Circulaires 333

LĂ©onida

1951-12-08

Souhaits, 565. - Soin de la santé et des malades, 568. - a) La maladie viendra ; s'y préparer, la prévenir si possible, 569. - b) Comment accueillir la maladie, 574. - e) Conduite à tenir envers nos confrères malades, 583. - d) Notre modèle : le Vénérable Père Champagnat, 595. - La définition solennelle du dogme de l'Assomption, 604. - Nos causes de béatification, 624. - Appel en faveur de nos Frères de Chine, 634. - Visite à la Province d'Italie, 636. - Documents de Rome, 643. - Érection de la Province de Santa Catarina (Brésil), 646. - Élections, 648. - Liste des défunts, 649. -- Table des matières du 20e tome, 651

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V. J. M. J.

 Saint-Genis-Laval, le 8 décembre 1951.

      Fête de l'Immaculée-Conception.

     MES BIEN CHERS FRÈRES,

 Il peut paraître banal de redire que le temps fuit, que la présente année, comme toutes celles qui l'ont précédée, ne sera bientôt qu'un souvenir.

Mais, en réalité, il est extrêmement sage de se rappeler la brièveté du temps, non seulement pour penser aux jours éternels et les préparer, mais encore pour bénir Dieu qui, par chacun des instants qu'Il nous donne, nous manifeste son amour infini.

Et puis, ce souvenir n'est-il pas très utile par la satisfaction ou les regrets qui l'accompagnent ? N'est-il pas capable de porter les âmes de bonne volonté à prendre l'énergique résolution de devenir à tout prix des saints et d'entraîner vers les cimes leurs Frères et leurs élèves ?

C'est la grâce que nous demanderons les uns pour les autres à l'occasion de la nouvelle année, afin que 1952 soit, dans le livre de notre vie, une page splendide écrite à la gloire du Maître qui nous a donné l'existence et nous la conserve ; du Maître dont les récompenses surpassent infiniment les satisfactions éphémères et décevantes des créatures.

Pour mériter cette grâce, réformons généreusement ce qui, dans notre conduite, y mettrait  obstacle et exerçons-nous à mieux pratiquer les vertus de notre saint état.

Ce double travail d'amendement et de progrès est admirablement exprimé par ces paroles de l'hymne Sacris Solemniis : Loin de nous la vétusté… que tout soit neuf : les cœurs, les voix et les œuvres.

Loin de nous ce qui, par le passé, a été offense de Dieu ou simple imperfection. Comme nous y engage l'Apôtre : « Dépouillons-nous du vieil homme et revêtons-nous de l'homme nouveau, créé selon Dieu dans une justice et une sainteté véritables. »

Renouvelons nos cœurs, c'est-à-dire ce qu'il y a de plus important, nos dispositions intimes, car Dieu ne veut pas de ceux qui l'honorent des lèvres et lui refusent leur cœur. Il réprouve les sépulcres blanchis et ceux qui se bornent à nettoyer les dehors de la coupe.

Développons toujours plus en nous la pureté d'intention, la fuite du péché et la ferveur. Point d'idoles dans nos cœurs, car le Maître que nous servons n'admet point de rival. Point de médiocrité, mais grand enthousiasme pour travailler à l'extension du règne du Christ.

Renouvelons notre langue, c'est-à-dire nos conversations. Ce point est intimement lié au précédent puisque la langue parle de l'abondance du cœur. Nous nous abuserions nous-mêmes et notre religion serait vaine, nous dit saint Jacques, si nous croyions être religieux sans mettre un frein à notre langue.

Évitons les paroles oiseuses dont nous devrons rendre compte ; abstenons-nous, à plus forte rai-son, des conversations indignes de notre caractère d'âmes consacrées.

Renouvelons nos œuvres. Que la foi nous montre notre entière dépendance de Dieu et nous fasse rapporter à Lui seul toute notre activité. Que ce même esprit de foi nous préserve de toute négligence dans notre vie de religieux et d'éducateurs. On ne doit pas servir à demi un roi tel que Notre-Seigneur, c'est pourquoi nous devons vouloir, selon l'énergique expression de saint Ignace de Loyola, nous signaler, devenir des religieux d'élite et non pas nous enliser dans la médiocrité.

Oui, mes bien chers Frères, ayons toujours le souci de nous surpasser, commençons sans délai. A remettre toujours au lendemain nous nous exposerions à manquer de quelqu'un des éléments indispensables à tout avancement spirituel : le temps favorable, la grâce divine, la bonne volonté.

Sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus a pu dire : « Je ne crois pas que depuis l'âge de trois ans j'aie refusé quoi que ce soit à Notre-Seigneur. » Si nous ne pouvons, pour le passé, parler avec une semblable assurance, proposons-nous, du moins, de ne plus résister à l'appel de Dieu à une vie plus en harmonie avec ses innombrables bienfaits et nos intérêts éternels.

*

*     *

 Dans les souhaits exprimés, je n'ai pas mentionné la santé malgré son importance. Je fais des vœux pour que le bon Dieu vous la conserve excellente si c'est son bon plaisir. Vous trouverez d'ailleurs, dans les pages suivantes, des conseils qui vous aideront à transformer la santé et la maladie en moyens de sanctification. 

Soin de la santé et des malades.

 Tel est le titre d'un chapitre de nos Règles nous donnant des directives sur un sujet dont s'occupent les Constitutions de la plupart des Congrégations religieuses.

Ce chapitre est empreint d'un esprit si paternel qu'on ne peut s'empêcher d'y reconnaître la pensée, chère à tout mariste, du Vénérable Fondateur qui connut la maladie et se montra extrêmement bon envers les malades.

Il m'a paru opportun de vous présenter un commentaire de ces Règles si sages, utilisant non seulement les données de l'expérience, mais aussi des notes aimablement fournies par des infirmiers habiles autant que dévoués, et des confrères qui ont porté ou portent encore la croix de la maladie.

A cet effet, nous examinerons les points suivants :

 I. La maladie viendra ; s'y préparer ; la prévenir si possible.

II. Comment l'accueillir et la supporter.

III. Conduite à tenir envers nos confrères malades.

IV. Notre modèle : Le Vénérable Père Champagnat

I. La maladie viendra ;

s'y préparer ; la prévenir si possible.

 Malgré les progrès de la science médicale, les maladies n'ont pas disparu de notre planète. Les savants, grâce à un travail tenace et admirable, ont bien réussi à diminuer la douleur et à accroître la durée de la vie humaine, mais ils n'ont pu vaincre complètement la maladie. Celle-ci existera jusqu'à la fin des siècles, car c'est le péché qui l'a introduite, comme toute souffrance, dans le monde, mettant le désordre dans l’œuvre divine et bonne de la création.

La maladie sera donc, un jour ou l'autre, notre partage à moins qu'avant de l'avoir connue une mort subite ne nous surprenne. Elle sera chronique, n'empêchant pas la vie active ; ou bien aiguë, nous confinant dans une chambre d'infirmerie ou d'hôpital. Dans les deux cas, ce sera la souffrance que nous devrons nous appliquer à faire servir à la gloire de Dieu et à notre sanctification. Mais, étant donné que l'art difficile de souffrir certaines infirmités douloureuses ne s'improvise pas, exerçons-nous, dès maintenant, à supporter ce qui mortifie la nature et demandons fréquemment le don de force pour le jour où viendra l'épreuve. L'expérience montre, en effet, que lorsque l'apprentissage de la souffrance ne se fait pas pendant la jeunesse ou à l'âge viril, elle trouve trop souvent le vieillard incapable de la supporter vaillamment.

Mais en bien des cas nous pouvons prévenir la maladie en veillant sur notre santé conformément aux prescriptions de la Règle : « Si c'est une chose blâmable chez un religieux de prendre un soin trop grand et trop inquiet de son corps et de sa santé, c'en est une louable, juste et nécessaire d'en prendre un soin raisonnable et de veiller avec prudence et discrétion à la conservation de ses forces ; c'est même un devoir pour des personnes vouées par état à l'enseignement. » (Art. 471.)

Ne négligeons pas de prendre les précautions élémentaires que nous recommandons à nos élèves et évitons toute imprudence. Nous serons moins exposés aux maladies chroniques qui généralement ne s'installent qu'après une répétition de certaines fautes, conscientes ou non, contre l'hygiène, voire contre la loi morale.

« Dieu pardonne tout, la nature rien », dit-on, toutes les erreurs hygiéniques altèrent plus ou moins sérieusement la santé. Citons comme exemples : les rhumatismes survenant par suite d'excès de travail ou d'écarts d'alimentation parfois indépendants de la volonté du sujet ; l'artériosclérose, à laquelle échappent de rares vieillards, mais plus ou moins devancée ou retardée suivant le genre d'occupations, le degré de sobriété, l'usage ou l'abstention d'excitants. Remarquons en passant, qu'il n'est pas un livre de médecine qui ne signale le tabac et l'alcool comme facteurs originels de maladies de cœur, de foie ou d'artères, de troubles nerveux, etc. Signalons aussi les fatigues et déséquilibres nerveux résultant des veilles prolongées. On ne saurait ignorer non plus que les maladies d'estomac, si fréquentes dans les professions libérales, sont dues surtout aux repas pris précipitamment, au surmenage intellectuel ou moral ou encore à une suralimentation mal comprise. Une suralimentation n'est conseillée, hors de la période de croissance, que si elle est proportionnelle aux dépenses organiques.

Dans les maisons de formation on se préoccupe de plus en plus des santés qui, dans bien des pays du fait des privations de la guerre autant que d'une dégénérescence universelle, sont moins bonnes qu'autrefois. Que l'on continue dans cette voie exigeant des candidats des garanties suffisantes sur ce point et adoptant les mesures d'hygiène nécessaires quant à la nourriture, l'habillement, les locaux, la propreté, l'étude, etc. … Que l'on forme les aspirants à prendre eux-mêmes les précautions voulues afin qu'ils ne les négligent pas plus tard, lorsqu'ils seront davantage livrés à leur propre initiative. Qu'il y ait des visites médicales à époques fixes et que par des exercices méthodiques l'on donne à la formation physique la place qui lui est due. Que l'on évite toutefois, dans ces exercices de trop mettre à l'épreuve la résistance de l'organisme à un âge où tout effort exagéré expose a de fâcheuses conséquences.

Trop souvent, les jeunes Frères, quand ils jouissent du capital d'une bonne santé, en usent comme s'ils ne devaient jamais le perdre et ne prennent pas toujours au sérieux les conseils qu'on leur donne pour ne le point gaspiller. Qu'ils se convainquent qu'en cela comme en tout il y va de leur bien de se conformer fidèlement aux prescriptions de la Règle.

Celle-ci, après nous avoir excités à une sainte haine pour notre corps, lui refusant tout ce qui n'est propre qu'à satisfaire la sensualité (Art. 472), nous fait des recommandations dont la sagesse ne peut échapper à personne : « D'un autre côté, comme la santé leur est indispensable pour tendre au but secondaire de leur vocation, c'est pour eux un devoir d'éviter tout ce qui pourrait l'altérer, comme toute imprudence dans le travail et dans l'étude, toute pénitence extraordinaire sans permission. Ils doivent se nourrir selon l'usage de l'Institut, avoir pour le linge et les habits tout ce que demandent la nécessité et la propreté, avertir le Frère Directeur ou le Frère Provincial quand ils sont fatigués ou qu'ils manquent du nécessaire. » (Art. 473.)

« Ils préviendront pareillement le Frère Provincial, dit encore la Règle, si, dans l'emploi qui leur est confié, il y a des choses qui nuisent gravement à leur santé, si le climat des lieux où ils sont placés est contraire à leur tempérament, si leur classe ou le logement n'est pas sain. » (Art. 174.) Un manque de simplicité se cache parfois dans l'attitude de fausse résignation qui porte certains religieux à vouloir que les Supérieurs devinent leurs besoins au lieu de les leur exposer en toute confiance. Il est au contraire des cas où l'on est tenté de recourir aux Supérieurs sans motif suffisant ; c'est pourquoi la Règle demande qu'on ne le fasse qu'après avoir consulté Dieu dans la prière et avoir examiné si les choses sont telles qu'elles paraissent. Si cette ligne de conduite était toujours bien suivie, on n'aurait pas le triste spectacle de religieux changeant fréquemment de maison pour des motifs de santé insuffisants.

Ne tombons pas dans le travers diamétralement opposé à la perfection religieuse et qui consiste à prendre un soin exagéré du corps, à abandonner ou négliger les devoirs d'état par crainte d'indisposition ; car si la santé est le premier des biens naturels, il est dépassé en valeur par les biens surnaturels impérissables.

Sainte Thérèse a dit de certains religieux : « Aujourd'hui ils ne se lèvent pas ou se dispensent de toute autre observance parce qu'ils ont mal à la tête ; demain, parce qu'ils y ont eu mal la veille, et les jours suivants de peur d'y avoir mal. » Cette grande sainte a écrit d'elle-même : « J'ai reconnu en beaucoup de choses que de trop se droguer et de prendre tant de soin de sa santé était une tentation du diable ou un effet de ma lâcheté ou de ma faiblesse, encore que véritablement je sois très infirme ; car depuis que je n'ai point eu tant de soin de mon corps et de ma santé, je me porte beaucoup mieux… Il me semble que plusieurs parmi nous sont venues en religion pour ne pas mourir ; chacune travaille à cela du mieux qu'elle peut ». On ne saurait douter que la fidélité de la sainte à ne pas écouter la nature ait contribué pour une grande part à la réalisation des œuvres admirables qui ont rempli sa vie.

« Ne soyons pas, dit l'abbé Perreyye, de ces délicats absolus qui surveillent de si près leur santé, que tout les inquiète, les arrête, les épouvante. » Il n'était pas de cette catégorie notre Frère Léon qui répondait, lorsqu'on lui conseillait de se ménager : « La perfection vaut plus que la santé. Mieux vaut vivre un an dans la ferveur et dans l'esprit de mortification, que de passer vingt ans à se soigner et à se dorloter. » (Biographies, p. 106.)

Il n'est pas rare que des religieux dominés pal une crainte excessive de la maladie finissent par devenir réellement malades, leur imagination, sans cesse surexcitée, pouvant occasionner, dans bien des cas, de réels malaises de la tête, des nerfs, du cœur, etc. …

Constatons le fait sans le généraliser. Nous verrons la conduite à tenir avec ces sortes de malades ; il ne serait ni juste ni charitable de les condamner à la légère. 

Il. Comment accueillir la maladie.

 C'est là un problème dont la solution est donnée par le bon sens et l'esprit de foi. Il importe de savoir se soumettre aux exigences de l'un et de l'autre. Dans sa sagesse admirable, la Règle nous prévient de ne pas tarder à faire connaître nos malaises ou infirmités. S'y prendre opportunément, c'est gagner du temps. Que de misères faciles à guérir à leur début sont devenues, par la suite, incurables ou ont exigé un long séjour à la clinique ! Un conseil demandé à temps au médecin n'engage à rien et peut faire éviter le pire.

Mais une lois la maladie déclarée, quelle qu'elle soit, légère ou grave, elle peut devenir pour nous, comme elle l'a été pour d'autres, un tournant décisif ; tout notre avenir peut dépendre de l'attitude que nous adopterons alors. La nature est portée à protester, elle ne veut pas souffrir et c'est normal, car nous sommes faits pour le bonheur mais il faut savoir se raisonner, éviter l'énervement, faire preuve d'énergie. Pourquoi rêver alors de situations impossibles et se faire des soucis inutiles ? Mieux vaut se prendre tel qu'on est et lutter de son mieux pour guérir.

Mais l'esprit de foi sera d'un secours plus efficace que cette philosophie d'ailleurs légitime. Persuadons-nous que Dieu étant infiniment bon ne nous éprouve jamais au-dessus de nos forces. Il n'a pas cessé de nous aimer parce qu'il nous envoie la maladie. Tout au contraire. La vie des Saints n'est-elle pas un argument lumineux prouvant qu'elle est souvent une grâce de choix ? Dieu a voulu nous fournir par la maladie un instrument de pénitence, de sanctification et d'apostolat ; un cilice choisi et adapté par Lui. Sa grâce nous aidera à le porter ; soyons-en pleinement convaincus et redoublons de confiance en la divine Bonté.

Notre vie ne sera pas inutile parce que le mal aura réduit notre activité extérieure ; elle peut être plus efficace et plus méritoire que jamais. En définitive, la fin dernière de notre vie étant la gloire de Dieu par notre sanctification, nous !'atteignons en maladie comme en santé selon le bon plaisir divin. « Que faites-vous là, petite paresseuse ? », disait en se jouant une Supérieure à Bernadette, immobilisée par la maladie à l'infirmerie de Nevers… La petite sainte répliqua avec son sens chrétien : « Je remplis mon office, ma bonne Mère, l'office de malade.»

L'abbé Perreyve ne pensait pas autrement lorsqu'il écrivait : « Souffrir, c'est agir, et le travail intérieur d'une grande résignation, solidement appuyé sur le fondement de la foi et de l'amour élève une âme au rang des bons serviteurs qui, inutiles seulement à leurs propres yeux, achèvent dans la patience et l'humilité l'ouvrage immortel de Jésus-Christ. » (La journée des malades, p. 82.)

Loin d'être inutile – disait le Cardinal Gerlier au Congrès Eucharistique de Nîmes – le malade est le plus véridique militant : c'est lui qui vit le plus près de Dieu, à tout instant : c'est lui qui offre pour ses frères la prière la plus coûteuse et le sacrifice le plus rédempteur. »

C'est un prodige de l'Évangile d'avoir doté la pauvre humanité souffrante de la pierre philosophale des Béatitudes destinée à transformer en or d'un prix infini ce qui jusqu'alors était regarde comme un mal pur. Qui sait en user comme il convient trouve dans cette doctrine non seulement une source de mérites, mais encore le plus efficace soutien de ce bon moral qui, au dire de la plupart des médecins, joue un rôle capital dans la conservation ou le recouvrement de la santé.

