Circulaires 335

LĂ©onida

1952-12-08

Souhaits, 81. - Nous sommes des religieux, des Petits Frères de Marie, 84. - Esprit religieux, 88. - Esprit mariste, 91. - Où en est la Congrégation par rapport à son double esprit, 95. - Nous prémunir contre l'esprit du monde, 100. - Sources de l'esprit religieux et mariste, 113. - Faveurs attribuées au Vénérable Père Champagnat, 122. - Visite de la Province de Varennes-Orient (Secteur français), 129. - Visite canonique des Provinces de l'Argentine, du Chili, du Pérou et du District de l'Uruguay, 137. - Congrès Eucharistique de Barcelone, 149. - Elections de Frères Provinciaux, 165. - Statistiques, 165. - Liste des défunts, 167.

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V. J. M. J.

 Saint-Genis-Laval, le 8 décembre 1952.

        Fête de l'Immaculée Conception.

                       MES BIEN CHERS FRÈRES,

Les souhaits que je forme pour vous, à l'approche de la nouvelle année, s'étendent à tous vos besoins spirituels et temporels. Mais je demande par-dessus tout à Notre-Seigneur par l'intercession de sa Sainte Mère, de saint Joseph et du Vénérable Père Champagnat, de vous accorder le bonheur sans égal qui résulte de la paix de l'âme.

Le monde, avec ses richesses et ses plaisirs, ne saurait donner cette paix qui surpasse tout sentiment. Pour en jouir plus sûrement, efforçons-nous de réaliser les conditions du message que les anges nous ont apporté la nuit de Noël : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. »

Hommes de bonne volonté, nous le sommes tous, sans doute, malgré nos défaillances, mais sommes-nous préoccupés à un degré suffisant de glorifier Dieu ? cherchons-nous, avant tout, le royaume de Dieu et sa justice ?

Chaque fois que la poursuite de fins égoïstes nous écarte de ce bel idéal, nos actes sont viciés dès lors, quoi d'étonnant si au lieu de nous procurer le bonheur tant souhaité ils nous occasionnent des regrets et des remords Comme les hébreux, dont Yahweh se plaignait, « en négligeant de glorifier Dieu, nous abandonnons la source des eaux vives pour nous creuser des citernes, mais des citernes crevassées qui ne retiennent plus l'eau ». (Jérémie, 11, 13)

C'est que Dieu a juré que personne ne lui ravirait sa gloire. Lucifer, au ciel, Adam, au Paradis terrestre, et avec eux les pécheurs de tous les temps s'y sont essayés en vain et toujours pour leur malheur.

Pour procurer cette gloire à son Père, d'une façon parfaite, Notre-Seigneur s'est fait homme, a souffert, s est immolé sur le Calvaire et s'immole mystérieusement encore tous les jours sur des milliers d'autels. Notre qualité de Membres do Corps Mystique nous donné le pouvoir de rendre avec lui à Dieu la louange filiale que nous lui devons.

Ainsi l'ont fait tous les saints : quelle qu'aura été leur vocation, ils ont compris que leur vie n'avait de sens qu'autant qu'elle glorifiait Dieu en reproduisant ses perfections et en se sacrifiant pour hâter l'avènement de son règne.

Nos Constitutions signalent, en divers articles, notre obligation de chercher la gloire de Dieu : « C'est le but principal des Petits Frères de Marie. » (Art. 1. )

Nous émettons le vœu de Stabilité «pour procurer à Dieu une plus grande gloire » (Art. 63).

« Le Frère Supérieur Général, en exigeant l'observance des Constitutions, doit avoir en vue le bien des membres de l'Institut et la prospérité de celui-ci pour la gloire de Dieu » (Art. 1..44).

C'est pour « procurer la plus grande gloire de Dieu que nous pouvons diriger des pensionnats, des orphelinats et des œuvres de persévérance » (Art. 194).

« Les maisons sont acceptées si le Conseil Général les juge avantageuses à la gloire de Dieu » (Art. 195).

Je pourrais citer encore des articles des Règles Communes qui s'inspirent de cette même préoccupation. Dans l'énumération des qualités que, d'après les Règles du Gouvernement, les Supérieurs doivent avoir, on est frappé de l'insistance avec laquelle il leur est demandé de se proposer en tout, la plus grande gloire de Dieu.

Que cette insistance trouve un écho favorable dans nos cœurs ! Pour cela, soyons des religieux fervents car, au dire de saint François de Sales, une âme fervente rend plus de gloire à Dieu que dix mille chrétiens négligents et tièdes.» Comme le Père Léonce de Grandmaison, demandons à la Sainte Vierge : « un cœur tourmenté de la gloire de Jésus-Christ, blessé de son amour et dont la plaie ne guérisse qu'au ciel. » Remplissons, avec toute la perfection possible, les devoirs, de notre vocation, en particulier ceux que va nous rappeler la présente circulaire dont le titre renferme à lui seul un très vaste programme. 

Nous sommes des religieux,

des Petits Frères de Marie.

 On ne peut résoudre un problème quelconque sans en connaître les données essentielles. L'élève qui commence un devoir de mathématiques, sans cette condition élémentaire, raisonne à vide et perd son temps. L'architecte et le chef militaire risquent un échec si quelque donnée importante, relative à l'édifice à construire ou à l'ennemi à vaincre, leur échappe.

Considérant le problème de notre salut, l'édifice de notre perfection et les combats qu'exige la vertu, nous pouvons affirmer que nos efforts ne seront pas efficaces si nous perdons de vue que : Nous sommes des religieux, des Petits Frères de Marie.

Il est avantageux, parfois indispensable, de nous rappeler cette donnée fondamentale. Lorsque le devoir se présente plus austère et plus pénible, lorsque nous sentons la tiédeur nous envahir et, avec elle, la tentation du laisser-aller au service de Dieu, lorsque la vue de la liberté et du bonheur plus ou moins réels des séculiers tendent à diminuer en nous l'amour de notre saint état, redisons-nous : je suis religieux, je suis Petit Frère de Marie. Si nous réfléchissons à la signification de ces deux titres, nous nous sentirons excités à mieux servir Dieu comme saint Bernard lorsqu'il se demandait pourquoi il était entré au couvent.

Dieu ne fait rien en vain, tout être créé l'est pour une fin. Dans l'ordre matériel et biologique cette fin divine se réalise fatalement, tandis que pour l'homme elle requiert le concours de la raison et de la liberté, car Dieu l'ayant créé par amour, l'invite à coopérer à la réalisation du plan providentiel dont les conditions varient pour chaque individu. C'est la volonté de Dieu que le dessein éternel, conçu pour chacun de nous, trouve dans la vie religieuse le milieu favorable à son épanouissement. C'est notre appel à un 'service spécial de notre Créateur et Maître absolu.

Cette vocation nous fait membres d'une Congrégation ayant son but, son organisation, son esprit, qui nous distinguent des gens du monde et, même, sous certains aspects, des autres religieux.

Notre but est double : nous nous sommes faits religieux dans l'Institut des Petits Frères de Marie pour travailler à la gloire de Dieu par notre sanctification et celle du prochain. Notre vie sera une réussite dans la mesure où nous atteindrons cette fin. Pour nous y aider, nous comptons sur la grâce divine qui, dans la vie religieuse, nous est donnée avec une singulière libéralité. Efforçons-nous donc de parvenir au plus haut degré possible de sainteté. Tout le reste : succès ou insuccès, santé ou maladie, joies ou peines, doit nous paraître secondaire et seulement en fonction de notre destinée éternelle.

D'autre part, notre salut étant lié à celui des âmes dont nous avons la charge, nous devons tout faire pour assurer leur persévérance dans les pratiques chrétiennes et pour les aider à parvenir au salut. Une vie religieuse qui ne poursuivrait pas sans cesse et avec ardeur un idéal élevé de sainteté personnelle et d'apostolat serait illogique, car pourquoi embrasser un état de perfection si l'on n'est pas résolu à accomplir les œuvres qu'il comporte ? Pourquoi se priver des plaisirs légitimes de la vie séculière si, par le manque de ferveur, on perd les mérites et les joies intimes assurées au religieux fidèle ? Il avait raison le philosophe grec qui offrant en vente la sagesse se bornait à donner cette recette : « Ne perdez jamais de vue votre idéal ». Ne perdons jamais de vue le nôtre, celui de notre vocation.

C'est afin d'atteindre plus sûrement le but de leur vocation que les religieux se groupent et s'organisent. Cette organisation, approuvée par i'Eglise s'appuie sur un ensemble de prescriptions et de règlements contenus surtout dans le Droit Canonique et les Constitutions : Elle assure l'ordre et crée une atmosphère favorable au travail spirituel et moral en même temps qu'elle fournit les moyens de s'y livrer avec plus de facilité et de profit. C'est l'organisation qui attire tout d'abord les regards du public et fait juger des communautés et de leurs membres. Mais, malgré ce rôle important, elle ne peut suffire à nous faire atteindre le but de notre vocation. Elle se borné à nous fournir des moyens extérieurs pour y parvenir ; ceux-ci ne sont efficaces que s'ils s'accompagnent de mobiles internes. Sans cette vie intérieure, l'organisation la mieux conçue, avec ses règlements et ses observances n'est qu'un corps sans âme, incapable de promouvoir une activité méritoire, une plante privée de sève et, partant, impuissante à porter des fruits.

Si ceux qui admirent l'organisation d'une famille religieuse voient que ce n'est qu'une simple façade, sains vertus solides, ils en éprouvent une grande déception et taxent d'hypocrisie les apparences qui ont suggéré d'abord un jugement favorable.

Le principe vital d'une Congrégation, sa meilleure richesse, est son esprit. Ce mot, que nous opposons en général à celui de matière, exprime la quintessence, les qualités fondamentales d'une chose. Ainsi, l'esprit d'une époque, d'une civilisation est constitué par les idées maîtresses qui leur donnent leur physionomie propre. Par similitude, l'esprit religieux consiste dans l'ensemble des sentiments, des idées, des qualités qui représentent la caractéristique, la manière d'être, la mentalité des personnes consacrées à Dieu. Cet esprit est un lien qui unit tous les membres d'une Congrégation et fait régner parmi eux la charité. De plus, par lui, ils se distinguent d'autres groupes de personnes, de même que les militaires, les commerçants, les médecins, etc., par l'esprit qui leur est propre, se distinguent des membres d'autres professions.

Outre l'esprit commun à tous les religieux, il existe des traits caractéristiques de chaque Congrégation. Pour nous, c'est l'esprit mariste L'un n'exclut pas l'autre, ils sont complémentaires ; l'esprit mariste présuppose l'esprit religieux, comme les vertus spécifiquement religieuses se greffent sur les vertus chrétiennes.

Nous essaierons de nuancer l'esprit religieux et l'esprit mariste et d'indiquer les moyens de les conserver ou de les développer parmi nous. 

Esprit religieux

Bourdaloue le définit ainsi : « Une sincère estime de sa vocation et une disposition intérieure et habituelle à remplir toute la mesure de perfection où l'on se sent appelé en qualité de religieux : si bien que cette perfection religieuse, qu'on sait être de la volonté de Dieu, soit la fin prochaine et immédiate de toutes nos intentions, de toutes nos affections, de toutes nos actions. »

« On se consacre à Dieu pour Lui, dit le chanoine Leclercq. Il est fin dernière. Le but que l'on poursuit est de vivre en Lui, et donc de s'imprégner de son Esprit. Comme l'Esprit de Dieu est un esprit d'Amour, s'imprégner de son Esprit c'est s'imprégner de son Amour, aimer comme Lui, aimer avec Lui ce qu'Il aime, ce qui amène à partager son souci rédempteur. Tout le problème de la vie religieuse revient donc à celui d'une véritable Charité, authentiquement chrétienne, qui unifie l'Amour de Dieu et l'Amour du prochain » (La vocation religieuse, p. 220).

C'est à Notre-Seigneur que nous devons demander de nous enseigner et de nous communiquer cet esprit qui vivifie, car, comme dit saint Matthieu, tout chrétien doit reconnaître un seul Maître, le Christ (XXIII, 8) et vivre de sa vie. Nul ne sera sauvé s'il n'est trouvé conforme à ce divin modèle. Néanmoins, tous les hommes ne sont pas appelés à imiter Jésus-Christ au même degré, à le reproduire avec la même perfection. Ainsi, les religieux, qu'ils appartiennent à une Congrégation de vie active, ou contemplative, ou mixte, sont destinés, dans le plan divin à une union plus profonde et plus intense avec Notre-Seigneur, à laquelle ils parviennent en, le suivant pas à pas, en faisant resplendir sa sainteté dans leur conduite.

Quoique Notre-Seigneur soit le parfait modèle de toutes les vertus, il en est trois qui brillent en Lui d'un éclat tout particulier, ce sont la pauvreté, la chasteté et l'obéissance. C'est pourquoi ces vertus constituent les fondements de l'état religieux, les traits auxquels on reconnaîtra ceux qui ont vraiment renoncé au monde.

Le simple fidèle est libre d'acquérir des biens et d'en user selon ses désirs légitimes, mais nous, religieux, nous devons nous dépouiller et revêtir les insignes de la pauvreté de Jésus-Christ.

Le simple fidèle peut se procurer les plaisirs permis par la loi divine. Nous, religieux, nous devons renoncer à des jouissances permises, embrasser la mortification, rester chastes à l'exemple de Jésus, l'homme de douleur.

Le simple fidèle peut, dans les limites de la loi divine, suivre librement sa propre volonté. Nous, religieux, nous devons y renoncer pour obéir à la volonté de nos Supérieurs et vivre dans une continuelle dépendance, reproduisant la parfaite soumission de Notre-Seigneur qui fut obéissant jusqu'à la mort de la croix.

C'est, en effet, au religieux surtout que s'adresse Notre-Seigneur quand Il dit : «Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux ; puis, viens, et suis-moi » (Matt. XIX, 21). Et encore : « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renonce lui-même, qu'il prenne sa croix chaque jour et me suive » (Luc, IX, 2.3).

Pour nous prémunir contre notre inconstance et notre fragilité dans la pratique des vertus essentielles de l'état religieux, nous émettons les vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. Ils sont l'oblation définitive, totale et officielle de tout ce que nous avons, de tout ce que nous sommes, et de tout ce que nous faisons. Par eux nous nous enrôlons à la suite de Marie, des Apôtres et d'une multitude d'âmes saintes de tous les siècles chrétiens, sous l'étendard de Jésus-Christ qui, dès lors, nous considère comme siens pour le temps et pour l'éternité. Dieu le Père aime également d'un grand amour les religieux qui observent fidèlement leurs vœux, car il voit en eux l'image du Fils bien-aimé en qui il a mis toutes ses complaisances.

Les vœux non seulement servent de frein à la triple concupiscence et préservent de bien des fautes, mais ils nous fournissent l'occasion de pratiquer d'héroïques vertus et d'amasser d'inappréciables mérites. Leur influence s'étend sur toutes nos actions et sur notre vie entière ; bien observés, ils sont le chemin le plus sûr et le plus direct vers la perfection.

Pour affermir davantage notre volonté et assurer notre persévérance, dans notre Congrégation nous ajoutons aux trois vœux essentiels celui de stabilité : Par lui, nous ratifions les engagements de la profession perpétuelle et nous promettons plus spécialement d'y être fidèles, quoi qu'il en coûte, jusqu'à la mort.

Encourageons-nous à cette fidélité, par amour pour un Dieu qui nous a tant aimés. Nous ferons ainsi réparation pour les fautes que les hommes commettent par l'amour désordonné de l'argent, par la luxure sous toutes ses formes, par l'esprit de révolte et d'orgueil. Nous serons également aidés à cette fidélité par la pensée des récompenses promises à notre générosité : « Quiconque aura quitté maisons, ou frères, ou sœurs, ou père, ou mère, ou enfants, ou champs, à cause de mon nom, il recevra le centuple et aura la vie éternelle en possession » (Matt. XIX, 29). Mettons en parallèle ce que par les vœux nous sacrifions pour Notre-Seigneur et ce que nous en recevons, et nous constaterons avec saint Augustin que : « Pour un petit grain de sable il nous donne le ciel », qu'avec rien nous acquérons tout. Aux heures de torpeur spirituelle ou de calculs égoïstes, cette comparaison nous sera particulièrement utile pour réveiller notre ferveur en nous rappelant que nous avons choisi la meilleure part. 

Esprit Mariste.

Toutes les familles religieuses se proposent donc de conduire leurs membres au maximum d'union à Dieu et de leur faire imiter, aussi parfaitement que possible, Notre-Seigneur. Mais la vie de Jésus-Christ, dans sa divine perfection, présente une richesse inépuisable d'aspects, si bien qu'en l'imitant on peut établir des formes de vie fort nuancées, comme avec les mêmes matériaux on peut construire des édifices très beaux mais nullement identiques. Ces genres de vie représentent l'admirable variété des Congrégations existantes qui, se ressemblant pour l'essentiel, se distinguent par des traits spécifiques. Ainsi, il en est qui font briller davantage les austérités de Jésus Crucifié ; d'autres tâchent d'exceller surtout par leur zèle dans la prédication, par leur amour pour les pauvres ou pour les enfants, etc.

