Circulaires 344

LĂ©onida

1957-05-24

I. Fruit à retirer des prochaines retraites:
Un plus grand amour pour notre sainte vocation et la ferme résolution de lui être fidèles jusqu'à la mort.
La persévérance est un mystère et un problème
Ce problème a grandement préoccupé le Bienheureux Fondateur et continue à préoccuper
les Supérieurs et les meilleurs religieux. Principales causes de défection
Quelques-unes des excuses invoquées par ceux qui abandonnent leur vocation
Diverses mesures capables de diminuer les défections
II. Visite à nos Frères d'Extrême-Orient, Chine extérieure, Japon, Philippines
III. Nos Causes de Béatification et de Canonisation
Cause du Bienheureux Fondateur. Faveurs.
Cause de nos martyrs d'Espagne
IV. Prière de Sa Sainteté Pie XII pour les vocations religieuses
V. Elections
VI. Statistiques générales de l'Institut au 1' janvier 1957
VII. Liste des défunts

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V. J. M. J.

Saint-Genis-Laval, le 24 mai 1957.

Fête de Notre-Dame Auxiliatrice.

                      MES BIEN CHERS FRÈRES,

 Parmi les bienfaits que nous procure la vie religieuse, il nous faut accorder une place de choix à la retraite annuelle à laquelle je me fais un devoir de vous convier de nouveau. Avec nos Règles, je vous exhorte à la regarder comme une grande grâce et à vous y livrer tout entiers (art. 103).

Ayant fait trêve à nos occupations habituelles, loin du bruit et des nouvelles du monde, nous serons, pendant une semaine, dans une ambiance de silence et de recueillement très favorable à la réflexion, à la prière et aux décisions qui s'imposent pour le perfectionnement de notre vie religieuse et de notre action apostolique. Nous profiterons de ce saint temps pour refaire nos convictions et pour nous renouveler dans l'esprit de notre saint état et dans notre première ferveur.

Si nous obtenons ces heureux résultats, notre vie sera plus riche en mérites, notre travail auprès de la jeunesse plus fécond et nous assurerons notre persévérance dans la sublime vocation à laquelle Dieu, par un effet entièrement gratuit de son infinie bonté, a daigné nous appeler.

C'est précisément, mes bien chers Frères, de la persévérance que je voudrais vous entretenir aujourd'hui, vous invitant tous à vous proposer, comme fruit principal de cette retraite, l'acquisition d'un plus grand amour pour votre sainte vocation et la ferme résolution de lui être fidèles jusqu'à la mort, car ceux-là seuls qui persévéreront jusqu'à la fin seront dignes des magnifiques promesses de Notre-Seigneur : « Quiconque aura quitté maison, frères, sœurs, père, mère, enfants ou champs, à cause de mon nom, recevra le centuple et aura la vie éternelle en possession. » (Matth., XIX, 29.)

Il en est malheureusement tant qui tombent sur le chemin, qu'il est urgent et indispensable de nous prémunir contre les dangers qui menacent la persévérance. Combien, ayant commencé avec d'excellentes dispositions et semblant offrir les meilleures garanties de constance, ont cependant abandonné leur saint état pour se jeter dans le monde. Dans un article intitulé «Fidélité », le R.P. Creusen, S.J., écrit : « Un fait s'impose à l'attention de quiconque étudie le problème de la vocation religieuse : le nombre relativement élevé des sorties de Religion. Dans certains instituts, après une dizaine d'années, le déchet sur le nombre des entrées est environ d'un tiers ; on peut craindre que la proportion soit encore plus forte dans des Congrégations où la formation religieuse laisse vraiment à désirer. » Nous ne sommes pas sans souffrir d'un semblable mal quoique, Dieu merci, à un degré moindre.

A quoi cela tient-il ? C'est là une question vitale pour chacun de nous et pour l'Institut tout entier.

Nous tâcherons d'approfondir ce thème. Nous n'envisagerons pas ici le côté doctrinal de la question, c'est-à-dire la grave obligation pour tout religieux de persévérer dans sa vocation en raison du contrat solennel qui par la profession le lie avec Dieu et avec l'Institut. Nous ferons simplement quelques réflexions d'ordre pratique tendant à nous faire mieux comprendre cet important problème. Dieu fasse qu'elles nous portent à prendre résolument les moyens opportuns pour valoriser au maximum le précieux trésor de notre vocation et lui être inébranlablement fidèles.

Dans ce but et devant l'impossibilité de traiter ce sujet sous tous ses aspects, nous développerons les points suivants :

I. – La persévérance est un mystère et un problème.

II. – Ce problème a grandement préoccupé le Bienheureux Fondateur et continue à préoccuper les supérieurs et les meilleurs religieux.

III. – Principales causes de défection.

IV. – Quelques-unes des excuses invoquées par ceux qui abandonnent leur vocation.

V. – Diverses mesures capables de diminuer les défections. 

1. — La persévérance est un mystère

et un problème.

Disons tout d'abord que la vocation elle-même est un mystère d'amour. Par elle, en effet, nous avons été l'objet d'une prédilection, d'un choix spécial de Notre-Seigneur : « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis, et vous ai établis pour que vous alliez et que vous portiez beaucoup de fruit et que votre fruit demeure. » (Jean, XV, 16.)

« Toute grâce, dit Mgr Gay, procède du cœur de Dieu, aussi la moindre est-elle d'une valeur sans mesure ; mais celle de la vocation religieuse procède très assurément de la région du cœur, la plus sainte et la plus aimante. Elle est un don exquis. » (Vie et Vertus, vol. IV, p. 77.) Comment se fait-il que l'homme ainsi favorisé par Dieu méconnaisse ce geste d'amour et soit infidèle au sublime appel dont il a été l'objet ?

La persévérance est également un mystère. L'infidélité est la fin d'un drame intérieur, secret, souvent tragique, entre l'âme et Dieu. Elle est la conséquence de défaillances progressives suivies d'abord de remords et de sursauts de la conscience qui, étouffés, font bientôt place à de graves manquements, puis à une honteuse capitulation. Nous reviendrons plus au long sur ce point, en parlant des principales causes de défection.

La persévérance est un aspect du mystère de la liberté de l'homme en face de la grâce qui sollicite, entraîne. C'est ainsi qu'il n'est pas rare que, parmi des religieux placés dans les mêmes conditions et exposés aux mêmes dangers, les uns persévèrent tandis que les autres succombent. Il y a là des causes profondes qui échappent à notre observation et à notre contrôle.

La persévérance renferme souvent un mystère de substitution. Nous ne sommes que des instruments entre les mains de Dieu. Si nous ne remplissons pas notre rôle comme il convient, il nous remplacera par d'autres plus dociles et plus généreux. Notre Bienheureux Fondateur le disait clairement à ses Frères : «Ne l'oublions jamais : Dieu n'a besoin de nous ni de personne. Si nos sentiments et nos pensées sont toujours terrestres, nous finirons par nous détacher de cet Institut et par perdre notre vocation ; mais d'autres prendront notre place, Dieu les bénira parce qu'ils seront fidèles, et par eux, continuera son oeuvre. » (Vie, p. 337.) C'est le cas de Judas remplacé par saint Mathias qui se renouvelle.

Dans une défection, on peut donc voir un châtiment de telle sorte que si le religieux dit : « Je m'en vais », il devrait ajouter, « c'est Dieu qui me chasse ». Il va sans dire que nous parlons uniquement des religieux qui ont vocation, comme c'est le cas habituellement.

La persévérance est un mystère de responsabilité. Celui qui rompt les engagements contractés avec Dieu et reprend ce qu'il avait généreusement offert, se rend doublement coupable car, d'abord, il ne répond pas à sa vocation personnelle, mais, de plus, infidèle à sa vocation sociale, il bouleverse le plan de Dieu sur les âmes qui gravitent autour de lui.

Etudier à fond sa vocation avant de se décider, est sage et prudent ; mais abandonner une vocation reconnue moralement certaine, embrassée avec l'approbation des Directeurs compétents, avec pleine liberté, c'est déserter en pleine bataille le camp du Christ ; c'est une lâcheté dont la répercussion s'étendra à tout le Corps Mystique, affaiblissant chaque membre, scandalisant les plus faibles.

Mystère apparemment insondable, la persévérance est aussi un problème aux données multiples intimement liées.

Un problème de générosité parce qu'affaire de fidélité à la Règle et aux devoirs d'état, de docilité aux Supérieurs, de renoncement continuel, de lutte contre le naturalisme et l'esprit du monde qui, malheureusement, peuvent franchir les murs des maisons religieuses pour y exercer leurs ravages.

Un problème d'amour. Dieu nous a aimés, distingués, préférés. Or, l'amour appelle l'amour, c'est-à-dire la fidélité envers et contre tout. Quand on aime sincèrement, rien ne coûte, surtout lorsqu'il s'agit de Dieu. En un langage semblable à celui des Impropères de l'Office liturgique du Vendredi Saint, Dieu pourrait dire au religieux infidèle : «Que devais-je faire de plus pour toi que je n'aie pas fait ? Est-ce parce que je t'ai comblé de bienfaits insignes que tu m'abandonnes pour courir après des biens éphémères et grossir, peut-être, les rangs de mes ennemis ? »

La persévérance est également un problème de foi. Notre vocation est le fait d'un décret éternel de Dieu. C'est saint Paul qui l'affirme : « Dieu nous a élus, dès avant la création du monde, pour que nous soyons saints et irrépréhensibles devant Lui. » (Ephés., I, 4.) Si cette affirmation vaut pour tout homme, à plus forte raison est-elle applicable à tout religieux. Il faut croire à sa vocation et la vivre. La foi éclaire la route et mène à la fidélité. Au contraire, sans la lumière de la foi on ne voit plus les choses et les faits sous leur vrai jour ; d'où mésestime des biens d'ordre spirituel, dégoût du service de Dieu, infidélité, perte de la vocation, celle-ci n'apparaissant plus au religieux relâché que comme un ensemble de circonstances fortuites qui l'ont engagé, comme malgré lui, dans une voie de garage de laquelle il lui faut revenir pour prendre une autre direction.

L'article 117 des Règles Communes est très explicite à ce sujet : « Les Frères animés de l'esprit de foi aimeront leur état et s'efforceront d'en acquérir les vertus… ; ceux qui ne l'auront pas seront des religieux sans vertu et persévéreront difficilement dans leur vocation. » Aussi peut-on affirmer : Foi vive, vocation solide ; foi agonisante, vocation chancelante ; foi morte, vocation perdue. Mais, comme le dit le Vénéré Frère François, cet esprit de foi, si nécessaire, ne peut se maintenir que par le souvenir habituel des grandes vérités du salut. C'est par là, en effet, « que nous nous affermirons et que nous nous soutiendrons dans le bien, dans le mépris du monde et de ses vanités, dans l'amour et le service de Dieu, dans la haine et la fuite du péché. Nous serons fidèles à notre vocation par raison et par conviction, et nous le serons aujourd'hui, demain et toujours, parce que les raisons qui nous y ont engagés sont toujours les mêmes, ces raisons reposant sur des vérités éternelles qui ne changent jamais. » (Circ., vol. II, p. 34. 043

II. – Le problème de la persévérance a grandement préoccupé le Bienheureux Fondateur et

continue à préoccuper les Supérieurs et les meilleurs religieux.

 Tous les Fondateurs, conscients d'être les instruments de Dieu pour réaliser une œuvre voulue par Lui, se sont livrés corps et âme à l'exécution du plan divin, en dépit de tous les obstacles et de toutes les difficultés. Un de leurs principaux soucis a été d'inculquer à leurs religieux l'esprit de leur état et de les aider par tous les moyens à persévérer, de peur de voir se renouveler pour eux l'histoire de l'Enfant Prodigue qui, parti de la maison paternelle, connut la misère et l'abjection. C'est pour ce motif que saint Vincent de Paul, comme il le dit lui-même, resta, une demi-heure durant, aux pieds d'un religieux qu'il voulait dissuader de retourner dans le monde.

Lorsque tous ses efforts pour retenir les religieux tentés d'abandonner leur vocation étaient vains, notre Bienheureux Père disait : « Hélas ! il me serait moins pénible de voir porter ces Frères au cimetière que de les voir abandonner leur sainte vocation pour se jeter dans le monde ! » Dans de pareils cas, écrit le Frère Jean-Baptiste, on l'a vu plusieurs fois ne pouvoir ni boire ni manger, tant lui était sensible la perte de ses enfants. Et ce qui augmentait cette grande peine, la plus lourde de ses croix, c'est qu'il était convaincu que la plupart de ceux qui sortaient de la communauté, étaient infidèles à leur vocation et qu'ils seraient devenus de bons religieux s'ils avaient correspondu à la grâce ! (Vie, p. 525.)

Dans sa dernière maladie, après avoir reçu l'Extrême-Onction, il adresse aux Frères qui l'entourent, une touchante exhortation à la fidélité et à la persévérance : « Aimez votre vocation, conservez-la, c'est par elle que Dieu veut vous sauver. » (Vie, p. 271.) Il renchérit encore dans son Testament Spirituel : « Soyez fidèles à votre vocation, aimez-la et persévérez-y avec courage. Il y a des peines pour vivre en bon religieux, mais la grâce adoucit tout, Jésus et Marie vous aideront ; d'ailleurs, la vie est bien courte et l'éternité ne finira jamais. » (Vie, p. 280.)

C'est pour assurer la persévérance de ses disciples que notre Bienheureux Père s'appliquait constamment à les maintenir dans l'esprit de leur état. Ainsi, il se montrait intransigeant auprès des autorités et même des bienfaiteurs lorsqu'on prétendait engager les Frères dans des œuvres, qui, excellentes en elles-mêmes, ne sont pas conformes à l'esprit et au but de l'Institut, car, disait-il : «notre devoir n'est pas de nous charger de toutes sortes d'œuvres, mais de bien faire celles que la Providence nous a confiées ». (Vie, p. 533.) Que ne fait-il pas pour retenir ceux qui se sont engagés sur la pente qui mène à l'abîme ! Outre les avis, conseils, exhortations, réprimandes, il multiplie les prières ferventes, les visites au Saint-Sacrement et les austérités ; il s'élève contre les rapports dangereux avec le monde, les sorties irrégulières, les manquements à la pauvreté, les familiarités avec les enfants il met en garde contre les illusions du démon et, tandis que ceux qui suivent ses conseils, comme les Frères Louis et Jérôme, persévèrent et se sanctifient, d'autres, orgueilleux, désobéissants et entêtés, qui veulent suivre leurs propres lumières, comme les Frères Jean-Marie, Michel, etc. …, aboutissent à l'infidélité.

