Circulaires 332

LĂ©onida

1951-05-24

Noces d'Or. Remerciements, 477. - Fruit principal des retraites : Des efforts soutenus pour aimer la Congrégation d'un plus grand amour et la servir avec un dévouement total, 481. - a) Pourquoi devons-nous aimer la Congrégation ? 482. b) Que devons-nous faire pour conserver et accroître en nous l'amour de la Congrégation ? 489. - c) Comment prouver no-tre amour pour la Congrégation ? 494. - Congrès International des Religieux, 511. - Allocution de S.S. Pie XII aux membres du premier Congrès International des Religieux, 518. - Nos Frères martyrs d'Espagne, 531: -. Un centenaire marial. 533. - Nos Frères de Chine, 534. - Visite de délégation à la Province de Levante (Espagne), 535. - Visite de délégation au Portugal et au Mozambique, 541. - Visite aux Provinces de Cuba-Amérique Centrale, Mexique et Colombie, 546. - Élections, 561. - Liste des défunts, 562.
Supplément : union missionnaire M. Champagnat.

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V. J. M. J.

 Saint-Genis-Laval, le 24 mai 1951.

         Fête de Notre-Dame Auxiliatrice.

                       MES BIEN CHERS FRÈRES,

Le 25 mars 1901, je revêtais les livrées de la Sainte Vierge au noviciat de Castelnaudary. Ce noviciat a disparu à la suite des lois persécutrices de 1903 et le local qu'il occupait nous a été ravi. Mais il me semble voir encore la belle chapelle où se déroula la cérémonie et entendre le célébrant établir un rapport très pratique entre le Fiat de Notre-Dame et celui que nous prononcions en nous enrôlant, en ce jour, au service du Divin Maître.

Jour de joie douce et profonde, celui de la prise d'habit ; mais jour émouvant aussi, celui qui en ramène le cinquantième anniversaire !… Alors on prenait des engagements dans l'enthousiasme de la jeunesse, sans bien soupçonner les dangers qui se rencontrent au cours de la vie et auxquels succombent, hélas ! parfois les mieux disposés au moment du départ.

Maintenant, sans cesser de craindre, on sait, par expérience, que l'assistance divine ne manque jamais à ceux qui servent Notre-Seigneur avec loyauté et l'on est plus près de la couronne promise à la persévérance.

Pour ma part, en faisant le point après cette longue étape de ma vie, je sens le besoin de bénir Dieu et la Très Sainte Vierge de m'avoir gardé à leur service, en soutenant ma faiblesse et en me comblant de bienfaits.

Les Membres du Conseil Général, dont je ne saurais trop louer l'esprit filial, ont bien voulu vous associer à ma joie et à mes actions de grâces, en provoquant des manifestations empreintes des plus nobles sentiments.

C'est ainsi que chaque province a préparé un splendide album qui expose son état actuel. L'ensemble de ces albums constitue une somme de renseignements que l'on pourra utiliser dans la suite. Dans les premières pages de chaque exemplaire, on présente un trésor spirituel riche par le dessin ou l'enluminure artistique qui l'orne. Mais plus riche par les prières, bonnes oeuvres et sacrifices qui le composent.

Toutes les sections de la Maison-Mère ainsi que les Seconds Novices de Saint-Quentin-Fallavier ont rivalisé de bon esprit et de talent pour élaborer un programme varié et impeccablement exécuté. Messe de communion, Grand-Messe, Bénédiction du Très-Saint-Sacrement, chant du Te Deum, présentation des félicitations et souhaits, repas de famille, tout convergeait vers un but unique : remercier des faveurs accordées au Supérieur Général de la Congrégation et demander, par l'intercession de la Très Sainte Vierge et de saint Joseph que le Seigneur lui continue son assistance !

C'est de tout cœur que je remercie les Frères qui ont organisé ces fêtes ou s'y sont associés. Ma pensée va non seulement à ceux qui se trouvaient à la Maison-Mère, le 25 mars, mais encore aux absents, proches ou lointains, qui par leurs prières ou les lettres qu'ils m'ont adressées se sont unis à moi en ce beau jour : élèves de nos écoles ou sujets en formation, confrères de tout âge exerçant les divers emplois de l'Institut ou obligés au repos par les ans ou la maladie je les bénis tous et je supplie Notre-Seigneur d'acquitter lui-même la dette de gratitude que j'ai contractée à leur égard.

Ces cinquante années de vie religieuse me suggèrent des réflexions que je vous communique en toute confiance et simplicité. Je reconnais humblement que le bon Dieu s'est montré très libéral et miséricordieux en m'appelant à son service et en m'y conservant jusqu'à ce jour.

Il m'a donné une sainte mère. Elle savait prier et faisait prier ses enfants. Sans motif très grave, elle ne m'aurait jamais permis de manquer la classe et moins encore le catéchisme préparatoire à la première communion. Devenue veuve, elle aurait pu retenir son seul garçon près d'elle et s'en faire aider ; elle a toujours, au contraire, encouragé ma vocation, et, lorsque les lois contre les religieux m'ont fait envisager l'exil pour mieux sauvegarder cette vocation, elle s'est empressée d'entrer dans mes vues.

J'ai trouvé ce même amour maternel dans la Congrégation et c'est en toute sincérité que je reconnais et proclame lui être en très grande partie redevable du bien que j'ai pu y réaliser.

Je garde d'excellents souvenirs des Frères plus directement chargés de ma formation au Juvénat et au Noviciat. Volontiers, je rends témoignage de la vie exemplaire de la plupart de mes anciens Directeurs et du soin qu'ils prenaient de leurs subordonnés. L'immense majorité des Frères avec lesquels j'ai vécu m'ont également édifié par leur conduite. Il y a eu peu de défections parmi eux et les survivants se maintiennent, grâce à Dieu, dans la voie de fidélité au devoir qu'ils ont courageusement suivie.

Une mention spéciale est due aux Frères Provinciaux et aux Frères Assistants Généraux sous la direction desquels j'ai travaillé. Ils ont déployé un zèle constant et éclairé pour faire régner parmi leurs Frères la régularité et les autres vertus qui sont le soutien et la force des communautés, et ils enseignaient ces vertus plus par leurs exemples que par leurs discours.

Au cours de ma vie, j'ai éprouvé des joies et des peines ; mais si les unes et les autres pouvaient se traduire en chiffres, il est indiscutable que la somme des premières dépasserait considérablement celle des secondes, parce qu'au milieu des plus graves difficultés, la pensée que j'étais sous le regard et la protection de Marie, notre ressource ordinaire, m'a inspiré une confiance invincible. C'est pourquoi je voudrais recommander à tous, surtout aux plus jeunes que menace le découragement, de se placer sous le puissant patronage de la Très Sainte Vierge. Ils comprendront plus tard le rôle ineffablement maternel que Notre-Dame joue dans la vie de ceux qui se confient en Elle et savent réaliser dans le menu détail quotidien la donation totale qu'ils lui ont faite d'eux-mêmes et de tout ce qui les regarde.

Ce cinquantenaire, tout en m'invitant à l'action de grâces, m'oblige à constater dans mon passé bien des insuffisances. C'est pourquoi j'ose vous demander de m'aider par vos prières à m'acquitter du double devoir de la reconnaissance et de la réparation.

Daigne Notre-Seigneur, par l'intercession de Notre-Dame, de saint Joseph et du Vénérable Père Champagnat, accorder que le reste de ma vie soit pleinement dépensé à sa plus grande gloire et au service de notre chère famille religieuse !.. 

FRUIT PRINCIPAL DES RETRAITES

 La Congrégation étant, pour nous, comme l'instrument des innombrables bienfaits dont nous comble la Divine Providence, nous contractons envers elle une dette d'inépuisable gratitude et de filial dévouement qui s'accroît sans cesse avec les années.

Afin de nous acquitter plus efficacement de cette dette, nous nous proposerons comme fruit principal à retirer de nos prochaines retraites

Des efforts soutenus pour aimer la Congrégation d'un plus grand amour et la servir avec un dévouement total.

Cet amour est indispensable pour trouver le bonheur dans notre état, pour en accepter loyalement les obligations et pour nous y attacher irrévocablement. Sans cet amour, nous rempli-rions nos devoirs vaille que vaille pour aboutir peut-être à une rupture avec une société à laquelle nous tiendrions par des liens trop fragiles. C'est un fait d'expérience analogue à celui que l'on observe dans le monde où les membres d'une famille n'aimant pas leur foyer y vivent en étrangers et souvent le désertent.

Pour traiter cet important sujet nous verrons :

Pourquoi nous devons aimer la Congrégation

Ce qu'il faut faire pour conserver et accroître en nous cet amour ;

Quels témoignages nous devons en donner. 

1. Pourquoi devons-nous aimer la Congrégation ?

 Nous trouvons une belle réponse à cette question dans la biographie du Frère Damien ou « le véritable enfant de l'Institut ». Nous nous en inspirerons.

a) Nous devons aimer la Congrégation parce que c'est Dieu qui nous y a appelés.

C'est tout le problème de notre prédestination à la béatitude céleste et des desseins éternels de Dieu sur notre vocation qu'il faudrait envisager ici.

Rien dans l'ordre de la grâce n'est dû au hasard. Ce n'est pas par suite de circonstances fortuites que nous sommes Petits Frères de Marie, c'est une Providence particulière qui nous a conduits dans l'asile de salut qu'est notre Congrégation.

Cette même Providence qui prépara la rencontre du divin Maître avec ses futurs Apôtres et avec la multitude de ceux qu'Il instruisit, guérit ou ressuscita, a disposé les circonstances et suscité les personnes qui nous ont orientés vers notre Institut plutôt que vers un autre. Il importe de faire à cet égard un acte de foi très ferme.

Quand Notre-Seigneur lors de la dernière Cène disait aux douze pressés autour de Lui : « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis » (Jean, XV, 16), ses regards divins plongeaient sur les siècles futurs et tombaient sur chacun de nous… Il est certain que nous sommes l'objet d'un choix divin et d'un appel d'amour dans notre vocation.

b) Nous devons aimer la Congrégation parce que Dieu l'aime.

Il en est le premier et vrai Fondateur. Il l'a voulue de toute éternité, en a tracé les plans et, par l'intermédiaire de Marie, en a confié l'exécution au Vénérable Père Champagnat. C'est ce que rappelle la plaque placée en 1917 dans l'antique sanctuaire de Fourvière. Elle porte cette inscription : « Près de cet autel, le 24 juillet 1816, le Vénérable Marcellin Champagnat reçut l'inspiration de fonder l'Institut des Petits Frères de Marie ou Frères Maristes. »

Cette intervention divine se manifeste clairement dans l'instrument choisi : un humble vicaire d'une paroisse de montagne, dépourvu de ressources pécuniaires, ne comptant sur aucun appui humain et en butte à de multiples oppositions.

L'amour du bon Dieu pour notre Congrégation est visible dans la prospérité extraordinaire où elle est parvenue en dépit de graves et nombreuses difficultés et même de violentes persécutions. Elle compte à ce jour, trente et une Provinces, sept cent seize maisons réparties dans cinquante pays et un total de plus de deux cent mille élèves, dont environ quatre mille cinq cents aspirants è la vocation mariste dans soixante-quatorze Juvénats et vingt-neuf Noviciats.

Oui, redisons-le avec les sentiments de la plus vive reconnaissance, Dieu nous a témoigné une particulière prédilection pendant les cent trente-quatre années écoulées depuis le jour où Jean-Marie Granjon et Jean-Baptiste Audras furent choisis pour servir de fondement à notre Institut.

c) Nous devons aimer la Congrégation parce qu'elle est notre famille et notre bien et qu'elle tient lieu de la famille et des biens de la terre que nous avons abandonnés. C'est pourquoi nous n'y sommes pas reçus comme des étrangers, mais nous trouvons fine parenté spirituelle dans les Supérieurs et les confrères et nous sommes devenus, avec eux, copropriétaires de ce qui appartient à la Congrégation.

Partout, quelles que soient leur nationalité, leur race ou leur langue, nos Frères nous reçoivent comme des membres de la famille. Ceux d'entre nous qui ont eu l'occasion de voyager hors de leur Province, en ont fait l'heureuse expérience et ont éprouvé une impression très réconfortante. Dans certaines maisons, les Frères de passage sont particulièrement nombreux et cependant toujours bien accueillis : en engageant ces maisons à continuer à être hospitalières, je me fais un devoir de les féliciter et de les remercier, car elles contribuent ainsi à accroître l'esprit de famille dans l'Institut.

Les riches se glorifient parfois de posséder des maisons d'habitation, de travail, de vacances, en ville, à la plage, en montagne. Malgré notre vœu de pauvreté, nous sommes plus fortunés qu'eux. car partout, dans quelque partie du monde où sont établis des Petits Frères de Marie, nous sommes chez nous. Si bien qu'avec sainte Sophie Barat, chacun peut dire : « Notre maison de ville est notre pays ; notre maison de campagne, le monde entier. »

Mais les biens que possède la Congrégation et qui appartiennent à chacun de ses membres ne se bornent pas à des maisons et à des terres. Il y a tout un passé de vertu et d'apostolat, il y a surtout les religieux qui nous ont précédés et qui, avec le Vénérable Fondateur ou à sa suite, ont honoré notre famille religieuse et lui ont acquis la confiance de l'Église et de la Société. On compte parmi eux des hommes éminents par le savoir, la sainteté, le dévouement ; des martyrs dont certains, nous en avons le ferme espoir, seront un jour placés sur les autels. Le prix d'un tel héritage est inestimable et impose d'inéluctables devoirs de fidélité.

d) Nous devons aimer la Congrégation pour tout ce qu'elle fait pour nous au point de vue matériel, intellectuel, moral et religieux.

L'habitude de jouir des bienfaits de l'Institut nous en fait perdre parfois de vue le nombre et l'excellence. Tous les soirs, à l'acte de remerciement, nous disons à Dieu : « Je vous remercie de m'avoir appelé à la vie religieuse où vous me comblez tous les jours d'une infinité de faveurs. » Appliquons-nous à nous remémorer au moins les principales de ces faveurs et y oyons dans la Congrégation notre Providence visible.

Elle nous a admis parmi ses membres, souvent gratuitement ou moyennant une compensation financière minime, veillant sans cesse à ce que rien ne nous manquât ni pour l'âme ni pour le corps.

Elle nous a donné l'instruction, et si quelques-uns d'entre nous sont enclins à l'estimer insuffisante, plus nombreux sont ceux qui la déclarent supérieure à celle qu'ils auraient pu acquérir en restant dans leur famille.

Nous lui devons des connaissances religieuses plus étendues et une conscience mieux formée que celle du commun des fidèles. Sans doute avons-nous, malgré tout, des fautes à déplorer, mais n'auraient-elles pas été plus fréquentes et plus graves dans le monde ou les dangers d'offenser Dieu sont plus grands et les secours spirituels moins abondants que dans la vie religieuse ?

Pour comprendre à quel point la Congrégation a été la protectrice de notre vertu, il suffit de nous rappeler ce que sont devenus certains compagnons d'enfance, ou même tels ou tels membres de notre famille.

e) Nous devons aimer la Congrégation à cause de ce qu'elle fait actuellement pour nous et fera encore à l'avenir.

Elle nous fournit sans cesse les moyens nécessaires pour travailler à notre perfection : ligne de conduite bien tracée par la Règle, conseils et vigilance paternelle des Supérieurs, assistance et bon exemple des confrères, exercices de piété nombreux, réception fréquente des sacrements, etc. …

Sa sollicitude s'étend à tous nos besoins matériels : nourriture, habillement, logement. Elle nous affranchit de bien des préoccupations, ce qui nous permet de nous adonner plus librement au double travail de notre perfection et de l'emploi qui nous est confié.

Combien de séculiers souhaiteraient jouir des mêmes avantages, surtout en temps de crise économique. Mais c'est lorsque l'épreuve de la maladie ou la vieillesse avec son cortège d'infirmités surviennent que l'Institut se montre fidèle au contrat établi par la Profession religieuse. Non seulement il ne saurait être question de renvoi pour raison de santé, mais nous devenons l'objet d'attentions spéciales et nous avons pour les soins médicaux, des facilités que n'ont pas, à beaucoup près, la plupart des personnes de notre condition sociale,

En outre, les infirmités nous immobilisent-elles même pour de longues années, la congrégation continue à nous prodiguer ses soins maternels, voyant en nous, avec le Vénérable Fondateur, les membres souffrants de Jésus-Christ et un gage de bénédictions.

Ces avantages sont appréciés particulièrement par ceux qui, ayant quitté leur vocation, ont été trompés par le monde séducteur auquel ils ne surent pas résister. Ils constatent trop tard combien était bonne mère la Congrégation qu'ils ont abandonnée.

Oui, bonne pour tous, la Congrégation le sera jusqu'au bout, car elle est toujours jeune, de sorte qu'elle prend soin de ses membres jusqu'à leur mort et à leur entrée au Paradis. Elle veillera à ce que les secours spirituels soient donnés en temps opportun et, après nous avoir fermé les yeux, elle nous appliquera d'abondants suffrages qui se continueront aussi longtemps qu'elle durera.

Dans le monde, ceux mêmes qui lèguent de grands biens ne peuvent compter après leur mort, que sur un nombre limité de suffrages. Un jour vient où ils sont oubliés car leurs héritiers, même s'ils sont fidèles à faire célébrer les messes indiquées dans le testament, mourront à leur tour. Tandis que dans la Congrégation, il y a des suffrages déterminés par les Constitutions en faveur des défunts. Non seulement on en fait mémoire chaque jour à la prière du matin et du soir, mais encore on offre, tous les trois mois, des centaines de messes ainsi que des milliers de communions et d'offices des morts. On fait de même aux retraites. Quels chrétiens fortunés peuvent se promettre de tels secours après leur mort ?

Ces considérations doivent nous inspirer envers la Congrégation un amour de préférence, semblable à celui d'un enfant pour sa mère. Elle est bien, en effet, notre mère dans l'ordre spirituel puisque c'est elle qui nous a engendrés à la vie religieuse. Admirable maternité qui nous fait dire : « Notre Mère la Congrégation » comme nous disons : « Notre Mère la Sainte Église. » Seuls des fils dénaturés pourraient faillir au devoir de préférer leur mère, fût-elle la plus pauvre des femmes, à toute autre personne, fût-elle la plus élevée en dignité dans le monde.