Grâce à ces Congrégations, le divin Sauveur est vivant dans l'Église. Des aspects de sa sainteté infinie qui eussent passé inaperçus si son Corps Mystique n'eût compté que de simples fidèles sont manifestés par la riche variété des familles religieuses. Quoique nous disions : l'Évangile selon saint Matthieu, selon saint Luc, selon saint Marc, selon saint Jean, c'est toujours en chacun d'eux la vie du divin Sauveur qui nous est présentée avec quelques variantes. Pareillement, c'est le même modèle, Notre-Seigneur Jésus-Christ que, sous l'inspiration du Saint-Esprit, tous les Fondateurs ont proposé à leurs disciples. On pourrait dire que l'unique différence qui existe entre eux, c'est qu'ayant eu des vertus du divin Maître une vision personnelle et distincte, ils ont indiqué à ;leurs disciples les moyens particuliers de les reproduire en eux. C'est ainsi que le Vénérable Père Champagnat a signalé à ses enfants la voie de l'humilité, de la simplicité et de la modestie, proposant à notre imitation la Très Sainte Vierge, la plus parfaite copie de Notre-Seigneur, et voulant que nos communautés reproduisent, de leur mieux, la vie de la Sainte Famille à Nazareth.

Ainsi, tout en nous doit être marqué du sceau de l'humilité. Sans humilité les autres vertus sont, au dire de saint François de Sales, de la poussière que, dans nos mains, nous portons au vent. vouloir élever l'édifice de la perfection sur un autre fondement que celui de l'humilité équivaudrait à prétendre bâtir du solide sur le sable mouvant.

Sous l'influence de cette vertu notre langage, notre tenue, tout notre comportement doivent nous faire reconnaître comme maristes. Le nom de Petits Frères de Marie, que nous a donné expressément le Vénérable Père Fondateur et qui est inscrit à la première ligne de nos Constitutions, respire cet esprit. N'en ayons pas honte si l'on nous désigne ainsi ; petits par le nom, soyons grands par la vertu. Notre Mère du Ciel s'est montrée tellement humble en toutes choses que nous ne pourrions nous dire légitimement ses enfants si nous ne combattions pas l'orgueil, la présomption, la vanité ; si nous ne savions reconnaître notre ignorance, notre fragilité et nos fautes pour n'attribuer qu'à l'infinie bonté de Dieu ce qui en nous a quelque valeur.

Soyons humbles dans nos pensées, nos paroles et notre conduite. Soyons-le devant Dieu à qui nous devons tout et sans qui nous ne pouvons rien ; devant les Supérieurs par une docilité parfaite, un respect sincère, évitant de nous ériger en juges ou censeurs de leurs actes ; avec les confrères, n'en méprisant aucun et nous estimant le moindre d'entre eux aux yeux de Dieu qui lit dans les cœurs. Soyons également humbles avec les élèves, évitant toute hauteur dans les paroles et les procédés. Autant qu'il dépend de nous, maintenons la Congrégation dans ce même esprit d'humilité afin qu'elle serve Notre-Seigneur avec la préoccupation de faire le bien et non de se faire valoir. Pour elle, comme pour nous, sachons redire, quand les hommes nous approuvent : « Non pas à nous, Seigneur ! non pas à nous, mais à ton nom donne la gloire » (Ps. 113).

Exerçons-nous à la simplicité qui convient à notre état. Elle porte à éviter la recherche, le luxe, l'ostentation dans le logement, l'habillement, le langage, etc. Elle nous fait fuir les applaudissements des hommes parce qu'elle y voit un danger. Elle donne de l'aisance à la tenue, aux attitudes, aux rapports et même à la piété. Elle fait éviter les détours, la dissimulation, l'affectation, l'hypocrisie, la duplicité, les ruses. Notre-Seigneur prêche cette vertu lorsqu'il dit : « Que votre parole soit : oui, oui, non, non. Ce qui est en plus de cela, vient du Malin » (Matt. V, 37). Il fait l'éloge de Nathanaël parce qu'il n'y a en lui, ni feinte, ni mensonge. Il veut que nous devenions comme des enfants, qui sont le prototype de la simplicité. Il pardonne au pécheur qui reconnaît sa faute, mais il fustige sans aucun ménagement les hypocrites qu'il appelle des sépulcres blanchis. Ayons donc une conduite toute de droiture, sans déguisement. Ne nous bornons pas à sauver les apparences. Le cœur de Dieu est incliné vers ceux qui marchent dans la simplicité, dit le Livre des Proverbes (XI, 29). Cette vertu fait le charme de la vie de communauté ainsi que le bonheur de ceux qui la possèdent.

Pratiquons la modestie. Modestie dans le maintien du corps et la garde des sens, par respect pour Dieu et pour les saints Anges qui nous voient ; pour édifier le prochain et pour honorer notre vocation et notre habit. Nous ne saurions en douter, mes bien chers Frères, le meilleur ornement des personnes consacrées à Dieu, c'est la modestie. Rien n'est plus apte à attirer respect et à donner de l'ascendant sur les cœurs. Un religieux recueilli, modeste, ramène au devoir une âme dissipée, car il lui reproche tacitement sa légèreté. La gravité, la douceur, la piété que reflète son visage font deviner la sérénité qui règne dans son âme. Au contraire, quand un religieux manifeste de la vanité dans la mise ou la tenue, il laisse l'impression qu'il ne s'est, pas encore donné entièrement à Dieu.

Appliquons-nous tout spécialement la modestie de l'esprit et de la volonté. La première nous fera fuir la curiosité puérile et nous fera combattre la présomption. La seconde nous donnera la fermeté nécessaire pour nous soustraire aux fluctuations du milieu où nous vivons, en même temps qu'elle nous fera condescendre aux idées et aux projets du prochain quand un plus grand bien l'exigera. Que notre modestie reproduise aussi parfaitement que possible celle de Notre-Seigneur décrite dans Isaïe : « Il ne criera pas, on n'entendra pas sa voix dans les rites… il ne sera ni mélancolique ni turbulent » (Is. XLII, 2). 

Où en est notre Congrégation sur le point qui nous occupe ?

 A-t-elle conservé fidèlement l'esprit religieux et, l'esprit mariste des origines ? Reconnaissons sincèrement que si, grâce à la protection de Notre-Seigneur et de la Sainte Vierge nous nous sommes maintenus sur les points essentiels, sur plusieurs autres il y a eu négligence et relâchement. On peut assigner une cause générale à cette diminution. Notre Congrégation, comme toutes les sociétés humaines et comme l'Église elle-même, en ce qu'elle a d'humain, est sujette à des crises analogues aux maladies et aux accidents pour les individus. C'est à ces crises que l'auteur de l'Imitation de Jésus-Christ fait allusion quand, après avoir parlé avec enthousiasme de la ferveur des religieux au commencement de leur institution, de leur ardeur à l'oraison, de leur émulation pour la vertu, de leur vigueur pour la discipline il constate avec regrets que ces temps sont malheureusement révolus (L. l, ch. XIX, 5-6).

Cette tendance des religieux à déchoir est un grand mal : c'est le sel qui s'affadit et parfois à un tel point qu'il n'est bon qu'à être jeté à terre et foulé aux pieds. C'est ainsi que des Ordres religieux, autrefois prospères, ont disparu et que d'autres n'ont survécu que par des réformes opportunes.

Comment s'explique la propension au relâchement ? Un auteur contemporain l'attribue « à l'entraînement qui, sauf en quelques cas exceptionnels, est toujours vers un genre de vie honnête sans doute, mais médiocre » (P. Petitot, Sainte Thérèse de Lisieux, p. 214).

Signalons, sans prétendre être complet, d'autres causes moins générales, quelques-unes inévitables, qui ont porté plus ou moins atteinte à l'esprit religieux parmi nous. 

a) La rapide extension de la Congrégation. De ce fait, nos Frères ont dû s'adapter à des conditions de vie et de milieu fort diverses. En général, ils ont tâché de ne pas s'écarter de nos règles et de nos traditions, mais parfois, ils ont adopté, sans motif suffisant, les habitudes de religieux arrivés avant nous dans le pays et dont les règles sont distinctes des nôtres. Obligés de protéger leur santé dans des climats malsains ou débilitants, les pionniers n'ont pas toujours su distinguer rte qu'exigeait la prudence et ce qui tendait à flatter la nature, etc.

Combien il est à souhaiter que partout les Frères que la confiance des Supérieurs place à la tête d'une œuvre nouvelle, l'établissent sur les bases d'une parfaite fidélité à notre esprit. Des générations de religieux leur seront redevables de leur ferveur.

 b) La persécution qui a sévi en divers pays a donné lieu à de magnifiques exemples d'attachement à la vocation. Mais il a fallu, pour un temps plus ou moins long, s'abstenir de porter l'habit religieux, user d'expédients pour déjouer les persécuteurs. Certaines tolérances ont été parfois accordées pour la pauvreté, la vie de communauté, les visites de famille, etc. Le danger passé, bien des confrères ont prouvé par leur conduite que l'habit séculier n'avait jamais cessé de cacher en eux une âme foncièrement religieuse. Aussi ont-ils été tout heureux le jour où ils ont pu renoncer à des exceptions qui n'avaient plus leur raison d'être. Mais, la fragilité humaine aidant, certains religieux ont gardé de l'épreuve, telle ou telle habitude qu'il est à souhaiter de voir disparaître complètement pour leur propre bien et pour celui de leurs jeunes confrères qui, en arrivant dans les communautés, ont particulièrement besoin de bons exemples.

 c) Le service militaire ou du travail obligatoire auquel en Europe, bon nombre de Frères ont été astreints, au cours de la dernière guerre. Le temps passé loin de leur famille religieuse a été démesurément long pour plusieurs d'entre eux, surtout pour les prisonniers. La plupart de ces religieux ont surmonté avec grande générosité, je dirai volontiers d'une façon héroïque, cette dure épreuve ils ont fait l'édification des confrères qui les ont vus reprendre avec empressement, aussitôt que possible, la vie de communauté mais faut-il s'étonner que leur séjour dans un milieu fort différent d'une maison religieuse ait rendu difficile dans la suite, pour un petit nombre, l'observation de quelques points de règle

 d) La grande protection dont nous avons joui de la part des autorités, en divers pays, ainsi que la parfaite déférence d'un public, foncièrement chrétien, quoique avantageuses sous bien des rapports, exposent parfois à trop se produire, à se mêler d'affaires étrangères à notre mission, même de politique, à vivre dans une trop grande sécurité et à ne plus se défendre suffisamment de la tendance naturelle au moindre effort. Ce dernier phénomène est semblable à celui que présentent les peuples, qui, vivant dans un climat constamment printanier et n'ayant à se défendre ni de la chaleur ni du froid, se laissent facilement envahir par la mollesse.

 e) Le progrès moderne. Nous pouvons, en bien des cas, en profiter sans aucun danger mais, parfois aussi, on est tenté de trop s'en servir pour s'affranchir de toute souffrance et pour satisfaire la sensualité, l'amour du luxe et du confort. De la sorte, si l'on n'y prend garde, au lieu d'imiter Notre-Seigneur et ses fidèles disciples, on adopte la mentalité et la conduite des mondains assoiffés de jouissances.

 f) Un personnel insuffisant a rendu difficile à des Frères dans certaines communautés l'assistance aux exercices de piété. Plusieurs ont dit combien en souffre leur vie religieuse. Cette situation a été parfois une conséquence des guerres ou des persécutions qui ont causé des vides ou ont entravé le recrutement. Elle est alors plus excusable que lorsqu'elle est due à des fondations faites sans compter sur les Frères voulus et en oubliant qu'il y a tout avantage à travailler en profondeur plutôt qu'en extension.

Les causes possibles de diminution d'esprit religieux parmi nous, que je viens d'énumérer, sont dues, soit à des circonstances anormales, soit au milieu dans lequel nous sommes obligés de vivre. Certaines de ces causes ont disparu mais pourront se présenter encore, d'autres existeront toujours. Le danger des unes et des autres réside moins en elles-mêmes qu'en notre négligence à combattre leur influence funeste. C'est pourquoi, si nous voulons travailler à une véritable rénovation, nous devrons commencer par nous-mêmes ; il nous faudra avant tout découvrir et, corriger ce qui en nous est en contradiction avec l'esprit de notre vocation.

Appliquons-nous tous résolument à ce travail ; il est urgent, car, si pour une Congrégation, comme pour chaque religieux, déchoir de la ferveur est un grand mal, le pire des maux est de ne pas réagir quand il en est encore temps. Les résultats que nous obtiendrons personnellement dans ce sens pourront paraître insignifiants, mais, pour minimes qu'ils soient ils contribueront au bien du corps entier comme la moindre pincée de sel jetée dans une masse d'eau en accroît la salinité. Ne pourrait-on pas appliquer à ce travail de réforme individuelle dans notre famille religieuse les remarques faites par des penseurs chrétiens sur la conversion du monde. « La grande œuvre, a écrit Antoine Martel, est de commencer la conversion du monde par celle de nous-mêmes » (cité dans Ma Foi dans ma vie, par Paul Holfer, p. 110). Et Daniel-Rops, reprenant une pensée d'Élisabeth Leseur, ajoute : « Toute âme qui monte vers Dieu, travaille à hausser le niveau du monde » (En marge de l'Imitation).

Parmi les moyens de réaliser cette rénovation nous nous bornerons à. parler des deux suivants : 1° Nous prémunir contre l'esprit du monde. 2° Mettre en valeur les sources d'esprit religieux et mariste dont nous disposons

I. Nous prémunir contre l'esprit du monde.

Le monde tel que nous l'entendons ici, est l'ensemble de ceux qui sont opposés à Jésus-Christ et sont les esclaves de la triple concupiscence. De cette définition il est aisé de conclure que l'esprit du monde est complètement opposé à l'esprit religieux. Ainsi :

A l'encontre de la pauvreté qui nous détache des biens d'ici-bas, l'esprit du monde est un esprit d'opulence, de confort, de cupidité, de convoitise et de lucre.

A l'opposé de la chasteté qui nous oblige à pratiquer l'austérité et à réagir contre l'attrait excessif des jouissances sensuelles, l'esprit du monde est un esprit de volupté, de luxure, de sensualisme, de joie frivole, de divertissements dangereux.

Contrairement à l'obéissance qui nous fait témoigner du respect et de la soumission à l'autorité légitime, l'esprit du monde est un esprit d'indépendance, d'insubordination, d'affranchissement de toute règle gênante, de rébellion plus ou moins ouverte contre toute autorité.

Loin d'estimer les vertus d'humilité, de simplicité et de modestie, qui doivent nous distinguer comme maristes, l'esprit du monde est un esprit d'ambition, d'orgueil, d'ostentation, de suffisance, de vaine gloire.

Dans l'impossibilité d'indiquer ici toutes les formes sous lesquelles peut pénétrer en nous et dans nos communautés cet esprit si pernicieux et si subtil, faisons uniquement quelques réflexions sur les suivantes : la presse, le cinéma, la radio, les exemples de confrères relâchés ou superficiels, les rapports avec les élèves, avec les séculiers et avec nos familles.

 La presse, même celle que l'on reçoit dans nos maisons, du moins dans certaines d'entre elles, n'est pas toujours ce que l'on souhaiterait pour des religieux. Il est, en effet, des journaux et des revues qui constituent un réel danger par leurs gravures, leurs annonces, la place faite aux modes, à la description de fêtes mondaines ou de crimes, par les jugements portés sur les sujets les plus divers et les plus graves, etc. Dans certains pays, il a fallu faire une obligation aux Frères Directeurs de ne mettre le journal en circulation qu'après avoir élagué les gravures peu convenables : journal excellent parfois sous d'autres aspects, mais trop préoccupé de satisfaire une clientèle insuffisamment exigeante au point de vue de la décence.

Qu'on ne reçoive dans nos communautés que des imprimés offrant toutes les garanties désirables. Il ne faut pas que l'introduction de ces imprimés, achetés, prêtés ou donnés, soit laissée à l'initiative de chacun. Un sérieux contrôle de la part du Frère Directeur est indispensable.

Cinéma. Ce point avant été traité récemment par le Bulletin de l'Institut, je me bornerai à dire que dans cette grave question il faut distinguer les divers aspects suivants :

Les films pédagogiques et documentaires sont un excellent, instrument d'étude et d'éducation, mais ils doivent être utilisés par des professeurs compétents, sous peine de devenir de simples passe-temps.

Les films projetés à l'occasion d'une fête à l'école doivent avoir un intérêt artistique et une valeur morale irréprochables. Il ne faut pas multiplier de telles séances. Pour le choix des films, s'en tenir aux cotations et directives des offices catholiques du cinéma mandatés par la hiérarchie. Si, dans un pays, de tels organismes n'existent pas, il est toujours très dangereux pour un Frère d'avoir à examiner plusieurs films, bons ou mauvais, pour en choisir un. D'autre part, au lieu d'établir, dans les pensionnats, des séances à date fixe, s'exposant ainsi à avoir parfois des films quelconques au point de vue moral, ne vaut-il pas mieux ne donner une séance que lorsqu'on dispose d'une bande offrant toutes garanties ? Si l'on manque de discernement c'est le monde avec ses mœurs et ses séductions qui, par le cinéma, exercera ses pernicieux effets sur les Frères et sur les élèves. Serait-ce raisonnable qu'après avoir abandonné le monde nous l'introduisions chez nous ?

Ceci n'empêche pas que le cinéma tenant une grande place dans la vie, notre éducation doive en tenir compte. C'est ainsi qu'il faut apprendre aux élèves à « lire » un film, c'est-à-dire à en pénétrer la signification, à en apprécier la valeur artistique et morale, comme on leur apprend à lire et à apprécier les œuvres littéraires. Il faut leur apprendre à choisir les films, et ils sont déjà nombreux, qui sont, porteurs de hautes valeurs humaines et religieuses. Il importe donc que les Frères aient une formation cinématographique. En maints endroits, à l'intention des prêtres et religieux sont organisées des sessions d'étude, des séances de films discutés, des bibliothèques d'information. Profitons-en le mieux possible.

