Circulaires 340

LĂ©onida

1955-05-07

Béatification de notre Vénérable Fondateur, 441. - Sentiments de joie, 442. - Senti-ments de reconnaissance, 444. - Imitation, 446. - Imitons surtout son esprit de foi, 451. - Dans ses rapports avec Dieu, 452. - Dans ses rapports avec le prochain, 455. - Dans les entreprises, 459. - Dans les difficultés, 462. - Intention pour les prochaines retraites : Année Bienheureux Champagnat, 466. - Quelques avis relatifs aux fêtes de la Béatification, 466. - Souscription pour la châsse de notre Vénérable Fondateur, 470. - Visite de l'Uruguay, de l'Argentine, du Chili et du Pérou, 472. - Élection, 490. - Liste des défunts, 491.

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V. J. M. J.

Saint-Genis-Laval, le 7 Mai 1955

 Béatification

de Notre Vénérable Fondateur

                   Mes bien chers Frères,

C'est l'âme débordante d'un bonheur sans égal que je viens vous annoncer que Notre-Seigneur, dans son infinie bonté, a daigné se rendre aux prières ferventes et aux sacrifices méritoires que, pendant de longues années, des milliers de Frères, d'élèves et d'amis de notre Congrégation lui ont offerts, pour obtenir la glorification de notre Vénérable Fondateur.

Vous avez suivi avec un ardent amour filial les diverses étapes qui ont heureusement abouti à l'acceptation des deux miracles requis pour la Béatification. Après que, successivement, les médecins, les consulteurs, les prélats et les cardinaux, dans les Congrégations Anté-Préparatoire et Préparatoire eurent émis un vote favorable, Notre Saint-Père le Pape a bien voulu ratifier leur décision dans les Congrégations Générale et de Tuto. Et voilà que, dans sa paternelle bénignité, il a décrété, que la cérémonie solennelle de la Béatification aura lieu le 29 de ce mois, fête de la Pentecôte, dans la Basilique Vaticane de Saint-Pierre. Ce jour-là, avant la Grand'Messe, sera lu le décret qui nous permettra d'invoquer désormais notre Fondateur bien-aimé sous le titre de Bienheureux ; le soir, Sa Sainteté le Pape, glorieusement régnant, descendra dans la Basilique pour vénérer les reliques du Serviteur de Dieu et recevoir, avec nos hommages, les présents prévus par le rituel, pour de telles circonstances.

Il est tout naturel, mes bien chers Frères, qu'une telle annonce éveille en nous, à la fois, des sentiments d'une immense joie et d'une très vive reconnaissance.

Joie de voir exalter le nom et la mémoire de celui que le bon Dieu nous a donné pour Père, en nous appelant dans la Congrégation des Petits Frères de Marie, fondée au prix de tant de peines et de multiples épreuves. Son nom, déjà connu et vénéré dans le monde entier, grâce à l'apostolat de ses fils, sera prononcé avec plus de respect encore à l'avenir et invoqué avec plus de confiance. Ses enseignements et ses écrits, approuvés depuis longtemps par l'Église, acquerront une autorité plus grande et nos Règles, qui s'en inspirent, nous mériteront un accroissement d'estime qui nous portera à une plus généreuse fidélité à les observer.

Marlhes et le Rosey, La Valla et Notre-Dame de l'Hermitage, où il s'est sanctifié et qu'il a sanctifiés par ses vertus héroïques et son zèle ardent seront, plus que jamais, les hauts lieux de la Congrégation. C'est là qu'aimeront à se donner rendez-vous les esprits et les cœurs de tous les Petits Frères de Marie. Ceux qui pourront les visiter considéreront ce pèlerinage comme une faveur insigne, et imploreront surtout du saint Fondateur la grâce de vivre et de mourir saintement, comme lui, dans leur très noble et très belle vocation.

EL si déjà on ne peut contempler sans émotion tout ce qui nous rappelle sa vie et son apostolat : la maison qu'il a bâtie, le rocher qu'il a coupé, les chemins qu'il a tracés ou parcourus, et, en particulier, les objets qui lui ont appartenu, combien plus tous ces souvenirs nous seront-ils chers désormais ! Quelle joie n'éprouverons-nous pas surtout, à nous agenouiller devant les restes précieux du nouveau Bienheureux, recouverts jusque-là par la dalle du tombeau et exposés maintenant à notre vénération ? Nous avons la certitude d'y voir accourir, sans cesse plus nombreux, les pieux pèlerins qui de tout temps se sont sentis attirés par la réputation de sainteté du serviteur de Dieu et par les innombrables grâces d'ordre spirituel et temporel attribuées à son intercession.

Et nos élèves, qui nous ont procuré tant de consolations par leur enthousiasme à répondre à notre appel, chaque fois que nous les avons invités à s'unir à nous pour l'heureuse issue de cette chère Cause, avec quel cœur ne s'associeront-ils pas à nos hymnes d'action de grâces ! Combien ils seront mieux disposés encore, dans la suite, à entendre parler de ce grand bienfaiteur de l'enfance et de la jeunesse, qui leur a donné des maîtres pour leur apprendre le chemin de la vertu et du salut !

Nous pourrons d'ailleurs proposer, avec plus d'autorité, notre Fondateur en exemple aussi bien aux fidèles, en général, qu'à nos disciples en particulier. Nous pourrons le faire invoquer et lui rendre un culte public qui, s'il doit se maintenir dans des limites bien précises, que nous indiquerons plus loin, n'en sera pas moins, pour nous, une grande consolation et un puissant motif d'espérer que l'étape vers la canonisation sera vite franchie.

J'ai dit également que nous devons donner libre cours à notre reconnaissance et d'abord, envers Dieu Notre-Seigneur de qui procèdent tous les biens. Il distribue ses bienfaits avec une libéralité infinie, Il appelle toutes les âmes à la sainteté, beaucoup l'atteignent à divers degrés, mais pour un petit nombre seulement Il permet, dans ses desseins impénétrables, qu'elle soit reconnue et proclamée par l'Église en attestant par des miracles le grand crédit dont elles jouissent auprès de Lui. En fait, nous pouvons croire que la plupart des saints, et parmi eux de grands saints, ne connaîtront pas la glorification extérieure accordée à notre Fondateur.

Notre reconnaissance fervente montera de même vers Marie. Combien de fois ne lui avons-nous pas redit : « Vierge Sainte, notre bonne Mère, daignez nous obtenir, au plus tôt, la glorification de votre fidèle serviteur. » Nos supplications n'ont pas été vaines. Celle qui a tout fait chez nous, à qui nous sommes redevables, aussi bien à titre individuel que communautaire, de continuels bienfaits, nous a obtenu cette nouvelle faveur. Si cela ne nous a pas été accordé pendant l'Année Mariale, comme nous le souhaitions, c'est du moins pendant ce temps béni qu'ont eu lieu, avec succès, les deux Congrégations Anté-Préparatoire et Préparatoire tenues pour très importantes. Et puis, n'est-ce pas par le secours constant de notre céleste Avocate, obtenu par une dévotion filiale et une confiance sans bornes envers elle, que le Père Champagnat s'est sanctifié et a pu léguer à l'Église une famille religieuse ? Voilà bien pour nous un nouveau motif, s'il en était besoin, d'aimer Marie et de la faire aimer ; de compter sur son assistance avec une foi inébranlable fondée sur une plus grande application à ne vouloir agir que par elle, avec elle, en elle et pour elle.

Nous ne saurions oublier non plus, la dette de gratitude que nous avons contractée envers les Papes qui ont eu à intervenir dans la Cause depuis son Introduction en 1896, sous le Pontificat de Léon XIII, jusqu'à la Béatification décrétée par le Pape glorieusement régnant, S. S. Pie XII, en passant par Benoît XV qui proclama l'héroïcité des vertus de Marcellin Champagnat, en 1920, et lui consacra une homélie particulièrement élogieuse. Que ceci nous attache fortement au Siège de Pierre, qui met dans l'étude des Causes de Béatification et de Canonisation une sagesse consommée, écartant tout danger d'erreur. Témoignons une soumission absolue à ses décisions qui toutes sont marquées du sceau de la même prudence.

La Cause a eu quatre Postulateurs : les RR. PP. Nicolet et Copéré, Maristes, et les CC. FF. Emery et Alessandro. Tous ont droit à notre gratitude. Elle s'adresse en particulier au C. F. Emery qui a fait ouvrir le procès sur les deux miracles et au C. F. Alessandro qui s'est dépensé sans compter pour préparer les diverses Congrégations. Ils ont accepté bien des ennuis et des fatigues, soutenus qu'ils étaient par leur ardent amour filial envers notre Fondateur et la congrégation.

Nous serions incomplets si nous oubliions de dire que nous devons une grande reconnaissance à nos Cardinaux Protecteurs et Ponents de la Cause, en particulier à Son Éminence le Cardinal Benedetto Masella qui, actuellement, cumule ces deux charges ; aux Membres de la Congrégation des Rites, surtout aux divers Préfets qui se sont succédé et à Mgr Natucci, Promoteur de la Foi. Celui-ci, malgré son rôle apparemment adverse, a dit à diverses reprises combien il admirait la vertu du Père Champagnat et combien il appréciait son œuvre. Ses objections ou animadversions n'ont fait que mettre mieux en relief la sainteté du serviteur de Dieu. Mgr Jean Della Cioppa, l'avocat de grand talent, qui a eu à répondre aux animadversions, a également droit à notre gratitude.

Merci également à vous tous qui, non seulement avez apporté au succès de la Cause votre concours personnel, mais, de plus, avez suscité l'aide spirituelle et même matérielle de maintes personnes, à commencer par gros élèves, soit par vos exhortations, soit par la propagande écrite, revues, opuscules, images, reliques, etc. … Ceux qui, parmi vous, ont eu à intervenir dans les deux guérisons retenues et acceptées par Rome méritent une mention spéciale, soit que leur rôle ait consisté à faire recourir au Vénérable Père Champagnat, soit qu'ils aient eu à faciliter l'instruction des procès diocésain ou apostolique.

Qu'en retour, le Vénérable Père vous obtienne, nous obtienne à tous, de l'imiter et de parvenir, comme lui, à un haut degré de perfection. 

IMITATION.