Nous trouvons cette même préoccupation chez tous les Supérieurs qui ont gouverné l'Institut : le Vénéré Frère François, écrivant sur l'esprit de foi, le R.F. Louis-Marie, traitant de la régularité, de la prière ou de la formation des Frères et de la vocation fervente y reviennent souvent. Leurs successeurs abordent, de même, soit directement, soit incidemment, ce thème de la persévérance dans la vocation, pour en montrer l'importance et la nécessité et indiquer les moyens de l'assurer. Tous pourraient nous dire combien il est pénible d'avoir à signer le recours à Rome pour que soit donné suite aux demandes de dispenses de vœux. Bien des Frères Provinciaux ont connu de longues insomnies et ont peut-être versé des larmes amères devant leur impuissance à empêcher certaines désertions.

Les religieux fervents et zélés, suivant l'exemple admirable du dévoué Frère Stanislas, ont, depuis les débuts de l'Institut jusqu'à nos jours, considéré comme un de leurs principaux devoirs de conseiller et d'encourager leurs confrères pour les aider à vivre et à mourir en bons religieux. Comme eux, nous devons plaindre les transfuges, penser aux causes et aux conséquences de leur désertion, nous demander si nous n'y avons pas contribué de quelque façon par nos conversations, notre exemple, nos omissions. Il est fort sage également qu'à la vue des défections, nous examinions s'il n'y a pas en nous des négligences nous exposant à un sort semblable. En résumé, il faut, mes bien chers Frères, que le malheur de ceux qui nous quittent contribue à nous ancrer dans notre sainte vocation et nous porte à mieux remplir nos obligations,

Ceci doit nous porter également à prévenir les défections autant qu'il dépend de nous, en aidant, par nos prières et nos sacrifices, nos confrères tentés de renoncer au service de Dieu. « Si un membre glisse, dit à ce propos Mgr Fulton Sheen, l'autre s'empresse de l'aider. S'il est possible de greffer de la peau, ne pourra-t-on pas greffer une prière ? Et si la transfusion de sang est à l'ordre du jour, pourquoi celle du sacrifice ne le serait-elle pas aussi ? » (Corps Mystique.) 

III. – Principales causes de défection.

 Les causes de défection sont nombreuses ; nous tâcherons de les grouper sous quelques titres, les divisant ainsi : 1° Causes qui affectent surtout, quoique pas uniquement, les jeunes Frères ; et 2° causes qui peuvent se présenter à tout âge.

Il y a surtout, pour les jeunes Frères : a) le découragement; b) l'aspiration vers une vie plus austère ou le sacerdoce; c) les sollicitations des parents ; et d) les illusions sur le bonheur des gens du monde.

a) Le découragement n'est que trop fréquent. Le jeune Frère sort du milieu idéal des maisons de formation, où tout porte au bien, où règne l'émulation pour la vertu. Et voilà qu'il rencontre des difficultés dans l'emploi, il souffre, peut-être, d'un manque de préparation religieuse ou intellectuelle, il ne s'accorde pas avec tous ses confrères. Les paroles ou la conduite de certains ne sont pas ce qu'il s'attendait à trouver en communauté. De ce fait, il est porté à sous-estimer sa vocation. Les tentations sont plus violentes, une activité mal contrôlée le fatigue, lui fait négliger la prière, il se lasse de lutter. Si, par comble de malheur, ni le Frère Directeur ni les autres confrères ne portent un intérêt tout particulier à ce jeune Frère, pour le conseiller et l'initier à la vie commune et à l'Apostolat, est-ce étonnant qu'à certaines heures il perde courage ? Le besoin de Frères est tellement grand, qu'on ne saurait trop faire pour conserver ceux que nous avons. Quelle belle et méritoire résolution pour tous ceux qui aiment vraiment leur vocation et l'Institut que celle de travailler de leur mieux à encourager leurs confrères, en particulier les commençants ! Quant à ceux-ci, au lieu de mésestimer la vie religieuse à cause des irrégularités dont ils sont témoins, ils devraient s'efforcer de contribuer, par leur conduite, à élever le niveau de ferveur de leur communauté.

Pour ce qui est des difficultés de la classe, qu'ils soient persuadés que, s'ils font leur possible et s'ils se laissent diriger, ils en viendront à bout. C'est ainsi que bien des Frères qui avaient eu également des débuts pénibles, sont devenus, dans la suite, d'excellents religieux et des maîtres accomplis. Si vraiment les difficultés de la classe devenaient insurmontables, ils devraient être assez humbles pour demander un emploi manuel.

 b) L'aspiration vers une vie plus austère ou le sacerdoce. Il n'est pas exclu qu'un religieux soit authentiquement appelé par Dieu dans une autre Religion ou au sacerdoce : ((les voies de Dieu sont impénétrables ». «Mais, dit le R.P. Gutiérrez dans son commentaire sur la Lettre Apostolique « Procuratores Generales », cette nouvelle vocation doit être clairement démontrée, et particulièrement la vocation au sacerdoce dans le siècle, puisqu'en définitive, bien qu'il augmente la dignité et renforce l'obligation de perfection, il ne fournit pas les moyens que procure l'état religieux ; c'est donc, en un sens, « mettre la main à la charrue et regarder en arrière ». Mais aussi, la vocation à une Religion cléricale doit être démontrée jusqu'à l'évidence, sinon la présomption est en faveur de l'état embrassé et de la fidélité aux vœux émis déjà. » C'est pourquoi saint Paul dit : « Que chacun demeure dans la vocation à laquelle il a été appelé. » (I Cor., VII, 20.) Et saint François de Sales : « Il faut fleurir là où Dieu nous a plantés. » Bien souvent, en effet, le motif du changement n'est pas surnaturel, ou bien on est le jouet du démon, comme le dit notre Bienheureux Fondateur au Frère Louis.

C'est pour éviter, autant que possible, un faux pas, sous le couvert de bonnes intentions, que Rome exige que tout religieux, ne serait-il que profès temporaire, qui veut passer à une autre Congrégation ou au Séminaire, obtienne au préalable, la permission de la Sacrée Congrégation des Religieux qui, en général, ne l'accorde que moyennant l'avis favorable des Supérieurs.

 c) Sollicitations ou besoins des parents. Il se trouve parfois des parents de faible esprit chrétien qui, voyant leur fils religieux en état de leur venir en aide, insistent auprès de lui pour qu'il se cherche une situation dans le monde. Les parents sont partiellement excusables, ne connaissant pas l'excellence de la vocation religieuse, ni l'importance des engagements contractés ; au religieux de le leur faire comprendre et de résister délicatement mais fermement. Il est nécessaire d'inculquer à l'aspirant des convictions solides sur ce point et de lui dire que le premier sacrifice exigé par sa vocation est la séparation de la famille. Il doit se persuader qu'il appartient d'abord à Dieu qui dit : a Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi.» C'est Dieu qui nous a appelés, c'est de Lui que nous recevrons la récompense de notre fidélité ou le châtiment de notre désertion.

Sans doute, Dieu nous fait-il une obligation grave d'assister nos parents dans le besoin. Mais il suffit alors d'exposer simplement le cas aux Supérieurs qui indiqueront les moyens d'y remédier en toute charité.

Ceux qui disent retourner dans le monde pour secourir leurs parents y réussissent-ils toujours ? Combien de parents se repentent dans la suite d'avoir repris leur enfant qui, hors de sa voie, leur donne bien des motifs de peine ! Combien qui, au contraire, ont pu dire : « De tous nos enfants, aucun ne nous a procuré plus de joie que celui que nous avons donné au bon Dieu ! ».

 d) Les illusions sur le bonheur des séculiers sont un fait assez commun. La plupart des Frères sont entrés en religion tout jeunes. Quand ils retournent en visite de famille on leur fait fête ; ils ne voient, pour la plupart, que les beaux côtés du monde, les parents étant en général assez délicats pour leur cacher leurs soucis. Si, avec cela, les jeunes religieux, pendant leur séjour en famille, ne sont pas assez réservés dans leurs rapports, ils sont bien exposés à revenir en communauté avec certaines idées portant atteinte à leurs convictions au sujet de la vie religieuse.

Mais, outre les visites de famille, il y a, pour faire prendre contact avec le monde, les conversations avec les séculiers, les imprimés, la vue des mondains, la radio, le cinéma, la télévision, les visites actives ou passives, etc. … Tout cela peut créer dans les jeunes imaginations un mirage trompeur qui fait voir le bonheur parfait dans les divertissements, l'argent, les plaisirs grossiers. La réalité est tout autre, car la croix se dresse partout et, à son poids habituel s'ajoute, pour le religieux infidèle, celui des remords causés, tôt ou tard, par sa lâcheté.

Quand ils sont sincères, la plupart de ceux qui, ayant vocation, nous ont quittés doivent admettre que les préoccupations d'ordre matériel n'ont pas tardé à les assaillir. Eux, qui peut-être ne trouvaient pas la nourriture de leur goût, avaient de la peine à se passer de maints objets ou commodités, commencent à calculer sur les dépenses. Peut-être trouvaient-ils le travail excessif, l'obéissance pénible, et voilà qu'ils doivent s'astreindre à un travail assujettissant et satisfaire les exigences de patrons moins condescendants que les Supérieurs dont ils se plaignaient. Ils ne tardent pas à comprendre, dit le Père de Ravignan, « combien était bonne la mère qu'ils ont abandonnée ».

Ceux qui espéraient satisfaire leurs passions dans le monde constatent bientôt qu'elles ne sont jamais assouvies et, à moins qu'ils n'y mettent un frein, ils risquent fort d'en arriver à l'inconduite la plus dégradante. Bien des transfuges déçus par le monde demandent à revenir dans la Congrégation : nous avons reçu ces dernières années des demandes de ce genre qui venaient d'ex-religieux de soixante et même de soixante-dix ans.

2° Causes de défection qui peuvent se présenter à tout âge. Les plus fréquentes sont : a) l'esprit propre; b) les imprudences au sujet de la belle vertu; c) les manquements graves et fréquents à la Règle ; et d) la négligence de la prière.

L'esprit propre : La soif d'indépendance que chacun porte en soi tend sans cesse à se manifester, au point de faire oublier parfois que l'on a renoncé librement à sa propre volonté pour se soumettre pleinement à celle des Supérieurs. De là vient que l'on discute les ordres reçus et qu'en définitive, on prétende organiser sa vie comme si l'on ne dépendait de personne.

Bien des écarts de ce genre sont dus à un jugement faux, mais les qualités personnelles, les succès dans les études ou l'emploi peuvent également y porter si l'on n'est pas assez humble pour en faire remonter à Dieu toute la gloire. Parfois, aussi. on est trop susceptible, on ne peut souffrir de blâme, de reproche, on n'est pas satisfait d'un emploi tenu pour inférieur à ses aptitudes, on se sent humilié à cause d'un déplacement ou pour n'avoir pas été maintenu en charge, et on s'aigrit, on boude, on critique, on prend tout en mal, on se vide de tout esprit religieux.

Certains de ces religieux font école et sèment le mauvais esprit parmi ceux qui les suivent et qui, faute d'expérience et de convictions, les écoutent comme des oracles. La Règle, les Supérieurs et toutes les mesures qu'ils prennent sont l'objet de leurs critiques. Que de propos déraisonnables on entend de la sorte de ceux qui prétendent signaler des erreurs ! Quelles intentions, pour arriver à leurs fins, ne doivent-ils pas prêter par sottise ou par malice, à leurs Supérieurs ! Il est à craindre que la longanimité dont on fait preuve parfois, à l'égard de tels sujets, ne fasse que retarder leur départ et qu'alors ils ne s'en aillent pas seuls, mais entraînent dans leur malheur ceux qu'ils étaient parvenus à gagner à leurs idées.

Exerçons-nous à une parfaite soumission ; évitons la manie de tout examiner, juger et critiquer car, quand on l'a contractée il est fort difficile de s'en corriger et on en arrive aisément à l'esprit de révolte et à la perte de la vocation..

 b) Imprudences au sujet de la belle vertu. Choisis pour servir Marie, parfait modèle de pureté, nous ne saurions rester dans sa famille si nous n'aimions et ne cultivions pas avec grand soin cette vertu. C'est le manque de délicatesse sur ce point qui cause le plus de défections, comme en font foi les motifs donnés dans bien des demandes de dispense de vœux.

Celui qui ne combat pas les pensées, les images. les rêveries contraires à la belle vertu et, à plus forte raison, s'il se complaît dans les désirs et les actes impliquant une faute, tue en lui l'amour de la piété et de la vie régulière. Il perd le goût des choses de l'âme et il est fort à craindre qu'il soit porté à chercher dans la vie séculière un terrain plus propice à la satisfaction de ses mauvais instincts. A plus forte raison doit-on craindre ce malheur si le mal se commet avec d'autres, car il y a en cela un plus grand abus de la grâce qui, en quelque sorte, crie vengeance.

Que les tentations ne nous troublent pas ; le démon est dans son rôle en nous les présentant et c'est parce qu'en émettant le vœu de chasteté nous avons résolu d'être des anges dans un corps de chair qu'il tâche, comme le dit l'Imitation, de nous faire goûter la nourriture des bêtes immondes.