Les règles données aux prêtres dans les diocèses, concernant l'assistance à des séances dans les salles publiques, sont évidemment valables pour les religieux. Ceux-ci doivent de plus, sous peine de grave désobéissance, se munir de l'autorisation de leur supérieur, dans le cas présent, du Frère Provincial qui ne l'accordera que d'une façon tout à fait exceptionnelle et .pour des motifs vraiment sérieux…

 La radio. Elle peut également rendre de réels services. On y entend la voix auguste de Notre Saint Père le Pape, ainsi que d'autres voix autorisées, on peut suivre des cérémonies, des conférences intéressantes et instructives, de même que des leçons de langues, etc. Quand il se produit des événements importants, les bulletins radio-diffusés, à l'heure des récréations, font perdre moins de temps que la lecture des journaux. Écouter le compte rendu des diverses phases d'un match est moins blâmable que l’assistance aux jeux publics. Mais, se borne-t-on toujours à cela ? Je crois pouvoir dire que l'engouement des premiers temps pour cette merveilleuse invention est passé, mais il suffit dans une communauté, d'un Frère qui s'intéresse trop aux auditions, et surtout aux auditions frivoles, pour que l'esprit religieux de l'ensemble en souffre. C'est pourquoi le Conseil Général, chaque fois qu'il approuve l'installation d'un nouveau poste, rappelle aux Frères Directeurs leur devoir de contrôle. Combien il est à souhaiter que tous s'en tiennent exactement aux dispositions suivantes édictées par le dernier Chapitre Général : « Le poste doit être placé dans une salle commune. Il ne doit jamais être ouvert pendant le temps dit du grand silence. Sauf exception motivée, il ne sera ouvert que pendant les récréations. » « Le contrôle à exercer sur le temps et la nature des auditions incombe au Frère Directeur, dont la conscience se charge d'une grande responsabilité devant Dieu et devant les Supérieurs qui se fient à sa prudence. » « Les postes personnels, de quelque nature qu'ils soient, sont absolument interdits.

A la presse, au cinéma, à la radio, à la télévision et à bien d’autres inventions, on peut appliquer ce que l'on a dit des fleurs : l'abeille en extrait son miel, le serpent son venin. Souhaitons que le progrès moderne sous toutes ses formes, nous aide à :mieux servir le bon Dieu à qui nous le devons et ne soit jamais pour nous une cause de relâchement à son service, de désaffection pour notre saint état. Des adaptations aux conditions actuelles de la vie peuvent devenir nécessaires, mais on doit procéder avec prudence en suivant le conseil donné par le Saint Père dans une audience accordée aux Frères des Ecoles Chrétiennes, le 16 mai 1951 : « Oui, soyez à la page, mais à la condition de ne pas déchirer, sous ce prétexte, le précieux livre en détruisant les pages qui précèdent, comme on détache les feuillets d'un calendrier. »

Les exemples et les conversations de confrères relâchés ou superficiels. Nous avons eu l'occasion de parler de l'influence qu'exercent dans les communautés le bon et le mauvais exemple et combien de Frères perdent la ferveur et même la vocation à cause de confrères qui ne font pas leur devoir et sont irréguliers. Mais, parfois, le mal produit par les conversations est pire que celui qu'occasionne la vue de l'inobservance, car elles peuvent semer des idées fausses et malsaines qui sont un vrai poison pour l'esprit et pour le cœur.

On entend, en effet, des religieux faire l'éloge de la vertu mais d'une vertu commode, sans grands sacrifices…, de la fidélité à la Règle, niais à son esprit seulement, ce qui peut servir de prétexte à bien des infractions. Ils dissocient la piété de ses qualités extérieures, ce qui la dénature… Ils excusent certaines défections nullement excusables et il n'est pas rare qu'ils préfèrent en rejeter la faute sur les Supérieurs… Ils admirent la rapidité avec laquelle se sont faites certaines fortunes, même si la loi morale n'a pas été toujours respectée… Ils vantent l'excellence de la pauvreté mais trouvent de bonnes raisons pour justifier bien des libertés à son sujet… ils répètent les menus faits plus ou moins édifiants recueillis dans lés journaux ou ailleurs… Ils se livrent parfois à une critique inconsidérée, etc.. On ne saurait méconnaître le tort que de tels propos et antres semblables font à l'esprit religieux ; sachons les éviter et les faire éviter.

Rapports avec les élèves. II. y a danger pour notre esprit religieux à nous laisser raconter par les élèves ce qui a trait à la vie mondaine avec ses fêtes, ses scandales ou, simplement des nouvelles qui, anodines pour les séculiers, sont susceptibles de fournir à l'imagination du religieux matière à distractions et à tentations.

Dans les écoles payantes surtout, la vue du luxe, des commodités, des plaisirs que les élèves se permettent, peut porter atteinte à nos convictions sur la pratique de la pauvreté et de la mortification. Aussi, bien que pour des motifs très légitimes ces genres d'écoles se soient multipliées, ne devons-nous jamais délaisser les enfants pauvres. Mais ne trouve-t-on pas parfois, des religieux qui ne voient la prospérité de leur Province que dans les œuvres brillantes : nombreux élèves, appartenant à des familles riches ou aisées, beaux édifices, dans les grandes villes, etc. ? Leurs conversations ne menacent-elles pas de créer un esprit contraire à l'esprit, du Vénérable Fondateur ? N'y a-t-il pas également des religieux qui se croient humiliés quand on les fait passer des écoles payantes aux écoles pauvres, des classes d'enseignement secondaire à. celles d'enseignement primaire ? Quel contraste avec la conduite de ceux qui, lors de la fondation d'une école pauvre dans leur Province, demandent comme un honneur d'y être employés !

Rapports avec les séculiers. Citons d'abord, sur ce point, deux articles de nos Règles : « Les entretiens avec les séculiers sont un grand écueil de la vie religieuse ; c'est par les rapports trop fréquents avec eux que l'esprit religieux sort des communautés, que celui du monde pénètre et y introduit les abus, le relâchement et les vices. Les Frères n'auront, avec les personnes du dehors, que les rapports indispensables » (Art. 383).

Les visites actives ou passives, ainsi que tous les autres rapports des Frères avec les séculiers, sont un des points sur lesquels ils doivent se garder en Jésus-Christ les uns les autres avec le plus de soin ; si l'un d'eux s'écartait de son devoir sur ce sujet, ceux qui en auraient connaissance seraient tenus de l'en avertir charitablement et, « s'il ne s'amendait pas, d'en informer les Supérieurs » «Art. 396).

Le Code de Droit Canonique contient une série de. prescriptions tendant à maintenir le plus possible les religieux dans leur communauté et à leur faire adopter, dans leurs rapports avec le mondé, les précautions inspirées par la prudence. Ainsi, il défend la libre entrée des étrangers dans les communautés, de même que la libre sortie des religieux, seraient-ils des Supérieurs : « Chaque Supérieur, dit le Canon 508, doit demeurer dans sa maison ; il ne peut s'en absenter que conformément aux Constitutions. » De plus : « un religieux ne peut loger dans un hôtel ou une maison privée pour raison d'études, mais il doit, s'il n'y a pas de maison de son Institut dans la ville, habiter dans une communauté d'un autre Institut, » (c. 587, par. 4). « Un Frère malade ne peut, d'après le canon 606, rester plus de six mois dans un hôpital, une clinique ou un sanatorium, même tenus par des religieux. ou des religieuses, sans l'autorisation du Saint-Siège. »

Toutes ces prescriptions et autres semblables que. nous trouvons dans le Code et dans nos Réglés ne sauraient nous étonner car, si l'auteur de l'Imitation de Jésus-Christ avoue qu'on ne peut aller parmi les hommes sans en revenir moins homme, les religieux. ne devraient-ils pas reconnaître en être revenus parfois moins religieux ? Cela se vérifie surtout dans les visites n'en indispensables ou faites sans les sauvegardes voulues : brièveté, compagnie d'un confrère, parfaite dignité et modestie, etc. La prudence est également nécessaire dans les visites reçues. Disons en termes généraux, qu'en traitant avec les séculiers, parents des élèves ou autres, le religieux soucieux de garder son esprit, ne doit pas chercher à plaire par ses conversations, ses. attitudes, ses regards, sa manière d'agir, l'étalage de ses talents, car tout cela peut inciter à des infidélités envers Dieu. Il doit se méfier des éloges, des compliments, des paroles aimables, être toujours sur ses gardes et réservé. Il ne doit jamais se permettre d'écouter, de dire, de recevoir, de donner quoi. que ce soit qu'il n'oserait écouter, dire, recevoir ou donner sous les regards de Dieu ou du Supérieur.

Ceux qui manquent de prudence dans les visites actives ou passives perdent peu à peu la délicatesse de conscience ; ils se vident d'une façon progressive, quoique d'abord imperceptible, de l'esprit religieux. Il n'est pas rare qu'ils contractent, quant au langage, à la sobriété, à l'extériorisation, etc., des habitudes opposées à l'esprit de leur état. Ils en arrivent facilement à abandonner le service de Dieu pour celui du monde dont ils ont adopté les maximes et les aspirations.

Un mot sur les rapports avec les auxiliaires séculiers. Leur nombre est trop considérable dans plusieurs Provinces. Il s'est beaucoup accru ces dernières années surtout à cause des vides causés par la guerre ou la. persécution. Sans mettre en doute la valeur chrétienne et professionnelle de la plupart de ces maîtres, il. faut convenir que leurs idées sur la vie religieuse, ainsi que leurs habitudes, sont souvent différentes des nôtres. Il peut en résulter, pour les Frères qui sont plus particulièrement en rapport avec eux, des opinions erronées ou trop mitigées sur les obligations de la Règle et des vœux. Cela peut porter, surtout au sujet de la pauvreté, de la dépendance et de l'esprit de sacrifice, à un laxisme nullement conforme à la tendance à la perfection qui doit être la nôtre. A plus forte raison ce danger existe-t-il là où l'on prend pour auxiliaires d'anciens religieux, qui sont parfois portés a rejeter la faute de leur défection, sur la Congrégation qui les a nourris et instruits.

Si la réserve est très nécessaire dans les rapports avec les séculiers en général, elle l'est bien plus encore dans les rapport avec les personnes du sexe. On connaît généralement ce danger et cependant combien s'y laissent prendre ! et comme le démon est habile pour exciter les religieux à des visites ou à des conversations irrégulières et pour les rendre insensibles aux conseils des Supérieurs et des confrères !

Dans certaines Provinces, on a plus particulièrement besoin d'insister sur l'observation des règles très sages que nous possédons sur ce point. Les jeunes Frères y sont trop facilement autorisés à aller au parloir. Parfois on invoque les exigences de la Pédagogie moderne qui veut que les maîtres soient en rapports avec les parents. Ces rapports peuvent s'établir par des réunions où le professeur, étant aidé par le Frère Directeur ou par un confrère prudent et expérimenté, sera plus à même de traiter avec les parents les questions inscrites à l'ordre du jour ou soulevées en cours de discussion.

On évitera ainsi les entretiens privés au parloir que l'on est exposé à poursuivre en dehors de l'école ou par correspondance. C'est par ces irrégularités que se sont perdues bien des vocations. Tout en admettant que des exceptions puissent être faites, la ligne de conduite à suivre est tracée. en ces termes par nos Règles : « Le Frère Directeur seul, ou son remplaçant en cas d'absence,. rend raison aux parents des élèves et 'aux autres personnes qui se présentent à l'école » (Art. 346).

Nous ne saurions mieux résumer ce que nous venons de dire des dangers des rapports avec les séculiers qu'en citant encore l'Imitation de Jésus-Christ : « Si vous n'étiez point sorti de votre retraite et vous n'eussiez point écouté les bruits et les nouvelles du monde, vous seriez bien plus tranquille ; dès qu'on prend goût pour le monde, le trouble entre aussitôt dans le cœur » (L. I, Ch. XX, 8).

La correspondance avec les séculiers peut être aussi préjudiciable aux religieux que les visites, de là le besoin d'observer également et de faire observer nos Règles à ce sujet.

Rapports avec les membres de notre famille. La tendance à concilier l'esprit du monde avec la piété, la .vie religieuse avec des habitudes de la vie séculière, expose bien des religieux à trouver exagérés certains principes énoncés par la Règle. Ainsi, pour ce qui est des rapports avec les parents, chacun donne-t-il une complète adhésion aux articles suivants ? « L'attachement immodéré pour les parents étant un obstacle à la perfection et à l'esprit de communauté, les Frères s'efforceront de se dépouiller de toute affection trop humaine pour leurs proches, n'ayant avec eux que les rapports indispensables » (Art. 392). « Dans le même esprit, ils ne leur feront aucune visite sans la permission du Frère Provincial et ne les inviteront pas à venir les voir, soit à la maison de noviciat, soit dans les autres maisons, sans la même permission » (Art. 393).

Rien de plus louable, assurément, que l'amour des enfants pour leurs parents ; mais il est nécessaire que cet amour soit subordonné à celui que nous devons à Dieu, car dit énergiquement saint Bernard : « S'il y a de l'impiété à mépriser une mère, il y a une grande piété à lui être une cause d'affliction lorsque Jésus-Christ le demande. » C'est qu'il y a deux sortes d'amour des parents : l'amour naturel ou de la chair, qui est incompatible avec la vie religieuse, et l'amour surnaturel, d'autant plus développé dans une âme qu'elle est plus unie à Dieu, l'unique foyer du véritable amour. C'est pour condamner l'amour naturel entretenu au détriment de l'amour surnaturel que Notre-Seigneur déclare que celui qui ne hait pas les siens ne peut être son disciple. (Luc, XIV, 26). Cela peut choquer la nature, et, cependant, cette exigence inouïe n'est pas le point d'arrivée mais seulement le point de départ de toute vie religieuse, de toute sanctification.

C'est dans cet esprit que, dans toutes les Congrégations, on regarde les visites de famille comme nuisibles si elles sont trop fréquentes ou trop prolongées, et si les religieux s'en autorisent pour prendre des libertés contraires à leur état. Dans de telles conditions, elles portent souvent atteinte à la régularité, sont un danger pour les vœux deviennent. l'occasion d'assauts du dehors et du dedans contre la vocation. Tout au moins jettent-elles souvent dans mille soucis compromettants pour la vie spirituelle et la paix intérieure.

Certains disent : « Pour moi, je suis prêt à tout, mais mon père, ma mère, les autres parents !…» La réflexion n'est pas sans fondement ; mais, si les parents ignorent les obligations de la vie religieuse, à nous de nous les rappeler et de nous y soumettre. Pour le reste, si, comptant sur la Providence, nous nous occupons moins de nos parents, Elle s'en occupera davantage, et alors il en résultera pour nous une plus grande paix, pour nos parents plus de grâces et pour Dieu plus de gloire…

Il nous reste, pour terminer, à indiquer brièvement les sources.

II. Sources de l'esprit religieux et Mariste.

Nous trouvons surtout cet esprit dans la Vie du Vénérable Père, dans nos Règles, dans les Avis, leçons et sentences, dans nos Notices Biographiques, dans les Circulaires des premiers Supérieurs et dans le Bulletin de l'Institut.

Vie du Vénérable Père Champagnat. Il s'agit pour nous surtout de celle qu'a écrite le Frère Jean-Baptiste. Nous ne saurions jamais assez remercier la Providence d'avoir donné un tel chroniqueur à la Congrégation et un tel biographe au Vénérable Fondateur. Ayant vécu avec lui, il a pu recueillir, personnellement ou par des témoins directs, les faits qu'il relate et les placer dans l'ambiance où ils se sont produits. D'autre part, l'amour qu'il portait à son père spirituel et à sa Congrégation a communiqué à ces récits un accent de conviction qui en rehausse l'intérêt.

Dans l'ouvrage entier, spécialement dans la seconde partie, nous trouvons une multitude de détails qui provoquent notre admiration ; la vertu y trouve un encouragement et l'inobservance, un blâme. A lire et à méditer ces pages, on découvre des trésors de doctrine et d'édification. On est frappé par l'importance que le Vénérable Fondateur donnait aux vertus votales et à celles qui sont caractéristiques de l'esprit mariste. A notre époque, où les tempéraments paraissent moins robustes qu'autrefois, où tout porte à la recherche des aises, il semblera peut-être, que pour lui comme pour les Frères, notre Vénérable Père, avait tendance à trop contrarier la nature. Mais, faisait-il autre chose que rappeler est mettre en pratique la grande loi du renoncement imposée par Notre-Seigneur à quiconque veut être son disciple ?

Modèle d'esprit religieux et mariste pour nous tous, le Vénérable Père Champagnat l'est en particulier pour les Supérieurs par la façon dont il a tâché de former ses Frères. Il ne laissait passer aucune occasion de les instruire, de les encourager et, au besoin, de les corriger. Plein de bonté et d'indulgence pour l'ignorance et la fragilité humaines, il savait se montrer énergique lorsque l'exigeait le maintien de nos Règles et de notre esprit. Ainsi doit agir tout Supérieur soucieux d'empêcher les âmes et l'Institut de déchoir, car ce n'est que par un juste équilibre entre la douceur et la fermeté qu'il obtIendra de chacun la fidélité à ses devoirs.

 Nos Règles.. Sous ce titre nous comprenons les Constitutions, les Règles Communes et les Règles du Gouvernement. Ces trois livres expriment parfaitement la pensée du Vénérable Père Champagnat. Il en élabora un premier projet, comme le dit sa vie, avec l'aide des Frères les plus capables et les plus anciens. Mais, dans sa grande sagesse, il s'abstint d'insérer dans les Règles maints détails pourtant déjà en usage dans l'Institut. Il jugea indispensable la sanction du temps pour leur adoption définitive. Il laissait ainsi aux Chapitres Généraux le soin de poursuivre la rédaction des Règles. Ils s'y sont appliqués en tenant compte des prescriptions du Droit canonique et «des exigences justifiées par l'extension de l'Institut.

