Circulaires 350

Charles-Raphaël

1959-12-08

Vœux et souhaits
Ce qu'a voulu le Chapitre Général (suite): Un zèle apostolique plus ardent et plus éclairé
I. Notre idéal apostolique.
II. Moyens de tendre vers la réalisation de cet idéal apostolique
A. Moyens qui se rapportent aux Frères eux-mêmes
1. Le moyen fondamental: le bon exemple des maîtres
2. Une meilleure formation professionnelle de nos jeunes à leur mission
3. Le continuel effort d'adaptation de tous les Frères
B. Moyens qui se rapportent directement aux élèves:
1. La direction spirituelle
2. Les retraites fermées
3. Les entretiens entre maîtres et élèves
4. L'orientation scolaire
5. Entraînement des élèves à l'usage de la liberté
6. Entraînement des élèves à l'apostolat
7. Les Œuvres qu'il convient d'admettre dans nos écoles
III. Quelques observations générales sur notre apostolat
A. Etendue de notre champ apostolique
B. Les missions
C. Le recrutement de vocations supérieures, spécialement de vocations maristes Conclusion de la Circulaire: La Prière du Maître
Célébration, en 1960, de la Fête du Bienheureux Fondateur
Petite note sur le nouvel Office de la Sainte Vierge
Nouveau District autonome
Elections .
Liste des Défunts

350

V. J. M. J.

 Saint-Genis-Laval, le 8 décembre 1959.

Fête de l'Immaculée-Conception.

MES BIEN CHERS FRÈRES,

 Vœux et souhaits

 La deuxième Circulaire de l'année est datée, traditionnellement, de la belle fête de l'Immaculée Conception, la première grande fête mariale de l'année liturgique. Les fêtes de Noël et de Nouvel An sont proches. Les membres de l'Administration Générale sont heureux de vous offrir leurs meilleurs vœux pour une sainte et heureuse année 1960.

Dans le monde, la santé tient toujours la première place dans ces vœux. Nous faisons de même, mais sans oublier que les biens surnaturels l'emportent infiniment sur tous les autres. Dans presque toutes nos Provinces, le personnel suffit à peine pour assurer la bonne marche des œuvres qu'on nous a confiées. Nous souhaitons donc vivement que les Frères sachent prendre un soin raisonnable de leur santé, sans inquiétude, sans préoccupations exagérées, dans l'intention de pou-voir se dévouer le plus longtemps possible au bien des âmes et à la prospérité de toute notre famille religieuse. Quand les maladies ou la vieillesse viendront, nous souhaitons que le bon Dieu accorde à tous la grâce de les accueillir avec générosité et même avec joie. Les deux formes d'apostolat, le travail et la souffrance, sont également nécessaires dans la grande œuvre du salut des âmes.

Nous souhaitons encore que, dans toutes nos Provinces, on se conforme pleinement à une prescription constitutionnelle, celle qui concerne le but spécifique de notre Institut : « Que tous les Frères s'appliquent à remplir avec zèle le but secondaire de l'Institut, qui est d'élever chrétiennement les enfants, de les préserver du vice et de les former aux vertus chrétiennes, non seulement par leur enseignement, mais encore et surtout par leurs exemples, car plus un Frère remplira parfaitement ce but de sa vocation, plus il attirera de grâces, de bénédictions sur l'Institut et contribuera à le conserver et à le faire prospérer » (Const., article 207, 80). Ce véritable zèle des âmes exigera de chacun de nous qu'il soit un homme de prière, d'abnégation, de travail obstiné, toujours prêt à collaborer loyalement et totalement avec tous ses Frères pour que le bien se fasse dans nos écoles. Ce sera d'ailleurs le thème que nous développerons dans la présente Circulaire.

Enfin, qu'il nous soit permis de reprendre le dernier vœu formulé dans la Circulaire du 8 décembre 1958 : « Que notre mot d'ordre pendant cette année soit la mise en application sérieuse et généreuse des décisions du Chapitre, dans le sens et dans l'esprit qui ont été indiqués, non seulement de celles qui nous sont agréables et que nous souhaitions, mais également des autres, qui contrecarrent la nature humaine ou qui ne répondent pas à nos désirs ». C'est toujours une entreprise délicate de toucher à l'organisation d'une famille religieuse. Bien qu'on ne change généralement que des points secondaires et que les structures restent les mêmes, il convient de faire les adaptations opportunes avec un respect profond pour toutes les valeurs traditionnelles dans l'Institut, et avec cette sage progression, qui permet de réaliser les transformations prévues sans heurts ni troubles.