 Cette imitation est un point que je désire traiter plus longuement. Nous allons célébrer partout, avec la plus grande solennité possible, selon les moyens dont on disposera, la Béatification du Vénérable Père Champagnat, mais j'estime que nous ne saurions nous borner à des fêtes extérieures. Le principal fruit de la grâce inestimable que Notre-Seigneur nous fait, en la personne de notre Vénérable Fondateur, doit se traduire surtout par un grand accroissement de vie intérieure, d'esprit surnaturel et mariste, en un mot, de sainteté dans tout l'Institut. Je demande instamment à tous nos religieux de ne pas se refuser à l'effort qu'exigera la réalisation de ce vœu. Ce sera le meilleur moyen de témoigner au bon Dieu la reconnaissance qui lui est due et d'honorer celui que nous appelons notre Père. Tous les autres hommages ne sauraient nous dispenser de celui-là qui est essentiel.

Appliquons-nous donc, plus que jamais, à l'exemple du vénéré Frère François, à devenir ses portraits vivants et fidèles, c'est-à-dire à le suivre dans la voie de la sainteté, réalisant de notre mieux le double but religieux et apostolique qu'il nous a proposé.

L'imiter, ce sera nous montrer des fils dignes de lui, soucieux de faire valoir le riche héritage qu'il nous a légué.

N'est-ce pas, d'ailleurs, une tradition constante de l'Église que la meilleure forme du culte que nous rendons aux saints doit consister dans l'imitation de leurs vertus ? Nous proclamons par là tacitement que leur vie a été sainte, puisqu'ils méritent de servir de modèles. De plus, en les imitant, nous nous honorons nous-mêmes ; nous nous séparons de ceux dont un philosophe a pu dire : « L'homme est une chose bien vile et abjecte, s'il ne s'élève pas au-dessus de l'humanité. » Les saints ayant été une élite, ceux qui les imitent s'élèvent au-dessus de la masse, se distinguent au service du Christ, le divin Roi.

C'est pour que les saints nous servent de modèles que l'Église a conservé dans le Bréviaire Romain et dans d'innombrables livres le récit de leurs exemples qui, de la sorte, se transmettent de génération en génération. Et, dans sa liturgie, ne nous fait-elle pas demander souvent à Notre-Seigneur qu'il nous soit donné d'imiter ce que nous admirons dans les saints ?

Pour faire l'application de ce qui précède à notre Vénérable Fondateur, disons que nous ne connaîtrons jamais suffisamment sa Vie, écrite par le Frère Jean-Baptiste. Les chapitres spécialement consacrés à ses vertus sont une mine inépuisable d'exemples pratiques à notre portée, étayés par une doctrine sûre. Combien ce livre mérite d'être mieux connu et médité et combien il est à même de nous faire découvrir le secret de la sainteté de notre Père, que l'Église s'apprête à proclamer solennellement ! Je ne crois pas qu'il puisse jamais être surpassé, sinon quant à la forme, du moins quant au fond. A le relire, nous trouverons toujours un nouveau charme, matière à examen et à de salutaires résolutions. Puisons à pleines mains et surtout à plein cœur dans ce trésor inestimable que les traductions espagnole et italienne, sur le point de sortir des presses, mettront à la portée d'un plus grand nombre de Frères.

Sans doute tous les genres de vie trouvent-ils leur modèle approprié parmi les saints que l'Église a placés sur les autels, mais, pour un Petit Frère de Marie, le meilleur modèle est, sans contredit, après Jésus et Marie, notre Vénérable Fondateur. Il y va de notre bien personnel, comme de celui de la Congrégation tout entière, que nous marchions sur ses traces, conformément à ces paroles de l'abbé Guibert, qu'on ne saurait trop rappeler

Si un religieux veut entrer pleinement dans l'esprit de sa vocation, qu'il soit la copie vivante du Père dans la maison duquel la grâce de Dieu l'a fait entrer. Une Congrégation prospère aussi longtemps qu'elle est animée de l'esprit de son Fondateur du moment où, par sa faute, elle se viderait de l'âme du Père, elle perdrait sa raison d'être, son principe de vie et périrait.

Le Pape Pie XI a insisté sur ce même sujet dans la Lettre Apostolique Unigenitus Dei Filius, du 19 mars 1924, dont je détache cette pensée : « En premier lieu nous exhortons les religieux à prendre comme modèle leur Fondateur et Législateur, s'ils veulent avoir une part abondante et certaine aux grâces propres de leur vocation. » Heureux, mes bien chers Frères, ceux qui, au tribunal de Dieu, en présence de notre Vénérable Fondateur, pourront se rendre le témoignage d'avoir reproduit ses vertus ; d'avoir contribué, en maintenant son esprit, à la montée des confrères vers la perfection, enrayant le glissement vers la tiédeur auquel nous sommes tous inclinés.

Cette imitation ne pourra se réaliser qu'au prix d'une générosité soutenue. Les chefs-d'œuvre de l'art ne sont pas, non plus, facilement imitables et cependant, il y a des artistes qui, en les contemplant, loin de se décourager, se sentent stimulés à les reproduire. Jour après jour, ils vont aux musées et, avec une inlassable patience, ils s'appliquent à n'omettre aucun des détails qui constituent la beauté du modèle dont ils ont fait choix. S'ils n'obtiennent pas toujours ce qu'ils souhaitaient, ils parviennent cependant à produire de fort belles copies. Ayons comme eux la hantise de la perfection et nous obtiendrons d'excellents résultats.

On cite des faits remarquables d'artistes voulant incarner avec toute l'exactitude possible tel ou tel personnage sur la scène ou l'écran et s'imposant des mois, parfois même des années de préparation pénible, astreignante. C'est ainsi qu'on raconte que Mounet-Sully se prépara pendant des années à son rôle de Hamlet dans la pièce de Shakespeare. Les musiciens ne s'exercent-ils pas à longueur de journée pour mieux interpréter une œuvre musicale ? Nous pourrions multiplier les exemples analogues qui doivent nous engager à faire encore davantage pour reproduire en nous les vertus de notre Vénérable Fondateur et continuer son œuvre. D'ailleurs, il n'est pas un modèle inerte, mais, au contraire, bien vivant qui nous viendra en aide, usant de son crédit auprès de Dieu, nous obtenant les grâces nécessaires pour ne pas reculer devant la monotonie et les autres difficultés de la tâche. Si nous l'aimons vraiment, comme on doit aimer un père, nous compterons pour rien tous nos efforts ; la pensée de l'honorer soutiendra notre courage. Il se produira quelque chose de semblable à ce que rapporte cette anecdote bien connue : « Tous ceux qui ont visité la cathédrale de Strasbourg y ont admiré le fameux pilier des Anges. L'architecte de cette magnifique église, Jean Ervin de Steinbach, avait, dit-on, commencé d'y sculpter les statues vraiment angéliques qui le décorent. La mort le surprit au cours de son travail. Sa fille, Sabine, ne voulut pas que l'œuvre de son père demeurât inachevée, ni sa gloire amoindrie ; elle entreprit de la terminer elle-même, d'après les cartons qu'il avait laissés. Mais, quel que fût son talent, la pauvre enfant manquait de force : peu faits pour le ciseau et le marteau, ses bras lui tombaient souvent de fatigue. Afin de soutenir son énergie, elle suspendit le portrait de son père sur l'échafaudage où elle travaillait. Le souvenir de celui qu'elle pleurait, la passion d'honorer sa mémoire la soutinrent, le pilier s'acheva. »

L'œuvre de notre Père Fondateur n'est pas achevée : dans sa généreuse ambition, il aurait voulu retendre à tous les diocèses du monde et à tous les enfants qui ont besoin d'enseignement chrétien. Sans doute doit-elle se poursuivre dans les écoles que l'Institut dirige actuellement ou dirigera dans la suite ; mais, sous peine de stérilité, elle doit commencer en chacun de nous par la poursuite de l'objectif que le Vénérable Père Champagnat signale en ces termes : « Tous les Petits Frères de Marie doivent être des saints. C'est à le devenir qu'ils doivent travailler toute leur vie et de toutes leurs forces. » 

IMITONS SURTOUT SON ESPRIT DE FOI

 Dans l'impossibilité d'étudier tous les aspects de la sainteté de notre modèle, bornons-nous aujourd'hui à quelques réflexions sur son esprit de foi, puisque cette vertu est le fondement indispensable de toutes les autres, comme la foi, dont cet esprit n'est que la mise en pratique, est, selon le Concile de Trente, « le fondement et la racine de toute justification ». C'est l'importance de l'esprit de foi dans le travail de la perfection qui a porté le biographe du Vénérable Père Champagnat à lui donner la première place dans les chapitres consacrés à ses vertus. Cet ordre logique, également adopté par nos Règles Communes, est bien conforme à l'action habituelle de Dieu qui, « lorsqu'il prend la direction d'une âme, commence par gagner l'entendement, lui communiquant une foi excellente pour gagner ensuite, peu à peu, toutes les facultés » (A. Valensin, S. J., Retraite, vol. I, p. 33). C'est que l'esprit de foi fait accorder la primauté aux choses supérieures, c'est-à-dire à Dieu, à l'âme, au devoir, à la vertu, aux biens de la grâce et de la gloire et non aux richesses, aux plaisirs, aux honneurs et aux goûts personnels, donnant ainsi à ceux qui les possèdent une maturité que ne sauraient apporter ni l'âge ni le savoir. Il nous met en garde contre la mauvaise nature, portée à tenir pour bien et bon ce qui plaît ou réussit, alors même que ce serait contraire au devoir. Il nous fait juger de toutes choses comme nous en jugerons à l'heure de la mort ou, mieux encore, lorsque nous serons déjà dans notre éternité.

Voyons à la lumière des faits comment l'esprit de foi du Vénérable Père Champagnat s'est manifesté dans ses rapports avec Dieu et le prochain, ainsi que dans ses entreprises et en face des difficultés. Nous tâcherons d'en déduire la conduite qu'à son exemple nous devons tenir nous-mêmes.

Dans ses rapports avec Dieu. – L'esprit de foi lui montrait Dieu toujours présent, aussi bien au milieu du brouhaha de Paris que dans la solitude de l'Hermitage. Cet esprit le maintenait dans une ferveur continuelle, qui réchauffait les plus tièdes. Dans les prières de communauté, il ne pouvait souffrir les moindres négligences telles qu'une posture peu respectueuse ou des signes de croix faits sans attention ou avec précipitation.

La prière était son élément : il s'y livrait, avec tant de facilité et de bonheur qu'elle paraissait lui être naturelle. Il lui consacrait un temps considérable, pris souvent sur son sommeil. Son désir de voir Dieu honoré et la conviction intime qu'il avait un besoin absolu de son secours, lui fit maintenir la récitation quotidienne de l'Office de la Sainte Vierge, pour les Frères et du chapelet, pour les élèves, malgré les objections qu'on opposait à ces pratiques.