Que, par conséquent, notre premier geste, quand nous éprouvons l'aiguillon de la maladie, soit un acte de parfaite conformité à la volonté divine, l'acceptation généreuse de cette portion de sa croix que nous envoie Notre-Seigneur. Ne posons pas au bon Dieu des « Pourquoi » inutiles : disons plutôt en toute sincérité, du fond du cœur : «J'accepte et le mal qui m'afflige et ses suites quelles qu'elles soient ».

« Faites bon visage à cette austère mais si charitable visiteuse qu'est la maladie, dit le Père Charles Girard. Loin de contrarier son œuvre salutaire, prêtez-lui votre concours, jusqu'au jour où Jésus, votre divin Sauveur, vous donnera place en son Paradis. Vous saurez alors quelle grâce fut pour vous la maladie, et vous en bénirez Dieu qui ne frappe que pour guérir. Retenez bien cette maxime de saint Vincent de Paul « Si nous connaissions le trésor précieux qui se trouve dans les maladies, nous les recevrions avec autant de joie que les plus grands bienfaits. » (L'ami des malades, p, 10.)

La doctrine que nous venons d'exposer est parfois oubliée comme le disent en ces termes les Avis, Leçons et Sentences : « Les hommes à tête et à vertu faibles, quand ils sont malades ou qu'ils souffrent de quelque infirmité, au lieu d'imiter les Saints, ne savent que se plaindre, se droguer et se coucher. Inutile de les entretenir de leurs devoirs d'état, de leur tâche, de leur règle ; leur petite personne les occupe entièrement, et ils se croient tout permis, pour se soulager et se guérir. » (P. 207 ; édition 1927.)

Nos Règles nous indiquent le juste milieu à garder entre une insouciance coupable et une vigilance inquiète au sujet du recouvrement de la santé perdue. Ce juste milieu exige, de celui qui désire guérir, une docilité courageuse et persévérante pour s'en tenir au traitement prescrit par le médecin et pour se confier à ceux qui sont chargés de l'assister. A vouloir suivre ses propres lumières on risque de céder à la sensualité et de prendre le chemin le moins sûr pour guérir.

On trouve des natures généreuses qui, manquant de soumission et ne sachant pas maîtriser leur impatience, réduisent la durée de la convalescence, reprennent, avant le temps, leurs occupations ordinaires et s'exposent à des rechutes graves. On ne peut approuver ni ce manque de prudence ni les appréhensions de ceux qui tardent trop à reprendre leur travail après une maladie.

Outre la docilité il est demandé aux malades de veiller, autant que leur état le permet, à la régularité, à l'ordre et à la propreté, à la vie de prière, à la charité et au bon exemple.

Régularité. La maladie ne supprime pas nos obligations de religieux vivant sous une Règle et sous la dépendance de Supérieurs ; elle met seulement à l'épreuve ces obligations contractées ; Le malade est tenu, à moins de dispense, d'assister aux exercices de communauté ; il ne peut se pro-curer par lui-même ce qu'il désire, mais il doit exposer avec simplicité ses besoins et se contenter de ce qui lui sera donné. Il doit, comme les autres religieux, garder le silence quand il n'y a pas une réelle nécessité de parler.

Ordre et propreté. Le malade doit faire régner l'ordre et la propreté sur sa personne, dans sa chambre et dans tout ce qui est à son usage. En agissant ainsi il favorise sa guérison, diminue le travail de ceux qui le servent et il édifie ses confrères.

Piété. Pour le religieux malade il convient surtout d'insister sur le besoin de ne pas négliger la piété, l'activité spirituelle pendant la maladie. C'est là qu'il doit principalement puiser l'optimisme, la sereine résignation, en un mot le bon moral, dont on a souligné déjà les heureux effets. Il alimentera dans les prières de Règle sa confiance en Dieu ; il aimera à recevoir, si possible chaque matin, Celui qui s'est appelé la Vie, Notre-Seigneur, le grand guérisseur des foules. Il saura, de plus, pendant le jour et aux heures d'insomnie, qui parfois rendent les nuits très longues, se recueillir et converser avec l'Hôte divin des âmes.

Mais il faut tenir compte de l'impuissance morale et intellectuelle à laquelle la fièvre et la douleur peuvent réduire le pauvre malade. Ne pouvant penser alors à de longues prières, il ne saurait en faire de meilleure que de renouveler par de pieuses aspirations sa conformité totale à la volonté de Dieu. Cette union de la volonté avec celle de Dieu l'emporte en valeur sur la simple union de pensée avec Lui, si bien que selon saint Jean de la Croix «l'acceptation des maladies particulièrement crucifiantes peut les rendre équivalentes au martyre et en produire les effets ».

Je ne m'attarderai pas à signaler des sujets de méditation appropriés au temps de la maladie, mais il en est qui méritent une mention spéciale : ce sont les leçons du Crucifix dont l'image devrait toujours être sous les yeux du malade. Ce grand livre de méditation tant utilisé et recommandé par les saints, rappelle à qui le contemple les vertus que nous prêche Jésus en Croix : obéissance, humilité, amour du Père, soif des âmes jusqu'au don total, mortification, horreur du péché, etc. … C'est là un thème que Notre Saint-Père le Pape a traité magistralement dans le radio-message adressé aux malades le 21 novembre 1949. Ceux-ci peuvent dire avec saint Paul : « J'accomplis dans ma chair ce qui manque à la Passion du Christ pour son Corps qui est l'Église. » Leurs souffrances, qu'ils estimeront bien méritées, leur paraîtront légères en comparaison de celles qu'a acceptées et subies Celui qui était l'innocence même.

C'est en méditant les leçons de son crucifix que le Frère Nicétas, malade, a trouvé la force d'âme qui a édifié tous les témoins de sa maladie. Il le regardait avec amour répétant : «Mon Jésus, je vous aime ; je vous offre mes souffrances, faites-moi la grâce de les supporter avec patience, et daignez les sanctifier par les vôtres. Ô mon Jésus ! faites que je vous aime et que je souffre pour vous. » Quand les Frères lui témoignaient la peine qu'ils éprouvaient de le voir souffrir sans pouvoir le soulager, il leur répondait joyeusement : « Ô mes chers Frères, oui je souffre ; mais Jésus-Christ n'a-t-il rien souffert ? Il me semble que toute l'eau du Rhône ne pourrait suffire pour me désaltérer ; mais Jésus-Christ n'a-t-il pas été dévoré d'une soif infiniment plus ardente ? et vous savez ce qu'on lui a donné pour le désaltérer ; tenez-vous donc tranquilles et ne vous occupez pas de mes souffrances ; elles ne sont rien comparées à celles du Sauveur. » (Biographies, p. 220.)

Pendant la convalescence, plus encore qu'en temps de maladie, on doit s'acquitter dans la mesure du possible de ses exercices de piété et revenir graduellement à l'activité spirituelle normale. Manquer alors la sainte Messe ou la Communion parce que, le pouvant, on ne se lève pas assez tôt ; être absent des prières auxquelles on pourrait assister aisément, c'est se priver de bien des grâces et manquer de gratitude envers Dieu qui a rendu la santé. C'est s'exposer à contracter, parfois inconsciemment, des habitudes de sensualité, à commettre bien des fautes et à donner le mauvais exemple aux confrères.

Il faut également, pendant la convalescence, fuir l'oisiveté, se rendre utile autant que le permettent les forces, et chercher dans des lectures intéressantes et substantielles, un aliment qui tonifie l'esprit et le cœur pendant que, par des soins appropriés, on s'applique à fortifier l'organisme. Bien des sanatoriums se sont préoccupés d'organiser, quoique à un rythme très ralenti, des cours d'études en vue d'examens, les médecins observant que la fatigue serait moins néfaste aux malades qu'une triste oisiveté privée du stimulant d'un objectif. Un règlement approuvé par le Frère Directeur ou par le Frère infirmier sera pour nos malades et convalescents un excellent moyen d'éviter l'indécision, le marasme, les préoccupations excessives.

Charité et bon exemple. Un malade ne peut se contenter de recevoir l'aumône, il doit savoir la rendre ; d'abord, comme l'indique la Règle, en se montrant plein de reconnaissance envers ceux qui le servent, reconnaissance qui sait trouver, pour l'exprimer, les formules délicates. Les fonctions dé l'infirmier comportent si peu de consolations humaines qu'il se sent encouragé dans son emploi par !a gratitude des malades et par leur souci de lui épargner tout travail non indispensable.

Combien est édifiante cette réserve qui porte les malades à ne pas accroître la peine que se donnent des confrères dévoués ! Quelle éloquente prédication pour ceux qui en sont témoins ! C'est d'autant plus méritoire que quand on est malade on est fort enclin à ne voir que son mal. C'est à cause de cette tendance à l'égoïsme que parfois des religieux, d'ailleurs vertueux lorsqu'ils sont en santé, deviennent exigeants en maladie, se plaignent des moindres oublis de ceux qui les servent et scandalisent ceux qui ignorent la psychologie du malade.

Tel n'était pas le cas du Frère Alfano qui se montrait très sensible pour le moindre service qu'on réussissait à lui rendre. Il se confondait alors en humbles remerciements. « Quelle complaisance ! Que de dérangements on s'impose pour moi ! Qu'on me laisse faire ! Que ferai-je encore si les autres font tout !» Ou encore : « Que de mérites vous gagnez à me servir du matin au soir ! Laissez ne perdez pas au moins le temps de la récréation. Je suis vraiment confus, je ne sais comment remercier dignement ! »

Un mot encore sur une catégorie spéciale de malades les vieillards. Ces Frères très méritants, qui ont usé leurs forcés au service de la Congrégation, m'ont permis d'admirer dans nos infirmeries la pratique de la recommandation de notre vénérable Père mourant : « Aimez-vous les uns les autres comme Jésus-Christ vous a aimés », plus difficile à réaliser à cause d'une certaine tendance à l'isolement qu'on observe parmi eux. Parler de leur comportement, c'est tracer une excellente ligne de conduite à tous ceux que les infirmités de l'âge contraignent au repos.

Ces bons anciens visitent quotidiennement tel confrère alité, aident à servir et à soigner tes malades, s'informent chaque matin de l'état des infirmes, se promènent ensemble dans la propriété, secondent un Frère surchargé, s'occupent ensemble à des travaux utiles, se récréent ensemble vivent sans heurts, sans froissements dans une sainte fraternité. Plusieurs d'entre eux montent la garde d'honneur devant le Saint-Sacrement, multiplient les rosaires et les chemins de croix, etc. … Il suffit souvent dans les infirmeries, comme ailleurs, d'une ou deux âmes très riches en piété, en charité et en vertus sociales pour créer un climat qui, peu à peu, grâce à la prière et à l'effort persévérant, influence les autres âmes. 

Conduite à tenir envers nos confrères malades.

 Nous ne devons pas oublier que l'assistance des malades est une œuvre de miséricorde commandée par la charité qui n'a point de limites. Certaines Façons de l'exercer conviennent à tous les Frères, car les malades sont des membres souffrants de la famille que les autres membres, sans exception, doivent s'empresser de soulager. Ainsi, nous devons tous prier pour nos confrères malades et nous efforcer de les comprendre.

Recommandons au bon Dieu nos confrères aux prises avec la maladie afin qu'ils subissent l'épreuve avec les dispositions voulues et recouvrent la santé si c'est dans les desseins de la Providence. Nous faisons mention de nos malades à la prière du matin et du soir, mais c'est une intention que chacun doit renouveler souvent en son particulier surtout dans ses communions. Les Frères Directeurs doivent la suggérer de temps en temps, notamment lorsqu'ils apprennent la maladie d'un confrère.

Nous devons recommander d'une façon spéciale nos malades à la Sainte Vierge, la mère de la Congrégation, le Salut des infirmes, la grande thaumaturge de Lourdes, de Fátima, et de tant d'autres sanctuaires célèbres à cause des guérisons obtenues par l'intercession de Notre-Dame. Si elle ne délivre pas toujours ses enfants de leurs souffrances, elle les adoucit ; si elle ne rend pas toujours une joie exempte de tristesse, elle donne à ceux qui recourent à elle le baume de la conformité à la volonté divine. Parce qu'elle a souffert plus que toutes les mères, la Sainte Vierge comprend mieux que personne nos peines et nos afflictions.

Faisons également de ferventes neuvaines au Vénérable Fondateur pour solliciter la guérison ou du moins l'amélioration de grands malades.

Comprendre les malades est chose moins aisée que cela ne paraît d'abord, surtout pour ceux que la maladie n'a jamais éprouvés. La Sainte Écriture le donne à entendre lorsqu'elle dit : « Celui qui n'a pas souffert, que sait-il ? » Pour comprendre les malades il faut savoir que leur mentalité, du moins en règle générale, car il y a d'admirables exceptions chez les religieux surtout, diffère de celle de l'homme sain.

Habituellement les grands malades, en particulier quand la maladie se prolonge, ne sont pas en possession de tous leurs moyens d'action intérieure. Leur volonté s'affaiblit ; elle peut devenir hésitante, instable, capricieuse même ; vite détendue, parfois vite remontée aussi. Un malade est facilement accaparé par cette préoccupation : ma guérison. Son imagination l'expose à se forger des idées erronées sur le passé, le présent et l'avenir. Il devient hypersensible, surtout avec l'âge : c'est pourquoi si un mot du cœur, un service minime, le touchent jusqu'aux larmes, une parole en l'air, un oubli, un léger reproche, peuvent l'abattre pour longtemps.

Bref ! il faut prendre le malade tel qu'il est et non tel qu'on le voudrait. La maladie étant pour lui une mortification parfois bien dure, n'en ajoutons pas d'autres si possible ; ne lui faisons pas sentir, plus qu'il ne convient, qu'il devrait se comporter autrement.

Certains malades ont besoin d'égards particuliers. Le malade incurable, aussi bien que le vieillard, est plus exposé que les autres à des tentations de découragement. Il faut lui témoigner une grande affection et lui suggérer des pensées de foi qui l'aident à comprendre que sa croix, acceptée en expiation et en amour pénitent, lui obtiendra la rémission des péchés de sa vie passée et lui méritera le Ciel.

Une mention spéciale pour une catégorie de plus en plus nombreuse par suite du surmenage et de la vie trépidante actuelle : il s'agit des déprimés du système nerveux et nous pouvons tous l'être plus ou moins à certaines époques de notre vie. Ce que nous en disons serait valable aussi pour les malades appelés, à tort ou à raison, imaginaires. Leurs idées pessimistes n'en sont pas moins liées à une réelle déficience organique et nerveuse, conséquence, bien souvent, d'une intoxication. « Personne ne songe que ces déprimés souffrent autant que les autres », dit une Supérieure d'hôpital, et leur sensibilité excessive ne requiert que plus d'affection. Il est difficile de les raisonner car ils veulent interpréter des douleurs, fort variées du reste, et causées par des perturbations du système nerveux.

Il faut faciliter à ces malades un traitement à la fois physique et moral : changement de milieu, vie au grand air, alimentation appropriée, désintoxication, et surtout, direction intelligente, règlement définitif des questions de conscience, atmosphère gaie et sympathique, sans oublier des efforts personnels progressifs.

Reste à esquisser une brève revue d'autres devoirs envers les malades de la part des Supérieurs, des Frères Infirmiers, et des confrères que les exemples du Vénérable Fondateur illustrent remarquablement. 

a) Devoirs des Supérieurs. C'est à eux surtout que s'adressent trois questions du Rapport quinquennal fourni à la Sacrée Congrégation des Religieux en mars dernier : 1° Toutes les maisons ont-elles tout ce qui est nécessaire à la vie commune, spécialement… un lieu séparé parfaitement adapté et commode pour le soin et l'assistance convenable des malades ? 2° S'occupe-t-on avec un soin particulier et avec charité des religieux malades et âgés et les aide-t-on dans leur corps et dans leur âme, de manière que, tout en restant dans les limites de la pauvreté, rien ne leur manque de ce qui semble nécessaire au recouvrement de leur santé ou à leur consolation spirituelle 3° Tous sont-ils soignés à la maison et si, dans le cas d'une nécessité particulière, ils doivent être soignés en dehors de la maison, sont-ils visités assidûment ?

La Règle ordonne aux Supérieurs, spécialement aux Frères Directeurs, d'appeler le médecin quand un Frère est malade ou de lui conduire celui-ci. Un Frère malade ne doit pas se montrer exigeant pour le choix du médecin à consulter. En cela comme en bien des points touchant la pauvrets, religieuse, nous ne devons suivre ni l'exemple des riches ni celui des indigents, mais nous comporter comme les personnes de condition moyenne. Cependant le Supérieur ne doit pas hésiter à faire appel à un spécialiste si la nature ou l'évolution du mal le conseillent. Tel est l'esprit de la Règle quand elle dit : « Pour se conformer aux exemples du Vénérable Fondateur on ne calculera pas sur les dépenses que peuvent occasionner les malades et les infirmes. On doit les regarder comme les membres crucifiés de Jésus-Christ, comme un trésor et un sujet de bénédiction pour l'Institut et, dans ces sentiments, leur prodiguer tous les soins que réclame leur état. » (Art. 477.)

Mais la Règle demande aussi qu'on s'en tienne à la juste mesure. Elle ne veut pas que, même en maladie, les religieux oublient les obligations du vœu de pauvreté, recourent à des remèdes coûteux lorsque d'autres, moins dispendieux, peuvent avoir la même efficacité. Elle veut éviter que les soins donnés au corps le soient au détriment de l'âme ; aussi ordonne-t-elle de ne pas porter les malades à des sensualités et à des délicatesses plus propres à exciter les passions qu'à soulager ou guérir.

