutenus, ils suivront la vocation de leur maître.

La charité fraternelle n'est pas moins nécessaire : elle procurera aux membres de la communauté la joie du Christ, les rendra épanouis et heureux au point d'éveiller chez leurs disciples qui en seront témoins le désir de partager leur bonheur.

C'est par l'exemple des Jésuites, ses maîtres, que saint Louis de Gonzague fut attiré vers la Compagnie de Jésus. C'est par celui du Vénérable Père Champagnat et des premiers Frères que le Frère Chrysostome fut gagné à notre Congrégation.

Un élève du Frère Kentigern parlant de son ancien maître, disait : « Quand nous le voyions s'approcher de la Sainte Table, la tète inclinée et le visage rayonnant, il nous prenait envie de nous faire Frères afin de lui ressembler. » (Biographies, vol. IV, p. 333.) Il est à remarquer que c'était un Frère sécularisé, travaillant, par conséquent dans des conditions peu favorables au recrutement. Le Frère Marie-Candide, fondateur de notre mission de Chine, fut attiré à l'Institut par l'exemple de la charité qui régnait parmi les Frères de Saint-Didier-sur-Chalaronne où il était élève. « Ils s'aiment tant ! et dans le monde il n'y a qu'égoïsme ! », écrivait-il à sa sœur religieuse. (Biographies, vol. II, p. 163.)

Par contraste, ne pourrait-on pas malheureusement citer des propos fort différents de la part d'élèves, témoins d'un scandaleux manque de charité parmi les Frères extériorisant leur antipathie ou leur jalousie pour des confrères ?

Ces faits nous montrent que nos écoles fourniront certainement des vocations si les Frères s'intéressent au recrutement et font estimer la vie religieuse par la sainteté de leur vie et le parfait accomplissement de leurs devoirs d'état. Il est admis qu'un personnel de choix doit être réservé avant tout pour les maisons de formation ; mais il faut ensuite le procurer aux écoles, quelque modestes qu'elles soient, où le recrutement est particulièrement abondant.

Prière et sacrifice. Nous avons déjà indiqué la prière et le sacrifice comme moyen de recrutement à la portée de tous, mais il convient d'y insister, à l'exemple de Notre-Seigneur qui, à la vue des multitudes errant comme des brebis sans pasteur ; disait à ses disciples : « Priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson. » (Matth., IX, 35-38.)

C'est Dieu, en effet, qui donne la vocation ainsi que les aptitudes requises et l'attrait vers ce genre de vie. C'est encore Lui qui fait naître les circonstances et dirige les événements pour la réalisation de ses desseins. Ce n'est qu'après avoir longuement prié que Jésus désigna ses Apôtres : « En ces jours-là, il s'en alla dans la montagne pour prier, et il passa la nuit à prier Dieu. Quand il fut jour, il appela ses disciples, et il choisit douze d'entre eux, à qui il donna le nom d'apôtres. » (Luc, VI, 12-13.)

L'histoire de Cîteaux nous dit que ce monastère, d'abord très florissant, s'éteignait à cause de la mort ou de la désertion des religieux, lorsque son Fondateur, Étienne Harding, fit violence au Ciel qui l'exauça en lui envoyant saint Bernard et ses trente compagnons.

Notre Vénérable Fondateur, manquant de sujets, célébrait des messes, prescrivait des neuvaines pour en obtenir. C'était là, dit son biographe, une des principales intentions de ses exercices de piété. A une époque où la pénurie de postulants était extrême, ne disait-il pas à la Sainte Vierge dans une prière ardente : « … Si vous ne venez à notre secours, nous périrons, nous nous éteindrons comme une lampe qui n'a plus d'huile. Mais si cette œuvre périt, ce n'est pas la nôtre, c'est la vôtre ; car c'est vous qui avez tout fait chez nous ; nous comptons donc sur» vous, sur votre puissant secours, et nous y compterons toujours. » (Sa vie, p. 123.)

C'est après ce recours filial à Marie que vinrent frapper à la porte de La Valla les huit postulants, recrutés de la façon peu commune que chacun sait, et parmi lesquels se trouvait le Frère Jean-Baptiste. Sa prière fut également efficace dans la suite, comme le prouvent les 280 sujets qu'il laissa à sa mort, outre les 49 qui l'avaient déjà précédé dans l'éternité.

Ces mêmes prodiges peuvent se renouveler en notre faveur, puisque Notre-Seigneur nous dit : « Demandez et vous recevrez ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l'on ouvrira. » Mais, avons-nous demandé et cherché suffisamment, avec ferveur et esprit de Ici ? Croyons-nous fermement que tous les autres moyens seront stériles sans le secours du ciel obtenu par la prière ?

Examinons si cette intention a été suffisamment rappelée aux Frères et aux élèves.. si des neuvaines ont été faites en communauté et en classe. Reconnaissons et, s'il y a lieu, réparons nos oublis et nos négligences sur ce point.

Nous demandons chaque jour le pain nécessaire à la vie du corps et de l'âme ; demandons chaque jour aussi des vocations puisqu'elles sont indispensables à la vie de notre Congrégation.

Pour que la prière soit plus sûrement exaucée, joignons-y le sacrifice. Offrons au bon Dieu les actes innombrables de renoncement que la vie de communauté, l'emploi et surtout la réforme de notre caractère et la lutte contre nos passions nous fournissent à tout instant l'occasion de pratiquer. Sachons y ajouter quelques privations. Je ne fais que toucher ce point, mais non sans rappeler ce trait édifiant rapporté récemment par diverses revues. « La mère de Mgr Stépinac, l'admirable archevêque yougoslave victime de la persécution, avait jeûné trois jours par semaine, pendant trente ans, pour lui obtenir la grâce de la vocation.» Que cela nous engage à entrer résolument, selon nos forces, dans la voie du sacrifice pour le succès du recrutement dans nos écoles.

Par un zèle actif et éclairé. Un maître zélé pour gagner les âmes à la vie religieuse s'appliquera à rendre le milieu, c'est-à-dire l'école et la classe, favorable au recrutement, car s'il est vrai que le divin Maître sème partout des germes de vocation, ceux-ci ne fructifient que dans un terrain et un climat propices. Il faut donc créer, tout d'abord, par une discipline paternelle et préventive, une ambiance qui préserve la moralité. La négligence sur ce point entraîne des fautes qui contrariant l'action de Dieu dans une âme et brisent tout élan vers un idéal supérieur.

Ce souci de préserver les âmes du mal s'étendra au delà de l'enceinte de l'école pour faire éviter, autant que possible, aux élèves les mauvaises compagnies, les spectacles dangereux qui rendraient vain tout le travail fait en classe pour la culture des vocations. Notons en passant que nombreux sont les livres et les films qui, sans être essentielle-ment mauvais, peuvent avoir une influence nuisible sur une vocation naissante.

J'ai parlé d'une discipline paternelle et préventive, car elle seule gagne au maître l'affection de ses élèves et les incline à dire : « J'ai aimé d'abord mon maître et ensuite son genre de vie », comme saint Augustin disait : « D'abord j'ai aimé Ambroise et ensuite sa doctrine. »

Cela ne veut pas dire que, sous prétexte de ne pas les décourager, on doive épargner aux aspirants tout reproche et toute punition ; on risquerait ainsi de favoriser leurs défauts, tandis' que les corrections justes, appliquées avec prudence et charité, sont éminemment formatrices et préparent à la vie plus austère du Juvénat ou du Postulat. Il convient même qu'un candidat sache que, pour son bien, on sera plus exigeant envers lui qu'envers ses camarades.

Faisons également tout notre possible. pour développer chez les élèves l'esprit surnaturel. Insistons sur la présence de Dieu en nous par l'état de grâce et sur toutes les prérogatives qui en résultent. On amène ainsi les enfants à une vie de foi ; d'espérance et de charité ; on les aide à sortir d'une conception étroite et personnelle du christianisme pour les faire vivre en société avec Dieu le Père et les hommes leurs frères.