Puissions-nous rester constamment fidèles à la pensée profonde de notre Bienheureux Père, afin qu'il nous reconnaisse partout et toujours comme ses fils chéris, et que Notre-Dame nous obtienne au plus tôt la grande bénédiction de la canonisation de son fidèle serviteur !  

La Circulaire du 24 mai de cette année précise le but fondamental du dernier Chapitre : « …une revivification parmi nous de l'esprit du Bienheureux Fondateur :

1. Par une ferveur religieuse plus intense ;

2. Par un zèle apostolique plus éclairé et plus efficace ;

3. Par une vie de famille plus intime, en dépit des tâches multiples qui nous accablent souvent ».

Cette même Circulaire étudie longuement le premier point de ce programme : une ferveur religieuse plus intense. En analysant aujourd'hui le deuxième point, nous continuerons de nous appuyer sur les résolutions, vœux ou suggestions du Chapitre même. Celui-ci ne pouvait entre-prendre une étude approfondie de toute la mission apostolique confiée à notre Institut. D'une part, le temps aurait manqué pour un travail de cette envergure. D'autre part, les capitulants, devant tenir compte des notes envoyées par les Frères, de la disparité de celles-ci résultait une certaine incohérence dans les thèmes abordés en commission. Enfin, plusieurs Commissions ont eu à s'occuper de questions relatives à notre but apostolique, plus particulièrement les 6', 8e et 9'. Il est donc malaisé de faire une bonne synthèse de toutes les conclusions du Chapitre sur ce point. On voudra bien en tenir compte en lisant les pages qui vont suivre. 

Ce qu'a voulu le Chapitre.

 2. – UN ZÈLE APOSTOLIQUE

PLUS ARDENT ET PLUS ÉCLAIRÉ

 Par vocation, nous sommes des religieux éducateurs. Des religieux d'abord ! Le Chapitre veut donc pour tous les Frères une ferveur religieuse plus intense. Mais nous sommes également des éducateurs. C'est pourquoi le Chapitre insiste fortement pour qu'un zèle ardent et éclairé anime tous les Frères.

Dans les considérations générales de la 6ième Commission, cette volonté est bien marquée. La Commission fait observer que beaucoup de notes qu'elle a dû analyser envisagent pour les Frères le même noble idéal : « devenir les excellents religieux éducateurs voulus par le Bienheureux Champagnat, aptes à rendre attrayant et conquérant le message rédempteur du Christ. Leurs auteurs souhaitent une élévation individuelle et collective qui, dans ce siècle matérialiste, donne à l'ensemble de l'Institut, une élite catéchistique et professionnelle de première valeur » (Circ. Chap., p. 275).

Si les Frères reconnaissent volontiers qu'on a déjà fait des efforts dans ce sens, «ils croient que nous pouvons faire davantage en adoptant les moyens les plus capables d'assurer une meilleure préparation des jeunes Frères et une meilleure adaptation des Frères qui sont déjà dans l'enseignement » (Circ. Chap., p. 275).

Ces deux remarques de la Commission indiquent assez nettement le but qu'il faut toujours envisager, ainsi que les principaux moyens à employer.

Le but ou l'idéal que nous devrons avoir constamment devant les yeux, en conformité avec la pensée profonde de notre Bienheureux Père : devenir d'excellents religieux éducateurs ; faire partie, dans l'Eglise, de l'élite catéchistique.

Les moyens pour tendre vers cet idéal : une meilleure préparation de nos jeunes ; un continuel effort de préparation et d'adaptation de la part de tous les Frères, et cela à travers toute leur vie d'éducateurs. 

1. – NOTRE IDÉAL APOSTOLIQUE

 Maintes fois, le Chapitre nous rappelle que nous devons être des religieux éducateurs et que nous devons respecter la hiérarchie des valeurs : nous sommes religieux avant d'être éducateurs, et, étant donné notre état, nous ne serons même de véritables éducateurs que si nous sommes de bons religieux. On a toujours plus d'influence par ce que l'on est que par ce qu'on dit ou fait. La sincérité et la profondeur de notre amour de Dieu et du prochain, la fidélité rigoureuse à nos multiples devoirs de chaque jour, le rayonnement de toutes nos qualités humaines et religieuses, contribueront bien plus à élever les âmes qui nous sont confiées que les plus belles théories, les leçons les plus brillantes ou les organisations les plus perfectionnées. Celles-ci ne sont jamais négligeables, mais elles ne sont pas l'essentiel.