Je suis persuadé, mes bien chers Frères, que dans la plupart de nos maisons les Frères malades sont l'objet de soins intelligents et empressés. Certaines négligences regrettables sont parfois signalées, mais ce sont des faits très exceptionnels. Que les Frères Directeurs se pénètrent de l'esprit de la Règle ; qu'ils préviennent les besoins de leurs Frères ; qu'ils disposent toutes choses pour que rien ne leur manque de ce qui est permis ou nécessaire. Qu'ils sachent, au besoin, payer généreusement de leur personne. Leur façon d'agir en ces circonstances doit être la manifestation probante de l'amour maternel que la Congrégation porte à tous ses enfants, en particulier à ceux qui souffrent. Ils doivent tâcher de donner à nos chers malades la conviction que dans leur propre famille on ne leur témoignerait pas plus d'amour et de sollicitude. Comme le dit fort bien Dom Chautard : « Il ne faut pas qu'un religieux malade ait à regretter l'absence de sa mère. »

Le Supérieur devra parfois écouter les inquiétudes que le malade croit devoir lui exposer. Il s'y prêtera de bonne grâce, s'appliquant à rendre le calme à cette âme en lui rappelant les promesses de paix faites par Dieu aux hommes de bonne volonté et la miséricorde infinie de Notre-Seigneur, à laquelle il a eu si fréquemment recours par la confession. Il insistera de même sur le mérite des vœux qu'il a émis et qui ont été un second baptême ; sur les nombreuses indulgences plénières qu'il a pu gagner au cours de sa vie et sur l'excellence de l'apostolat, acte sublime de charité qui couvre la multitude des péchés ».

Si la guérison est douteuse, surtout si le danger de mort semble proche, le Supérieur, à défaut du Frère infirmier ou de concert avec lui, se fera un devoir de ne pas bercer le malade de vains espoirs. Bien au contraire, quoique avec grande délicatesse il lui découvrira progressivement et franchement la gravité de son état, car il importe que le moribond se prépare au suprême face à face avec Dieu qu'est la mort, aussi soigneusement qu'il se prépara jadis à sa première communion. Lui montrer, au-delà de la mort, la vie dont elle ouvre la porte, le paradis qu'il touche déjà par la grâce des sacrements reçus. Combien il importe que les derniers sacrements soient donnés en temps opportun ! Nombreux sont parmi nos malades ceux qui s'empressent de les demander, mais il en est parfois qui, se faisant illusion sur la gravité du mal dont ils sont atteints, croient pouvoir en remettre à plus tard la réception. Si l'on s'en tenait à leur idée, on s'exposerait à n'avoir plus le temps de leur assurer l'inestimable secours de l'Extrême-Onction et du saint Viatique. Si des cas se rencontrent où ces sacrements n'ont pu être administrés, que du moins il n'y ait jamais de notre faute. Dans une affaire aussi grave, mieux vaut s'y prendre plus tôt que trop tard.

Consultons le médecin sur les symptômes et les dangers de mort prochaine. Et, même dans les cas de mort subite, n'oublions pas d'appeler le prêtre qui pourra encore administrer peut-être l'Extrême-Onction sous condition. Que jamais la préoccupation d'appeler le médecin ne fasse oublier d'appeler le prêtre avec le même empressement.

J'indiquerai encore un devoir de charité qu'il faut rendre, dans la mesure du possible, à nos Frères gravement malades, agonisants, ou déjà décédés ; c'est celui d'établir avec l'aide, non seulement de Frères valides, mais encore de ceux qui étant au repos peuvent y contribuer, une veille permanente au chevet du moribond ou autour de sa dépouille mortelle. On assurera ainsi l'inestimable secours de prières qui aideront à bien mourir ou qui procureront d'abondants suffrages pour le repos de l'âme entrée dans l'éternité.

Les Frères Infirmiers. Ce titre désigne non seulement les Frères auxquels a été confié cet emploi, mais encore ceux qui, occasionnellement ont à prendre soin des malades.

Il est à souhaiter que nos Provinces possèdent des infirmiers ayant reçu une formation spéciale, car leur emploi est un art qui ne s'acquiert que par une sérieuse pratique sous le contrôle d'un maître expérimenté et avec le secours d'une bonne étude théorique. Les meilleurs résultats semblent être obtenus par un stage dans une infirmerie dirigée par un Frère compétent. Une réelle expérience est d'autant plus nécessaire dans ce domaine que, selon le mot si souvent répété par les médecins, il n'existe pas de « maladies », mais seulement des malades. En chaque sujet la maladie revêt une forme spécifique et demande un traitement en rapport avec le tempérament et les antécédents pathologiques de chacun.

On a essayé dans certaines Provinces un stage de quelques semaines ou de quelques mois dans une clinique catholique. Une semaine passée dans chacun des principaux services a procuré des notions pratiques assez intéressantes. Quelques Frères ont eu même l'avantage d'assister à des cours de médecine pour futurs missionnaires. Inutile de dire que dans tous ces cas on ne saurait négliger les règles de prudence et que l'on doit chercher surtout à s'instruire sur ce qui est le plus en rapport avec les besoins habituels de nos infirmeries.

Divers articles de la Règle résument les obligations des Frères infirmiers et d'excellents traités exposent les vertus, les qualités et aptitudes qui leur conviennent. Mais la vertu essentielle, indispensable à l'éclosion et au soutien des autres, c'est l'esprit de foi qui leur fera voir dans le confrère qu'ils soignent Notre-Seigneur souffrant, leur disant après chaque service rendu : « C'est à moi que vous l'avez fait ». Avec de tels sentiments il leur sera plus facile d'être, comme le veut la Règle, « pleins de bonté et de charité pour les Frères malades… de ne jamais témoigner de répugnance ni de dégoût… Ils sauront dissimuler et supporter sans aucun reproche les défauts et les plaintes des malades…» (Art. 480.)

Les médecins ne sont pas toujours catégoriques ; ils se bornent parfois à des conseils. A moins d'impossibilité ou d'opposition à notre esprit, le Frère infirmier prendra ces conseils pour des ordres car, dit encore la Règle, «il suivra en tout les prescriptions du médecin ou du Frère Directeur ». Il est également important qu'il veille à ce que la nourriture soit appétissante et bien présentée, n'hésitant pas à faire plaisir quand il le peut. Le malade a de même besoin de distractions : il s'appliquera à lui en procurer. Par vocation il s'efforcera d'être semeur de joie.

Le Frère infirmier tâchera d'inspirer aux malades des vues de foi «leur suggérant de saintes pensées, des sentiments pieux, leur faisant produire des actes de vertu », les exhortant à supporter leurs infirmités en esprit d'humilité, de résignation et d'amour ; à s'offrir en sacrifice, en union avec Jésus-Christ, pour le salut des âmes, pour les besoins actuels de l'Église et des Missions selon le vœu du Souverain Pontife. Il n'oubliera pas non plus le bien spirituel des membres de la communauté et des élèves. Sait-on suffisamment que le Souverain Pontife demande à tous les malades, le Dimanche de la Pentecôte, d'offrir leurs souffrances et leurs prières en faveur des Missions ? Plus on élargit l'horizon spirituel des malades et plus on les empêche de se replier désastreusement sur leur mal. La confiance qu'on leur témoigne, en mettant à profit leur puissance d'intercession leur est un excellent réconfort car ils ont conscience d'être, malgré leur impuissance pour l'action des membres utiles de la Congrégation et du corps Mystique du Christ.

 Les autres confrères sont tenus, eux aussi, à payer de leur personne pour remplacer dans leur emploi les Frères malades, les servir, les veiller peut-être. Cela occasionne parfois, surtout dans les maisons à personnel réduit, un pénible mais indispensable surcroît de travail qui, Dieu merci, donne lieu à d'admirables actes de dévouement. Mais, en général, dès qu'un Frère est malade on se préoccupe de le placer, au plus tôt, dans des conditions plus favorables pour lui et pour la communauté, soit dans nos infirmeries, soit dans une clinique. Le séjour à la clinique n'est admissible que lorsqu'il est indispensable, comme on peut le déduire de l'une des questions du rapport quinquennal déjà citée. De là le besoin pour plusieurs Provinces de bien installer et outiller l'infirmerie provinciale qui, peut-être, par le passé ne paraissait pas très nécessaire parce que le personnel étant en général jeune le nombre des malades était minime.

Ajoutons qu'il faut toujours, si possible, placer nos Frères malades dans des cliniques catholiques où non seulement le service religieux soit assuré mais où l'ambiance soit saine et religieuse. Trop de religieux, en sauvant partiellement leur santé ont perdu leur vocation dans les hôpitaux et sanatoriums. Surtout, qu'on insiste auprès du service médical pour que la convalescence puisse se continuer, le plus tôt possible, dans nos maisons car l'expérience montre que c'est à cette phase de la maladie que la vertu est plus en danger.

A l'infirmerie comme à la clinique, le rôle des confrères se borne le plus souvent, à des visites et des services occasionnels. Pour les visites, il faut choisir le moment qui va le mieux au malade, sans gêner le service. Les visites ne doivent pas affluer à certaines heures au risque de le fatiguer alors qu'il languira dans la solitude le reste de la journée. A présent, la tranquillité serait préférable : tout à l'heure, une courte visite dissiperait un ennui. Tel est disposé à causer ; tel autre préférer écouter. Celui ci, porté à l'abattement, aurait besoin de paroles encourageantes et fermes celai-là, désireux de prier mais incapable de le faire, souhaite sans oser le demander qu'on lui suggère ou qu'on lui lise des prières ou des oraisons jaculatoires. A certain jour, quelqu'un aura besoin d'être distrait de ses préoccupations par la lecture de quelques pages bien choisies ou par des nouvelles racontées avec art, qui désirera à un autre moment exposer ses peines. Combien de religieux fort pieux ont avoué avoir eu besoin, à certaines heures de souffrance, de ces mots lumière jaillis d'un cœur plein de foi et de compassion tant la sécheresse est parfois déprimante quand on souffre.

Les malades réclament autre chose que des paroles : ils ont soif d'affection, de compassion, de soins et d'attention, de services enfin. Il faut avec eux beaucoup de circonspection : ne rien dire qui puisse jeter le trouble dans leur âme. Ne pas s'immiscer dans des questions de traitement ou d'alimentation qui gêneront ensuite l'infirmier et le malade lui-même. Pas de réflexion sur la dépense que va occasionner la maladie ou l'opération. Pas de compassion au détriment de la charité ; pas de critiques. Quand on est en face d'une âme envahie par le pessimisme il faut une fois sa confiance acquise, la ranimer par la raison et par la foi et la détourner de son moi pour l’intéresser aux intérêts de Notre-Seigneur, ou la distraire en amenant son esprit sur des sujets qui lui sont agréables.

Il importe de savoir garder la juste mesure dans l'art de consoler : compatir n'est pas toujours faire plaisir. Si l'on s'apitoie démesurément sur le patient, il se replie davantage sur lui-même ; si l'on appuie trop sur les motifs de raison en soi généralement froids, il se bute et n'écoute plus. Il est certes facile de prêcher la résignation et la raison quand on se porte bien et qu'on peut retourner tranquillement à ses occupations, laissant le confrère seul avec son mal.

En cas de plaintes amères du malade, le ramener doucement, sans raideur qui fermerait son cœur car il est bien des doléances et des bizarreries qu'il faut mettre au compte de la maladie. Sauf pour les malades ne souffrant pas beaucoup, qui s'ennuient et demandent de plus longs entretiens, il vaut mieux parler peu aux malades ; un sourire sincère, une chaude sympathie qui ne requiert pas nécessairement des paroles pour être sentie, voilà le soleil qui réchauffera et illuminera l'atmosphère d'une chambre de malade. 

IV. Notre Modèle :

Le Vénérable Père Champagnat.

 Notre Vénérable Fondateur nous offre dans tout le cours de sa vie l'exemple de la conduite à tenir relativement à notre santé et aux soins à donner à nos malades.

Personnellement, il fut plutôt austère, imitant en cela l'Homme des douleurs qui, par sa Passion, a expié nos péchés, et les Saints qui, comme le grand Apôtre, ont traité rudement leur corps, le réduisant en servitude « afin d'accomplir en leur chair ce qui manque aux souffrances de Jésus- Christ ». (Coloss., I, 24.)

Doué d'une robuste constitution, jamais il ne ménagea ses forces au service de Dieu et des âmes. Il s'imposa, dès le séminaire, un régime sévère de pénitences et de privations auquel il fut fidèle toute sa vie. Il ne prenait jamais rien entre les repas, pas même un verre d'eau à l'époque des fortes chaleurs ou après de rudes travaux ou un pénible voyage. Il était tellement indifférent pour le genre de nourriture qu'il n'a pas été possible de savoir ce qu'il aimait ou n'aimait pas, si ce n'est qu'il préférait les choses les plus communes et les plus ordinaires. Il n'a pas adressé d'autres reproches au Frère chargé de la cuisine que celui de trop bien préparer ce qu'il lui servait et si les mets lui paraissaient un peu recherchés, il n'y touchait pas. (Vie, p. 431.)

Le Vénérable Père Champagnat sut cependant en cela comme en toutes choses, conserver le juste milieu, et pratiquer la prudence, comme en témoigne l'Eglise dans le décret d'héroïcité des vertus. Aussi, ses austérités ne mirent-elles jamais obstacle à la régularité et à l'accomplissement du devoir d'état comme l'affirment les témoins au procès de béatification.

« Le Vénérable, dit Frère Aidan, n'a pas été exagéré dans la pratique des vertus ; il n'a pas flatté son corps : j'ai vu le cilice qu'il avait porté. Il ne négligeait, par suite de ses mortifications, aucun exercice de piété, ni aucun de ses devoirs d'état. »

Le Frère Théodose déclare à son tour : « Le Vénérable n'a jamais été excessif en rien. Il était sévère pour lui-même et bon pour les autres. Ses austérités n'ont pas été au-delà des justes limites. »

Pendant les quinze dernières années de sa vie, le Vénérable Fondateur eut à souffrir d'une santé délabrée. De sa maladie de 1825 il avait conservé un point de côté qui au moindre effort lui causait de vives douleurs. Une gastrite chronique due vraisemblablement à ses mortifications dans la nourriture, au cours de ses voyages surtout, le faisait également beaucoup souffrir. Malgré cela il continua son travail, ses courses, ses occupations, même après l'élection du Frère François, au point de provoquer la pitié des gens. Le dernier hiver, il fut très souffrant et, malgré le peu de nourriture qu'il pouvait supporter, il ne voulut pas se dispenser de suivre le règlement de la maison, se levant comme les Frères, disant la messe de communauté, allant au réfectoire bien qu'il ne mangeât pas, participant au travail et aux récréations. Tout son bonheur était d'être avec ses Frères. Dans une circonstance, faisant preuve d'une énergie surhumaine, il alla encore travailler avec les ouvriers jusqu'à ce qu'il ne put plus tenir les outils.

Son biographe insiste à plusieurs reprises sur les admirables dispositions dont il était animé pendant sa dernière maladie : « Ses grandes souffrances, loin d'affaiblir sa piété et ses sentiments religieux, comme il arrive à plusieurs dans les maladies, ne firent qu'augmenter sa ferveur et la vivacité de sa foi… Il ne perdait jamais de vue la présence de Dieu, et il était toujours occupé à prier ou à s'entretenir de quelque sujet de piété aveu les Frères qui venaient le voir ou qui le servaient… La vivacité de ses douleurs ne l'empêchait, pas d'être toujours uni à Dieu, de répéter sans cesse des actes d'amour, de confiance, de contrition, ou quelques courtes invocations à la Sainte Vierge, à saint Joseph, à son Ange Gardien et à ses saints Patrons ».

Il n'était pas difficile à servir. Il prenait les choses comme elles venaient, les accès de son mal comme les petits soulagements qu'on pouvait lui procurer, se montrant toujours résigné, toujours gai et toujours content.

Pressentant la proximité de sa dernière heure, il s'y prit à temps pour demander et recevoir les derniers sacrements, consacrant plusieurs jours à la préparation de sa confession générale, réglant toutes les questions testamentaires tant au point de vue temporel qu'au point de vue spirituel, et recevant l'Extrême-Onction et le saint Viatique avec grande ferveur, en présence des Frères qu'il avait fait réunir dans sa chambre pour les voir encore une fois, les bénir et leur donner ses derniers avis et conseils.

Enseignements du Vénérable Père Champagnat sur le soin de la santé et des malades. La vie religieuse étant par sa nature une vie de pénitence de mortification et de travail, le Vénérable Fondateur expose clairement à ses Frères la doctrine de Notre-Seigneur, invitant ceux qui veulent être ses disciples à porter la croix à sa suite. Il revient fréquemment, dans ses instructions, sur la nécessité de l'esprit de sacrifice, sur le renoncement à ses aises et aux soins exagérés de la santé : « Nous ne sommes pas venus en religion pour être bien traités et pour ne manquer de rien, mais pour nous mortifier et faire pénitence. Les Frères sensuels ne sont religieux que de nom et d'habit. J'ai d'ailleurs toujours remarqué que ceux qui s'occupent beaucoup de leur corps pensent peu à leur âme, et que ceux qui prennent un soin démesuré de leur santé n'en prennent qu'un fort médiocre de leur perfection.» (Vie, p. 433, 434.)

Aussi, rien d'étonnant qu'il ait parfois vivement réprimandé ou même renvoyé de l'Institut tel ou tel sujet qui montrait n'y être venu que pour chercher ses aises et vivre aux dépens de la communauté.

Ces exhortations, tendant à écarter des abus toujours possibles dans le soin du corps, ne l'empêchaient pas de veiller avec une sollicitude paternelle sur la santé de ses Frères. «Il recommandait en toute occasion aux Frères Directeurs de ne pas laisser souffrir leurs subordonnés, de leur procurer tout le nécessaire, soit pour l'habillement, soit pour la nourriture, etc. …, sans les faire attendre, sans les obliger à le redemander plusieurs fois. » (Vie, p. 477.) «Un Frère Directeur, disait-il, doit avoir une attention continuelle à pourvoir aux besoins de chacun, à consoler ceux qui sont dans la peine, à relever le courage de ceux qui se laissent aller à l'abattement.