Pour éveiller chez l'enfant cette conscience du divin, on ne commencera jamais trop tôt. C'est même entre 5 et 9 ans que l'âme est plus ouverte à toutes les merveilles de la vie surnaturelle.

Les moyens qui permettent de hâter et de préciser cette conscience du divin sont multiples. Nous signalerons surtout l'instruction religieuse, la prière et la réception des sacrements. Sans leur faire violence, encourageons les enfants à se confesser souvent. Il sera avantageux d'avoir un confesseur qui leur donne une direction en rapport avec leur âge. Inspirons à nos élèves un ardent désir de la communion fréquente et fervente, car l'Hostie est la gardienne de la pureté et les âmes pures sont un terrain propice à l'éclosion de la vocation religieuse.

Quand les élèves sont d'un âge plus avancé, il faut les former à la prière personnelle, à la méditation, et les initier à l'apostolat. Il n'est pas rare, en effet, que l'apostolat à l'école conduise des âmes d'élite à la vie religieuse : c'est ainsi, par exemple, que bien des catéchistes volontaires se sont décidés à le devenir d'une façon définitive, soit dans le sacerdoce, soit dans les Congrégations enseignantes. Mais pour donner aux élèves une âme apostolique, il faut les former à l'esprit de sacrifice et à la lutte contre l'égoïsme, leur faisant envisager les joies que procure le dévouement au bien du prochain. Tant qu'on n'a pas mis dans le cœur d'un jeune homme l'esprit de renoncement et de sacrifice, on ne peut guère espérer le voir s'engager dans la vie religieuse et apostolique qui implique le don de soi au service de Dieu et des âmes.

Il faut saisir toutes les occasions de mettre en valeur la vocation de religieux enseignant. Nul n'apprécie ce qu'il ne connaît pas ; or, on ignore trop ce qu'est un Frère, son rôle dans l'Église et la société. On connaît moins encore notre Congrégation, le champ immense d'apostolat qu'elle offre aux âmes généreuses dans toutes les parties du monde. Au commencement de l'année scolaire vous établissez avec soin, mes bien chers Frères, le programme mensuel des matières à enseigner dans vos classes. Pourquoi ne feriez-vous pas un travail semblable pour les instructions à donner sur la vocation et, en particulier sur la vocation, belle entre toutes, de religieux éducateur mariste ?

On peut parler de la vocation à un groupe d'élèves ou à un élève individuellement, leur disant non seulement ce qu'est l'appel divin, mais encore le devoir et la manière d'y correspondre.

Pour l'instruction collective, plusieurs moyens sont à notre disposition. Outre les conférences mensuelles, complétées par les réflexions occasionnelles sur la vocation, l'usage des films, des films-stop surtout, se généralise de plus en plus, ainsi que celui des opuscules, images ou dépliants sur la vocation. On a de même créé des affiches avec des maximes ou légendes qui, dûment expliquées, peuvent produire d'excellents résultats, Le dernier Chapitre Général avait manifesté le désir de voir mettre ces instruments de propagande entre les mains des recruteurs ; son invitation e été entendue un peu partout. Je me plais à féliciter tous les Frères qui, avec les autorisations et le contrôle nécessaires, ont mis ainsi leur talent au service de l'œuvre capitale du recrutement.

Le même Chapitre a émis le vœu suivant : « On établira dans toutes les écoles et collèges des journées de vocations, qu'on préparera avec soin et qu'on organisera avec zèle et piété, afin d'augmenter le recrutement parmi les élèves. » Ce vœu non plus n'est pas resté lettre morte, et quelques Provinces ont même organisé des journées-rencontres. Ce sont, de véritables journées de vocations auxquelles prennent part des groupes d'élèves venant d'écoles assez proches pour pouvoir se réunir, et où l'enthousiasme est accru par le nombre des participants et l'ampleur et la variété du programme.

Ici, on organise des réunions spéciales pour les aspirants, là on profite de circonstances favorables pour mieux faire connaître la Congrégation : départ d'un camarade pour le Juvénat, prise d'habit ou visite d'un juvéniste ou d'un Frère ancien élève de l'école, passage d'un Supérieur, fête jubilaire d'un. Frère, etc. Presque partout dans l'Institut, à l'occasion de l'anniversaire du décès du Vénérable Fondateur, on fait une journée, un triduum ou même une semaine de vocations. Bien des Provinces ont une exposition des œuvres maristes qu'elles font circuler dans les diverses écoles pour éveiller l'intérêt des enfants et même des familles pour notre Institut.

Des instructions spéciales peuvent être faites avec profit aux groupements de Croisés, d'Action Catholique, de J. E. C., et autres associations établies dans l'école. La retraite de première Communion est une occasion très propice pour parler aux enfants de leur avenir. Il en est ainsi pour les autres retraites, mais plus spécialement, pour celle de fin d'études. On peut alors, avec plus d'insistance, insérer la vacation religieuse dans le cadre de l'orientation professionnelle, encourageant les élèves à s'engager dans une carrière où l'un ne gagne ni argent ni honneurs, mais des âmes au Christ.

Après avoir instruit les élèves d'une façon collective, il faudra donner des soins particuliers à ceux chez qui l'on découvre des dispositions pour la vie religieuse : instructions directes, remise de brochures, etc. Souvent il sera utile de prendre soi-même l'initiative d'un entretien avec l'enfant ; si l'on ne se croit pas à même de le faire comme il convient, on demandera au Frère Directeur, d'ailleurs tenu au courant de toutes les démarches de s'en charger ou de confier ce soin à un autre confrère.

Il est des enfants qui n'attendent que cette invitation pour se décider ; ils n'osent prendre les devants supposant parfois des empêchements imaginaires. Ils craignent que leur conduite ne soit pas assez bonne, ne se jugent pas aptes aux études, croient que leurs parents ne pourront pas faire les dépenses nécessaires, etc. Généralement, ces cas seront vite résolus si nous fournissons aux enfants l'occasion de nous exposer leurs désirs et leurs appréhensions. Que de fois n'a-t-on pas entendu des hommes, même occupant une belle situation dans le monde, déclarer ne pas avoir embrassé la vie religieuse parce que dans leur jeunesse il ne s'était trouvé personne pour les y inviter ! Saint Vincent de Paul, le Saint Curé d'Ars, le Vénérable Père Champagnat et bien d'autres saints prêtres et religieux seraient sans doute restés dans le monde sans l'invitation d'un prêtre zélé. Et peut-être en aurait-il été de même pour nous.

Les disciples de Notre-Seigneur ne se présentèrent pas spontanément ; le Divin Maître les appela : « Venez et suivez-moi. » Invitons de même nos élèves, sans pression, respectant scrupuleusement leur liberté.

Sur la façon de faire cette invitation et de la conduire à bonne fin, je trouve dans les notes d'un confrère de sages conseils qu'il me semble utile de transcrire :

« Toujours prendre l'enfant bien au sérieux, qu'il soit petit ou grand. Respecter sa confiance, quelque naïve que soit sa réponse. Ne jamais parler de cette affaire à la légère.

« Savoir saisir le moment où l'enfant est travaillé par la grâce ; agir alors tout de suite. »

« S'arrêter aussi quand le fruit n'est pas mûr ; patienter pour ne rien compromettre.

J'ajouterai qu'il est très important d'être d'une loyauté parfaite dans la façon de procéder. Ainsi, il ne faut pas parler aux enfants uniquement des avantages de la vie religieuse, mais aussi de ses peines et de ses sacrifices. Ce serait une grave erreur de faire voir uniquement, au futur juvéniste, la vie paisible, le vaste local, les récréations, les promenades, la nourriture, les études, etc. On évitera soigneusement tout, procédé pus ou moins astucieux pour vaincre certaines résistances. Imitons Notre-Seigneur qui ne cacha pas à ses Apôtres les persécutions auxquelles ils seraient en butte et qui dit : Si quelqu'un veut être mon disciple, qu'il renonce è soi-même, qu'il prenne sa croix et me suive. » (Matth., XVI, 24.)