Sa foi vive en la présence réelle le tenait comme anéanti devant le Saint Sacrement. Ceux qui assistaient à sa messe se sentaient pénétrés d'un profond respect pour nos saints mystères. Quand il prononçait : Ecce Agnus Dei, on aurait cru, à son ton de voix, qu'il voyait Notre-Seigneur. II ne pouvait supporter le moindre manque de propreté dans les églises, le linge d'autel et les ornements sacrés. Il ne se serait jamais permis de dire un mot dans le lieu saint sans une grande nécessité. Il n'eut de repos que lorsqu'il put donner à sa communauté une chapelle, tenant « pour une grâce insigne de pouvoir jouir de la présence de Celui qui est la béatitude des anges et des saints ».

Si, mes bien chers Frères, nous acquérons un esprit de foi semblable à celui du Vénérable Père Champagnat, nous verrons en Dieu, un Père, en Jésus-Christ, un Frère, en la Sainte Vierge, une Mère ; dans les saints, les anges et les âmes du Purgatoire, autant de membres de notre famille spirituelle. Cette pensée nous rendra agréable leur compagnie et plus facile la prière. Nous apprécierons mieux l'incomparable faveur que nous fait Notre-Seigneur en nous admettant à converser avec lui quand il n'a nul besoin de nous, tandis que sans lui nous ne pouvons rien. Dès lors, au lieu de tenir pour un temps perdu ou moins profitable le temps consacré à la prière, nous l'estimerons le mieux employé de la journée.

Grâce à l'esprit de foi, nous trouverons aisément ce que nous devons dire à Dieu, Père infiniment bon et puissant, envers qui notre dépendance est absolue. Par contre, lorsque cet esprit fait défaut, l'âme éprouve une sensation de froid, semblable à celle que l'on ressent lorsque, en hiver, le soleil se cache derrière les nuages. Ces mêmes sentiments de foi nous porteront à prier avec respect et nous ne nous permettrons pas, en la présence de Dieu, ce que nous éviterions avec soin devant une personne constituée en dignité. Nous tiendrons pour une perte immense l'omission d'une communion ou d'une messe, sans motif grave et, afin de l'éviter, nous serons disposés à dominer, si possible, un malaise passager de même qu'à nous imposer quelque dérangement à l'occasion d'une grande promenade, d'un départ en voyage, ou autres circonstances semblables. Si l'esprit de foi nous fart comprendre les avantages spirituels que procurent nos chapelles déjà si nombreuses et crue nous souhaitons voir se multiplier, elles seront l'objet de soins particuliers, plus encore que les parloirs ou autres appartements de la maison. Les vases sacrés et les ornements seront passés en revue périodiquement, afin qu'ils soient toujours en bon état, et ainsi moins indignes de la majesté de Dieu et des fins auxquelles ils sont destinés. Le divin Maître, prisonnier d'amour, ne sera pas tenu en oubli à l'église paroissiale et surtout dans nos oratoires. De fréquentes et ferventes visites quotidiennes, plus nombreuses encore les jours de congé, seront un témoignage de notre piété et une source de réconfort. Notre Vénérable Fondateur avait contracté dès le Séminaire l'habitude de ces fréquentes visites ; il en imposa certaines à nos premiers Frères et ne cessa lui-même d'aller chercher souvent lumière et force aux pieds de Notre-Seigneur.

Dans ses rapports avec le prochain. – L'esprit de foi du Vénérable Père Champagnat le portait, avant tout, à se préoccuper de l'âme de ses Frères, de ses paroissiens, et du prochain en général ; de leur conduite envers Dieu et de leur salut. Aussi disait-il : « Voir offenser Dieu et les âmes se perdre sont deux choses insupportables qui me font saigner le cœur. « C'est pour faire éviter le mal et former à la vertu, en inculquant de bons principes à la jeunesse, qu'à peine arrivé comme vicaire à La Valla, il prit un soin particulier des petits enfants et s'attacha à les instruire des vérités de la religion.

Le désir d'assurer le salut d'un enfant gravement malade, qui ignorait tout de la religion, le tint longtemps à son chevet, pour l'instruire et le confesser. C'est alors qu'il comprit encore mieux le besoin extrême de maîtres chrétiens et se décida à fonder notre Congrégation.

C'est encore sa préoccupation du bien des âmes qui lui fit donner, malgré sa grande pauvreté, un gîte et du pain à ceux qui n'en avaient pas ; pauvres, orphelins et vieillards. Non seulement il pourvoyait à leurs besoins physiques et s'appliquait à soulager leurs souffrances corporelles, mais surtout il les instruisait de la religion, les préparait a la réception des sacrements et les formait à la prière.

Il comptait pour rien les courses fatigantes, quelque temps qu'il fit et à toute heure du jour ou de la nuit, pour assister les malades, empêcher les divertissements où peut sombrer la vertu, pour combattre l'ivrognerie et bannir les mauvais livres.

Quel esprit de foi ne lui fallut-il pas pour ne pas se laisser rebuter dans la tâche de former ses premiers disciples, bons, mais ignorants et sans éducation ; pour partager leur genre de vie et arriver à les aimer plus tendrement nue jamais père n'a aimé ses enfants ? Il aimait, dit son biographe, les jeunes comme les anciens, les imparfaits comme ceux qui lui donnaient le plus de consolations. Mais, cette charité brillait surtout quand il s'agissait de redonner courage à ceux qu'il voyait abattus et pour retenir dans leur vocation ceux qui auraient voulu l'abandonner, afin de leur éviter ce qu'il tenait avec raison pour un grand malheur.

C'est encore l'esprit de foi dont il était animé qui le remplissait de respect et de docilité pour ses Supérieurs : à La Valla il témoigna le plus grand attachement et une entière soumission à son Curé ; partout et toujours il prenait son parti, soutenait son autorité, justifiait sa conduite et cela malgré qu'il eût parfois raison de se plaindre de lui. Il voyait en lui le représentant de Dieu, comme il le voyait dans le Père Colin, Supérieur de la Société de Marie.

A plus forte raison l'esprit de foi lui inspirait-il des sentiments d'amour et d'obéissance pour les évêques en qui il voyait « les successeurs des Apôtres, la lumière du monde, les colonnes de la vérité et le sel de la terre ». « Ils sont nos pères, disait-il, nous devons nous regarder comme leurs enfants et leur donner, en toute occasion, des marques d'un profond respect et d'une entière soumission. » Il regardait les enseignements et les avis du Pape comme des oracles. Il voyait en lui « le soleil du monde sans lequel il nous manquerait la lumière qui éclaire les hommes dans l'ordre du salut ».

Appliquons-nous à reproduire cette conduite de notre Vénérable Fondateur, surtout à l'égard de nos élèves, de nos confrères et de nos Supérieurs.

L'esprit de foi nous rendra ingénieux pour découvrir les meilleurs moyens de faire le bien aux enfants, préserver leur innocence, les instruire des vérités de la foi, les porter à la réception des sacrements, les aiguiller vers une vocation supérieure, s'ils y semblent appels. Il nous fera voir, en chacun d'eux, l'image de Dieu, le prix du sang de Jésus-Christ, des temples du Saint-Esprit, des dépôts sacrés dont nous aurons à répondre. Aussi serons-nous d'une réserve parfaite, d'un saint respect dans nos rapports avec eux. Nous, qui ne pourrions supporter les reproches d'une mère irritée qui nous accuserait du mal fait à son fils, amené chez nous innocent, comment, si nous avions la foi, nous exposerions-nous au juste courroux de Notre-Seigneur à qui rien n'est caché et qui maudit ceux qui scandalisent les enfants ? Ne voudrions-nous pas plutôt mériter la récompense promise à ceux qui enseignent à beaucoup les voies de la justice ?

Nous avons eu l'occasion de parler précédemment de l'esprit de foi comme fondement de la charité fraternelle. Redisons seulement que, sans lui, on ne comprend rien au besoin de se sacrifier pour le bien commun, de s'encourager mutuellement, de mettre spontanément ses forces, ses talents, sa vie même, au service des autres. On ne goûte plus alors le bonheur propre de Frères étroitement unis par les liens de la charité chrétienne et religieuse, ne formant qu'une seule et même famille.

Et qui ne voit le rôle important de l'esprit de foi dans les rapports avec les Supérieurs ? C'est de lui que naissent le respect, l'amour, la docilité et la confiance qui leur sont dus comme représentants de Dieu lui-même. Cette image de Dieu, la foi la montre dans le Supérieur, malgré ses défauts, comme elle fait voir Notre-Seigneur dans l'hostie de l'ostensoir, même quand celui-ci est d'un prix minime. L'esprit de foi aide à ne pas prêter l'oreille aux critiques et aux plaintes dont un Supérieur peut être l'objet. Dieu nous ayant confiés, non a la conduite de ses anges, mais à celle d'hommes comme nous, ce serait renoncer au respect et à l'obéissance que de ne vouloir témoigner ces sentiments qu'à un, Supérieur sans défauts.

Que l'esprit de foi nous fasse éviter tout différend avec l'autorité ecclésiastique de tout rang ; s'il en surgissait malgré nous, ce même esprit devrait nous aider à leur trouver une solution qui sauvegardât le respect qui est dû aux ministres du Seigneur. Quant à ce qui regarde Notre Saint-Père le Pape, l'amour et la docilité ne sauraient être jamais trop grands, d'autant plus qu'aux motifs dictés par la foi s'ajoutent l'infaillibilité proclamée comme dogme et des qualités éminentes qui rangent les derniers Papes parmi les meilleurs qu'ait connus l'Église.

Si l'esprit de foi nous rend, comme notre Vénérable Fondateur, paternels pour nos inférieurs, simples et droits comme des enfants à l'égard de ceux qui sont chargés de nous conduire, il sera pour nous source de paix, de bonheur et de vertu.

Esprit de foi du Vénérable Père Champagnat dans les entreprises. Sans doute se servait-il des moyens ordinaires, qui entrent dans les desseins de la Providence, mais il attendait tout de Dieu. « Nous perdrions notre temps, disait-il quelquefois, si nous attendions de nos efforts, de nos talents, de notre industrie ou des hommes le succès de nos œuvres ; car il n'y a que Dieu qui puisse nous le donner. Pour nous, nous ne sommes propres qu'à tout gâter. » Nous savons combien souvent et éloquemment il a commenté aux Frères le Nisi Dominus pour les porter à rie pas trop compter sur eux-mêmes ou sur les appuis humains ; le soin qu'il avait, après avoir bien réfléchi, de recommander à Dieu la liste des placements, avant de la publier ; combien il faisait fi des grands moyens de succès qui tendent à trop faire compter sur son habileté et à faire négliger le recours à Notre-Seigneur. La leçon donnée au Frère Directeur qui, sans bien peser ses paroles, disait avoir perdu son premier bienfaiteur, oubliant que ce titre n'est dû qu'à Dieu, témoigne également, ainsi que maints autres faits semblables, de son grand esprit, de foi.