L'on insiste davantage sur le but à atteindre : « les excellents religieux éducateurs voulus par le Bienheureux Champagnat ». Cette note nous rappelle que le Bienheureux Fondateur a voulu, dès l'origine de l'Institut, des éducateurs aussi parfaits que possible, et que nous devons respecter filialement cette volonté de notre Père. Donc, chez nous, pas de médiocrité acceptée ! Avec une constance à toute épreuve, avec cette indomptable énergie qui naît de la foi, nous devons vouloir progresser sans cesse comme apôtres du Christ parmi la jeunesse d'aujourd'hui. Ensuite, cette note nous engage à rester toujours des «Maristes » en éducation, à nous inspirer de l'esprit de notre Bienheureux Fondateur, à suivre d'aussi près que possible les lignes essentielles de ses méthodes. Les procédés pédagogiques peuvent varier à l'infini, et, de fait, évoluent sans cesse. Mais il importe que nous ne perdions jamais de vue l'âme des directives apostoliques que nos premiers Frères ont reçues de leur maître et formateur.

En tenant compte des tendances actuelles dans le domaine immense de la formation religieuse de la jeunesse, le Chapitre désire que nos Frères constituent, dans toutes nos Provinces, « une élite catéchistique et professionnelle de première valeur ». A nos premiers Frères, le Bienheureux Fondateur disait : « N'oubliez pas que l'instruction primaire que vous devez donner aux enfants, n'est pas proprement la fin que nous nous sommes proposée en fondant cet Institut ; elle n'est qu'un moyen. Le but de votre vocation est de donner l'éducation chrétienne aux enfants, c'est-à-dire de leur apprendre le catéchisme, de les former à la piété et à la vertu. » (Vie, 1931, p. 550). Et il ajoutait : «Nous n'avons consenti à leur enseigner les sciences profanes que pour avoir la facilité de leur faire le catéchisme tous les jours… » (Vie, p. 551).

Cet aspect essentiel de notre mission ne doit jamais nous échapper, ni dans l'enseignement primaire, comme dans les débuts de l'Institut, ni dans l'enseignement secondaire, voire supérieur, qui gagnent constamment du terrain, surtout dans certaines Provinces. Les situations sociales peuvent changer, mais l'esprit de notre vocation doit rester intact. Aujourd'hui comme hier, notre Bienheureux Père veut que nous soyons des catéchistes, au sens large de ce mot.

Voilà pourquoi la 8ième Commission émet le vœu : « Que tous les Frères employés dans les écoles aient quelques classes de catéchisme » (Circ. Chap., p. 293). Si l'on admet, dans les cours secondaires, trois classes d'une heure, par semaine, on a soin d'ajouter : « Les jours où il n'y aura pas de catéchisme, le titulaire consacrera au moins cinq minutes à quelques réflexions pratiques bien choisies et bien préparées, afin de donner l'atmosphère religieuse à la journée » (Circ. Chap., p. 285).

Enfin, une dernière précision sur notre idéal apostolique, et qui ne manque pas de finesse psychologique : le Chapitre désire que les Frères soient « aptes à rendre attrayant et conquérant le message du Christ ». On peut, en effet, trahir ce message soit par le démenti permanent d'une vie sans générosité, sans flamme chrétienne, soit par une présentation maladroite ou tronquée de la doctrine de l'Eglise. Il faut donc que nous joignions à notre exemple la compétence professionnelle et l'habileté pédagogique. Mais, à ces exigences fondamentales, il faudrait pouvoir ajouter ces qualités humaines qui charment et attirent tout le monde, surtout les jeunes, et qui sont la politesse sincère, les manières affables, le tact, la discrétion absolue, la bonne humeur, la joie rayonnante. On ne les trouve pas au berceau. Il importe donc de les acquérir le plus tôt possible, puis de les maintenir et développer, par le contrôle permanent de soi-même, par l'effort incessamment répété que seul un amour profond du Christ et des jeunes peut soutenir jusqu'au terme de la vie. Il est bon de se rappeler l'influence merveilleuse que le Bienheureux Marcellin a exercée sur les enfants et même sur les adultes de sa paroisse, de méditer ensuite sur les causes profondes de cette influence bienfaisante. Cet exemple doit nous stimuler et nous guider.  

II. – MOYENS DE TENDRE VERS LA

RÉALISATION DE CET IDÉAL APOSTOLIQUE

 Certains des moyens dont le Chapitre s'est entretenu concernent directement les Frères eux-mêmes ; d'autres, les élèves.