Voici deux exemples susceptibles de nous éclairer sur la façon d'éveiller chez nos élèves le désir d'une vocation supérieure. Le premier est de l'abbé Henri Berchet qui le raconte dans un livre destiné au recrutement sacerdotal. « Une vieille demoiselle, personne fort sage et fort sainte, avait entrepris de m'instruire en vue de ma communion privée. Elle utilisait le Catéchisme en images de la Bonne Presse et s'attardait un peu chaque fois qu'il s'agissait du prêtre, soit dans le texte, suit surtout dans les images que je préférais au texte. Je ne sais plus trop ce qu'elle me disait alors, mais il y avait dans sa voix un tel respect, une telle admiration, que je déclarai bientôt : Je veux me faire prêtre. Mes parent, tout d'abord, en furent abasourdis. Nul autre ne m'avait jamais parlé du sacerdoce. personne d'ailleurs ne pensait à chose pareille dans la paroisse depuis bien longtemps. De simples laçons de catéchisme, faites avec foi et conviction profonde, m'avaient apporté la lumière. J'avais 7 ans ! »

Un second exemple nous montre comment une simple invitation peut aider un enfant à' découvrir sa vocation : « Au mois de mai 1875, le Cher Frère Nestor, alors Assistant Général, fit la visite canonique de Bourg-de-Péage. Il se promenait dans la cour avec le Frère Directeur, le Cher Frère Adon, qui sera plus tard l'Assistant de la Province de Saint-Genis, lorsqu'un enfant venant à passer près d'eux, il l'arrêta disant : « Venez ici, mon enfant. Comment vous appelez-vous ? – Auguste M. – Quel âge avez-vous ? — Bientôt 13 ans. – Combien êtes-vous d'enfants dans votre famille ? – Nous sommes cinq, une fille et quatre garçons. – Cela ne vous ferait-il pas plaisir d'être Frère comme nous, de porter une soutane et de faire ensuite la classe ? » Interloqué par une question. à laquelle il n'avait jamais songé, l'enfant ne sut que répondre. « C'est bien, mon enfant, dit le Cher Frère Assistant, pensez à cela et recommandez-le à la Sainte Vierge. »

Quelques jours après, le Frère Directeur dit à l'enfant : « Eh bien ! Auguste, avez-vous suivi le conseil du Cher Frère Assistant ? – Oui, Frère, et si ma mère le veut, volontiers j'irai avec vous. – Bien, je ferai venir votre mère et nous traiterons l'affaire. » Tout heureuse d'avoir un enfant religieux, la mère accepta sans difficulté la proposition du Cher Frère Adon, mais en faisant observer qu'il lui serait difficile de payer la pension, étant veuve depuis peu, avec cinq enfants, dont l'aîné seul commençait à travailler. « Que la pension ne vous inquiète pas, Madame, dit le Frère Directeur, je m'en charge. »

Ce petit garçon n'est autre que le Cher Frère Michaélis, ancien Vicaire Général ; qui a relaté ce fait touchant en témoignage de reconnaissance pour le Révérend Frère Nestor.

Tous les élèves ne comprenant pas toujours l'excellence d'un appel à la vie religieuse, les plaisanteries de certains, surtout parmi les grands, pourraient ébranler les bonnes dispositions des candidats. C'est pourquoi on conseillera à ces derniers de ne pas révéler trop tôt leur projet. Il est cependant bien des cas où le bon esprit de l'école permettra de ne pas garder secret un fait qui doit être un motif de joie et d'édification pour tous.

Il ne suffit pas d'instruire les enfants, soit en général, soit en particulier, de ce qui concerne la vocation ; il faut également atteindre le public et surtout les parents.

Il est, en effet, des parents chrétiens qui considèrent comme un très grand honneur l'appel de leurs enfants à la vie religieuse ; c'est parfois pour eux la réalisation d'un vœu longtemps caressé. Mais, pour d'autres, dont la foi est moins éclairée, c'est une déception : ils avaient prévu une situation brillante et lucrative et non pas une vie obscure et sacrifiée ; trop souvent des personnes amies les entretiennent dans ces préjugés. On s'en apercevra surtout aux objections présentées au moment d'obtenir leur consentement. On ne s'oppose pas, on tergiverse. « La vocation d'un enfant doit être éprouvée, dit-on ; il doit connaître le monde pour savoir à quoi il va renoncer ; or, il est trop jeune pour cela. » On demande des délais, des diplômes supplémentaires et, pendant ce temps, peut-être mettra-t-on tout en œuvre pour détourner le candidat de sa vocation. Nous devons donc préparer celui-ci à répondre aux objections et à ne pas se décourager devant les premiers refus.

On interviendra au moment opportun présentant le sacerdoce et la vie religieuse comme des vocations de choix qui honorent une famille et lui attirent les bénédictions du Ciel. On expliquera aux parents que le meilleur moyen de conserver l'affection de leur fils, c'est de le donner à Dieu, car le religieux ne cesse pas d'aimer les siens, il les aime au contraire d'un amour moins partagé et plus pur. Il est de même nécessaire de rappeler aux parents la responsabilité qu'ils encourent en s'opposant aux desseins du bon Dieu sur leurs enfants, les dangers auxquels ceux-ci seront exposés aussi bien pour le temps que pour l'éternité, s'ils sont engagés dans une voie qui n'est pas la leur. Au besoin, on peut solliciter les bons offices d'un prêtre ou de quelque ami de la famille capable d'éclairer les parents et de les porter à la générosité.

Tâchons de faire ressortir devant le public l'excellence de la vocation de religieux-éducateur, si méconnue même de ceux qui ont recours à nos services. Parce que c'est un genre de vie modeste demandant beaucoup d'abnégation, il est peu estimé d'un monde qui aime surtout les situations assurant l'éclat et le bien-être. On peut profiter des fêtes de l'école et même des réunions d'anciens élèves ou de parents pour leur exposer cette question qui rarement les laisse indifférents.

Surtout dans les paroisses où nous sommes établis, nous demanderons aux prêtres de vouloir bien faire connaître nos œuvres aux fidèles, de les intéresser à notre recrutement et d'ajouter à l'intention de prier pour les vocations sacerdotales celle de prier également pour les vocations maristes. 

IV. Peines et consolations du recruteur.

 Quoique le recrutement dans nos écoles soit plus facile qu'ailleurs, il ne se fait pas néanmoins sans peine, la croix étant la condition du succès de tout apostolat. Parfois, c'est en vain que le recruteur se fatigue et jette le filet, les âmes restent sourdes à son appel. Mais les peines les plus sensibles lui viendront principalement des confrères, des membres du clergé, des parents, des aspirants et des Supérieurs des maisons de formation.

Les confrères, malgré leurs bonnes intentions, se montreront parfois gênés par le zèle et les procédés d'un recruteur. Celui-ci, sans trop s'étonner de ces incompréhensions, s'en tiendra aux avis du Frère Directeur pour la préparation et l'admission des aspirants. Ainsi, loin de se décourager devant l'opposition, il poursuivra son travail avec l'unique désir de plaire à Dieu, seul juge de ses intentions..

Les membres du clergé souffrent plus que personne de la pénurie de prêtres dans certaines régions. Il est naturel, dès lors, que le recrutement sacerdotal soit un de leurs grands soucis. Ils y travailleront précisément dans les mêmes milieux chrétiens que nous et, par conséquent, dans nos écoles. Cela peut occasionner des conflits, car il peut arriver que des enfants préparés par les Frères soient dirigés vers le séminaire. Le recruteur ne devra pas néanmoins se décourager, mais attribuer ce désaccord moins à la malveillance qu'à un malentendu. Dieu en saura tirer sa gloire et si les intentions sont droites de part et d'autre, une explication loyale rétablira l'entente et favorisera une collaboration ultérieure fort souhaitable.