On voit le Vénérable Père indiquer aux Frères maintes précautions : Il conseille d'éviter les courants d'air, soigne ceux que le mauvais temps a surpris, leur fait préparer une boisson chaude et leur procure du linge sec. Il s'occupe des voyageurs qui arrivent ou qui partent et leur sert lui-même à manger. Il parcourt la maison après la prière du soir, pour s'assurer qu'aucun danger ne menace sa chère famille ; il complète le trousseau d'un jeune Frère insouciant, en partance pour un établissement, ou remet à un autre l'argent qui pourrait lui être nécessaire en route… Toujours et partout son œil vigilant sait découvrir les besoins de ses Frères pour y porter remède. « Une simple négligence, une imprudence, leur répète-t-il, peut être la cause d'une maladie ou de quelque longue infirmité. »

Alors que, sur la fin de sa vie, ses maux d'estomac l'obligent à de grandes privations à table, il dit aux Frères : « Ayez soin de vous, mangez bien, vous en avez besoin pour conserver votre santé et pour travailler avec courage à l’œuvre de Dieu. (Vie, p. 263.)

Mu par cette attentive sollicitude, quand il vit que M. Allirot, curé de Marlhes, ne se décidait pas à faire les réparations nécessaires à l'école qu'on ne pouvait plus habiter sans danger pour les santés, le Vénérable Père n'hésita pas un instant à retirer ses Frères :

« Vous m'en donnerez d'autres », dit M. Allirot.

« Non, répond le Père Champagnat, car je n'en ai aucun que je puisse sacrifier. Votre maison est telle qu'en conscience on ne peut y laisser les Frères, ni les enfants. » (Vie, p. 119.)

Il use de la même fermeté envers les autorités scolaires pour exiger le traitement des Frères, car, disait-il, « si les Frères, dont l'emploi est si pénible n'ont pas au moins le nécessaire, leur position n'est pas tenable ». (Vie, p. 535.)

Si le Vénérable Fondateur s'appliquait à prémunir ses Frères contre tout ce qui aurait pu altérer leur santé, on s'accorde à affirmer que lorsque celle-ci était compromise sa sollicitude ne connaissait plus de bornes. Il ne semble pas exagéré de dire qu'avec son zèle brûlant pour l'éducation des enfants, son amour et son dévouement pour les malades furent la note dominante de sa vie apostolique.

II fit de bonne heure l'apprentissage de cet exercice bien méritoire de charité. Jeune séminariste en vacances dans sa famille, il est fidèle à la consigne qu'il s'est tracée : « Je visiterai les malades, autant que je le pourrai. » (Vie, p. 47.)

Pendant ses huit années de vicariat à La Valla les malades sont l'objet de ses industrieuses attentions ; il leur procure tous les secours matériels en son pouvoir et veille surtout à leurs intérêts spirituels. Il put avouer confidentiellement à un ami : « Je crois que si toute l'eau que j'ai suée dans mes courses était réunie dans ce vallon, il en aurait assez pour prendre un bain » ; mais, grâce à ce dévouement, il pouvait ajouter : « J'ai la douce consolation qu'aucun malade n'est mort sans que je sois arrivé à temps pour lui donner les secours de la religion. » Ceci est confirmé par la déclaration d'un témoin au procès de béatification : « Le bon Père témoignait aux malades toute l'affection possible ; il les visitait souvent, les soignait et les assistait avec une tendresse paternelle. Quand il s'agissait d'administrer un malade, rien ne l'arrêtait, ni la difficulté des chemins, ni la nuit, ni la neige. »

Sa charité envers les malades étrangers à la communauté nous aide à mieux comprendre la délicatesse des soins qu'il prodigua constamment à ses Frères aussi bien à La Valla qu'à Notre-Dame de l'Hermitage, ou dans les établissements. « Pour les malades, affirme le Frère Euthyme, le Père a fait des prodiges. » Ils furent l'objet de sa continuelle sollicitude. Il n'épargnait ni soins ni sacrifices pour leur procurer ce qui pouvait les soulager. Lors de la construction de l'Hermitage il réserva tout un corps de bâtiment pour l'infirmerie et y monta une pharmacie où l'on trouvait tous les médicaments nécessaires. Il fit donner des leçons de pharmacie à un Frère très capable pour lui confier ensuite l'office d'infirmier.

Il faisait venir à la Maison-Mère les Frères malades des établissements afin qu'ils fussent mieux soignés : « N'est-il pas juste, disait-il, que nous ayons pour eux des attentions particulières, et que nous leur procurions ce qui leur est nécessaire pour rétablir une santé qu'ils ont sacrifiée avec tant de générosité pour la gloire de Dieu et le bien de l'Institut ? » (Vie, p. 479.)

Non content de se faire rendre compte, tous les jours, de l'état des Frères malades, il visitait ces derniers très souvent pour les consoler, les encourager, les aider à se sanctifier par la souffrance. Il répondit à un Frère qui se considérait comme un membre inutile et encombrant pour la communauté à cause de ses infirmités : « Oh ! combien vous êtes dans l'erreur ! Un malade n'est pas une charge pour une communauté, mais un sujet de bénédiction. Vous êtes plus utile à l'Institut et vous lui rendez plus de services, en supportant avec résignation votre maladie, que si vous faisiez la classe. » (Vie, p. 479.)

Tous les Frères appelés à témoigner au procès informatif sur l'amour du Vénérable Père pour le prochain, signalent cette prédilection qu'il avait pour les malades et les infirmes, auxquels il montrait un dévouement allant jusqu'à l'héroïsme. Citons, parmi bien d'autres, le fait suivant rapporté par le Cher Frère Bérillus, dans le procès sur l'Héroïcité des Vertus : « Le Frère Xavier m'a raconté qu'étant tombé malade à Notre-Dame de l'Hermitage, il fut conduit à l'infirmerie où la pauvreté de la maison n'avait pas permis encore les commodités qu'on y voit aujourd'hui. Le Serviteur de Dieu étant venu le voir, le trouva très malade et dans un lit peu commode ; il le prit dans ses bras et le porta dans sa chambre, où il le plaça dans son propre lit. Le jeune Frère Xavier ne s'aperçut pas même de ce qui se passait ; et ce ne fut qu'après une huitaine de jours, pendant lesquels le bon Père lui prodigua les soins les plus empressés et le jour et la nuit, prenant, comme il le pouvait, un peu de repos sur une chaise longue, que le jeune malade, revenu à lui, s'aperçut qu'il avait été transporté dans la chambre et dans le lit de son charitable Père. »

Apprenant un jour la maladie d'un Frère qu'on ne pouvait transporter à la Maison-Mère à cause de la gravité du mal, il s'écria les larmes aux yeux : « Ah ! que je crains qu'on ne laisse souffrir ce bon Frère ! Que je voudrais qu'il fût ici pour le soigner ! je donnerais pour le soulager tout ce que j'ai. » (Vie, p. 274.)

Et lorsqu'il fut lui-même à l'extrémité, le bon Père demanda à ceux qui l'assistaient de le transporter à l'infirmerie pour avoir la consolation de mourir dans l'appartement d'où tant de chers malades étaient partis pour le Ciel. On ne put accéder à sa demande à cause de la gravité de son état. » (Vie, p. 288.)

On ne saurait porter plus loin l'amour et le dévouement pour les membres souffrants de Jésus-Christ. Et cependant, le Vénérable Père se reprochait, au moment de paraître devant Dieu, de n'avoir pas assez fait pour les malades, alors que, dit son biographe, «les Frères malades étaient toujours dans sa pensée ; il les visitait, il les recommandait aux prières de la communauté, il les faisait soigner le jour et la nuit, il les entourait de toute espèce de soins ; et après cela il se reprochait de n'avoir pas assez fait pour eux ! C'est ainsi que se jugent les saints. »

Le vénéré Frère François avait hérité du Vénérable Père Champagnat son amour pour les malades. En consultant les précieux carnets qu'il nous a laissés, nous sommes émerveillés d'y trouver de si abondantes notes, bien classées, concernant la médecine et la pharmacie. Aussi, après la mort du Père, qui avait aiguillé ses études, les malades ne se trouvèrent-ils pas négligés sous la tutelle du vénéré successeur. Nous voyons dans sa Vie quels moyens efficaces il prenait pour faire soigner les malaises et prévenir les maladies de ses Frères. Sur la fin de sa vie, il obtint comme une faveur d'exercer les fonctions d'infirmier à Notre-Dame de l'Hermitage, et l'on peut voir encore de nos jours le petit parterre où il se plaisait à cultiver des plantes médicinales.

Que l'exemple du Vénérable Père et de son premier successeur nous serve de stimulant pour rendre, à l'occasion, avec une grande délicatesse et un entier dévouement, à nos Frères malades ou infirmes, tous les services d'ordre temporel et d'ordre spirituel en notre pouvoir.

Cet acte de charité, bien méritoire pour ceux qui l'accomplissent, est des plus propres à faire comprendre, aux confrères ainsi assistés, combien bonne et secourable est la Congrégation pour tous ses enfants. 

La définition solennelle

du dogme de l'Assomption

 La Bulle dogmatique « Munificentissimus Deus ». (1iernovembre 1950). 

CONSTITUTION APOSTOLIQUE

PAR LAQUELLE IL EST DÉFINI, COMME DOGME DE FOI,

QUE LA VIERGE MARIE A ÉTÉ ÉLEVÉE, EN AME ET EN

CORPS, DANS LA GLOIRE CÉLESTE.

PIE ÉVÊQUE

SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU

POUR PERPÉTUELLE MÉMOIRE.

 Dans sa munificence, Dieu, qui peut tout et dont le plan providentiel est fait de sagesse et d'amour, adoucit, par un mystérieux dessein de sa pensée, les souffrances des peuples et des individus en y entremêlant des joies, afin que par des procédés divers et de diverses façons, toutes choses concourent au bien de ceux qui l'aiment. (Cf. Rom., VIII, 28.)

Notre pontificat, tout comme l'époque actuelle, est accablé de multiples soucis, préoccupations et angoisses causés par les très graves calamités et les déviations de beaucoup d'hommes qui s'écartent de la vérité et de la vertu. Cependant, c'est pour Nous une grande consolation de voir des manifestations publiques et vivantes de la foi catholique, de voir la piété envers la Vierge Marie, Mère de Dieu, en plein essor, et croître chaque jour davantage, et offrir presque partout des présages d'une vie meilleure et plus sainte. Il arrive de la sorte que, tandis que la Très Sainte Vierge remplit amoureusement ses fonctions de mère en faveur des âmes rachetées par le sang du Christ, les esprits et les cœurs des fils sont incités à contempler avec plus de soin ses privilèges.

Dieu, en effet, qui, de toute éternité, regarde la Vierge Marie avec une toute particulière complaisance, dès que vint la plénitude des temps (Gal., IV, 4), réalisa le dessein de sa Providence de façon que les privilèges et les prérogatives dont il l'avait comblée avec une suprême libéralité resplendissent dans une parfaite harmonie. Que si l'Église a toujours reconnu cette très grande libéralité et cette parfaite harmonie des grâces, et si, au cours des siècles, elle les a chaque jour explorées plus intimement, il était cependant réservé à notre temps de mettre en plus grande lumière le privilège de l'Assomption corporelle au ciel de la Vierge Marie, Mère de Dieu.

Ce privilège resplendit jadis d'un nouvel éclat, lorsque Notre prédécesseur d'immortelle mémoire, Pie IX, définit solennellement le dogme de l'Immaculée Conception de la Mère de Dieu. Ces deux privilèges sont, en effet, très étroitement liés. Par sa propre mort, le Christ a vaincu le péché et la mort, et celui qui est surnaturellement régénéré par le Baptême triomphe par le même Christ du péché et de la mort. Toutefois, en vertu d'une loi générale, Dieu ne veut pas accorder aux justes le plein effet de la victoire sur la mort, sinon quand viendra la fin des temps. C'est pourquoi les corps mêmes des justes sont dissous après la mort, et ne seront réunis, chacun à sa propre âme glorieuse, qu'à la fin du monde.

Cependant, Dieu a voulu exempter de cette loi universelle la Bienheureuse Vierge Marie. Grâce à un privilège spécial, la Vierge Marie a vaincu le péché par son Immaculée Conception, et de ce fait, elle n'a pas été sujette à la loi de demeurer dans la corruption du tombeau, et elle ne dut pas, non plus, attendre jusqu'à la fin du monde la rédemption de son corps.

C'est pourquoi, lorsqu'il fut solennellement défini que la Vierge Marie, Mère de Dieu, a été préservée, dès sa conception, de la tache originelle, les fidèles furent remplis d'un plus grand espoir de voir définir le plus tôt possible, par le suprême magistère de l'Église, le dogme de l'Assomption corporelle au ciel de la Vierge Marie.

En fait, on vit alors, non seulement les simples fidèles, mais encore les représentants des nations et des provinces ecclésiastiques, ainsi que de nombreux Pères du Concile du Vatican, postuler instamment cette définition auprès du Siège apostolique.

Au cours des siècles, ces pétitions et ces vœux, loin de diminuer, ne firent que croître en nombre et en instance. En effet, de pieuses croisades de prières furent organisées à cette fin ; de nombreux et éminents théologiens en firent l'objet de leurs études empressées et attentives, soit en particulier, soit dans des Athénées ou Facultés ecclésiastiques, soit dans d'autres Instituts destinés à l'enseignement des sciences sacrées ; des Congrès mariaux nationaux ou internationaux eurent lieu, en de nombreuses parties du monde. Ces études et ces recherches mirent en meilleure lumière le fait que, dans le dépôt de la foi chrétienne confié à l'Église, était également contenu le dogme de l'Assomption au ciel de la Vierge Marie ; et, généralement, il en résulta des pétitions dans lesquelles on priait instamment le Saint-Siège de définir solennellement cette vérité.

Dans cette pieuse campagne, les fidèles se montrèrent admirablement unis à leurs évêques, lesquels adressèrent en nombre vraiment imposant des pétitions de ce genre à cette Chaire de saint Pierre. Aussi, au moment de Notre élévation au trône du souverain pontificat, plusieurs milliers de ces suppliques avaient été présentées au Siège apostolique de toutes les régions de la terre et par des personnes de toutes les classes sociales : par Nos chers Fils les cardinaux du Sacré-Collège par Nos vénérables Frères les archevêques et évêques, par les diocèses et les paroisses.

En conséquence, tandis que Nous adressions à Dieu de ferventes prières afin d'obtenir pour Notre âme la lumière du Saint-Esprit en vue de la décision à prendre en une si grave affaire, Nous édictâmes des règles spéciales pour que fussent entreprises dans un effort commun des études plus rigoureuses sur cette question et pour que, pendant ce temps, fussent rassemblées et examinées soigneusement toutes les pétitions concernant l'Assomption au ciel de la Bienheureuse Vierge Marie (Petitiones de Assumptione corporea B. Virginis Mariæ in coelum definienda ad S. Sedem delatæ. Deux vol. Typis Polyglottis Vaticanis, 1942).

Mais comme il s'agissait d'une chose particulièrement grave et importante, Nous jugeâmes opportun de demander directement et officiellement à tous les vénérables Frères dans l'épiscopat de bien vouloir Nous exprimer ouvertement chacun son sentiment à ce sujet. C'est pourquoi, le 1iermai de l'année 1946, Nous leur adressâmes la lettre Deiparæ Virginis Mariæ, dans laquelle se trouvait ce qui suit : « Est-ce que vous, vénérable Frère, dans votre grande sagesse et prudence vous pensez que l'Assomption corporelle de la Bienheureuse Vierge puisse être proposée et définie comme dogme de foi, et est-ce que vous, votre clergé et vos fidèles vous désirez cela ? »

Et ceux que l'Esprit-Saint a établis évêques pour gouverner l'Eglise de Dieu (Act., XX, 28) donnèrent à l'une et à l'autre question une réponse presque unanimement affirmative. Ce « singulier accord des évoques et des fidèles catholiques » (Bulle Ineffabilis Deus, Acta Pii IX, p. 1, vol. I, p. 615), qui estiment que l'Assomption corporelle au ciel de la Mère de Dieu peut être définie comme un dogme de foi, comme il Nous offre l'accord de l'enseignement du magistère ordinaire de l'Eglise et de la foi concordante du peuple chrétien – que le même magistère soutient et dirige – manifeste donc par lui-même et d'une façon tout fait certaine et exempte de toutes erreurs, que ce privilège est une vérité révélée par Dieu et contenue dans le dépôt divin, confié par le Christ à son Épouse pour qu'elle le garde fidèlement et le fasse connaître d'une façon infaillible (cf. Concile du Vatican : De fide catholica, chap. IV), le magistère de l'Eglise, non, point certes par des moyens purement humains, mais avec l'assistance de l'Esprit de vérité (Joan., XIV, 26) et à cause de cela sans commettre absolument aucune erreur, remplit la mission qui lui a été confiée de conserver à travers tous les siècles dans leur pureté et leur intégrité les vérités révélées ; c'est pourquoi il les transmet, sans altération, sans y rien ajouter, sans y rien supprimer. « En effet, comme l'enseigne le Concile du Vatican, le Saint-Esprit ne fut pas promis aux successeurs de Pierre pour que, Lui révélant, ils enseignent une doctrine nouvelle, mais pour que, avec son assistance, ils gardent religieusement et exposent fidèlement la révélation transmise par les apôtres, c'est-à-dire le dépôt de la foi (Conc. Vat. Const. De Ecclesia. Christi, chap. IV). C'est pourquoi, de l'accord universel du magistère ordinaire de l'Eglise, on tire un argument certain et solide, servant à établir que l'Assomption corporelle au ciel de la Bienheureuse Vierge Marie – laquelle, en ce qui concerne la « glorification » céleste elle-même du corps virginal de la Mère de Dieu, ne pouvait être connue par les forces naturelles d'aucune faculté de l'âme humaine – est une vérité révélée par Dieu, et par conséquent, elle doit être crue fermement et fidèlement par tous les enfants de l'Eglise. Car, ainsi que l'affirme le même Concile du Vatican : On doit croire, de foi divine et catholique, toutes les choses contenues dans la parole de Dieu écrite ou transmise, et que l'Eglise propose à notre foi par son magistère ordinaire soit universel, comme des vérités révélées par Dieu. » (De fide catholica, chap. III.)