Evitons toute imprudence dans les rapports avec le monde, veillons sur nos penchants et nos affections. Ne nous pardonnons pas aisément ces fautes, car ce vice met un bandeau sur les yeux de ses victimes pour les conduire hors de la vocation par la pente rapide et glissante des fautes réitérées et des appétits insatiables. Fuyons l'oisiveté afin de ne pas laisser à l'imagination le temps de nous présenter le mal et, au démon, celui de nous porter à le commettre.

 c) La vie irrégulière explique bien des défections. «Celui qui ne vit pas en religieux ne mourra pas en religion, » dit notre Bienheureux Fondateur. Il est des navires qui sombrent à cause de fortes tempêtes d'autres, parce qu'ils laissent pénétrer l'eau par des fissures. De même, si parfois une tentation violente peut renverser les religieux les plus fermes, bien plus nombreux sont ceux qui succombent à cause d'infidélités réitérées dont la gravité croît à mesure que la conscience s'émousse.

Ceux qui les voient partir se demandent parfois : comment un tel malheur a-t-il pu leur arriver, à eux que nous avons connus parmi les meilleurs dans les maisons de formation et même pendant plusieurs années dans la suite ? Dans leur surprise ils oublient que les fautes, en se multipliant, privent l'âme des grâces abondantes qui lui sont nécessaires pour se maintenir ferme.

Tenons-nous-en fidèlement à ce que demandent la Règle et les Supérieurs afin de ne pas enfreindre les obligations des vœux. Que chacun veille sur ses rapports avec les séculiers, surtout avec les personnes du sexe. Je n'ai jamais été parmi les hommes sans en être revenu moins homme, disait déjà Sénèque. Un religieux pourrait bien dire parfois : « Je n'ai jamais été parmi les hommes sans en revenir moins religieux » et peut-être pourrait-il ajouter : et moins chaste, surtout lorsqu'il a trompé la vigilance des Supérieurs pour fréquenter les  séculiers.

Etre très digne avec les élèves, ne pas garder de l'argent, ne pas en dépenser sans permission, ne pas se procurer des objets non autorisés ou non nécessaires, être ponctuel au lever, à moins d'empêchement sérieux, ne pas omettre les exercices de piété et l'étude religieuse, être sobres dans le boire et le manger, prudents dans l'usage de certains passe-temps modernes, garder le silence pour vivre dans une atmosphère de recueillement favorable à la vie intérieure, autant de points de Règle trop souvent négligés, au détriment de l'estime de la vocation.

Soyons fidèles à la Règle et nous serons heureux. Pas de véritable bonheur, par contre, à blesser sa conscience en transgressant ses obligations, car il en résulte une désaffection progressive de la vie religieuse et, finalement, son abandon.

 d) Une autre cause de défection est la négligence de la prière qui a été appelée, à juste titre, le thermomètre de la vocation. Celle-ci est un trésor que le démon ne réussira à nous ravir que dans la mesure où, négligeant la prière, nous nous priverons du secours de la grâce. C'est pourquoi, lorsque nous sentons fléchir notre attachement à la vocation, nous devons nous demander où nous en sommes des exercices de piété, si nous ne les omettons pas, en tout ou en partie, si nous combattons suffisamment les distractions, si notre vie intérieure est assez intense, car, privée de l'union à Dieu, notre âme est comme une ville assiégée dont l'ennemi a coupé l'approvisionnement ; elle ne peut alors résister aux attaques du démon.

Si l'enfant tombe, c'est qu'il lui manque la main de son père ; si le religieux succombe, c'est qu'il ne s'est pas confié pleinement en Dieu par la prière. Ma grâce te suffit, disait Dieu à saint Paul ; cette parole, il la répète à tous ceux qui sont tentés et il sera toujours vrai de dire avec le Bienheureux Fondateur : « Celui qui néglige ou qui fait mal les exercices de piété perdra infailliblement sa vocation. » Au contraire, le religieux qui dans les tentations contre la vocation a recours à la prière, s'il invoque surtout la Sainte Vierge, peut être assuré du secours du Ciel. La légion des démons serait-elle déchaînée pour le perdre que Dieu lui enverrait, au besoin, une légion d'anges pour le défendre ; nous en avons la promesse formelle : « Demandez et vous recevrez. » La prière n'était-elle pas le moyen par excellence dont se servait le Bienheureux Père Champagnat pour retenir les Frères tentés d'abandonner le service de Dieu ?

Craignons, mes bien chers Frères, de perdre, par nos négligences, le goût de la prière, et de n'avoir plus le courage d'y recourir précisément au moment où elle nous serait indispensable. « La prière, dit à ce propos Mgr d'Hulst, a été comparée à certains remèdes héroïques : plus la gravité du mal les rend nécessaires, plus la faiblesse du malade lui en fait craindre l'emploi. » Ne trouve-t-on pas, eu effet, des religieux très ébranlés dans leur vocation qui déclarent ne pas pouvoir prier quand on leur conseille de recourir à ce remède particulièrement efficace ?

Aux causes de perte de la vocation dont nous venons de parler, nous pourrions en ajouter une autre plus générale qui n'est pas toujours absente de celles que nous venons d'indiquer : c'est la neurasthénie. Le neurasthénique est enclin à voir des oppositions qui n'existent pas et en arriver même à la manie de la persécution. Son état nerveux lui rend pénibles la classe et la vie de communauté, ce qui le porte à se replier sur lui-même et à ruminer des idées noires. Il croit aisément qu'il trouvera un soulagement à ses souffrances dans de fréquents changements et même dans l'abandon de la vie religieuse.

Il faut qu'un tel malade évite le surmenage, surnaturalise ses peines et se laisse diriger. Les confrères doivent le conseiller d'une façon discrète, le supporter avec grande charité et s'abstenir de tout ce qui peut, sans motif grave, le contrarier et accroître son mal. 

IV. Quelques-unes des excuses invoquées
par ceux qui abandonnent leur vocation.

 Ceux qui retournent dans le monde sans motif valable savent bien que leur conduite sera jugée sévèrement, non seulement par les confrères, mais encore par bien d'autres personnes, surtout par les parents et les connaissances. De là le besoin qu'ils éprouvent de se justifier sans se préoccuper toujours d'être loyaux et sincères.

Le besoin où se trouvent les parents est souvent une de ces excuses-type, mais il en est bien d'autres.

En voici quelques-unes : a) C'est la faute des Supérieurs; b) Il est très difficile d'observer les vœux; c) J'éprouvais de la lassitude, je m'ennuyais à mourir ; d) J'ai obtenu la dispense des vœux, je suis tranquille; e) Tant d'autres l'ont fait ; f) Ne peut-on pas se sauver dans le monde?

Parlons brièvement de chacune de ces allégations :

a) « C'est la faute des Supérieurs, dira tel transfuge, je ne m'entendais pas avec eux»; mais il se gardera bien d'ajouter que c'est à cause des fautes dont il s'est rendu coupable, ou de son mauvais caractère ou de son manque d'obéissance, etc. … «Les Supérieurs ne m'ont pas accordé les soins que réclamait ma santé précaire », dira un autre. Est-il beaucoup de gens de notre condition qui, dans le monde, sont mieux soignés que nous, en cas de maladie ? qui ont plus de facilité pour se reposer, consulter des médecins, voire des spécialistes ? N'y a-t-il pas, parfois même, des religieux qui abusent de cette facilité ? Il peut y avoir des négligences, mais elles sont fort rares, Dieu merci, et je saisis cette occasion pour redire que, sans flatter la sensualité, il faut donner à nos malades tous les soins voulus.

« Les Supérieurs mont poussé à rester lorsque, n'ayant encore que des vœux temporaires, je voulais me retirer.» Cette insistance, si elle a eu réellement lieu, n'était-elle pas due au désir d'aider à vaincre l'indécision et à sauver une vocation réelle ?

 b) «Il est très difficile d'observer les vœux.» Parler de la sorte, c'est oublier que le Royaume des cieux souffre violence. N'est-ce pas également difficile pour un jeune homme de passer plusieurs années en apprentissage ? Pour un soldat d'affronter les fatigues et les dangers d'une guerre ? Avant d'émettre les vœux on tenait pour facile leur observance ; c'est avec enthousiasme qu'on les a prononcés. Quand les trouve-t-on difficiles, impossibles à garder ? C'est lorsque, par manque d'esprit de foi, on y voit une charge plutôt qu'une libération; lorsque, par lâcheté et imprudence, on a commencé à les enfreindre ; alors on glisse de petites infidélités à de plus graves, se privant de grâces indispensables à la persévérance. « Vous couriez, dit saint Paul : qui vous a arrêtés pour vous empêcher d'obéir à la vérité ? Cette persuasion ne vient pas de Celui qui vous a appelés. » (Gal., v, 7.)

Il faut réveiller sa ferveur, demander au Saint-Esprit de ranimer notre foi, lutter contre les mauvais penchants ; de la sorte, on retrouve la joie, la confiance et la générosité des premiers jours de la vie religieuse et, ayant commencé par l'esprit, on ne sera pas exposé à finir par la chair.

 c) «J'éprouvais de la lassitude, je m'ennuyais à mourir », disent certains ; mais comment éprouver de l'ennui au service de Celui qui fait les délices des élus dans le ciel et de ceux qui sur la terre le servent fidèlement ?

Quand nous sentons notre courage fléchir au service de Dieu, lorsque la vie religieuse semble monotone et la sujétion pénible, lorsque nous vient la tentation de trahir Notre-Seigneur, jetons un regard sur la multitude de religieux et les milliers de confrères qui sont fidèles au divin Maître et combattent pour Lui, et nous n'abandonnerons pas leurs rangs.

Méditons les vérités éternelles et nous verrons se dissiper les idées déprimantes qui, comme de gros nuages, obscurcissent le ciel de notre âme. Il nous faut alors moins penser aux peines inhérentes à la vie religieuse qu'aux magnifiques récompenses réservées à ceux qui auront vaillamment combattu.

 d) D'autres disent encore : «J'ai obtenu la dispense des vœux, je suis tranquille.» Mais, ceux qui obtiennent cette dispense peuvent-ils toujours être tranquilles ? Notre Saint-Père le Pape a certainement le pouvoir de lier et de délier, mais ceux qui, pour obtenir la dispense, font valoir de faux motifs, commettent une faute grave. L'Eglise et les Supérieurs leur accordent cette dispense comme Moïse accorda le divorce aux Juifs : à cause de la dureté de leur cœur.

Obtenir la dispense par suite de l'amour-propre blessé, de la paresse, du relâchement, de passions non combattues, de dégoût pour le service de Dieu, pour obéir aux instances de la famille, à l'ambition, aux séductions de la chair et des plaisirs défendus, constitue, tout au moins, un abus de la grâce qui ne saurait manquer de causer des regrets dans la suite.

D'autre part, de quoi demande-t-on à être dispensé ? De servir Dieu, Créateur, Rédempteur et Juge ? Mais, nul ne peut ni dispenser, ni se dis-penser de le servir. Celui qui ne veut pas le faire dans la vie religieuse devra le faire dans le monde. Mais il est bien à craindre que s'il n'a pas su remplir ce devoir dans le meilleur milieu, il ne soit qu'un médiocre chrétien dans le monde, si toutefois il n'abandonne pas complètement la pratique religieuse.

 e) «Tant d'autres l'ont fait ! » C'est malheureusement vrai et d'autres le feront encore parce que les hommes sont toujours bien ingrats envers Dieu. Mais devons-nous imiter les religieux infidèles ? Pouvons-nous, comme eux, scandaliser l'Eglise, nos confrères et nous exposer à nous perdre ? Etant donnée la fragilité humaine, le scandale est inévitable ; mais, devons-nous le donner ? Devons-nous attirer sur nous les malédictions de Notre-Seigneur ? Evitons à tout prix que l'on puisse nous appliquer ces paroles de Jérémie que nous rappellent les Lamentations : « Comment l'or s'est-il terni ? l'or pur s'est-il altéré, les pierres sacrées ont-elles été dispersées, au coin de toutes les rues ?… Les plus nobles fils de Sion, estimés au poids de l'or fin, comment ont-ils été comptés pour des vases de terre, ouvrage des mains du potier ? Ceux qui se nourrissaient de mets délicats tombent d'inanition dans les rues ; ceux qu'on portait sur la pourpre embrassent le fumier. » (Lam., IV, 1-2, 5.)

 f) « Ne peut-on pas se sauver dans le monde ?» dira-t-on encore. Nul doute que ceux que le bon Dieu veut dans le monde pourront, grâce à son infinie bonté, y faire leur salut. C'est pour cela qu'il y a toujours eu des saints, même dans le monde. Mais celui qui a été appelé à la vie religieuse pourra-t-il aussi aisément assurer son salut ailleurs ? Celui qui, ayant mis la main à la charrue, a regardé en arrière, recevra-t-il autant de grâces que s'il était resté fidèle ? Moins de grâces et plus de dangers ! Comment résistera-t-il ? Sera-t-il assez fort ? Celui qui fut lâche en religion, serait-il un héros dans le monde ? Celui qui fut incapable de suivre les bons exemples qu'il avait en communauté, échappera-t-il aux mauvaises influences des mondains ? II faudrait un miracle permanent que ne mérite pas celui qui a méprisé la grâce insigne d'une vocation supérieure.

En disant cela nous ne voulons aucunement méconnaître la miséricorde infinie de Notre-Seigneur que nous souhaitons abondante pour les pauvres égarés. Mais est-ce que, par hasard, ceux qui abandonnent leur vocation le font dans le but de mieux assurer leur salut ? Le salut, ils sont exposés à n'y penser sérieusement que plus tard, lorsque viendront les déceptions et les remords, mais, actuellement, ils en trouvent la pensée importune ; la passion les aveugle, aussi se jettent-ils tête baissée vers l'objet de leur convoitise. Ils sont victimes d'une véritable folie ; Dieu fasse qu'elle ne soit que passagère. 

V. – Diverses mesures capables

de diminuer les défections.