Un même souci a toujours préoccupé les responsables de ce travail délicat ; celui de ne pas trahir la pensée de notre Vénérable Père. C'est pourquoi les Chapitres Généraux tenus de 1852 à 1946 ont pu affirmer : « Toutes ces Règles n'ont pas été écrites de la main de notre pieux Fondateur mais elles sont toutes de lui… Elles sont l'expression fidèle de sa volonté et contiennent son esprit, c'est-à-dire, sa manière de pratiquer la vertu, de diriger et de former les Frères, et de faire le bien parmi les enfants. »

Les Règles sont notre code de sanctification et aucun livre, après l'Évangile de Notre-Seigneur, ne doit nous paraître plus vénérable. Que d'âmes lui doivent leur salut ! Du haut du ciel, elles .nous invitent à suivre la même voie. Elles nous redisent les paroles que l'Ange adressa à saint Jean l'Évangéliste : « Prends ce livre, et dévore-le ; il sera amer à tes entrailles, mais dans ta bouche il sera doux comme le miel » (Ap. X, 9), c'est-à-dire : Tâchez d'observer les prescriptions de la Règle, conformez-y toute votre vie ; si elle est amère pour la sensualité, elle est douce pour l'esprit.

 C'est par la fidélité à la Règle que nous transmettrons aux générations futures le souffle vivifiant de nos origines et que nous contribuerons à communiquer aux membres de notre famille religieuse les traits caractéristiques du Petit Frère de Marie selon le cœur de Dieu et. du Vénérable Père Champagnat.

 Avis, leçons et sentences. Ce livre contient une excellente doctrine sur la beauté de notre vocation et de précieux conseils pour la. formation aux vertus solides, à la haine du péché, à la vie de famille, à l'esprit apostolique, etc. Il indique le rôle capital de l'humilité dans la spiritualité mariste : « Un véritable Frère de Marie a une prédilection particulière pour la vie cachée, les exercices humbles et les emplois pénibles ; il aime à être ignoré et compté pour rien ; il regarde l'humilité comme la vertu principale de sa vocation, la vertu dans laquelle il doit exceller ; il s'y exerce donc tous les jours et la demande sans cesse à Dieu. Ceux qui n'ont pas cet esprit ou qui l'on perdu, doivent être regardés comme des membres morts ; nous pouvons et devons leur appliquer ces paroles de saint Jean : « ils sont avec nous, mais ils ne sont pas nôtres » (P. 11).

Qui de nous, après avoir entendu relire ce livre, n'y retrouve pas comme un charme nouveau et ne le juge pas aussi pratique pour nous que pour nos devanciers ? Ainsi, pour n'en rappeler que quelques chapitres, nous devons reconnaître que le jeûne des Petits frères peut-être pratiqué avec un réel profit non seulement par ces derniers et sous toutes les latitudes, mais encore par les religieux d'âge mûr. Les Frères que le Vénérable Père Champagnat n'aimait pas ne sont pas devenus de nos jours plus aimables que de son temps. La lampe du Frère Hippolyte, la supposerions-nous plus moderne, se prête aux mêmes sages considérations sur l'économie et la prudence. La charité fraternelle et les petites vertus continuent. à faire le charme des communautés et le bonheur de leurs membres. Bien des traités de pédagogie sont d'une valeur moindre que les pages consacrées par ce livre à des questions d'éducation. Et cependant, trop de Frères n'en ont qu'une connaissance insuffisante ; aussi sont-ils étonnés lorsque après une retraite, des Supérieurs ou des Prédicateurs, dont ils ont particulièrement goûté les instructions, déclarent en avoir puisé la doctrine dans les Avis, leçons et sentences.

 Biographies de nos Frères. Nous en possédons une riche collection. Tous les âges, tous les emplois et toutes les charges sont représentés dans cette magnifique galerie de portraits de famille. Il nous est très avantageux de relire de temps en temps ces notices édifiantes et de mettre en pratique les exemples admirables qu'elles proposent. Nous mériterons ainsi. que se vérifie en nous la promesse du livre des Macchabées : «Souvenez-vous des œuvres que vos pères ont accomplies de leur temps et vous recevrez une gloire et un nom immortel » (Ch. II, p. 51).

Ces biographies sont très propres à nous donner la conviction que notre vocation et nos Règles sont susceptibles de produire des saints. C'est, en effet, en remplissant fidèlement les devoirs qu'elles imposent, et non par des pratiques de leur choix, que nos Frères sont arrivés à une haute vertu. Ceci nous est un encouragement : ils ont vécu cachés aux veux des hommes, mais ils se sont rendus agréables à Dieu et ont fait l'édification de leurs confrères.

Le volume que nous devons au Frère Jean-Baptiste est particulièrement instructif. Chaque biographie s'accompagne d'enseignements très pratiques pour nous en tant que religieux et maristes. Un Frère Assistant aimait à raconter ce qui suit à propos des Biographies de quelques Frères : « Voyageant en bateau, je communiquai ce livre à un religieux. A la fin du voyage il me dit : « J'ai passé tout mon temps à lire et à méditer la vie de vos premiers Frères. C'est une collection de saints, de modèles admirables et imitables. Quelle heureuse pensée d'avoir publié ce livre ! Pour votre Institut c'est un trésor d'un prix inestimable. Je me rends à notre Chapitre Général, j'en parlerai à mes confrères ; que je souhaiterais qu'on fît chez nous ce que vous avez si heureusement réalisé chez vous ! »

Que dans chaque province on soit fidèle à recueillir et à publier à la mort des confrères ce qui, dans leur vie, a été le plus édifiant et peut nous stimuler à mieux servir le bon Dieu.

Dans les directives et les enseignements qu'ils ont donnés aux Frères par leurs Circulaires, les premiers Supérieurs se sont constamment inspirés de l'esprit du Vénérable Fondateur, bien persuadés qu'ils ne pouvaient s'en écarter sans faillir à leur devoir et sans causer un grand dommage à la Congrégation.

Il est regrettable qu'un certain nombre de maisons, par suite de leur fondation récente ou pour d'autres motifs, ne possèdent pas la série complète des Circulaires. Du moins devraient-elles toutes se procurer les treize premiers volumes édités à l'occasion du Centenaire de la Congrégation et que I'on trouve encore à l'Économat Général. En parcourant : ce riche trésor de doctrine, d'avis pratiques, de nouvelles de famille et autres détails intéressants, on se fait une idée plus exacte de l'esprit qui a présidé la naissance de l'Institut Mariste et a, de plus, favorisé sa croissance et sa merveilleuse expansion dans les cinq parties du monde.

On respire ce même esprit dans les pages du Bulletin de l'Institut. Né il y a plus de quarante ans, il forme aujourd'hui une belle collection d'une vingtaine de volumes où l'on trouve de précieux enseignements en matière de spiritualité et d'éducation et une foule de détails historiques concernant l'Institut en général ou les maisons en particulier. Sa belle présentation et son riche contenu, sont fort appréciés de ses lecteurs et lui ont mérité, en plusieurs occasions, les éloges des Supérieurs de divers Instituts enseignants.

Comme vous voyez, mes bien chers Frères, nous avons, dans les livres que j'ai énumérés et dans les périodiques de l'Institut, d'excellentes sources d'esprit mariste. Nous pourrions en dire autant du Guide des Ecoles, du Bon Supérieur, de la Perfection Chrétienne, des Méditations du Frère Jean-Baptiste, du livre La Vierge Marie, etc. … Sachons y puiser fréquemment. Servons-nous-en aussi souvent que possible pour nos méditations et nos lectures spirituelles et particulièrement pour nos récollections mensuelles. Sans nous désintéresser des livres ascétiques publiés de nos jours en grand nombre et ayant pour nous une valeur réelle, évitons que le goût des nouveautés nous fasse sous-estimer nos propres livres qui, par le passé, ont produit des fruits si abondants. Évitons de faire la lecture spirituelle de communauté dans des ouvrages trop relevés et qui exigeraient plutôt une étude lente et individuelle, ou encore dans des livres propres à flatter la curiosité, mais dont il est difficile de tirer des applications pratiques. Revenons volontiers aux livres qui ont été expressément composés pour nous. Notre esprit mariste y trouvera une nourriture substantielle.

Un modèle de tous points admirable, sous ce rapport, nous est offert par le vénéré Frère Alfano, dont on instruit le procès informatif de sainteté. Il savourait inlassablement les ouvrages de l'Institut qu'il appelait le pain de chez nous. Nous lisons dans la notice biographique du Frère Flamien, A.G. : « Les livres et périodiques de l'Institut faisaient ses délices. Quelles belles choses n'y a-t-il pas dans nos ouvrages, dans les Circulaires de nos Supérieurs ! C'est délicieux, c'est du pratique ; il n'y a certainement pas mieux pour nous. Que de fois n'a-t-on pas entendu ce langage ! Pendant qu'il était retiré à Aubenas, il avait relu encore une fois toute la collection des Circulaires et cette lecture l'avait enthousiasmé. »

Lorsque le bon Dieu, mes bien, chers Frères, nous a fait l'inestimable faveur de nous appeler à son service, nous avons répondu généreusement : « Seigneur, me voici, que voulez-vous que je fasse ?» lui offrant ainsi les prémices de notre vie religieuse. Dans la suite nous avons été instruits de nos devoirs, nous avons été formés à l'esprit de Notre-Seigneur, à l'esprit de l'Évangile, comme religieux, et à l'esprit du. Vénérable Père Champagnat, comme Petits Frères de Marie. Mais tout n'est pas fait après notre appel et nos premiers pas au service du divin Maître. Il nous faut saris cesse et jusqu'à la fin de nos jours progresser dans notre union à Dieu par une imitation toujours plus parfaite de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Tâchons d'imprimer à cette ressemblance le cachet spécial de notre Congrégation qui, née dans l'humilité, ne prospérera que dans la mesure où elle saura se maintenir humble et cachée comme la Très Sainte Vierge, sa céleste protectrice, comme saint Joseph, le silencieux modèle d'union à Jésus et à Marie et comme notre Vénérable Père Fondateur. 

Faveurs attribuées

au Vénérable Père Champagnat

 1. Guérison de Lidia Beatriz Fernàndez (Argentine).

D'une lettre du Cher Frère Giustino, ancien Directeur de La Plata (Argentine) :

« Le 23 décembre 1940, le Club National de l'Automobilisme Argentin. était sur le point de finir à La Plata, lorsque à la dernière étape d'une course, se produisit un. très grave accident.

La petite Lidia Beatriz, âgée de 3 ans, fille d'Hector M. Fernàndez, trésorier de la Société des Anciens Élèves du Collège « Monseñor Federico Rasore », jouait sur le trottoir en face de sa maison. Son jouet ayant roulé dans la chaussée, la petite court le ramasser, à l'instant même où arrive à toute vitesse une des automobiles. Le chauffeur, voyant l'obstacle, freine subitement, mais il est trop tard, la fillette tombe et la voiture lui passe sur la poitrine. Aux cris de la foule, le conducteur perd le contrôle de ses actes, fait machine arrière et, dans cette manœuvre, passe une seconde fois sur le corps de l'enfant.

Le père affolé se précipite sur sa petite, la prend entre ses bras et, l'emporte, sans mot dire, à la clinique Centrale, toute proche. Coïncidence providentielle ! comme par hasard arrive le docteur Dalashau, radiologue, avec deux de ses collègues. Les trois examinent l'accidentée et unanimement pronostiquent : « Déchirure de la plèvre et des poumons, avec déplacement du cœur ; cas désespéré. »

Comme Héctor Fernández a beaucoup de confiance aux Frères, il charge un de ses employés de téléphoner au collège et d'avertir le Frère Directeur du fâcheux accident.

M'étant rendu immédiatement à la clinique, je trouve le père et la mère de la pauvre victime désolés et dans des angoisses mortelles ; mais, comme ils sont profondément chrétiens, ils me supplient de vouloir bien faire venir un prêtre pour qu'il donne une. dernière bénédiction à la petite.

Je m'empresse de satisfaire leur désir. Et dix minutes après j'arrive avec le B.P. Jupé. Mais avant de bénir la malade, le religieux me dit : « Frère Directeur, avant tout invoquons le Vénérable Champagnat. » Et tous sur ce conseil, comme mus par un mystérieux ressort, se mettent à genoux et répondent aux invocations du prêtre avec une dévotion et, une piété extraordinaires. Ensuite le Père bénit la moribonde qui ne donne presque aucun signe de vie ; puis il ajoute en s'adressant à la famille éplorée : « Il nous faut dès à présent commencer une neuvaine au Père Champagnat pour obtenir la guérison de la petite. Et l'on récite fervemment les prières ordinaires de la neuvaine.

Le prêtre et moi nous nous retirons, non sans avoir auparavant assuré les parents que Frères et élèves du collège allaient invoquer le V.P. Champagnat, et s'unir à la neuvaine qui venait de commencer.

Dès le premier jour la malade semble aller vers un mieux réel qui ne fait que s'accentuer jusqu'à la fin du mois, à tel point que le 30, le père ne se possédant plus de joie devant la guérison de sa. chère enfant, vient au collège pour faire dire une messe d'action de grâces fixée au surlendemain,.

Toute la famille assiste. Seule la grand-mère est restée à la maison pour veiller la petite. A peine les parents viennent-ils de franchir le seuil de leur domicile que l'enfant se réveille en sursaut et demande à embrasser son papa et sa maman. Sa gardienne lui dit qu'ils sont allés au collège des Frères pour assister à une messe d'action de grâces en l'honneur du Père Champagnat qui l'a guérie. Et la. petite de répondre :

« Comment ! et moi, parce que je suis très petite, on ne m'a pas même réveillée » Elle saute immédiatement du lit, sa grand-mère l'habille à la hâte et l'accompagne au collège. La Messe est commencée, on en est à l'Offertoire.

A la vue de l'enfant, tout le monde est dans l'admiration ; mais Lidia ne sent absolument plus aucune douleur. Après la messe, elle marche, court, saute et joue comme une enfant de son âge.

Douze années se sont déjà écoulées depuis, et la miraculée a toujours joui d'une excellente santé. Aussi, en reconnaissance, la famille Fernàndez n'a laissé passer un seul jour sans invoquer le pieux Fondateur. De plus, pour commémorer cette date inoubliable,. elle s'est procuré un artistique buste du Vénérable qu'elle a placé sur un petit autel, à l'endroit le plus visible de l'entrée de la maison. 

2. Le cas de Burgos (Espagne).

 Une guérison, surprenante est survenue à Burgos,. dans la famille Rafael Jesús de la Torre et Maria Laso, en la personne de leur fils Jesús de la Torre Laso, âgé de 9 ans, guérison attribuée au Vénérable Père Champagnat.

En novembre 1950, les parents de l'enfant écrivaient au Frère Adulfo, vice-postulateur, pour l'Espagne, de nos causes de béatification. :

« Le 8 mars de l'année en, cours, le petit garçon Jesús de la Torre Laso, âgé de 9 ans, élève du Collège « San Antonio », était atteint de méningite tuberculeuse.

« Dès le début, les médecins jugèrent que le cas était très grave et qu'il n'y avait aucun espoir de guérison. Cette opinion fut confirmée le 20 avril, jour où l'enfant subit une attaque qui le laissa sans connaissance durant plus de douze heures. Les médecins, après un nouvel examen, déclarèrent que la science était impuissante à conjurer le mal et conseillèrent de faire administrer le malade sans délai.

«  Alors la mère de l'enfant, très dévote du Vénérable Marcellin Champagnat, à qui elle avait recommandé son, fils dès le commencement de la maladie, appliqua l'image-relique du Serviteur de Dieu sur la poitrine du malade et. pria avec foi et confiance. Quelques instants après, lorsqu'elle appela l'enfant par son nom,. celui-ci la regardant tout naturellement et la voyant très affligée, lui dit :

 « Mais, pourquoi pleures-tu, maman ! »

« Et, à partir de ce moment, l'enfant continua à parler et revint rapidement à la santé. Deux jours après, il se levait et sortait : de sa chambre. Jusqu'à présent il a mené une vie normale. Tous les jours il va au collège. »

Maria Laso et Rafael de la Terre,

Burgos, novembre 1950.

 En plus de ces déclarations des parents de l'enfant, voici d'autres détails intéressants concernant cette guérison

La mère, très affligée de voir, par moments, son enfant sur le point d'expirer, suppliait les infirmières de lui faire une piqûre qui prolongeât sa vie ; mais toutes les personnes présentes, et parmi elles Sœur Dolores, Fille de la Charité, lui dirent que le cas était désespéré, d'après le dernier diagnostic, et qu'il n'y avait qu'à se résigner en face d'une mort certaine.

Bien que l'enfant eût éprouvé quelques malaises passagers durant les premières heures qui suivirent son brusque retour à la santé, il parlait avec beaucoup d'aisance et gardait toute sa lucidité, alors qu'auparavant il ne pouvait pas parler et ne connaissait plus personne.

La guérison fut si rapide que, dés le premier moment, l'enfant ayant faim, dit tout naturellement à la Sœur : « Voyez-vous, ma Sœur, il y a longtemps que je n'ai rien mangé ! »

Le médecin qui l'avait soigné durant sa maladie, le revit le lendemain et, fort étonné de le trouver encore en vie, il lui dit : « Jesùs, je ne pensais pas te trouver aujourd'hui dans cet état. Combien je me réjouis de ton rétablissement ! »

L'enfant, réduit par la maladie à l'état de squelette, a repris rapidement ses forces, gagnant douze kilos il jouit actuellement d'une excellente santé.