Des témoignages, des indices, des traces multiples de cette foi commune de l'Église ont apparu au cours des siècles, depuis l'antiquité, et cette même foi s'est manifestée dans une lumière plus vive de jour en jour.

En effet sous la direction et la conduite de leurs pasteurs, les fidèles ont appris par la Sainte Écriture que la Vierge Marie a mené, au cours de sort pèlerinage ici-bas, une vie de soucis, d'angoisses et de souffrances ; ils ont su, de plus, que s'est réalisée la prédiction du saint vieillard Siméon : qu'un glaive acéré lui transperça te cœur au pied de la croix de son divin Fils, notre Rédempteur. Les fidèles ont également admis sans peine que l'admirable Mère de Dieu, à l'imitation de son Fils unique, quitta cette vie. Mais cela ne les a aucunement empêchés de croire et de professer ouvertement que son corps si saint ne fut jamais soumis à la corruption du tombeau et que cet auguste tabernacle du Verbe divin ne fut pas réduit en pourriture et eu poussière. Bien plus, éclairés par la grâce divine et poussés par leur piété envers Celle qui est la Mère de Dieu et aussi notre très douce Mère, ils ont contemplé dans une lumière chaque jour plus vive l'admirable harmonie et concordance des privilèges que Dieu, dans son infinie Providence, a accordés à cette sainte associée de notre Rédempteur, privilèges si élevés, que nulle autre créature, en dehors de Marie, sauf la nature humaine de Jésus-Christ, n'atteignit jamais pareil sommet.

Cette même croyance est clairement attestée par d'innombrables églises consacrées à Dieu en l'honneur de la Vierge Marie dans son Assomption ; elle l'est aussi par les images sacrées exposées dans les églises à la vénération des fidèles et représentant aux yeux de tous ce singulier triomphe de la bienheureuse Vierge. En outre, des villes, des diocèses, des régions, furent placés sous la protection et le patronage spéciaux de la Vierge, Mère de Dieu, élevée au ciel. Pareillement, des Instituts religieux approuvés par l'Eglise, furent créés, qui portent le nom de ce privilège de Marie. On ne doit pas, non plus, passer sous silence que dans le rosaire marial, dont le Siège apostolique recommande tant la récitation, est proposé à la méditation un mystère ayant trait, comme chacun sait, à l'Assomption au ciel de la bienheureuse Vierge.

Mais cette foi des pasteurs de l'Église et des fidèles s'est manifestée d'une façon universelle et plus éclatante lorsque, depuis les temps anciens, en Orient comme en Occident, furent célébrées des solennités liturgiques en l'honneur de l'Assomption. Les Pères et les Docteurs de l'Église, en effet, n'ont jamais manqué de puiser là un lumineux argument, attendu que la liturgie sacrée, ainsi que tous le savent, « étant aussi une profession des vérités célestes, soumises au magistère suprême de l'Eglise, elle peut fournir des preuves et des témoignages de grande valeur pour décider de quelque point particulier de la doctrine chrétienne » (Lettre Encyclique Mediator Dei A.A.S., vol. XXXIX, p. 541.)

Dans les livres liturgiques, où l'on trouve la fête soit de la Dormition, soit de l'Assomption de sainte Marie, il y a des expressions en quelque sorte concordantes pour attester que lorsque la Vierge, Mère de Dieu, quitta cet exil pour les demeures éternelles, il arriva pour son corps sacré, par une disposition de la divine Providence, ce qui était en harmonie aveu sa dignité de Mère du Verbe incarné, et avec les autres privilèges qui lui avaient été accordés. Ces expressions, pour en donner un remarquable exemple, se lisent dans le Sacramentaire, que Notre prédécesseur, d'immortelle mémoire, Adrien Iier envoya à l'empereur Charlemagne. Il y est dit, en effet : « Vénérable est pour Nous, Seigneur, la fête de ce jour, en lequel la sainte Mère de Dieu subit la mort temporelle, mais cependant ne put être humiliée par les liens de la mort, elle qui engendra de sa chair ton Fils, Notre-Seigneur. » (Sacramentarium Gregorianum.)

Ce qu'indique dans sa sobriété verbale habituelle la liturgie romaine est exprimé avec plus de détails et de clarté dans les autres livres de l'ancienne liturgie, tant orientale qu'occidentale. Le Sacramentaire Gallican, pour apporter un seul exemple, qualifie ce privilège de Marie d'«inexplicable mystère, d'autant plus admirable qu'il est exceptionnel parmi les hommes par l'Assomption de la Vierge ». Et, dans la liturgie byzantine, l'Assomption corporelle de la Vierge Marie est reliée plus d'une fois, non seulement à la dignité de Mère de Dieu, mais encore à ses autres privilèges, à un titre particulier à sa maternité virginale, faveur qu'elle doit à un singulier dessein de la divine Providence : « Dieu, le Roi de l'univers, t'a accordé des choses qui dépassent la nature, car, de même qu'il te garda vierge lorsque tu enfantas, de même il préserva ton corps de la corruption du tombeau et le glorifia par une divine translation. » (Menæi totius anni.)

Cependant, le fait que le Siège apostolique, héritier de la mission confiée au prince des apôtres de confirmer les frères dans la foi (cf. Luc., XXII, 32), rendit, en vertu de son autorité, de plus en plus solennelle cette fête, a porté efficacement l'esprit des fidèles à considérer chaque jour davantage la grandeur du mystère qui était commémoré. C'est pourquoi la fête de l'Assomption, du rang honorable qu'elle obtint dès le commencement parmi les autres fêtes mariales, fut élevée au rang des fêtes les plus solennelles de tout le cycle liturgique. Et Notre prédécesseur, saint Serge Iier, prescrivant la litanie ou procession stationale pour les quatre fêtes mariales, énumère ensemble les fêtes de la Nativité, de l'Annonciation, de la Purification et de la Dormition de la Vierge Marie (Liber Pontificalis). Plus tard, saint Léon IV eut à cœur de faire célébrer encore avec plus de solennité la fête déjà établie sous le titre d'Assomption de la Bienheureuse Mère de Dieu ; à cet effet, il en institua la vigile, puis il prescrivit des prières pour son octave ; et lui-même, heureux de profiter de cette occasion, entouré d'une immense foule, tint à participer à la célébration des solennités. (Ibid.) Enfin, on déduit très clairement l'obligation, remontant à une date ancienne, de jeûner la veille de cette solennité, des déclarations de Notre prédécesseur, saint Nicolas Iier, au sujet des principaux jeûnes « que la sainte Eglise romaine reçut en tradition et qu'elle observe encore ». (Responsa Nicolai Papæ I ad consulta Bulgarorum.)

Vu que la liturgie de l'Église n'engendre pas la foi catholique mais plutôt en est la conséquence et que, comme les fruits d'un arbre, en proviennent les rites du culte sacré, les saints Pères et les grands Docteurs, à cause de cela même, n'y puisèrent pas cette doctrine comme d'une source première dans les homélies et discours qu'ils adressaient au peuple ; mais ils en parlaient plutôt comme d'une chose déjà connue des fidèles et par eux acceptée. Ils l'ont mise en plus grande lumière. Ils en ont exposé le fait et le sens par des raisons plus profondes, mettant surtout en un jour plus lumineux ce que les livres liturgiques très souvent touchaient brièvement et succinctement à savoir que cette fête rappelait non seulement qu'il n'y eut aucune corruption du corps inanimé de la bienheureuse Vierge Marie, mais encore son triomphe remporté sur la mort et sa « glorification » céleste à l'exemple de son Fils unique, Jésus-Christ.

C'est pourquoi saint Jean Damascène, qui demeure, parmi d'autres, le héraut par excellence de cette vérité dans la tradition, lorsqu'il compare l'Assomption corporelle de l'auguste Mère de Dieu avec tous ses autres dons et privilèges, proclame avec une puissante éloquence : « Il fallait que Celle qui avait conservé sans tache sa virginité dans l'enfantement, conservât son corps sans corruption même après la mort. Il fallait que Celle qui avait porté le Créateur comme enfant dans son sein, demeurât dans les divins tabernacles. Il fallait que l'Epouse que le Père s'était unie habitât le séjour du ciel. Il fallait que Celle qui avait vu son Fils sur la croix, et avait échappé au glaive de douleur en le mettant au monde, l'avait reçu en son sein, le contemplât encore siégeant avec son Père. Il fallait que la Mère de Dieu possédât tout ce qui appartient à son Fils et qu'elle fût honorée par toute créature comme la Mère de Dieu et sa servante. » (S. Jean Damascène, Encomium in Dormitionem Dei Genitricis semperque Virginis Mariæ, hom. II, 14 ; cf. etiam ibid. n. 3.)

Cette voix de saint Jean Damascène répond fidèlement à celle des autres qui soutiennent la même doctrine. Car on trouve des déclarations non moins claires et exactes dans tous ces discours que les Pères de la même époque ou de la précédente ont tenus généralement à l'occasion de cette fête. C'est pourquoi, pour en venir à d'autres exemples, saint Germain de Constantinople estimait que l'incorruption du corps de la Vierge Marie, Mère de Dieu, et son élévation au ciel non seulement convenaient à sa maternité divine, mais encore à la sainteté particulière de son corps virginal : « Tu apparais, comme il est écrit, en splendeur : et ton corps virginal est entièrement saint, entièrement chaste, entièrement la demeure de Dieu ; de sorte que, de ce fait, il est ensuite exempt de tomber en poussière ; transformé dans son humanité en une sublime vie d'incorruptibilité, vivant lui-même et très glorieux, intact et participant à la vie parfaite. » (S. Germain de Const., In Sanctæ Dei Genitricis Dormitionem, sermon I.) Un autre écrivain des plus anciens déclare « A titre donc de très glorieuse Mère du Christ, le Sauveur notre Dieu, Auteur de la vie et de l'immortalité, elle est vivifiée, dans une incorruptibilité éternelle de son corps, par Celui-là même qui l'a ressuscitée du tombeau et l'a élevée jusqu'à lui, comme lui seul la connaît. » (Encomium in Dormitionem Sanctissimæ Dominæ nostræ Deiparæ semperque Virginis Mariæ [attribué à saint Modeste de Jérusalem], n. 14.)

Comme cette fête liturgique se célébrait chaque jour en plus de lieux et avec une piété plus considérable, les pasteurs de l'Église et les orateurs sacrés, d'un nombre toujours croissant, estimèrent qu'il était de leur devoir d'exposer clairement et ouvertement le mystère que rappelle cette fête et de déclarer qu'il est très lié avec les autres vérités révélées.

Parmi les théologiens scolastiques, il n'en manqua pas qui, voulant approfondir les vérités divinement révélées et désirant offrir cet accord parfait qui se trouve entre la raison théologique et la foi catholique, pensèrent qu'il fallait reconnaître que ce privilège de l'Assomption de la Vierge Marie s'accorde d'une façon admirable avec les vérités divines que nous livrent les Saintes Lettres.

En partant de là par voie de raisonnement, ils ont présenté des arguments variés qui éclairent ce privilège marial ; et le premier pour ainsi dire de ces arguments, déclaraient-ils, est le fait que Jésus-Christ cause de sa piété à l'égard de sa Mère, a voulu l'élever au ciel. Et la force de ces arguments s'appuyait sur l'incomparable dignité de sa maternité divine et de toutes les grâces qui en découlent, à savoir : sa sainteté insigne qui surpasse la sainteté de tous les hommes et des anges ; l'intime union de la Mère avec son Fils et ce sentiment d'amour privilégié dont le Fils honorait sa très digne ère.

 Souvent ainsi des théologiens et des orateurs sacs se présentent qui, suivant les traces des saints Pères (cf. S. Jean Damascène, Encomium in Dormitionem Dei Genitricis semperque Virginis Maria, hom. III, 2, 11 ; Encomium in Dormitionem [attribué à saint Modeste de Jérusalem]), pour illustrer leur foi en l'Assomption, usant d'une certaine liberté, rapportent des événements et des paroles qu'ils empruntent aux Saintes Lettres. Pour Nous en tenir à quelques citations qui sont sur ce sujet le plus souvent employées, il y a des orateurs qui citent la parole du psalmiste : « Lève-toi, Seigneur, au lieu de ton repos, toi et l'arche de ta majesté » (Ps. CXXXI, 8) ; et ils envisagent l'Arche d'alliance faite de bois incorruptible et placée dans le temple de Dieu, comme une image du corps très pur de la Vierge Marie, gardé exempt de toute corruption du sépulcre et élevé à une telle gloire dans le ciel. De la même façon, en traitant de cette question, ils décrivent la Reine entrant triomphalement dans la cour royale des cieux et siégeant à la droite du divin Rédempteur (Ps. XLIV, 10, 14-16) ; ainsi ils présentent l'Épouse des cantiques « qui monte du désert comme une colonne de fumée, exhalant la myrrhe et l'encens », pour ceindre la couronne (Cant. III, 6 ; cf. IV, 8 ; VI, 9). Ils proposent ce qui précède comme des images de cette Reine du ciel, cette Épouse céleste qui, en union avec son Époux divin, est élevée à la cour des cieux.

Et de plus, les Docteurs scolastiques, non seulement dans les diverses figures de l'Ancien Testament, mais aussi dans cette Femme revêtue du soleil que contempla l'apôtre Jean dans l'île de Patmos (Apoc., XII, 1 et suiv., IV), ont vu l'indication de l'Assomption de la Vierge Mère de Dieu. De même, des passages du Nouveau Testament, ils ont proposé avec un soin particulier à leur considération ces mots : « Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre les femmes» (Luc., I, 23), alors qu'ils voyaient dans le mystère de l'Assomption le complément de cette grâce surabondante accordée à la Bienheureuse Vierge, et cette bénédiction unique en opposition avec la malédiction d'Eve.

C'est pourquoi, au début de la théologie scolastique, cet homme très pieux, Amédée, évêque de Lausanne, affirme que la chair de la Vierge Marie est restée sans corruption – car on ne peut croire que son corps ait vu la corruption – puisqu'en effet, il a été uni de nouveau à son âme et conjointement avec elle dans la cour céleste couronné de la gloire d'en haut. « Elle était, en effet, pleine de grâce et bénie entre les femmes. » (Luc, I, 28.) « Seule, elle a mérité de concevoir vrai Dieu de vrai Dieu, que vierge, elle a mis au monde, que vierge elle a allaité, le pressant sur son sein, et qu'elle a servi en toutes choses d'une sainte obéissance. » (Amédée de Lausanne, De Beatæ Virginis obitu, Assumptione in Coelum, exaltatione ad Filii dexteram.)

Parmi les saints écrivains qui, à cette époque, se sont servi des textes et de diverses similitudes ou analogies des Saintes Ecritures pour illustrer ou confirmer la doctrine de l'Assomption, objet d'une pieuse croyance, le Docteur évangélique saint Antoine de Padoue occupe une place à part. C'est lui, en effet, qui, le jour de la fête de l'Assomption, expliquait ces paroles du prophète Isaïe : « Je glorifierai le lieu où reposent mes pieds» (Is., LX, 13), affirma d'une façon certaine que le divin Rédempteur a orné de la plus haute gloire sa Mère très chère, dont il avait pris sa chair d'homme. « Par là vous savez clairement – dit-il – que la Bienheureuse Vierge dans son corps, où fut le lieu où reposèrent les pieds du Seigneur, a été élevée [au ciel]. » C'est pourquoi le psalmiste sacré écrit : « Lève-toi, Seigneur, au lieu de ton repos, toi et l'arche de ta majesté. » De la même façon, comme il l'affirme lui-même, que Jésus-Christ est ressuscité en triomphant de la mort et monté à la droite de son Père, ainsi pareillement « est ressuscitée aussi l'Arche de sa sanctification lorsque, en ce jour, la Vierge-Mère a été élevée dans la demeure céleste ». (S. Antoine de Padoue, Sermones dominicales et in solemnitatibus. In Assumptione S. Mariae Virginis sermo.)

Au moyen âge, alors que la théologie scolastique était dans tout son éclat, saint Albert le Grand, après avoir réuni, pour en établir la preuve, divers arguments fondés sur les Saintes Lettres, les textes de la tradition ancienne et enfin la liturgie et le raisonnement théologique, comme on dit, conclut ainsi : « Pour toutes ces raisons et ces témoignages qui font autorité, il est clair que la Bienheureuse Mère de Dieu a été élevée en âme et en corps au-dessus des chœurs des anges. Et nous croyons que cela est vrai de toute façon. » (S. Albert le Grand, Mariale, sive quæstiones super Evang. « Missus est », q. CXXXII.) Dans le sermon qu'il prononça le saint jour de l'Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie, en expliquant ces paroles de l'ange la saluant : « Ave, gratia plena »…, le Docteur universel, comparant à Ève la Très Sainte Vierge, soutient clairement et expressément qu'elle fut exempte de la quadruple malédiction qui frappa Ève (S. Albert le Grand, Sermones de sanctis, sermon XV : In Annuntiatione B. Mariæ ; cf. également Mariale, q. CXXXII.)

Le Docteur angélique, à la suite de son remarquable Maître, bien. qu'il n'ait jamais traité expressément la question, chaque fois cependant qu'incidemment il y touche, maintient constamment en union avec l'Église catholique que le corps de Marie a été élevé au ciel avec son âme (cf. Summa Theol. IIIa p., q. XXVII, a. 1 c. ; ibid. q. LXXXIII, a. 5 ad 8 ; Expositio salutationis angelicæ ; In symb. Apostolorum expositio, art. 5 ; In IV Sent. D. 12, q. I, art. 3, sol. 3 ; D. 43, q. I, art. 3, sol. 1. et 2).