Les autres Congrégations peuvent être supérieures à la nôtre sous certains rapports ; ne les jalousons pas, mais évitons l'étrange tournure d'esprit de ceux qui voient tout parfait dans les autres Instituts et seulement des défauts dans le nôtre. Suivons les sages conseils que saint François de Sales donnait là-dessus aux Filles de la Visitation. « Elles préfèreront les autres Congrégations à la leur quant à l'honneur et à l'estime, et néanmoins, elles préfèreront la leur à toute autre Congrégation quant à l'amour. Ainsi chacun préfère son pays aux autres quant à l'amour, sinon en estime, et chaque pilote chérit plus le vaisseau dans lequel il vogue que les autres, quoique plus riches et plus fournis. Avouons que d'autres Congrégations peuvent être meilleures, plus riches, plus belles, plus en vue, mais non pas plus aimables et plus désirables pour nous, puisque Notre-Seigneur a voulu que notre Congrégation fût notre patrie et notre barque qui nous conduit au Ciel. » 

II. Que devons-nous faire pour conserver

et accroître en nous l'amour de la Congrégation ?

 Pour conserver et accroître cet amour, nous devons, tout d'abord, chercher à connaître de mieux en mieux ce qui se rapporte à elle, car c'est un principe indiscutable de saine philosophie que la connaissance précède toujours l'amour. Nous possédons d'excellents livres pour cela et nous ne saurions trop remercier le bon Dieu d'en avoir doté notre Institut. Bien des Congrégations en font usage et disent leur admiration pour un tel trésor de doctrine. Ne nous contentons pas d'en faire une étude superficielle, tâchons de nous en pénétrer ; disons de ces livres ce que sainte Jeanne de Chantal disait des Entretiens de saint François de Sales : « Vivons de notre pain, c'est le meilleur pour nous. »

Nous devons connaître, en particulier, la vie du Vénérable Fondateur et de ses successeurs dans le gouvernement de l'Institut, ainsi que celle des Frères qui ont honoré le plus notre famille religieuse par leurs vertus, leurs talents ou leur apostolat. Nous devons connaître l'histoire de la fondation de la Congrégation et de son prodigieux développement, de même que l'excellence et l'importance de notre vocation de religieux éducateurs. La Vie du Vénérable Fondateur est insuffisamment connue. De nombreux Frères font cette constatation au Second Noviciat. Une étude attentive de cette vie, surtout dans l'ouvrage du Frère Jean-Baptiste, nous fait admirer le saint, l'éducateur, le formateur, l'apôtre au service de Dieu et des âmes, sous la protection de Marie, sa Ressource Ordinaire.

Les successeurs du Vénérable Fondateur : le vénéré Frère François, les Frères Louis-Marie, Nestor, Théophane, Stratonique et Diogène se sont grandement préoccupés de maintenir son esprit parmi les Frères et de conduire son œuvre au plus haut degré de prospérité. Leurs circulaires renferment des enseignements précieux et pratiques ; il y aurait grand profit pour tous à en avoir une connaissance plus approfondie.

Les six mille Frères qui sont morts après s'être sanctifiés dans la Congrégation prouvent que l'arbre planté dans l'Église par le Vénérable Champagnat a produit des fruits de salut, selon les desseins de Dieu.

Parmi nos défunts, nous en trouvons plus de cent quatre-vingts à qui Dieu a demandé le témoignage du sang. Ils sont tombés en Océanie, en Chine, en Espagne, victimes de la foi qu'ils pro-fessaient et enseignaient, méritant ainsi une nouvelle fécondité à nos oeuvres.

Comment ne serions-nous pas heureux et fiers d'appartenir à la même famille que ces âmes magnanimes ! Loin d'imiter ceux qui, faisant état de leur arbre généalogique, de la lignée de leurs ancêtres, mettent leur gloire dans les mérites de ceux-ci sans se préoccuper suffisamment de suivre leurs traces, efforçons-nous de reproduire la généreuse fidélité de nos aînés au service de Dieu et de la Congrégation.

La connaissance de l'histoire de la Congrégation dans les nombreux pays ou elle travaille actuellement nous montrera d'abord l'action de la Providence dans le développement progressif de nos œuvres. Ensuite, nous y verrons l'esprit de sacrifice des Frères qui en furent les fondateurs. Ils ont souvent commencé dans une pauvreté extrême ; l'ignorance de la langue, des us et coutumes indigènes leur a parfois occasionné de graves ennuis. Il est même arrivé, comme en Chine, au Brésil, au Mexique, au Congo et en d'autres contrées que, faute d'acclimatation, la mort a fait parmi eux de nombreuses victimes.

Une meilleure connaissance de nos diverses Provinces nous fera concevoir une profonde estime pour l'ensemble des oeuvres de l'Institut. Nous comprendrons qu'il a un rôle splendide à jouer, aussi bien dans les plus humbles écoles que dans celles qui ont le plus de renom : Écoles paroissiales, techniques, secondaires ou supérieures, externats ou pensionnats, écoles de campagne oui de ville, dans les pays chrétiens ou dans les missions, cette multiplicité et cette variété d'établissements font ressortir l'importance de notre Congrégation. L'accroissement de notre famille religieuse, son rayonnement dans le monde, ses méthodes d'éducation, ses succès scolaires, rien ne doit nous laisser indifférents, mais plutôt stimuler notre ardeur et notre dévouement à une si belle cause.

« Je suis homme, a écrit un poète ancien, rien de ce qui est humain ne m'est étranger » ; disons à notre tour : « Je suis Petit Frère de Marie jusqu'au plus profond de mon être, tout ce qui touche mon Institut provoque en moi le plus vif intérêt. »

A défaut d'une histoire volumineuse et ordonnée de la Congrégation, nous en possédons un résumé dans un livre de publication récente et des éléments nombreux dans certains travaux manuscrits, dans les ouvrages du Frère Jean-Baptiste, dans les dix-neuf volumes des circulaires des Supérieurs Généraux, les dix-huit volumes du Bulletin de l'Institut et les notices biographiques de nos Frères. Assignons dans toutes nos bibliothèques une place de choix à ces livres et qu'ils soient tenus en bon ordre. Lisons-les et nous serons surpris de la multiplicité et de la valeur des détails qu'ils contiennent.

Ne négligeons pas la lecture des périodiques publiés par la Maison-Mère ou par les Provinces. Ces publications donnent d'abondantes informations sur nos oeuvres et favorisent l'esprit de famille.

Nous trouvons encore un excellent moyen d'exciter en nous l'amour de la Congrégation dans la méditation fréquente et approfondie du double but qu'elle propose à ses membres : leur propre sanctification et l'éducation chrétienne de la jeunesse.

Comment ne pas estimer, en effet, comme une grande grâce d'être placés dans les conditions les plus favorables, loin des dangers du monde pour vaincre la mauvaise nature et hâter nos progrès spirituels ?

Et comment ne pas estimer grand et honorable notre rôle d'éducateurs chrétiens ? En parler encore c'est nous exposer à des redites, mais il convient cependant d'y insister pour nous exciter à remercier le bon Dieu de nous avoir choisis, comme les Apôtres, les évêques et les prêtres, pour travailler à l'œuvre la plus belle qui soit au monde, l'œuvre de la sanctification des âmes. Avec eux nous formons l'armée du Christ pour la défense de ses droits et l'extension de son règne. Nous sommes les croisés des temps modernes puisque de nos jours la lutte entre le bien et le mal est concentrée sur la jeunesse. Nous pouvons dire en toute justice avec un éducateur : « En tenant mon école, ma classe, j'ai l'impression que c'est un fort que je défends.

Le Vénérable Père Champagnat ne tarissait pas lorsqu'il parlait de la mission de l'éducateur. Un Frère, disait-il. est le coopérateur de Dieu et l'associé de Notre-Seigneur dans la sainte mission de sauver les âmes. Il fait germer dans le cœur de l'enfant la crainte du péché et un ardent désir de faire son salut. Il pose le fondement de la prospérité des familles et de la Société. Il est le suppléant des pères et mères, l'aide des pasteurs, le remplaçant des gendarmes, l'ange gardien des enfants, etc. »

Le Cardinal Gibbons déclarait : « Si nous devions fermer nos écoles de religieux, dans vingt ans nous devrions fermer la moitié de nos églises. »

Écoutons encore ce témoignage sur la sublimité de notre mission : « Les commerçants, les industriels, les agriculteurs travaillent la matière pour aboutir à la matière, car l'argent c'est de la matière. Les éducateurs travaillent les âmes et les modèlent, les pétrissent, les sculptent, en font des chefs-d'œuvre qui doivent orner un jour l'éternité. Les uns élaborent ce qui doit périr, les autres, ce qui doit vivre toujours. Quelle est la plus élevée et la plus haute de ces deux missions ? » (F. Mélage, Au service des autres.)

Quelle reconnaissance ne devons-nous pas à Dieu qui nous a appelés à une telle mission et la Congrégation qui nous fournit les moyens de la bien remplir ? 

III. Comment prouver notre amour

pour la Congrégation ?

 Nous manifesterons cet amour en portant notre attention sur les points suivants :

a) Nous appliquer à prendre l'esprit de la Congrégation et à observer ses Règles.

Avoir l'esprit de la Congrégation c'est voir, sentir, vouloir de la façon caractéristique et permanente qui est la sienne et que lui ont inspirée le Vénérable Fondateur et les premiers Frères. C'est là un des éléments indispensables de sa prospérité. « Une Congrégation, dit l'abbé Guibert, prospère aussi longtemps qu'elle est animée de l'esprit de son Fondateur : du moment où, par sa faute, elle se viderait de l'âme du Père, elle perdrait sa raison d'être, son principe de vie et périrait. »

Cet esprit ne s'acquiert pas simplement en endossant l'habit religieux ; celui-ci n'en donne que le signe extérieur. Il faut surtout s'appliquer à la pratique des vertus qui en sont les éléments constitutifs.

Chaque Institut religieux a un esprit particulier, une vertu qu'il cultive plus spécialement. Ainsi. les Franciscains se distinguent par la pauvreté : les Jésuites, par l'obéissance ; les Trappistes, par le silence et la mortification, etc. … Nous, Petits Frères de Marie, nous devrions exceller en humilité, en simplicité et en modestie, vertus symbolisées par les violettes qui ornent l'écusson de l'Institut. « A l'exemple de la Sainte Vierge et de saint Joseph, lisons-nous dans les Constitutions, les Frères auront une prédilection particulière pour ces vertus et la vie cachée. Ils auront soin de faire le bien sans bruit, de fuir l'éclat et les louanges des hommes et de s'appliquer sans relâche à se rendre petits et à détruire en eux tout ce qui serait opposé à l'humilité et aux autres vertus, pour croître dans la perfection qui consiste dans la charité et l'union à Dieu. » (Art. 3) Nous signalant les moyens à prendre pour conserver l'Institut, les Constitutions ajoutent : « Qu'on travaille sans cesse à fortifier les Frères dans l'esprit d'humilité, de simplicité et de modestie, en leur inspirant le mépris du monde, l'amour de la vie cachée, la crainte des louanges des hommes. » (Art. 207, 20)

Évitons, par conséquent, ce qui dans notre personne et notre conduite, dans nos maisons et nos entreprises, serait inspiré par le désir de plaire aux hommes. La meilleure réclame de nos écoles doit être, non une propagande tapageuse mais la formation chrétienne de ries élèves et les études sérieuses.

Aux trois vertus caractéristiques nous devons joindre l'obéissance à laquelle nous nous attacherons fortement par esprit d'humilité et une dévotion tendre et filiale envers la Sainte Vierge. Cette dévotion nous est inculquée à toutes les étapes de notre vie religieuse : elle est pour nous une source de joie, de courage et d'espoir. Par elle nous sommes forts contre les difficultés et nous acquérons, autant qu'on peut l'avoir ici-bas, la certitude morale que cette tendre Mère nous conduira au Ciel. Cette dévotion est, de plus, un excellent moyen d'éducation et un gage de salut pour nos élèves.

Conçoit-on un Petit Frère de Marie qui n'aimerait pas la Sainte Vierge ? Serait-il digne de porter son nom et ses livrées ? Rivalisons de zèle avec toutes les familles religieuses pour honorer Marie, ayons à cœur de n'être inférieurs à aucune dans le soin que nous mettrons à la faire connaître, aimer et servir. Que toutes nos maisons, comme chacune de nos classes, soient autant de foyers où se forgent des âmes ardemment maristes.

L'esprit de l'Institut s'exprime tout au long de nos Règles, ce n'est qu'en les observant fidèlement qu'il se maintiendra et se perpétuera parmi nous. Il n'est pas, pour un Institut, de bien plus précieux que la scrupuleuse observance des Règles. Ni le nombre des sujets, ni la grande prospérité des oeuvres, ni les plus hautes approbations, ni les succès les plus éclatants ne sont pour la Congrégation un bien comparable à cette parfaite régularité. Ce n'est que par cette fidélité de chacun de ses membres qu'elle réalise son double but et remplit, par conséquent, dans l'Église, au service de Dieu et des âmes, la mission qui lui a été confiée. Aussi peut-elle nous dire avec Notre-Seigneur : « Si vous m'aimez, gardez mes commandements. »

On n'affirmera jamais assez cette vérité que les Frères les plus réguliers, quel que soit leur emploi, sont les plus solides soutiens de l'Institut, car ils attirent sur lui des grâces abondantes et leur vie est une exhortation constante à la ferveur, Ceux qui sacrifient l'observance régulière à leur sensualité ou à leurs caprices sont des causes de ruine pour leur famille religieuse. « Les persécutions, écrit avec raison saint Alphonse de Liguori, ne peuvent que vous être utiles ; mais ce qui est vraiment nuisible à la Congrégation, c'est la transgression volontaire et habituelle des moindres Règles, car elle la prive des bénédictions célestes. »

Observons donc la Règle si nous aimons sincèrement la Congrégation et sachons, au besoin, donner un conseil opportun à ceux qui s'écartent du devoir. Surtout si nous sommes en charge, réagissons avec une douce fermeté sans doute, mais avec constance, contre les moindres irrégularités. A cette fin, ne craignons pas de sacrifier notre repos et même une certaine popularité ; il y va de la conservation des vocations et, partant, de la vie même de l'Institut car, affirment les Constitutions, « un Institut est sur le penchant de sa ruine quand on y fait peu de cas des petites observances, qu'on y tolère les petites fautes et qu'on laisse impunis les manquements aux Constitutions et à l'obéissance » (Art. 206, 3).

 b) Prier pour la Congrégation.

En plaçant ce devoir après celai qui a trait à la conservation de l'esprit de l'Institut et à la fidélité à la Règle, je ne prétends pas méconnaître la primauté de la prière, mais simplement rappeler que l'efficacité de celle-ci ne sera assurée que par notre conformité à la volonté de Dieu exprimée par la Règle. Aide-toi et le ciel t'aidera, disons-nous ; faisons d'abord ce qui est en notre pouvoir et Dieu fera le reste.

Le calendrier religieux nous propose une grande variété d'intentions dans nos prières en faveur de la Congrégation. Ne les perdons pas de vue ; ajoutons-y même celles que les circonstances nous suggèrent. Voici les principales :

Prions pour les Supérieurs, aussi bien pour ceux de l'Administration Générale que pour ceux des Provinces et des maisons, afin qu'ils s'acquittent comme il convient des graves devoirs de leur charge. N'oublions pas non plus dans nos prières, nos confrères les plus éprouvés, les plus tentés, les plus exposés à succomber ou à se décourager ; de même que les plus imparfaits. Pensons à nos Frères persécutés ou absents, à nos malades, infirmes, défunts, etc.

Recommandons à Dieu nos bienfaiteurs et parmi eux, en premier lieu, les parents des Frères qui ont donné à l'Institut ce qu'ils avaient de plus cher. Prions aussi pour nos aumôniers ; que Dieu nous les accorde vertueux, zélés et capables de conduire aussi bien les Frères que les élèves dans les voies de la perfection.

Demandons à Notre-Seigneur que notre Congrégation soit un instrument utile à sa gloire, que ses membres, ainsi que leurs élèves, évitent le péché et vivent saintement.

Implorons les bénédictions du Ciel sur notre recrutement afin qu'il soit excellent et à la mesure de nos besoins ; sur nos écoles, nos missions, nos œuvres scolaires et postscolaires. Prions plus particulièrement pour nos œuvres de formation : nos juvénats, noviciats, scolasticats, seconds noviciats.

Demandons la glorification du Vénérable Fondateur, du vénéré Frère François, de nos martyrs. Demandons de même, souvent, un accroissement de piété, de régularité, de charité et des autres vertus religieuses dans tout l'Institut, etc.

Que de bénédictions nous pourrons obtenir en priant ainsi pour tous les besoins de la Congrégation et en redisant au bon Dieu avec Notre Vénérable Père, que nous comptons uniquement sur Lui pour le succès de notre travail apostolique !

 c) Faire régner autant qu'il dépend de nous l'union dans les communautés et les Provinces.

L'union constitue la force des familles, des sociétés et, par conséquent, des Congrégations. Saris elle se réalisent les paroles de Notre-Seigneur.

Toute maison divisée contre elle-même tombera en ruines.

Cette union requiert que le Supérieur soit paternel et voie dans sa charge non seulement la mission de gouverner, mais encore de servir ; qu'il aime tous ses inférieurs, évitant toute préférence comme toute antipathie ou simple froideur, se faisant tout à tous, comme l'Apôtre, afin de les gagner tous à Jésus-Christ. Il doit partager les peines de ses inférieurs aussi bien que leurs joies, contribuant par cette sympathie à leur faire mieux accepter les sacrifices de la vie religieuse et mieux apprécier ses avantages.

L'union exige encore que les Frères aiment leurs Supérieurs, les aident, par un grand dévouement et une parfaite docilité, à trouver moins lourdes les responsabilités de leur charge. Ils doivent être en garde contre tout ce qui pourrait les affliger, comme la négligence dans leur conduite ou dans leur emploi et l'esprit de critique. Ce dernier ôte à l'autorité son auréole et peut porter atteinte, parfois gravement, à son action bienfaisante sur la marche des maisons, des Provinces et de l'Institut tout entier.

L'union indispensable à la prospérité de la Congrégation veut encore que tous les membres pratiquent la charité fraternelle. Cette charité devrait avoir les qualités énumérées par saint Paul au chapitre XIII de la première épître aux Corinthiens : « La charité est patiente, elle est bonne ; la charité n'est pas envieuse, la charité n'est point inconsidérée, elle ne s'enfle pas d'orgueil, elle ne fait rien d'inconvenant, elle ne cherche point son intérêt, elle ne s'irrite point, elle ne tient pas compte du mal ; elle ne prend pas plaisir à l'injustice, mais elle se réjouit de la vérité ; elle excuse tout, elle espère tout, elle supporte tout. »

C'est sur ce chapitre que le Président Franklin Roosevelt voulut prêter serment lorsqu'il entra en charge pour la première fois. S'il estimait que la charité peut rendre les peuples heureux et forts, nous ne saurions douter qu'elle soit un élément essentiel du bonheur et de la prospérité des Congrégations.

Soyons donc, par amour pour la nôtre, du nombre des religieux charitables qui unissent les esprits et entretiennent la paix. Saint Jean. Chrysostome dit d'eux qu'ils font sur la terré l'office de Notre-Seigneur, venu dans le monde pour réconcilier les hommes avec Dieu et aussi entre eux en bannissant les dissensions. En résumé, ceux qui travaillent à l'union sont l'ornement des communautés tandis que ceux qui y introduisent la discorde en sont les fléaux.