 Ces mesures ont été déjà indiquées, pour la plupart, dans les pages qui précèdent, mais il nous a semblé utile de les présenter, en les complétant au besoin, en un tableau de synthèse que nous diviserons ainsi : Rôle qui incombe, pour améliorer la persévérance. 1°  Aux maîtres des maisons de formation ; 2° aux Directeurs de communauté et à leurs Frères ; 3° aux intéressés eux-mêmes. Nous donnons naturellement pour acquis que le recrutement est l'objet de soins scrupuleux, que l'on ne reçoit et ne garde que des sujets offrant le plus de garanties possibles, car bien des défections sont dues à un manque de discernement au point de départ.

 1° Dans les maisons de formation on doit fournir aux aspirants des notions claires et solides sur la vocation. Lorsque ces notions sont superficielles, il ne saurait y avoir d'amour véritable et d'attachement sincère.

On doit insister sur l'appel divin, sur la générosité à y répondre et sur l'obligation de ne pas revenir sur ses promesses de fidélité. D'autre part, il faut bien préciser le rôle important et décisif des Supérieurs, chargés officiellement par l'Eglise de juger des aptitudes des aspirants à la vie religieuse et de les guider à travers les difficultés qu'ils rencontrent. Il est, de même, nécessaire de donner aux Juvénistes, Postulants et jeunes Frères des idées nettes sur notre vocation mariste et notre rôle d'éducateurs chrétiens ; leur faire connaître la Congrégation, son histoire, ses œuvres, non seule-ment dans la Province mais à l'échelle mondiale. Si l'aspirant a une haute idée de la famille religieuse dans laquelle Dieu l'a appelé, il concevra pour elle une grande estime qui le portera à s'appliquer, avec ardeur, à l'acquisition des vertus et des con-naissances exigées par son saint état.

Pour être solide et complète, la formation des sujets doit viser à faire d'eux : a) Des hommes complets, aux idées nettes et saines, à la volonté forte et souple à la fois, d'humeur égale, compréhensifs, sympathiques, accueillants ; b) des religieux cent pour cent, à idéal élevé, aux convictions précises et arrêtées, pieux, humbles et mortifiés, ce qui les rendra quasi invulnérables et réfractaires à toute influence délétère ; c) des éducateurs apôtres, des entraîneurs d'âmes, aussi compétents que dévoués dont le trop-plein de vie intérieure débordera sur les âmes.

Tout cela requiert, avant tout, la formation de la conscience des sujets pour qu'ils sachent prendre leurs responsabilités, agir pour des motifs surnaturels, sous le regard de Dieu. On doit revenir souvent sur l'horreur du péché et le culte de l'état de grâce. Il n'est pas moins nécessaire de former la volonté et d'éduquer la liberté des aspirants pour qu'ils sachent faire preuve d'esprit d'initiative, se rendre compte de leurs déficiences aussi bien que de leurs ressources intellectuelles, morales et sociales. S'ils sont trop minutieusement suivis et contrôlés, sans pouvoir exercer librement leur activité, il est fort à craindre que plus tard, en communauté, ils cèdent trop facilement à leurs caprices et aux mauvaises influences. Il est également indispensable d'aider nos jeunes à acquérir un bon caractère, à corriger en eux tout ce qui pourrait être une cause de trouble ou de division dans les rapports avec les confrères et les élèves. Il n'est pas rare, en effet, de voir des religieux abandonner leur vocation à cause des ennuis que leur attire un caractère sournois, irascible, indépendant.

Cette formation d'ordre psychologique serait insuffisante sans la piété que notre Bienheureux Fondateur appelait le point capital. Nous l'avons déjà dit, ce n'est que par la prière qu'on obtient l'aide puissante de la grâce pour lutter et pour vaincre. Il faudra insister dans les maisons de formation sur le besoin d'un amour ardent pour Notre-Seigneur et d'une dévotion tendre et filiale à la Très Sainte Vierge Marie, Mère et Patronne de notre Congrégation. Lancer un jeune Frère dans la vie active sans l'avoir muni d'une vraie dévotion à Marie, c'est l'exposer sans défense aux tentations de la chair et aux séductions du siècle ; c'est le priver d'un secours efficace dont il aura le plus grand besoin dans les moments de doute, d'angoisse et de découragement, qui ne peuvent manquer à celui qui embrasse une vocation sainte. Combien de religieux ont avoué, au déclin de leur vie ou sur leur lit de mort, qu'ils devaient leur persévérance à cette dévotion salvatrice.

 2" Rôle qui incombe aux Directeurs de communauté et à leurs Frères. La solide formation qui prépare la persévérance n'est qu'ébauchée dans les maisons de formation, elle doit se poursuivre dans les communautés et cela constitue une grave obligation pour tous les Frères et, en particulier pour les Frères Directeurs.

Les jeunes Frères, en raison même de leur jeunesse, sont exposés aux illusions, ils sont en pleine crise morale avec tout ce qu'elle comporte de qualités : générosité, dévouement, goût du risque et amour du sacrifice, mais aussi de défauts : indépendance, rationalisme critique, crise sexuelle dans sa phase sociale, etc. … Le Frère Directeur, qui doit être père plutôt que chef, dispose d'un moyen très efficace pour gagner la confiance des jeunes Frères, les aider à éviter les écueils et à se maintenir fervents, c'est l'entrevue hebdomadaire. S'il y est fidèle et s'il a le souci constant d'exercer sur eux une vigilance discrète et paternelle, il contribuera à les affermir dans leur vocation. Ce point est tellement important qu'un Frère Directeur, aurait-il de brillantes qualités, ne serait pas un bon Supérieur s'il négligeait l'entrevue de règle.

Le R.F. Louis-Marie écrivait à un Frère Directeur, le pressant d'encourager un jeune Frère tenté de retourner dans le monde : «Il n'est rien que vous ne deviez faire pour conserver et affermir dans leur vocation les Frères qui vous sont confiés… Soyez bon à l'égard de ce Frère et faites tout ce que la charité, la piété, le zèle, guidés par la Règle et la discrétion, vous inspireront pour dissiper ses ennuis, pour l'entretenir dans un doux et saint contentement. »

La responsabilité d'aider les jeunes Frères, atteint, non seulement le Frère Directeur, mais encore tous les autres membres de la communauté, quels que soient leur âge et leur emploi. Au sortir du Scolasticat, les jeunes Frères sont généralement bien disposés, pleins de bonne volonté et bien résolus à franchir loyalement et courageusement l'étape qui les prépare à la profession perpétuelle. Ils sont tout oreilles pour écouter les conseils qu'on leur donne et tout yeux pour observer la conduite des autres Frères. Tout ce qu'ils voient ou entendent, élève ou rabaisse leur idéal, leur inspire l'amour ou l'indifférence pour leur vocation, fortifie ou affaiblit leur résolution de persévérer jusqu'à la mort.

Il faut donc que tous les Frères commencent par éliminer, en eux-mêmes et autour d'eux, les défauts, les paroles qui pourraient nuire à la ferveur, à la régularité, à la confiance envers les Supérieurs, à la délicatesse de conscience de leurs jeunes confrères. Ils doivent ensuite aider ceux-ci à développer les facteurs humains, religieux et éducatifs capables d'exercer une heureuse influence sur leur âme et de les porter à réaliser dans la mesure du possible l'idéal de sainteté et d'apostolat entrevu au Noviciat et au Scolasticat.

Il est d'expérience qu'un jeune religieux se perd rarement dans une communauté active, joyeuse, de bonne tenue et de haut potentiel religieux. Il y est heureux parce que la régularité, l'aide réciproque, les récréations, les promenades, les conversations, tout y entretient la vie de famille. Par contre, il s'ennuie, s'étiole et peut en arriver au découragement dans les maisons où manque la régularité, où l'autorité n'est pas respectée, où se rencontrent l'égoïsme et le sans-gêne, la tristesse et la désunion.

Que chacun de nous se demande si sa communauté est telle que les Supérieurs peuvent y placer de jeunes religieux avec la certitude qu'ils y trouveront tous les secours nécessaires pour conserver et accroître leurs bonnes dispositions.

 3° Rôle qui incombe aux intéressés eux-mêmes pour assurer leur persévérance. Si une formation soignée et une bonne ambiance communautaire sont indispensables pour aider à la persévérance des Frères, surtout des plus jeunes, il n'est pas moins vrai que c'est le religieux lui-même qui est le principal artisan et le grand responsable de sa fidélité à la vocation. Sans cette coopération individuelle, basée sur de fortes convictions et une volonté ferme d'aller toujours de l'avant, envers et contre tout, les autres secours seront fatalement voués à l'échec.

Pour affronter les luttes de la vie et triompher des difficultés qui menacent parfois de le détourner de sa voie, le religieux doit être animé d'une piété sincère, d'une grande franchise, de beaucoup de générosité et d'un idéal élevé.

Lorsque les rapports d'un religieux avec Dieu sont sincères et fréquents, lorsqu'il se sent habituellement porté à recourir à Lui avec confiance, aussi bien pendant les exercices de Règle qu'à longueur de journée, au milieu des préoccupations de l'emploi, dans les peines et dans les tentations, aussi bien que dans les moments de répit et de délassement, ce religieux possède et exerce cette piété personnelle qu'on s'est efforcé de lui inculquer. Mais si la piété n'est chez lui qu'extérieure, si l'esprit de foi et la pureté d'intention n'animent pas sa conduite, on verra bientôt sa vie spirituelle décroître et céder la place à une tiédeur progressive, signe avant-coureur, trop souvent, de la perte de la vocation.

Une grande franchise envers les Supérieurs, accompagnée d'une docilité parfaite, est également nécessaire à qui veut conserver sa vocation. Peines intérieures ou peines occasionnées par la vie de communauté ou par l'exercice de l'emploi, tentations contre la vocation, imprudences, doutes, dégoûts, inquiétudes, etc. …, toutes ces situations plus ou moins fâcheuses et dangereuses trouvent leur solution favorable dans une ouverture sincère et entière avec ceux qui ont grâce d'état, expérience et autorité pour procurer au religieux, avec la paix, la tranquillité et le bonheur dans son état, les moyens d'y faire le bien et d'y persévérer.

Le religieux doit porter sa générosité spécialement à bien régler son affectivité. Celle-ci est chose normale, mais si on ne l'applique pas à l'amour de Dieu, de la Sainte Vierge, de la vertu, de l'apostolat et autres fins supérieures, elle reste sans débouché et crée un malaise intérieur, un vide dans la vie qui explique pourquoi il y a parmi les religieux, même parmi ceux d'un âge mûr, des insatisfaits qui, étant incapables de vivre davantage cette vie si contraire à la nature, seront exposés à briser la barrière des vœux, rendant ainsi souvent inévitable leur retour dans le monde.

Un autre ressort à mettre en jeu pour assurer un bon rendement à la vie religieuse et y éprouver le bonheur d'être à Dieu, consiste à prendre tous les moyens de maintenir toujours vivant et élevé l'idéal conçu pendant les années de formation. Cristallisé parfois dans une simple formule ou mot d'ordre intime, le souvenir de cet idéal aide à surmonter certaines crises, à maintenir le contact avec Dieu, à neutraliser les mauvais exemples et les influences nuisibles. Il stimule à observer les vœux et les Règles, à bien remplir son emploi, à poursuivre, en un mot, le double but de sa vocation.

Le religieux qui, à n'importe quel stade de sa vie, étouffe son idéal par ses fautes et ses négligences réitérées, et ne sait pas réagir à temps pour ranimer sa ferveur, est fort exposé à prendre en aversion les exigences de la vie religieuse et à s'en évader. 

Conclusion.

 Estimons grandement, mes bien chers Frères, notre vocation : c'est la perle précieuse que l'on tient à garder, le trésor que l'on préserve soigneusement des voleurs. Mais ne perdons pas de vue que, au dire du Bienheureux Fondateur : « Si la vocation est un don gratuit, il n'en est pas de même de la persévérance qui est le fruit de la prière et de la fidélité aux observances de la Règle. » (Vie, p. 525.)

« Puissent toutes les âmes consacrées à Dieu, écrit le R.P. Creusen, dans l'article déjà cité, à l'heure de l'épreuve, entendre et suivre généreusement la voix du divin Maître qui leur dit au fond du cœur : Esto fidelis, sois fidèle ! Et comme la persévérance est une grâce de chaque jour, qu'elle soit aussi, à l'exemple de tant de saints, l'objet d'une prière quotidienne. »

C'est là le conseil que le F. Damien, ancien Assistant, donnait à ses Frères, les engageant à redire souvent cette oraison jaculatoire : « Mon Dieu, accordez-moi la persévérance et la grâce de la demander tous les jours. »

Si un jour, mes bien chers Frères, nous sommes tentés de révoquer nos engagements, faisons ce qui suit :

1° Ecrivons, pour les comparer, les motifs que nous avons de persévérer et ceux qui nous portent à abandonner la vie religieuse.

2° Examinons quels conseils nous donnerions à un confrère que nous aimons sincèrement, s'il se trouvait dans les mêmes circonstances que nous.

3° Voyons-nous en esprit sur notre lit de mort et demandons-nous quel parti nous prendrions alors en face de la même tentation.

Cette lumière de l'éternité est extrêmement efficace pour nous soutenir. Ecoutons le Bienheureux Fondateur nous dire : « J'ai la confiance que Marie. ne laissera périr aucun de ceux qui persévéreront jusqu'à la mort dans leur vocation et qui quitteront cette terre avec ses livrées. » ( Vie, p. 382.)

« Il faut être dans l'état où je me trouve, c'est-à-dire en face de la mort, aux portes de l'éternité, confiait le F. Nivard au F. Jean-Baptiste, pour comprendre le bienfait de la vocation et le bonheur de mourir en religion. Je vous en prie, je vous en supplie, soyez bon et indulgent, faites tout pour conserver les jeunes Frères dans leur vocation ! »

Puissions-nous tous, mes bien chers Frères, redire, avec bonheur, à l'heure décisive de la mort, les dernières paroles du R.F. Théophane expirant : « C'est le plus beau jour de ma vie : grâce à Dieu, j'ai persévéré ! »

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Visite à nos Frères d'Extrême-Orient

 Le Bulletin de l'Institut de janvier dernier ayant déjà parlé de cette visite, je me bornerai à ajouter, à ce qui a été dit, quelques détails et réflexions.