Certains parents, nous l'avons déjà dit, s'opposeront parfois à la vocation de leurs enfants ou même les rappelleront après qu'ils auront beaucoup reçu de la Congrégation et au moment où ils donnaient les plus belles espérances.

Des obstacles imprévus tiendront aussi des candidats eux-mêmes ; bien décidés d'abord, ils reviendront par la suite sur des engagements que l'on croyait définitifs.

Une déception plus amère encore viendra parfois des Supérieurs des maisons de formation qui rendront à leurs familles des sujets apparemment bien disposés, ayant écrit à leurs parents et au recruteur des lettres édifiantes et donné satisfaction pendant un certain temps. Ces exclusions inattendues seront motivées soit par un manque de santé, soit par des défauts inaperçus d'abord, mais qui rendent impropre à la vie religieuse.

Le recruteur, dans ces cas, aurait tort de se laisser abattre ou de se répandre en reproches. Il devra comprendre que ce n'est pas de gaieté de cœur que les Supérieurs prennent de telles décidons. Ils ont, en effet, l'obligation de se conformer strictement, pour l'admission des aspirants, aux prescriptions des Constitutions et aux directives du Saint-Siège. Ces dernières leur font un devoir de se montrer très sévères dans le choix des sujets pour éviter que des membres inaptes ou dépourvus d'esprit religieux ne nuisent au corps entier et n'entraînent sa décadence.

Tous les aspirants qui se retirent ou qui. sont rendus à leur famille confirment les paroles du divin Maître : « Il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus. » La vocation est entourée de tant de mystères et le cœur humain a de si insondables replis que les. déceptions sur ce point sont inévitables.        .

Elles ne sont épargnées qu'à ceux qui se désintéressent du recrutement. On sera moins sensible à ces déboires si, ayant attiré de nombreux sujets, la fidélité des uns atténue la peine causée par l'inconstance des autres. Le Frère Saturnino José, décédé récemment à Popayán (Colombie), a eu toute sa vie comme objectif principal, soit comme directeur d'école, soit comme recruteur en titre, de trouver des vocations. Il a éprouvé lui aussi bien des déceptions, : mais quelle large compensation ne trouvait-il pas à la fin de ses jours, dans la joie immense de se voir entouré, d'une couronne d'une centaine de Frères, dont une dizaine de Directeurs, qui lui devaient leur vocation

Si tous les Frères, même les plus zélés, ne peuvent prétendre à un résultat si remarquable, tous néanmoins peuvent espérer les douces consolations et les récompenses magnifiques réservées à cette forme supérieure d'apostolat.

Un premier motif de consolation, c'est le bonheur surnaturel d'avoir retiré une âme des dangers du monde et lui avoir montré la sublimité de la vie religieuse et de l'apostolat.

Le Frère Joseph-Philippe, Provincial de Notre-Dame de l'Hermitage († 1938) donnait une idée de ce bonheur en racontant le trait suivant : « J'assistais un Frère mourant. Près de rendre le dernier soupir, dans un suprême effort m'entourant de ses bras défaillants, il me dit : « Merci ! merci d'être venu me chercher dans le monde pour me conduire dans la maison du Père Champagnat où il fait si bon mourir ! » Le cri de reconnaissance de cette âme au seuil de l'éternité me causa une joie que je ne saurais exprimer. » (Biographies, vol. V, p. 189.)

Un second motif de consolation, c'est d'avoir procuré à l'Église un apôtre de plus pour la cause du Christ.

Par exemple, quel bonheur pour un professeur de recevoir une lettre comme celle que reçut le Frère Salvien († 1933) d'un de ses élèves qu'il avait dirigé vers le Séminaire. « … A la veille de mon ordination sacerdotale, je ne saurais trop vous remercier, mon cher Frère, pour le bien que vous m'avez fait et pour cette vocation dont je vous suis, en grande partie, redevable.

« Je demande au bon Dieu de vous en récompenser au centuple. Et si un verre d'eau donné en son nom ne restera pas sans récompense, quelle ne sera pas la récompense de celui qui a contribué pour une large part à donner un prêtre à son Église !

« Aussi, je vous envie sincèrement ; ce serait mon plus grand sujet de joie si, plus tard, dans le ministère, je pouvais procurer au bon Dieu autant de vocations que vous lui en avez procuré vous-même. » (Biographies, vol. IV, p. 211.)

Pour une âme vraiment mariste, quelle satisfaction d'avoir attiré à l'Institut de nouvelles recrues qui permettront à celui-ci de se perpétuer et d'étendre son champ d'action ! N'est-ce pas le moyen le plus efficace de témoigner à la Congrégation un amour vraiment filial ?

On a écrit du Cher Frère Ambroise († 1896) : Lorsqu'il reportait sa pensée sur les nombreuses années passées dans l'enseignement, un de ses plus doux souvenirs était celui d'avoir suscité pour le sacerdoce et la vie religieuse des âmes d'élite avec lesquelles il aimait à rester en relations. Il va sans dire qu'il en achemina le plus grand nombre vers notre Congrégation qu'il aimait de toute son âme. » (Biographies, vol.. III, p. 286.)

L'agriculteur qui s'est fatigué à faire valoir ses terres est moins inquiet sur leur avenir s'il a des enfants en état de continuer le sillon qu'il a commencé. De même, lorsque nous ne pourrons plus enseigner, nous serons heureux si nous avons préparé des continuateurs de notre labeur apostolique. Quelle différence avec les sentiments de tristesse qui, d'après une notice nécrologique récente, envahissaient l'âme d'un Frère à son lit de mort, lorsque, à la lueur de l'éternité, il considérait son peu de zèle pour se trouver des successeurs.

Ajoutons enfin que la consolation suprême de quiconque travaille à l'éclosion des vocations supérieures, c'est d'avoir réalisé le but de son existence, qui est de procurer la gloire de Dieu.

Toutes ces joies et consolations d'ici-bas ne sont qu'une première récompense. La seconde, bien plus grande encore, est celle qui attend dans le ciel, selon la promesse des Livres Saints, l'éducateur apôtre. « Celui qui aura pratiqué et enseigné, sera tenu pour grand dans le royaume des cieux. » (Matth., V, 19.) « Ceux qui en auront conduit beaucoup à la justice seront comme les étoiles, éternellement et toujours. » (Dan., XII, 3.) Si telle est la récompense de l'éducateur, combien plus grande encore celle réservée à l'instigateur de sa vocation ! Ce dernier ajoute en effet à son mérite personnel sa participation à tout le bien réalisé par son disciple.

C'est ainsi que saint Étienne, dont les prières obtinrent la conversion de Saul, participa aux mérites du grand Apôtre. De même saint Ignace de Loyola, en gagnant à l'apostolat saint .François Xavier, a contribué aux nombreuses conversions d'infidèles opérées par ce dernier.

Donner à l'Église un bon prêtre, à la Congrégation un bon Frère, c'est prolonger son apostolat sur plusieurs générations.

Tout nous invite donc, mes bien Chers Frères, à redoubler d'efforts pour procurer à notre Institut d'excellentes et nombreuses vocations. Il y va de la prospérité de la Congrégation, du salut de la jeunesse et, par conséquent, de l'avenir de l'Église et de la Société.

Nous répétons que c'est là une œuvre capitale à laquelle nul ne saurait se soustraire sans se charger d'une grave responsabilité, tandis que s'y dévouer, c'est faire un travail d'une porte immense dont le mérite et les récompenses doivent stimuler tout cœur généreux. 

Cause de Béatification

du Vénérable Fondateur 

Neuvaine mensuelle.