Il semble opportun de rappeler ici le statut suivant du XIIl° Chapitre Général :

« Dans les conversations, on évitera scrupuleusement toute question propre à provoquer des discordes et spécialement celles ayant trait au nationalisme ou au régionalisme condamné en plusieurs occasions par les papes, et en particulier par Sa Sainteté Pie XI, et qui occasionne des troubles si regrettables là où il s'introduit. Sur ce point, il faut autant se tenir en garde contre l'indélicatesse qui provoque les conflits que contre la susceptibilité qui s'offense sans raison. Il ne doit y avoir, parmi les Petits Frères de Marie, quelle que soit leur nationalité ou leur condition, qu'un seul esprit et un seul cœur.

Les journaux à tendance nationaliste ou régionaliste sont fauteurs de troubles et de divisions ; ils doivent être impitoyablement bannis de nos maisons.

L'amour de la patrie suit celui de la famille ; c'est un noble sentiment. Mais dans une Congrégation universelle, catholique comme la nôtre, nous devons écarter de nos conversations tout ce qui pourrait peiner ou surtout blesser nos confrères. »

 d) Bien remplir notre emploi.

Pour y parvenir, adonnons-nous à l'étude, aspirons aux titres professionnels ; ce sera, comme disent les Constitutions, assurer à la Congrégation l'estime du public, la bienveillance et la protection du Clergé et des autorités.

Dans tout emploi on peut contribuer à l'honneur ou au discrédit de l'Institut. L'exactitude ou la négligence d'un surveillant, le zèle ou l'insouciance d'un professeur, l'affabilité ou la rudesse d'un économe, les vues surnaturelles ou l'esprit superficiel d'un directeur témoigneront d'un degré d'amour pour la Congrégation bien inégal et réagiront d'une manière bien différente sur les élèves, les familles et le public pour le bon ou le mauvais renom de l'Institut.

Si l'emploi dont nous sommes chargés nous semble inférieur à nos aptitudes, persuadons-nous qu'il n'est pas de poste inférieur pour des âmes supérieures. Le succès d'une pièce de théâtre dépend aussi bien du rôle du valet que de celui du prince, et l'on n'applaudit pas l'un ou l'autre à cause de son rôle, mais pour la perfection avec laquelle il le remplit.

De même, le mérite de chacun dépend, non de son emploi, mais de la manière dont il s'en acquitte.

Le Livre des Rois nous dit que David, après une victoire, fit part du butin aux hommes qui avaient gardé le camp aussi bien qu'à ceux qui avaient pris part au combat. Ainsi Dieu récompensera magnifiquement tous ceux qui le servent avec générosité, quel que soit le poste plus ou moins élevé où il les aura placés.

Que de beaux exemples nous trouvons dans l'histoire de notre Institut, de Frères dont toute la vie s'est écoulée en des emplois manuels ou dans des classes élémentaires, où ils ont accompli un grand bien et mérité ]es récompenses promises par le Divin Maître à ses fidèles serviteurs ! Imitons-les dans leur dévouement et l'amour de la Congrégation.

 e) Avoir à cœur le recrutement et la conservation des vocations.

Attirer des adeptes à une cause est la pierre de touche de l'amour qu'on lui porte. C'est ainsi que l'amour de Notre-Seigneur suscite dans tous les milieux chrétiens des apôtres brûlant d'un saint zèle pour lui gagner des âmes. De même, l'amour sincère de la Congrégation doit-il faire de tous ses membres des pourvoyeurs de vocations afin d'augmenter ses effectifs et lui permettre d'étendre son champ d'action.

Loin d'imiter ceux qui, ayant laissé s'éclipser l'idéal de leur vocation, n'y voient plus qu'un métier qu'ils n'osent proposer à leurs élèves, le véritable enfant de l'Institut aborde avec enthousiasme devant ses élèves le sujet du recrutement. Son cœur parle d'abondance quand il s'agit de magnifier la vocation d'éveilleur d'âmes et sa Congrégation. Il sait mettre en un relief saisissant ce que cette dernière promet et donne à ses membres, les remarquables services qu'elle a rendus à l'Église dans le passé, l'importance de son rôle actuel dans le monde et le bel avenir réservé à son apostolat si elle compte un nombre suffisant d'ouvriers.

Non content de parler, il prêche plus encore par ses exemples, donnant ainsi à ses disciples une haute idée de notre famille religieuse et entraînant à sa suite ceux en qui il découvre les dispositions nécessaires. Industrieux pour susciter des aspirants à notre Institut, il n'oublie pas cependant que Dieu seul peut décider une âme à se consacrer à son service ; aussi lui demande-t-il instamment de bénir son zèle en faveur du recrutement.

Mais, susciter des vocations ne suffit pas : il faut encore, nous dirions même surtout, s'efforcer de les conserver. Qu'il est triste, en effet, de voir des vocations se perdre parce que, pour les prémunir contre le relâchement et le découragement. il ne se trouve pas en temps opportun, une main et un cœur secourables ! Cette tristesse augmente à la pensée de tout ce qu'il a fallu de peines et. de sacrifices pour la formation d'un religieux éducateur dont l'infidélité anéantit brusquement les magnifiques espérances que fondaient sur lui ses maîtres et ses supérieurs. Le Frère Stanislas ressentait tellement cela qu'au dire de son biographe la sortie d'un Frère le rendait malade.

Puisse notre amour de l'Institut exciter en nous un zèle ardent pour réduire, dans la mesure du possible, le nombre des défections. Pour cela. montrons-nous heureux au service de Dieu et semons la joie autour de nous. Faisons régner la charité fraternelle dans nos communautés et maintenons-y la régularité, car rien autant que le relâchement ne conduit insensiblement les âmes à de lamentables désertions.

Ayons des attentions spéciales pour les jeunes Frères qui sont l'avenir de la Congrégation témoignons-leur l'affection et le dévouement que l'on a pour les plus jeunes dans une famille unie. Ce sera un excellent moyen de les préserver du découragement qui, à leur âge, est particulièrement dangereux pour la persévérance. Sans doute cette tâche incombe-t-elle surtout au Frère Directeur qui donnera aux jeunes Frères des soins appropriés ; il profitera de l'entrevue hebdomadaire pour parfaire leur formation, les porter à la piété, résoudre leurs doutes, les consoler dans leurs peines, diriger leurs études religieuses et profanes. Mais les autres Frères doivent prendre leur part de responsabilité. Aucun ne voudra, par ses attitudes peu ferventes, porter ses jeunes confrères à mésestimer leur saint état. Tous s'efforceront d'être des modèles et des entraîneurs. Ils témoigneront aux jeunes Frères un grand intérêt et beaucoup de compréhension, sachant reconnaître leurs qualités, n'exagérant pas leurs, défauts et les aidant à s'en corriger. Ils les seconderont dans leur emploi et, par des conseils et des encouragements, leur feront éviter des erreurs et surmonter des difficultés, qui provoquent chez les débutants, le dégoût et l'abandon de l'apostolat.

On ne saurait mieux résumer ce qui a été dit du recrutement et de la conservation des vocations qu'en transcrivant les pensées suivantes :

« En quittant la maison de Noviciat, je dois promettre d'y envoyer quelqu'un. »

« Une vie religieuse est stérile si elle ne produit pas d'autres vocations. »

Que d'appels à plus haut service qui restent sans écho par la faute des maîtres ! »

« Il y a des vocations :

qui s'affirment : il faut les protéger, les cultiver ;

qui s'ignorent : il faut les éveiller ;

qui se taisent : il faut les deviner ;

qui se perdent : il faut les repêcher ;

qui n'osent pas : il faut les encourager ;

qui s'inquiètent : il faut les rassurer ;

qui sont contrariées : il faut les soutenir ;

qui sont menacées : il faut les défendre. »

(Revue L'Éducateur-Apôtre.)

 f) Veiller sur la réputation de la Congrégation.

Comme la régularité est la condition de la bonne marche de l'Institut à l'intérieur, le maintien d'une excellente réputation est indispensable à son rayonnement extérieur. Or, cette réputation est sous la sauvegarde de tous les membres de la Congrégation et, quand elle est en danger, il est du devoir de tous de la défendre. Surtout s'il est question de choses graves, ne cherchons pas des prétextes pour nous dispenser d'intervenir. Rappelons-nous, alors, qu'il y a obligation rigoureuse de faire connaître aux Supérieurs ce qui expose la Congrégation et chacun de. ses membres à la honte, au déshonneur. Mais encore faut-il procéder avec beaucoup de délicatesse et de discrétion pour ne pas augmenter le mal qu'on veut enrayer.

Ces communications faites, il faut se tenir tranquille et laisser à la prudence et à la sagesse des Supérieurs les mesures dictées par les circonstances. Que d'amers regrets ont coûté à la Congrégation des fautes et des scandales qui auraient pu être évités si chacun avait accompli son devoir au lieu de garder un silence coupable et de se laisser guider par une fausse indulgence !

Soyons bienveillants pour tous nos confrères, même pour ceux qui s'oublient ; mais l'intérêt général passant avant l'intérêt particulier, comprenons bien qu'il faut parfois sacrifier un membre pour sauver le corps entier. Néanmoins, comme partout où il y a des hommes, il y a des faiblesses, nous ne devons pas nous étonner outre mesure des fautes de nos Frères. Il faut savoir les couvrir du manteau de la charité et de la discrétion. Notre Vénérable Fondateur voulait que l'on cachât les défauts des Frères non seulement aux étrangers, mais encore aux membres de la communauté : il défendait de rapporter à ceux-ci ce qui s'était passé de répréhensible dans les établissements. (Avis, Leçons, Sentences, ch. XXVI, p. 257.)

Évitons la fâcheuse manie de ne voir que les laideurs morales de nos confrères et d'en faire le sujet de nos entretiens. C'est surtout à l'occasion des réunions qu'on doit se tenir en garde contre ce travers, notoire chez certains, de raconter ce qu'il y a de défectueux dans les communautés, quand il serait si facile de mettre en relief ce qui peut édifier et réjouir les Frères.

A plus forte raison faut-il être discret avec les étrangers, ne révélant rien, même sous le sceau du secret, de ce qui pourrait porter atteinte à la réputation de la Congrégation : « Ils ne communiqueront pas sans nécessité aux personnes du dehors ce qui se fait dans l'Institut, tels que les ordres et les défenses des Supérieurs, les défauts ou les fautes de leurs confrères, le renvoi d'un sujet, etc. » (Règles Communes, art. 385.)

Les hommes sont enclins aux généralisations hâtives, attribuant au corps entier les fautes qui sont le fait de quelques membres ; c'est pourquoi, par amour pour la Congrégation, nous devons réparer les défaillances dont nous sommes les témoins ou dont nous avons connaissance. Comme nous sommes solidaires, nous devons, par un apport personnel compensateur de vertus rétablir l'équilibre rompu par les faiblesses de confrères peu généreux.

Quand certaines fautes jettent le discrédit sur une communauté, les Frères qui en font partie, au lieu de se décourager, doivent s'efforcer de la réhabiliter devant le public par une conduite exemplaire. Nous trouvons à ce sujet, dans la biographie du Frère Ambroise, un exemple digne d'être cité. Tout jeune il fut nommé Directeur de Largentière au moment où les Frères de Viviers y remplaçaient des religieux dont le Directeur avait donné un scandale. De ce fait, la population hésitait à accorder sa confiance aux nouveaux venus. Le Frère Ambroise réunit ses Frères et de concert ils résolurent de « bien faire et laisser dire s'engageant : A ne négliger aucun de leurs exercices de piété, à s'attacher de tout leur cœur à leur sainte vocation et à garder une clôture parfaite, évitant toutes les visites qui ne seraient pas d'une absolue nécessité.

Cette ligne de conduite, rigoureusement suivie pendant les dix années que Frère Ambroise passa à Largentière, contribua beaucoup à relever la réputation de la maison et à reconquérir aux Frères l'estime et la confiance des familles. (Biographies, vol. III, p. 283.)

Ne laissons pas faiblir notre estime de l'Institut parce que certains de ses membres le déshonorent par leur conduite ou même abandonnent leur vocation. On ne méprise pas un arbre pour quelques fruits véreux, ni une armée pour quelques déserteurs. Les fautes ou même la désertion d'un religieux infidèle font ressortir la générosité de ceux qui, au prix de sacrifices souvent héroïques, restent fidèles jusqu'à la mort à leurs saints engagements.

 g) Prendre soin des intérêts matériels de la Congrégation.

On comprend aisément que l'attachement à notre famille religieuse doive nous porter à veiller sur ses intérêts matériels car elle a besoin d'abondantes ressources pour la formation des sujets, l'entretien des Frères âgés ou malades et pour le développement des couvres.

Les Frères Directeurs et les Frères Économes ont plus d'occasions que les autres de faire prospérer les fonds de la Congrégation par une bonne administration et la tenue régulière des livres de comptes. Mais aucun religieux n'est dispensé de veiller au maintien de l'esprit de pauvreté et à l'économie. Aucun ne peut voir avec indifférence des biens se perdre ou des objets se détériorer. N'administrons pas les biens de la Congrégation avec l'esprit mercenaire que certains mettent dans la gestion des biens de l'État, mais plutôt avec l'attention du père de famille qui pourvoit largement aux besoins de tous ses enfants, n ais sans prodigalité ni gaspillage.

Nous pourrions trouver bien des enseignements sur ce point dans la vie de notre Vénérable Fondateur, bornons-nous à celui-ci : « Un Frère qui a l'esprit d'économie trouve dans son modique traitement de quoi entretenir convenablement sa maison, venir en aide à l'Institut et favoriser les vocations des postulants qui ne peuvent payer. Au contraire, un autre, qui ne prend pas soin des choses, qui achète mille bagatelles dont il pourrait se passer, endette sa maison, laisse dépérir le mobilier et ne peut pas payer son vestiaire l'Institut. De pareils hommes ne sont ni de bons religieux ni de bons instituteurs. ; ils portent leur esprit de désordre partout, jusque dans les choses intellectuelles et même spirituelles… Ils sont de vrais fléaux pour les maisons où ils passent, tout dépérit entre leurs mains, et ils ne laissent après eux que des dettes (p. 411).

L'esprit de famille nous fera adopter, autant que les programmes scolaires le permettent, nos livres classiques. Ne cédons pas à un fâcheux engouement pour les livres qui nous viennent du dehors, surtout si leur neutralité ou leur hostilité religieuse constituait un danger pour l'âme de nos élèves. S'il y' a des imperfections dans nos livres, signalons-les à qui peut les corriger ; nous continuerons et perfectionnerons ainsi l’œuvre de nos devanciers, faisant bénéficier la Congrégation du fruit de notre travail, de notre expérience et de notre savoir-faire.  .

Dans ce même esprit, ne plaçons jamais, dans nos préoccupations, les intérêts matériels de nos parents au-dessus de ceux de la Congrégation. N'écoutons .pas simplement notre cœur, s’il s'agit de leur venir en aide ; tenons-nous-en plutôt à ce que demandent la charité et la justice. Plus nous serons détachés de la famille et plus nous goûterons les bienfaits de la vie religieuse ; moins nous nous mêlerons des affaires temporelles des nôtres et plus Dieu en prendra soin.

*

*     *

 Tous les témoignages d'amour envers la Congrégation que nous avons. énumérés peuvent se résumer ainsi : Rien de ce qui, de près ou de loin, concerne la Congrégation ne doit nous laisser indifférents et pour elle nous devons être prêts à tout sacrifier : nos goûts, notre repos, nos avantages personnels. Nous devons donc être disposés, quand l'obéissance le demande, à changer de maison ou d'emploi ; à nous expatrier, à affronter les pires climats et même à perdre la vie au service de notre cher Institut envers qui nous avons contracté une dette de reconnaissance que nous ne saurions jamais acquitter pleinement.

Le Vénérable Père Champagnat nous parle des Frères domestiques et des Frères enfants de la maison. A ces derniers vont toutes ses prédilections et, il nous les propose comme modèles. Il y en a, Dieu merci, dans toutes les Provinces, imitons-les si nous voulons trouver en religion les charmes et les douceurs de la famille et y jouir du centuple promis par Notre-Seigneur. 

Congrès international des Religieux.

 Son opportunité. Les périodiques religieux des divers pays où travaillent les Petits Frères de Marie ont mentionné, en son temps, la tenue, à Rome, du 26 novembre au 8 décembre 1950, du Congrès International des Religieux sur le renouveau et l'adaptation des états de perfection. On s'accorde à considérer cet événement comme l'un des plus importants de l'Année Sainte. Le Saint-Père en a donné lui-même cette appréciation dans son discours à l'imposante assemblée des Religieux, en la fête de l'Immaculée.

L'opportunité de ce congrès ne pouvait échapper à ceux qui pensent au rôle des Ordres et Congrégations dans l'Église, en face des graves problèmes qui se posent à notre époque. Dans le discours d'ouverture, Son Ém. le Cardinal Piazza s'exprimait ainsi : « Dans le tumulte vertigineux de la vie sociale moderne dans lequel tout se développe et se transforme sous la pression d'événements impérieux et de causes profondes, soulevant des problèmes toujours nouveaux, imposant continuellement des révisions et modifications de situations, de rapports, de méthodes, ce n'est pas merveille que les Instituts religieux aussi, en contact avec la réalité présente et en prévision d'un avenir menaçant, sentent le besoin de revoir et éventuellement de modifier leurs propres structures et les formes de collaboration apostolique pour le salut des Frères, pour la réforme de la société, pour la défense et le triomphe de l'Église catholique dans le monde actuel. »

La S. C. des Religieux confia la préparation du Congrès à une commission compétente. Un vaste programme fixait soixante-trois relations orales et plus de quatre cents communications écrites , qui devaient développer les questions regardant la vie des Ordres et Instituts religieux sous l'aspect théologique, juridique, ascétique et apostolique dans l'ambiance moderne, afin de faire ressortir dans sa pure splendeur l'idéal des Fondateurs, suscités par la Divine Providence au cours des siècles et aussi pour qu'on puisse établir quels moyens ou quelles formes d'activité il convient d'adopter aujourd'hui, en restant fidèles à l'esprit des Fondateurs pour donner le maximum d'efficacité à l'expansion de l'Évangile.

Comme devait le faire remarquer le R. P. Larraona, secrétaire de la S. C. des Religieux, le Congrès n'était pas un concile ecclésiastique avec pouvoirs législatifs. Il ne représentait pas la S. C. des Religieux. Le titre du programme : Une semaine d'études indiquait la tâche à accomplir : informer et s'informer ; aborder les problèmes de l'heure sous tous les aspects ; étudier et suggérer les voies possibles d'adaptation de manière à obtenir les meilleurs résultats.