 A. Moyens qui se rapportent directement aux Frères eux-mêmes.

 1. Le moyen fondamental : le bon exemple des maîtres.

 On n'insistera jamais trop sur ce premier de nos devoirs d'éducateurs. Comme le dit nettement S.S. Pie XI dans sa remarquable Encyclique sur l'éducation chrétienne de la jeunesse : « C'est moins la bonne organisation que les bons maîtres qui font les bonnes écoles ».

Il est intéressant d'observer que les capitulants, en invitant tous les Frères à une ferveur religieuse plus intense, ont, par le fait même, préparé le terrain à un apostolat plus fécond dans notre Institut. Comme le note la 3ième Commission : « La vie de communauté et l'enseignement fournissent l'occasion, par la pratique de la charité, de faire rayonner la charité du Christ, de montrer le vrai visage du christianisme et de la vie religieuse, et ainsi de faire aimer notre vocation » (Circ. Chap., p. 257). C'est en tenant compte de cette puissance du témoignage par toute la vie que la même Commission insiste pour qu'on aménage «les horaires de chaque maison et les horaires particuliers de certains Frères de façon à faciliter au maximum l'observance de la Règle » (Circ. Chap., p. 255).

Certains pourraient être portés à considérer l'observance régulière comme un obstacle ou une entrave à l'expansion du zèle apostolique. Le Chapitre rappelle opportunément à tous la grande valeur apostolique de la régularité et de toutes les vertus religieuses.

« Beaucoup de religieux et d'apôtres, écrivait récemment le R. P. Van Wynsberghe, O.P., semblent ignorer que c'est d'un seul et même appel que Dieu les a appelés à la vie religieuse apostolique et à la prière comme à sa condition indispensable… Rien n'est plus urgent que de rappeler l'indissoluble connexion qui doit exister entre la vie religieuse apostolique et la prière. – Seul le religieux qui a perdu le sens de sa vocation à l'œuvre surnaturelle du salut des âmes, verra une opposition entre son travail et sa prière. Il ira à celle-ci avec le sentiment d'avoir mieux à faire ; mais son action, brillante peut-être sur le plan humain, risquera d'être stérile sur le plan apostolique » (Revue des Communautés Religieuses, juin 1959).

Saint Paul l'enseignait clairement aux apôtres de son temps : « Paul a semé, Apollon a arrosé, mais Dieu seul donne la fécondité. » Et le grave avertissement du divin Maître ne doit jamais être oublié par un apôtre : « Sans Moi, vous ne pouvez rien faire. » Notre apostolat n'est fécond que dans la mesure où nous sommes unis à Dieu par la charité, par la fidélité à tous nos devoirs de religieux. « Avec de saints religieux, écrit le R. P. Hoffer, le succès de l'œuvre est assuré. »  (Directoire des directeurs, p. 76). Nous venons de citer l'un ou l'autre auteur contemporain ; nous aurions pu multiplier les fortes paroles de notre Bienheureux Père sur ce même sujet.

Ce doit être une tristesse légitime pour un Frère de se sentir trop peu vertueux, trop peu saint. Efforçons-nous loyalement d'être de moins en moins indignes de la mission que Dieu a daigné nous confier. Revenons souvent sur la méditation fondamentale de l' « Unum necessarium ».

Et combien nos jeunes seront-ils stimulés à profiter pleinement des grâces spéciales de leurs années de formation au scolasticat, au noviciat et même déjà au juvénat, une fois qu'on leur aura fait comprendre que leur apostolat de demain dépendra en très grande partie de leur ferveur d'aujourd'hui ! Toute négligence dans la préparation spirituelle est bien plus dangereuse, par ses conséquences, que l'insuffisance de la formation professionnelle, que nous allons étudier main-tenant.

2. Une meilleure préparation professionnelle de nos jeunes à leur mission.

 Parfaitement préparés et instruits, chacun dans la discipline qu'il doit enseigner, » telle est une des qualités essentielles des bons maîtres, selon l'enseignement de S.S. Pie XI, dans l'Encyclique déjà citée. Pénétré de cette pensée, le Chapitre s'est penché longuement sur la préparation professionnelle de nos Frères.

Il demande :

–   pour tous, une formation professionnelle et pédagogique plus solide, et, si possible, plus longue ;

–   pour le plus grand nombre possible, des études plus poussées ;

–   enfin, qu'on forme les Frères aux meilleures méthodes de travail et qu'on leur procure de bons instruments de travail.

a) La formation professionnelle et pédagogique. – La Circulaire du Chapitre demande : « Que le scolasticat ait une durée suffisante pour permettre de bonnes études pédagogiques, théologiques, philosophiques et catéchistiques (p. 278). » La proposition, ainsi formulée, couvre évidemment tout le domaine de la formation, sans vouloir la restreindre au seul temps du scolasticat, car celui-ci ne peut tout faire, et c'est chimère que d'en attendre des résultats impossibles. Toute formation sérieuse et complète requiert de longues années, va donc bien au-delà du scolasticat.