 Par décision du Conseil Général, la neuvaine mensuelle pour la béatification du Vénérable Fondateur se continuera jusqu'à nouvel ordre. Celle qui correspond au mois de juin commencera le 28 mai, servant ainsi de préparation à l'anniversaire du bienheureux décès du serviteur de Dieu. Appliquons-nous tous à rendre ces neuvaines ferventes afin que le bon Dieu exauce notre ardent désir de voir bientôt notre Vénérable Père sur les autels. 

Guérison de Lionel Beauregard, juvéniste,

attribuée à l'intercession

du Vénérable Marcellin Champagnat.

 La maladie de Lionel Beauregard, âgé de 15 ans, débuta le 10 juillet 1948 par une fièvre violente accompagnée de douleurs vives à la cuisse droite. Le lendemain, le médecin déclara qu'il s'agissait d'un rhumatisme inflammatoire et constata que la fièvre atteignait 106° Fahrenheit (41° centigrades). Le malade délira pendant une semaine ; puis les douleurs diminuèrent peu à peu, et le malade commença à se lever au commencement d'août ; mais sa jambe était tellement faible qu'il ne pouvait avancer qu'en s'appuyant sur deux aides. Vers la mi-septembre, il pouvait marcher seul. Cependant les douleurs revenaient aux jours humides et l'on continuait à frictionner la jambe du convalescent et à lui faire prendre des toniques pour qu'il récupérât ses forces ; celles-ci augmentèrent assez pour que l'enfant pût fréquenter l'école, mais il ne fut pas possible de corriger la claudication. C'est dans cet état que le Frère Recruteur conduisit Lionel au Juvénat des Frères Maristes de Saint-Vincent-de-Paul, où tout alla assez bien jusqu'au mois de novembre ; alors les douleurs revinrent et une enflure assez prononcée apparut sur la cuisse. Le malade fut conduit à l'infirmerie des Frères Maristes à Iberville ; là l'abcès creva, et le pus ne cessa de couler pendant au moins un mois. Une radiographie du fémur et de la hanche droite permit au docteur de faire le rapport que voici :

« Ostéoporose diffuse du fémur droit. Les surfaces articulaires de la tête fémorale et de la cavité glénoïdienne sont irrégulières et l'interligne articulaire est nettement aminci et irrégulier. D'autre part la tête fémorale semble légèrement aplatie. Cet aspect est en faveur d'une coxarthrite de nature bacillaire. Cependant, la radiographie révèle un profond remaniement osseux au niveau de l'os iliaque droit où l'on constate des zones alternantes de condensation osseuse et de géodes de destruction. Il est donc de toute importance de pratiquer la radiographie du bassin en entier et d'explorer aussi d'autres segments du-squelette, car cet aspect peut-traduire aussi bien des lésions tumorales qu'infectieuses ou dégénératives. (Dr H. Lacharité.)

   Une autre radiographie, pulmonaire celle-là, donna le résultat suivant :

« Légère diminution de la transparence du sommet gauche. Empâtement des ombres hilaires et accentuation diffuse de la trame broncho-vasculaire. Pachy-pleurite à la base droite. » (Dr H. Lacharité.)

En présence d'un cas semblable, il n'y avait qu'à hospitaliser le malade pour qu'il reçût les traitements de spécialistes en maladies osseuses ; c'est ainsi que Lionel fut conduit à l'hôpital du Sacré-Cœur de Cartierville, à Montréal, le 26 décembre 1949. Le même jour, toute la famille Beauregard commençait une série de ferventes neuvaines au Vénérable M. Champagnat. Dans les communautés des Frères Maristes, et particulièrement au Juvénat, la neuvaine recommandée pour le début de chaque mois se faisait à la même intention ; le Vénérable Champagnat écouta si bien les supplications que le traitement qui, au dire des spécialistes, devait durer peut-être deux ans et plus, fut interrompu, et le malade était congédié de l'hôpital le 30 janvier 1950. Une semaine après son arrivée à la maison, la plaie s'est cicatrisée, et la santé s'est depuis améliorée. Le Dr Samson, de l'hôpital de Cartierville, déclarait au début de mai 1950, après examen de Lionel, que le mal était complètement disparu. De retour au Juvénat, le petit protégé du Vénérable Champagnat continue ses études et se porte très bien.

(D'après le témoignage de Mme A. Beauregard, de Saint-Liboire, Comté de Saint-Hyacinthe, P.Q., Canada, mère de l'enfant.) 

Prière pour demander une grâce par l'intercession

du Vénérable Marcellin Champagnat.

 O Jésus, dont la sainteté resplendit dans les élus et qui avez suscité le Vénérable Marcellin Champagnat pour propager parmi les enfants la dévotion à Marie votre Mère, daignez nous accorder la grâce que nous sollicitons, afin qu'il soit bientôt glorifié par votre Église et que nous soyons portés à imiter ses vertus. Ainsi soit-il. 

Prière pour remercier.

 De toute notre âme nous vous remercions, ô mon Dieu, de la grâce que nous avons obtenue pour la glorification du Vénérable Père Champagnat. C'est avec une confiance accrue que vous vous supplions de nous garder tous sous votre protection et de nous accorder la grâce de vivre saintement, afin de vous bénir un jour éternellement avec notre Vénérable Père dans le ciel. Ainsi soit-il.

                 Rome, le 3 mai 1950.

Nihil obstat.

Sylvius ROMANI, S. RR.

Vice-Promoteur général de la Foi

Visite de délégation

à la Province de Norte (Espagne)

                       MON RÉVÉREND FRÈRE SUPÉRIEUR,

Il m'a été très agréable de remplir la mission dont vous m'aviez chargé en me confiant la visite de délégation aux vingt-quatre maisons de la Province de Norte.

Je suis heureux de vous remettre le compte rendu qui, dans sa brièveté, traduira la bonne impression que j'ai éprouvée durant ces trois mois de contact avec les communautés, la jeunesse en formation et les élèves de cet intéressant secteur de l'Espagne Mariste.

Le souci du lendemain. – Dans le rapide tour d'horizon sur nos œuvres d'Espagne publié dans la circulaire du 24 mai 1947, je terminais ainsi mes impressions sur Norte : « Je fais des voeux sincères pour que bientôt la Province puisse avoir un second juvénat et un scolasticat indépendant et parfaitement installé. L'avenir de ses œuvres l'exige. » Il est consolant de pouvoir constater qu'après trois ans ce désir s'est réalisé, grâce à la protection de la Sainte Vierge et à la ferme décision des autorités de la Province.

En effet. depuis plus d'un an, deux Juvénats indépendants ont fonctionné : le supérieur à Anzuola, et le préparatoire à Villafranca de Navarre, dans les locaux laissés libres par le Noviciat de Bética, restaurés avec beaucoup de soin par les nouveaux et heureux occupants. On a pu ainsi songer à augmenter le nombre de juvénistes de façon fort, appréciable puisqu'il est passé de 93 à 130, et l'on se propose d'atteindre un chiffre encore plus élevé… Il est aisé de comprendre les avantages qui résultent de cette nouvelle organisation, tant au point de vue de la formation et du choix des sujets que de la bonne marche des œuvres de la Province.

Depuis le début de la présente année scolaire, le Scolasticat est installé bien à son aise dans la magnifique propriété de Miraflores, acquise dernièrement dans les environs de Burgos et qui est limitrophe de l'historique Chartreuse du même nom.

Ce qui fut maison seigneuriale du propriétaire antérieur offrira, moyennant quelques heureuses adaptations dues au talent indiscutable du Cher Frère Provincial en cette matière, une hospitalité accueillante aux fortunés habitants.

Le Scolasticat de Norte gagne beaucoup à ce changement car, au lieu du provisoire et de l'emprunté où il avait vécu jusqu'à ce jour, il s'installe maintenant comme maître et seigneur dans un lieu privilégié et enchanteur.