Il ne s'agissait donc pas, comme la rumeur en avait circulé, d'une réforme générale des ordres religieux, de la fusion de beaucoup d'instituts d'apostolat ou de changement dans les habits si variés des diverses congrégations, etc.

Ouverture. Le 26 novembre, à 15 h. 30, les congressistes assistaient à la bénédiction du Très-Saint-Sacrement dans l'église de Sant'Andrea della Valle et, à 16 heures, ils se réunissaient, dans une vaste salle du Palais de la Chancellerie, pour l'ouverture officielle du Congrès par le Cardinal Micara, Préfet de la S. C. des Religieux, entouré des Cardinaux Pizzardo, Aloïsi-Masella et Piazza qui prononça le discours de circonstance dans lequel il précisait la nature et l'opportunité de cette assemblée.

Le lendemain, 27 novembre, la journée commençait par la messe du Saint-Esprit et une méditation à l'église Santa Maria in Vallicella. A 9 heures, la salle du Congrès était bondée… Le chant de la suave antienne : Ubi caritas et amor, Deus ibi est et des versets de la liturgie du Mandatum novum prenaient, dans cet instant, une résonance émouvante : « Congregavit nos in unurn Christi amor… Simul ergo cum in unum congregamur, ne nos mente dividamur cavearnus… – C'est l'amour du Christ qui nous a rassemblés… Réunis en une seule assemblée, gardons-nous de ce qui pourrait diviser nos cœurs !… »

Puis le Cardinal Micara, qui présidait, récita l'Oremus composé pour le Congrès : « O Dieu qui avez suscité les familles religieuses comme un soulagement dans l'Église, répandez en nous l'esprit de nos Fondateurs, afin que,  par l'intercession de Marie, Vierge et Mère, glorieusement montée au ciel, nous puissions nous dévouer parfaitement au règne universel de votre Christ. Par le même Christ Notre-Seigneur. Ainsi soit-il ! »

Après ces chants et prières, qui devaient se répéter au début de chaque journée, Son Ém. le Cardinal Micara préluda à la première séance par une allocution en latin. Il se réjouit de voir représentées toutes les familles religieuses, ornement, honneur et soutien les plus sûrs de l'Église de Dieu. Il rappela le but de la Semaine d'études et le vaste programme des travaux qui visait à la mise au point de toutes les formes de la vie et de l'activité des Instituts religieux et de leurs membres.

Programme. – Ce programme communiqué à tous les congressistes était divisé en trois sections non simultanées mais consécutives, attribuant à chacune un nombre convenable de journées. Au cours du Congrès, on abandonna l'idée de discussions séparées – qui avaient été prévues – parce que l'assemblée entière s'intéressait vivement au développement de tous les points doctrinaux et pratiques.

La première section avait pour thème : Renouveau et adaptation de la vie et de la discipline des états de perfection. Ces états de perfection dont devait s'occuper le Congrès sont de trois catégories : les religions proprement dites à vœux publics simples ou solennels et avec vie commune ; les sociétés de vie commune, sans vœux, ou au moins sans vœux publics, et les instituts séculiers, récemment approuvés par le Saint-Siège.

Quatre journées furent consacrées à cette première série de sujets, comprenant chacune une session du matin avec une relation et quatre communications, et une session du soir avec deux arguments à traiter, suivis d'une discussion générale portant sur la journée.

il serait démesurément long d'analyser, même sommairement, ces exposés doctrinaux dus à d'éminentes compétences. L'orientation spéculative dominant dans les premiers travaux, il avait pu paraître superflu à certains d'entretenir des auditeurs, déjà mûris dans la doctrine et la plupart aussi dans l'expérience de la vie religieuse, avec des leçons quasi scolaires. Mais, en réalité, on vit bien que cela était sagement voulu pour donner à la suite des travaux une base appropriée, juste et solide. Avant tout, il fallait mettre en relief : l'intangibilité de ce qui est divin en face des velléités naturalistes et accommodantes du monde actuel et la sage législation juridique de l'Eglise à l'égard de l'état religieux et de ses diverses formes.

La deuxième section de travaux avait pour thème général : Renouveau et adaptation des états de perfection dans l'instruction et la formation de leurs membres. Il s'agissait de parler du recrutement et du choix des vocations ; de la formation complète, harmonieuse, adéquate des membres de chaque Institut au point de vue ascétique, intellectuel et physique.

Tous les orateurs de ces thèmes, très riches d'aperçus, insistèrent, chacun à sa manière, sur le besoin universel d'assurer aux religieux un maximum de culture selon les fonctions qu'ils doivent exercer.

Parmi les nombreux points qui ont retenu l'attention des congressistes une mention peut être faite de la proposition de retarder l'âge et la durée du noviciat afin que la formation de l'homme, du chrétien et du religieux soit plus complète mesure d'ailleurs laissée à la liberté des familles religieuses – et du souhait d'une seconde formation après quelques années d'apostolat, ce qui se réalise, en bien des religions, par le second noviciat.

La troisième section devait traiter du renouveau et de l'adaptation des états de perfection pour l'apostolat ordinaire et extraordinaire. L'apostolat ordinaire s'exerce par la prédication, la confession, le ministère sacerdotal ; l'extraordinaire se pratique dans le champ de l'éducation, (les oeuvres de charité ; l'apostolat commun est accessible à tous par la prière, l'expiation, le bon exemple, etc. …

Les orateurs parlèrent des formes traditionnelles d'apostolat ; mais aussi des, formes nouvelles, plus directement missionnaires, de leur nécessité, de leurs périls, de la solide préparation qu'elles exigent.

Ils ne perdirent jamais de vue que c'est l'esprit de prière et de sacrifice et la vie intérieure intense de l'apôtre qui donne l'efficacité aux oeuvres de zèle.

Le Supérieur Général d'une société consacrée aux formes d'apostolat ultra-modernes : éditions de presse, cinéma, radio, télévision, etc. s'exprimait ainsi dans une communication du plus prenant intérêt : « Il faut se persuader que cet apostolat requiert un plus grand esprit de sacrifice et une piété profonde. Il faut des saints qui nous précèdent dans ces voies non encore battues et en partie non tracées. Ce n'est pas une oeuvré de dilettantes mais de vrais apôtres… »

Atmosphère du congrès et résultats. – C'est avec un très grand sérieux qu'on exposa les thèmes oraux des diverses sections du programme. Plus de cinq cents congressistes munis de cartes spéciales et d'autres auditeurs se pressaient assidûment dans la vaste salle de la Chancellerie, aux sept conférences quotidiennes et aux discussions générales en fin de journée.

L'attention silencieuse et soutenue de ces religieux, dont beaucoup étaient de vénérables anciens de la milice du Christ, témoignait manifestement combien, selon l'heureuse formule de Son Exc. Mgr Larraona, secrétaire de la S. C. des Religieux, le poème de la vocation était compris et goûté dans toute sa beauté et sa fécondité.

On a relevé l'utilité du contact de toutes les familles religieuses antiques et modernes, des échanges d'idées qui se sont produits, de l'union des âmes dans la recherche des voies les plus sûres pour atteindre la sanctification personnelle et le salut d'autrui.

Les actes du Congrès seront publiés par une Commission spéciale et diront les résultats obtenus ; mais ce qui compte le plus, c'est l'accord, l'union d'esprit et de cœur avec le Pape, supérieur suprême ('es religieux (canon 499, § 1) qui donne le caractère de droit public à chaque Institut.

En parlant des conclusions du Congrès le Père Larraona disait : « La mise au point que s'est fixée le Congrès doit partir d'une base solide : la primauté des valeurs doctrinales et ascétiques dans l'idéal de la vie religieuse ; primauté qui a deux pivots fondamentaux : les vœux autour desquels roule toute l'ascétique religieuse et la vie commune dans le sens matériel et formel ; primauté du for interne sur l'externe, que les supérieurs comprennent que la confiance ne s'impose pas mais s'inspire ; primauté de la fin spécifique de chaque famille religieuse avec la fidélité conséquente à ce qui est essentiel et adaptation à ce qui est accidentel ; repenser et revivre la fin spécifique en nos jours… La mise au point dans l'apostolat implique nécessairement la coordination avec le clergé et les associations locales… »

Parmi les vœux formulés par le Congrès, on peut signaler : la création d'un centre de formation pour les maîtres et directeurs spirituels, ainsi qu'un centre d'études littéraires pour la formation des maîtres pour les écoles des religieux ; la proposition de contacts plus fréquents et périodiques entre les Supérieurs des religieux ; l'institution de la fête liturgique de tous les saints fondateurs ; l'humble demande au Saint-Père qu'il veuille publier un document solennel pour condamner les erreurs qui se répandent au sujet de l'état de perfection et donner les directives claires et précises pour la révision souhaitée.

Comme on pourra le voir, le Saint-Père, dans son discours aux religieux, le 8 décembre 1950, redresse déjà bien des idées à ce sujet.

Faut-il ajouter que le Congrès a été une Semaine d'études mais aussi une semaine de prières et de sacrifices. Outre les exercices spirituels accomplis pour obtenir les bénédictions du Seigneur sur leurs travaux, les congressistes, auxquels se joignirent des députations compactes de religieux en résidence à Rome, accomplirent, le 2 et 3 décembre, sous la conduite de Son Ém. le Cardinal Préfet de la S. C. des Religieux, les visites des grandes basiliques romaines indiquées pour le gain du jubilé.

Aux prières prescrites aux pèlerins, les congressistes ajoutèrent : à Saint-Pierre, le serment de fidélité à Notre-Seigneur et au Pape ; à Saint-Paul, la consécration à l'apostolat ; à Sainte-Marie-Majeure, la consécration au Cœur Immaculé de Marie et à Saint-Jean-de-Latran, la consécration au Sacré-Cœur de Jésus. La visite de ces deux dernières basiliques a pris les proportions d'une grandiose manifestation, car une procession de plusieurs milliers de religieux de tous Ordres et Instituts s'est déployée dans la longue avenue qui relie les deux illustres sanctuaires.

Durant toute la tenue du Congrès, des religieuses, par milliers, accouraient, matin et soir, à l'église de Saint-Ignace, pour y entendre les méditations et allocutions qui leur étaient destinées et accomplir de pieux exercices. Elles ont contribué, par cet apport inappréciable, à la réussite de cette réunion qui a dépassé les espérances des organisateurs. Un paternel témoignage leur a été rendu par Son Ém. le Cardinal Micara dans son discours de clôture à la Chancellerie et par le Saint-Père, lui-même, dans la solennelle audience accordée, en la fête de l'Immaculée, aux religieux qui se pressaient au Vatican dans l'immense salle des Bénédictions… 

Allocution de S. S. PIE XII aux

membres du premier Congrès

International des Religieux à Rome

(8 décembre 1950)

 L'Année Sainte qui, sans aucun mérite de Notre part, mais par la miséricorde de Dieu, a été une source de bienfaits, plus abondante qu'on ne pouvait humainement le prévoir, a démontré par une suite de spectacles merveilleux la puissance de la foi et la richesse de vie de l'Église du Christ notre Mère. Parmi ces événements, particulièrement graves et importants, est venu se placer votre Congrès et se manifeste brillamment votre assemblée fraternelle qu'il Nous est très agréable de saluer aujourd'hui affectueusement.

Fait inouï dans les annales ecclésiastiques, c'est la première fois que les Sociétés dont les membres ont pris comme but de leur vie la perfection évangélique, se sont réunis en aussi nombreuse assemblée, comme vous venez de le faire ces derniers jours pour discuter ensemble de leurs intérêts communs.

A notre avis le temps était bien venu de le faire. Les circonstances variées dont l'Église doit s'accommoder, certaines opinions nées et propagées même à l'intérieur de l'Église, au sujet même de la constitution et de la nature de la perfection morale, les nécessités pressantes du labeur apostolique que vous entreprenez avec tant de générosité et d'empressement, telles étaient les raisons qui vous poussaient fortement à vous livrer à ces discussions et à ces études.

Votre travail touche à sa fin. Il a produit de sages considérations, fait naître de multiples propositions. Nous espérons qu'il ne sera pas moins riche pour le perfectionnement des vertus religieuses. Avec l'aide de vos volontés, la grâce de Dieu les stimulera, cette grâce que vos prières et vos oeuvres de religieuse abnégation, jointes surtout à celles de vos sœurs dans le Christ, ont' appelée de tous leurs vœux sur la tâche à laquelle vous vous adonnez.

Afin d'y trouver un gage de protection et de lumière, et pour parachever et terminer parfaitement votre Congrès, vous sollicitez la paternelle Bénédiction du Vicaire du Christ. Mais avant de vous l'accorder, Nous jugeons utile de vous donner quelques explications nécessaires sur le concept de la vie religieuse qui, bien éclaircies, vous serviront ensuite de règle pour diriger vos pensées et votre conduite. 

I. Place des religieux dans l'Église.

 Entre les laïques et les clercs. – D'abord, voyons bien brièvement quelle est la place des Congrégations et des Ordres dans l'Église. Vous savez parfaitement que notre Rédempteur a fondé une Église hiérarchisée. En effet, entre les apôtres et leurs successeurs auxquels il faut ajouter les auxiliaires de leur charge et les simples fidèles, il a mis une nette distinction et c'est de la liaison de ces deux corps que se forme le Royaume de Dieu ici-bas. A ce sujet, il a été établi par le droit divin que les clercs sont distincts des laïques (cf. canon 107). Entre ces deux rangs de la hiérarchie s'intercale l'état de vie religieuse, qui, tirant son origine de l'Eglise, doit sa raison d'être et sa valeur, à son étroite cohésion avec le but de l'Eglise qui est de mener tous les hommes à l'acquisition de la sainteté. Si tout chrétien, en effet, doit, sous la direction de l'Église, se proposer l'ascension de ce sommet sacré, le religieux, lui, y tend par un chemin qui lui est propre et, par des moyens d'une nature plus haute.

Ouvert aux laïques comme aux clercs. – De plus, l'état religieux n'est nullement le privilège exclusif de l'un ou l'autre de ces deux corps qui de droit divin existent dans l'Église, puisque les clercs, comme les laïques peuvent être également religieux et puisque, d'autre part, soit les religieux, soit ceux qui ne le sont pas, peuvent accéder à la dignité cléricale. C'est donc une erreur dans l'appréciation des bases sur lesquelles le Christ a fondé son Église, de croire que la condition particulière du clergé séculier, en tant que séculier, a été établie et consacrée par notre divin Rédempteur, et que la condition du clergé régulier, toute bonne et légitime qu'elle soit, étant donné qu'elle découle du clergé séculier, devrait être considérée comme secondaire et auxiliaire. En conséquence, si l'on a devant les yeux l'ordre établi par le Christ, aucune forme du double clergé ne jouit de la prérogative du droit divin, puisque ce droit ne donne la préférence à l'un plutôt qu'à l'autre et n'exclut ni l'un ni l'autre. Quant à déterminer la différence entre les cieux, leurs rapports respectifs. la part à confier à chacun dans la mission de travailler au salut du monde, le Christ a laissé ce soin à la diversité des circonstances et des besoins de chaque moment, ou plutôt, pour définir clairement notre pensée, il l'a remis à la décision de l'Église.

Le prêtre régulier ou séculier collabore avec la hiérarchie sous la direction de l'évêque. – Sans aucune hésitation, selon le précepte du droit divin, le prêtre, séculier ou religieux, doit exercer son ministère comme collaborateur de l'évêque et sous la direction de l'évêque. C'est d'ailleurs ce que, en conformité avec les coutumes de l'Eglise, les prescriptions du Code de droit canon (can. 626-631 ; 454, 50), au sujet des curés et ordinaires locaux, définissent clairement. Et il arrive souvent que dans les territoires de Mission, tout le clergé, y compris l'évêque, appartienne à un Ordre régulier. Il ne faudrait pas s'imaginer qu'il y a là une chose extraordinaire et anormale et penser que c'est une situation purement provisoire et que, dès que ce sera possible, on devra confier cette administration sacrée au clergé séculier.

L'exemption des Réguliers. — Même l'exemption des Ordres religieux n'est pas en opposition avec les principes de la Constitution donnée par Dieu à l'Église ; et elle ne s'oppose nullement à la loi en vertu de laquelle le prêtre doit obéissance à l'évêque. En effet, d'après le droit canonique, les religieux exempts sont sous la dépendance de l'évêque du lieu, autant que le réclament l'accomplissement de la charge épiscopale et la bonne organisation de la charge spirituelle des âmes. Sans parler de cela, dans les discussions qui ont eu lieu ces dix dernières années, au sujet de l'exemption, on n'a pas peut-être fait suffisamment ressortir que les religieux exempts, même en vertu des prescriptions du droit canon, sont soumis partout et toujours au pouvoir du Pontife romain comme à leur suprême supérieur et sont tenus de lui obéir même en vertu du vœu d'obéissance -(can. 499, § 1). Or, le Souverain Pontife exerce sa juridiction ordinaire et immédiate non seulement sur toute l'Église, mais sur chaque diocèse et sur chacun des fidèles. Par conséquent, il est évident, que cette loi fondamentale portée par Dieu, selon laquelle clercs et laïques doivent être soumis à l'évêque, doit être parfaitement suivie, même par les religieux exempts, et qu'enfin la volonté et les ordres du Christ doivent être exécutés par l'un et l'autre clergé, avec un égal empressement. 

II. Pourquoi le religieux

 doit-il tendre à la perfection ?

 A ce que nous venons de dire se rattache une autre question que nous avons à cœur d'expliquer et de mettre au point : c'est celle qui regarde la raison en vertu de laquelle le clerc et le religieux sont tenus de tendre à la perfection de leurs mœurs.

Il n'est pas conforme à la vérité d'affirmer que l'état clérical, en tant que tel et parce qu'il procède du droit divin, par sa nature ou du moins en vertu d'un postulat de cette même nature, exige que ses membres pro-fessent les conseils évangéliques, et, pour cette raison, doivent ou puissent revendiquer l'état de perfection évangélique (à poursuivre). Donc le clerc n'est pas astreint en vertu du droit divin aux conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, et surtout n'y est pas astreint de la même façon et pour la même raison pour laquelle cette obligation atteint celui qui prononce publiquement des vœux en embrassant l'état religieux. Cela n'empêche pas d'ailleurs le clerc de prendre ces engagements privément et librement. Et le fait de l'obligation pour les prêtres latins de garder le célibat n'enlève ni ne diminue pour autant la différence qui existe entre l'état clérical et l'état religieux. En effet, ce n'est pas parce qu'il est clerc, mais parce qu'il est religieux, que le. clerc régulier professe la condition et l'état de perfection.

Si dans la Constitution apostolique Provida Mater Ecclesia, nous avons établi un genre de vie des instituts séculiers, qui doit être regardé comme un état de perfection évangélique publiquement reconnu, parce que ses membres sont astreints d'une certaine manière à la pratique des conseils évangéliques, cela ne contredit nullement ce que nous venons d'affirmer.