Autre détail cligne de remarque : au début, et comme conséquence de la maladie, il boitait d'une jambe. Il est maintenant complètement guéri de cette infirmité.

Devant l'imminence de la mort de l'enfant, la famille avait averti plusieurs membres de sa parenté. Ceux-ci étaient accourus immédiatement pour assister à l'enterrement et aux funérailles.

Le médecin traitant, a cru prudent de s'abstenir de délivrer et de signer un certificat de guérison., bien convaincu cependant que le cas présent, comme tous les cas semblables de méningite tuberculeuse, était mortel. Et comme on avait appliqué au malade de la streptomycine et que celle-ci produit parfois des effets salutaires, il est possible, d'après l'opinion de ce médecin, que ce remède ait été la cause de la réaction brusque et favorable.

Cependant, malgré l'affirmation du docteur, les parents de l'enfant sont toujours bien persuadés que la guérison est due à l'intervention du Vénérable Père Fondateur.

Guérison de Manuel Rubio Buendla, à Cartagena (Espagne).

 Le Cher Frère Leocadio, alors directeur de Cartagena, nous écrivait le 2h août 1951 :

Au début de l'année scolaire 1950-1951, Manuel. Rubio Buendia, élève de 7e année de Baccalauréat, à notre. Collège de Cartagena, contractait la fièvre typhoïde. La maladie suivit son cours normal et après un mois de soins et de remèdes que le cas réclamait, le malade revenait à la santé.

Mais à la mi-novembre, il eut une rechute qui affligea grandement sa famille, étant donné que les retours de cette maladie, d'après l'opinion des médecins, amènent bientôt la péritonite.

C'est ce qui se produisit. Malgré la gravité de son état, le jeune homme se montrait joyeux et parfaitement résigné devant l'épreuve, tout disposé au sacrifice de sa. vie en pleine jeunesse. Ce n'est pas en vain. qu'il avait suivi pendant plusieurs mois, à. notre maison. de Maimôn (Côrdoba), les exercices du Noviciat, ayant été rendu à sa famille à cause de sa faible santé. II sentait maintenant le poids de la croix que le Seigneur lui envoyait, mais il la portait avec un courage et une générosité qui édifiaient grandement ses parents, dont l'affliction, était tempérée par des sentiments de résignation chrétienne.

Nous le visitâmes le 19 novembre et les jours suivants, lui promettant de faire au collège une neuvaine notre Vénérable Père, pour nous unir à celle qu'il avait commencée lui-même deux jours auparavant, appliquant à la partie malade une image-relique du Père Champagnat en, qui il avait une très grande confiance.

Le mardi 21, les deux médecins qui le soignaient jugèrent son cas désespéré. La perforation de l'intestin était survenue.

Le patient se montrait toujours très résigné et prêt à mourir si telle était la volonté de Dieu, mais sans perdre un seul instant la confiance en l'intercession de notre Vénérable Fondateur. Ce fut pour lui une grande joie d'apprendre qu'en cas de décès, il serait enterré revêtu de l'habit religieux mariste.

Une fièvre intense le torturait et il n'éprouvait de soulagement qu'à l'application sur ses lèvres, de quelque s petits morceaux de glace. Il lui était impossible de prendre aucun aliment, soit solide, soit liquide, et sa bouche refoulait, dans des vomissements très fréquents, un liquide noirâtre, l'évacuation ne pouvant plus se faire par les voies naturelles.

Dans les moments de calme relatif, le malade éprouvait une visible satisfaction à montrer les reliques de divers saints qu'il avait sur la table ; puis il ajoutait. : « Ceux qui vont me guérir, ce sont : celle-ci (et il signalait du doigt la Vierge miraculeuse dont l'image était au pied de son lit), et celui que j'ai ici (et il indiquait de la main l'endroit où, sous le linge de corps, était appliquée l'image-relique du V.P. Champagnat).

Le lendemain, tout avait changé d'aspect : le malade, au visage émacié mais rayonnant de joie, nous dit qu'il a pu dormir pendant six heures. Les vomissements ont complètement cessé. Une tisane de camomille ordonnée par le médecin, et prise par petites cuillerées, descend normalement (le malade s'en rend parfaitement compte) à travers le tube digestif. On remarque une nette amélioration : cela parait incroyable, mais il faut se rendre à l'évidence des faits. Le médecin traitant, D. Diego Pérez Espejo, est fort surpris du changement brusque qu'a subi la maladie. Le malade, auparavant condamné, se trouvait du jour au lendemain, hors de tout danger.

La nouvelle de cette amélioration subite se répandit dans le voisinage comme une traînée de poudre, et la maison. Rubio se remplit bientôt d'amis et de connaissances qui désiraient voir le :nouveau ressuscité, car plusieurs le croyaient déjà mort.. Tous criaient au miracle ; et sachant que la guérison était attribuée au Père Champagnat, fondateur des Frères Maristes, ils demandaient des images reliques du Serviteur de Dieu.

Au collège, les élèves, en apprenant. l'heureuse nouvelle de la guérison de leur camarade, manifestèrent bruyamment leur joie et continuèrent, avec une ferveur accrue, la neuvaine commencée, dont l'intention initiale de demande de guérison se changeait maintenant en prière d'action de grâces pour la faveur obtenue.

Quelle est, à ce sujet, l'opinion des médecins qui ont soigné le jeune homme ? Nous leur avons demandé s'ils pouvaient délivrer un certificat déclarant que cette guérison était inexplicable du point de vue de la science médicale. L'un d'eux, très compétent dans l'exercice de sa profession, n'a fait aucune difficulté pour établir et signer une déclaration plus explicite encore que celle qui lui avait été demandée. L'autre, au contraire, s'est excusé gentiment et n'a fourni aucun certificat. Selon lui, l'histoire médicale enregistre, bien que rarement, des cas de semblable guérison. A son avis, l'amélioration survenue serait due à la chloromycétine inoculée au malade avant l'aggravation de son état. ; mais d'après l'opinion d'autres médecins réputés, cette médecine est efficace pour enrayer ta fièvre, mais non pas pour souder un intestin perforé, son action corrosive produisant normalement un effet contraire.

A l'heure actuelle, Manuel Rubio Buendia jouit d'une parfaite santé et poursuit très activement ses études. Son grand désir est de pouvoir retourner à Maimôn pour recommencer son Noviciat, si telle est la volonté de Dieu manifestée par les Supérieurs. L'intéressé et nous, nous sommes pleinement persuadés que la guérison est due à la Sainte Vierge par l'intercession de notre Vénérable Père. Fondateur, que nous souhaitons ardemment voir bientôt glorifié par notre sainte Mère l'Église. »

Nous sommes heureux d'ajouter que Manuel Buendia a pu réaliser son désir d'entrer dans notre Congrégation. Il a recommencé son Noviciat au Maimon le 8 septembre 1951 ; il y a émis les premiers vœux le 8 septembre dernier, il est actuellement au Scolasticat. Un tribunal nommé par Mgr l'évêque de Murcie a instruit le procès de cette guérison. 

Visite de la Province

de Varennes – Orient

 (Secteur français).

 La Province de Varennes-Orient a une étendue peu commune puisqu'elle comprend, outre une dizaine de départements français, la Grèce, le Liban, la Syrie et Madagascar.

J'ai eu le plaisir de visiter précédemment ces quatre derniers pays ; les retraites de cette année-ci m'ont fourni l'heureuse occasion de mieux connaître le secteur français.

Deux retraites ont eu lieu à Varennes-sur-Allier et une troisième, à Langon, en Bretagne. Je m'empresse de dire qu'elles ont été très édifiantes. Si je souligne cela c'est parce que pendant les quarante années environ qu'a duré la sécularisation, nos Frères de France ne se sont pas toujours trouvés, pendant leurs retraites, dans une ambiance très propice au recueillement. Ceux qui ont connu cette époque se plaisent à dire que depuis que nous avons pu reprendre notre costume et que nous pouvons nous afficher partout comme religieux, les retraites n'ont fait qui gagner en sérieux.

Après chacune des trois retraites, le Cher Frère Provincial, que je remercie bien sincèrement de toutes ses attentions, m'a fait visiter les écoles.

Ce que je puis en dire s'applique en général, à celles de nos autres Provinces de France que j'ai connues, soit comme Assistant, soit dans la suite. Mais un peu d'histoire est indispensable pour se faire une idée plus exacte de nos œuvres dans les dites Provinces. Elles ont connu bien des vicissitudes. Un bon nombre d'écoles étaient autrefois communales ; tous les élèves de la localité les fréquentaient, le local était fourni par la commune, le traitement des maîtres était assuré.

De 1880 à 1890, conformément à un plan des loges, eut lieu la laïcisation des écoles tenues par les religieux : plus de crucifix dans les salles de classe, plus d'enseignement religieux, les Frères furent congédiés et remplacés par des instituteurs civils. Grâce à la générosité des parents chrétiens et de bienfaiteurs parfois insignes, on put, en bien des endroits, fonder des écoles libres. Inutile de dire qu'en général nos Frères durent se contenter d'un maigre traitement et que souvent on ne put compter que sur des locaux de fortune. A la vue de certains de ces locaux et de leur mobilier, qui n'ont guère subi de modifications depuis de longues années, on ne peut s'empêcher d'admirer les parents qui, pour préserver la foi de leurs enfants, préfèrent la pauvre école chrétienne au bel édifice scolaire officiel, et cependant, dans ce dernier. la gratuité est assurée tandis que dans les écoles de leur choix ils doivent en général, payer une rétribution mensuelle.

Nos écoles s'étaient à peine relevées de la dure épreuve de la laïcisation, lorsque vinrent les lois persécutrices de 1903. Comme la plupart des autres, notre Congrégation se vit refuser l'autorisation légale ; l'ordre de fermeture des classes et de confiscation des immeubles suivit sans retard. 0n chercha à la hâte de nouveaux locaux, des maîtres furent transférés en d'autres localités où ils durent se faire passer pour des instituteurs séculiers et abandonner ostensiblement tout rapport avec leur Congrégation. Beaucoup d'entre eux, surtout parmi ceux qui restèrent sur place, furent, traduits devant les tribunaux. Les héros de ces jours de lutte pour la liberté et pour l'âme des enfants racontent volontiers leurs démêlés avec la justice. En, général, ils furent défendus magnifiquement, quoique pas toujours avec succès, par des avocats de talent, parfaitement désintéressés.

Si malgré de grandes difficultés certaines écoles furent sauvées, plus nombreuses sont celles qui disparurent alors ou dans la suite. C'est pourquoi on vit des départs, parfois massifs de Frères pour I'étranger. Ceux de la Province de Varennes se rendirent au Liban et au Brésil Central. On eut également à déplorer bien des défections et le recrutement fut, selon les Provinces, suspendu ou fait au ralenti.

A cela sont venues s'ajouter les deux guerres mondiales avec la mobilisation, les morts, les prisonniers et le travail obligatoire. Lorsque la dernière guerre éclata, les juvénats, grâce à une certaine tolérance du gouvernement, commençaient à connaître une ère de prospérité. Mais, bientôt les familles, à cause de l'absence de quelqu'un de leurs membres mobilisé ou prisonnier, comme aussi, par suite des restrictions d'ordre alimentaire consentirent plus difficilement à voir leurs enfants les quitter pour le juvénat.

En rappelant toutes ces épreuves, que je n'ai fait qu'énumérer, nous avons tout lieu de bénir Dieu et la Sainte Vierge qui n'ont pas permis l'anéantissement complet de nos œuvres en France. Nous devons reconnaître, d'autre part, le mérite des religieux qui, restés dans la mêlée, ont fait des prodiges de bon esprit et de courage pour sauver ce qui pouvait l'être, prenant parfois sur eux le travail de plusieurs confrères, se cherchant des auxiliaires civils afin de survivre, malgré tout, en attendant la relève.

Les Provinces de France qui autrefois, comptaient, pour la plupart plus de cent maisons, oscillent maintenant entre quinze et quarante. Ainsi celle de Varennes-Orient en possède au total 23, dont 14 en France. Mais elles n'ont garde, d'une part, de trop s'attarder sur le passé et d'autre part, de trop savourer la juste fierté d'avoir donné naissance, hors de France, à des Provinces et à des Districts aujourd'hui très prospères ; elles s'appliquent avant tout, avec ardeur, à relever les ruines.

Le nombre des juvénistes croît d'année en année, non pas sans doute au rythme que l'on souhaiterait, mais tout au moins, d'une façon consolante qui redonne courage à ceux qui doutaient d'une résurrection. La Province de Varennes compte environ 140 juvénistes dont 42 Français, 40 Grecs, 30 Libanais et 28 Malgaches. Ces derniers font le noviciat chez eux ; les Grecs et les Libanais le font en France où ils viennent suivre les classes supérieures du juvénat.

Parmi nos écoles de France il y a une vingtaine de pensionnats et quelques externats qui peuvent vivre de leurs propres ressources. Mais les autres écoles ne peuvent se maintenir avec les seules rétributions scolaires dont le taux est faible et qui d'ailleurs ne sont pas exigées des enfants pauvres. La consigne est, à peu près partout celle-ci : « aucun enfant désireux d'entrer à l'école libre ne doit en être empêché par ses conditions de fortune. »

Des comités organisés pour chaque école et secondés par des amis dévoués de l'enseignement libre, se chargent de réunir les fonds qui manquent : ils organisent des fêtes, provoquent des dons, etc. Mais malgré tout, le traitement de nos Frères reste habituellement trop bas si l'on tient compte, non seulement du coût de la vie, mais encore des besoins de nos maisons de formation et de repos. C'est pour faire quelques économies, aussi bien que pour soutenir la concurrence avec les écoles publiques, que nos Frères ont organisé peu partout, les « études» payantes après les heures de classe.

Pour diminuer les dépenses et comme délassement, ils cultivent en général un petit jardin. Là encore, j'ai admiré le dévouement déployé par nos Frères ; je les en félicite, tout en les engageant à ne jamais faire passer ces travaux avant leurs devoirs religieux et professionnels.

Les catholiques français, par une campagne méthodique et tenace, ont pu obtenir du Parlement une subvention pour les écoles libres. Elle n'est pas considérable, mais elle marque une première victoire qui encourage tous ceux qui luttent pour une justice scolaire qui reconnaîtrait le service rendu à l'État par lesdites écoles. Si cet objectif est atteint, la construction des locaux et leur entretien, aussi bien que le mobilier scolaire, ne seront plus complètement à la charge des Frères ou des comités.

Prions pour le succès d'une si belle campagne. On ne peut douter de l'heureuse répercussion qu'aurait un tel succès dans d'autres pays où se pose le même problème.

Cependant, quoique très importante, la question financière est loin de préoccuper autant que celle du recrutement et de la persévérance. La Province de Varennes ne saurait trouver beaucoup de vocations dans le centre de la France ; en Bretagne, le milieu est plus favorable ; mais partout il y a de nombreux recruteurs pour les séminaires et les juvénats oit noviciats.

Il reste le recrutement dans nos écoles. Dans cette Province, comme d'ailleurs dans la. plupart des autres, on s'y adonne beaucoup plus qu'autrefois et l'on n'a qu'à s'en féliciter. Je vois avec plaisir que les jeunes Frères ne sont pas en général les moins ardents ; ils prouvent ainsi leur amour pour leur sainte vocation ; d'ailleurs, en la faisant, connaître et aimer, ils apprennent à mieux la connaître et à mieux l'aimer eux-mêmes. Je souhaite ardemment qu'aucun de nos Frères ne se désintéresse de ce bel apostolat.

Cet effort de chacun est d'autant plus nécessaire en France que le nombre des vieillards y faisant encore la classe y est plus élevé que partout ailleurs. Ils tiennent, jusqu'à l'extrême limite de leurs forces, et lorsqu'ils se voient contraints au repos, il n'est pas rare qu'ils éprouvent une nostalgie, pleine sans doute de résignation mais, malgré tout, pénible. Bel exemple pour ceux qui seraient tentés de porter envie aux maîtres qui dans le monde prennent leur retraite à un âge bien moins avancé.

A ces réflexions sur nos œuvres de France et, en particulier sur celles de la Province de Varennes, j'ajouterai simplement qu'il y a partout progrès pour l'observance régulière. C'est là, pour un Supérieur un motif de grande consolation. Dieu fasse que ce progrès s'accentue encore et nous mérite de nombreuses et ferventes vocations. 

DISTRICT DE MADAGASCAR

 La Mission Mariste de Madagascar continue à donner de bonnes nouvelles et le Cher Frère Jean-Emile, Vicaire Général, qui vient d'y faire la visite canonique, en rapporte une excellente impression de, progrès dans tous les domaines.

Depuis sa dernière visite en 1947, les élèves ont doublé, passant de 800 à 1.600. Une école, celle de Diégo Suarez, s'est ajoutée aux trois anciennes. A Antsirabé, qui est le centre de nos œuvres de formation, un petit bâtiment, récemment construit, a permis de desserrer juvénat et noviciat jusque là trop mêlés à la. communauté. Le personnel est trop insuffisant vu l'affluence des élèves, mais il a augmenté tout de même sensiblement. Plusieurs Frères sont venus d'Europe et, sur place, le noviciat a fourni quelques sujets ; il compte actuellement six novices.

La formation des jeunes Frères malgaches est fort longue, car bien des juvénistes arrivent sans savoir un mot de français et il leur faut conquérir des diplômes français pour pouvoir enseigner. Les Frères malgaches sont à présent 25 et tout fait espérer que ce nombre ne cessera de croître. Avec 18 Frères venus d'Europe cela fait une quarantaine de religieux valides. Le climat des plateaux, vu l'altitude de 1.200 à 1.600 mètres, est excellent. Les fondateurs de la Mission ont dépassé quatre-vingts ans et ils voient avec bonheur que leur pénible labeur des débuts a porté des fruits consolants.