Le Docteur séraphique, entre beaucoup d'autres, se déclare dans le même sens. Pour lui, il est tout à fait certain que Dieu, de la même façon qu'il a gardé Marie, la très Sainte, exempte de la violation de son intégrité virginale et de sa pureté virginale, soit quand elle a conçu, soit quand elle enfanta, ainsi Dieu n'a permis en aucune façon que son corps fût réduit à la corruption ou réduit en cendres (cf. S. Bonaventure, De Nativitate B. Mariae Virginis, sermon V). En interprétant ces paroles de la Sainte Écriture et les appliquant dans un certain sens accommodatice à la Bienheureuse Vierge : « Quæ est ista, quai ascendit de deserto, deliciis affluens, innixa super dilectum suum. Quelle est celle-ci qui monte du désert, pleine de délices, appuyée sur son bien-aimé ? » (Cant., VIII, 5), il raisonne ainsi : De là encore il résulte qu'elle s'y trouve en corps… Car, en effet… sa béatitude ne serait pas consommée si elle ne s'y trouvait pas en personne et, comme l'âme n'est pas la personne, mais c'est l'union [du corps et de l'âme qui la constitue], il est évident que, en tant que suivant cette union, c'est-à-dire en son corps et en son âme, elle s'y trouve : sans quoi, elle n'aurait pas la jouissance béatifique achevée. » (S. Bonaventure, De Assumptione B. Mariæ Virginis, sermon I.)

A une époque plus tardive de la théologie scolastique, soit au XV° siècle, saint Bernardin de Sienne, reprenant d'une manière générale et étudiant de nouveau avec soin tout ce que les théologiens du moyen âge avaient déclaré et discuté sur cette question, ne se contenta pas de rapporter les principales considérations que les docteurs du temps passé avaient proposées, mais il en ajouta de nouvelles. A savoir, la ressemblance de la divine Mère et de son divin Fils pour ce qui touche à la noblesse et à la dignité de l'âme et du corps – à cause de cette ressemblance nous ne pouvons pas même penser que la Reine du ciel soit séparée du Roi du ciel – demande que Marie « ne puisse se trouver que là où est le Christ » (S. Bernardin de Sienne, In Assumptione B. M. Virginis, sermon II) ; et, d'autre part, il est conforme à la raison et convenable que de même que pour l'homme, ainsi l'âme et le corps de la femme arrivent à la gloire éternelle dans le ciel ; et enfin, puisque l'Eglise n'a jamais recherché les restes de la Bienheureuse Vierge et ne les a jamais proposés au culte du peuple, il y a là un argument qu'on peut offrir, « comme une preuve sensible » (S. Bernardin, loc. cit.).

En des temps plus récents, ces déclarations des saints Pères et Docteurs que nous avons rapportées furent d'un usage commun. Embrassant cette unanimité des chrétiens dans la tradition des siècles antérieurs, saint Robert Bellarmin s'écria : « Et qui pourrait croire, je vous prie, que l'arche de la sainteté, la demeure du Verbe, le temple de l'Esprit-Saint se soit écroulé ? Mon âme répugne franchement même à penser que cette chair virginale qui a engendré Dieu, lui a donné le jour, l'a allaité, l'a porté, ou soit tombée en cendres. ou ait été livrée à la pâture des vers. » (S. Robert Bellarmin, Conciones habitæ Lovanii, discours XL, De Assumptione B. Mariæ Virginis.)

De la même façon, saint François de Sales, après avoir soutenu qu'on ne peut mettre en doute que Jésus-Christ a accompli à la perfection le commandement divin qui prescrit aux fils d'honorer leurs parents, se pose cette question : « Qui est l'enfant qui ne ressuscitast(sic) sa bonne mere s'il pouvoit et ne la mist en paradis après qu'elle seroit décédée ? » (Œuvres de saint François de Sales, sermon autographe pour la fête de l'Assomption.) Et saint Alphonse écrit : « Jésus n'a pas voulu que le corps de Marie se corrompît après sa mort, car c'eût été un objet de honte pour lui si sa chair virginale était tombée en pourriture, cette chair dont lui-même avait pris la sienne. » (S. Alphonse-M. de Liguori, Le gloire di Maria, part. II, dise. I.)

Mais comme ce mystère, objet de la célébration de cette fête, se trouvait déjà mis en lumière, il ne manqua pas de Docteurs qui, plutôt que de se servir des arguments théologiques qui démontrent qu'il convient absolument et qu'il est logique de croire à l'Assomption au ciel de la Bienheureuse Vierge Marie en son corps, tournaient leur esprit et leur cœur à la foi de l'Église, Épouse mystique du Christ qui n'a ni tache ni ride (cf. Eph., v, 27) et que l'Apôtre appelle « la colonne et la base de la vérité » (I. Tim., 15) ; appuyés sur cette foi commune, ils pensaient que l'opinion contraire était téméraire, pour ne pas dire hérétique. Du moins saint Pierre Canisius, comme tant d'autres, après avoir déclaré que le mot même d'Assomption signifie la « glorification » non seulement de l'âme mais encore du corps, et que l'Église, déjà au cours de nombreux siècles, vénère et célèbre avec solennité ce mystère marial de l'Assomption, remarque ce qui suit : « Ce sentiment prévaut déjà depuis des siècles ; il est ancré au cœur des pieux fidèles et confié ainsi à. toute l'Eglise. Par conséquent, on ne doit pas supporter d'entendre ceux qui nient que le corps de Marie a été élevé dans le ciel, mais on doit les siffler, à l'occasion, comme des gens trop entêtés, et par ailleurs téméraires et comme des gens imbus d'un esprit plus hérétique que catholique. » (S. Pierre Canisius, De Maria Virgine.)

A la même époque, le Docteur excellent qui professait cette règle en mariologie que « les mystères de grâce opérés par Dieu dans la Vierge ne doivent pas se mesurer aux règles ordinaires, mais à la toute-puissance divine, étant supposée la convenance de ce dont il s'agit et que cela ne soit pas en contradiction avec les Saintes Écritures ou inconciliable avec le texte sacré » (cf. Suarez, F. In tertiam partem D. Thomæ, q. XXVII, art. 2, D. 3, sec. 5, n. 31), en ce qui concerne le mystère de l'Assomption, fort de la foi commune de l'Eglise tout entière, il pouvait conclure que ce mystère doit être cru avec la même fermeté d'âme que l'Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie, et déjà il affirmait que ces vérités pouvaient être définies.

Tous ces arguments et considérations des saints Pères et des théologiens s'appuient : sur les Saintes Lettres comme sur leur premier fondement. Celles-ci nous proposent, comme sous nos yeux, l'auguste Mère de Dieu dans l'union la plus étroite avec son divin Fils et partageant toujours son sort. C'est pourquoi il est quasi impossible die considérer Celle qui a conçu le Christ, l'a mis au monde, nourri de son. lait, porté dans ses bras et serré sur son sein, séparé de lui, après cette vie terrestre, sinon dans son âme, du moins dans son corps. Puisque notre Rédempteur est le Fils de Marie, il ne pouvait certainement pas, lui qui fut l'observateur de la loi divine le plus parfait, ne pas honorer, avec son Père éternel, sa Mère très aimée. Or, il pouvait la parer d'un si grand honneur. qu'il la garderait exempte de la corruption du tombeau. Il faut donc croire que c'est ce qu'il a fait en réalité.

Il faut surtout se souvenir que, depuis le II° siècle. les saints Pères proposent la Vierge Marie comme une Ève nouvelle en face du nouvel Adam et, si elle lui est soumise, elle lui est étroitement unie dans cette lutte contre l'ennemi infernal, lutte qui devait, ainsi que l'annonçait le protévangile (Gen., III, 15), aboutir à une complète victoire sur le péché et la mort qui sont toujours liés l'un à l'autre dans les écrits de l'Apôtre des nations (cf. Rom., c, V et VI ; I Cor., XV . 21-26, 54-57). C'est pourquoi, de même que la glorieuse Résurrection du Christ fut la partie essentielle de cette victoire et comme son suprême trophée, ainsi le combat commun de la Bienheureuse Vierge et de son Fils devait se terminer par la « glorification » de son corps virginal ; car, comme le dit ce même Apôtre, « lorsque ce corps mortel aura revêtu l'immortalité, alors s'accomplira la parole qui est écrite : La mort a été engloutie dans sa victoire » (I Cor., XV, 54).

C'est pourquoi l'auguste Mère de Dieu, unie de toute éternité à Jésus-Christ, d'une manière mystérieuse par « un même et unique décret » (Bulle Ineffabilis Deus, loc. cit., p. 599) de prédestination, immaculée dans sa conception, Vierge très pure dans sa divine Maternité, généreuse associée du divin Rédempteur qui remporta un complet triomphe du péché et de ses suites, a enfin obtenu comme suprême couronnement de ses privilèges d'être gardée intacte de la corruption du sépulcre, en sorte que, comme son Fils déjà auparavant, après sa victoire sur la mort, elle fut élevée dans son corps, et dans son âme, à la gloire suprême du ciel où, Reine, elle resplendirait à la droite de son Fils, Roi immortel des siècles. (Cf. I Tim., 1,.17.)

Alors, puisque l'Eglise universelle, en laquelle vit l'Esprit de vérité, cet Esprit qui la dirige infailliblement pour parfaire la connaissance des vérités révélées, a manifesté de multiples façons sa foi au cours des siècles, et puisque les évêques du monde entier, d'un sentiment presque unanime, demandent que soit définie comme dogme de foi divine et catholique, la vérité de l'Assomption au ciel, de la Bienheureuse Vierge Marie – vérité qui s'appuie sur les Saintes Lettres, est ancrée profondément dans l'âme des fidèles, approuvée depuis la plus haute antiquité par le culte de l'Eglise. en parfait accord avec les autres vérités révélées, démontrée et expliquée par l'étude, la science et la sagesse des théologiens, – nous pensons que le moment, fixe par le dessein de Dieu dans sa Providence, est maintenant arrivé où nous devons déclarer solennellement cet insigne privilège de la Vierge Marie.

Nous, qui avons confié Notre pontificat au patronage particulier de la Très Sainte Vierge, vers qui Nous Noua réfugions en tant de vicissitudes des plus tristes réalités. Nous qui avons consacré à son Cœur immaculé le genre humain tout entier en une cérémonie publique, et qui avons éprouvé souvent sa très puissante assistance, Nous avons une entière confiance que cette proclamation et définition solennelle de son Assomption apportera un profit non négligeable à la société humaine, car elle tournera à la gloire de la Très Sainte Trinité à laquelle la Vierge Mère de Dieu est unie par des liens tout particuliers. Il faut, en effet, espérer que tous les fidèles seront portés à une piété plus grande envers leur céleste Mère ; que les âmes de tous ceux qui se glorifient du nom de chrétiens, seront poussées au désir de participer à l'unité du Corps mystique de Jésus-Christ et d'augmenter leur amour envers Celle qui, à l'égard de tous les membres de cet auguste Corps, garde un cœur maternel. Et il faut également espérer que ceux qui méditent les glorieux exemples de Marie se persuaderont de plus en plus de quelle grande valeur est la vie humaine si elle est, entièrement vouée à l'accomplissement de la volonté du Père céleste et au bien à procurer au prochain ;-que, alors que les inventions du « matérialisme » et, la corruption des mœurs qui en découle menacent de submerger l'existence de la vertu et, en excitant les guerres, de perdre les vies humaines, sera manifeste le plus clairement possible, en pleine lumière, aux yeux de tous, à quel but sublime sont destinés notre âme et notre corps ; et enfin que la foi de l'Assomption céleste de Marie dans son corps rendra plus ferme notre foi en notre propre résurrection, et la rendra plus active.

Ce Nous est une très grande joie que cet événement solennel arrive, par un dessein de la Providence de Dieu, alors que l'Année Sainte suit son cours, car ainsi Nous pouvons, pendant la célébration du très grand Jubilé, orner le front de la Vierge Mère de Dieu de ce brillant joyau et laisser un souvenir plus durable que l'airain de Notre piété très ardente envers la Mère de Dieu.

C'est pourquoi, après avoir adressé à Dieu d'incessantes et suppliantes prières et invoqué les lumières de l'Esprit de vérité, pour la gloire du Dieu Tout-Puissant qui prodigua sa particulière bienveillance à la Vierge Marie pour l'honneur de son. Fils, Roi immortel des siècles et Vainqueur de la mort et du péché, pour accroître la gloire de son auguste Mère et pour la joie et l'exultation de l' Eglise tout entière, par l'autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, des bienheureux apôtres Pierre et Paul et pur la Nôtre, Nous proclamons, déclarons et définissons que c'est un dogme divinement révélé que Marie, l'Immaculée Mère de Dieu toujours Vierge, à la fin du cours de sa vie terrestre, a été élevée en âme et en corps à la gloire céleste.

C'est pourquoi, si quelqu'un – ce qu'à Dieu ne plaise —- osait volontairement nier ou mettre en doute ce que Nous avons défini, qu'il sache qu'il a fait complètement défection dans la foi divine et catholique.

Et pour que Notre définition de l'Assomption au ciel de la Vierge Marie dans son corps parvienne à la connaissance de l'Église universelle, Nous voulons que Nos lettres apostoliques présentes demeurent pour en perpétuer la mémoire, ordonnant que les copies qui en seront faites, ou même les exemplaires qui en seront imprimés, contresignés de la main d'un notaire public, et munis du sceau d'une personne constituée en dignité ecclésiastique, obtiennent foi absolument auprès de tous comme le feraient les présentes Lettres elles-mêmes si elles étaient exhibées ou montrées.

Qu'il ne soit permis à qui que ce soit de détruire ou d'attaquer ou contredire, par une audacieuse témérité, cet, écrit de Notre déclaration, décision et définition. Si quelqu'un avait la présomption d'y attenter, qu'il sache qu'il encourrait l'indignation du Dieu Tout-Puissant et des bienheureux apôtres Pierre et Paul.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, l'année du très grand Jubilé mil neuf cent cinquante, le premier novembre, en la fête de tous les saints, de Notre pontificat la douzième année.

Moi, PIE,

Évêque de l'Église catholique,

  j'ai signé cette définition.

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 Nos Causes de Béatification.

 Cause du Vénérable Père Champagnat.

 En 1950 et en 1951 les béatifications et les canonisations ont été particulièrement nombreuses contribuant à donner plus de splendeur aux solennités de l'Année Sainte.

Avec l'Eglise nous avons tressailli d'allégresse chaque fois qu'un de ses enfants a été élevé aux honneurs des autels, parce que les saints, nos frères, sont sa gloire la plus pure, leur sainteté prouvant, d'une manière irréfutable, qu'Elle seule possède la vérité.

Mais en constatant que bien des causes introduites après celle du Vénérable Marcellin Champagnat l'ont cependant devancée, peut-être avons-nous éprouvé, nous, Petits Frères de Marie. une certaine déception, nous demandant pourquoi Dieu éprouve notre foi ; pourquoi il nous fait attendre si longtemps le bonheur de voir placer notre bien-aimé Fondateur au rang des bienheureux.

Serait-ce en vain que tant de prières out été faites et que tant de sacrifices ont été offerts ? Qui oserait le dire en voyant la manière admirable dont, par tout l'univers, le Vénérable Marcellin Champagnat est déjà connu, aimé, invoqué autant et peut-être plus que beaucoup de saints que l'Église a déjà inscrits au martyrologe Le beau jour après lequel nous soupirons ne brille pas encore, mais combien magnifique est son aurore !

Il y a quelques mois, un Frère Provincial écrivait, dans le périodique de sa Province, ces lignes qui trouvent leur confirmation en bien d'autres endroits où nous sommes établis : « La dévotion, l'amour et la confiance au Vénérable Fondateur vont se répandant rapidement non seulement parmi nos élèves, mais aussi dans leurs familles et chez nos amis et sympathisants. J'ai été agréablement surpris et très satisfait d'entendre, ces derniers temps, bon nombre de personnes étrangères à la Congrégation parler de notre Vénérable Fondateur, non seulement comme d'un grand personnage, mais surtout comme d'un saint qu'elles invoquent avec confiance.

Un Frère Directeur écrivait à un de nos Vice-postulateurs : « On se dispute les images avec relique du Vénérable Fondateur. Je ne puis en fournir à tous ceux qui en demandent et cependant je ne les donne que pour les cas désespérés. Envoyez-m'en le plus possible. »

Que cela nous encourage à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour assurer le succès de cette cause. Tâchons, en particulier, de bien célébrer la journée Champagnat et de faire avec ferveur la.. neuvaine mensuelle, ces deux pratiques ayant contribué, pour une large part, à obtenir les résultats signalés.

Journée Champagnat. Le XIII° Chapitre Général, tenu en 1932, fut bien inspiré en instituant cette journée. Les nouvelles qui nous parviennent. prouvent qu'à l'occasion du 6 juin on rivalise partout d'esprit filial pour faire connaître, avec les vertus du Vénérable Fondateur, son crédit auprès de Dieu et le développement admirable de son œuvre.

J'ai l'impression que, d'année en année, cette date est commémorée avec une ferveur et une solennité toujours croissantes. Les périodiques des Provinces à paraître en juin font une large place aux articles ayant trait au Vénérable Fondateur. Ils sont écrits par des Frères, des sujets en formation, des élèves, voire même par d'anciens élèves occupant des situations importantes. Des conseils et directives sont opportunément donnés pour l'élaboration du programme, et les comptes rendus prouvent que ces avis ont porté leurs fruits.

Dans les écoles, on ne néglige pas la partie récréative, sans toutefois en exagérer l'importance, son but étant de mieux faire apprécier la partie religieuse et non pas de s'y substituer. Si parfois, dans des cas très rares, cette date passe presque inaperçue, on ne peut l'attribuer qu'à une certaine passivité de caractère des responsables et nullement à un manque d'intérêt pour une cause qui ne saurait laisser indifférent un cœur vraiment mariste.