Lorsqu'il entreprenait une bonne oeuvre, il n'avait qu'une préoccupation : savoir si Dieu la voulait et, dans l'affirmative, il ne s'inquiétait ni des obstacles, ni du défaut de ressources, tant il était convaincu que Dieu saurait pourvoir à tous les besoins. C'est dans la prière qu'il a conçu et arrêté tous ses projets et toutes ses œuvres. C'est par elle qu'il commençait, continuait et terminait tout. « Jamais, disait-il, je n'oserais entreprendre une chose sans l'avoir longtemps recommandée a Dieu ; d'abord, parce qu'il est facile à l'homme de se tromper, et de prendre ses vues personnelles et ses illusions pour des projets inspirés de Dieu ; ensuite, parce que nous ne pouvons rien sans le secours et la protection du ciel. »

« L'esprit de foi, dit son biographe, l'a rendu hardi, courageux dans les entreprises dont le succès paraissait _impossible aux yeux de la prudence humaine. Elle lui a donné cette force, cette grandeur d'âme qui l'aidait à surmonter les obstacles, et qui l'a rendu supérieur à tous les accidents de la vie. »

Faisons-nous, dans la pratique, comme notre Vénérable Fondateur ? Ne comptons-nous pas trop sur nous-mêmes, sur les techniques et les méthodes réputées parfois infaillibles, oubliant que tous ces moyens ne sont efficaces que s'ils sont vivifiés par la grâce qu'obtient la prière ? Quand le travail s'accumule et devient plus pressant, ne sommes-nous pas exposés à croire qu'il reste en souffrance pendant que nous prions ? N'oublions-nous pas qu'en réalité c'est dans la prière que nous en préparons la réussite par un travail intérieur d'une valeur incomparable, sans lequel notre activité se briserait peut-être à la moindre difficulté ?

Du Vénérable Père Champagnat, comme de tous les saints, il est vrai de dire que les fruits de son apostolat ont été proportionnés à son esprit de prière. Imitons-le dans la grande, sublime et très importante entreprise de la formation chrétienne des enfants qui est la nôtre. Ne comptons pas avoir fait grande chose tant que nous n'aurons pas beaucoup prié pour attirer sur nos travaux les bénédictions du ciel. Nous ne pouvons rien de nous-mêmes sur la volonté et sur l'intelligence de nos élèves, leurs résistances nous le prouvent parfois ; c'est Notre-Seigneur qui nous dira où nous devons jeter le filet, qui nous inspirera les actes et les paroles capables d'atteindre les cœurs.

Quand nous sommes trop portés à compter sur les hommes, n'oublions pas que leur aide, sans celle de Dieu, est plus nuisible qu'utile, comme il nous le dit lui-même par Jérémie : « Maudit soit celui qui s'appuie sur un bras de chair, il bannit le Seigneur de son cœur. » Saint Vincent de Paul en était tellement convaincu qu'il disait : « Dans les œuvres de Dieu, je crains davantage les moyens humains que le démon lui-même. »

Prenons Dieu pour principe et unique fin de notre activité car, nous proposer un autre but, ce serait gâcher notre vie : imiter, mais sans profit, l'araignée qui donne sa propre substance pour fabriquer une toile fragile et gober une mouche. Une mouche !… Un rien. !…. Voilà bien le prix de nos sueurs, si nous n'avons pas Dieu en vue dans nos travaux. Pourrions-nous vraiment n'avoir de plus noble ambition, après avoir renoncé au monde et à nous-mêmes ?

Esprit de foi du Vénérable Père Champagnat dans les difficultés. Notre-Seigneur éprouve ceux qu'il aime. A lire la vie de la plupart des Fondateurs d'Ordres, on voit que ce gage d'amitié leur a été prodigué, pour bien marquer que la Croix est l'appui le plus solide des œuvres divines.

Le Père Champagnat ne fit pas exception à cette règle. Il se vit souvent sans ressources, fut accusé de témérité, d'orgueil et d'entêtement, blâmé par ses confrères, harcelé par les créanciers. Des rapports malveillants parvinrent à l'Archevêché pour le discréditer et son œuvre fut maintes fois menacée de sombrer. A certains moments, les vocations se firent rares et des religieux déjà formés, sur lesquels il était en droit de compter, l'abandonnèrent ou furent sur le point de le faire. La révolte de quelques sujets, lors de l'adoption des bas de drap et de la nouvelle méthode de lecture, véritables tests pour l'humilité et la docilité de ses disciples, obligea le Fondateur a sévir fortement, ce qui fut très pénible à son cœur naturellement porté à la bonté et au pardon.

Une vague de panique envahit les maisons religieuses lors de la Révolution de 1830. Celle de l'Hermitage fut en danger ; le Procureur du roi y fit une visite domiciliaire à la suite d'accusations mensongères. L'abbé Courveille, plein d'ambition, profita de la maladie du Vénérable Père pour attirer les Frères à lui et tâcher de supplanter le Fondateur. La reconnaissance légale de l'Institut devenant indispensable, le Père Champagnat dut faire des voyages fatigants, aller aux bureaux de la Préfecture et des Ministères où, s'il ne fut pas toujours éconduit, on s'appliqua à lasser sa patience.

Dans toutes ces difficultés et autres semblables, il avait une confiance invincible en la Providence, convaincu que, si elle voulait son œuvre, elle saurait lever les obstacles, ce qu'elle fit admirablement.

Pendant que le Frère Stanislas sollicitait les bienfaiteurs, le Père Champagnat et ses disciples faisaient violence au Ciel et les secours arrivaient opportunément, envoyés par Celui qui nourrit les oiseaux du ciel et habille les lis des champs.

Il recourait à Marie, sa Ressource Ordinaire, par de ferventes neuvaines pour qu'elle ne « laissât pas s'éteindre, par manque d'huile, la lampe de la Congrégation ». C'est en elle que, par le chant du Salve Regina chaque matin et d'autres pratiques de piété, il mit toute sa confiance pour écarter les dangers de la Révolution. C'est surtout au pied du tabernacle qu'il implorait la force dont avaient besoin les vocations chancelantes. Il y puisait aussi les lumières nécessaires pour sauvegarder, contre les révoltés et les intrigants, la discipline, principe indispensable de vie pour sa Congrégation naissante.

Nous avons tous nos difficultés et celles de l'emploi ne sont pas les moindres ; sans esprit de foi, que ferions-nous ? C'est lui qui nous soutiendra en nous montrant la valeur des âmes pour lesquelles nous nous sacrifions. Il nous fera voir la sublimité et le mérite de notre mission, ce qui nous empêchera de céder au découragement devant la continuité de la sujétion et les devoirs pénibles qu'elle impose. Si nous ne comptions pour nous soutenir que sur nos goûts naturels ou sur la satisfaction que procurent les succès obtenus ou escomptés, ne serions nous pas désemparés quand viendraient la contradiction ou l'échec ?

Et qui dira le rôle indispensable de l'esprit de foi dans les peines de la vocation ?

Sans lui, nous ne comprendrions rien au renoncement qu'elle impose : « C'est parce que l'esprit de foi manque, dit notre Vénérable Fondateur, que l'on est lâche au service de Dieu et que l'on oublie que tous les hommes ont leurs croix. » On voudrait alors essayer d'un autre genre de vie, comme s'il y en avait un seul où l'on fût à l'abri des épreuves. C'est le manque d'esprit de foi qui fait que certains religieux se laissent séduire par l'espoir d'une bonne situation dans le monde ou par leur amour mal compris des parents ils mettent en quelque sorte à prix leur vocation et trop souvent aussi leur âme rachetée, comme dit saint Pierre, non par l'or ou l'argent, mais par le sang du Christ.

Dans toutes nos peines et difficultés, l'esprit de foi nous fera voir Dieu prenant soin de nous comme de la prunelle de ses yeux ; nous portant dans ses bras, de peur que nous ne heurtions les pierres du chemin et nous disant : « Que votre cœur ne se trouble point… Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et je vous soulagerai. » « L'homme le plus rude, dit saint Ephrem, connaît le fardeau que peut porter son âne, et le potier, la chaleur qui convient à l'argile ; comment Dieu pourrait-il nous imposer un fardeau au-dessus de nos forces ou nous laisser, plus qu'il ne faut, dans le feu de la tribulation ? A l'un des moments les plus pénibles de sa vie, saint Alphonse reprit courage en entendant ces paroles : « Père Alphonse, Dieu n'a pas cessé d'exister !. » C'est le célèbre cri vengeur : « Dieu ne meurt pas ! » lancé par García Moreno, le Président martyr de l'Equateur, tombant sous les coups des assassins.

Les prisonniers de guerre souffrent d'autant moins qu'ils ont une plus grande foi en la victoire. De même, dans l'exil et dans les peines de cette vie, nous souffrirons d'autant moins que nous serons plus convaincus que la victoire finale appartient au Christ et à ceux qui l'auront suivi jusqu'au bout, malgré toutes les épreuves, car dans l'armée de Notre-Seigneur il n'y a de vaincus que ceux qui renoncent à la lutte, les déserteurs. C'est bien là la victoire que connut notre Vénérable Fondateur et qu'au jour de sa béatification nous rappellera l'instant particulièrement émouvant où, après la lecture du décret, son image apparaîtra dans la gloire du Bernin, applaudie par l'assistance.

Combien il doit se féliciter aujourd'hui des travaux qu'il s'est imposés et des peines qu'il a endurées pour faire l'œuvre de Dieu, et comme il comptera pour rien les incompréhensions et les oppositions des hommes ! Un jour de lutte lui a mérité un triomphe éternel.

Pensant à lui et à tous nos Frères qui se sont sanctifiés en sa compagnie ou à sa suite et partagent sa gloire, prenons la ferme résolution de mettre en pratique de notre mieux, ce conseil de saint Paul : « Puisque nous sommes environnés d'une si grande nuée de témoins, rejetons tout ce qui nous appesantit et le péché qui nous enveloppe, et courons avec persévérance dans la carrière qui nous est ouverte, les yeux fixés sur Jésus, le consommateur de la foi. » (Hébreux, XII, 12.)