La situation financière, elle aussi, s'est améliorée. Aux trois écoles malgaches : Diégo, Bétafo et Antsirabé, s'ajoute, dans cette localité, un collège pour européens, comprenant un internat de 60 places. Lentement la distance entre européens et malgaches s'efface et ainsi des enfants malgaches sont admis à côté des européens, de même que des Frères malgaches peuvent être professeurs dans ce collège. il compte actuellement 230 élèves. On fait des plans pour son agrandissement.

Comme partout, nombreuses sont à Madagascar les demandes de fondations. Nous en avons plusieurs en vue. Nous voudrions surtout avoir un pied-à-terre à Tananarive, la capitale, où des offres nous sont faites ; une ou deux écoles qu'on nous demande dans des régions particulièrement riches en vocations, seraient également un grand bien pour le District. 

Visite canonique des Provinces

de l'Argentine, du Chili, du Pérou

et de l'Uruguay.

             MON RÉVÉREND FRÈRE SUPERIEUR,

Comme dans les pays dont la visite m'a été confiée, il n'y a pas eu d'événements ni de changements extraordinaires depuis mon dernier passage, je me bornerai, dans cette relation, à mettre en relief certains aspects de la vie normale se rapportant spécialement à l'organisation interne et aux améliorations introduites dans l'apostolat dans les collèges. Je me plais à vous assurer d'avance que, grâce à Dieu, le bon esprit et la régularité règnent partout. L’œuvre du Vble Fondateur se réalise avec efficacité. 

URUGUAY

 J'ai pu constater, comme je m'y attendais, que le bon esprit, la régularité, l'abnégation et le souci de se surpasser sous tous les rapports de la vie de communauté et de l'apostolat, continuent à être les caractéristiques des Frères de ce vaillant District. Comme conséquence, il est visible que les bénédictions du Ciel et la bienveillance des familles continuent à se manifester de toutes parts. Dans deux établissements : Juan Zorrilla de San Martin, à Montevideo, et San Luis à Durazno, ces bénédictions et cette bienveillance se sont traduites, inclusivement, en bienfaits d'ordre temporel.

Depuis 1939, le premier de ces établissements avait fonctionné dans différentes maisons louées à Punta Carreta, centre résidentiel de Montevideo. Cette situation précaire préoccupait les familles parce que les Frères pouvaient se voir un jour obligés d'abandonner la zone. Pour parer à ce danger, l'achat d'un local s'imposait. Comme les Frères n'avaient pas les fonds voulus, les pères de famille s'organisèrent, trouvèrent l'argent et firent l'acquisition de l'immeuble actuel au nom de la Congrégation, avec la seule obligation pour celle-ci, d'assurer l'existence« de l’œuvre.

La même difficulté existait à Durazno pour le Collège San Luis. Le local de l'école étant mis en vente, la population craignit de voir partir les Frères. Là encore, les parents intervinrent, sous la présidence de Monsieur le Maire et du Directeur de la Banque chargée de procéder à la vente du local. Il est à remarquer que ces deux Messieurs n'avaient eu de relations directes ni avec les Frères, ni avec le Collège. Lors de ma visite, les parents avaient déjà recueilli les deux tiers de l'argent nécessaire à cet achat. Ils font déjà des plans pour la construction d'un nouvel édifice.

Il y a quelques années la situation économique du District ne laissait pas d'être inquiétante. Mais, grâce aux économies réalisées dans les constructions et les réparations des maisons par le travail personnel des Frères pendant les vacances, et, grâce aussi à une intelligente administration des ressources du District, l'état actuel des finances est très rassurant. Le District est ainsi à même de remplir les engagements contractés, de maintenir et de développer les maisons de formation et de permettre chaque année à quelques Frères de venir en Europe pour le second Noviciat ou une visite de famille.

Le résultat obtenu au point de vue du recrutement mérite d'être souligné. Quelque 50 juvénistes, soit de l'Argentine, soit de l'Uruguay, sont l'espoir du District. De plus, 4 scolastiques ; un novice et 4 postulants continuent leur formation à Lujàn, en Argentine.

Actuellement toute l'activité des Supérieurs du District est dirigée vers l'organisation définitive des maisons de formation et vers les études des Frères, lesquels font leur possible pour se maintenir à la hauteur des exigences toujours croissantes de l'enseignement dans la République Orientale de l'Uruguay.

 ARGENTINE

 La visite des maisons de la Province a été pour. moi une suite de satisfactions, car, j'ai pu constater combien le bon esprit et la régularité règnent en toutes les communautés.

J'estime que deux facteurs ont particulièrement contribué à cet heureux résultat. D'un côté, l'effort fait par la Province pour envoyer de nombreux Frères au Second Noviciat (63 ces quatre dernières années) ; de l'autre, le rétablissement des visites de famille pour les Frères venus d'Europe ; elles avaient forcément été suspendues à cause de la guerre d'Espagne et de la guerre mondiale.

Les progrès de la Province se manifestent, non seulement dans les importantes améliorations matérielles exécutées dans presque toutes les maisons, mais surtout dans les perfectionnements réalisés dans leur organisation interne.

Pour ce qui a rapport aux études supérieures, je ne puis m'empêcher de dire le grand. plaisir que j'ai éprouvé voyant, en plein épanouissement « l'Instituto del Profesorado del Consejo de Educación Católica » dirigé par les Frères. Je crois utile de m'étendre un peu là-dessus parce qu'il me semble que ce soit là une solution des plus heureuses pour la préparation professionnelle des religieux en Argentine.

A l'origine de sa création se trouve l'exigence péremptoire de la part de l'État de titres professionnels pour pouvoir enseigner dans les classes secondaires.

Profitant de la bienveillance du Gouvernement actuel envers l'enseignement privé, le Conseil Supérieur d'Éducation Catholique, désireux d'éviter les inconvénients qu'implique pour les religieux et religieuses la fréquentation des Universités de l'État, sollicita et obtint la création de son propre Institut pour leur préparation professionnelle.

Ses études, de caractère nettement universitaire, comportent les programmes des Instituts similaires de l'État, avec en plus, une formation philosophique thomiste dans toutes les branches. L'ingérence de l'État dans son organisation interne et dans les examens est presque nulle, se limitant à un contrôle général durant les examens.

Les titres accordés par l'Institut ont valeur officielle et habilitent à l'enseignement dans les établissements tant officiels que privés.

Bien que l'établissement ait la faculté de recevoir toutes sortes d'élèves, il est cependant, pour le moment, réservé exclusivement aux religieux et religieuses. Il compte cette année-ci 200 élèves appartenant à 42 Congrégations. Les professeurs sont nommés directement par le Conseil Supérieur d'Éducation Catholique. Ils sont actuellement 53, presque tous professeurs d'Université, foncièrement catholiques et souvent même membres actifs de l'A. C.

En attendant qu'on puisse disposer d'un local ad hoc, l'Institut occupe deux étages du beau Collège « Santa Rosa » que les Religieuses Missionnaires du Sacré-Cœur ont généreusement cédé à cette fin. On utilise les laboratoires de divers Collèges privés de la capitale et ceux d'un Institut dépendant de la Faculté de Médecine de Buenos Aires.

Par élection des Membres du Conseil Supérieur d'Éducation Catholique, la Direction de l'Institut a été confiée à un Frère Mariste. Un autre Frère assume également la charge de Secrétaire Général.

Faisons les vœux les plus fraternels pour qu'avec l'aide de Dieu et la protection de la sainte Vierge, ils contribuent à affermir une Institution si providentielle.

Dans le même ordre de choses, nous croyons intéressant de mentionner un autre geste du Gouvernement en faveur de l'enseignement privé. Depuis le 1ier janvier 1948 les enseignants privés. reçoivent de l'État une subvention qui va, selon les cas, du 45 au 60 % du salaire de leurs collègues officiels, ainsi qu'une augmentation progressive selon les années d'ancienneté, allant jusqu'à 50 % du salaire de base à 22 ans de service. Les professeurs du Juvénat Supérieur et du Scolasticat, du moment qu'ils ont 15 élèves dans leur classe, jouissent également de ce privilège. Les bénéfices de cette loi couvrent le 50 % des dépenses des maisons de formation de la Province.

J'ai constaté avec grand plaisir que les Frères font tout leur possible pour répondre aux nouvelles exigences de l'apostolat de la jeunesse. Dans la plupart des maisons, les FF. Directeurs se sont préoccupés sérieusement, malgré les difficultés presque insurmontables occasionnées par le manque de prêtres, de créer une vie spirituelle intense parmi les élèves par la réception plus soignée des Sacrements et surtout par l'organisation méthodique et continue de la direction spirituelle des grands élèves. Par là, nos Frères réaliseront la consigne qui leur a été donnée de ne pas se borner à expliquer les textes de religion, mais à obtenir des élèves qu'ils vivent en chrétiens non seulement maintenant au collège, mais encore quand ils l'auront abandonné et pendant toute leur vie.

Dans quelques écoles on a établi l'Association des pères de famille et. des élèves catéchistes. La première de ces organisations se généralise et est en voie de prendre un caractère national et international. La seconde, bien dirigée, peut rendre d'incalculables services dans certaines paroisses et quartiers où le besoin d'apostolat se fait le plus sentir ; c'est le meilleur moyen de former de Futurs catéchistes laïques. Si les Conférences de saint Vincent de Paul viennent compléter d’œuvre des catéchistes, l'influence du collège sur des déshérités de la foi et de la fortune peut être décisive.

La Province a également à son crédit dans le domaine missionnaire, la participation de plusieurs Frères à des expéditions missionnaires organisées par la hiérarchie en faveur des Indiens de la Patagonie. Elle projette également de fonder une Mission parmi les indigènes de Formosa dans le nord du pays.

.Je ne veux pas terminer sans dire le grand bien que l'on peut attendre du bel effort qui se fait dans la Province pour imprégner d'esprit mariste la spiritualité et toute l'activité des Frères : la vie de communauté, la vie de collège et l'apostolat, Ie recrutement et la formation des aspirants. 

CHILI

 J'ai trouvé cette jeune Province livrée avec son enthousiasme caractéristique à l’œuvre de l'éducation et de l'apostolat mais, par-dessus tout, décidément engagée à s'affermir intérieurement et à poser des bases solides en prévision du futur développement que lui promet l'hospitalière république du Chili.

Voici quelques aspects des activités de la Province qui méritent d'être signalés.

Formation spirituelle des élèves, Grâce à la large compréhension des autorités ecclésiastiques et au zèle des FF. Directeurs, la direction spirituelle, méthodique et suivie des élèves, surtout des grands, est assurée dans les principaux collèges. Les prêtres chargés de ce travail important sont bien préparés et se donnent exclusivement à l'apostolat parmi la jeunesse. Les fruits produits par cette pratique sont évidents et se manifestent surtout par une vie spirituelle plus intense dans la masse des élèves, par leur bon esprit et par une meilleure compréhension et une plus grande estime pour la vocation sacerdotale et religieuse. Cette direction spirituelle s'accompagne souvent de retraites fermées, échelonnées tout le long de l'armée scolaire, ce qui en accroît considérablement l'efficacité. Comme conséquence naturelle, les œuvres d'apostolat que les élèves exercent hors du collège, s'améliorent et se multiplient.

Associations de pères de famille. – Les Frères ont joué un rôle remarquable dans l'organisation et le développement des Associations de pères de famille au Chili. Les activités de ces Associations, si bien en harmonie avec les caractéristiques des temps actuels, s'étendent déjà au plan international. Le F. Provincial a présidé la nombreuse délégation officielle chilienne au premier Congrès Interaméricain des pères de famille tenu à Lima en octobre dernier.

Subventions de l'État aux écoles privées. – Les catholiques chiliens ont toujours été batailleurs et entre autres choses ils ont obtenu du Gouvernement d'importantes subventions pour leurs écoles, bien que l'enseignement public soit depuis bien longtemps entre les mains de la franc-maçonnerie.

Dans les écoles gratuites privées, soit primaires, soit secondaires, l'État paye pour chaque élève le 50 % de ce que lui revient chaque élève de même catégorie dans ses propres écoles. Aux écoles payantes, il donne le 25 %.

Les Frères sont heureux de faire bénéficier des enfants pauvres le plus largement possible de ce secours. Les écoles primaires de La Calera, Quillota (asile) et Constitución, de même que les secondaires de San Fernando et Los Andes, reçoivent les subventions des écoles gratuites. Les Collèges de Curicó, Rancagua, Quillota (pensionnat) et Santiago reçoivent les subsides des écoles payantes, ce qui permet de maintenir les rétributions scolaires à la portée des familles peu fortunées.

Personnel. – Mais, la préoccupation capitale de la Province continue d'être le personnel et sa formation. Le Juvénat en voie de construction à Valladolid (Espagne) et qui sera commun aux Provinces du Chili, de l'Argentine et du Pérou, pourra recevoir environ 160 juvénistes, formant deux sections bien séparées. Ce sera sous peu une source précieuse de personnel. En attendant, moyennant des conventions passées avec les Provinces d'Espagne, la Province a reçu ou recevra une vingtaine de scolastiques. Cependant, la solution définitive du recrutement devra se trouver dans le pays même. Sous ce rapport, grande a été ma satisfaction de trouver à Limache, où se construit un nouveau local, 30 juvénistes chiliens, dont 27 proviennent de nos collèges. Un examen individuel m'a convaincu qu'il s'agit de vocations sérieuses. Ce résultat encourageant et l'impression favorable recueillie par un professeur du juvénat dans une tournée de vocations dans les écoles ne permet pas de douter que, dans peu d'années, la Province pourra compter sur un recrutement normal dans son propre pays.

Des études sérieusement organisées et officiellement contrôlées et sanctionnées au Juvénat et au Scolasticat, ainsi que la fréquentation par les Frères des deux universités catholiques dont s'honore le Chili, assurent la bonne préparation professionnelle du personnel.

Lors de la récente et solennelle inauguration des nouveaux locaux du collège de Los Andes, il m'a été donné de vérifier la sympathie et la confiance extraordinaires dont jouissent les Frères de la part des familles et des autorités locales qui, presque dans leur totalité, sont d'anciens élèves du Collège.

Que la Vierge du Carmel, si populaire et si aimée au Chili, pourvoie sa Province de nombreux et fervents apôtres maristes chiliens. 

PEROU

Les dix maisons de la Province continuent vaillamment l'honorable tradition de régularité et de bon esprit qui a toujours distingué ce secteur de la Congrégation. Les écoles débordantes d'élèves maintiennent et accroissent leur excellente réputation, répondant amplement aux exigences culturelles du pays et s'appliquant à former des personnalités chrétiennes sur le profond sentiment religieux que conserve le peuple péruvien, héritage évident légué par les missionnaires espagnols et non encore neutralisé ni par le cosmopolitisme ni par les autres éléments déchristianisateurs. Une instruction religieuse soignée est précisément ce qui peut conserver cette religiosité et éviter qu'elle ne dégénère en des formes voisines de la superstition, spécialement dans les lieux éloignés des hautes montagnes habitées jusqu'à l'altitude de 4.500 mètres.

Au point de vue matériel, les collèges ont renoncé de bon cœur à faire des agrandissements afin de permettre à la Province de construire ses maisons de formation qui lui manquent totalement. Ses sections commençantes fonctionnent actuellement dans une maison louée en pleine ville. Digne d'imitation toutefois est l'exemple donné par le collège de Sullana qui, malgré tout, n'a pas renoncé au projet d'offrir au Seigneur une digne demeure, en orientant vers la construction d'une grande et belle chapelle et avant d'autres choses moins essentielles, la générosité des élèves et des familles de la localité.

On continue à exciter parmi les grands élèves d'apostolat actif, multipliant les centres de catéchisme dans les quartiers pauvres et dans les écoles de l'État. J'ai vu avec intérêt, comment dans certains collèges, les grands élèves des classes primaires s'exercent déjà à l'enseignement du catéchisme sous la direction des Frères. Ils réunissent dans ce but, dans l'après-midi du samedi, des groupes d'enfants des environs.

Le Congrès Interaméricain des pères de famille qui s'est tenu à Lima au mois d'octobre a été mis à profit pour organiser définitivement dans tous les collèges de la Province des Associations de parents d'élèves.

La reconnaissance officielle du Scolasticat de Chosica comme École Normale Primaire, ainsi que des cours d'été, assurent aux Frères les titres nécessaires aux deux enseignements primaire et secondaire.

Pour le Pérou, comme pour la majorité des Provinces neuves, le problème vital est le problème du personnel. Le nombre appréciable de sujets envoyés ces dernières années par l'Œuvre Saint-François-Xavier, le Noviciat de Pontés et quelques Provinces d'Espagne ont été d'un grand secours. Il a permis à la Province de faire face aux nécessités plus urgentes et immédiates, pendant que s'organise le Juvénat de Valladolid et s'intensifie le recrutement dans le pays, lequel arrivera à être, à n'en pas douter, en quelques années, la source normale des vocations pour la Province. Le C.F. Provincial, pendant la visite des collèges qu'il fit avec moi, fut agréablement surpris du nombre d'élèves qui spontanément vinrent lui faire part de leurs projets de devenir Frères. Le grand mouvement qui commence dans la Province en faveur du recrutement, sous la protection de sainte Rose de Lima, sa Patronne, doit produire ses fruits. Le Frère Provincial étudie sérieusement la possibilité de fonder un Juvénat préparatoire dans la région de Cajamarca qui est un centre de nombreuses et bonnes vocations . Cette fondation remplacerait opportunément le Juvénat de Gassino (Italie) auquel participait la Province et qui vient d'être Fermé.