Toutefois, au point de départ, un scolasticat sérieux reste indispensable. Son importance grandit à mesure que l'on exige davantage de l'enseignant et de l'éducateur. Il appartient aux responsables de chaque Province d'étudier la meilleure organisation pour ce stade de la formation des Frères, le dernier avant l'engagement dans la vie active. Mais, encore une fois, qu'on ne perde jamais de vue que le meilleur des scolasticats ne fera jamais de miracles. La 4ième Commission a donc raison de rappeler à tous qu' «un jeune Frère sortant du scolasticat n'est pas entièrement formé. Il est indispensable que le Frère Directeur ou quelque Frère ancien continue sa formation, non seulement professionnelle et pédagogique, mais aussi religieuse et spirituelle » (Circ. Chap., p. 265).

Le Chapitre ne s'est pas directement occupé des études profanes, mais a limité généralement son effort aux études religieuses et à la formation pédagogique des Frères. La 8e Commission demande « que la préparation des Frères à leur mission de catéchistes soit intensifiée », et ajoute

« On la facilitera :

«   a) Par une étude religieuse bien faite ;

«   b) Par l'assistance aux cours des Instituts catéchistiques ;

«   c) Par une bibliothèque bien achalandée » (Circ. Chap., p. 293).

Ce travail, bien commencé au scolasticat, doit se poursuivre pendant de longues années. Chacun conserve ses propres responsabilités dans ce domaine, les Supérieurs ayant plutôt la charge de faciliter le travail, d'encourager et de guider. C'est ainsi que la 6ième Commission désire « que chaque Province fasse les démarches nécessaires auprès des Facultés Catholiques ou auprès des autorités ecclésiastiques pour la création, s'il n'existe déjà, d'un organisme qui faciliterait aux Frères l'obtention des titres pour garantir leur compétence catéchistique » (Circ. Chap., p. 276).

Comme les programmes officiels, que suivent en général nos scolastiques, ne comportent pas toujours une véritable formation pédagogique et méthodologique, le Chapitre désire qu'on veille à fournir aux jeunes Frères « des cours pédagogiques sérieux, même s'il faut, en temps opportun, envoyer les Frères à une Faculté d'éducation pour y obtenir les titres académiques » (Circ. Chap., p. 278). On insiste pour « que l'on procure à tous nos Frères scolastiques, avant leur entrée en exercice dans une école, une sérieuse formation pédagogique avec leçons ou séjour en école d'application » (Circ. Chap., p. 271).

On prévoit même la spécialisation de quelques Frères des mieux doués pour en faire profiter leurs confrères. Il importe toutefois de noter que toute spécialisation proprement dite, surtout si elle requiert de longues études, doit se faire en vue du bien de l'Institut, d'un apostolat plus efficace ou particulièrement difficile, et non dans un esprit égoïste, par choix strictement personnel, ou par orgueil. Dans notre vie religieuse, ce genre d'études n'est jamais à envisager comme un droit, mais comme un moyen de mieux servir.

 b) Des études plus poussées. – Après avoir insisté pour qu'un bon scolasticat précède l'entrée des jeunes Frères dans la vie apostolique proprement dite, le Chapitre souhaite que l'on pousse plus loin les études des Frères, afin qu'ils soient mieux à même de faire le bien, car « l'Eglise doit pouvoir compter sur les Frères Maristes pour leur compétence professionnelle » (Circ. Chap., p. 278).

Ainsi, le Chapitre suggère :

1. « Qu'on trouve dans les Provinces le moyen de donner aux Frères, surtout à ceux destinés à enseigner la religion dans les classes secondaires, une formation méthodique en philosophie thomiste et en théologie » (5e Comm., Circ. Chap., p. 271).

2. « Qu'en général, les Frères destinés à l'enseignement secondaire suivent des cours universitaires » (60 Comm., Circ. Chap., p. 279).

3. « Que le plus grand nombre possible de Frères soient envoyés à l'Institut Jesus Magister » (Circ. Chap., p. 276).