 Neuvaine mensuelle. Cette neuvaine, qui a commencé sur l'initiative du Conseil Général en janvier 1949, devait durer seulement deux ans. Le même Conseil a décidé, dans la suite, qu'elle s poursuivrait jusqu'à nouvel ordre. Quelques Provinces avaient adopté cette pratique depuis plusieurs années. Chacun a été heureux de la voir étendue à tout l'Institut. Elle répond si bien à notre amour filial envers le Vénérable Fondateur que nous regretterions tous de la voir supprimée ou interrompue.

Ce rappel mensuel à la prière et à la pénitence pour le succès de la cause ne dispense pas d'y penser une fois la neuvaine finie, car c'est une intention que chacun doit se proposer le plus souvent possible. Ce qu'il y a de spécial pendant la neuvaine, c'est la supplication collective, l'union plus étroite des cœurs demandant avec instance que leur Père soit admis à l'honneur des autels.

Veillons à ce que cette neuvaine, sous peine de la voir vite devenir routinière, ne soit pas simplement une prière de plus, récitée avec plus ou moins de conviction. Elle ne doit pas être affaire de sentimentalisme, mais le fruit d'un grand esprit surnaturel qui porte à faire effort pour plaire à Dieu et en être exaucé. Il faut, pour cela, que, pendant toute la neuvaine, chacun apporte plus de soin qu'à l'ordinaire à la récitation des prières habituelles, s'applique à mieux remplir, ses devoirs religieux et professionnels, contribue à déraciner tel ou tel défaut plus accentué dans la communauté. Le Frère Directeur pourrait signaler chaque Fois les points qui lui paraissent les plus importants : vertu à pratiquer, défaut à corriger, sacrifice à s'imposer, etc. Il sera certainement bien secondé par tous ses subordonnés, car rien n'est plus facile à obtenir que cet accord des volontés quand il s'agit d'atteindre un résultat particulièrement cher à tout Petit Frère de Marie.

J'attire particulièrement votre attention sur les sacrifices à offrir car, en général, nous trouvons plus facile de dire des prières que de nous imposer des mortifications. Un renouveau d'austérité et de ferveur individuelle et communautaire hâtera certainement la glorification si ardemment désirée.

Le tableau du Vénérable Père Champagnat, orné sobrement mais avec goût, occupant pendant les neuf jours une place d'honneur à l'oratoire de la communauté, serait une invitation de plus à la prière et au sacrifice. On pourrait faire de même en classe pour obtenir des élèves une coopération aussi fervente que possible, dans ce mouvement d'ensemble pour toucher le Cœur de Notre-Seigneur et de la Sainte Vierge en faveur du serviteur fidèle qui, par lui-même ou par ses fils spirituels, a appris à tant d'âmes à les connaître et à les aimer.

Pour les élèves on s'applique à obtenir, pendant la neuvaine, une meilleure assistance à la sainte messe et des communions plus nombreuses. En divers endroits on inscrit chaque jour, au tableau noir, quelques sacrifices appropriés à l'âge des enfants : combattre le bavardage, la paresse, la gourmandise, les emportements, les retards, les absences, offrir les diverses actions de la journée, etc. … Parfois on préfère leur faire tirer au sort la prière à réciter, le sacrifice à offrir. Sans doute est-il des professeurs qui possèdent un talent spécial pour susciter, en faveur de ces pratiques, une grande émulation parmi leurs disciples, mais nul ne prêchera dans le désert s'il parle avec conviction à son jeune auditoire du grand ami et du grand bienfaiteur de l'enfance que fut notre Vénérable Fondateur.

Hommages divers. En avril 1947, le Bulletin de l'Institut a donné une liste des principales écoles portant le nom du Vénérable Fondateur ; des églises ou chapelles où des vitraux lui sont dédiés, ainsi que des lieux où des statues et des bustes lui ont été érigés. Cette liste s'allonge sans cesse. Aussi, le Conseil Général croit-il opportun de demander que les statues, bustes ou vitraux que l'on pourra être amené à inaugurer en honneur du Vénérable Père Champagnat soient bien conformes aux modèles traditionnels. Le mieux serait de lui soumettre toujours, au préalable, les projets.

Diverses Provinces ont édité des images du Vénérable Fondateur. Là encore, que l'on n'innove pas sans permission, pour ne pas s'exposer à dénaturer la physionomie admise par le passé comme 'approchant le plus de celle du serviteur de Dieu.

L'Économat Général et la Province de Notre-Dame de l'Hermitage peuvent fournir des images en quantité. Il appartient aux Économes Provinciaux d'être à même de servir toutes les maisons de leur Province ; plusieurs ne s'en sont pas suffisamment préoccupés par le passé. Certaines images ont au verso la prière pour obtenir la béatification, soit en anglais, en espagnol, en français, en italien on en portugais ; d'autres sont en blanc pour permettre d'imprimer ce que l'on juge opportun : Prière de demande d'une faveur ou d'action de grâces, souvenir d'une fête, etc.

Les mêmes centres pourront fournir des images avec relique, mais il faut que leur distribution se tasse d'une façon judicieuse. On doit les réserver en général aux adultes, aux familles, aux communautés religieuses, etc. Les donner aux enfants comme toute autre image, c'est s'exposer à ce qu'elles ne remplissent pas leur objet, ou même qu'elles soient traitées, par inadvertance, sans le respect qui convient.

Nous voudrions n'avoir que de très belles images de Notre Vénérable Fondateur ; nous n'y avons pas réussi complètement. Nous souhaitons que le modèle que l'on prépare à Rome : le Vénérable Père Champagnat entouré d'enfants, donne pleine satisfaction. C'est ce que vous désirez tous et le vois en cela une preuve de plus de votre amour pour notre Père.

Nous nous occupons également de l'impression d'une image grand format pour les classes, salles d'étude, parloirs, etc. …

Il vous sera agréable d'apprendre que nos Frères de Belgique ont polycopié et peuvent vous fournir, douze méditations sur le Vénérable Fondateur composées par le Frère Directeur du Second Noviciat.

Ce m'est également un plaisir de pouvoir annoncer que, grâce à notre maison d'Édition de Zaragoza, nos Frères de langue espagnole disposeront sous peu, d'une traduction de la Vie du Vénérable Père Champagnat par le Frère Jean-Baptiste. Ce livre comblera, j'en ai l'assurance, les vœux de bien des Frères.

J'ajouterai encore que la Revue Champagnat a beaucoup amélioré sa présentation et que le nombre de ses lecteurs s'est accru notablement. Il est à souhaiter que toutes nos communautés la reçoivent et favorisent sa diffusion surtout dans les pays de langue française. Flores de Martirio, feuillet mensuel publié en Espagne par le Frère Vice-postulateur de la cause de nos martyrs témoigne, je suis heureux de le constater, d'un intérêt toujours croissant pour la cause du Vénérable Fondateur. Il convient que dans toutes les Provinces on trouve le moyen de porter de plus en plus les fidèles à la dévotion au Vénérable Père Champagnat. Qu'on leur fournisse pour cela le moyen d'obtenir des images avec relique, et d'exprimer leur reconnaissance pour les faveurs reçues. Qu'on veuille bien nous communiquer le récit des plus importantes de ces faveurs ; nous nous ferons un plaisir de les publier, dans la Circulaire ou dans la Revue Champagnat.

Suggestions. Nous en avons reçu plusieurs. Certaines ont pour objet une meilleure célébration de la Journée Champagnat et de la Neuvaine mensuelle. D'autres veulent voir se multiplier les messes offertes pour obtenir la béatification. D'autres, enfin, exposent en détail, des projets d'une campagne plus active en faveur de la cause du Vénérable Fondateur. On peut continuer à nous faire part, en toute confiance, de ce que l'on croit particulièrement pratique pour nous.

Un confrère, rappelant l'exhortation instante de Notre-Dame de Fatima à la récitation du chapelet propose la Croisade que voici : « Si nos douze mille Frères, Novices, Postulants et Juvénistes ainsi que nos deux cent vingt mille élèves offrent pour la béatification leur chapelet journalier, ils en totaliseront chaque année des millions. A combien cette somme ne montera-t-elle pas quand on y aura ajouté le total de nos chapelets supplémentaires et de ceux que nous saurons obtenir de l'élite de nos disciples ! Cela représentera un trésor d'indulgences partielles et plénières d'une valeur inestimable que nous offrirons pour le soulagement et la délivrance des âmes du Purgatoire. Celles-ci, unissant leurs prières aux nôtres, nous livrerons ensemble un assaut irrésistible au Cœur de Marie et à la miséricordieuse bonté de Dieu. »

Il s'agit là, mes bien chers Frères, d'une Croisade pacifique qui ne surcharge pas notre vie spirituelle ; je vous invite donc à vous y enrôler tous, ajoutant au chapelet de Règle ceux que vous pourrez réciter en votre particulier. Faisons en sorte que le total soit tellement imposant que la Sainte Vierge en soit comblée de joie. Et alors, comment douter qu'Elle nous accordera d'abondantes grâces et surtout de grands miracles pour la béatification et canonisation du Vénérable Père Champagnat ? 

Cause du Vénéré Frère François.

 Cette cause suit son cours normal. Le Promoteur de la Foi a présenté, il y a quelque temps, les animadversions au sujet de l'héroïcité des vertus. Elles ont été imprimées et remises à l'avocat de la cause qui se prépare à les réfuter en vue de la Congrégation Antépréparatoire. Quand celle-ci aura-t-elle lieu ? Nous ne saurions le dire. Les causes étant particulièrement nombreuses et chacune devant attendre son tour, toute nouvelle étape vers la glorification d'un serviteur de Dieu est marquée par un arrêt qui, parfois, dure des années. Dès que nous connaîtrons la date de ladite Congrégation, nous vous inviterons à redoubler de ferveur pour assurer son succès. Continuez, d'ici lors, à plaider auprès de Notre-Seigneur et de sa Sainte Mère pour le succès de la cause du Vénéré Frère François. 

Nos Martyrs d'Espagne.

 Le procès diocésain de Burgos relatif au Frère Bernardo et celui de Lérida relatif au Frère Crianto, arrivés à Rome depuis deux ou trois ans, ont été officiellement ouverts, traduits et révisés par les soins de la Sacrée Congrégation des Rites. Cette même Congrégation a remis une copie dite publique des deux procès au Cher Frère Postulateur. L'avocat de la cause doit maintenant en faire un sommaire. Comme dans le cas du Vénéré Frère François, à nouvelle étape du procès, nouveaux délais.

Le procès diocésain fait à la Seo de Urgel pour les Frères Aquilino, Fabian, Félix Lorenzo et Ligorio Pedro, arrivé à Rome après les précédents. sera comme eux ouvert, traduit, recopié, révisé, etc. 

Cause du Frère Alfano.

 Cette cause en est encore à la phase diocésaine. Le procès sur les écrits est terminé. Ces écrits consistant en lettres, cahiers, conférences, notes personnelles forment un paquet volumineux qui. dûment scellé par l'Ordinaire de Vintimille, a été porté à Rome et remis à la Sacrée Congrégation des Rites. Le tribunal diocésain instruit actuellement le procès informatif sur la réputation de sainteté, les vertus et les miracles.

Les articles exigés pour ce procès ont été imprimés et distribués aux membres du tribunal qui ont déjà interrogé un certain nombre de témoins. 

Appel en faveur de nos Frères de Chine.

 Vous n'ignorez pas, mes bien chers Frères, que loin de ralentir, la persécution religieuse, en Chine, devient de plus en plus diabolique. Expulsions, emprisonnements, exécutions se multiplient. Les confiscations de biens se généralisent. Un de nos Frères chinois, Frère Joche-Albert, a été fusillé, plusieurs autres sont en prison et leur vie est en danger.

Prions pour ce malheureux pays, prions plus spécialement pour nos confrères soumis à de bien dures épreuves.

Parmi les Frères européens, une cinquantaine ont pu être rapatriés. Il en reste encore une trentaine qui, humainement parlant, ne pourront plus tenir bien longtemps. Deux d'entre eux se sont rendus, en septembre dernier, au Japon pour y ouvrir une école, à Kobé. La Providence leur a permis d'acquérir une maison dans d'excellentes conditions. Des auxiliaires iront bientôt les rejoindre.

Environ trente Frères chinois, outre les Novices et les Scolastiques réfugiés à Macao, ont trouvé du travail en Malaisie, en Indonésie et en Nouvelle-Bretagne. Mais nous éprouvons les plus vives inquiétudes pour l'avenir des soixante-douze qui restent dans leur pays, sans pouvoir en sortir. Quelques-uns, empêchés de faire la classe, cherchent, parfois vainement, un travail qui leur permette de vivre sans perdre le contact avec leurs confrères. Plusieurs ont été autorisés à attendre, dans leur famille, une solution. D'autres, dans les quelques écoles dont nous avons encore la direction, travaillent dans de bonnes conditions pour leur vie religieuse, sans toutefois être sûrs du lendemain tandis que certains sont isolés ou presque, dans les écoles que les communistes ont prises en charge.

Enumérer ces situations, c'est dire les dangers qui menacent les corps et surtout les âmes de nos Frères. Ceux-ci font généralement preuve d'un grand esprit religieux ; plusieurs ont émis les vœux perpétuels aux dernières retraites et les lettres de certains autres, particulièrement exposés aux pires vexations et à la mort, témoignent d'un courage héroïque. Mais ces bonnes dispositions requièrent, pour se maintenir, le secours du Ciel : ne cessons pas de l'implorer.

Nous, qui jouissons de conditions de vie plus favorables, n'oublions pas nos Frères éprouvés. Recommandons-les à Notre-Seigneur et à Notre Ressource Ordinaire afin qu'ils se maintiennent fermes dans leur foi et dans leur vocation. Demandons la paix pour leur malheureuse patrie, afin que le Christ-Roi en reprenne la conquête, si pro-metteuse, il y a quelques années. Celle-ci, nous en avons la confiance, a été non pas arrêtée à tout jamais, mais seulement suspendue pour un temps par les suppôts de l'enfer.

Je me fais un devoir d'adresser, au nom de no chers persécutés et au nom du Conseil Général un merci du cœur aux Frères Provinciaux et à tous les Frères qui, dans cette occasion, ont fait preuve d'un grand esprit de famille. Plusieurs Provinces ont donné une fraternelle hospitalité à des confrères sortis de Chine. D'autres, sans négliger les Œuvres missionnaires Pontificales ont bien organisé les collectes en faveur des Missions Maristes ou se sont distinguées par leur fidélité et leur promptitude à payer leur dû de Caisse Commune.

Ceci nous a permis de faire face aux frais considérables occasionnés par les dix fondations et le nombreux voyages auxquels a donné lieu la persécution. Nous avons pu, de même, pourvoir à l'entretien de la jeunesse qui depuis deux ans et demi poursuit sa formation à Macao.

Ne soyons pas égoïstes, mes bien chers Frères. n'invoquons pas nos propres besoins, s'ils ne sont pas réels et urgents, pour nous dispenser de porter secours à nos Frères de Chine. Saisissons avec amour et empressement l'occasion qui nous est fournie de resserrer nos liens fraternels, autour de ceux des nôtres qui souffrent persécution pour la Justice. C'est le Christ qui, en eux, souffre persécution, c'est Lui que nous soulagerons, c'est Lui qui nous récompensera. 

Visite à la Province d'Italie.

 Cette Province ne m'était pas complètement inconnue, mais je n'y avais fait que de trop courts séjours. Aussi ai-je saisi volontiers l'occasion des retraites pour m'y rendre cette année-ci avec le Cher Frère Sebastiani, A.G.

J'ai pu ainsi m'entretenir avec tous les Frères, ce qui m'a permis de me rendre un compte plus exact de la situation de la Province, de ses problèmes, de ses projets et de ses possibilités.

Il va de soi que ce contact un peu plus prolongé m'a été fort agréable. Je remercie le Cher Frère Provincial, les Frères Directeurs et tous les Frères qui là, comme dans toutes les Provinces que j'ai eu le bonheur de visiter jusqu'ici, ont rivalisé de bon esprit et de dévouement pour assurer le succès de ma mission.

Ma première halte a été à Vintimille où fonctionnent le Noviciat et le Scolasticat. Le 26 juillet, a eu lieu la clôture de la retraite, avec la vêture d'un groupe de postulants de la Province et de quelques autres qui, ayant fait leur Juvénat à Gassino, se destinent à l'Argentine et au Pérou.

La « Villa Santo Stefano », qui est Maison Provinciale, est située sur une colline, à peu de distance de la ville. Elle domine la vallée de la Roya et reçoit en été, de la mer toute proche, une brise fort appréciée.

La vieille bâtisse a subi bien des transformations les aménagements faits dernièrement me semblent particulièrement utiles. En voyant ce qu'était l'ancien local, on ne peut s'empêcher de penser à la somme de sacrifices qu'ont dû s'imposer, en 1903 et les années suivantes, les pauvres exilés de Saint-Paul-Trois-Châteaux venus s'y réfugier. Mais, quoique privés de tout confort et même parfois du nécessaire ils durent, sans doute, bénir la Providence qui leur ménageait cet asile à quelques pas seulement de la frontière française.

Leurs sacrifices ont été pour nos œuvres, là comme ailleurs, une excellente sève nourricière. C'est sans doute pour cela que, pendant la dernière guerre, saint Joseph a protégé la Villa Santo Stefano et ses habitants contre les bombardements qui ont amoncelé bien des ruines dans toute la région. Une plaque de marbre apposée récemment au piédestal de la statue du Père adoptif de Notre-Seigneur témoigne de la reconnaissance de la Communauté pour cette merveilleuse protection.