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*     *

Tout ce qui précède, mes bien chers Frères, nie porte à proposer l'intention suivante pour nos prochaines retraites :

Vivre plus fidèlement selon l'esprit et les exemples de notre Fondateur.

Ce programme, réalisé le mieux possible par chacun de nous, sera le meilleur présent que nous puissions offrir à notre Père à l'occasion de sa Béatification.

Plusieurs Provinces ont décidé de faire de 1955 l'Année Champagnat par un renouvellement spirituel. Pourquoi ne suivrait-on pas partout cet exemple, faisant durer l'Année Bienheureux Champagnat jusqu'au 6 juin 1956 ?  

Quelques avis relatifs aux fêtes

de la Béatification du Vénérable

Père Champagnat 

1. AVANT LA BÉATIFICATION

 L Jusqu'à la Béatification, on ne doit pas donner publiquement au Vénérable Père Champagnat le titre de Bienheureux, soit dans des invocations, soit dans des discours, soit dans des écrits.

2. Les images, brochures, opuscules, biographies, édités à l'occasion de la Béatification, dans lesquels le Serviteur de Dieu porte te titre de Bienheureux, ne doivent pas être distribués au public avant la Béatification.

3. Dans toutes nos maisons, dès la réception de la présente circulaire, on lira, soit en lecture spirituelle, soit au réfectoire, la Vie du Vénérable Père Champagnat du Frère Jean-Baptiste.

De même, on commencera, en temps opportun, une neuvaine préparatoire à la Béatification qui consistera dans les pratiques suivantes :

a) Chaque jour, après la méditation, récitation des Litanies de la Sainte Vierge ;

b) Offrande quotidienne de sa communion afin d'obtenir pour tous les Frères un renouvellement dans l'esprit du Vénérable Fondateur par une plus grande régularité ;

c) Attention particulière aux points suivants plus grande fidélité au vœu et à la vertu de pauvreté ; promptitude au lever et ponctualité aux exercices de communauté ; plus grande application à garder le silence et à pratiquer la modestie ; plus grand recueillement, évitant les visites actives et passives non indispensables.

La veille de la Béatification, on jeûnera comme le samedi.

Le jour de la Béatification, après la sainte Messe, on chantera ou on récitera le Magnificat, et l'on fera partout, dans la matinée, une visite de demi-heure au Très Saint Sacrement. Dans l'après-midi, on récitera ou on chantera le Te Deum en communauté soit à l'église, à la chapelle ou à l'oratoire. 

          II. APRÈS LA BÉATIFICATION

 1. Voici d'abord une Instruction de la Sacrée Congrégation des Rites concernant le mode de célébration des Triduums solennels à l'occasion des Béatifications.

« Le Triduum solennel a pour objet de rendre, pour la première fois et pendant trois jours consécutifs, à un nouveau Bienheureux, le tribut, le culte et les honneurs des autels. Les cérémonies de ce culte doivent être, en premier lieu, strictement liturgiques, c'est-à-dire consister dans la Messe solennelle et dans les Vêpres également solennelles, si les circonstances le permettent. D'autres fonctions ecclésiastiques sont également permises, comme des prières entremêlées de la récitation de l'Oraison dominicale et de la Salutation angélique, Litanies de la Très Sainte Vierge et Bénédiction solennelle du Très Saint Sacrement, pourvu que le consentement, de l'Ordinaire ait été préalablement obtenu.

« Le panégyrique sera prononcé pendant la sainte Messe, après le chant de l'Évangile ; on pourra, en cette circonstance, le considérer comme tenant lieu d'homélie ; ou bien il pourra se faire, soit avant, soit après les Vêpres, ou encore avant le salut du soir. Le dernier jour du Triduum, on aura soin de ne pas omettre le chant solennel du Te Deum avec l'oraison pro gratitude action.

« Ces dispositions, qui devront être aussi observées dans les Octaves solennelles à l'occasion des Canonisations, ont été approuvées par Notre Saint Père le Pape Léon XIII, dans l'audience du 2 juillet 1899. »

De la Secrétairerie de la Sacrée Congrégation des Rites, le 24 juillet 1899.

 Card MASELLA, Préfet.

D. Panici, Secrétaire. 

L'usage s'est généralisé, en effet, de célébrer, à l'occasion des Béatifications, des Triduums solennels en l'honneur des nouveaux Bienheureux. Ces Triduums peuvent comporter, comme il est dit dans l'Instruction ci-dessus, pour chaque jour, une Messe solennelle, les Vêpres et le Salut du Très Saint Sacrement, avec un ou plusieurs sermons ou panégyriques.

S'il n'est pas possible d'organiser un Triduum solennel et public, il est à souhaiter que partout, même dans les plus petites communautés, on fasse un Triduum de prières, en y associant les élèves.

1. Pour ces Triduums on ne doit rien précipiter, car on a toute une année pour les célébrer. Nous recevrons volontiers les comptes rendus groupés, si possible, par province ; nous tenons surtout à connaître les panégyriques d'une réelle valeur. On fera bien d'en demander une copie à leurs auteurs.

2. Les autorisations nécessaires seront sollicitées pour que partout où nous avons une maison, on puisse célébrer le Triduum aux jours qui seront jugés les plus convenables par l'Ordinaire.

3. A partir de 1956 seulement, la fête du Bienheureux aura son jour fixé par le Bref pontifical de Béatification. Elle ne pourra être célébrée que dans les églises et chapelles qui seront désignées par le Bref ou autorisées par concession spéciale.

4. Sur aucune image, peinture ou gravure, on ne peut entourer d'un nimbe ou auréole la tête du Bienheureux. Il est permis seulement de l'entourer d'une légère clarté ou de rayons atténués.

5. Après la Béatification, on pourra invoquer publiquement le nouveau Bienheureux, en dehors des fonctions liturgiques, par l'invocation : Bienheureux Marcellin Champagnat, priez pour nous.

6. Durant le Triduum solennel, on pourra mettre dans le chœur de l'église ou de la chapelle, derrière le maître-autel un grand tableau représentant le Bienheureux dans la gloire. On pourra également placer dans l'église quelques grands tableaux représentant les miracles approuvés, ou l'un des faits principaux de la vie du Bienheureux.

7. Après le Triduum, les grands tableaux dont il est parlé au paragraphe précédent devront être retirés de  l'église, mais on pourra cependant laisser à demeure, en arrière d'un autel quelconque, un petit tableau ou une petite statue du Bienheureux.

8. On pourrait mettre un grand tableau ou une grande statue à un autel secondaire ; mais il serait nécessaire, pour cela, d'obtenir un indult spécial.

9. Dans les processions on ne peut porter, ni la statue, ni les tableaux ou bannières représentant le Bienheureux, ni même ses reliques. Toutefois, moyennant un indult, on pourrait porter les reliques voilées.

10. Pendant les offices liturgiques, on ne doit rien chanter en l'honneur du Bienheureux qui n'ait été approuvé par la Sacrée Congrégation des Rites.

11. Dans les églises où le culte du Bienheureux sera autorisé par le Bref, on pourra, au Salut, avant le Tantum ergo, chanter l'Iste Confessor, avec le verset : Ora pro nobis, Beate Marcelline, et le répons : Ut digni efficiamur, etc. …, suivi de l'oraison propre qui pourrait être éventuellement accordée.

12. Il convient, à l'occasion du Triduum, de distribuer des Vies et des images du Bienheureux, particulièrement à NN. SS. les Évêques, à MM. les Ecclésiastiques qui voudraient bien présider aux offices ou y prendre part, comme aussi à nos bienfaiteurs et à nos élèves.

13. Lorsqu'à la suite des prières adressées au Bienheureux, il se sera produit quelque guérison extraordinaire, on voudra bien nous en envoyer immédiatement une relation très exacte et très détaillée avec tous les documents à l'appui.  

Souscription pour la Châsse de Notre

Vénérable Fondateur.

 Après la Béatification, nous nous occuperons de la châsse qui doit contenir les, précieux restes de notre Vénérable Fondateur et de l'aménagement du lieu où elle sera placée.

Pour couvrir les frais de ces travaux, avec les membres du Conseil Général, nous avons jugé convenable de faire appel à votre amour filial et à celui de vos élèves envers notre bien-aimé Fondateur. C'est pourquoi nous avons pensé ouvrir à cette fin une souscription dans toutes nos écoles.

Et nous souhaitons que tous nos élèves, sans exception, y apportent leur contribution, si petite soit-elle. Nous apprécierons aussi bien les dons minimes de ceux qui ont peu, que les offrandes plus larges des plus fortunés. Ce que nous désirons, c'est l'unanimité dans la participation afin que chacun de nos élèves de 1955 puisse dire : « J'ai apporté mon offrande à l'édification de la châsse du Bienheureux Champagnat. »

Nous comptons sur le bon esprit de tous les Frères et sur l'enthousiasme qu'ils sauront susciter parmi leurs élèves pour faire de cette souscription un hommage digne de notre saint Fondateur, grand bienfaiteur de l'enfance.

D'autre part, nous voudrions rappeler que tout en instruisant bien les élèves de l'objet de cette souscription et des motifs qu'ils ont d'y participer, il ne faut pas provoquer une émulation qui irait trop loin. Il ne faut pas que les moins fortunés se sentent gênés par la modicité de leur offrande. Il ne faut pas non plus que les parents trouvent indiscrète notre insistance dans cette affaire. Il y a là une question de tact que tous nos Frères sauront comprendre sans que nous ayons besoin d'insister.

Vous pourrez clore la dite souscription quand bon vous semblera et en envoyer le produit à l'Économat Général. Ces fonds devront lui parvenir au plus tard à la fin de décembre.  

Visite de l'Uruguay, de l'Argentine,

du Chili et du Pérou.

 L'obédience qui, en novembre 1941, m'appelait au Conseil Général, me confiait également la mission de procéder à la visite canonique de nos communautés du Pérou, du Chili, de l'Argentine et de l'Uruguay. C'est ce que je fis de février à juin 1942, c'est-à-dire un peu rapidement, en vertu des instructions reçues, car il ne fallait pas trop tarder à venir à la Maison-Mère. J'ai eu l'avantage de visiter de nouveau ces mêmes pays, de la mi-décembre à la fin février derniers, en la bonne compagnie du C. F. Sébastiani, A. G., qui en a la charge. Lui laissant le soin d'examiner bien des points qui font l'objet des visites canoniques, travail qu'il poursuit encore actuellement, je me suis occupé plus spécialement, d'ailleurs avec son concours dévoué, des retraites annuelles.