Et, d'abord, l'expérience que j'ai faite de la classe touriste sur les avions pendant tout le voyage me porte à dire que, là où elle existe – et on l'étend de plus en plus – elle est la seule qui nous convienne. La différence de confort existant entre les deux classes est tellement minime et superflue, qu'on ne pourrait, en toute tranquillité de conscience se priver, en prenant la première classe, d'un escompte de 25 à 30 %.

Toutes les maisons que j'ai visitées sont de fondation récente, les unes appartiennent à la Chine extérieure, les autres aux Philippines. 

CHINE EXTÉRIEURE

 Nous avons donné ce nom aux œuvres fondées à Singapour, en Malaisie, à Sumatra, à Hongkong et au Japon par nos Frères sortis de Chine à cause de la persécution communiste. Une école fut également fondée par eux à Rabaul (Nouvelle-Bretagne) en 1950, mais, dans la suite, il a paru opportun de la confier à la Province de Sydney qui, dès le commencement, lui avait fourni des professeurs pour la langue anglaise.

Toutes ces œuvres, comme la plupart de celles qui sont appelées à faire un grand bien, ont commencé très humblement. Fondées au prix de grandes difficultés elles n'en représentent pas moins une faveur insigne de la Providence car, par elles, nos Frères persécutés purent s'assurer leur pain de chaque jour et se livrer à l'apostolat, échappant ainsi à un mal pire que la pauvreté, le désœuvrement. Aussi, les pionniers, fermant les yeux sur les déficiences des locaux et de l'organisation des écoles qui leur étaient confiées, se mirent-ils au travail avec entrain et bonne humeur. Dieu les en a récompensés : ils ont acquis, dans les divers secteurs où ils travaillent, la confiance du clergé et des familles et ils exercent une action très favorable sur leurs disciples, même sur les païens et musulmans. Quant aux conditions matérielles, sans qu'elles soient encore parfaites, elles se sont néanmoins bien améliorées en général. Que ceux qui ont vécu les mauvais jours du commencement en instruisent les nouveaux arrivants, afin qu’ensemble ils remercient le bon Dieu et Notre Ressource Ordinaire et s'encouragent à supporter, avec esprit de foi et confiance, les incommodités qui ne manquent jamais complètement à ceux qui veulent suivre le divin Maître. Qu'ils les offrent, en particulier, pour que soient préservés de tout mal les Frères qui sont restés en Chine communiste.

 Malaisie et Singapour. – On ne doit pas confondre ces deux territoires. Le premier, formé de divers Etats, est un Protectorat britannique qui deviendra indépendant en août prochain, tandis que le second vient d'obtenir l'autonomie interne dans le cadre du Commonwealth. La population se compose de quatre grands groupements ethniques, à savoir : 1° les Malais 2° les Chinois ; 3° les Indiens et les Cingalais ; 4° les Blancs et les Métis ou Eurasiens. La grande richesse de la Malaisie consiste surtout dans le caoutchouc et l'étain ; celle de Singapour dans le commerce.

Dans les deux secteurs, il y a des écoles malaises, anglaises, chinoises et tamoules, du nom de la langue enseignée de préférence. Sauf celle de Kuantan, qui est anglaise, toutes nos écoles sont chinoises, mais l'anglais y est enseigné comme seconde langue, le temps que l'on consacre à son étude croissant à mesure que les élèves avancent dans les cours. A partir de l'indépendance, le malais devra être enseigné, comme seconde langue, dans toutes les écoles de la Fédération, de façon que dans une dizaine d'années il devienne langue commune du pays.

Le chinois est la langue de la population chinoise (environ 75 % à Singapour et plus de 40 % en Malaisie). Mais quand on dit langue chinoise, il faut comprendre, avec le mandarin, au moins quatre dialectes. Le mandarin est maintenant enseigné dans toutes les écoles chinoises et la plupart des moins de trente ans le parlent. C'est la langue officielle en Chine. Il est aisé de comprendre que ces diverses langues et dialectes rendent l'apostolat plus difficile qu'ailleurs. C'est là un des motifs pour lesquels, jusqu'à ces dernières années, la population chinoise ne parlant que le chinois, a échappé à peu près complètement à l'action missionnaire. L'arrivée de nombreux prêtres et religieux expulsés de Chine et connaissant les dialectes, a ouvert l'ère d'un apostolat plus efficace dans un milieu des plus perméables à l'évangélisation.

L'anglais a joui jusqu'ici d'une situation privilégiée, les écoles anglaises étant toutes financées par le Gouvernement qui prend à sa charge la moitié des frais de premier établissement et paye tous les professeurs et employés. Depuis la fin de 1954, les écoles chinoises de Singapour peuvent jouir de conditions identiques si elles acceptent le contrôle immédiat des autorités. Quant à la Malaisie, une fois l'indépendance déclarée, toutes les écoles y seront sur un pied d'égalité.

Les Chinois catholiques sont, en grande partie, d'éducation anglaise. Cela tient à ce que, jusqu'ici, les missionnaires ont parlé surtout cette langue, mais aussi à ce que les écoles des Frères et des Sœurs, dont les premières ont été fondées il y a plus de cent ans, non seulement ont été des foyers de conversions nombreuses, mais ont attiré, de plus, parce que dirigées par des religieux, plutôt les catholiques que les autres secteurs de la population.

Depuis quelques années, il y a de l'effervescence dans certaines écoles chinoises. Elle se manifeste de temps à autre par des grèves. Les agitateurs semblent obéir à des ordres de centrales communistes ou du maquis lequel, bien que décimé et tenu en respect, n'a pu être encore complètement détruit après plusieurs années. La grève déclenchée à la fin du mois d'octobre dernier a été particulièrement grave. Le Gouvernement ayant dissous l'Association des Etudiants des Ecoles Secondaires chinoises, d'inspiration communiste, des groupes d'élèves, garçons et filles, occupèrent, au nombre de plusieurs milliers, deux des plus grandes écoles chinoises de la ville. Ils étaient ravitaillés par leurs familles ou par des sympathisants des syndicats ouvriers. Les autorités patientèrent pendant quelques semaines, essayant de persuader les élèves de se retirer de bon gré. N'arrivant à aucun résultat, elles signifièrent aux révoltés qu'ils avaient jusqu'à 8 heures du soir, le 28 octobre, pour évacuer les lieux. Pendant l'après-midi, des groupes nombreux de parents, de sympathisants, convergèrent vers les deux écoles et quand la police arriva pour faire exécuter les ordres du Gouvernement, la bagarre commença. Le lendemain, dans la matinée, les étudiants consentirent à sortir ; mais, avec tous ceux qui étaient venus les encourager par leur présence, ils formèrent un long cortège que la police eut beaucoup de peine à disperser. Dans d'autres quartiers de la ville, dès le soir du 28, les éléments de désordre commençaient à prendre le dessus et il fallut faire appel à l'armée. Il y eut des morts et des blessés, la loi martiale fut proclamée et le couvre-feu ordonné.

Ceci rendait difficile et même dangereux le transport à domicile des voyageurs ; c'est pourquoi, après que certains de ces derniers eurent été sérieusement molestés et des automobiles brûlées, les Compagnies d'aviation reçurent l'ordre de ne transporter à Singapour que les voyageurs en transit, n'ayant pas à sortir de l'aéroport. C'est pour ce motif que je dus attendre à Bangkok, pendant trois jours, la reprise du service aérien. La délicate et généreuse hospitalité des Pères Jésuites rendit ce contretemps moins pénible.

Nos élèves de Singapour, grâce à des mesures sévères, dont le renvoi, il y a deux ans, de soixante-dix d'entre eux, se sont tenus, en général, à l'écart des menées communistes. Mais, comme on pouvait s'y attendre, à la longue, des infiltrations se sont produites. C'est ainsi que lors de la dernière grève certains élèves, sans y prendre part directement, témoignèrent de la sympathie pour les grévistes. C'est pourquoi, lorsque vint, en décembre, la fin de l'année scolaire, on leur notifia qu'ils ne seraient pas admis à la rentrée de janvier. Ils protestèrent quelque peu bruyamment, mais l'exclusion fut maintenue.

Tout cela a fait à notre école, devant les autorités scolaires et les gens d'ordre, une excellente réputation de discipline. On m'en a parlé favorablement, non seulement à Singapour, mais en divers autres endroits en Malaisie. Nous avons une autre preuve de cette excellente réputation dans le fait suivant : 800 élèves se sont présentés en janvier dernier, pour leur admission en première année d'enseignement primaire ; or, il n'y avait que deux cents places disponibles.

 Notre Juvénat Champagnat, installé dans un faubourg de Singapour, compte actuellement 16 juvénistes, tout ce que peut contenir la maison ; on va procéder à des agrandissements afin qu'on puisse y recevoir une trentaine de juvénistes ainsi que quelques postulants et novices. Les juvénistes suivent les cours de notre Catholic HighSchool où les études sont très bien organisées comme en témoignent les excellents résultats obtenus habituellement aux examens. Ainsi, l'année dernière il v a eu 56 baccalauréats chinois sur 58 candidats et 22 succès sur 24 candidats au Senior Cambridge Certificate, l'équivalent anglais du diplôme chinois.

Même si tout va bien, on ne pourra avoir des postulants qu'en janvier 1959. Tous devront être munis du baccalauréat chinois et certains auront également le diplôme anglais.

Le Saint-Siège a nommé un ancien évêque de Chine, Mgr Carlo Van Melkebeke pour s'occuper des missionnaires et des fidèles qui, de gré ou de force, ont dû abandonner leur patrie et s'établir dans le Sud Asiatique. Il en fait le recensement, au besoin, leur procure des secours, assure du travail aux prêtres et tâche d'atteindre les fidèles et aussi les païens par le contact direct des missionnaires ou par des publications en leur langue et dialectes. Il se préoccupe également de la préparation de futurs prêtres, religieux et religieuses qui, lorsque l'heure de la grâce aura sonné, pourront aller exercer leur apostolat en Chine. Pour ce travail, il compte notamment sur notre Congrégation.

Nous avons en Malaisie et Singapour 4.700 élèves, dont seulement 735 sont catholiques. Ces derniers représentent le 68 % des élèves à Malacca et seulement le 7 % à Kuala Lampur. De même que dans nos autres écoles, les élèves qui n'ont pas le bonheur de connaître notre sainte foi en sont instruits, soit par les classes de morale, soit par les cours de catéchisme. De la sorte, les préjugés tombent et l'on enregistre chaque année des conversions, lesquelles s'obtiennent plus facilement parmi les Chinois païens, constituant la principale clientèle de nos écoles, que parmi les Malais. Ces derniers, parce que musulmans, se sont longtemps abstenus de fréquenter les écoles catholiques ; ils vont maintenant plus nombreux aux écoles anglaises catholiques à cause du besoin qu'ils ont de la langue et encore y mettent-ils la condition de pouvoir aller, à certaines heures, recevoir la leçon de Coran.

 Sumatra (Indonésie). – Nos Frères arrivèrent dans ce pays en 1951. Ils y prirent la charge de deux écoles existantes, l'une à Médan et l'autre à Tandjong Balei. Nous avons dû nous retirer de cette dernière, à cause de l'impossibilité d'obtenir des visas d'entrée pour de nouveaux Frères. Par contre, l'école de Médan s'est développée. Les cours d'enseignement primaire sont restés dans les locaux primitifs, attenants à l'église paroissiale ; ils comptent 560 élèves. L'enseignement secondaire, avec ses 510 élèves, occupe, depuis quelques mois, un édIfice nouvellement construit par la Mission confiée aux Capucins Hollandais.

Les Frères des deux écoles, au nombre de six, ne forment qu'une communauté. Seuls 90 élèves sont catholiques. Là aussi, les Chinois ont manqué longtemps de missionnaires connaissant bien leur langue et leurs dialectes.

Notre école est chinoise, mais on y donne également une large place à l'anglais et à l'indonésien, qui n'est qu'un autre nom du malais. Le hollandais n'est plus enseigné que dans les écoles destinées aux fils de colons hollandais et dans quelques autres sur demande des parents.

Nos Frères reçoivent les rétributions scolaires, en prélèvent, selon une base convenue avec Monseigneur l'Evêque, leur traitement et celui des maîtres civils au nombre de trente-six. L'argent restant peut être employé à améliorer le local et le mobilier scolaire.

Comme dans les autres secteurs de la Chine extérieure, on ne trouve pas toujours à Médan des maîtres auxiliaires catholiques ; mais il va de soi qu'on se fait un devoir d'en chercher et de leur donner la préférence afin d'accroître l'ambiance chrétienne de l'école.

Ici, plus qu'ailleurs, la population chinoise se trouve divisée sur les opinions politiques. Cela pro-vient de ce que le Gouvernement indonésien ayant reconnu la Chine de Mao, le communisme fait ouvertement sa propagande par les journaux qu'il dirige ou inspire. Il fonde également des écoles : il y en a une attenante à la nôtre et avec des effectifs sensiblement égaux. On peut voir parfois les élèves assis en cercle sur le gazon pour discuter à leur manière les doctrines qu'on s'applique à leur inculquer. Cela montre combien pressante était la fondation de notre école chinoise.

Souhaitons que l'obtention de visas devienne plus facile afin que cette oeuvre, appelée à faire un grand bien, puisse subsister et d'autres se fonder dans la suite.

 Hongkong. – Nous possédons trois maisons dans cette ville de plus de deux millions et demi d'habitants : le Juvénat, le Scolasticat et le Collège Saint-François-Xavier. Le Juvénat compte douze juvénistes. Ils suivent les cours de notre école où les trois Frères qui prennent soin d'eux vont donner des cours. Les scolastiques vont à l'Université chinoise ; ils ne sont que six et leur nombre diminuera encore jusqu'à ce que le Noviciat de Singapour se remette en marche.