Il ressort de ces vœux ou suggestions que le Chapitre désire que le plus grand nombre possible de Frères continuent leur formation intellectuelle, professionnelle, religieuse, bien au-delà du scolasticat, ; qu'il insiste pour qu'on appuie cette formation supérieure sur des bases solides, c'est-à-dire sur d'excellentes études en philosophie thomiste et en théologie. Il rappelle aussi que l'Institut Jesus Magister a été spécialement établi pour la formation religieuse supérieure des Frères Enseignants, sans qu'il veuille ignorer l'excellence des autres Instituts catéchistiques établis en plusieurs pays.

Le problème des études universitaires pour nos Frères se pose actuellement en toutes nos Provinces, mais il présente une importance exceptionnelle là où l'enseignement secondaire tend nettement à dominer. Si le dernier Chapitre a vivement encouragé nos Frères à aborder résolu-ment les Universités, il ne s'est pas caché les dangers auxquels nos Frères peuvent y être exposés, surtout quand elles ne sont pas franchement catholiques. Il importe donc que les Supérieurs connaissent exactement le milieu intellectuel et moral dans lequel nos Frères vont être engagés, qu'ils choisissent des étudiants ayant une maturité suffisante, qu'ils les guident sagement afin que leur vie religieuse soit toujours sauvegardée. Si une plus grande science n'est pas soutenue par un esprit religieux plus solide, elle peut facilement devenir une cause permanente de tentations pour un religieux et un très grand obstacle au bien.

A ce sujet, le R. P. Hoffer a des paroles qui peuvent paraître sévères : « Faute de nourriture suffisante, sous l'influence de l'esprit païen ambiant et de la propagande areligieuse et même antireligieuse, contre lesquels il faudrait l'antidote de convictions spirituelles profondes, la vie religieuse fait naufrage. Et cette nourriture doit être d'autant plus substantielle que les besoins intellectuels d'un religieux sont plus grands. Si on néglige cet aspect psychologique…, on aboutit à ce paradoxe trop fréquent que les religieux les plus intelligents et humainement les plus cultivés, sont aussi les plus tièdes » (Directoire des directeurs, p. 74). Nous sommes loin de penser que les choses se passent ainsi chez nous. Grâce à Dieu, bien souvent nos Frères les plus cultivés sont parmi nos meilleurs religieux. Mais le danger est réel, et les responsables, dans chaque Province, ne doivent pas le sous-estimer. D'autre part, faut-il ajouter que nos étudiants eux-mêmes ont leur responsabilité engagée ? On leur a fait confiance. L'Institut, la Province comptent sur eux. Leur prudence surnaturelle doit les mettre en garde contre des dangers qui sont loin d'être imaginaires.

C'est également un devoir pour les Supérieurs de placer leurs étudiants dans des conditions favorables au bon travail intellectuel et à la saine vie de communauté, en leur accordant, dans la mesure du possible, le temps, le lieu et toutes les autres facilités nécessaires pour bien travailler, tout en vivant sérieusement leur vie religieuse. D'où la nécessité de constituer, là où les Frères sont suffisamment nombreux, des maisons d'étudiants, des Foyers universitaires, bien organisés et bien dirigés.

Enfin, faut-il ajouter qu'il importe de bien choisir l'Université que fréquentent les Frères, quand il y a possibilité de faire un choix entre plusieurs ? Il semble que des négligences se soient produites dans cette direction. Elles se soldent presque toujours par des infidélités attristantes.

Cette formation supérieure, parfaitement équilibrée, de tous nos Frères est un idéal vers lequel on doit tendre dans chacune de nos Provinces. Toutefois, nos étudiants voudront bien ne pas perdre de vue qu'un Frère Provincial devra toujours limiter son effort d'organisation des études supérieures, en tenant compte, et du genre d'écoles de la Province, et du personnel dont il pourra disposer. Les Frères plus âgés qui se sont formés autrefois de leur mieux, en travaillant parfois dans des conditions très pénibles, constatent avec joie que partout on a réalisé des progrès appréciables. Cet effort pour une meilleure organisation des études supérieures doit continuer, calmement et méthodiquement. Une impatience fébrile, qui voudrait en quelque sorte brûler les étapes, risquerait au contraire de tout compromettre.

 c) Méthodes et instruments de travail. – A diverses reprises, des capitulants ont signalé l'importance, pour tous nos Frères, de bonnes méthodes de travail, et la nécessité de mettre à leur disposition d'excellents instruments de travail. Il est clair que ce n'est pas dans un Chapitre qu'on peut étudier à fond ces deux questions.