Il n'y a en effet aucune objection à ce que des clercs se réunissent dans des Instituts séculiers pour tendre par le choix de ce genre de vie à l'état de perfection évangélique, mais alors ils sont dans l'état de tendance à la perfection, non en qualité de clercs, mais en qualité de membres d'un Institut séculier. Cet Institut prend comme principe de vie, auquel il s'attache, les Conseils évangéliques qui, étant propres à l'état religieux, y sont pratiquées avec la plus grande perfection, mais il les accomplit sans dépendre d'un état religieux, mais se tient essentiellement dans une forme extérieure de vie qui ne se réfère pas nécessairement à la perfection dont nous venons de parler. 

III. Raisons d'entrer dans l'état religieux.

 Nous croyons utile de nous arrêter quelques instants à cette question : quelles raisons peut-on avoir d'entrer dans l'état religieux ?

Il y en a qui affirment que l'état religieux, par sa nature et son but, qu'on ne peut qu'approuver, n'est pas autre chose qu'un refuge de salut accordé aux faibles et aux timides qui, incapables de surmonter les orages de la vie et ne pouvant et ne voulant en supporter les difficultés, par lâcheté, disent adieu au monde et se réfugient dans le port d'un paisible couvent. C'est pourquoi il faut exciter leur confiance en la grâce de Dieu et en eux-mêmes, afin que ceux qui cherchent cette tranquillité paresseuse rejettent cette prétendue tendance de leur esprit et aient le courage d'affronter les combats de la vie. Cela est-il vrai ?

Il ne nous appartient pas maintenant de juger quel est le mouvement qui pousse chacun vers la vie religieuse. Nous voulons cependant faire connaître la raison principale, la vraie, pour laquelle on doit entrer dans l'enceinte de la vie religieuse. Elle diffère certainement de l'opinion rapportée plus haut qui, prise en général, est fausse et injuste. Car qu'il s'agisse d'entrer dans les ordres ou d'embrasser l'état religieux, ce projet et la persévérance dans son accomplissement demandent de grandes âmes et une ardeur généreuse à se dévouer. L'histoire de l'Église qui rapporte les hauts faits des saints et des fondateurs d'Ordres, qui fait le récit des saintes missions, qui expose les doctrines ascétiques, et l'expérience même des choses démontrent plus clair que le jour qu'il y a eu autant d'hommes d'un courage invincible et généreux dans l'état religieux que dans le monde. D'ailleurs, les religieux et religieuses qui travaillent à étendre le royaume de l'Évangile, qui soignent les malades, élèvent les jeunes gens, se dévouent dans les écoles ; peut-on dire qu'ils s'éloignent du commerce des hommes et en détournent leur volonté ? Est-ce qu'au contraire la plupart d'entre eux, comme les prêtres séculiers et les auxiliaires laïques, ne luttent pas au premier rang de l'armée pour défendre la cause de l'Eglise ?

Opinions erronées sur la vie religieuse. – Nous ne pouvons ici nous empêcher de faire remarquer une chose qui va tout à fait à l'opposé de l'opinion relatée. Si le nombre de ceux ou de celles, surtout des jeunes filles, qui veulent entrer dans le jardin fermé de la vie religieuse diminue, cela a pour cause qu'on trouve trop dur de se dépouiller de son jugement et d'aliéner sa liberté, ce qui est impliqué par la nature du vœu d'obéissance. Bien plus, certains placent au sommet de la perfection morale, non plus le dépouillement de la liberté pour l'amour du Christ, mais la réduction de cette abnégation. Par conséquent, pour former l'homme juste et saint, on devrait employer cette règle : restreindre la liberté dans la mesure où cela est indispensable, lâcher les rênes à la liberté, autant que possible.

Nous laissons ici de côté la question de savoir si la nouvelle base sur laquelle on essaie de construire la sainteté sera aussi féconde et solide pour soutenir et développer le travail apostolique de l'Eglise que le fut pendant mille cinq cents ans l'antique règle de l'obéissance acceptée pour l'amour du Christ. Mais encore, il est du plus haut intérêt de scruter à fond cette raison, afin de découvrir ce qu'elle 'cache. Si on la considère bien, elle refuse de reconnaître la nature du conseil évangélique et, bien plus, elle la tourne d'une certaine façon dans un sens opposé. Personne n'est obligé par devoir à se conformer au conseil de l'obéissance parfaite, dont la base est la règle de vie qui consiste à renoncer à sa volonté propre ; personne, disons-nous, ni les individus, ni les sociétés. On peut, si l'on veut, conformer sa conduite à cette nouvelle règle. Mais les mots doivent être compris et employés selon leur sens. Or, si cette règle est confrontée avec le vœu d'obéissance, elle n'en a pas la suprême valeur et n'est pas conforme à cette parole de la Sainte Écriture et à ce sublime exemple : « Il s'est humilié et s'est fait obéissant jusqu'à la mort. » (Phil., r, 8.)

C'est donc une erreur et une tromperie que de donner cette seule règle et cette opinion à celui qui demande un conseil pour embrasser l'état religieux, en négligeant bien à tort de considérer ses penchants et l'inspiration de la grâce divine. C'est pourquoi, si l'appel de la voix de Dieu attire quelqu'un par des signes certains vers le sommet de la perfection, il ne faut aucunement hésiter de lui proposer la libre immolation de sa liberté, pour accomplir ce saint projet, comme le demande le vœu d'obéissance, vœu que l'Église, au cours de tant de siècles, a expérimenté, apprécié, défini et approuvé. Que personne ne soit poussé, malgré soi à se donner à cette consécration. Mais si quelqu'un le veut, qu'il n'y ait personne pour l'en dissuader, encore moins pour l'en détourner. 

IV. Les oeuvres et la vie intérieure.

 Poursuivons et parlons maintenant des œuvres extérieures et de la vie intérieure. Parmi les choses qui se rapportent à la vie régulière et généralement à la vie religieuse et qui sont réellement très importantes, il en est peu qui aient été traitées plus abondamment que cette matière. Cependant Nous voulons aussi donner notre pensée sur ce sujet.

En face des doctrines modernes. – Ce n'est pas sans raison que notre époque a vu naître et se développer cette philosophie qu'on appelle « existentialisme ». Les hommes, en effet, qui vivent aujourd'hui, lorsque les événements les amènent à résoudre des questions difficiles de métaphysique ou de religion, volontiers négligent de les approfondir et se contentent d'accomplis ce qui. s'impose en cette circonstance. Mais celui qui professe la sainte foi refuse de ne s'occuper, selon ces théories, que des moments qui passent et de s'abandonner au courant de la vie. Il sait que les choses invisibles (cf. Heb., XI, 1) doivent être souverainement estimées, qu'elles sont souverainement vraies, qu'elles dureront dans l'avenir et ne périront jamais. Mais, hélas ! malgré les avertissements et les exhortations qui n'ont pas manqué, des hommes d'Église eux-mêmes, des religieux non exceptés, sont assez gravement atteints de cette contagion – et bien que ne niant pas ce qui dépasse les sens de l'homme et l'ordre naturel, ils en ont peu d'estime.

Là où il y avait une grave menace. et danger imminent, y a-t-il déjà eu une défaite ? Rendons grâces à Dieu, car il est permis d'espérer ; ce que nous voyons déjà et ce que nous révèle l'expérience, nous donnent cette confiance.

Des exemples qui indiquent la voie. – On peut unir la plus débordante activité avec l'acquisition des richesses de la vie intérieure. Deux astres qui brillent par le culte de la vie régulière le prouvent merveilleusement : saint François Xavier et sainte Thérèse de Jésus.

L'ardeur au travail et le soin de la vie intérieure, non seulement doivent aller de pair, mais encore, du moins en ce qui regarde l'intention et la volonté, doivent progresser du même pas et au même degré. Par conséquent, plus on se livre aux œuvres, et plus il convient qu'augmente la ferveur de la foi, des prières, du dévouement à Dieu, de la pureté de conscience, de l'obéissance, de la patience et de la charité vigilante et active envers Dieu et le prochain.

Cela ne vaut pas seulement pour chaque religieux en particulier, qui doit l'être de cœur autant que d'habit, mais il s'agit aussi pour toute l'universalité des religieux d'avoir devant Dieu et les hommes une vie religieuse solidement basée et digne de la plus haute estime. Ce que vous demande avec instance l'Eglise, c'est d'harmoniser votre travail extérieur avec votre vie intérieure et d'établir entre ces deux choses un équilibre constant. Est-ce que tous, clercs et laïques, vous ne professez pas l'état de perfection évangélique ? S'il en est ainsi, produisez-en les fruits, afin que le Corps mystique du Christ, qui est l'Eglise, puise dans votre force et votre ardeur une plus grande activité. C'est à cause de cela que les Ordres religieux contemplatifs sont d'une certaine façon nécessaires à l'Église, dont ils demeurent la gloire perpétuelle et la fontaine des grâces célestes.

Charité et philanthropie. – On dit partout, comme vous le savez, que la charité envers le prochain perd peu à peu son caractère religieux et se laïcise. Mais la bienfaisance qui n'a pas son principe dans la foi, mais qui vient d'ailleurs, n'est pas la charité et ne peut pas être appelée catholique. La charité a une dignité, une inspiration, des moyens que la simple philanthropie, même munie de richesses et de ressources, ne possède pas. Ainsi, les religieuses catholiques qui soignent les malades, comparées à celles qui exercent le même emploi uniquement pour un motif d'humanité ou d'intérêt, ont quelque chose qui les distingue et les rehausse. Elles peuvent parfois être inférieures en ressources techniques, et aujourd'hui sur ce point nous les engageons à ne point se laisser distancer, mais bien plus à prendre de l'avance. Cependant, là où travaillent les religieuses qui ont dans leur cœur l'esprit vivant de leur Institut, qui sont prêtes chaque jour à donner leur vie pour l'amour de Jésus-Christ en faveur des infirmes, il règne une atmosphère dans laquelle la vertu accomplit des merveilles que ni les inventions techniques ni le médecin ne peuvent accomplir. Par conséquent, que les Ordres et les Congrégations professant la vie active aient devant les yeux et pratiquent tout ce qui peut faire briller dans leur travail les traits divins et allumer dans les secrets de la conscience pure la face du Saint-Esprit. 

V. Adaptation du zèle des Instituts

aux temps nouveaux.

 Fils très aimés, Nous voulons encore vous parler brièvement du désir qu'ont les Instituts religieux de s'ajuster aux changements d'époque et d'unir dans une belle alliance le temps passé et le nouveau.

Quand les jeunes entendent qu'il faut être de notre temps, qu'il faut mettre nos efforts au niveau de notre temps, ils s'enflamment d'une ardeur extraordinaire et s'ils sont au service d'une milice religieuse, ils désirent ardemment révolutionner toute l'activité religieuse de l'avenir. Il y a en cela quelque chose d'équitable ou de convenable. La plupart du temps, en effet, les fondateurs des Instituts religieux ont conçu leur œuvre nouvelle en fonction des pressantes et urgentes nécessités ou besoins de l'Eglise. C'est pourquoi ils adaptaient leurs projets aux besoins de leur temps. Si vous voulez marcher sur les traces de vos pères, prenez modèle sur eux et faites comme ils ont fait. Étudiez les opinions, les jugements, les mœurs de vos contemporains, au milieu desquels vous vivez, et si vous y trouvez quelque chose de bien et de juste, emparez-vous-en ; vous n'avez pas d'autre moyen de les éclairer, de les aider, de les soulager, de les diriger.

Ce qui ne peut changer dans l'Église. – Mais il y a un patrimoine de l'Eglise qui, depuis les origines, s'est conservé intact, qui ne change pas dans la suite des siècles et qui reste toujours très adapté aux nécessités et aux désirs de l'humanité. Il est constitué principalement par la foi, que récemment nous venons de défendre contre de nouveaux dangers dans l'Encyclique Humani generis. Cette foi, qui ne connaît aucune tache, gardez-la avec le plus grand soin et soyez bien persuadés qu'elle a en elle des forces toutes puissantes qui suffisent à vivifier n'importe quel siècle.

Ensuite, de ce même patrimoine fait partie le but de l'état de perfection vers lequel vous devez tendre de toutes vos forces, afin que, grâce à son concours et par son moyen, vous deveniez des saints et, directement ou indirectement, vous sanctifiiez le prochain en le faisant participer plus abondamment à la grâce divine, et en lui procurant ainsi une pieuse vie et une bonne mort.

Dans ce patrimoine est encore contenue cette vérité, si haute et si importante, qu'il n'y a qu'un seul chemin pour la perfection, le renoncement à soi-même pour l'amour du Christ. Cela, les temps qui changent ne le changeront pas.

Vous devez vous conformer à l'esprit des hommes et aux nécessités de votre temps. – Il y a cependant beaucoup de choses accessoires où vous pouvez et où vous devez vous conformer à l'esprit des hommes et aux nécessités de votre temps. D'ailleurs, cela a déjà été fait en grande partie, et maintenant, vos délibérations, discussions et propositions, le complètent parfaitement. Déjà beaucoup de vos activités ont été parfaitement adaptées, comme le prouvent les multiples améliorations de vos écoles, de ce que vous faites soit individuellement, soit par vos Instituts, pour l'éducation de la jeunesse, pour adoucir les souffrances humaines, pour cultiver et faire progresser les sciences. Aussi il faut reconnaître, et personne ne peut protester contre notre affirmation, que déjà s'élève considérable votre contribution à l'œuvre d'adaptation aux temps actuels. Cependant dans cette accommodation que vous poursuivez, aux nécessités d'une époque transformée, il importe souverainement, croyons-Nous, que vous recherchiez par une enquête intelligente quelles sont les ressources spirituelles qui se cachent chez vos contemporains, quels sont les désirs secrets qui les animent, quelle est la vraie face de leur âme. Nous ne parlons pas de cette face qui exprime des horreurs et des scandales ou qui manifeste les tumultes des passions et la corruption des vices. En tout homme, cependant, considéré comme homme et encore plus considéré comme chrétien, même parmi les erreurs et l'entraînement des fautes, il y a quelque chose de bon, il y a le désir d'un plus grand bien. Vous devez suivre ces mouvements, il faut aller au devant de ces désirs, en prenant toutefois la précaution de ne pas prendre au monde ce qu'il a de funeste et de mauvais, mais au contraire, en lui communiquant ce qui est vôtre, l'honnêteté, la sainteté et ce qui est conforme à ses bons mouvements. Le bien qui pointe chez les autres, encouragez-le, soutenez-le, faites-le grandir, prenez-y comme des parcelles d'or pour faire un vase précieux, des petits ruisseaux faites une rivière.

Les convenances de l'esprit religieux pour l'apostolat. – Plusieurs pensent, et peut-être ont-ils raison, qu'il y a trois choses qui répondent le plus au caractère et aux tendances de notre époque : la largeur des pensées et des délibérations, l'unité dans le gouvernement et dans l'organisation, la rapidité dans l'exécution. Ces trois qualités ne conviennent-elles pas également à l'Évangile comme des marques et des notes ; ne sont-elles pas les qualités de ceux qui professent de bouche et de pratique la foi catholique ? Nos pensées peuvent-elles avoir une plus grande largeur que celle que pro-clame la parole de l'Apôtre : « Tout vous appartient et vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu. » (I Cor., III, 23.) Y a-t-il union plus étroite dans l'intelligence et l'amour que cette simplicité et unité proclamée dans l'Écriture Sainte : « Dieu tout en tous. (I Cor., XV, 28.)

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit, de toutes tes forces. Tu aimeras ton prochain comme toi-même.» (Marc, XII, 30-31.)

S'il s'agit d'être rapides et vifs, sans nous laisser arrêter par aucun souvenir dangereux des choses qui passent, voici l'avertissement : « Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n'est pas propre au royaume de Dieu. » (Luc, IX, 62.) Si vous voulez regarder les modèles de vertu qui ont mérité ce triple éloge, pensez à l'apôtre Paul et à tous ceux qui dans l'Église du Christ ont accompli des merveilles dignes d'un immortel souvenir.

En outre, les buts qui brillent sous vos yeux dans la vie de contemplation ou d'action, ceux aussi que tous les enfants de l'Église, prêtres et laïques doivent poursuivre, ce sont la perfection chrétienne et le salut de l'humanité à, procurer. Mais cependant il vous appartient d'user des moyens les plus efficaces, c'est-à-dire des conseils évangéliques par la profession des vœux de religion, pour dompter dans une guerre continuelle la convoitise de la chair et des yeux et l'orgueil de la vie (cf. S. Jean, II, 16), et ainsi vous sanctifier et devenir des ministres ardents à procurer le salut de l'humanité. Dirigez vos pensées et vos oeuvres vers ces buts sublimes, et « enracinés et bâtis sur la charité » (Éph., III, 17), affermis par la force de la foi, riches d'humilité, ne laissez aucune occasion de ramener les hommes, vos frères, au Créateur, au Rédempteur comme des brebis errantes à leur pasteur.

Exhortation finale. – Sûrs et fidèles comme des modèles, faites qu'en vous les mœurs s'accordent avec le nom, toute la conduite avec la profession. Selon la parole de l'Apôtre des nations : « Préoccupés de conserver l'unité d'esprit dans le lien de la paix» (Éph., IV, 3), que la paix règne en vous et entre vous, entre les membres d'un même Institut et d'une même maison, et avec ceux qui font partie d'autres Instituts ; entre vous et tous les autres qui travaillent avec vous et avec qui vous travaillez à gagner des hommes au Christ. Que cessent désormais les disputes et les discordes qui affaiblissent et rendent infécondes les entreprises même pleines d'espérance : l'Église offre au labeur apostolique un champ qui s'étend à l'infini : il y a du travail et de la fatigue pour tous.

Si la foi du religieux est appuyée par les exemples de sa vie, dont toute la trame reflète la fidélité inébranlable aux vœux, si le prêtre ne se laisse arrêter par rien dans son zèle pour le salut des âmes, alors pour eux aussi vaudra aujourd'hui ce que l'Apôtre dit de la parole de Dieu qui est vivante et efficace et plus acérée que toute épée à deux tranchants. (Hébr., IV, 12.)

Prenons un exemple. Récemment, nous avons exhorté les fidèles à bien vouloir, en nos temps misérables où tant de fortunes ruinées et une affreuse misère font un contraste douloureux avec des dépenses somptueuses, restreindre leur train de vie et se montrer généreux envers leurs frères dans le besoin. Courage ! Par votre exemple, soyez en tête de tous les autres dans cette œuvre si urgente de la perfection chrétienne, de la justice et de la charité, et poussez-les à imiter le Christ.

Enfin en souhaitant vivement que la grâce secourable de Notre-Seigneur fasse produire à votre Congrès des fruits riches et durables, Nous vous accordons de tout cœur comme gage de Notre bienveillance, à vous ici présents et aux familles religieuses répandues dans tout l'univers, la Bénédiction apostolique. 