Il est peu d'occasions où l'aimable Providence se soit montrée si pleine de sollicitude pour les siens qu'en la circonstance présente, car pour des raisons encore imprévues lorsqu'on est entré en possession de cette propriété ; le Scolasticat s'est vu obligé d'abandonner les locaux qu'il avait occupés ces dix dernières années au collège de Valmaseda. La solution ne pouvait être ni plus opportune, ni plus heureuse. Je sais, mon Révérend Frère Supérieur, que j'interprète votre sentiment intime en félicitant chaleureusement le Conseil Provincial et les Frères de Norte pour ce pas en avant que fait la Province en assurant l'avenir de ses maisons de formation.

Anzuola, leur « Alma Mater », peut ainsi augmenter largement le nombre de ses grands Juvénistes et celui de ses Postulants et Novices.

Voici le nouveau vœu que j'exprime et qui engage tous les bons enfants de Norte : que dans trois ans, il y ait 180 Juvénistes sélectionnés, 60 fervents Novices et Postulants et 50 Scolastiques avec leurs trois ans de formation. Dieu le. veut !

Fidèle à ses traditions. — Ce n'est pas un moindre mérite de la Province de Norte que d'être restée fidèle à son esprit traditionnel dans le développement de son apostolat, diversifiant son activité selon les exigences de lieu ou de milieu.

Sans dédaigner une participation active à l'enseignement secondaire, lorsque les circonstances ou les engagements pris le réclamaient, comme en témoignent : le Liceo Castilla de Burgos avec ses 600 élèves du baccalauréat, Bilbao avec 350, Logroño avec 340, Pamplona avec 320, Maracaïbo (Venezuela) avec 200, Valladolid avec 190 et Santona avec 60, ce qui fait un total. de 2.060, elle a su implanter le cours commercial complet, de façon exclusive à Oronoz, centre qui s'est imposé devant les jurys d'examen de San Sebastian à cause de son grand prestige bien mérité. De même, Bilbao dédie à cet enseignement un effort louable, allant jusqu'au diplôme. de comptable ; Burgos, Pamplona, Logroño et Durango ont introduit également quelques cours de commerce dans leurs plans d'études. Il y a déjà plus de 500 élèves inscrits dans cette spécialité.

L'enseignement professionnel à caractère théorique et pratique continue de se donner dans les écoles de Azpeitia, Durango, Oñate, Valmaseda et Zalla, totalisant environ 250 apprentis. A cause des exigences de la zone basque, éminemment industrielle, cette activité est toujours l'objet d'une attention spéciale de la part de l'autorité de la Province.

Une des caractéristiques de la Province de Norte a été le souci d'établir, selon l'esprit du V. P. Champagnat, des écoles élémentaires, soit dans le secteur rural, soit aussi dans les centres industriels ou les grandes agglomérations. Le total des élèves de cette catégorie est d'environ 5.000.

Quelques-unes de ces écoles sont subventionnées par de grandes entreprises, comme celles de Barruelo et de Vallejo de Orbó pour les enfants des mineurs, fréquentées par 350 élèves ; celle de Galdacano (150) pour les enfants des employés de la fabrique de dynamite ; celle de Zalla (170), soutenue par la « Papeterie Espagnole », celle de Placencia (120), par les entreprises locales.

D'autres dépendent, du moins en parti :, de fondations ou de comités paroissiaux, comme Erandio (150), Cercle Catholique et Serramagna., de Burgos, avec 290 et 100 élèves respectivement ; San Sebastian (160), Valmaseda (140) et Berriochoa (40).

Les méritantes écoles de Azpeitia (220) et Oñate (230) dépendent des municipalités respectives.

Même dans les établissements consacrés plus spécialement aux matières d'enseignement secondaire ou professionnel, sont établis les cours primaires au complet, et notoire est l'intérêt qu'on apporte aux classes enfantines et élémentaires comme base de soutien des autres classes et comme la garantie du succès de l'œuvre commune.

A côté des collèges payants, on a tâché d'établir aussi des écoles primaires aux conditions plus modiques. C'est ce qui a lieu à Logrono avec « Nuestra Señora de Valvanera » (280) et à Burgos avec « San Antonio » (250), deux écoles dignes d'être signalées.

Acquisition de diplômes. – D'après les règlements en vigueur, à partir de 1952, aucun professeur d'école primaire ne pourra exercer l'enseignement s'il n'a auparavant obtenu le diplôme requis.

Les exigences vont aussi se précisant pour les chaires d'enseignement moyen. Le nombre de licenciés exigé pour. le fonctionnement d'un collège reconnu par l'Etat, est de plus en plus élevé.

Ces mesures qui, à la longue, doivent nous être avantageuses, obligent à une politique de pré-voyance de la part des Supérieurs provinciaux. Dans cette tâche, la Province de Norte est engagée au même titre que les autres Provinces d'Espagne. Ils sont, nombreux les candidats aux examens officiels, depuis les classes du Juvénat préparatoire jusqu'aux cours de Faculté, qui s'efforcent de conquérir, étape par étape, les divers diplômes, et par là ils méritent bien de la Province. Je leur fais parvenir l'expression de ma vive satisfaction et le mot de félicitation et d'encouragement : « On n'hésite pas devant le devoir. » 

Un essai de résidence universitaire. – Au cours de la visite canonique au Collège de Valladolid, j'ai pu me rendre compte du fonctionnement du premier groupe compact de Frères étudiants. En rapports constants avec la communauté qui leur assure l'hospitalité et le milieu de famille, neuf Frères fréquentent les cours universitaires sans que leur vie régulière souffre la moindre atteinte. Les exercices de piété qu'ils ne peuvent avoir avec la communauté à cause des horaires établis par la Faculté, ils les font ensemble, au moment opportun, sous la responsabilité d'un Frère du groupe. Tous ont au collège une matière profane à enseigner. Les dimanches et jours de fête, ils sont chargés de l'explication de l'Évangile dans les classes supérieures. De cette façon, ils ne sont pas entièrement séparés de leur mission enseignante et de l'apostolat. La proximité des Facultés leur fait éviter la perte de temps et les dangers d'une longue promenade à travers les rues.

Il est de tradition que, chaque année, nos étudiants conquièrent brillamment plusieurs mentions honorables, donnant ainsi du prestige au costume mariste. Par leur nombre et leurs notes de fin de cours, ils ont su s'attirer la considération et la haute estime du corps professoral, en même temps que le respect et la sympathie des étudiants.

On envisage fermement d'organiser, dès le cours prochain où il y aura douze candidats, une série de leçons formatives sur des thèmes théologiques, moraux et ascétiques, données par un des religieux les plus renommés de la ville.

L'esprit missionnaire dans la Province. – La nouvelle de la création d'une nouvelle maison à Caracas (Venezuela) et de l'acquisition d'une propriété près de Maracaïbo, comme résultat de la récente visite de délégation du Cher Frère Provincial, a réveillé l'intérêt de nombreux « Nordistes » enthousiastes pour la mission réservée à la Province dans la patrie de Simon Bolivar.

Nous espérons que cet enthousiasme influera grandement sur l’œuvre du recrutement dans nos écoles et fournira un apport plus considérable de ressources pour les Missions Maristes. L'avenir de notre apostolat au Venezuela dépend de la prospérité de nos maisons de formation. Tous les bons enfants de la Province doivent être les collaborateurs de son expansion.

Perspectives pour le proche avenir. En énumérant les réalisations obtenues par la Province de Norte dans le court espace de quelques années, je ne dois pas manquer de signaler l'heureuse solution initiale du problème de notre œuvre de Pamplona. Certes, la position et le terrain n'en constituent que la base ; mais lorsque cette position nous situe en plein quartier d'expansion de la ville, et lorsque le terrain nous offre une surface de près de 7.000 mètres carrés, dans les conditions de paiement les plus favorables, on peut bien affirmer que le plus difficile est déjà réalisé. Ceci dit à l'honneur de la très digne Municipalité de la capitale de la Navarre, et du Cher Frère Visiteur qui a su la gagner à la cause que nos Frères si dévoués du Collège Saint-Louis-de-Gonzague ont défendue avec tant d'ardeur et de constance.