En parlant de la formation catéchistique des Frères, on demande « qu'on généralise de plus en plus, dans chaque Province, l'usage des fiches adaptées aux programmes. » Et l'on ajoute : « Qu'on initie les novices et les scolastiques à l'élaboration et à l'usage des fiches personnelles » (Circ. Chap., p. 276).

Cette observation sur la formation au travail personnel va bien au-delà des seules études religieuses des Frères. C'est au scolasticat surtout que le Frère Directeur et ses collaborateurs immédiats peuvent rendre un immense service à nos jeunes en leur apprenant progressivement à bien travailler, à se faire une bonne méthode de travail ; une méthode à leur mesure, à leur taille, selon la qualité de leur intelligence, selon leurs aptitudes. Cet effort devra continuer après le départ du scolasticat. Tous les hommes cultivés savent, par expérience personnelle, qu'il faut généralement de longues années pour aboutir à une méthode de travail vraiment efficace.

Mal formé à ce point de vue, un jeune Frère connaîtra beaucoup de pertes de temps, des échecs cuisants, des insuccès répétés, une baisse progressive d'allant, et surtout une fatigue absolument disproportionnée avec l'effort fourni et les résultats obtenus. Il y a, en effet, la fatigue normale, qui est la rançon de tout travail sérieux et prolongé, et la fatigue anormale, qui est très souvent provoquée par une mauvaise manière de travailler.

Parmi les instruments de travail, le Chapitre a porté son attention sur les bibliothèques. « Que nos bibliothèques soient de véritables instruments de travail ; qu'elles soient modernes et possèdent un catalogue. Un Frère doit en avoir la responsabilité. Il faut, de par ailleurs, se conformer strictement aux lois de l'Index » (Circ. Chap., 6ième Com., p. 279).

Qu'on fournisse aux Frères les moyens de préparer leurs cours de religion : une bibliothèque régulièrement enrichie d'ouvrages sérieux comprenant notamment les documents pontificaux, des livres de mariologie et des traités de questions sociales » (8ième Comm., Rapport au Chapitre).

La 9e Commission réclame une meilleure organisation des collèges « par une meilleure organisation des bibliothèques et laboratoires. La Commission souhaite que l'on fixe dans un texte (Règles du Gouvernement ou décisions des Conseils, provinciaux) le budget permis pour la constitution et l'entretien des bibliothèques et des laboratoires » (Circ. Chap., p. 299).

Nos moyens pécuniaires ne nous permettent pas d'avoir partout, spécialement dans les petites communautés, une bibliothèque garnie de tous les ouvrages qui pourraient rendre service aux Frères. Aussi prévoit-on qu'au besoin une bibliothèque provinciale soit à même de prêter des livres à ces Communautés.

Ajoutons que le choix des livres à acheter régulièrement doit être fait intelligemment, selon le critère des besoins de toute la Communauté, et non selon un critère trop personnel, par exemple selon les préférences du Frère Directeur ou d'un Frère plus exigeant de la Communauté. De plus, il y a des ouvrages coûteux, dont la consultation éventuelle par un Frère de la Communauté est si rare, qu'il n'est pas indiqué de les acquérir. En tout, il faut de la mesure.

En terminant ces quelques remarques sur la formation des Frères, au scolasticat ou dans les Communautés, nous tenons à préciser que cette formation doit intéresser tous nos Frères, quelle que soit leur tâche spéciale dans la grande famille. Un Frère occupé dans les classes élémentaires peut et doit être un spécialiste et un artiste dans son domaine, en même temps qu'un éducateur de première classe. Il n'est pas plus facile de réussir avec les petits qu'avec les grands ; pour beaucoup même ce serait plus difficile. La seule formation au scolasticat et la seule bonne volonté n'y suffiront jamais. Il faut continuer de se former, et donc travailler et peiner, parfois durement.

Il en est de même des multiples tâches, dites manuelles, qui sont confiées à beaucoup de nos Frères. Qui dira les services que peut rendre à une maison, à une Province, un Frère économe parfaitement à la hauteur de ses fonctions ? Nous voudrions pouvoir remercier, en ce moment, tant de Frères qui ont accepté résolument des occupations manuelles dans notre famille, se sont spécialisés parfois dans de dures conditions, faute d'une bonne initiation au début de leur carrière, et sont arrivés à force de travail, de constance et d'abnégation, à une maîtrise étonnante dans leur métier ou leur emploi. Ils ont été, en même temps que de vrais enfants de la Congrégation, des apôtres dans le plus noble sens du terme. Plaise à Dieu qu'ils ne fassent jamais défaut chez nous ! Notre Bienheureux Père doit avoir pour eux une affection toute particulière.