 Nos Frères Martyrs d'Espagne.

 Au début de février dernier ont été déposés à la Sacrée Congrégation des Rites les procès des Frères Aquilino, Fabian, Félix Lorenzo et Ligorio Pedro, martyrisés par les communistes à Las Avellanas, le 13 septembre 1936.

Les procès respectifs dits « informatifs » « de non-culte » et de « recherche des écrits » ont été instruits par le diocèse de Seo de Urgel, province de Lérida, du fait que notre maison de Las Avellanas dépend de cette juridiction ecclésiastique.

Il y a donc six causes en cours à Rome, choisies parmi les cent soixante-douze Frères qui ont donné leur vie pour la Foi pendant la révolution sanglante, car aux quatre déjà nommés il faut ajouter les noms des Frères Bernardo et Crisanto.

Le cher Frère Adulfo, vice-postulateur, active la recherche de documents informatifs et de preuve des témoins pour entreprendre les travaux préalables en vue de nouveaux procès.

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*     *

 Le Frère Aquilino exerçait la charge de sous-maître des Novices. Il avait la réputation d'un religieux de grande vertu.

Avant de tomber sous les balles des révolutionnaires, il eut le noble courage de leur dire : « Comme chrétien, je vous pardonne ; comme religieux, je vous suis très reconnaissant, parce que vous m'ouvrez les portes du ciel. Vive le Christ-Roi ! » ;

Le Frère Fabiàn, d'un âge avancé, s'est fait remarquer par ses rares qualités de professeur. Son esprit de sacrifice et de dévouement ne con-naissait pas de bornes. Sans négliger ses devoirs professionnels, il sut « se faire tout à tous pour les gagner tous à Jésus-Christ », comme dit l'Apôtre.

Le Frère Félix Lorenzo arrivait à l'âge de trente ans lorsque le Seigneur le choisit pour le sacrifice. Il était entré au Juvénat à treize ans. Une affection cardiaque l'avait retenu pendant plusieurs années à l'infirmerie où il édifia son entourage par sa piété et sa joyeuse conformité à la volonté de Dieu.

Le Frère Ligorio Pedro, le plus jeune du groupe, s'est distingué par sa généreuse donation au, service de Dieu. Appelé sous les drapeaux, il sut rester fidèle au Christ et à sa vocation au milieu des dangers de la caserne et du service militaire. En 1934, il intervint comme soldat, dans la répression du mouvement révolutionnaire des Asturies qui occasionna la mort héroïque du. Frère Bernardo. Il appartenait à la Province du Mexique où la maladie l'avait empêché de se rendre.  

Un centenaire marial.

 Le 25 avril 1951 marquait, pour les Petits Frères de Marie, un émouvant centenaire. En effet, il y a cent ans, l'Institut était agrégé à l'Archiconfrérie du Très Saint et Immaculé Cœur de Marie pour la conversion des pécheurs.

Le chapitre X des Avis, Leçons et Sentences, qui donne l'origine et la raison de certaines pratiques traditionnelles, nous apprend que le Vénérable Père Champagnat, étant à Paris, en 1838, pour solliciter du Gouvernement l'autorisation de son Institut, allait souvent recommander cette importante affaire a Notre-Dame des Victoires et qu'il se fit agréger à l'Archiconfrérie récemment établie par M. l'abbé Desgenettes, curé de cette paroisse. Un diplôme d'agrégation fut accordé dans la suite pour tous les membres de l'Institut.

C'est depuis lors que fut établi le salut du Très-Saint-Sacrement, le jeudi de chaque semaine, avec un programme ne varietur, indiqué dans les Règles du Gouvernement (art. 789, 60) : Motet eucharistique d'exposition Ave Maris Stella, Tantum ergo, et après la bénédiction, chant de l'Inviolata, Pater, Ave Maria, Souvenez-vous, Sub tuum praesidium, Sancte Joseph, Ora pro nobis.

En tout cela, il n'y a qu'une date à modifier. C'est le 25 avril 1851 et non en 1841 (erratum qui aura échappé à l’œil perçant du Frère Jean-Baptiste et qui de l'édition de 1868 a passé dans les autres textes) que l'agrégation a été accordée, comme en font foi les registres de Paris.

Le 3 février 1951, la Direction de l'Archiconfrérie, qui avait attiré notre attention sur cette date centenaire, a renouvelé au Rév. Frère Supérieur Général de l'Institut des Petits Frères de Marie, un diplôme d'affiliation in globo de tous les membres de l'Institut, permettant de participer aux faveurs spirituelles de l'Archiconfrérie et dont un prochain Bulletin de l'Institut pourra donner les détails. Après les prodigieuses conversions opérées par le recours au Très Saint et Immaculé Cœur de Marie et la Consécration du genre humain à l'Immaculée, il sera infiniment avantageux de retremper notre confiance et notre ferveur dans cette dévotion mariale par excellence. 

Nos Frères de Chine.

 Il y a lieu de prier le bon Dieu avec instance pour nos Frères de Chine. Ils voient leurs œuvres encore florissantes leur échapper. Déjà plusieurs Collèges leur ont été enlevés, les maîtres du jour les prenant en charge, comme ils disent. Il ne reste plus aux Frères qu'à s'en aller. Cela se fait sans violence sur les personnes mais tout est pris en charge : mobilier, livres, etc. On ne laisse emporter que les habits.

Deux de nos Frères sont d'ailleurs déjà en prison : le Cher Frère Marie-Florent, Français de soixante-quatre ans, du Collège de Chungking et le Frère Joche-Albert, Chinois, de celui de Sichang, établissement d'ailleurs confisqué.

Il ne reste plus que quelques établissements à Shanghaï, à Tientsin et à Pékin. Des Frères ont dû subir des périodes de rééducation au moyen de cours communistes. Deux de nos étudiants de l'Université de Pékin ont été astreints à passer les vacances dans des usines pour pouvoir achever leurs études. Plus de trente Frères ont dû être rapatriés, mais les Frères chinois ne peuvent plus sortir de leur pays. Le Cher Frère Provincial lui-même ne peut sortir de Shanghaï.

La situation d'ailleurs empire chaque jour pour nous comme pour tous les missionnaires. 

Visite de délégation à la Province

de Levante (Espagne).

           Mon Révérend Frère Supérieur,

Dans le rapide tour d'horizon de nos oeuvres d'Espagne publié par la circulaire du 24 ruai 1947 (p. 595-607), je disais que la Province de Levante était celle qui avait eu à subir la plus grave atteinte de la fureur des sans-Dieu durant l'époque néfaste de 1936 à 1939.

On touche encore du, doigt les ruines matérielles et les ravages moraux de cette douloureuse secousse qui a été le prélude des heures d'incertitude et d'angoisse que vit le monde à l'heure présente.

Des cent soixante-douze glorieuses victimes que la sanglante révolution communiste nous a léguées, plus de la moitié appartenaient à ce secteur. En Catalogne, à Valence et à Alicante se trouvaient également la plupart des maisons qui connurent l'incendie, le pillage et la destruction.

L'ère de paix et de liberté dans l'ordre qu'a apportée la victoire de la glorieuse « Croisade » a permis d'aborder l'entreprise ardue de la réorganisation et de la reconstruction. La tâche a été facilitée par la décision du Conseil Général, en date du 3 mai 1944, de diviser le territoire de la péninsule en quatre secteurs maristes, correspondants aux appellations déjà connues de Provinces de Norte, Bética, Levante et León, assez homogènes quant au personnel enseignant et en formation, et mémo quant au nombre d'élèves inscrits dont le chiffre oscille entre sept et huit mille par Province.

Aspirations de relèvement. – La nouvelle carte géographique de l'Espagne Mariste affectait à Levante une des zones les plus riches et les plus florissantes du pays qui avait servi de berceau et de champ d'expérience à notre œuvre dans ses premiers essais. La semence jetée dans le sillon à Gérone, en 1886, avait fructifié généreusement… jusqu'au moment où la tourmente révolutionnaire vint briser beaucoup d'espérances en fleur.

Ni la fermeture forcée de plus de dix écoles, ni les ruines accumulées, ni les vides qu'accusaient les cadres ne pouvaient justifier le découragement ou l'inertie. C'est ainsi que l'ont compris les Supérieurs qui se sont succédé et tous les bons enfants de la Province.

Souci primordial. – La maison de formation de Notre-Dame de las Avellanas, « Alma Mater » de nombreuses promotions d'aspirants à la vie mariste, avait été particulièrement visée par la fureur des méchants. On sait comment ses habitants durent fuir précipitamment en juillet 1936, et il n'y a pas lieu de rappeler ici les vexations et les profanations commises sous le couvert de l'impunité.

Fin janvier dernier, ont été envoyés à Rome les procès diocésains, ouverts dans le diocèse de Seo de Urgel, des quatre Frères martyrisés dans une des cours de la maison ; les Chers Frères Fabian, Aquilino, Ligorio Pedro et Félix Lorenzo dont les dépouilles mortelles reposent dans le cimetière de la communauté.

Les effectifs des diverses sections d'aspirants vont en augmentant, bien qu'à un rythme lent. A la centaine de juvénistes, il faut ajouter une cinquantaine de postulants ou novices.

Depuis deux ans, le Scolasticat, qui compte une trentaine d'étudiants, fonctionne à Vich, ce qui a permis aux groupes de las Avellanas de se mouvoir plus aisément dans leurs locaux agrandis.

Une mesure qui s'impose, c'est l'installation d'un Juvénat supérieur dans un endroit séparé où, moyennant une discrète sélection, on pourra renforcer et améliorer les cadres actuels des postulants, novices et scolastiques. C'est là un projet qui fait l'objet. spécial des préoccupations du Cher Frère Provincial et de son Conseil, et que les Frères de Levante souhaitent de voir bientôt réalisé. Il ne manquera pas d'excellentes vocations venant de nos écoles pour couronner de succès cette initiative.

Activités dans l'enseignement. – La Province de Levante maintient ses positions dans l'apostolat de l'éducation.

Sans négliger l'enseignement moyen, fréquenté par près de 2.600 élèves du Baccalauréat dans ses collèges d'Alicante (260), de Barcelone (730), Calatayud (75), Gérone, internat (130), Lérida, internat (340), Valldemia (175), Valence (580) et Saragosse (260), elle distribue l'enseignement commercial à quelque 750 élèves, et l'enseignement primaire à près de 4.400. Le chiffre global atteint les 8.000.

Une note sympathique dans la mission que remplit la Province, c'est le caractère populaire d'une bonne moitié de ses établissements qui comportent, en général, l'enseignement primaire et un cours ou deux du complémentaire. On répond ainsi aux désirs des familles et l'on garde les jeunes élèves le temps convenable pour intensifier leur formation morale et chrétienne. Telle est la caractéristique d'établissements comme ceux d'Algemesi, de Badalona, Canet de Mar, Denia, Gérone (externat,), Igualada, Lérida (Clavé), Mataro (externat), Sabadell et Vich. Plusieurs d'entre eux fonctionnent dans des centres de grande activité industrielle. Par la force des circonstances, l'école devient ainsi le vestibule de l'atelier.

Apostolat postscolaire. – Pour l'honneur de la Province, je dois déclarer que Levante est à l'avant-garde des organisations d'Anciens Élèves.

Au cours des récentes journées d'études qui ont eu lieu à Madrid, on a pu apprécier le degré de vitalité atteint par des associations comme celles de Lérida (Clavé), Badalona, Algemesi, Matarô (Externat) Denia et Canet de Mar, composées d'éléments de la classe populaire. Tant du point de vue de la piété personnelle que de celui des manifestations du culte extérieur, de l'apostolat social, de la coopération à l'action éducatrice du collège et au prestige de l’œuvre mariste, elles constituent une force et un exemple.

Dans les collèges jouissant d'un renom traditionnel, comme Valldemia (Matarô), La Inmaculada (Barcelone), El Pilar (Saragosse), el Sagrado Corazôn de Sans (Barcelone) et Valence, les associations sont organisées et offrent les meilleures espérances.

Réalisations et projets. – Le progrès est la loi de la vie, et qui n'avance pas recule. Levante, depuis qu'elle a été érigée en Province, a mené à bonne fin de grandes entreprises. Nous en avons la preuve dans ce Collège « La Inmaculada » de l'avenue San Juan, à Barcelone, avec sa magnifique chapelle, dans ce nouveau collège de Saragosse et les agrandissements du « Montserrat » de Lérida.

En ce moment, l'attention et l'effort de la Province se tournent vers la construction de Valence qui se poursuit malgré des difficultés accrues. On peut espérer qu'elle sera achevée en 1952.

Ce sera ensuite le projet du nouveau collège d'Alicante, qui dispose déjà d'un terrain idéal quant à la situation et l'étendue. Il est peu de cas où, comme à Alicante, on doive sans retard construire un local ad hoc pour répondre à la confiance indéfectible de la ville à l'œuvre des Frères Maristes.

Le collège de Sans, dans la capitale catalane, justifie par sa prospérité croissante la particulière sollicitude dont il est l'objet de la part du Conseil Provincial. On vient d'acquérir un vaste terrain avoisinant qui facilitera de belles réalisations et viendra compenser l'expropriation de locaux exigée par l'élargissement de la rue Olzinellas.

Inquiétudes sur l'avenir. – Mais, plus encore que le problème des constructions envisagées ou en voie d'exécution, les Supérieurs responsables se préoccupent de la formation de l'esprit et des valeurs culturelles et religieuses qui doivent être la caractéristique et la garantie d'une Province. Les révolutions. n'entraînent pas seulement des ruines matérielles, elles amènent aussi des boule-versements d'ordre moral, et l'on pourrait craindre un fléchissement de l'esprit et une dévalorisation du sens religieux et apostolique de la vie.

Un recrutement sélectionné, une formation intégrale et prolongée, le renforcement des cadres, une haute idée des valeurs formatives, l'accroissement de l'esprit authentique de l'Institut, tel est le programme qu'on se propose de réaliser sous l'égide et l'inspiration de notre Mère et comme tribut filial à son exaltation aux cieux dans le glorieux privilège de l'Assomption.

Mon Révérend Frère Supérieur, en cette année jubilaire de vos Noces d'Or de vie religieuse, que votre cœur soit consolé par l'assurance que dans ce secteur de l'Espagne Mariste, vous trouverez toujours des enfants dociles à vos consignes, et désireux de perpétuer les traditions héritées de leurs devanciers.

                  Frère SIXTO, A.G. 

Visite de délégation au Portugal

et au Mozambique.

 Tous les Frères de l'Institut, et en particulier ceux de langue portugaise, apprendront avec intérêt les commencements de notre oeuvre en Portugal et au Mozambique.

Nos annales font mention d'une première installation de nos Frères à Lisbonne avant les fondations du Brésil. En vue de préparer ces dernières, plusieurs de nos Frères étaient restés en effet à Lisbonne pour apprendre la langue portugaise. Après l'établissement de la Province du Brésil Septentrional on songea, pour l'alimenter, à un recrutement dans les régions très chrétiennes du Portugal. Mais on ne pouvait penser à fonder des écoles en terre portugaise, les règlements d'alors et le sectarisme régnant s'y opposant formellement. Force fut donc d'ouvrir sur la frontière espagnole, à Tuy, le petit juvénat de Lagarteira qui devint une pépinière de sujets portugais, excellent renfort pour la Province du Brésil Septentrional. L'œuvre, bénie par Dieu, fut secondée par le dévouement de nombreux recruteurs, parmi lesquels il faut signaler surtout le Frère Marie Émeris. Quelle joie pour les bons paysans des campagnes du Nord du Portugal que l'arrivée de ce bon Frère ! Modèle de recruteur ambulant, il a parcouru pendant de longues années les sentiers les plus escarpés des régions montagneuses, en quête de vocations. Sa franche bonhomie, son aimable sourire, sa piété rayonnante engageaient facilement les parents à donner quelqu'un de leurs enfants à l'Institut. Tuy restera comme l'Alma Mater de tous nos Frères portugais. Mais que de difficultés n'a-t-il pas fallu vaincre : l'expatriation, l'exigence de passeports et de documents officiels, toute la gamme des questionnaires, visas et certificats, surtout pendant la période de guerre, etc. On comprend combien il serait urgent d'établir quelques maisons de formation en Portugal, sur-tout dans les régions septentrionale et centrale, plus riches en vocations. Le gouvernement actuel favoriserait grandement ces maisons par des subsides, surtout si nous pouvions obtenir d'abord la reconnaissance légale de notre Institut comme Congrégation missionnaire.

Le Juvénat de Tuy compte actuellement cinquante et un juvénistes. Son maintien hors du Portugal n'a pas permis qu'on y établisse les pro grammes officiels portugais, mais cette lacune disparaîtra avec le transfert de la maison. La formation religieuse y est donnée avec beaucoup de zèle. Bon nombre de juvénistes ont été envoyés au Juvénat Saint-François-Xavier de Grugliasco et y donnent satisfaction.

Il était urgent cependant d'examiner les possibilités de fondations d'écoles au Portugal. Trop longtemps ce pays était resté fermé aux Congrégations enseignantes ; des mesures persécutrices avaient entravé l'enseignement religieux ; les traditions chrétiennes avaient été méconnues par le sectarisme de plusieurs gouvernements. La dévotion mariale du peuple portugais devait mériter un redressement miraculeux permettant à l'éducation religieuse de vivre et de se développer.

C'est en 1947 qu'arrivèrent à Lisbonne les deux premiers Frères en quête de locaux pour y organiser une école primaire et secondaire. Après des recherches qui durèrent de longs mois, ils purent s'établir dans la partie centrale de la ville. Malgré des installations précaires, la nouvelle Institution fut vite recherchée par les familles chrétiennes, et une clientèle scolaire des plus distinguées s'y pressa aussitôt. Il faut signaler que notre Institut a été le premier à fonder des écoles en Portugal après la période révolutionnaire, et que nos Frères y sont entrés avec le costume religieux complet. Les procédés éducatifs et la compétence des maîtres ont vite gagné la confiance des familles chrétiennes de la haute société qui nous envoient leurs enfants. Le « Colegio Champagnat » accueille dans ses quatre classes primaires et cinq secondaires l'élite de la population scolaire de Lisbonne. Sa réputation croît de jour en jour. Les autorités religieuses et tout particulièrement Son Éminence le Cardinal Patriarche lui témoignent la plus grande bienveillance et souhaitent de nombreuses fondations d'écoles maristes dans les diocèses du Portugal.

En septembre dernier, un internat a été ouvert à Vila Formosa, faubourg de Lisbonne, près de l'aéroport. Grâce à de généreuses interventions, nos Frères ont pu s'installer dans une grande et belle propriété dont ils désirent l'acquisition à brève échéance.