Comme Vintimille, Mondovi a été aux jours sombres un pied-à-terre dont on ne saurait trop estimer l'utilité. Une jeunesse généreuse, qui opta pour l'exil afin de sauver sa vocation, put y pour-suivre paisiblement sa formation. Des recrues venues des deux versants des Alpes y accoururent jusqu'en 1920. Depuis cette date, Mondovi est uniquement peuplé de juvénistes italiens. Outre ce juvénat, la Province possède celui de Manziana, de construction toute récente. Il est situé à une quarantaine de kilomètres de Rome. Les 140 juvénistes de ces deux maisons m'ont impressionné favorablement, et leurs maîtres m'ont paru tout dévoués à leur tâche extrêmement délicate. Je me plais à les en féliciter, car le dévouement n'est nulle part plus nécessaire que dans les maisons de formation où le travail des maîtres, bien que facilité par le bon esprit et la docilité des disciples, ne connaît pas de répit à longueur de journée, ni de vacances en cours d'année.

Les renseignements que j'ai recueillis sur les autres maisons seraient fort insuffisants si à Viterbe, à la fin de la retraite, un Frère de chaque communauté ne m'avait présenté un rapport que j'ai fort apprécié et qui a bien complété mes informations sur l'origine, l'organisation et l'état actuel de chacune des écoles.

Le Collège de Rome, fondé en 1886, fait état de sa qualité de doyen de nos établissements en Italie. de ses trente classes et de ses mille élèves. La communauté, étant la plus romaine, dit vouloir être également la plus mariste. C'est là une promesse que je loue et bénis de tout cœur.

Gênes (Istituto Champagnat), fondé en 1940, a inauguré, le 6 juin dernier, le buste en marbre du Vénérable Fondateur. Des démarches, qui semblent devoir aboutir, sont faites pour qu'une des rues attenantes au local prenne le nom de «. Via Champagnat ». On étudie des projets de construction pour répondre au nombre sans cesse croissant de demandes d'inscription de nouveaux élèves.

Gênes (San Giuseppe), fondé en 1900, parle de son local incommode qui, en 1940, porta les Supérieurs à chercher une meilleure situation. Saint Joseph, invoqué avec ferveur, aida visible-ment à la trouver dans ce qui est actuellement l'Institut Champagnat. Mais une fois l'acquisition faite, on préféra avoir deux écoles au lieu d'une, donnant plus de développement aux études dans la plus récente. Prenant en bonne part sa condition modeste en comparaison du bel avenir qu'envisage son Cadet, l' « Istituto San Giuseppe » dit « se réjouir comme se réjouit une mère en voyant croître ses enfants ».

Viterbe (Collegio Ragonesi), fondé en 1913, possède un beau local et une chapelle très recueillie et artistiquement décorée. Après une crise qui dura de 1932 à 1936 et que d'aucuns croyaient devoir être mortelle, le collège a connu des j ours prospères qui durent encore. Ceci permet d'espérer que l'on pourra bientôt, grâce à l'affluence d'élèves, ouvrir les trois dernières classes du « Liceo Scientifico ».

Giugliano a été fondé en 1931. Cette école abritait d'abord uniquement des orphelins. L'insuffisance des ressources de la fondation a rendu nécessaire, dans la suite, l'admission d'externes à taux réduit, Cette mesure n'a pas résolu complètement le problème économique, puisque ni la commune légataire de la fondation ni la Communauté ne sont à même de faire au local les réparations et les aménagements qui s'imposent. Dieu veuille qu'une solution soit trouvée, car il serait très regrettable de voir disparaître une œuvre si conforme à l'esprit du Vénérable Fondateur.

Piove di Sacco a ouvert ses portes en octobre 1950. C'est une école paroissiale située à une vingtaine de kilomètres de Padoue, dans une région particulièrement riche en vocations. Comme à Gênes, un buste du Vénérable Père Champagnat a été inauguré en juin dernier. Puisse l'école placée sous le patronage de la Vierge de Toutes Grâces, voir surgir parmi ses élèves de nombreux et excellents Petits Frères de Marie ! C'est là le plus précieux secours qu'elle puisse apporter à la Province.

On trouve dans la plupart de nos écoles d'Italie les œuvres suivantes :

L'Action Catholique, dont les membres sont organisés en trois groupes : jeunes aspirants, aspirants et membres effectifs.

La Société de Saint-Vincent-de-Paul, qui fournit à tous les élèves l'occasion de venir en aide aux besoins matériels des enfants pauvres, et permet aux plus grands de connaître la misère des déshérités et de mieux comprendre leur mentalité et leurs réactions en face des injustices sociales.

Les fêtes de Noël et de Pâques sont marquées par la distribution aux pauvres, d'habits, de denrées alimentaires et d'argent fournis par les élèves.

Des groupes de catéchistes volontaires, animés d'un zèle ardent et d'un grand esprit de sacrifice. vont les dimanches et jours de fête aux quartiers les plus pauvres pour instruire les enfants des vérités de la religion et les préparer à la première communion.

Les Explorateurs ou Boy Scouts existent depuis de longues années dans nos écoles d'Italie. Il y a des hauts et des bas dans l'enthousiasme des élèves pour ce mouvement, disent les rapports dont j'ai parlé. L'intervention de nos Frères, là comme partout où il y a des Boy Scouts, doit être bien réglée par les Supérieurs. Aucun Frère ne doit être autorisé à aller seul dans les sorties du groupement. En maints endroits, on a à se féliciter de pouvoir compter sur des civils spécialises. parfois des anciens élèves, que les Frères se bornent à seconder sans participer aux campements.

Les anciens élèves n'ont pas été négligés dans cette Province. Il existe une association dans chaque école. Ces associations sont groupées en une fédération bien vivante. Elle tient annuellement son congrès tantôt dans une école et tantôt dans une autre. L'attachement de ses membres à leurs anciens maîtres est remarquable. Ils ont exprimé maintes fois le vœu de voir se former une confédération de nos amicales du monde entier. Tout effort dans ce sens est à encourager.

Je souhaite vivement que nos Frères d'Italie et du monde entier, animés d'un ardent désir d gagner les âmes au Christ, acheminent tous leurs élèves vers la communion fréquente. Que toutes les organisations déjà existantes donnent une particulière importance à ce point essentiel, et que d'autres associations s'établissent qui aient pour but tout spécial la réception fervente et quotidienne, ou tout au moins hebdomadaire, de Notre-Seigneur dans la Sainte Eucharistie. Il semble que c'est une des principales leçons qui se dégagent de la récente glorification du Bienheureux Pie X, le Pape de la communion précoce et fréquente. Cette glorification donne une grande actualité aux paroles prophétiques par lesquelles ce saint Pontife conviait les tout-petits à s'approcher du banquet eucharistique : Il y aura des saints parmi les enfants. »

Depuis deux ans, la Province d'Italie possède sur les pentes des Alpes, à Entracque, une maison de vacances. Des Frères, des Scolastiques et des Juvénistes y passent successivement quelques jours en juillet et août. Le reste du temps, un mois environ, on y réunit des élèves de nos écoles de Rome et de Gênes. J'ai visité cette colonie elle était bien encadrée par un nombre suffisant de Frères. Ce point est essentiel, non seulement pour assurer la surveillance, mais encore pour qu'un roulement soit établi qui laisse, à tous, le temps de vaquer à leurs exercices de piété et de faire l'étude religieuse.

Puisqu'on ne peut pas toujours se soustraire à la direction de ces colonies qui se généralisent de plus en plus, dia moins doit-on tenir fermement à ce que la vie spirituelle des enfants et des maîtres soit parfaitement assurée.

La Province d'Italie est relativement jeune. elle n'a pu avoir jusqu'ici un personnel suffisant. Loin de se décourager, elle s'impose de grands sacrifices pour résoudre ce problème étroitement lié à celui des études supérieures dont le besoin se fait de plus en plus sentir. Ces efforts ne seront pas vains si chacun, travaillant de son mieux à accroître sa vie intérieure, oriente son action. apostolique de façon à attirer des recrues de plus en plus nombreuses à notre Institut, pour la plus grande gloire de Dieu et l'honneur de la Très Sainte Vierge Marie.  

Documents de Rome

 DÉCRET

DE LA SACRÉE CONGRÉGATION DU CONCILE

Du négoce et du commerce interdits aux clercs

et aux religieux

Il résulte de plusieurs documents qu'en tout temps il a été interdit, sous des peines graves et des censures, aux clercs appelés au service de Dieu. de s'adonner aux affaires temporelles.

En effet, déjà l'Apôtre lui-même, dans la deuxième épître, avertissait Timothée : « Aucun soldat de Dieu ne se mêle plus des affaires séculières. Rien d'étonnant que le Concile de Trente, s'occupant de ce délits, n'ait pas hésité à décréter : « Que tout ce qui a été décidé souvent et opportunément par les Souverains Pontifes et les Conciles, au sujet de l'interdiction du commerce aux clercs, soit désormais sanctionné des mêmes peines ou de peines plus graves, à imposer au jugement de l'Ordinaire. »

C'est pourquoi, adhérant complètement à cette doctrine, le Code de Droit Canonique établit dans le canon 142, relativement à la chose dont il s'agit : « Il est interdit aux clercs d'exercer par eux-mêmes ou par d'autres le négoce ou le commerce, soit dans leur propre utilité, soit dans celle d'autrui. » D'autre part, selon le canon 592, cette interdiction affecte également les religieux. De plus, le même Code garantit, cette prescription par les sanctions particulières du canon 2380 en ajoutant : «Les clercs ou les religieux qui exercent le commerce ou le négoce, par eux ou par d'autres, contrairement au canon 142, doivent être frappés par leur Ordinaire de peines proportionnées à la gravité de leur faute. »

Afin de rendre la discipline ecclésiastique en la matière plus ferme et plus uniforme, et de prévenir les abus, Notre Saint-Père le Pape Pie XII a daigné statuer ce qui suit :

Tous les clercs et religieux de rite latin envisagés dans les canons 487 à 681, sans en excepter même les membres des récents Instituts séculiers, qui par eux-mêmes ou par personne interposée, exercent un commerce ou un négoce de quelque espèce que ce soit, ou des opérations boursières, soit pour leur propre utilité, soit pour l'utilité d'autrui, contrairement aux prescriptions du canon 142, encourent, en tant que coupables de ce délit, l'excommunication latæ sententiæ réservée spécialement au Siège Apostolique. Que même, le cas échéant, leur soit appliquée la peine de la dégradation.

Quant aux Supérieurs qui, étant donné leur charge et leur pouvoir, ne se sont pas opposés à ces délits, ils doivent être destitués de leur office et déclarés inhabiles à toute fonction gouverne-mentale ou administrative.

Enfin tous ceux à la mauvaise foi ou à la faute de qui doivent être attribuées des injustices, ont l'impérieuse obligation de réparer les dommages causés.

Nonobstant toutes choses contraires.

Donné à Rome, le 22 mars de l'année 1950.

                         Joseph Card. BRUNO.

              Préfet.

F. ROBERTI.

  Secrét

 DÉCRET

 AU SUJET DES PRESCRIPTIONS DES CANONS

534, 1, ET 1532,1, N° 2, DU CODE DE DROIT CANON. 

Les changements de la valeur de l'argent et les fluctuations de la monnaie ayant fait naître, en divers endroits, des difficultés spéciales au sujet de l'application des prescriptions des canons 534, 1 et 1532, § 1 n° 2 du Code de Droit Canon, on a demandé au Saint-Siège de donner une règle de conduite appropriée.

C'est pourquoi Notre Saint-Père le Pape Pie XII, toutes choses étant bien pesées, a décidé, par le décret de la Sacrée Congrégation Consistoriale, que, tant que dureront les circonstances présentes, et ad nutum S. Sedis, on devra recourir au Siège Apostolique chaque fois qu'il s'agira d'une somme qui dépasse 10.000 francs ou lires or.

Fait à Rome, au palais de la Sacrée Congrégation Consistoriale, le 13 juillet 1951.

Fr. A. J. cardinal PIAZZA,

évêque de Sabine et Poggio Mirieto, secrétaire,

J. FERRETTO, assesseur

Erection de la Province

de Santa Catarina (Brésil)

                      TRÈS SAINT-PÈRE,

Le Frère Supérieur Général de l'Institut des Petits Frères de Marie et les Membres de son Conseil, prosternés aux pieds de Votre Sainteté exposent ce qui suit.

Notre Province du Brésil Méridional a commémoré, en 1950, le cinquantenaire de sa fondation et, à l'occasion de ces solennités, on a pu constater le développement vraiment providentiel des œuvres des Petits Frères de Marie dans cette région. En effet, la dernière statistique accuse 568 sujets en formation, 516 religieux formés dirigeant 37 écoles fréquentées par 18.244 élèves.

Après une sérieuse étude de cette situation, le Conseil Général a jugé qu'une division de la province faciliterait la direction des religieux et des œuvres.

Il propose donc que les diocèses de Porto Alegre, de Pelotas, Caxias et Vacaria, c'est-à-dire la partie orientale de l'Etat de Rio Grande do Sul forment une province dont la maison provinciale est actuellement à Porto Alegre. Une deuxième province comprendrait le reste de l'Etat de Rio Grande, plus le Ginasio Sâo Pedro de Porto Alegre, tout l'État de Santa Catarina et l'Internat Paranaense, à Curitiba (État de Pavana).

Elle porterait le nom de Province de Santa Catarina et aurait la maison provinciale à Passo Fundo. Le noviciat restant provisoirement pour les deux provinces à Veranopolis.

Le Frère Supérieur Général et les Membres de son Conseil, soumettant humblement ce projet à Votre Sainteté, la supplient de daigner accorder, pour sa réalisation, l'indult requis par les prescriptions canoniques.

Et que Dieu…

 En vertu des pouvoirs concédés par Notre Saint-Père, la Sacrée Congrégation préposée aux Affaires des Ordres religieux, vu les faits exposés, a bénignement accordé la faveur demandée, pourvu que soient observées les prescriptions de droit.

Nonobstant toutes choses contraires.

 Donné à Rome, le 2 octobre 1951.

Jo Bapt. SCAPINELLI, Subs

Élections de Frères Provinciaux

 Le Conseil Général a réélu, pour une seconde période triennale :

Dans la séance du 7 juillet 1931, le C. F. JOSEPH-AZARIAS, Provincial d'Iberville et, dans celle du 7 octobre, le C. F. THOMAS-AUSTIN, Provincial des États-Unis.

Dans la séance du 16 novembre 1951 ont été élus, pour une première période triennale : Le C. F. PAUL-NORBERT, Provincial du Brésil Méridional, à la place du C. F. VENDELINO, arrivé au terme de son mandat, et le C. F. JANUARIO, Provincial de Santa Catarina. 

 

LISTE DES FRÈRES dont nous avons appris le Décès

depuis la Circulaire du 24 Mai 1951.

 

  Noms des Défunts                                     Lieux des Décès                      Dates des Décès

 

– Yumvihose Emmanuel Juvéniste            Buta (Congo belge)                        29 avril 1951

F. Hilaryi                          Stable                 Dumfries (Écosse)                         12 mai       »

– Zudaire Elias                Postulant             Avellanas (Espagne)                      17  »          »

F. Ambroise-Léon          Stable                 Porto Alegre (Brésil)                      20  »          »

F. Sylvien                         »                          Mont-Saint-Guibert (Belgique)      27  »          »

F. Charles-Félix              Profès perp.       Iberville (Canada)                           27  »          »

F. Pétrus-Armand           Stable                 Saint-Genis-Laval (France)           28  »          »

F. Marcellien-Louis         »                          Poughkeepsie (États-Unis)           28  »          »

F. Marie-Dieudonné t.    »                          Anvers (Belgique)                           2 juin         »

F. Marie-Désiré              »                          N.-D. de l'Hermitage (France)       8    »          »

F. Adolphus                     »                          St-Paul-Trois-Châteaux (France)15  »          »

F. Eduardo Miguel          Profès perp.       Libéria (Afrique Occidentale)        22  »          »

F. Eliseus                        »                          Hetland (Écosse)                            25  »          »

F. Philomène-Joseph     Stable                 Poughkeepsie (États-Fuis)           5 juillet       »

F. Gabriel Edward          »                          Glasgow (Écosse)                          25  »          »

F. Joseph-Athanasius    »                          Poughkeepsie (États-Unis)           27  »          »

F. Gaspar Dositeo         Profès perp.       Blancotte (France)                          30  »          »

F. Marie-Donat               »                          Mont-Saint-Guibert (Belgique)      31  »          »

F. André-Misaël              Stable                 Aubenas (France)                          16 août      »

F. Columba                     »                          Port Elizabeth (Afrique du Sud)    22  »          »

F. Gervasio Edgar          Profès perp.       Porto Alegre (Brésil)                      29  »          »

F. Marie-Théodose        »                          Saint-Genis-Laval(France)            7 sept.       »

F. Timothy                        »                          Glasgow (Écosse)                          15  »          »

F. Hermesindo                »                          Palencia (Espagne)                       23  »          »

F. Colman Patrick          Stable                 Auckland (Nouvelle-Zélande)        29  »          »

F. Marie-Félix                  Profès perp.       Lyon (France)                                  2 oct.          »

F. Louis-Cyrille                »                          Le Cheylard (France)                     4    »          »

F. Arthur Mary                 Stable                 Westmead (Australie)                    12  »          »

F. Zénaïs-Marie              »                          N.-D. de l'Hermitage (France)       20  »          »

F. Paul-Xavier                 »                          Arlanc (France)                               1    »          »

F. Octavia                        »                          Cali (Colombie)                              3    »          »

F. Michel                          »                          Beaucamps (France)                     9    »          »

F. Jean-Évangélin          »                          St-Paul-Trois-Châteaux (France)14 »          »

 

La présente circulaire sera lue en communauté à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle.

Recevez, mes bien Chers Frères, la nouvelle assurance du religieux attachement avec lequel je suis, en J.M.J. ;

Votre très humble et tout dévoué serviteur.

     Frère LEONIDA  Supérieur Général.

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