Ces retraites, nul ne l'ignore, permettent, plus que toute autre époque de l'année, un contact sérieux avec les Frères, libres alors, du moins pour quelque temps, des soucis habituels de leur emploi. D'autre part, les élèves étant en vacances, le Supérieur est moins pris par des manifestations extérieures qui, tout en ayant leur raison d'être, sont, en général, d'un intérêt secondaire.

Pendant toute la durée des Saints Exercices, j'ai pu, non seulement m'entretenir à l'aise avec chaque retraitant, mais encore traiter, dans les instructions, des sujets de vie religieuse ou professionnelle d'application fréquente et sur lesquels il convient de revenir souvent.

Pour l'Uruguay, la maison d'Exercices des Pères Jésuites n'étant pas libre du 15 au 22 décembre, la retraite a eu lieu, pour la première fois, à notre Collège Santa María de Montevideo. L'espace y était un peu restreint, mais, chacun y mettant du sien la solution s'est avérée meilleure qu'on n'avait osé l'espérer.

En Argentine, où m'avait précédé le C. F. Assistant, deux retraites eurent, lieu, comme à l'ordinaire, à Luján, l'une à la maison provinciale, l'autre à l'internat, dans le voisinage du sanctuaire national de Notre-Dame. En outre, du 6 janvier au 2 février, un groupe de jeunes Frères a fait les Grands Exercices à notre Collège de Mar del Plata.

Nos Frères du Chili ont fait leur retraite à Santiago, dans cieux maisons destinées à cet objet, dont l'une appartient au diocèse et l'autre aux Pères Jésuites. C'est dans cette dernière qu'ont eu lieu également les Grands Exercices pour une vingtaine de Frères, dont huit ont émis les vœux perpétuels, le 2 février. Ce même jour, avec le C. F. Assistant, nous partions pour le Pérou. Là, les Frères, pour leurs retraites, ont pu jouir des multiples avantages qu'offre la maison provinciale, « Villa Marista », de Chosica, récemment inaugurée.

Malgré la saison, la température n'a eu nulle part rien d'excessif, sauf à la seconde retraite d'Argentine où, aux quarante degrés que marquait le thermomètre s'ajoutait la grande humidité de la vallée de La Plata.

Je ne prétends pas employer une simple formule élogieuse en affirmant que les Saints Exercices ont été suivis partout avec beaucoup de ferveur, c'est l'expression exacte de ce qui a été pour moi une des grandes consolations et reste le meilleur souvenir de cette visite qui, dans l'ensemble, m'a été particulièrement agréable.

Des retraites bien faites ne témoignent-elles pas d'un désir de se surpasser dans la poursuite de l'idéal de la vocation religieuse et apostolique ? Ne sont-elles pas, quel qu'ait été le passé, le gage d'un avenir meilleur pour chacun et pour l'ensemble ? Et que peut-on souhaiter de plus quand on est persuadé que dans la vie spirituelle on n'avance qu'en reprenant sans cesse la lutte, sans jamais se décourager.

Les sept retraites s'étant suivies à deux ou trois jours d'intervalle, nous ont laissé peu de temps pour tout autre travail. Nous avons pu cependant consacrer quelques heures aux maisons de formation et faire quelques visites indispensables.

Par la spontanéité de la joie que témoignaient, en nous recevant, les juvénistes, postulants, novices et scolastiques, plus que par les discours, les chants ou les débits, nous avons constaté avec bonheur que l'on a appris à ces âmes bien disposées, à connaître et à aimer la Congrégation et les Supérieurs, ce qui est très important pour leur formation et tout à l'honneur de leurs maîtres dévoués.

Nous nous sommes fait un devoir de rendre visite aux quatre Nonces apostoliques dont l'un, Mgr Baggio, du Chili, débutant en 1939 dans la carrière diplomatique, fut aumônier de nos Frères de San Salvador et reçut d'eux les premières leçons d'espagnol. Leurs Excellences ont été unanimes à rendre hommage à l'esprit religieux et au dévouement de nos Frères. J'ai eu la joie d'entendre des témoignages semblables de la part des évêques et autres membres du clergé, ainsi que de religieux qui sont le plus en rapport avec nos Frères et leurs œuvres. Que ceux-ci fassent remonter ces éloges vers Notre-Seigneur et la Sainte Vierge et y trouvent un nouvel encouragement à mieux faire encore, si possible.

Son Éminence le Cardinal-Archevêque de Santiago nous a fait l'honneur de nous inviter avec le C. F. Assistant, le C. F. Provincial et le C. F. Directeur à un déjeuner intime. Nous avons eu l'occasion d'y rencontrer le Ministre de l'Éducation Publique. C'est un catholique convaincu qui ne craint pas de s'affirmer tel, non seulement par la fidélité aux pratiques religieuses, mais encore en favorisant de tout son pouvoir l'enseignement privé, et cela malgré un entourage qui ne partage pas toujours ses idées.

Il m'a été donné également de prendre contact avec divers dirigeants des Associations de Pères de famille et d'anciens élèves. On ne saurait trop admirer et louer leur attachement et leur générosité; ils sont toujours prêts à se dévouer pour les Frères et leurs écoles. J'aurai l'occasion de le redire. Mais on m'a signalé ici ou là certains dangers possibles quand on recourt à eux sans discernement. Je les indique brièvement pour prévenir des abus et mettre en garde non seulement les Frères que j'ai visités, mais encore ceux qui, ailleurs, pourraient se trouver dans des situations analogues.

Il est à craindre que ceux qui nous aident ne se contentent pas toujours d'une simple collaboration, mais veuillent imposer leurs vues. Les moyens qu'ils suggèrent pour recueillir des fonds sont parfois de nature à attirer, plus qu'il ne convient, le public dans nos maisons. Le désir de correspondre à leur générosité expose à organiser des fêtes, des repas surtout, qui ne sont pas dans nos habitudes. Il peut également s'ensuivre un échange de visites contraires à la Règle.

Ni les parents ni les anciens élèves ne prétendent contrevenir à nos obligations et à nos usages, mais souvent ils les ignorent ; aussi faut-il, au besoin, les leur faire connaître, ainsi que notre volonté de ne pas nous en écarter.

*

*      *

 Quelques mots sur chacun des secteurs que j'ai visités vous intéresseront sans doute. Je parlerai surtout de l'état actuel du recrutement et des maisons de formation, de l'organisation des études, ainsi que des fondations, constructions ou aménagements importants réalisés depuis ma première visite. 

URUGUAY

 Ce District compte surtout des Frères allemands qui, sous la conduite du très méritant Frère Joseph-Vérius, durent abandonner leur patrie lorsque nos écoles y furent fermées par les nazis. Ces dernières années, ils ont pu revoir leurs familles ; celles-ci reconnaissent avec eux que cet exil volontaire a été pour tous une bénédiction du ciel.

Grâce à leur dévouement et à leur sens de la discipline qu'ils font régner aussi bien en classe qu'en communauté, ces confrères se sont fait en quelques années une excellente réputation comme maîtres et comme religieux.

Il y avait, dans ce District, 37 Frères en 1942, ils sont aujourd'hui 53 auxquels il faut ajouter 2 novices et 40 juvénistes. Malgré tous les efforts et tous les sacrifices en personnel et en argent faits pour recruter sur place, il n'y a encore que 11 Frères non Européens. C' est peu, diront, certains qui oublient que ce sont surtout les premiers pas qui coûtent. On intensifie actuellement, avec des résultats très encourageants, le recrutement dans nos écoles. II est certain qu'à mesure que les élèves verront s'accroître le nombre des Frères de chez eux, ils s'intéresseront davantage à notre vocation.

Un juvénat fonctionne à Chajarí, en Argentine, et un autre, à 20 kilomètres environ de Montevideo, à la a Casa San José ». On s'occupe d'aménager cette maison pour en faire le juvénat unique du District. Avec un grand esprit fraternel et une générosité fort louables, la Province d'Argentine donne asile dans son juvénat supérieur, son noviciat et son scolasticat aux recrues du jeune District qui, ces dernières années, a reçu quelques auxiliaires d'Allemagne et de l'Œuvre  Saint-François-Xavier.

La propriété de la « Casa San José », achetée il y a dix ans, occupe 14 hectares. Elle pouvait, pensait-on, fournir d'appréciables ressources, grâce surtout à de nombreux arbres fruitiers, alors en pleine production, mais la plupart d'entre eux sont en train de périr à cause d'une maladie qui, dans toute la contrée, s'est abattue sur les orangers, mandariniers et citronniers. Nos Frères ne se découragent pas pour autant, ils replantent : c'est la meilleure formule en toutes sortes de revers.

Une bonne construction a été ajoutée aux deux maisons de Montevideo. L'une de ces écoles, « Santa María », donne l'enseignement primaire et secondaire. Elle compte 515 élèves, dont 40 internes seulement, faute de maîtres et de place pour en recevoir davantage. Une belle chapelle a remplacé fort heureusement le pauvre appartement qui, d'ailleurs au prix d'une grande gêne, avait été réservé à Notre-Seigneur. L'autre école de la capitale, située dans un des meilleurs quartiers résidentiels, « Punta Carreta », a pu faire l'acquisition du local, d'abord loué, et y construire de nouvelles classes. Elle compte 326 élèves. Les parents, qui ont aidé à couvrir les dépenses faites jusqu'ici, sont encore disposés à prêter leur concours afin que l'école soit à même d'ouvrir l'enseignement secondaire.

Les installations ont été également améliorées dans les trois autres maisons de l'Uruguay : Durazno devenue propriété de l'Institut, Rocha et Pando. Dans cette dernière ville, nos Frères ont compté, comme ailleurs, sur l'appui efficace des parents, mais plus encore sur celui de M. le Curé qui, grâce à l'influence que lui donne son zèle infatigable, trouve les ressources nécessaires pour tous les besoins de la paroisse et surtout pour les deux écoles de garçons et de filles dont il a mesuré, dès le premier jour, la grande importance.

Là aussi, on insiste de plus en plus pour que nous ouvrions l'enseignement secondaire afin d'assurer la préservation religieuse et morale des élèves à un âge particulièrement critique. Malheureusement, les ouvriers manquent. Dieu veuille que leur nombre s'accroisse rapidement pour que ce District puisse élargir son champ d'apostolat ! 

ARGENTINE

 Il y a une dizaine d'années, la Province a pris en charge les écoles de Rosario, Rafaela et San Francisco qui dépendaient de la Province de León. Mais elle a dû fermer successivement celles de Pergamino, Instituto Alvear et San Vicente (La Plata). Nos Frères ont abandonné ces deux dernières maisons, où ils faisaient un bien réel à des enfants pauvres, à cause de l'insuffisance des ressources ou des conflits d'attributions qui surgissent assez fréquemment dans les Institutions de Bienfaisance.