La fondation du Collège Saint-François-Xavier, comme celle des autres dont nous venons de parler et celle encore de Kobé, est une preuve de plus que le bon Dieu veille sur ceux qui souffrent persécution pour son nom. Nos Frères de Chine arrivant à Hongkong, après avoir été dépossédés de tout, demandèrent d'abord l'hospitalité à d'autres religieux, puis se logèrent tant bien que mal pour leur compte. Ils étaient parfois bien à l'étroit, utilisant des lits à étage surtout à l'arrivée de confrères expulsés qui devaient attendre le bateau pour l'Europe, mais ils étaient contents, parce que chez eux. La Caisse Générale leur vint en aide de sorte que le nécessaire fut toujours assuré.

Ils purent dans la suite se procurer quelques ressources en donnant des leçons d'anglais dans des écoles chinoises et, enfin, ils prirent pour leur compte une école de 250 élèves, mais le local était rninable et ne possédait pas de cour. Il fallut bien vite penser à une meilleure installation et, grâce à l'aide du Gouvernement de la Colonie, on put bâtir le Collège actuel. Les Frères lui donnèrent le nom de Saint-François-Xavier que portait à Shanghaï celui dont ils avaient été chassés.

Le nouvel édifice, simple mais commode et d'un très bel aspect, s'est rempli tout de suite. Il compte 950 élèves. Le cantonais étant le dialecte dominant à Hongkong c'est lui, et non le mandarin, qui est enseigné dans notre école avec l'anglais qui est la première langue.

Dans une ville qui a crû rapidement ces dernières années, les écoles manquent ; cela explique pourquoi les autorités favorisent leur fondation. Pour aider à résoudre ce grave problème, le Collège Saint-François-Xavier a mis à la disposition du Curé de la paroisse quelques salles de classe où, de 6 à 8 heures du soir, sont instruits deux cents enfants pauvres des environs.

Les dix-sept Frères de l'école sont secondés par quinze maîtres laïques dont un seulement n'est pas catholique. Certains sont de véritables apôtres. C'est ainsi que deux d'entre eux, non seulement font chaque jour le catéchisme à leurs élèves, mais ont eu une bonne part dans la préparation de ceux qui, lors de ma visite, ont été baptisés. Or, cela a demandé un travail supplémentaire, soit pendant les vacances soit après la classe, car les catéchumènes non seulement doivent suivre le cours de religion de leur classe respective, mais encore des cours spéciaux d'une durée de plus de six mois. De plus, on exige d'eux la pratique de la Religion pendant les trois mois qui précèdent le Baptême. Des 950 élèves de Saint-François-Xavier, 420 sont catholiques ; ceux-ci sont en proportion plus nombreux dans l'enseignement secondaire que dans 'enseignement primaire, ce qui provient, en partie du moins, du fait qu'on n'admet au baptême que des élèves assez grands et avancés pour comprendre à quoi ils s'engagent. Bon nombre d'élèves sont fils ou parents d'anciens élèves de Chine, surtout de Shanghaï.

 Légion de Marie. Il vous sera agréable et peut-être utile, puisque la Légion de Marie s'étend de plus en plus, faisant partout un grand bien, que je transcrive ici les notes suivantes d'un Frère, relatives à son activité et à son développement à Hongkong et, en particulier dans notre école.

« Si chaque année, dans cette ville, les baptêmes d'adultes se chiffrent par milliers, cela est dû en grande partie au travail intense entrepris par la Légion. Si en Chine communiste elle fut la première organisation catholique attaquée de front et sans répit par les Rouges, c'est parce qu'elle est considérée comme l'ennemi numéro un du régime athée. Nous ne pouvons oublier que bon nombre de Légionnaires et de Frères se trouvent actuellement dans les geôles rouges à cause de leur activité dans la Légion et que deux Frères Directeurs ont été expulsés de Chine pour le simple crime d'avoir organisé et dirigé un Præsidium dans leur école.

A Hongkong, il y a en ce moment 108 Praesidia dont 48 pour les étudiants. Le Collège Saint-François-Xavier se devait d'organiser son groupe de cette Action Catholique Mariale. D'ailleurs, on n'a pas attendu l'érection du nouveau bâtiment pour commencer. Dès la première année où les Frères ont pris en main l'école que leur avait offerte un Directeur chinois, le Præsidium Virgo Prudentissima, dont la plupart des membres étaient de nouveaux chrétiens, s'est mis au travail. A cause du manque de salles convenables chez nous, les réunions hebdomadaires se tenaient dans la sacristie de l'église paroissiale. Le nouveau collège a pu mettre à la disposition de la Légion le local voulu.

L'activité de nos Légionnaires se porte sur des champs divers : faire la classe aux enfants pauvres et ainsi leur fournir l'occasion de connaître la doctrine chrétienne, visiter les familles de ces enfants et, par ce moyen leur apporter la «Bonne Nouvelle », inviter les camarades à une vie chrétienne plus intense et à la récitation du chapelet en commun dans la chapelle du collège, accompagner les catéchumènes et les nouveaux chrétiens à l'église et leur montrer comment suivre la messe, parler discrètement de religion avec les camarades encore païens, vendre des publications religieuses à la porte de l'église, etc. … Tout ce travail est contrôlé régulièrement chaque semaine à la réunion du Praesidium, lorsque les membres viennent fidèle-ment se grouper autour de leur Chef, la Vierge Médiatrice, pour prier, faire leur rapport sur le travail réalisé, discuter sur les méthodes employées et recevoir leur nouvelle tâche pour la semaine. Chaque année, ces jeunes militants font une courte retraite fermée et c'est chaque fois sur les vacances et les jours. de congé qu'il faut rogner pour ces retraites et les autres réunions espacées dans le courant de l'année, et dont le but est de se pénétrer de plus en plus de l'esprit de la Légion qui est : sanctification personnelle et apostolat sous l'égide de la Très Sainte Vierge.

Un nouveau Præsidium, Notre-Dame de Fátima, vient d'être organisé au Collège, ce qui porte le nombre de Légionnaires à trente. »

Combien il est souhaitable qu'aucune de nos écoles ne se désintéresse de la formation des élèves à la vie intérieure et apostolique selon leur âge, leur préparation intellectuelle et leur milieu. Se contenter de leçons de religion théoriques et plus ou moins ternes, c'est bâtir sur le sable.

Il serait facile d'avoir quelque autre école à Hongkong même, ou dans les territoires qui en dépendent. Sans qu'elle eût la même importance que celle de Saint-François-Xavier elle ferait, elle aussi, un grand bien. Mais l'empêchement principal est connu : le personnel manque. Ne cessons d'en demander et d'en préparer.

C'est avec un serrement de cœur que je suis parti de Hongkong sans pouvoir pénétrer dans la Chine communiste et voir nos Frères restés derrière le rideau de bambou. Du moins ai-je pu prier pour eux à quelques pas de la frontière. Depuis, nous sont parvenues des nouvelles qui indiquent que tout n'est pas perdu. Continuons à demander la prompte libération de tous ces confrères si durement éprouvés. 

JAPON

 Il est peu de pays où la pénétration de l'Évangile ait été plus difficile qu'au Japon. Le 15 août 1549 (remarquez la date : toujours la Sainte Vierge pour frayer la voie à son Divin Fils), ce jour-là donc, saint François Xavier abordait au Japon avec deux compagnons et deux néophytes. Il en repartait vingt-sept mois plus tard y laissant trois mille chrétiens. Cinquante ans après, ils étaient trois cent mille. Mais, en 1597 commencèrent les persécutions sanglantes, les bannissements, la défense absolue faite aux missionnaires, sous peine de mort, de pénétrer dans le pays, si bien que pendant deux cent cinquante ans le travail apostolique fut pratiquement impossible. Quand il fut repris, vers 1850, il restait des descendants des premiers chrétiens. Leurs croyances et leurs pratiques avaient bien pu subir quelques altérations, mais il est trois points par lesquels ils reconnaissaient si les nouveaux Messagers du Christ étaient authentiques :

La croyance à l'autorité du Pape de Rome.

La dévotion envers la Très Sainte Vierge.

Le célibat ecclésiastique.

 La persécution reprit en 1867, mais, six ans après, commençait un régime de tolérance qui s'est maintenu dans la suite pour devenir, après la dernière guerre, un régime de complète liberté religieuse.

En 1910, il y avait environ au Japon 65.000 catholiques et 150 prêtres pour 50 millions d'habitants. Aujourd'hui, les catholiques sont au nombre de 230.000 pour 90 millions d'habitants. Les prêtres, qui n'étaient que 480 en 1945, sont actuellement 1.130. Cette augmentation considérable, en dix ans, indique le grand effort que fait l'Eglise pour profiter de la liberté dont elle jouit. L'arrivée de ces nombreux missionnaires n'est due que dans une faible proportion à la persécution de Chine, elle provient surtout de l'accueil fait par les religieux à l'appel pressant du Pape en faveur du Japon.

Nous souhaitions vivement de prendre part à cette conquête pacifique qui, malgré tout, sera lente et difficile. L'occasion s'en est présentée lorsque des Frères, expulsés de Chine, sont allés chercher refuge à Kobé et y ont ouvert une école anglaise, en attendant que nous soyons à même d'avoir des écoles japonaises.

Je n'ai pas à insister sur le but et sur l'organisation de l'école actuelle, ils sont connus. Elle prépare au diplôme de Cambridge et obtient d'excellents résultats. Mais elle ne peut présenter chaque année qu'un nombre réduit d'élèves, car sa population scolaire appartenant à 25 nationalités différentes est particulièrement mouvante. Fondée en 1951 avec 16 élèves, elle en compte aujourd'hui 160. Tous reçoivent l'instruction religieuse, mais seulement 42 sont catholiques. Sept Frères et 4 maîtres auxiliaires catholiques assurent la bonne marche de l'école qui ne pourra guère accroître le nombre de ses élèves qu'en développant l'internat. Celui-ci fonctionne déjà, mais avec un nombre réduit d’internes, par manque d'espace. Il faudra donc construire ; on compte beaucoup pour cela sur les parents des élèves que le Cher Frère Directeur a réussi à intéresser à ses projets. J'ai assisté à une de leurs réunions : il y avait des catholiques, des protestants et des juifs ; des Britanniques, des Américains et des Russes blancs ; tous étaient unanimes dans leurs éloges pour l'école et dans leur désir de travailler à sa prospérité.

Les constructions déjà faites avec leur appui et celles qui sont en cours prouvent suffisamment qu'en bons hommes d'affaires, ils ne s'en tiennent pas aux belles théories et aux vains discours.

Nos Frères de Chine ne sont guère revenus en Europe, en visite de famille, entre 1900 et 1950. Lorsque la persécution les y a contraints, un bon nombre comptaient quarante ou cinquante ans de séjour ininterrompu en Chine. Il y a encore à Hongkong un Frère qui, parti en 1901, n'est jamais revenu. A Kobé, cinq sur sept des Frères de la communauté n'ont pas revu leur famille depuis vingt-cinq ans ou plus. On tend actuellement, dans les Provinces lointaines, à établir des retours périodiques ; le Chapitre de 1946 a indiqué la voie à suivre pour cela (Circ., vol. XIX, p. 515, 323), mais une telle mesure bienveillante n'oblige personne. On peut en profiter librement, mais on peut aussi y renoncer soit par esprit de sacrifice, soit parce que les avantages escomptés ne correspondent pas à la dépense ou aux dérangements occasionnés.

Afin de préparer la fondation d'écoles japonaises, nous avons mis trois Frères aux études à Tokyo. L'un, Japonais, suit les cours de l'Université « Sophia » des Pères Jésuites. Les deux autres, anciens de Saint-François-Xavier qui ont passé quatre ans au MarianCollege à Poughkeepsie, fréquentent l'Ecole japonaise de langues. Cette école, dirigée par les Pères Franciscains, compte une centaine de religieux appartenant à une vingtaine de Congrégations différentes. Les cours durent deux ans. Les élèves, par groupes de cinq, six au plus, reçoivent chaque matin, pendant quatre heures, les leçons de professeurs japonais, elles sont éminemment pratiques avec de nombreux exercices de prononciation et de grammaire. Le soir, ils étudient par cœur se servant de livres qui donnent la prononciation figurée en notre alphabet. Ce n'est qu'après six mois de ce travail qu'on les initie à l'écriture et à la lecture japonaises. Nous tâcherons d'augmenter le nombre de nos étudiants à Tokyo; déjà le Cher Frère Provincial des Etats-Unis a bien voulu désigner pour cela trois jeunes Frères, profès perpétuels ayant le baccalauréat américain. Je l'en remercie de tout cœur.

Quoique peu nombreux, les catholiques du Japon s'organisent. Ils ont une maison des œuvres à Tokyo avec des commissions de spécialistes conseillant ceux qui s'adressent à eux, faisant les démarches nécessaires devant les autorités ou bureaux divers. On respecte de plus en plus la hiérarchie et peu à peu les catholiques arrivent aux charges. C'est ainsi qu'actuellement, le Président de la Cour Suprême de Justice est un catholique.

C'est grâce aux commissions de spécialistes dont j'ai parlé que les missions ont trouvé une formule pour pouvoir ouvrir des écoles japonaises où les maîtres sont japonais, mais des prêtres ou des religieux ont à leur charge la direction, la discipline et l'administration.

Notre première école japonaise n'est pas pour demain, mais la constance et l'aide du Ciel nous permettront de réaliser nos projets sur ce point, comme elles l'ont permis aux Marianistes. Arrivés au Japon en 1888, ils comptent aujourd'hui 100 religieux profès du pays, sur 130 y compris le Père Provincial. Les Frères des Ecoles Chrétiennes sont au Japon depuis vingt-cinq ans environ, ceux de Ploërmel depuis six ou sept ans. 

PHILIPPINES

 Quoique les Philippines aient été découvertes par Magellan en 1521, ce n'est que quarante ans après, en 1565, que commença leur conquête par les Espagnols. Legaspi, qui les commandait, était accompagné de religieux Augustins qui, en 1577, furent rejoints par les Franciscains ; en 1581, par les Jésuites, et, en 1587, par les Dominicains.