Ces deux œuvres ont suscité le plus grand intérêt dans toutes les classes de .la société portugaise. Il convient d'ajouter que la bonne tenue et la réputation de nos collèges du Brésil n'ont pas Peu contribué à créer autour de nos œuvres du Portugal une atmosphère d'estime et de sympathie. Il est juste aussi de souligner les efforts de la Province du Brésil Septentrional à qui les oeuvres du Portugal doivent leurs premiers ouvriers.

Mais le Portugal a un empire colonial encore très étendu. Ce pays s'est distingué pendant des siècles par son zèle pour la propagation de la foi chrétienne. Y eut-il une plage du monde ancien qui ne vit aborder ses explorateurs et ses missionnaires ? C'est le Journal des Débats du 21 novembre 1930 qui demande : « Comment expliquer que ce petit pays, en si peu de temps, ait pu occuper dans le monde une place si considérable et construire des monuments qui défient les siècles à venir ? » La réponse est aisée pour qui sait découvrir dans l'Histoire la vocation chrétienne, missionnaire et conquérante de l'antique Lusitanie.

Il y a donc un patrimoine sacré à conserver pour l'Église et la Patrie. L'Acórdo Missionario du 7 mai 1940, complément du Concordat signé entre le Saint-Siège et la République Portugaise, assure de grands avantages aux Congrégations enseignantes installées dans la métropole et qui établiraient des oeuvres dans les colonies portugaises : reconnaissance de la personnalité juridique, subsides aux séminaires et noviciats, etc. …

Sur les instances du Cardinal Archevêque de Lourenço Marques et de Mgr l'Evêque de Beira, nous avons fondé deux établissements au Mozambique. Celui de Beira date de 1948. Nos Frères y ont pris la direction du Lycée officiel de la Province de Sofala et Manica. C'est le premier lycée officiel ' portugais confié à des religieux. Il réunit cent cinquante élèves de l'enseignement secondaire avec sept années d'études divisées en trois cycles. Les élèves se font remarquer par un sincère attachement à leurs maîtres, une grande docilité et un excellent esprit. Plusieurs vocations se dessinent dans la population scolaire exclusivement européenne. Une section de la Légion de Marie y favorise la piété des élèves.

L'établissement de Lourenço Marques est de fondation beaucoup plus récente. Il date du mois de septembre 1950. Il compte, pour sa propagande, sur nos anciens élèves de l'Afrique du Sud fixés actuellement au Mozambique et qui ont conservé le plus affectueux souvenir de leurs anciens maîtres. Ils se réjouissent de voir que la Congrégation a pu s'établir dans les colonies portugaises. Un beau noyau de ces Anciens vient de jeter les bases d'une Association qui aura son centre au collège.

Les autorités religieuses et civiles de ces colonies désirent ardemment voir se multiplier nos écoles et nous promettent leur concours. Les plus belles perspectives d'avenir s'ouvrent devant nous dans ce pays où des progrès considérables ont été réalisés dans tous les domaines. En dehors du Mozambique, on nous offre aussi des collèges et des orphelinats à Angola et jusque dans les régions lointaines de Goa et de Timor. Puissent les vocations se multiplier pour répondre favorablement à toutes ces demandes de fondations ! Nous confions a Notre-Dame de Fatima toutes nos espérances d'abondantes moissons au Portugal et dans ses colonies.

              Frère DÉSIRÉ-ALPHONSE, A.G. 

Visite aux Provinces de Cuba

Amérique Centrale, Mexique

et Colombie.

 Quoique ces trois Provinces occupent un territoire très étendu, j'ai pu, en un temps relativement court, me faire une idée assez exacte de leur état actuel grâce à un itinéraire bien précis, à des moyens de transport très rapides et à une connaissance antérieure de la plupart des personnes et des lieux.

Je remercie à nouveau tous les Frères, et surtout les Frères Provinciaux, des égards qu'ils m'ont prodigués. Si, dans bien des circonstances, les marques de respect et les hommages m'ont paru excessifs, ils ont eu pour excuse le désir sincère d'honorer l'autorité dans la personne du Frère Supérieur Général et de donner au public, en particulier aux élèves, une haute idée de la Congrégation et de son apostolat.

Dans l'impossibilité de vous fournir un compte rendu détaillé de cette visite, je me bornerai à un simple aperçu. 

PROVINCE DE CUBA-AMÉRIQUE CENTRALE

 Cette Province, érigée canoniquement en 1949, possède des établissements à Cuba, au Salvador, au Guatemala et en Espagne.

Cuba. – Il y a dix maisons dans cette île surnommée avec raison « La Perle des Antilles ». La maison provinciale est située dans un des faubourgs de la Havane, où elle jouit des avantages de la grande ville sans en avoir les inconvénients. Les neuf écoles donnent, soit seulement l'enseignement primaire, soit, de plus, une partie ou la totalité de l'enseignement secondaire. Trois d'entre elles ont une section d'enseignement commercial. Seul Cienfuegos reçoit des pensionnaires.

Tous les édifices nous appartiennent et tous, sauf un, ont été construits par nous. La maison provinciale a pris le nom de Villa Marista et les neuf écoles celui du Vénérable Fondateur : Collège ou Académie Champagnat.

Il y a partout grande affluence d'élèves, ce qui rend la pénurie de personnel particulièrement sensible ; les locaux eux-mêmes s'avèrent insuffisants. Cela contraste avec les années de crise (1930-1938) où plusieurs écoles ne se soutenaient qu'à grand'peine. Ainsi, l'internat de Cienfuegos, dont on se dispute actuellement les cent quarante places, était descendu alors à une douzaine de pensionnaires dont plusieurs ne pouvaient payer la pension normale, C'est que l'économie de Cuba dépendant presque exclusivement de la vente du sucre, les fluctuations des prix de celui-ci ont leurs répercussions dans tous les domaines.

Cuba est un bel exemple de la transformation que peut subir un pays grâce à l'éducation religieuse. Les écoles catholiques des deux sexes, fondées surtout pendant la persécution religieuse au Mexique, s'y sont multipliées ces cinquante dernières années. De ce fait les foyers chrétiens sont devenus plus nombreux ; il s'est établi un peu partout des associations catholiques de jeunes et d'adultes, et le respect humain qui causait là, comme en bien des endroits, de grands ravages, a perdu beaucoup de son emprise.

Ceci a rendu plus facile le recrutement que certains, pendant longtemps, avaient considéré comme impossible à Cuba. Aussi, une des pins grandes joies de ma visite a été de trouver une vingtaine de jeunes Frères cubains faisant la classe dans leur patrie. D'une part, les élèves voient maintenant qu'il y a des Frères de chez eux et ils en sont fiers ; de l'autre, les Frères cubains ont pris au sérieux, et non sans succès, le recrutement parmi leurs compatriotes.

Autre détail digne d'être signalé : dans une des fêtes données à. l'occasion de ma visite, en présence d'un nombreux public, des élèves des classes supérieures ont revêtu notre habit pour un drame sur nos martyrs de Chine et ont rempli leur rôle avec le plus grand sérieux. «Nous n'aurions pas obtenu cela il y a quelques années », me disaient les Frères tout heureux.

A Cuba, jusqu'à ces derniers temps, les juvénistes ont dû être logés dans des locaux provisoires ; on vient de leur construire une maison ad hoc sur les terrains de la résidence provinciale. L'édifice pourra recevoir de soixante à quatre-vingts aspirants qui, du moins pour un temps, iront faire leur Noviciat au Mexique. On a exécuté une partie seulement du projet de construction et l'on se propose de continuer les travaux au fur et à mesure des besoins. J'applaudis à ce que, dès le commencement, la maison ait été dotée d'une belle et spacieuse chapelle. Que Notre-Seigneur, ainsi le premier servi, fasse de Villa Marista une pépinière d'excellents religieux !

Diverses fondations sont en vue à Cuba, mais j'ai exprimé à nos Frères le désir, qui est également celui du Conseil Provincial, de voir donner la préférence à une école pour enfants pauvres.

Salvador.  Nos Frères de Colombie se sont établis au Salvador en 1923. De là ils sont passés au Guatemala en 1932. Ils ont fait un excellent travail dans ces deux pays qui, aujourd'hui, font partie de la Province de Cuba-Amérique Centrale.

Au Salvador nous possédons cinq écoles. Plusieurs anciens élèves occupent des situations importantes ; ainsi le Ministère actuellement au pouvoir en compte trois parmi ses membres.

Le Liceo Salvadoreno, dans la capitale, fonctionne dans un édifice suffisamment vaste, mais en bois, ce genre de construction étant celui qui, avant l'emploi du béton, résistait le mieux aux tremblements de terre très fréquents dans le pays. On fait des projets pour un bâtiment scolaire moderne ; je souhaite que l'on puisse, sans trop de retard, les mettre à exécution.

Il y a également dans la capitale l'école San Alfonso destinée aux pauvres ; elle est, à n'en pas douter, une source de bénédictions pour le District.

A Santa Tecla fonctionne un pré-Juvénat à côté d'un externat qui se borne à l'enseignement primaire. C'est là qu'ont commencé leur formation les quinze Frères originaires de l'Amérique Centrale qui sont aujourd'hui dans l'enseignement. Il y a lieu d'être satisfait de ces résultats et l'on peut s'en promettre de meilleurs encore si l'on choisit bien les aspirants et si l'on recrute davantage dans nos écoles.

Peut-être ce pré-Juvénat sera-t-il transféré un jour au Guatemala où il jouirait d'un meilleur climat et de plus d'indépendance qu'à Santa Tecla.

Guatemala. – Nos Frères dirigent deux écoles dans la capitale de ce pays. L'une donne l'enseignement primaire dans un local propriété de l'archevêché et situé au centre de la ville. L'autre, dont le local de construction récente nous appartient, a l'enseignement secondaire. Les deux établissements totalisent un millier d'élèves environ.

Là, comme au Salvador et à Cuba, nos Frères ont fait un excellent travail, mais ils se heurtent à de graves obstacles du fait que la Constitution, ne reconnaissant pas les Congrégations religieuses, l'entrée de Frères étrangers dans le pays est très difficile et, à certaines époques, impossible.

Pour ce même motif nos Frères ne peuvent, pas plus que les membres du clergé, porter l'habit religieux en dehors de chez eux. Cependant, on ne leur dit rien lorsqu'ils accompagnent en soutane leurs élèves pour quelque fête ou manifestation du collège. C'est ainsi que j'ai été grandement surpris de les voir m'attendre en habit religieux à l'aéroport ; d'autant plus que lorsque, à Mexico, je me disposais à prendre l'avion pour le Guatemala, les employés, craignant devoir me ramener aux frais de la Compagnie si l'entrée de ce pays m'était interdite, ont voulu s'assurer que je n'étais pas prêtre.

Combien il est à souhaiter que les restrictions dont je viens de parler soient levées ! Je recommande cette intention à vos prières.

Espagne. – Comme bien d'autres Provinces, celle de Cuba-Amérique Centrale manque de personnel. Elle en recrute, ainsi que je l'ai dit, à Cuba, au Salvador et au Guatemala. Mais il faudra de longues années encore avant que ce recrutement suffise aux besoins des oeuvres existantes et de celles que l'on a en vue. Aussi, pour accroître le nombre de ses sujets, la Province a deux maisons de formation en Espagne : un Juvénat à Carrión de los Condes, en Castille, le Noviciat et le Scolasticat étant à Pontôs, en Catalogne. A Carriôn il y a, outre le Juvénat, un Externat, florissant.

Daignent Notre-Seigneur et la Sainte Vierge continuer à bénir ces deux maisons qui ont fourni de nombreux sujets à diverses Provinces ! 

PROVINCE DU MEXIQUE

 Ma première impression, en pénétrant au Mexique après une absence de douze années, n'a fait que confirmer ce que l'on m'avait dit de la tolérance qui y règne en matière religieuse et, en particulier, du point de vue scolaire. Cette impression n’a fait que s'accentuer pendant mon séjour dans le pays.

A Mérida, où j'ai atterri tout d'abord, les élèves formaient une double haie depuis l'avion jusqu'aux bureaux et ils ont applaudi à leur aise. De semblables manifestations ont eu lieu, avec quelques variantes, dans les villes où nous sommes établis, et les journaux n'ont pas manqué de dire, parfois très clairement, en quelle qualité j'arrivais. Les employés d'immigration et de douane ont été extrêmement complaisants, là même où autrefois ils tentaient, malgré ma carte de résident, de me créer des ennuis quand je passais la frontière. Bien des fonctionnaires, parmi les haut placés, nous confient leurs enfants et certains nous invitent même à faire de nouvelles fondations.

A cause de cette même tolérance, les inspecteurs du Gouvernement ne font que de très rares apparitions dans les écoles et ne se soucient guère de savoir si les lois qui défendent d'enseigner la religion sont ou ne sont pas respectées.

Malheureusement ces lois, si elles sommeillent. ne sont pas abrogées, ce qui pourrait porter plus tard quelque gouvernant sectaire à les remettre en vigueur. Même actuellement, elles obligent à supprimer dans les écoles les manifestations du culte. De ce fait, la réception des sacrements est moins fréquente qu'on ne le voudrait.

Pendant la persécution qui, avec quelques brèves accalmies, a duré de 1914 à 1940, on vivait en général dans des maisons louées afin d'éviter des confiscations toujours possibles. La Province employait ses économies à construire à Cuba où, comme je l'ai déjà dit, toutes les maisons nous appartiennent, et au Sud des États-Unis où la Province possède, sur la frontière, les écoles de Brownsville et Laredo. Mais, depuis dix ans la confiance est revenue progressivement ; aussi a-t-on fait des aménagements et des agrandissements importants à diverses maisons et on a construit plusieurs édifices scolaires modernes. Il m'a été donné d'assister à l'inauguration de deux d'entre eux, l'un à Monterrey et l'autre à Morelia.

Mais là où la tolérance a mieux fait sentir ses heureux effets, c'est dans le rétablissement des maisons de formation. En 1926, la persécution les avait obligées à chercher un asile en Espagne et en. France. Le recrutement n'avait pas été complètement interrompu mais il était devenu fort limité. A partir de 1940, précisément lorsque la guerre mondiale rendait presque impossible l'envoi d'aspirants en Europe, on put rouvrir Juvénats et Noviciat.

II y a actuellement trois Juvénats qui sont, par ordre d'importance croissante des études qui s'y font : Tepatitlán., Morelia et Querétaro. Dans cette dernière ville se trouve également le Scolasticat organisé en École Normale reconnue officiellement et autorisée à délivrer des diplômes d'instituteur.

Cette faculté qu'ont les particuliers d'établir des écoles normales est un bienfait dont on ne jouissait pas, même aux meilleurs jours qui ont précédé la persécution. L'État, en effet, défendait jalousement son monopole sur ce point ; aucun diplôme d'instituteur n'était délivré sans que l'on eût suivi les cours des écoles normales officielles où les doctrines positivistes étaient en honneur.

On a pu de même organiser des études conduisant au diplôme de Normale Supérieure qui est requis des professeurs d'enseignement secondaire.

La Province du Mexique compte, outre les centres de formation, vingt-quatre écoles et une maison d'édition dont la collection de livres scolaires est fort estimée et qui fournit à la Province des ressources appréciables.

Deux des écoles situées, comme je l'ai dit, au Sud des États-Unis, donnent l'enseignement primaire et secondaire (High School). Le recrutement n'a pas été très actif dans ce secteur ; le Conseil Provincial vient de décider de le rendre plus intensif et plus efficace par la fondation prochaine d'un Juvénat à Brownsville. Que Notre-Seigneur et la Sainte Vierge rendent ce Juvénat très prospère pour l'extension de nos œuvres au Texas !

La Province possède un groupe très important d'écoles à México et ses environs. Elles totalisent près de 6.000 élèves. L'établissement le plus en vue est le C.U.M. (Centre Universitaire México) qui compte plus de 800 élèves des deux derniers cours de baccalauréat. Il a eu 310 bacheliers en 1950.

Il y a dans ce même groupe le Colegio Luz Saviñon dont nos Frères furent brutalement expulsés en 1926 et où les anciens élèves ont réussi, il y a quatre ans, à les réinstaller.

En février dernier, on a ouvert également à México une école gratuite dont les maîtres seront payés par nos autres écoles de cette ville. Cette fondation était souhaitée depuis longtemps ; on ne peut que louer le Cher Frère Provincial et son Conseil de l'avoir réalisée.

Guadalajara, notre première fondation au Mexique, constitue également un centre important pour nous avec, en ville, trois écoles et plus de deux mille élèves. Il y a en outre une école pour enfants pauvres ou de condition moyenne dans trois localités voisines.

Monterrey, la principale ville industrielle du Mexique, où il y a présentement deux écoles, se prépare à en ouvrir une troisième construite par des chefs d'entreprise pour les fils de leurs ouvriers.

Mérida, où tant de Frères furent victimes de la fièvre jaune, possède également, outre l'école payante, une école populaire.

Toutes les écoles de cette Province jouissent de la confiance des familles qui, en général, veulent avant tout pour leurs enfants une éducation foncièrement chrétienne.

J'ajouterai que la plupart de ces établissements fournissent de nombreuses vocations maristes, dont cinquante-trois pour la dernière année scolaire. 

PROVINCE DE COLOMBIE

 Le Gouvernement de la Colombie est foncièrement catholique. Trois de nos anciens élèves sont ministres ; plusieurs autres sont à la tête de départements ou de villes importantes en qualité de gouverneurs ou de maires. Cela explique pourquoi, plus qu'ailleurs, l'élément officiel a pris part aux hommages dont j'ai été l'objet.

Ces hommages ont eu le résultat très heureux, quoique inattendu, que voici : Depuis les événements sanglants d'avril 1949 et les représailles qu'ils ont provoquées, les rapports entre les membres des deux partis traditionnels : conservateurs et libéraux, sont en général peu fréquents et peu cordiaux ; or, on a constaté qu'aux réceptions organisées par les anciens élèves à l'occasion de ma visite, les deux partis étaient largement représentés. Le bon souvenir de leurs anciens maîtres et la gratitude qu'ils leur gardent avaient rompu la glace. Dieu veuille que ce soit pour toujours !

Cette Province, quoique récemment amputée de l'Amérique Centrale, possède encore un champ bien vaste. Des demandes de fondation lui viennent même de l'Équateur, mais elle préférerait s'étendre vers le Nord de son. territoire, dans le département d'Antioquia très propice au recrutement, car, en Colombie aussi, le recrutement constitue un besoin pressant. Il y a bien cent soixante-cinq juvénistes, mais le Cher Frère Provincial voudrait atteindre au plus tôt les deux cents. Dans ce but on bâtit à Pasto, en même temps qu'un collège, un juvénat qu'on espère pouvoir inaugurer en septembre prochain. Ce sera un juvénat supérieur pouvant recevoir une centaine de juvénistes. Également dans le but d'accroître le nombre de sujets en formation, la maison provinciale, dont le siège est à Popayán, est en train de subir une transformation complète. Le vieux couvent des Camilliens ne perdra pas ses cloîtres, mais ils seront exhaussés et les salles recevront à profusion l'air et la lumière. Ce sera un édifice moderne qui, comme en a décidé le Conseil Provincial, s'appellera désormais « Villa Marista » et non plus « Casa San Camilo ».