Cependant, il est bon de ne pas méconnaître l'effort qu'exigera l'exécution d'un projet répondant à nos aspirations, sans que cela diminue le rythme du mouvement ascensionnel de nos maisons de formation, objectif primordial de notre programme d'action.

Et je ne m'arrête pas à souligner l'opportunité de la décision prise au sujet de l'agrandissement du Collège Saint-Joseph de Logroño, en voie d'exécution, qui permettra d'installer convenablement la Communauté et de satisfaire aux exigences du nombre croissant d'élèves internes et externes.

Je ne puis oublier non plus la situation créée la méritante école Saint-Antoine de Burgos, situation qui pour l'honneur et le prestige de notre famille religieuse, réclame une solution adéquate.

L'union étroite de tous les Frères de Norte avec leur Cher Frère Provincial et les autres membres de son Conseil ; la collaboration exemplaire de ceux-ci avec leur Supérieur, comme le démontrent la série d'années de leur mandat ; un effort renouvelé des Frères Directeurs pour faire fleurir dans les communautés le véritable esprit du Vénérable Père Champagnat ; le souci constant qu'éprouvent tous les Frères de mériter les faveurs de Notre-Seigneur et de la Sainte Vierge par une régularité exemplaire et un dévouement total à leurs nobles fonctions d'éducateurs., sont un gage certain de la prospérité croissante des œuvres qui constituent le plus ardent de leurs désirs.

 Qu'il me soit permis, mon Révérend Frère Supérieur, de solliciter de votre paternelle bonté une bénédiction spéciale pour tous ceux qui, avec un si grand dévouement, exercent leur apostolat dans ce secteur si intimement lié à votre personne et à votre souvenir, et qui savent bien mériter de l'Institut.

                F. SIXTO, A. G

Données statistiques comparées

(Province de Norte.) 

 

Années

Juvén.

Postul. et

Novices

Profès

Tempor.

Prof. Perp. et Stables

Elèves

1948

1949

1950

77

93

130

38

37

45

75

71

79

209

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Visite à la Province

de Grande-Bretagne et Irlande

 J'ai eu le plaisir de passer le mois d'août dernier en compagnie de nos Frères de Grande-Bretagne et d'Irlande et de présider, avec le Cher Frère Clement, A. G., leurs deux retraites. J'ai pu ainsi m'entretenir avec tous les Frères de la Province et connaître chacune des maisons.

Je m'empresse de remercier le Cher Frère Provincial pour les mesures prises afin de faciliter cette visite, et les Frères Directeurs qui, fidèles à ses instructions, l'ont rendue agréable pour moi et, je l'espère, utile à tous.

L'impression dominante que je rapporte de ce contact avec nos Frères britanniques et irlandais est celle du bon esprit qui les anime. Ils ont bien, Dieu merci, le cachet mariste d'humilité, de simplicité et de modestie que nous devons jalousement conserver partout. La plupart des écoles sont gratuites et leurs locaux plutôt modestes ; pas de luxe dans les résidences ; ordinaire de table adapté au pays, mais généralement sans recherche ; jardins d'agrément ou potagers attenant aux maisons, bien tenus grâce au travail des Frères aux heures libres que leur laisse la classe.

Le service de la chapelle et du réfectoire à Dumfries, pendant la retraite, a été assuré par les Professeurs du collège sous la direction de l'un d'eux, malgré la présence des Scolastiques et même des domestiques du pensionnat. J'ajoute volontiers que les Frères venus de diverses Provinces en Grande-Bretagne, durant les vacances, pour se perfectionner en anglais, ont déclaré unanimement que l'hospitalité reçue ne pouvait être ni plus généreuse ni plus fraternelle.

La retraite de Dumfries, du 2 au 9 août, a réuni la plupart des Frères, environ 140, d'Angleterre et d'Ecosse. Celle d'Athlone, du 24 au 31 août, a été suivie par les Frères d'Irlande et les Novices et Postulants ; au total une soixantaine de retraitants. Ces deux retraites, prêchées avec zèle et talent par deux Pères Maristes, ont été particulièrement ferventes. A la clôture de la première, quelques Frères ont émis le vœu de stabilité, et d'autres les vœux perpétuels. La cérémonie de vêture de profession, à la fin de la deuxième retraite, a été présidée par l'évêque du diocèse, Mgr James Mc Namee.

Les trois premiers fondateurs de la Province dont Frère Procope, plus tard Assistant Général, venant de Beaucamps, sont arrivés en Angleterre le 31 décembre 1852, et ont ouvert une école à Londres en janvier de l'année suivante. Nous avons actuellement en Angleterre trois communautés travaillant dans quatre écoles gratuites : deux à Londres, une à Birmingham et une à Wolverhampton.

La première fondation en Écosse a été celle de l'école St. Mungo, à Glasgow, en août 1858. Il y a actuellement, outre la Maison Provinciale à Dumfries et la résidence des étudiants à Glasgow, une école à Dumfries et à Largs, trois à Dundee et six à Glasgow. De ces écoles, seules celles de Dumfries et de Largs sont payantes. Dumfries compte 270 élèves, dont 210 internes, tout ce que peut recevoir le local. Largs n'a qu'une quarantaine de pensionnaires. On les a reçus surtout pour utiliser,. pendant l'année scolaire, une maison qui, située au bord de la mer, sert de maison de repos pendant les vacances. Les Frères des trois écoles de Dundee forment une seule communauté. Ceux des huit écoles de Glasgow en forment trois.

Nos Frères sont arrivés en Irlande, à Sligo, en avril 1867. Nous y avons fondé depuis, outre la maison de formation, à Athlone, quatre résidences pour six écoles, toutes gratuites. Athlone et Sligo comptent deux écoles, Castlerea et Strokestown, une.

La gratuité des écoles est due à une législation votée à diverses époques dans chacune de ces contrées. Elle assure un traitement aux maîtres et couvre soit la totalité, soit une parti, seulement des frais de construction, entretien, mobilier, fournitures scolaires, transport, cantine, etc. …

Je ne puis m'étendre sur cette organisation qui offre de grands avantages, mais présente aussi des inconvénients. Je ne compte pas parmi ces derniers d'obligation d'avoir des diplômes, car de cette mesure il résulte, la plupart du temps, un grand bien. Mais nos Frères ont dû accepter en trois ou quatre endroits des situations de fait qu'il ne con-vient pas de voir se prolonger. En outre, plusieurs écoles, surtout à Londres et à Glasgow, sont éloignées des résidences à tel point que certains Frères ont à voyager, matin et soir et par n'importe quel temps, de trente à quarante minutes pour se rendre à leur travail ou en revenir. C'est un sacrifice qu'ils acceptent généreusement mais qui, à la longue, n'en est pas moins pénible.

De plus, le personnel ne peut être employé dans les écoles qu'avec l'agrément des autorités scolaires. Ceci ne crée pas de problème en Irlande et ne semble pas non plus devoir en créer en Angle-terre, grâce à l'influence prépondérante de l'autorité religieuse dans la nomination des candidats. Mais en Écosse, quoique le clergé ait, comme ailleurs, le droit de n'accepter pour les écoles catholiques que des maîtres catholiques et capables d'enseigner la religion, il ne peut guère empêcher qu'un candidat soit préféré à un autre, si les deux ont son agrément. Ceci pourrait amener la substitution, par un professeur civil, d'un religieux, professeur ou même Directeur, que son Supérieur voudrait changer ou que l'âge (65 ans) obligerait à la retraite.