Qui dira les obstacles que durent vaincre ces intrépides missionnaires pour évangéliser tant d'îles ? Les moyens de transport étaient rares et lents et, de plus, ils n'avaient pas seulement affaire à des païens, mais encore à des musulmans. Ceux-ci, venus de Bornéo, imposaient leurs croyances aux aborigènes… Il était grand temps d'arrêter leur envahissement. Lorsqu'en 1898, les Américains remplacèrent les Espagnols, le pays était, en grande majorité, catholique. Il restait bien des païens, surtout dans les régions les moins accessibles, ainsi que des musulmans, mais, du moins, n'y avait-il pas chez eux d'hostilité sérieuse contre les catholiques. Dès cette époque, les protestants et les francs-maçons se montrèrent particulièrement actifs ; il surgit une Eglise nationale qui, quoiqu’en décadence aujourd'hui, a encore de nombreux adeptes. Bien des prêtres et religieux espagnols abandonnèrent le pays et les séminaires n'étaient pas organisés pour assurer la relève. Grâce à Dieu, le recrutement sacerdotal, sans qu'il soit encore suffisant pour un pays qui compte 17 millions de catholiques sur 21 millions d'habitants, a gagné en nombre et en qualité. De plus, de nouvelles Congrégations et Sociétés missionnaires sont venues renforcer les anciennes.

Parmi elles, se trouve celle des Oblats de Marie-Immaculée auxquels les Jésuites ont cédé une partie du territoire qu'ils desservaient dans l'île de Mindanao. Les Oblats y sont arrivés en 1938, sous la conduite du R.P. Monjeau. Le zélé et dynamique Supérieur devenu, depuis, évêque de Cotabato, s'est employé préférablement à ouvrir des écoles secondaires. On peut juger de la peine qu'il s'est donnée pour cela, si l'on pense qu'entre 1939 et 1954, en quinze ans, dont deux passés dans un camp de concentration pendant l'occupation japonaise, il a réussi à fonder 18 écoles secondaires que fréquentent 7.000 élèves. Toutes portent le nom de Notre-Dame suivi de celui de la localité. Un des religieux attachés au service paroissial, le curé lui-même lorsqu'il était seul, recrutait des maîtres civils et assurait la marche de l'école, qui s'ouvrait dans une construction rudimentaire qu'on améliorerait ensuite, dans la mesure des moyens pécuniaires. C'était poser de bonnes bases au renouvellement religieux du pays que d'élever chrétiennement la jeunesse.

Mais Mgr Monjeau ne tarda pas à comprendre que ses religieux ne pouvaient aisément assurer, à la fois, la bonne marche de la paroisse et de l'école aussi fit-il appel, pour l'aider, à nos Frères des Etats-Unis qui acceptèrent l'invitation dans le but d'encourager l'esprit missionnaire dans la Province, ce qui ne peut manquer d'attirer sur elle les bénédictions du Ciel. Un premier groupe de quatre Frères prit à sa charge, dès la rentrée de 1948, l'école secondaire de Cotabato. Aujourd'hui, 18 Frères, aidés par de nombreux maîtres civils, dirigent de plus, les écoles secondaires de Lagao, Marbel, Kidapawan et Dadiangas, ainsi que l'école supérieure ou Collège Notre-Dame de Marbel. Ils forment quatre communautés et élèvent chrétiennement 2.000 élèves. Il faut ajouter à cela le catéchisme qu'ils font, par eux-mêmes ou par les élèves, dans les écoles primaires publiques ou dans les quartiers pauvres. Ceux de Marbel ont également fondé et pris sous leur patronage, une école dans un village de la montagne dont les habitants, encore païens, ont manqué, pendant longtemps, de contact avec les localités où ils auraient pu s'instruire aussi bien sur la religion que sur les rudiments du savoir. Des maîtres, qui sont en même temps catéchistes, ont été établis là, à demeure, ils ont obtenu des conversions et se sont attiré la sympathie de tous ces pauvres gens. Ils prennent soin de leur âme et aussi de leur corps. Ils ont combattu des maladies qui les décimaient, nos Frères obtenant des secours pour les médecines nécessaires.

Bien que dit en peu de mots, cela n'en représente pas moins un travail particulièrement important et méritoire pour la Province américaine. Non seulement elle s'est privée d'un personnel qualifié, mais a dû, de plus, engager de fortes dépenses, quoique les Frères, pour les réduire, se soient faits, selon les besoins, maçons, menuisiers, électriciens, plombiers, etc. … Il a fallu, en effet, que les Frères se pourvoient d'un logement qui n'existait pas avant leur arrivée, les Pères chargés des écoles demeurant à la cure ; ils ont dû également améliorer ou transformer les salles de classe, monter les laboratoires, renouveler parfois le mobilier.

Nos écoles des Philippines marchent très bien et jouissent d'une excellente réputation. C'est bien volontiers que Monseigneur l'Evêque et ses religieux nous céderaient toutes celles qu'ils dirigent encore, mais on ne peut envisager cela pour un avenir tout proche. Dieu fasse que, du moins, on puisse accepter, sans trop tarder, quelques fondations sur d'autres points du pays, afin de compter sur un champ de recrutement plus vaste. A propos de recrutement, il faut féliciter nos Frères de s'en être occupés dès leur arrivée aux Philippines. Ils ont seize sujets en formation aux Etats-Unis ; trois d'entre eux finiront leurs études au Marian College en juin prochain et iront prêter main forte à leurs anciens maîtres.

Le problème du recrutement pose celui de l'installation du Juvénat et du Noviciat. C'est une mesure particulièrement grave que je souhaite voir réussir pleinement. Elle demande une étude sérieuse, beaucoup de prudence et des maîtres de choix, si l'on ne veut pas s'exposer à de pénibles déceptions.

Nos Frères devront, tôt ou tard, Dieu veuille que ce soit bientôt, penser à ouvrir une école à Manille, la capitale. Ils en auraient besoin comme pied-à-terre puisqu'ils doivent obligatoirement séjourner dans cette ville à leur venue des Etats-Unis et à leur retour. D'autre part, aux Philippines, comme dans bien d'autres pays où la capitale représente une part considérable de l'activité nationale, il est bien des affaires qu'on ne peut traiter que là et qu'on ne peut guère confier à des intermédiaires. Cette école, plus importante, serait également, pour le District, un moyen de s'assurer des ressources lui permettant, dans la suite, de renoncer à l'aide économique de la Province et de devenir, avec le temps, s'il plaît à Dieu, un secteur autonome. J'ajouterai encore qu'aussi bien Son Excellence le Nonce Apostolique que Monseigneur l'Archevêque Primat, auxquels j'ai rendu visite, nous encouragent à faire cette fondation car les collèges de garçons font défaut à la capitale malgré les établissements très prospères que dirigent surtout les Dominicains, les Jésuites, les Bénédictins et les Frères des Ecoles Chrétiennes. Qu'il me suffise de dire qu'à Manille, les Dominicains, à eux seuls, ont 22.000 élèves, dont 18.000 à l'Université Saint-Thomas-d'Aquin.

Comme je l'ai déjà dit, je passe sous silence bien des détails parce que le Bulletin de l'Institut les a fait connaître. J'ajouterai que cette visite à nos œuvres d'Extrême-Orient, comme d'ailleurs toutes celles que j'ai faites auparavant aux diverses Provinces de l'Institut, m'a permis de constater que, partout, nos Frères sont animés d'un grand esprit de famille et d'un dévouement admirable pour la tâche qui leur est confiée. Mais, encore une fois aussi, j'ai pu me convaincre que l'ennemi qui nous guette est toujours le même : la fièvre de l'action qui facilement nous porterait à négliger ce qu'il y a d'essentiel pour l'apôtre : la vie intérieure sans laquelle nous ne serions que des semeurs de graines vides. Par conséquent, adonnons-nous tous, pleinement, tout d'abord, à la prière et à l'étude religieuse comme le veut la Règle ; sanctifions, de plus, notre travail par une grande pureté d'intention et, ainsi, nous ferons un bien réel aux autres, sans qu'en souffre notre sanctification personnelle.

Le C.F. André-Gabriel, Provincial de Chine, et le C.F. Maurus James, Visiteur des Philippines. m'ont accompagné dans les territoires dont ils ont la charge. Leur connaissance des personnes et des œuvres, ainsi que leur dévouement inlassable, m'ont été d'un grand secours. Je me fais un devoir de leur exprimer ici ma vive reconnaissance. Je l'exprime de même aux Frères que j'ai visités, car le bon esprit dont, sans exception, ils sont animés. a été pour moi un grand motif de joie dont je bénis Notre-Seigneur et Notre-Dame.

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 Nos causes de Béatification

et de Canonisation 

Cause du Bienheureux Fondateur

 Après la Béatification, la Cause d'un serviteur de Dieu est suspendue jusqu'à ce que Notre Saint-Père le Pape accorde l'autorisation de la poursuivre. Il faut, dans ce but, lui adresser une supplique accompagnée du Bref de Béatification et d'un certain nombre de Lettres postulatoires données par des évêques. Par ces lettres les signataires appuient la requête du Postulateur.

La supplique pour la poursuite de la Cause de notre Bienheureux Fondateur porte la date du 4 mars dernier. Pour les Lettres postulatoires, on s'est borné à un petit nombre qui est cependant plus élevé que celui qu'exige généralement la Sacrée Congrégation des Rites. Il y en a parmi elles huit qui procèdent des Cardinaux : de Gênes, Lyon, Montréal, New-York, Rio de Janeiro, Santiago de Compostela, Sáo Paulo et Sydney.

Cette démarche importante doit nous porter à redoubler de prières et de fidélité à la Règle pour que nous puissions présenter des faveurs qui subissent avec succès les différents procès auxquels elles seront soumises, en vue de la Canonisation que tous nous souhaitons ardemment. 

Faveurs attribuées à l'intercession

du Bienheureux Marcellin Champagnat

 I. – Guérison d'un élève de notre école de Maitland (Australie)

David Johnston fut admis à l'hôpital de Maitland, le mardi soir, 18 septembre 1956. On nous apprit la nouvelle le lendemain et, dès le jeudi, on nous dit que l'enfant avait passé par de terribles douleurs et que son cas était considéré comme grave. Je donnai une relique du Bienheureux Fondateur au Père Leo Driscoll pour qu'il la remît à l'enfant, étant donné que le prêtre seul était autorisé à le voir.

Le vendredi, nous commencions une neuvaine au Fondateur pour obtenir la guérison. Toute l'école y prit part. Le lendemain samedi, nous apprenions que l'état du malade s'était déjà quelque peu amélioré et même qu'il y avait espoir de guérison. Le médecin dit cependant, que probablement il lui resterait des traces sérieuses de la maladie. Le dimanche, l'état de David s'était sensiblement amélioré et il en fut de même les jours suivants. Comme la neuvaine finissait, le jeune homme était complètement guéri et, de plus, le médecin ajoutait qu'il n'y aurait point de suites fâcheuses sauf, peut-être, des maux de tête de temps en temps. Le jeune homme est totalement guéri et n'a jamais souffert de maux de tête.

Il n'est pas revenu à l'école pendant le reste de l'année scolaire qui était proche de sa fin. Mais il a continué sa vie normale en parfaite santé et se trouve aussi bien maintenant qu'avant sa méningite. Il reviendra à l'école à la réouverture des cours, mardi prochain, 29 janvier 1957.

Frère Justinian, directeur.

 II. – Guérison d'une dame, à Gérone (Espagne)

 Fin novembre 1956, Mme Montserrat Fàbrega de Palahí, mère de trois élèves du Collège du Sacré-Cœur, dirigé par nos Frères à Gérone (Es-pagne), subissait une triple opération qui la retint quinze jours à la clinique.

Le 11 décembre, dans l'après-midi, elle était transportée à son domicile, mais en cours de route, elle eut une forte hémorragie. Arrivée chez elle, elle dut s'aliter, se sentant très mal. On fit appeler le médecin qui l'avait opérée, un ancien élève de nos Frères, lequel ordonna que la malade fût reconduite à la clinique. Ayant consulté un des meilleurs chirurgiens de Gérone, également ancien élève des Frères, les deux docteurs furent d'avis de procéder à une quatrième opération, car l'état de la malade s'aggravait si rapidement qu'il n'y avait pas de temps à perdre.

Le lendemain, !e collège du Sacré-Cœur commençait une fervente neuvaine au Bienheureux Marcellin Champagnat, pour obtenir la guérison de la malade à laquelle on remit une relique du Bienheureux avec image correspondante et prières de la neuvaine.

La dame avait un aspect cadavérique, s'étouffant lorsqu'elle essayait de parler. Sur l'indication des médecins, elle avait sur le ventre un sachet de glace. Ayant reçu la relique, après l'avoir baisée plusieurs fois en invoquant avec une grande confiance le Bienheureux, elle la place à l'endroit où elle éprouve une douleur plus aiguë. Quelques instants après, elle se sent complètement soulagée : toute douleur a disparu. Elle étire les bras pour saisir les barreaux du lit et commence à parler sans aucune fatigue. Son visage se colore et prend l'aspect de joie et de satisfaction qu'éprouve celui qui revient des portes du tombeau à une parfaite santé.

Mme Montserrat n'a pas hésité un instant à attribuer au Bienheureux Marcellin Champagnat, sa guérison soudaine et complète. Revenue à sa maison, on y récite tous les jours le chapelet en commun pour remercier Dieu de cette insigne faveur obtenue par l'intercession de son Serviteur.

Détail significatif : Au moment où survint le changement radical dans l'état de santé de la malade, une de ses amies, qui était dans cette même chambre, femme sans croyances et n'ayant pas reçu une éducation chrétienne, fortement ébranlée par cet événement, se mit à pleurer en s'écriant : « c'est un miracle ! » Les yeux de son âme venaient de s'ouvrir.

Il est à remarquer que les médecins qui, la veille, avaient jugé urgente une nouvelle opération, y ont renoncé le lendemain après un nouvel examen.

Mme Montserrat continue à diriger sa maison et jouit actuellement d'une excellente santé. 