Les Œuvres de formation sont très bien installées :

A la « Villa San José » de Luján fonctionnent le Scolasticat et le Juvénat Supérieur. C'est, avec l'Internat attenant, une propriété de 14 hectares. Édifice complet, belle chapelle, parc, piscine, bonnes cultures, verger en plein rapport, poulailler modèle et rucher fournissant du miel en abondance. Ce produit sert à préparer trois qualités d'hydromel que l'on prendrait pour des vins des meilleurs crus. C'est la boisson ordinaire en tout temps, ce qui représente une belle économie.

A Anisacate, à 800 kilomètres au nord de Buenos Aires, non loin de Córdoba, dans une solitude de 27 hectares, s'est établi, depuis quelques années, le Noviciat. En laissant Luján, il a permis de mieux installer les autres sections de la maison provinciale, surtout l'infirmerie, et à faire éviter aux aspirants un trop long séjour dans la même maison.

Le nombre des novices ne correspond pas à celui des juvénistes ; c'est pour l'avoir reconnu que nos Frères tâchent d'intensifier le recrutement dans les écoles et de procéder à un choix plus sévère des aspirants qui viennent d'ailleurs. Ce problème est à peu près identique dans les quatre pays visités. Bien que les trois Provinces d'Argentine, du Chili et du Pérou comptent beaucoup sur la jeunesse qui se prépare nombreuse au Juvénat inter-provincial de Valladolid (Espagne), construit et maintenu à leurs frais, elles comprennent qu'il y aurait une grave erreur à négliger le recrutement sur place.

Le Juvénat préparatoire sera fort à l'aise avec ses 130 aspirants, formant deux divisions, à Pilar, où il vient de se transporter, à peu de distance à la fois de Buenos Aires et de Luján. L'édifice a été construit selon des plans originaux de beaucoup d'ampleur et qui, nous l'espérons, s'avéreront pratiques. Une communauté de religieuses assure le service de la cuisine et de la buanderie. On attend beaucoup de la ferme, de ses terrains fertiles et de ses dépendances. Ce Juvénat occupait depuis quelques années un édifice loué à Capilla del Señor, où avait fonctionné autrefois un internat irlandais, Instituto Fahy, dont nous avions la direction.

Les parents d'élèves se sont montrés particulièrement généreux pour les acquisitions et aménagements faits à l'école de l'Immaculée, à Buenos Aires, ainsi qu'à celles de Mar del Plata, San Rafael et La Plata. Dans cette dernière ville, ils demandaient depuis longtemps l'ouverture des cours d'enseignement secondaire ; ils n'ont pas reculé devant la condition exigée par le Conseil Provincial de fournir un local. Une maison ayant été achetée à notre nom, adaptée et payée, ils ont obtenu satisfaction.

La maison de Mendoza a subi d'importantes transformations, gagnant ainsi en espace et améliorant son aspect extérieur. Ce qui est mieux encore, elle a été pourvue d'une belle et vaste chapelle. Le Collège Champagnat de la capitale et celui de Morón effectuaient, lors de mon passage, des travaux importants. Celui de Belgrano (Buenos Aires) a, de même, amélioré récemment son installation. La Province a acheté la maison où fonctionne l'école de Rafaela, jusqu'ici louée, et se propose de la mieux adapter.

Le Scolasticat est reconnu par l'État comme École Normale et délivre le diplôme de professeur d'enseignement primaire. Un bon nombre de Frères ont obtenu de plus le diplôme leur permettant de donner l'enseignement secondaire, soit aux Facultés de l'État, soit surtout, depuis quelques années, à l'Institut Supérieur du Professorat Catholique, fondé pour les religieux et religieuses. Plusieurs de nos Frères coopèrent, avec d'autres religieux, des prêtres séculiers et des professeurs civils, à la bonne marche de cette École dont les études étaient jusqu'ici, officiellement reconnues. La collection de livres scolaires continue à être une des meilleures parmi celles de nos Provinces. C'est à la maison d'Éditions que se trouve aussi le Scolasticat Universitaire.

Les Frères d'Argentine viennent de rouvrir les classes pour la nouvelle année scolaire. Je les recommande à vos prières pour qu'ils puissent travailler dans le calme et avec fruit. 

CHILI

 Dans le rapport de visite de 1942, j'écrivais, parlant du recrutement sur place du Chili et du Pérou, qui formaient alors un même District : « Les déboires auxquels expose le recrutement ne doivent pas décourager ; il y a des vocations partout pour qui sait les cultiver. » Nos Frères se sont mis à l'œuvre, ils n'ont pas obtenu tout ce qu'ils souhaitaient, mais leur travail n'a pas été stérile. Il y a aujourd'hui 16 Frères et 6 novices chiliens qui, de même que la plupart des quarante juvénistes, viennent de nos écoles.

Le Juvénat occupe à Limache, entre Santiago et Valparaiso, un local de construction récente, bien conçu et suffisant pour une cinquantaine d'aspirants. Le Noviciat profite de l'hospitalité fraternelle de la Province d'Argentine à Anisacate. Quant au Scolasticat, il a dû se loger, tant bien que mal, à Limache, après l'incendie qui a détruit, en partie, la maison de Lo Lillo où il fonctionnait.

Le Conseil Provincial envisage la construction d'un Scolasticat modèle, pour entreprendre ensuite celle du Noviciat. Il aura ainsi résolu deux problèmes très urgents. Il vient d'en résoudre un autre important par l'achat d'une maison pour les Frères qui suivent les cours de l'Université Catholique. Ces Frères ont un horaire adapté à leur travail et on a moins à craindre pour eux la négligence de la vie spirituelle et la fatigue auxquelles exposent les études menées de front avec l'enseignement. Ces centres d'études universitaires commencent à se multiplier chez nous, Dieu merci ; souhaitons que bientôt toutes nos Provinces en possèdent.

L'Université Catholique du Chili, qui est très bien organisée et jouit d'un grand prestige, est le résultat d'un long effort des catholiques désireux de conjurer les funestes effets du laïcisme. De gros capitaux ont été nécessaires et le sont encore chaque année pour bâtir, aménager, meubler les neuf facultés et les diverses écoles de spécialisation qui en dépendent, aider aux recherches scientifiques, payer les maîtres, enrichir les bibliothèques, etc. … Bon nombre de nos Frères y ont obtenu des certificats d'aptitude pour les matières qu'ils enseignent, mais les Supérieurs de la Province veulent faire encore davantage pour parer à de possibles exigences officielles.

La môme préoccupation des catholiques pour préserver la foi de leurs enfants leur a fait mener une campagne en faveur des écoles privées. Elle a abouti à un vote de subventions par les Chambres. Elles sont accordées comme il suit : les écoles gratuites, aussi bien d'enseignement primaire que secondaire, reçoivent pour chaque élève la moitié de ce que coûte à l'État chacun des élèves de ces deux catégories fréquentant les écoles publiques. Quant aux écoles payantes, celles d'enseignement primaire ne sont pas subventionnées, tandis que celles d'enseignement secondaire reçoivent le quart de ce que reviennent à l'État les élèves des lycées officiels.

Les études religieuses sont bien organisées ; deux fois par an les candidats ont à subir un examen contrôlé par la Commission des Études. Une organisation semblable existe dans les trois Provinces où est, d'autre part, fidèlement observé l'article 274 des Règles Communes, ainsi conçu : « Les Frères profès de vœux temporaires réciteront tous les jours une leçon de catéchisme au Frère Directeur ou à celui qu'il aura désigné. Le Frère Directeur devra aussi, de temps en temps, leur faire réciter la Méthode d'oraison, au jour qu'il indiquera, et ce sera ordinairement le jeudi. » Afin de donner une valeur officielle aux diplômes qui couronnent les études religieuses, cours élémentaire et cours supérieur, la Commission des Études a demandé l'approbation des programmes aux Ordinaires des six diocèses où nous avons des écoles. Tous l'ont accordée volontiers en l'accompagnant de témoignages hautement laudatifs.

Avec l'aide des anciens élèves, dont l'un a fourni le terrain, la Province a pu doter l'école de Los Andes d'un édifice ad hoc.

Elle a également acheté des maisons attenantes au collège de la Capitale où des agrandissements importants sont actuellement en cours d'exécution. Comme les locaux des autres écoles appartiennent, soit aux évêchés, soit à la Société pour la diffusion de l'enseignement chrétien appelée Centro Cristiano, on n'ose pas y entreprendre des travaux importants qui, pour certaines, deviennent indispensables. Mais le fait qu'aucune redevance ne soit exigée pour ces édifices encouragera à y faire les aménagements voulus si, comme on peut l'espérer, un contrat nous en garantit l'usage à long terme. La Fédération de nos anciens élèves du Chili peut être proposée en exemple par l'union étroite qui existe entre les diverses Associations et par l'importance donnée à la vie chrétienne des membres : réception des sacrements, retraites fermées, etc. …

Peu à peu la Province organise la vente de livres scolaires, mais sa collection étant encore réduite et la dévaluation de la monnaie rendant prohibitif le prix de revient des livres importés, le profit, quoique réel, est encore bien modeste. 

PEROU

 Comme le Chili, le Pérou n'est Province que depuis 1946. Ses effectifs sont bien faibles, mais il y a croissance et toutes les mesures sont prises pour qu'elle s'accentue. Jusqu'à ces dernières années, les aspirants péruviens allaient faire leur formation à Lo Lillo (Chili). Ils ne furent jamais nombreux, car l'idée de vocation religieuse n'est encore ni très répandue ni bien comprise. Les élèves témoignent bien un intérêt de plus en plus grand pour la vie religieuse, mais il est trop souvent difficile d'obtenir le consentement des parents.

Il n'y a actuellement que 13 Frères du pays et un petit groupe de Juvénistes, mais l'ouverture récente de deux écoles dans le département de Cajamarca où abondent les familles nombreuses et chrétiennes permet d'espérer un meilleur recrutement.

C'est à proximité de Chosica et à une cinquantaine de kilomètres de Lima, non loin du Rimac, rivière qui descend des hauts plateaux, et près de la route qui mène à ces derniers, que sont installées les oeuvres de formation. Elles ont d'abord occupé des maisons louées, mais elles possèdent maintenant un édifice moderne, commode, accroché aux premières pentes de la Cordillère, à mille mètres d'altitude, jouissant toute l'année d'un climat idéal.