La Province a deux Juvénats, l'un à Hetland (Écosse), à 25 kilomètres de Dumfries, l'autre à Athlone (Irlande), avec un total d'environ soixante-dix juvénistes. Nous espérons voir ce nombre bientôt dépassé.

Il n'y a qu'un Noviciat, qui est à Athlone ; mais l'importance croissante donnée en Irlande à la langue irlandaise pour l'obtention des diplômes et pour l'enseignement pourrait bien obliger, plus tard, à établir un autre Noviciat pour la Grande-Bretagne. Déjà, pour ce même motif, de la différence des langues, les Scolastiques sont divisés en deux groupes, l'un à Dumfries, l'autre à Athlone.

Le Scolasticat de Dumfries est, avec la Maison Provinciale, dans la même propriété que le Collège, mais dans un édifice bien indépendant. Seule la chapelle est commune. Le cimetière, qui est également dans la propriété, est, comme tout le reste, d'une bonne tenue remarquable.

Il y a à la Maison Provinciale, outre les Scolastiques, quelques Frères anciens, dont le Frère Chumald qui avec ses 95 ans, est le doyen de l'Institut. Ils y sont l'objet de toutes sortes de soins de la part de confrères bien dévoués.

Les Scolastiques d'Athlone préparent leur admission à l'École Normale qu'ils suivent avec d'autres religieux à Waterfort. Les études universitaires se font à Dublin. Les Scolastiques de Dumfries préparent l'examen d'admission aux Universités d'Angleterre ou d'Ecosse. Nos élèves universitaires de Londres et de Dundee vivent en communauté avec les Frères occupés dans l'enseignement. A Glasgow, ils forment une Communauté distincte. Leurs études durent quatre ans : trois pour le diplôme proprement dit, et un pour la préparation pédagogique.

Je suis heureux de pouvoir dire qu'en général ces jeunes Frères sont animés d'excellentes dispositions. Ils aiment leur vocation et obtiennent, pour la plupart. des résultats très satisfaisants aux examens ou dans l'enseignement. Ils appartiennent à des familles foncièrement chrétiennes qui ont su conserver leur foi intacte lorsqu'elle fut directement attaquée, comme en Irlande ; ou qui ont encore l'occasion de l'affirmer dans des milieux en grande majorité protestants, comme en Angleterre et en Écosse.

Cette jeunesse fournira, j'en ai la conviction, un excellent rendement si elle développe au maximum sa vie intérieure par une grande fidélité aux exercices de piété ; à l'étude religieuse, à la direction, au silence, à la clôture, etc. Je forme les vœux les plus ardents pour qu'elle s'applique sérieusement à ce travail et pour que ses maîtres et Directeurs l'y aident de leur mieux. Il. y va du bien de chaque religieux en particulier, comme du bien de la Province qui ne saurait mieux préparer son prochain centenaire que par une croisade de ferveur et de régularité. Ce surcroît de générosité, ajouté aux sacrifices qu'a dû s'imposer la Province par la fondation, il y a un an, d'une école dans la Mission du Nigeria, lui méritera, j'en ai le ferme espoir, des grâces abondantes qui se traduiront en un renouveau de vitalité. 

Elections de Frères Provinciaux

 Dans la séance du 9 mai 1950, le Conseil Général a élu le Cher Frère ANDRÉ-GABRIEL provincial de Chine, pour une première période triennale.

 Dans la séance du 30 mai 1950, le Conseil Général a réélu le Cher Frère MARIE-CHRYSOPHORE provincial du Brésil Central, pour une seconde période.

 Dans la séance du 23 septembre 1950, le Cher Frère JULIO BENJAMIN a été réélu provincial de Léon, pour une seconde période, et le Cher Frère ODILON BERNARDO a été réélu, pro tempore, provincial du Brésil Septentrional.

 Dans la séance du 26 octobre 1950, le Cher Frère MARY JUSTINIAN a été réélu provincial d'Afrique du Sud pour une troisième période  ; le Cher Frère ANDREW CORSINI, provincial (le Nouvelle Galles du Sud et le Cher Frère PLACIDES MARY, provincial de Victoria., ont été réélus pour une seconde période ; le Cher Frère KENNY MARY a été élu provincial de Grande-Bretagne et Irlande pour une première période triennale. 

 

LISTE DES FRÈRES dont nous avons appris le Décès

depuis la Circulaire du 24 Mai 1950.

 Noms des Défunts                            Lieux des Décès                              Dates

 

F. Luis Amadeo       Stable                  Santiago (Chili)                              3 mai     1950

F. Didyme                 »                           Aubenas (France)                          27         »          »

F. Léon-Raphaël      »                           Mouscron (Belgique)                     1ierjuin              ».

F. Louis-Melchior     Profès temp.       Pékin (Chine)                                  2           »          ».

F. François-Eubert   Stable                  Langon (France)                             4           »          »

F. Marie-Ignatius      Profès perp.       Lausanne (Suisse)                         5           »          »

F. Mary Placid          Stable                  Sydney (Australie)                          7           »          »

F. Placide                 Profès perp.       Beaucamps (France)                     8           »          »

F. Philippe-André     »                           Saint-Chamond (France)              9           »          »

F. Victor-Marcellin    »                           Mont-Saint-Guibert (Belgique)      11         »          »

F. Marie-Floribert     Stable                  Saint-Genis-Laval (France)           12         »          »

F. Eutimio                 »                           Anzuola (Espagne)                        15         »          »

F. Pedro Canisio     »                           Porto Alegre (Brésil)                      16         »          »

F. Ambroise-Victor  »                           Johannesburg (Afrique du Sud)    26         »          »

F. Auguste-Isidore   »                           Lesbiens (Canada)                        17 juill.      1950

F. Ludger                  »                           Iberville (Canada)                           26         »          »

F. Avellin                   »                           Saint-Genis-Laval (France)           28         »          »

F. Léon-Félix            »                           N.-D. de l'Hermitage (France)      29         »          »

F. Gausbertus           »                           Pontos (Espagne)                          3 août     1950

F. Marziale                »                           Lujan (Argentine)                            7           »          »

F. Génoin                  »                           Popayán (Colombie)                     2 sept. 1950

F . Marie-Austremoine »                      Amchit (Liban)                                2           »          »

F. Alfrideus               »                           Varennes-sur-Allier (France)        8           »          »

F. Crispino                Profès perp.       Popayan (Colombie)                     14         »          »

F. Othonis                 Stable                  Tlalpan (Mexique)                           17         »          »

F. Saturnino José     »                           Popayan (Colombie)                     21         »          »

F. Louis-Michaélis   »                           Courpière (France)                        26         »          »

F. Marie-Argée         »                           St-Paul-Trois-Châteaux (France)4 oct.                »

F. François-Noël      »                           Saint-Genis-Laval (France)           5           »          »

F. Candido-José      Profès perp.       Villa Marista (La Havane)              5           »          »

F . Louis-Eraste       Stable                  Pékin (Chine)                                  11         »          »

 F. Ruélin                   »                       St-Paul-Trois-Châteaux (France) 10 nov.             »

 F. Concorde            »                           Bergues (France)                           11         »          »

F. Libérius-Joseph   »                           Cali (Colombie)                              17         »          »

F. MICHAÉLIS          Anc. Assistant    Saint-Genis-Laval (France)           18         »          »

 F. Pierre Canisius   Stable                  Saint-Genis-Laval (France)           19         »          »

F. Columba Joseph»                           Hamilton (Australie)                       19         »          »

F. Henri-Chanel        »                           Ancelle (France)                            22         »          »

 

La présente circulaire sera lue en communauté à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle.

Recevez, mes bien Chers Frères, la nouvelle assurance du religieux attachement avec lequel je suis, en J. M. J.,

Votre très humble et tout dévoué serviteur,

          Frère LÉONIDA,  Supérieur Général.

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