Cause de nos martyrs d'Espagne

 Rappelons, tout d'abord, que la Sacrée Congrégation des Rites a reçu :

Le 5 juillet 1948, le procès diocésain du Frère Bernardo, Directeur de l'école de Barruelo.

Le 10 janvier 1949, celui du Frère Crisanto, Directeur du Juvénat des Las Avellanas,

Et le 1ier février 1951, celui des Frères Aquilino, Fabián, Ligorio Pedro, et Félix Lorenzo, de la même communauté.

Le 10 janvier dernier, s'est installé à Saragosse, sous la présidence de Mgr Casimiro Morcillo, archevêque de cette ville, le tribunal qui doit instruire le procès du martyre de 21 de nos Frères. Un mois auparavant, le prélat avait publié l'édit annonçant ce procès et ordonnant la recherche des écrits de ces serviteurs de Dieu.

Voici le nom de ces Frères et la communauté à laquelle ils appartenaient :

Toledo : FF. Abdón, Anacleto Luis, Bruno José, Cipriano José, Eduardo Maria, Evencio, Félix Amancio, Javier Benito, Jean-Marie, Jorge Luis, Julio Fermín.

Valencia : FF. Benedicto José, Berardo José, José Ceferino, Luís Damián.

Barcelona : FF. José Teófilo, Severino, Alipio José, Justo Pastor.

Badajoz : F. Aureliano.

Ribadesella : F. José de Arimatea.

Des démarches sont en cours pour la cause de 26 autres de nos Frères, ainsi que pour les 44 qui furent assassinés en une seule nuit à la prison San Elías de Barcelone.

Là encore, je me permets de faire appel à vos prières et à vos sacrifices, pour seconder le zèle admirable déployé par les Frères Gerardo María, et Adulfo, respectivement actuel et ancien Vice-Postulateur. 

Prière de S. S. Pie XII

pour les vocations religieuses

 Il y a deux ans, par un Motu proprio du 11 février 1955, S.S. Pie XII a établi, près la S. Congrégation des Religieux, l'Œuvre  pontificale des Vocations religieuses. Il vient de montrer à nouveau le très vif intérêt qu'il porte à cette œuvre majeure. Au cours d'une imposante cérémonie présidée à l'église Saint-André della Valle, à Rome, le 11 février dernier, par S. Em. le Cardinal Valerio Valeri, préfet de la S. Congrégation, le Souverain Pontife a récité à la radio, une prière en italien, composée par lui, pour obtenir de Notre-Seigneur, de nombreuses et ferventes vocations religieuses. En voici la traduction faite par les soins de l'Œuvre des Vocations religieuses :

« Seigneur Jésus, modèle sublime de toute perfection, vous invitez sans cesse des âmes privilégiées à tendre vers cet idéal suprême ; et par la puissance de votre exemple, par l'impulsion efficace de votre grâce, vous les entraînez à vous suivre sur les routes les plus hautes. Nous vous en supplions, faites donc que beaucoup sachent et veuillent répondre à vos douces inspirations en embrassant l'état religieux, pour bénéficier de votre sollicitude spéciale et de votre tendre prédilection.

Puisse ne manquer jamais le messager de votre charité qui, jour et nuit, vous représente près du berceau de l'orphelin, au chevet du malade, au côté du vieillard et de l'infirme qui, autrement, n'auraient peut-être personne pour les aider.

Faites que, dans les plus humbles écoles comme dans les chaires les plus célèbres, résonne une voix, écho de la vôtre, pour enseigner le chemin du ciel en rappelant à chacun ses obligations personnelles.

Que toute nation, si déshéritée et lointaine fût-elle, entende l'appel évangélique invitant tous les peuples à entrer dans votre royaume. Faites jaillir de toutes parts, des flammes capables d'embraser l'univers et de rayonner dans tout son éclat, la sainteté sans tache de votre Eglise.

Puissent fleurir partout des jardins d'âmes choisies, contemplatives et pénitentes, qui réparent les fautes de l'humanité et implorent votre miséricorde. Puissent ces cœurs inlassablement immolés, ces âmes d'une pureté totale, héroïquement vertueuses, faire revivre toujours ici-bas, le modèle achevé des fils de Dieu, que vous êtes venu nous révéler.

Envoyez à ces phalanges d'élite, vos préférées, de nombreuses et saintes vocations. Envoyez-leur des âmes résolues, fermement décidées à se rendre dignes d'une grâce si insigne et du saint état auquel elles aspirent, par l'exacte observance des obligations religieuses, la prière assidue, la mortification constante et la parfaite adhésion à vos moindres désirs.

Seigneur Jésus, illuminez un grand nombre d'âmes généreuses des ardentes splendeurs de l'Esprit-Saint, amour substantiel et éternel. Par l'intercession puissante de votre très aimante Mère, suscitez et entretenez en elles le feu brûlant de votre charité. A la gloire du Père et de l'Esprit qui vivent avec vous dans les siècles des siècles. AINSI SOIT-IL. »

 Ce texte riche de doctrine et chargé d'émotion, doit être attentivement considéré.

La prière est adressée tout entière au Seigneur Jésus, dont l'amour dispose en maître des âmes, et veut se répandre, par ses consacrés, sur toutes les misères. Seul son Esprit peut inspirer le dessein de sanctification dans la charité pour la gloire du Père et le salut des hommes.

Par le fait même, la vocation apparaît comme une grâce de choix, sans cesse répandue par le Christ dans la manifestation spéciale, à des âmes plus aimées, de tout ce qu'il y a d'attirance dans ses exemples, de force dans son secours, de tendresse dans ses soins. Alors que, parfois, la crise des vocations est occasion de crainte et de découragement dans nos communautés, peut-être même d'admissions imprudentes, de polémiques ou de compétitions, nous voici remis dans la vraie lumière des initiatives divines qui jamais ne firent défaut à l'Eglise.

Deux phrases nous paraissent particulièrement révélatrices de la nature de la vocation religieuse.

« Puissent ces cœurs inlassablement immolés, ces âmes d'une pureté totale, héroïquement vertueuses, faire revivre toujours ici-bas, le modèle achevé des fils de Dieu que vous êtes venu nous révéler. »

« Faites jaillir de toutes parts, des flammes capables d'embraser l'univers et de rayonner dans tout son éclat, la sainteté sans tache de votre Eglise. s

L'état religieux témoigne devant le monde de ce qu'est la vie des fils de Dieu ; ainsi est-il la gloire de la Sainte Eglise et une source d'incomparable fécondité apostolique. Ces idées avaient déjà été exprimées par S. S. Pie XII, dans la Constitution Provida Mater, du 2 février 1947.

« Personne n'ignore l'intime compénétration qui associe l'histoire de la sainteté dans l'Eglise et de l'apostolat catholique avec celle de la vie religieuse canonique, telle que sous l'impulsion vivifiante de la grâce du Saint-Esprit, elle ne cessa de croître et de s'affermir, étonnamment variée au sein d'une unité toujours plus profonde et plus efficace. »

Un peu après, dans le même document, le Pape déclarait que, dans la division canonique des personnes, à côté des clercs et des laïques, « la classe des religieux dérive de l'étroite et particulière relation de cet état à la fin de l'Eglise, savoir à la sanctification et aux moyens efficaces et adéquats de la poursuivre. »

Enfin, ceux que Dieu a daigné appeler, trouveront dans la prière de S.S. Pie XII, le programme de cette correspondance généreuse qui attirera sur les familles religieuses et sur toute la jeunesse, une grâce si précieuse et si estimée par les vrais apôtres de la gloire de Dieu et de son Christ. L'exacte observation des devoirs religieux, la prière assidue, une mortification constante, une conformité parfaite à toutes les expressions du vouloir divin, telle est la réponse à faire aux avances divines.

Il est à peine besoin de faire remarquer combien cette prière du Père commun est de nature à rapprocher encore davantage les unes des autres les âmes bénéficiaires de cette vocation privilégiée. Elles en deviendront plus conscientes de leur unité, pâle image de la charité trinitaire : « Moi en eux et Toi en moi, afin qu'ils soient consommés dans l'unité pour que le monde sache que tu m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé. »

La prière pour les vocations religieuses a été enrichie d'une indulgence de dix ans à chaque fois qu'on la récitera. Si on la récite chaque jour pendant un mois, l'on pourra gagner une indulgence plénière aux conditions ordinaires.

(Revue des Communautés, Mars-Avril 1957.) 

Elections

 Election d'un Frère Assistant

 Dans la séance du 2 avril 1957, le Conseil Général a élu le C.F. Marie-Basilide, Assistant et Secrétaire Général, comme successeur du C.F. Régis-Aimé, décédé. 

Election de Frères Provinciaux

 Dans la séance du 7 janvier 1957, le Conseil Général a élu le C.F. Edwin Leo, Provincial de l'Afrique du Sud, en remplacement du C. F. Miguel Felipe, tombé malade peu avant la fin de son mandat.

Pour la même cause, le C.F. Javier Rafael a été élu Provincial de Levante, en remplacement du C.F. Aurelio Víctor.

Dans la séance du 15 mars, le Conseil Général a élu le C. F. Anselmo Félix, Provincial de Colombie, comme successeur du C. F. Francisco Régis parvenu au terme de son mandat.

Pour le même motif, le C. F. Filógono a été élu Provincial du Mexique comme successeur du C.F. León Refugio.

Dans la séance du 3 avril 1957, le Conseil Général a élu le C.F. Louis-Martin, Provincial de Saint-Genis-Laval, comme successeur du C. F. Marie-Basilide, élu Assistant et Secrétaire Général.  

Statistiques générales de l'Institut

au 1ierjanvier 1957

 

Juvénistes ……………………………………………………………….. 4.929

Postulants ………………………………………………………………….. 571

Novices………………………………………………………………………. 429

Scolastiques (ce nombre est compris dans

celui des Frères Profès) ……………………………………………… 907

TOTAL des sujets en Formation………………………………..   6.836

 

Profès temporaires …………………………………………………… 1.902

Profès Perpétuels …………………………………………………….. 4.657

Stables…………………………………………………………………….. 2.098

TOTAL des Religieux profès ……………………………………….. 8.657

 

Religieux et sujets en Formation ……………………………….. 14.586

 

Écoles ……………………………………………………………………….. 679

Communautés ……………………………………………………………. 738

Frères dans les écoles ………………………………………………. 6.191

Professeurs civils ……………………………………………………… 3.675

 

Élèves internes ……………………………………………………… 26.491

Élèves externes ……………………………………………………. 238.188

 

TOTAL des élèves ………………………………………………. 264.679 

 

 

LISTE DES FRÈRES

dont nous avons appris le décès

depuis la circulaire du 8 décembre 1956

  

Nom et âge des Défunts                                 Lieux de Décès                      dates des décès

                                                  

 F. Azarius                     43        Stable              Sydney (Australie)                    21 nov. 1956

F. Frédéric-Auguste    56        Profès perp. St. Vincent de Paul (Canada)    27  »         »

F. Louis-Casimir         71        Stable              Tlalpan (Mexique)                    2 déc.        »

F. Marcel-Albert           73        »                       Varennes-sur-Allier (France)  4    »          »

F. Garcia                      50        »                       Burgos (Espagne)                   4    »          »

F. Marie-Jubin             76        »                       Saint-Genis-Laval (France)    21  »          »

F. Léon-Ovila               45        »                       Ville St. Pierre (Canada)         23  »          »

F. Prudencio Bono      36        Profès perp.    Quillota (Chili)                           24  »          »

F. Charles-Casimir     82        Stable              N.-D.-de-l'Hermitage (France)    25  »          »

F. Henri-Ambroise      74        »                       Beauceville (Canada)              28  »          »

F. Marie-Eutrope         85        »                       St-Paul-Trois-Châteaux (France)    29  »          »

F. Marie-Gérard          70        Profès perp.    Iberville (Canada)                     9 janv. 1957

F. Auxilien-Louis          51        »                       Iberville (Canada)                     10  »          »

F. Benedict Mary         55        Stable              Camberwell (Australie)            12  »          »

F. Marie-Polycarpe     55        »                       Athènes (Grèce)                       13  »          »

F. Urban                       63        »                       Large (Écosse)                        19  »          »

F. Marie-Bajule            79        »                       St-Paul-Trois-Châteaux (France)    23  »          »

F. Antonio Agustín       63        »                       Anzuola (Espagne)                  25  »          »

F. Elías                         52        »                       Pasto (Colombie)                    30  »          »

F. Marie-Lambert        60        Profès perp.    Saint-Genis-Laval (France)      8 fév.        »

F. Alexius                     83        Stable              St-Paul-Trois-Châteaux (France)     8    »          »

F. Dámaso                   77        »                       Avellanas (Espagne)               14  »          »

F. Placid Robert          46        »                       Esopus (Etats-Unis)                23  »          »

F. Joseph-Gérard        62        »                       Poughkeepsie (Etats-Unis)    25  »          »

F. Luis Oliverio            23        Profès perp.    México (Mexique                      5  mars     »

F. Jerónimo Emiliano 55         Stable              Valencia (Espagne)                 13  »          »

F. Marie-Virgile           77        Profès perp.    Mont-St-Guibert (Belgique)     15  »          »

F. REGIS-AIMÉ           54        Assist. Gén.     Saint-Genis-Laval (France)    16  »          »

F. Marie-Gézelin          85        Stable              Beaucamps (France)              26  »          »

F. Joseph-Ermin          77        »                       Apipucos (Brésil)                     28  »          »

F. Dalmacio                 72        »                       Avellanas (Espagne)               9 avril        »

F. Zacarías José         46        »                       Tlalpán (Mexique)                    20  »          »

F. Arthur-François       73        »                       Porto-Alegre (Brésil)               30  »          »

 

 La présente circulaire sera lue en communauté à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle.

Recevez, mes bien chers Frères, la nouvelle assurance du religieux attachement avec lequel je suis, en J.M.J.,

Votre très humble et tout dévoué serviteur.

                   Frère LÉONIDA,   Supérieur Général.

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