Le Noviciat et le Scolasticat occupent les locaux de l'ancien pensionnat de Notre-Dame des Andes, à Yanaconas, dans la Cordillère. Le site est enchanteur et le climat fort agréable, mais l'isolement a créé par le passé un grave problème que l'on peut toujours craindre de voir se poser à nouveau : la difficulté pour les aumôniers de s'habituer à cette solitude.

Le Scolasticat étant reconnu officiellement comme établissement d'enseignement secondaire, il délivre le diplôme de bachelier aux jeunes Frères à la fin de leurs études.

Sur quinze écoles que compte la Province, l'une d'elles ne donne que l'enseignement secondaire ; six ont l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire complets ; huit écoles n'ont, pour le moment, que l'enseignement primaire et parfois un cours ou deux d'enseignement secondaire.

Deux écoles, Palmira et Popayán, portent le nom du Vénérable Fondateur. Ce même nom. sera donné au collège de Pasto lorsque, sous peu, il s'installera dans son nouvel édifice actuellement en construction.

Il y a en Colombie plusieurs écoles à rétribution réduite. Mais les plus abordables aux pauvres sont celles de Popayán (San Camilo) et celles du Putumayo : Santiago et Sibundoy. Ces deux dernières, en pays de mission, sont fréquentées surtout par des indigènes. La Province est fière, à juste titre, d'avoir un si beau champ d'apostolat où bien des Frères, dont les noms sont en bénédiction parmi leurs anciens disciples, se sont sacrifiés avec un zèle admirable. Je suis persuadé qu'il ne manquera jamais pour le Putumayo des volontaires qui, par esprit de foi, accepteront généreusement les sacrifices inhérents à la vie de missionnaire.

Si j'insiste sur les écoles pauvres, c'est parce que je constate avec plaisir que bien des Provinces se sont imposé des sacrifices pour répondre au vœu du dernier Chapitre Général en faveur de ces écoles. Je souhaite que celles qui peuvent faire davantage le fassent sans tarder. Dieu le leur rendra au centuple et notre œuvre n'en sera que plus appréciée des populations, comme j'ai pu le constater en Colombie.

En effet, il est visible que la sympathie dont jouissent nos Frères dans certaines villes, notamment à Cali, Ibagué, Palmira, Pasto et Popayán, est due principalement à ce que, pendant de longues années, ils ont donné leurs soins aux enfants pauvres des écoles communales. Ces écoles leur ont été enlevées, mais ils ont tâché d'y suppléer en ouvrant, à leur compte, des écoles gratuites ou du moins accessibles aux élèves peu fortunés.

Deux beaux édifices ont été construits ces dernières années, l'un à Bogotà où l'école fondée il y a treize ans compte huit cents élèves ; l'autre à Cali où il a fallu séparer les élèves d'enseignement primaire et ceux d'enseignement secondaire. On a également construit une nouvelle école à Palmira avec une dépense minime de la part de la Province, grâce à divers dons. On prévoit d'autres constructions, entre autres à Ibagué et à Popayán. Une bonne administration, dans toutes les maisons aidera efficacement à la réalisation de tous les travaux en cours ou en projet.

La dernière fondation a été celle d'Ipiales, sur la frontière de l'Équateur, à proximité du célèbre sanctuaire de Notre-Darne de la Lajas, patronne du Sud de la Colombie. Un généreux bienfaiteur a donné la maison ; d'autres ont aidé à l'aménager. Dès la rentrée, en septembre dernier, l'école comptait cent quatre-vingts élèves. 

VENEZUELA

 La Province de Norte, en Espagne, possède à Maracaïbo, au Venezuela, un collège très florissant ; il m'était facile de l'inclure dans mon itinéraire. Je l'ai fait d'autant plus volontiers qu'il y a dix ans, j'avais visité les lieux, admirant le dévoue-ment et le bon esprit de la communauté sans doute, mais aussi la pauvreté de l'installation dans un pays excessivement chaud. Nos Frères ont bâti depuis un édifice spacieux, adapté au climat grâce à son orientation et à ses grandes ouvertures.

C'est en 1925 que s'ouvrit ce collège. La célébration du vingt-cinquième anniversaire de la fondation a donné lieu à des fêtes patronnées par Monseigneur l'Évêque et les autorités civiles. Le Gouverneur de l'État, ancien élève, était président du Comité organisateur.

Nos Frères qui, dans ce climat débilitant, ont plus qu'ailleurs l'occasion de se sacrifier, auront trouvé dans l'hommage qui leur a été rendu un encouragement à poursuivre avec un zèle accru leur bel apostolat.

Ils souffraient de leur isolement, loin de leur Province. Bientôt, nous l'espérons, se réalisera leur désir de voir une autre école s'ouvrir à Caracas, la capitale. Les Frères des Écoles Chrétiennes ont donné une très généreuse hospitalité au Frère chargé de préparer cette fondation ; je ne saurais trop dire combien nous leur sommes reconnaissants d'un tel service ajouté à bien d'autres.

*

*     *

 Je garderai la meilleure impression de la visite à ces Provinces d'Amérique. Les Frères s'y appliquent à bien remplir leurs obligations de religieux et d'éducateurs ; les oeuvres y sont prospères et jouissent d'une excellente réputation.

Parmi les conseils qu'au cours de cette visite j'ai eu l'occasion de donner, je crois utile de rappeler les deux suivants profitables d'ailleurs à tous nos Frères :

1° S'efforcer de donner toutes facilités aux élèves pour la réception fréquente des sacrements, dût-on s'imposer des dépenses supplémentaires pour s'assurer les confesseurs nécessaires ;

2° Se tenir en garde contre l'esprit superficiel qui porterait certains sujets à négliger les études religieuses et profanes et à rechercher la vie confortable et les passe-temps frivoles.  

Élections de Frères Assistants et de

Frères Provinciaux,

 Dans la séance du 24 février 1951, le Conseil Général, ayant à donner un successeur au C. F. EUPHROSIN, Assistant Général démissionnaire, a élu le C. F. LEONCIO MARTIN.

Dans la même séance, il a élu le C. F. LEON REFUGIO, Provincial du Mexique pour une première période triennale.

 Dans la séance du 16 mars 1951, le Conseil Général, ayant à donner un successeur au C. F. CLEMENT, Assistant Général démissionnaire, a élu le C. F. MARY JUSTINIAN.

Dans cette même séance, le Conseil Général a élu le C. F. MIGUEL FELIPE, Provincial d'Afrique du Sud, pour une première période triennale ; il a .réélu, pour une seconde période, le C. F. FRANCISCO REGIS, Provincial de Colombie, et le C. F. AURELIO VICTOR, Provincial de Levante, et il a prorogé, « pro tempore », les pouvoirs du C. F. VENPELINO, Provincial du Brésil Méridional.  

LISTE DES FRÈRES dont nous avons appris le Décès

depuis la Circulaire du 8 Décembre 1950.

 

Noms des Défunts                                             Lieux des Décès                       Dates des Décès

 

F. Lanfranco                       Stable              Carrión de los Condes (Espagne)       27 nov. 1950

F. Joseph-Philomène        »                       Saint-Genis-Laval (France)           28  »          »

F. Vietorin                           »                       Ventimiglia (Italie)                           4 déc.        »

F. Wilfridus                         »                       Mendes (Brésil)                              4 janv. 1951

F. Servais                           »                       St-Paul-Trois-Châteaux (France)6    »          »

F. Nicostrate-Joseph        Profès perp.    Decize (France)                              7    »          »

F. Florence-Émile              »                       Saint-Hyacinthe (Canada)             12 »          »

F. Paul-Chanel                   Stable              N.-D. de l'Hermitage (France)       14 »          »

F. Martin Leandro              Profès perp.    Avellanas (Espagne)                      14  »          »

F. Daniel Bernardino         »                       Lujàn (Argentine)                            19  »          »

F. Marie-Laurent                Stable              Natal (Brésil)                                   1° fév.        »

F. Leo Sulpicius                 Profès perp.    Miramar (Nouvelle-Zélande)          4    »          »

F. Joseph-Daniel               Stable              N.-D. de l'Hermitage (France)       6    »          »

F. Ambroise-Firmin           »                       Rio de Janeiro (Brésil)                   8    »          »

F. Charles Alfred               Profès perp.    Christchurch (Nouvelle-Zélande)   14  »          »

F. Marie-Laurien                Stable              Saint-Gingolph (Suisse)                14  »          »

F. Eugène-André               »                       Iberville (Canada)                           14 »          »

F. Léon-Régis                    »                       Varennes (France)                         16  »          »

F. Mary Chrysostom          Profès perp.    Dumfries (Écosse)                         19  »          »

F. Gonthier                         Stable              Apipucos (Brésil)                            24  »          »

F. Stanislas Kostka           »                       N.-D. de l'Hermitage (France)       10 mars     »

F. Marie-Athanase            »                       Amchit (Liban)                                13 »          »

F. David Régis                   profès perp.     Caramulo (Portugal)                       18  »          »

F. Chumald                         Stable              Dumfries (Écosse)                         28  »          »

F. Pierre-Pascal                Profès perp.    Cazères (France)                           30  »          »

F. Charles-Auguste           Stable              Aubenas (France)                          2 avril        »

F. Estanislao                      Profès perp.    Avellanas (Espagne)                      3    »          »

F. Joseph-Félix                  Stable              Saint-Genis-Laval (France)           4    »          »

F. Scholastique                  »                       Aubenas (France)                          4    »          »

F. Marie-Auzone                »                       Décédé en mer                               9    »          »

F. Melchior                         »                       Saint-Étienne (France)                  13  »          »

F. Basilique                        »                       St-Paul-Trois-Châteaux (France)14  »          »

F. Juan Benito                    Profès perp.    Gerona (Espagne)                         15 »          »

F. Jules-André                   Stable              Saint-Genis-Laval (France)           28  »          »

 

FRÈRES MOBILISÉS PENDANT LA GUERRE

portés comme disparus et pour lesquels ont été offerts

les suffrages prescrits par les Constitutions.

 

F. Basilius              profès perp.                 F. Konrad Maria       profès temp.

F. Gotthard            »           »                       F. Libertus                 »           »

F. Karl Amadeus   »           »                       F. Severinus             »           »

F. Longinus            »           »                       F. Sophronius           »           »

F. Romanus           »           »                       F. Theobaldus          »           »          

F. Winfried             »           »                       F. Gerhard Maria      novice

F. Engelhard          profès temp.                 F. Gishert                    »

F. Gaudentius        »           »

 

   F. Basilius disparu en Normandie, tous les autres en Russie.

 La présente circulaire sera lue en communauté à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle.

Recevez, mes bien Chers Frères, la nouvelle assurance du religieux attachement avec lequel je suis, en J. M. J.,

Votre très humble et tout dévoué serviteur.

      Frère LÉONIDA, Supérieur Général.

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SUPPLÉMENT A LA CIRCULAIRE DU 24 MAI 1951

              V. J. M. J.

 UNION MISSIONNAIRE V. M. CHAMPAGNAT

 

Saint-Genis-Laval, le 24 mai 1951.

                          NOS TRÈS CHERS FRÈRES,

 La Circulaire de mai nous donne l'occasion de vous tenir au courant des activités de l'Union Missionnaire V.M. Champagnat. Cette deuxième lettre vous montrera que l'Union est à peu près complètement organisée.

Comme c'est surtout grâce à vos efforts, nous pouvons vous en exprimer toute notre satisfaction. Il fallait, en effet, bien des soins pour mettre sur pied une Œuvre qui atteint des centaines d'écoles ou collèges et doit enrôler plus de deux cent mille élèves.

Il fallait d'abord bien comprendre le mouvement, y entrer soi-même et y amener les autres, c'est-à-dire nos élèves. Il fallait intéresser ceux-ci aux Œuvres missionnaires en général et aux nôtres en particulier dont la plupart sont clans le besoin. Quand on a tout à souhait dans une Province ou dans une école, on oublie parfois qu'il manque bien des choses dans telle ou telle mission. L'appel en faveur des missions nous a donc portés à leur venir en aide et comme ce n'est pas dans ces missions le dévouement qui manque, mais bien plutôt les ressources, on peut espérer de beaux développements, désormais.

La générosité de nos élèves est digne d'éloges et l'on pourrait citer bien des cas où ces bons enfants ou jeunes gens se sont privés comme l'un d'eux de bonbons pendant tout le carême, comme tel autre de quelques séances de cinéma ou diverses choses pareilles.

Prier. – L'un des buts de l'Union est de susciter des prières en faveur des missions. C'est chose faite en beaucoup d'endroits et, de leur côté, les juvénistes, novices ou scolastiques de nos missions prient pour leurs bienfaiteurs. Et ils les remercient en toutes les langues qu'ils parlent.

Vocations missionnaires. – Un autre but de l'Union est de susciter des vocations missionnaires. Outre celles qui germent ainsi dans nos écoles, il y a celles, plus faciles à dénombrer, qui  naissent dans nos missions. Elles ne manquent pas et, la plu-part du temps, c'est une simple question de ressources qui entre en jeu pour les accueillir et les faire aboutir. Or, grâce aux subsides en perspective, voilà qu'un bon nombre de jeunes gens ont pu être acceptés dans nos maisons de formation de Madagascar, de Nouvelle-Calédonie, de Ceylan, du Congo, de Rhodésie, du Nyassaland.

Aumônes. – Un troisième but de l'Union est de susciter des aumônes. Grâce à Dieu, elles sont en progrès sensible sur la première année où tout était à créer. L'an passé, au 3 décembre, on était arrivé au chiffre de 1.8000.000 francs environ. Cette année, on a déjà largement dépassé cette somme. Il semble que c'est avant tout une question de bonne organisation. On pourrait citer ici une école gratuite, annexe d'un de nos grands collèges, où les enfants pauvres ont donné plus que les enfants riches, qu'on n'a pas su intéresser autant aux missions.

On peut recommander ici de bien spécifier avec les élèves ce qui est offert, soit pour la Propagation de la Foi, en général, soit pour nos propres Missions maristes, au lieu de prélever ensuite arbitrairement pour elles une somme qu'on juge convenable.

Donner des chiffres à ce moment de l'année risquerait de fausser la réalité. Quelques Provinces, en effet, ont versé le montant de l'année passée, quelques autres n'ont envoyé qu'un acompte, d'autres attendent la fin de l'exercice pour un versement total.

On peut pourtant annoncer que trois Provinces ont déjà dépassé un million de francs chacune : le Brésil Central, Cuba-Amérique Centrale et la Colombie.

Tout, d'ailleurs, ne doit pas être pesé uniquement en considérant des chiffres. Une Province qui fonde et entretient une mission, lui envoie directement des ressources, et cette Province peut sembler être absente de la collecte générale alors qu'elle a peut-être fait davantage que d'autres, surtout si elle a envoyéun personnel formé à grands frais. Il y a dix Provinces dans ce cas. Et quelle contribution invisible autant qu'importante ne fournit pas la Caisse générale par l'entretien de l'Œuvre Saint-François-Xavier de Grugliasco

Résultats. – Les secours recueillis en 1950 ont été les bien-venus, on le conçoit facilement, à Macao, pour le Noviciat chinois qui y est réfugié, à Madagascar, en Nouvelle-Calédonie et à Ceylan où des juvénats fort intéressants ont besoin d'aide ainsi que pour les établissements récemment fondés en Malaisie qui ont reçu des envois de livres.

Progrès de nos Missions. – Depuis la première Lettre missionnaire, l'Institut a pu fonder quatre nouveaux établissements dans les missions : à Marbel (Philippines), par nos confrères des États-Unis, à Médan et Tonjong Balai (Sumatra), par nos confrères chinois, et enfin à Diégo-Suarez, au nord de Madagascar. Ce dernier établissement compte déjà parmi ses élèves un fils de roi des Sakalaves et plusieurs petits princes païens dont l'influence sera tout à fait apostolique si, comme on l'espère, on arrive à les baptiser un jour.

Partout il y a beaucoup à faire dans les débuts d'une mission. A Marbel, par exemple, nos Frères ont dû loger dans une sorte de hutte en bambous, de six mètres sur huit, sans aucune séparation et avec la terre battue comme plancher. De Diégo-Suarez on écrit : « Faute de table, car nous n'avions encore aucun meuble, je dînais sur le rebord de la fenêtre. Cela ne descendait que mieux. »

On voit que la bonne humeur ne manque pas en mission. Le même Frère ajoute : « C'est curieux comme on s'habitue vite à la misère ! »

On écrit d'ailleurs : « Notre menu était au début fort simple. Voici celui d'un de nos dîners : soupe faite avec, comme bouillon, l'eau dans laquelle avaient cuit des carottes et, comme plat, ces mêmes carottes cuites à l'eau, avec accompagnement de pain noir.

Ces résultats compensent un peu les fâcheuses destructions de nos Œuvres en Chine, sous le joug communiste.

Projets. – Les Missions sont des terres nouvelles souvent pleines de vie et qui ne demandent qu'à grandir. En bien des endroits, les vocations se présentent avec une certaine abondance. !Ainsi, à Ceylan, où on vient d'achever la construction d'un Juvénat qu'on croyait grand, en y préparant vingt-cinq places, les juvénistes sont vingt-sept et on s'arrête, faute d'espace. A Kutama, on prépare la construction d'un Juvénat où la Province d'Iberville va consacrer 50.000 dollars. Au Nyassaland, deux professeurs de vingt-deux et vingt-cinq ans demandent à entrer au Noviciat. Mais celui-ci n'est pas encore construit. Il en est de même à Ceylan, pour un autre professeur. C'est que tout est à faire à la fois dans les missions qui commencent.La reconnaissance des missionnaires est assurée aux Bienfaiteurs comme le prouvent les vignettes ci-jointes ; la première vous le dit en cingalais et la deuxième en tamoul, pendant que la troisième, qui se lit verticalement, vous dit l'immense gratitude de la   mission de Chine dans la détresse et à qui l'an passé a été attribuée la plus grosse part des aumônes. Il en sera probablement de même cette année

Deux de nos Frères y sont déjà prisonniers des communistes l'un, le Frère Marie-Florent, arrêté au collège de Chungking, avant l'expulsion des Frères, et le Frère Joche-Albert, Chinois, qui a subi le même sort à Sichang.

Nous vous remercions, nos bien chers Frères, des efforts déjà accomplis. Si un verre d'eau donné au nom de Jésus-Christ ne reste pas sans récompense, que sera-ce pour ceux, Frères et élèves, qui auront contribué à l'évangélisation du monde ? Recevez l'assurance de nos sentiments bien religieux et bien fraternels.

                         Pour la Commission des Missions Maristes,

            F. REGIS-AIME, A. G.

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