Comme nous l'avons dit, la Province est sur le point de commencer la construction de sa maison provinciale. A cette fin elle a fait, il y a quelques années, l'acquisition d'un magnifique terrain de 20 'ha, situé dans le célèbre vallon de Chosica (Ville du soleil), à 45 km de Lima et à 900 mètres d'altitude. Son climat est idéal et tous les produits subtropicaux y donnent plusieurs récoltes par an ; l'hiver y est pratiquement inconnu. La construction, déjà approuvée par le Conseil Général, va commencer prochainement.

L'intention du C.F. Provincial et de son Conseil, de ne priver aucun Frère de la Province des bienfaits du Second Noviciat, sera une garantie de plus de la bonne marche de la Province à l'avenir.

Frère SEBASTIANI, A.G. 

Congrès Eucharistique de Barcelone

 Notes caractéristiques de ce grand événement.

Intervention et collaboration maristes.

                           MON RÉVÉREND FRÈRE SUPÉRIEUR,

 Investi de votre délégation, ainsi que le C.F. Leoncio-Martin., A.G., pour représenter le Conseil Général au XXXV° Congrès Eucharistique International qui s'est tenu à Barcelone, je voudrais bien pouvoir vous en présenter une synthèse tant pour satisfaire votre demande que pour l'édification des lecteurs de la Circulaire.

Mais, outre que la presse mondiale s'est faite l'écho avec un luxe de détails, des journées solennelles qui se sont écoulées entre le 27 mai. et le 3 juin derniers, j'estime que toutes les pages de notre organe officiel seraient insuffisantes pour refléter la splendeur des actes du Congrès.

Aussi, je me bornerai à signaler sommairement les notes caractéristiques qui ont fait de ce Congrès un des événements religieux saillants de notre époque, comme en témoignent, entre autres, les déclarations suivantes :

« Nous voulons le proposer en exemple au monde entier. »

(Du message de S.S. Pie XII, á la clôture du Congrès.)

Je puis vous affirmer qu'il n'y a jamais eu et qu'il n'y aura jamais un spectacle si grandiose. »

(S.E. le Cardinal Tedeschini, aux journalistes de Rome.)

« Le règne de Dieu et de Marie dans le monde ne saurait tarder si tous les peuples pensaient et agissaient comme le peuple espagnol l'a fait durant ce Congrès. »

(Mgr. Vachon, Archevêque d'Ottawa.)

« Le Congrès de Barcelone aura été un signe visible de Dieu aux nations, peut-être avant les jours terribles où les bruits et préparatifs de guerre finissent par aboutir. »

(L.M. Barrielle, C.P.C.R. dans « Marchons ».

Ainsi donc, je vais résumer les faits les plus saillants de ce magnifique et inoubliable Congrès, et, exposer ensuite brièvement, la participation de notre Institut et des 35.000 élèves de nos écoles et collèges d'Espagne. 

I. le succès du Congrès a été le fruit du sang de nos martyrs et de la pénitence et de la prière de beaucoup de saintes âmes.

Ainsi s'est exprimé le digne Prélat de Barcelone, Mgr Modrego, au cours d'une visite d'adieu, deux jours après la clôture du Congrès, quand nous lui avons demandé ses impressions sur le grand rassemblement. Cette conviction était partagée par un grand nombre de congressistes. .

Notre-Seigneur, qui aux Heures d'angoisse de la révolution communiste (1936-1939) s'est vu raillé et outragé à Barcelone, peut-être plus qu'en aucun antre endroit, par d'innombrables églises profanées et incendiées, par des impiétés abominables, par des persécutions et des martyres atroces, s'est vengé, comme Il sait le faire à la façon divine, livrant un assaut d'amour à la ville qui, un jour, parut s'être changée en une nouvelle .Jérusalem déicide. Ce fui comme l'entrée triomphale d'un dimanche des Rameaux sans déclin..

Car, comme l'a bien dit S.E. le Cardinal Gerlier, archevêque de Lyon et Primat des Gaules, ce ne fut pas un secteur de la grande ville qui se revêtit de ses plus beaux ornements de fête en l'honneur de l'Hôte divin qui la visitait, ou qui se sentit ému au passage du Dieu eucharistique, ce fut la population entière, jusqu'en ses faubourgs les plus éloignés, car il n'y eut peut-être pas un seul foyer qui se considérât étranger à cette manifestation de foi, ni un seul balcon qui n'étalât ses plus riches parures.

Il manquera peut-être au siège futur du XXXVI° Congrès, l'incomparable Rio de Janeiro, et à tous ceux qui lui succéderont, ce signe du martyre qui, d'après Tertullien, est, un germe fécond dans l'Eglise de Jésus-Christ.

Mais ce ne fut pas seulement Barcelone, c'est l'Espagne tout entière qui s'associa d'âme et de cœur, avec une grande foi, un enthousiasme et une piété exemplaires à cette glorification eucharistique, comme le fit avec elle tout l'univers chrétien., sans distinction de races, de peuples, ou de nations. Dans ce rendez-vous œcuménique, on put remarquer une émouvante représentation des églises qui, au-delà du rideau de fer, subissent la plus cruelle persécution pour le délit de se montrer, malgré tout, fermes dans leur foi et les vaillants « témoins du Christ » et de son Eglise.

Si Barcelone fut l'ostensoir rayonnant d'un si magnifique triomphe, l'Espagne en fut l'autel, et le monde entier sut marquer un arrêt dans sa frénésie de vie agitée pour tomber à genoux au passage de la petite hostie blanche, synthèse de notre foi et de notre espérance et centre de tous les cœurs. 

II. Le véritable Congrès International de la Paix.

 « Le Christ dans toutes les âmes

Et dans le monde la Paix ! » 

Telle est la finale du refrain du cantique du Congrès Eucharistique International de Barcelone pour la Paix.

Ces paroles étaient chantées par des centaines de milliers de voix (certainement plus de deux millions le dimanche de la clôture). Oui, Barcelone a été le véritable rassemblement, de la Paix. Véritable, par la masse humaine rassemblée. Véritable, par l'universalité représentée : Des groupes de Polonais, de Tchèques, de Hongrois, une pancarte indiquant le nom de leur pays, étaient acclamés par la foule.

Véritable rassemblement de la paix par la ferveur de la prière, par cette affection fraternelle que seule l'Eglise peut donner et qui se nourrit de la Sainte Eucharistie. Ces masses d'hommes le sentaient. Ils étaient vraiment un, vraiment unis malgré la diversité de classes, d'intérêts, de langues.

Il y a un moyen d'avoir la paix entre les nations. Si l'on ne veut pas de ce moyen, on n'aura pas la paix, quelques conférences que l'on fasse, et quelques mesures que l'on prenne. Dieu seul peut nous donner la paix. Le monde ne peut la donner. Qu'on ne veuille pas le croire ni l'accepter, soit. Ceux qui veulent prendre un autre chemin, quel qu'il soit, nous prouvent par leurs échecs retentissants qu'ils se trompent.

Et ce Congrès à lui seul, même pour ceux qui ne connaissent ni l'Eglise ni l'histoire, sera une preuve que Dieu aura voulu donner à entendre, face à l'apostasie des nations, que le Dieu de Paix est toujours vivant, que son Eglise détient toujours le moyen de cette paix, et que le monde n'a qu'à le recevoir.

Pendant le Congrès on a fait une sainte violence au Ciel en faveur de la Paix Internationale, de la paix sociale et de la paix familiale et individuelle. 

III. La solution du problème social par l'Eucharistie… qui est amour.

 Pour bon nombre de Congressistes, un des numéros saillants du vaste programme aura été l'imposante concentration de près d'un demi-million de producteurs, entre patrons, techniciens, et ouvriers dans la vaste enceinte de l'Exposition, le 29 mai, journée consacrée à l'Eucharistie et à la Paix Sociale. Toute l'Avenue Marie-Christine était comme un fleuve débordant de ferveur religieuse.

On y entendit la voix des prélats de Barcelone et de Tolède, celui-ci primat d'Espagne. Le dernier à prendre la parole fut le Cardinal Spellman qui, dans son discours, eut cette phrase devenue célèbre : « Ou Communion ou Communisme ».

Une note sympathique marqua cette réunion : l'offrande d'objets du culte, véritables œuvres d'art, élaborés dans diverses régions d'Espagne.

Les délégués des organisations professionnelles sont fiers de présenter à l'autel un échantillon des travaux inspirés par la foi.

La merveilleuse exposition d'ostensoirs célèbres fut-elle autre chose que la claire démonstration que tout ce que nous avons hérité de nos pères, en fait d'art religieux, depuis les imposantes cathédrales jusqu'aux filigranes d'orfèvrerie, est, le fruit de l'effort du travail. de l'intelligence et de l'esprit de sacrifice resserrés par un sublime idéal ?

Spectacle de poignante émotion que de voir cette immense assemblée écoutant dans un profond recueillement la consécration dit monde ouvrier à Jésus-Hostie, faite par un travailleur :

Jésus, notre Frère, nous l'offrons le fruit de nos sueurs… Fais qu'un jour, nous soyons Tes semblables au Ciel, puisque Tu as bien voulu être semblable á nous, sur ta terre.

Ce fut ensuite le tour des délégués des entrepreneurs et des techniciens avec des appels à la concorde et à l'amour, sous le signe de l'Eucharistie.

Et puis l'hymne du Congrès, cet hymne splendide et très musical, très harmonieux, très. entraînant. éclate comme une fanfare, chanté magnifiquement par ce demi-million de voix humaines : « Le Christ dans toutes les âmes, et dans le monde, la Paix ! » 

IV. La famille chrétienne à l'honneur.

 Ce fut une idée géniale que celle de dédier un acte solennel au foyer chrétien, cellule vivante de la société et de l'Église. On n'avait rien vu de semblable dans les Congrès antérieurs. La cérémonie se déroula sur la Place Pie XII, lieu officiel réservé aux grands rassemblements, devant des milliers de spectateurs et en présence d'un nombreux cortège de prélats et de plusieurs Cardinaux, présidés par le Légat Pontifical.

Après une. vibrante allocution du Dr Tusquets, bien connu par ses campagnes catéchistiques, un enfant de dix ans s'avance vers les degrés de l'autel et lit d'une voix ferme une très belle consécration de l'enfance du monde entier à Jésus, l'Ami divin des tout-petits.

Puis, au nom des familles nombreuses, l'honneur revient à l'Amiral Cervera, figure illustré de la marine espagnole, qui a su élever pour Dieu et pour la Patrie quatorze enfants, dont neuf entourent en ce moment l'heureux chef de ce foyer modèle. Son accent viril résonne dans la multitude comme un coup de clairon qui rappelle les bénédictions de Jéhovah sur ceux qui le craignent et qui respectent sa loi sainte dans le mariage.

C'est alors le tour de l'héroïne qui a offert au Seigneur la vie de quatre fils martyrs durant les journées de la révolution marxiste, à Barcelone même. A son foyer, sanctifié par le sang généreux de ces héros, s'était réfugié le vertueux évêque du diocèse, Mgr Irurita, qui peu après tombait victime de la haine des sans-Dieu. L'accent de cette mère, nouvelle Symphorose, offrant sa douteur avec celle de toutes les mères en deuil, dans une prière fervente pour la Paix du monde, fut une note de sublime émotion.

Au nom des familles magnanimes qui ne refusent pas leurs enfants au bon Dieu quand. Il les appelle à son service, au Sacerdoce ou à l'état religieux, un maître d'école récita une belle prière, ayant son épouse à ses côtés. ils ont consacré au service de Dieu leurs huit enfants : deux Carmes, trois Jésuites, et trois religieuses de l'Ordre de Notre-Dame.

Leur acte de consécration exprima le bonheur d'avoir fait le sacrifice de ce qu'ils aimaient le plus au monde par amour de Celui qui s'est livré pour nous, et formula le souhait que chaque famille catholique puisse s'honorer d'avoir un, ou plusieurs membres enrôlés au service de Dieu. 

V. L'Ordination de 820 diacres.

 Elle eut lieu dans l'immense stade de Montjuich. Sur les gradins prirent place plus de cent mille personnes. Tout le stade était un autel, mieux encore : une patène, une oblation. Les 820 nouveaux prêtres sont comme une hostie de propitiation que le XXXV° Congrès offre au Ciel pour les péchés du monde.

Sur la pelouse verte, de six hectares environ, on a dressé 21 autels avec leurs tapis rouges pour les 820 ordinands de toute nation. Dans la grande tribune d'honneur, au milieu, les autorités civiles, au bas, 160 évêques ou cardinaux..

Au milieu de la pelouse une chorale de mille prêtres en surplis. Harmonie parfaite. C'est beau, c'est lumineux !

Soudain, par la grande entrée du stade, apparaissent en rangs serrés, par petites compagnies de 30, 40 ou 50, les prêtres à ordonner, suivis de leur évêque et des dignitaires régionaux.

Chaque groupe prend place devant l'autel qui lui est désigné. Il y a là des diacres do Lérida, de León, de Barcelone, de San Sebastián, de Tenerife, de Minorca, de Tortosa ; il y a des couvents avec leurs Abbés mitrés et c'est ainsi que parmi les religieux de ces couvents il a été ordonné en grande proportion avec les Espagnols, des Hongrois, des Chinois, des Africains, etc. …

Il y a devant les 21 autels de la pelouse 820 diacres. C'est impressionnant !

Et les cérémonies se déroulent synchronisées par les haut-parleurs, même pour les paroles de la consécration scandées en mesure.

Voici les litanies des saints chantées sur ces 820 ordinands étendus ; 100.000 personnes répondent. Le « Libera nos, Domine » prend des accents inconnus de supplication ardente.

Les drapeaux de l'Espagne, du Pape et de toutes les nations flottent sur leurs mâts autour du stade, le soleil se fait, lui aussi, plus lumineux et plus chaud.

Et la cérémonie s'achève, il est une heure de l'après-midi ; le Cardinal-Légat est là, on. le salue par les cris sans cesse répétés : « Viva el Papa ! Viva el Papa ! España por el Papa ! » (L'Espagne est pour le Pape)…

L'Histoire de l'Église n'enregistre aucun événement semblable. C'est l'Épiphanie du Sacerdoce, c'est-à-dire, la nouvelle épiphanie du Christ.

La cérémonie achevée, on put voir la multitude se disputer saintement l'honneur de baiser les premiers les mains consacrées des nouveaux ministres du Seigneur.

Plusieurs anciens élèves maristes figuraient parmi les heureux ordinands. 

VI. La jeunesse et les Organisations Sportives rendent hommage à l'Eucharistie.

 Ce fut une note sympathique en même temps qu'un fait nouveau dans les annales des Congrès Eucharistiques.

Dix mille garçons du Front des Jeunes, Étudiants, Apprentis, et Scouts de toutes les régions d'Espagne, portant la chemise bleue et coiffés du béret rouge, campèrent sous des tentes sur les flancs du Montjuich, pour rendre leur hommage à l'Eucharistie.

Leur pas martial à travers les rues de la ville, leur bonne tenue, leur piété durant les cérémonies publiques furent remarqués avec sympathie par la multitude des congressistes nationaux et étrangers.

C'est une floraison de l'Espagne nouvelle qui se préoccupe d'éduquer, dans la crainte de Dieu et face aux exigences de la vie, les nouvelles générations. Une retraite de trois jours avait précédé le départ pour Barcelone.

Cette heureuse initiative eut pour complément la présence des Fédérations Régionales du Sport qui représentaient plus de cent mille associés actifs.

L'immense place Pie XII était trop petite pour contenir la foule qui assista à la Messe célébrée par Mgr Vachon, Président du Comité International des Congrès Eucharistiques.

L'acte était présidé par le Héros de l'Alcazar de Tolède, le Général Moscardó, délégué national pour le Sport.

Deux vedettes du Football espagnol, Marcet et Clavet, servirent, la Messe et des milliers de sportsmen reçurent la Sainte Communion.

Quelques moments avant la cérémonie religieuse, l'effigie de la Vierge de Montserrat, bénite le matin même dans la basilique du monastère, fit son entrée solennelle sur la place Pie XII, escortée par plusieurs milliers de cyclistes et motocyclistes qui accompagnèrent la Madone depuis la cime de la célèbre montagne.

Jeunesse, virilité, enthousiasme, à genoux devant le mystère adorable de l'Amour, où se trempait le courage des premiers martyrs chrétiens avant de se livrer à la fureur des fauves dans les cirques et les amphithéâtres ! 

VII. Un souvenir ému en faveur des malades.

 L'avant-veille de la clôture, la ville interrompit en grande partie son activité fébrile pour s'associer à la douleur des malades, membres souffrants de Jésus Christ.

De toutes les paroisses et chapelles, des groupes compacts de messieurs et dames, portant des cierges allumés, escortaient Notre-Seigneur, le Médecin divin, porté en viatique de salut, dans les foyers, les cliniques. les sanatoriums ou les hôpitaux.

Les véhicules arrêtaient leur marche pour laisser passer les pieux cortèges ; les piétons s'agenouillaient pour adorer le Saint Sacrement, un bon nombre se joignant à la procession.

Entre temps, à la place Pie XII se célébrait une Messe Pontificale avec une très nombreuse assistance, aux intentions des malades.

L'image de Notre-Dame de la Merci, si chère aux habitants de Barcelone, présidait de son trône cette émouvante cérémonie.

Toute cette matinée fut considérée dans la ville comme fête chômée.

Il n'est pas probable que dans les Congrès antérieurs on ait démontré d'une façon si pathétique la réalité du Corps Mystique du Christ dans ses membres, étroitement unis par l'amour qui. émane du Tabernacle. 