La propriété mesure 22 hectares ; on y cultive surtout le coton, le maïs, la vigne, le pommier et l'avocatier. Pour le moment, il n'y a de place que pour le Scolasticat et le Juvénat. Depuis le 15 août dernier, le Noviciat est momentanément fermé ; il reprendra dès que le Juvénat de Valladolid fournira un groupe suffisant de postulants auxquels se joindront de jeunes Péruviens.

Comme il n'est pas conseillé d'avoir les trois sections dans une même maison, on fait des projets pour en installer au moins une, un peu plus loin de la Capitale, ce qui aura de plus l'avantage de réduire les visites des parents. Les collèges en pleine prospérité, de même que la maison d'éditions qui commence à fournir quelques ressources, aideront à résoudre ce problème.

Dans la plupart des écoles fonctionnent la Croisade Eucharistique pour les élèves d'enseignement primaire et l'Action Catholique pour ceux d'enseignement secondaire.

Toutes les écoles ont organisé, pour la soirée des samedis ou des dimanches, le catéchisme aux enfants des quartiers pauvres. Dans chaque cas deux Frères s'en chargent avec l'aide de quelques grands élèves. C'est, au total, environ 1.200 enfants qui sont ainsi instruits des vérités de la religion. L'année dernière, comme préparation au Congrès National Eucharistique et Marial, qui a obtenu un très grand succès, la hiérarchie a fait donner des cours spéciaux de religion aux instituteurs, afin de les rendre plus aptes à y préparer leurs élèves (il faut dire qu'au Pérou le catéchisme est enseigné dans toutes les écoles). Nos Frères, invités à prêter leur concours, ont donné des leçons à 300 maîtres d'école.

J'ai parlé du département de Cajamarca comme d'un centre prometteur pour le recrutement. Nous avons ouvert, il y a deux ans, dans le chef-lieu qui porte ce même nom, l'école primaire de Cristo Rey et, l'année dernière, nos Frères ont pris la direction de l'École Normale rurale officielle, où ils sont secondés par un groupe de maîtres séculiers et d'employés. Les cours durent trois ans. Pour y être admis, il faut avoir fini l'enseignement secondaire. Les programmes ne se distinguent de ceux des Écoles Normales urbaines que par l'importance plus grande donnée aux matières particulièrement utiles à la campagne. Tous les élèves sont internes et le Gouvernement couvre tous les frais. Une école primaire d'application, comptant 300 élèves répartis en huit classes et entretenue également par l'État, fonctionne près de l'École Normale. Nos Frères y font le catéchisme une fois par semaine pour compléter l'enseignement religieux donné par les titulaires de classe.

Le collège de Sullana, fondé en 1941, dans une maison fort incommode, a pu exécuter une partie des plans de construction approuvés par le Conseil Général et se mettre plus au large. On tâchera, dès que ce sera possible, de compléter l'édifice. D'autres maisons ont également des problèmes de construction ou d'aménagement ; le Conseil Provincial a dressé un programme de travaux s'étendant sur plusieurs années.

Je me plais à rappeler qu'une œuvre très intéressante établie à Magdalena del Mar, près de Lima, et dont le Bulletin de l'Institut a parlé longuement, continue à être dirigée par nos Frères, aidés d'un nombreux personnel laïque : maîtres, surveillants et employés. Elle comporte la section des orphelins avec des ateliers et celle d'un groupe de 300 élèves environ des écoles publiques ayant besoin de refaire leur santé. Le séjour de ces derniers dure trois mois, après lesquels ils cèdent la place à un nouveau groupe. Les Frères qui se consacrent à cette œuvre ont besoin d'un grand dévouement, car s'ils y trouvent bien des consolations, ils sont à la tâche le jour et la nuit. Je me plais à dire qu'ils se dépensent  sans compter et qu'ils ont le souci de gagner à Notre-Seigneur des âmes qui, aux yeux du divin Maître, n'en sont pas moins belles parce que pauvres: Pendant les vacances, les Frères des autres écoles s'offrent volontiers pour assurer quelques semaines de repos à leurs confrères desHuérfanos et de laClimática:

Les études de la Province sont organisées de la manière suivante :

Au Juvénat, obtention du Baccalauréat.

Au Scolasticat, trois années consacrées à l'étude des programmes des Écoles Normales urbaines. Les jeunes Frères en sortent avec le diplôme correspondant donnant droit à enseigner dans les écoles primaires.

Ensuite, cours de vacances, reconnus par le Gouvernement, comme d'ailleurs les études du Scolasticat. Ils sont couronnés par le diplôme pour l'enseignement dans les écoles secondaires. Ces cours, qui permettent de bien utiliser les vacances, aident aussi à éviter les dangers auxquels elles exposent par leur longue durée : trois mois et demi.

Dans ce pays, les religieux peuvent enseigner sans diplômes, par le simple fait d'être religieux ; cependant nos Frères ont, pour la plupart, obtenu celui des deux enseignements.

*

*     *

 La courte relation qui précède est fort incomplète. Il y aurait lieu de parler des nombreuses fondations, dont plusieurs très avantageuses, qu'on nous offre mais qu'on ne peut accepter, faute de personnel. Rien de mieux, en effet, que de s'en tenir fidèlement à la ligne de conduite tracée par les Constitutions. Il faut consolider les œuvres existantes et donner la formation voulue aux Frères, plutôt que d'éparpiller ses forces. Mais combien il est à souhaiter que, dans les quatre secteurs visités et partout ailleurs, nous puissions répondre, sans trop tarder, aux appels incessants et souvent angoissés, des hommes de cœur et de foi qui, à la vue d'un monde tiraillé par des courants d'idées inconciliables, comprennent que, plus que jamais, la jeunesse a besoin de maîtres chrétiens ! Que cette considération nous porte, tout au moins, à suppléer au nombre qui fait défaut par un plus grand dévouement et un zèle conquérant.

C'est de tout cœur que je félicite les Frères que je viens de visiter pour le bon esprit qui les anime et l'excellent travail qu'ils réalisent. J'ai passé avec eux des jours heureux, je les en remercie. C'est vraiment partout la famille de la Sainte Vierge et du Vénérable Père Champagnat. Je souhaite non seulement qu'il en soit toujours ainsi mais, de plus, que chacun s'applique à faire encore mieux, si possible.

De Lima, je me suis rendu à Sào Paulo (Brésil). J'ai pu ainsi connaître le bâtiment qui achève de se construire à Campinas pour le Second Noviciat dont l'ouverture est prévue pour le début de 1956. Une visite rapide à quelques communautés, ainsi qu'à la Maison Provinciale de Mendes, m'a procuré la joie de saluer et de bénir de nombreux Frères et aspirants, avant de regagner la Maison-Mère où je suis arrivé le 28 février. A l'aller aussi bien qu'au retour, il m'a été donné de m'entretenir, à Madrid, avec un groupe de confrères qui ont eu l'amabilité de venir me saluer à l'aéroport. Je les en remercie, ainsi que tous ceux dont les prières ont attiré les bénédictions de Notre-Seigneur et de Notre-Dame sur mon voyage et sur la mission que j'avais à remplir.  

Élection

 Dans sa séance du 15 mars 1955, le Conseil Général a maintenu, pour quelque temps, dans sa charge comme Provincial de la Province de Cuba-Amérique Centrale, le Cher Frère BRAULIO, parvenu au terme de son mandat.

  

LISTE DES FRÈRES dont nous avons appris le Décès

depuis la Circulaire du 8 Décembre 1954

 

    Nom et âge des Défunts                  Lieux des Décès                         Dates des Décès

 

F. Pamphilus         81  Stable              Apia (Samoa)                                 27 nov.1954

F. Pierre-Firmin    88  Profès perp.    Saint-Genis-Laval (France)           1ierdéc. »

F Jorge                  82  »                       Sibundoy (Colombie)                     1ier»    »

F. Borgia                76  Stable              Auckland (Nouvelle-Zélande)        2 »       »

F. Venancio Pedro 40 Profès perp.   Ribeirao Preto (Brésil)                  2  »      »

F. Léon-Euchaire  67 Stable              Mont-St-Guibert (Belgique)           11 »      »

F. Finian                 55 Profès perp.     Pietermaritzburg (Afr. du Sud)      12 »      »

F. Albien                54  »                       Privas (France)                               16 »      »

F. Isidorus              87  Stable              St-Paul-Trois-Châteaux (France) 17 »     »

F. Marie-Bernard  66  »                       Beyrouth (Liban)                               30  »   »

F. Mary-Basi          69 Profès perp.     Athlone (Irlande)                             1ier  jan.  1955

F. Joseph-Anselme 76»                      Saint-Genis-Laval (France) .         8   »     »

F. Malachy             83  Stable              Wellington (Nouvelle-Zélande)      21  »     »

F. Bernardin          78 »                        Mont-Saint-Guibert (Belgique)        3 fév. »

F. Macaire             73»                         Iberville (Canada)                             6  »     »         

F. Kieran Martin    27 Profès perp.     Aurora (États-Unis)                          7  »     »

F. Sison                 82  Stable              N.-D.-de-Lacabane (France)        17 »      »

F. Francisco Xavier60 Profès perp.     Sao Paulo (Brésil)                          17 »      »

F. Marie-Gébuin    71  Stable              Saint-Gilles (Belgique)                  28  »     »

F. Donateur           93  »                       St-Paul-Trois-Châteaux (France) 10 mars  »

F. Borromeo          76  »                       Cali (Colombie)                              19 »      »

F. Camilo               77  »                       Castilleja (Espagne)                      26  »     »

F. Louis-Emilian    80 Profès perp.     Saint-Genis-Laval (France)           26 »      »         

F. Tobias León      74  »                       Popayán (Colombie)                     29 »      »

F. Hermeland        86  Stable              Popayán (Colombie)                     7 avril  »

F. Eustrate             79  »                       St-Paul-Trois-Châteaux (France)  8  »     »

F. Rufino                74  »                       Castilleja (Espagne)                      14 »      »         

F. Marie-Philémon  80 Profès perp.   Varennes-s/ Allier (France)           23 »      »

F. Niceas               64  »                       Oronoz (Espagne)                          23 »      »

F. Sixto Vicente    58  Stable              Avellanas (Espagne)                     25 »      »

F. Colomban         57  »                       Arlon (Belgique)                             29 »      »         

 

La présente circulaire sera lue en communauté à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle.

Recevez, mes bien chers Frères, la nouvelle assurance du religieux attachement avec lequel je suis, en J. M. J.

Votre très humble et tout dévoué serviteur,

                        Frère LEONIDA, Supérieur Général.

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