VIII. Concours poétique international d'Exaltation Eucharistique.

 Ce fut une autre des particularités qui attira le plus l'attention. Il convient, semble-t-il, que ces grandes assemblées conservent leur cachet de catholicité.

Au siège du Comité d'Organisation sont parvenus des travaux d'un très grand mérite, écrits dans les langues les plus diverses.

La remise solennelle des prix eut lieu au Palais de la Musique, devant un public nombreux et qualifié.

La présidence d'honneur fut occupée par LL. Eminences les Cardinaux, Spellman, Gerlier et Caggiano et par le Ministre de l'Éducation.

Le rôle de président effectif fut dévolu au magnifique écrivain et poète, Paul Claudel, et parmi les membres du jury figurait le célèbre académicien José Maria Pemàn, auteur de l'hymne du Congrès.

Un ancien élève mariste, publiciste de renom, M. Octavio Saltor, devint le Secrétaire du Concours.

L'Epi d'Or fut gagné par notre ancien élève Guillermo Díaz Plaja, Professeur à l'Université de Barcelone et un autre prix fut décerné à un jeune Prêtre, lui aussi ancien élève, Miguel Melendres.

En cette solennelle circonstance fut lu, en chinois, le poème lauréat de notre C.F. Félix-Prosper, de la Communauté de Singapore, sur « La Vierge et, l'Eucharistie ». Le lecteur, un jeune Père jésuite, chinois, expliqua en quelques mots espagnols la trame du poème, et sut attirer sur l'auteur absent les vifs applaudissement de l'Assemblée. Le Jury lui décerna un prix en espèces et un diplôme d'honneur que Claudel autographia de grand cœur. La traduction du poème sera insérée dans la « Memoria » officielle du Congrès.

Il y avait eu également, lui concours sur des thèmes de Pédagogie Eucharistique. Celui que présenta le C.F. Luigi, ancien Maître des Novices des Provinces du Mexique et de Cuba-Amérique Centrale, ayant, été classé parmi les quatre meilleurs, fut jugé digne d'être lu à l'une des sessions académiques du Congrès. Il avait pour titre : La paix du Christ réalisée dans la vie du jeune étudiant et de sa famille au moyen de l'Eucharistie

C'est le C.F. Leoncio Martin, A.G. qui, en l'absence du C.F. Luigi, fit cette lecture. 

X. Deux Congrès de résonance mondiale :

XXXII° Buenos-Aires (1934). XXXV° Barcelone (1952).

 Entre les deux, celui de Manille (1937) qui illumina des clartés eucharistiques le lointain Orient, et celui de Budapest, (1938) peu d'années avant la captivité de la patrie de Saint-Etienne, sous la domination de la faucille et du marteau.

Combien significatif ce long silence qui s'étend de 1938 à 1952 ! Que de tragédies renferment ces 18 ans ! …

Dans les actes saillants des Congrès de l'Argentine et de l'Espagne, il y a une ressemblance surprenante qui pourrait bien servir d'exemple pour ceux qui se tiendront par la suite dans les pays catholiques. Ces deux nations ont de profondes racines dans le catholicisme ; leur gouvernement et leur peuple ont adhéré avec conviction et enthousiasme à la célébration du Congrès.

Geste splendide que celui du Général Justo, Président de la République, assistant avec tous ses ministres à la réception et aux adieux du Légat Pontifical, le Cardinal Eugenio Pacelli, aujourd'hui le Pape Pie XII.

Le gouvernement, au complet, était présent à l'acte inaugural du XXXIl° Congrès, devant la Croix de Palermo et à sa clôture solennelle. Ce fut un, tableau réconfortant pour les deux millions de congressistes et de spectateurs présents à la procession finale, que de voir le Général Justo et ses Ministres, ainsi que les plus hauts fonctionnaires civils et militaires, escorter le Saint Sacrement sur le long parcours de l'Avenue Alvear. La sensibilité de la foule fut touchée au vif en entendant la voix émue de l'illustre Chef d'Etat prononçant l'acte de Consécration de l'Argentine au Saint Sacrement.

Ce fut sans doute la première fois qu'on vit plus de cinq mille soldats, ayant à leur tête leurs chefs hiérarchiques, recevoir la Sainte Communion autour de l'autel monumental.

Ces événements mémorables qui donnèrent un relief si caractéristique au XXXII° Congrès ont eu leur réplique à celui de Barcelone, et il ne pouvait en être autrement.

En ces jours inoubliables, la capitale de l'Espagne fut transférée à Barcelone. Le premier, et pour ainsi dire l'unique souci du Chef de l'État et de ses Ministres, ce fut le Congrès, qu'il s'agit de rendre hommage au représentant du Pape, de présider les réunions internationales d'étude, de s'associer à la. Messe Pontificale de clôture ou à la grande procession, portant en main. des cierges allumés, comme symbole d'une foi inextinguible.

Extrêmement pathétique fut la consécration de l'Espagne à l'Eucharistie, prononcée au moment de l'offertoire de la messe finale, par le Chef de l'Etat, geste qui mérita la paternelle bienveillance du Souverain Pontife. En voici deux extraits :

« Mon Seigneur et mon Dieu : C'est avec l'humilité qui convient à tout bon chrétien que je m'approche des degrés où repose la Sainte Eucharistie pour proclamer la foi catholique, apostolique et romaine, de la nation espagnole ; son amour pour Jésus-Hostie, et pour son insigne Pasteur, Sa Sainteté Pie XII, dont nous demandons à Dieu de prolonger la vie pour le bien de la Sainte Eglise.

« L'esprit de service pour la cause catholique que nous venons de proclamer n'est pas une simple déclaration ; il est précédé d'une légion innombrable de martyrs et de soldats tombés pour cette foi dans la dernière croisade. Nous ne sommes pas belliqueux, Seigneur, parce que nous Vous aimons. Les Espagnols aiment la paix et ils unissent leurs prières à celles de notre Saint Pontife et de toute la catholicité en. cette heure ; mais si le jour de l'épreuve venait, l'Espagne, sans aucun doute, se retrouverait à l'avant-garde de votre service, »

Du message télégraphique de Sa Sainteté Pie XII au Chef d'Etat espagnol, nous traduisons ce passage :

« En apprenant l'acte fervent avec lequel Votre Excellence a consacré l'Espagne à la Sainte Eucharistie à un moment solennel du Congrès de Barcelone, Nous désirons manifester à Votre Excellence l'intime satisfaction avec laquelle nous avons accueilli, un acte si pieux, riche témoignage de la foi de cette catholique nation et de ses dignes autorités. »

Comme il convenait à un événement de si haute importance nationale et mondiale, l'Armée eut sa grande journée. N'est-elle pas l'incarnation vivante de la Patrie ?

Le Cardinal Gouveia, de Lourenço-Marques, affirma que la cérémonie la plus émouvante du Congrès fut la Communion collective de dix mille soldats, présidée par les Ministres des Forces de terre, de la Marine et de l'Air. Le Commandant en Chef lut à cette occasion une très belle consécration dont voici quelques extraits :

« En votre présence, Ô Jésus présent au Très Saint Sacrement, Divin Capitaine de ceux qui croient en Vous, et qui Vous servent dans la lutte contre les ennemis de votre mission de salut des âmes, comme représentants de l'Armée espagnole, nous venons Vous rendre hommage d'adoration, unis, par la foi dans voire présence réelle eucharistique, à nos frères venus de toute la terre…

Successeurs, dans la vocation militaire et dans la foi chrétienne, de ces soldats qui sur terre et sur mer firent, escorte à Votre Divine Majesté, sur tous les continents, nous Vous présentons aujourd'hui les armes avec confiance, par cette prière qui s'élève de tous les cœurs unis à celui de Votre Vicaire, le Pape, seigneur donnez nous la paix !

Tout soldats que nous sommes, nous ne voulons pour tant pas la guerre, mais la paix. Non la paix du monde inspirée par des intérêts mesquins, ou par la haine exterminatrice, mais la nôtre.

Mais si un jour venait, ô Jésus, où le mot terrible nous appellerait pour défendre la Patrie, la Famille, la Religion, sachant, bien « Que la force vient du ciel », nous Vous demanderions cette force pour aller jusqu'à la victoire.

Mais éloignez ce jour, et que la Paix, œuvre de justice, règne afin que, dans le monde entier, cette promesse s'accomplisse : « Mon peuple demeurera dans la beauté de la Paix

Adhésion officielle de l'Institut. Collaboration de

nos Frères d'Espagne.

 Dans ce concert unanime de ferveur et d'enthousiasme pour procurer au Divin Prisonnier de nos autels, face à l'indifférence ou à l'apostasie de bien des nations, un triomphe éclatant, notre Congrégation. devait tenir une place digne de son esprit et de son but.

En date du 15 février, plus de trois mois avant l'ouverture du Congrès, L'adhésion officielle de l'Institut, l'ut votée par le Conseil Général. Celui-ci, avec la participation des quatre Provinces d'Espagne, fit parvenir à Mgr l'évêque de Barcelone une offrande importante qui nous classait dans la « Catégorie de Congressistes d'honneur e.

Le C.F. Provincial de Levante se fit un devoir de mettre à la disposition du Comité préposé au logement, les deux Collèges que l'Institut possède dans la Capitale de la Catalogne, et ceux des alentours.

Deux évêques et leur suite purent s'installer au Paseo de San Juan et à la rue Valencia.

Bon nombre de maîtres y trouvèrent un accueil fraternel ainsi que les Supérieurs en délégation, et, les FF. Provinciaux d'Espagne.

Les réfectoires des élèves demi-pensionnaires furent mis à la disposition des groupes de Collégiens venus le Séville et. de Murcie, qui trouvèrent un gîte confortable, pour la nuit, au pensionnat de Valldemia, à 15 kms de la ville.

Une belle salle fut consacrée à l'exposition, des travaux scolaires, sur la liturgie, la Messe et le mystère eucharistique, envoyés par bon nombre de nos maisons de formation et de nos écoles, sur l'invitation du Congrès à tous les établissements d'Espagne.

A la demande de l'Autorité ecclésiastique un Frère fut mis à la disposition du Comité Administratif pendant plusieurs mois et un second, s'offrit à donner des cours de conversation en français et en anglais aux membres du Clergé devant intervenir lors des réceptions des Congressistes étrangers.

Nos ouvrages ascétiques eurent une place de choix aux stands de l'Exposition du Livre Religieux, installée en pleine Rambla, et, visitée par d'innombrables congressistes.

A la grande procession de clôture, une trentaine de Frères Maristes se tenaient en tête de la colonne des Religieux. Ce fait ne passa pas inaperçu du public dont la bienveillance nous eut ainsi acquise d'emblée.

Sans nul doute une grande partie de la sympathie accordée ait Congrès, dans tous les milieux du pays, revient à l'école chrétienne.

Les enfants et les Maîtres ont beaucoup prié pour son succès. Les bouquets spirituels offerts par les écoliers chiffrent par millions les Messes, les Communions. les Visites au Saint-Sacrement, les Chapelets, les petites mortifications, les actes de charité.

Et dans cette croisade, l'école publique s'est fondue avec l'école religieuse et, en toute justice, on, doit avouer que l'élan est parti de la Direction Générale de l'Enseignement Primaire et des Inspecteurs officiels.

Il est consolant de signaler ce fait au moment même où l'on constate avec peine, dans bien des pays, les ravages de l'école sans Dieu, de l'école laïque.

Nos Frères ont pris à cœur de se signaler dans ce mouvement. C'est par milliers que des Premiers Communiants de nos Collèges se sont présentés à la Table Sainte en cette année eucharistique. L'enthousiasme a été général dans nos classes pour participer aux concours littéraires, catéchistiques et artistiques organisés en vue du Congrès.

Un mérite spécial en revient à notre Ecole Normale « Luis-Vives » premier prix du diocèse de Tuy et troisième de l'ensemble national, à Barcelone, ainsi qu'aux Collèges de Tolède et de Murcie.

Je termine, mon Très Révérend Frère cet exposé parla salutation du Radio-Message du Saint-Père, au XXXV° Congrès :

« Bénis et loués soient à jamais le Très Saint-Sacrement de l'Autel et l'Immaculée-Conception de Marie très Sainte, conçue sans la tache du péché originel depuis le premier instant de son existence naturelle. »

Salutation si eucharistique, si espagnole et si Mariste !

Frère Sixto , A.G. 

Elections de Frères Provinciaux

 Dans la séance du 28 septembre 1952, le Conseil Général :

1° a réélu pour une troisième période triennale, selon les Constitutions, les Chers Frères : LUCINIO-MARIA, provincial du Chili et JOANNÈS-LOUIS, provincial de Notre-Dame-de-l'Hermitage.

2° a réélu pour une seconde période triennale, les Chers Frères : FELIX-VALENTIN, provincial d'Argentine ; LORENZO, provincial de Lévis; EMILE-ANTOINE, provincial du Sud-Est (France) HENRI-NOEL, provincial du Sud-Ouest.

3° a élu, pour une première période triennale, les Chers Frères : JEAN-LÉON, provincial de Beaucamps ; CHARLES-VICTOR, provincial de Belgique GILDO, provincial d'Italie.

Dans la séance du 10 octobre 1952, le Conseil Général a réélu le Cher Frère JOSEPH-LUDWIG, provincial d'Allemagne, pour une troisième période triennale selon les Constitutions.

Dans la séance du 28 octobre, ce même Conseil a maintenu, pour un temps, à la tête de la Province de la Nouvelle Zélande, le Cher Frère BORGIA, parvenu au terme de son mandat. 

Statistiques

 Nous nous permettons d'insister pour qu'elles soient envoyées au Secrétariat Général dans les dix premiers jours de janvier.

Le retard d'une seule Province nous expose à ne pouvoir présenter, dans les délais voulus, notre rapport annuel à la Sacrée Congrégation des Religieux.

Le travail sera simplifié par les nouvelles feuilles expédiées il y a plusieurs mois à toutes les Provinces. Qu'on veuille bien les demander si on ne les a pas reçues. Sur une face elles signalent les données qui intéressent particulièrement le Secrétariat et, sur l'autre, celles que nous devons fournir à la Sacrée Congrégation.

Les Provinces situées hors d'Europe voudront bien nous envoyer ces statistiques par courrier aérien. Quant aux autres listes indiquées dans le Calendrier religieux, et à fournir chaque année, on peut, au besoin, différer leur envoi de quelques jours.

Dorénavant on n'aura plus à donner les noms des juvénistes. Pour les émissions de vœux annuels on enverra seulement la liste des Frères les ayant émis pour la première fois. On y joindra, comme par le passé, les listes d'émissions de vœux perpétuels et de stabilité. 

 

LISTE DES FRÈRES dont nous avons appris le Décès

depuis la Circulaire du 24 Mai 1952.    

 

Noms des Défunts                              Lieux des Décès                    Dates des Décès

 

F. Engelhard             Novice                 Furth (Bavière)                             24 avril  1952

F. Marius-Marcellin  Profès perp.       Johannesburg (Afr. du Sud)       3 mai                  »

F. Gendulphe            Stable                  Beaucamps (France)                  4             »          »

F. Camille-Ernest     »                           Lévis (Canada)                            10            »          »

F. Hubert John          »                           Darlinghurst (Australie)               16            »          »

F. Mary Benignus     »                           Auckland (Nouvelle-Zélande)     1ierjuin                »

F. Louis-Sébastien  Profès perp.       Issenheim (France)                     3             »          »

F. Acathius                »                           N.-D. de l'Hermitage (France)   3             »          »

F. Callixte-Joseph    Stable                  Mouscron (Belgique)                  9             »          »

F. Victor-Gustave     Profès perp.       Iberville (Canada)                        18            »          »

F. Pierre-Émile         »                           Russey (France)                          13            »          »

F. Crisólogo              Stable                  Querétaro (Mexique)                   24            »          »

F. Dorothée              »                           St-Paul-Trois-Châteaux (France) 3 juil.                 »

F. Libert-Joseph       »                           Beaucamps (France)                  5             »          »

F. Attique                  Profès perp.       Paris (France)                             19            »          »

F. Camarinus            Stable                  N.-D. de Lacabane (France)      30            »          »

F. Eugenius JosephProfès perp.       Brisbane (Australie)                    3 août,                »

F. Victor-Roger        Stable                  Saint-Jean (Canada)                  7             »          »

F. Eugh Patrick        Profès perp.       Athlone (Irlande)                          11            »          »

F. Pedro Bartolomé»                           Gea de Albarracin (Espagne)   11            »          »

F. Cyril Edward        Stable                  Rondebosch (Afr. du Sud)          26            »          »

F. Evroul                    Profès perp.       Amchit (Liban)                             27            »          »

F. Xavier-Jean          Stable                  École (France)                             4 sept.    »

F. Marie-Romain      »                           St-Paul-Trois-Châteaux (France) 4           »          »

F. Louis-Ambroise   Profès temp.       Disparu en Russie                      ?             ?         ?

F. Claudio                 Stable                  Limache (Chili)                            5 oct.                  »

F. Agustin                  »                           Las Avellanas (Espagne)           22            »          »

F. Ildephonsus          Profès perp.       Lismore (Australie)                     24            »          »

F. Mary Anselm        Stable                  Glasgow (Ecosse)                      5 nov.                  »

F. Paul-Octave         »                           Byimana (Ruanda)                      5»          »

F. Fermin                  »                           Carrión de los Condes (Espagne) 5         »          »

F. Joseph-Ovide      »                           Aubenas (France)                       9»          »

 

La présente circulaire sera lue en communauté à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle.

Recevez, mes bien Chers Frères, la nouvelle assurance du religieux attachement avec lequel je suis, en J. M. J.,

Votre très humble et tout dévoué serviteur.

Frère LÉONIDA,Supérieur Général.

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