 3. Un continuel effort d'adaptation de tous les Frères.

 Les principes mêmes de l'éducation chrétienne valent pour toutes les époques et pour toutes les situations. Ils s'appuient sur la Révélation, sur la véritable nature de l'homme, sur son élévation à l'état surnaturel. Mais toute éducation est riche en nuances, et peut donc varier étonnamment selon les temps et les lieux. Il appartient à l'éducateur d'être de son temps et de son milieu en tout ce qui n'est pas contraire aux directives de l'Eglise. Le domaine de cette sage adaptation est immense. Elle suppose un esprit d'observation toujours en éveil, ainsi que la volonté de se cultiver sans cesse dans le sens de notre vocation d'éducateurs. Ne pas être suffisamment de son temps peut être, pour nous, un danger et une faute. C'est sur les enfants que Dieu nous a confiés « actuellement » que nous devons avoir de l'influence, une influence aussi forte et profonde que possible. Il faut donc que nous connaissions leurs idées, leurs sentiments, leurs goûts et leurs aspirations, que nous connaissions également le milieu dans lequel ils vivent. Se plaindre sans cesse des jeunes d'aujourd'hui, qui manqueraient de toutes les vertus, « exceller à gémir », comme on a dit, n'est pas une attitude d'apôtre du Christ et ne servira jamais la cause de l'apostolat. L'éducateur chrétien doit être résolument optimiste. Ces idées sont revenues plus d'une fois au cours des travaux du Chapitre.

Il importe donc que les Frères suivent attentivement les grands courants d'éducation de notre temps, qu'ils lisent des revues pédagogiques sérieuses, qu'ils étudient parfois quelque traité d'éducation bien adapté à notre époque. Sans quoi, ils perdront rapidement le contact avec la jeunesse. Se trouver constamment avec les élèves, leur parler cordialement, entendre leurs conversations et assister à leurs jeux, est très utile, mais ne suffit pas. L'éducateur doit intervenir pour « diriger » la formation de ceux qu'on lui a confiés ; il doit le faire délicatement, prudemment, mais il doit intervenir. C'est sa mission spéciale. Rester passif dans toutes les situations est toujours une infidélité, peut devenir une lâcheté et une trahison.

Il faut également que les Frères soient bien au courant des meilleures méthodes d'enseignement. Dans le domaine de la méthodologie, il n'y a rien de définitif. En sortant de certaines classes de langues, de mathématiques ou de sciences, un homme du métier se prend à regretter parfois que le dévouement de tant de professeurs ne soit pas plus « éclairé ». Le maître se fatigue beaucoup, mais les élèves n'en tirent qu'un maigre profit. Le professeur n'est plus à la page, hélas ! Mais il pourrait et devrait l'être.

Il y a encore l'obligation de toujours mieux dominer son programme spécial d'enseignant. Sans vouloir exagérer, bien entendu ! Au point de départ, après la meilleure formation au scolasticat, que de lacunes apparaissent rapidement dans notre savoir, dès qu'il est question de donner une leçon sur un thème déterminé, si simple soit-il à première vue ! Mais un Frère travailleur et méthodique, après quelques années d'efforts, arrive à doubler, à tripler ses connaissances. La méthode et la constance font ici des miracles.

Nous terminerons ces simples considérations par l'expression d'un vœu. Nous n'avons pas à nous comparer, comme enseignants et comme éducateurs maristes, à d'autres religieux éducateurs ou aux professeurs civils de tous les degrés. Mais nous devons avoir à cœur de profiter au maximum de deux grandes possibilités que notre vocation met à notre disposition : celle de pouvoir compter sur le temps pour mieux nous former, et celle de pouvoir profiter sans cesse de l'expérience de nos aînés. Quel gaspillage de temps parfois, entre vingt et trente ans, chez plusieurs de nos jeunes Frères ! Ces dix années surtout peuvent être d'une fécondité merveilleuse. Aux Frères Directeurs et aux Frères Provinciaux, il appartient de soutenir l'effort des Frères pendant cette période. Ensuite, on doit regretter que l'expérience, souvent durement acquise, de nos meilleurs professeurs et éducateurs, reste souvent perdue pour les générations qui suivent. Par une collaboration fraternelle entre anciens et jeunes, notre Institut pourrait compter, mieux, devrait absolument pouvoir compter sur un corps d'enseignants et d'éducateurs de premier ordre. C'est bien ce que l'Eglise attend de nous. 

B. Moyens qui se rapportent directement aux élèves.

 La formation des Frères comme éducateurs est toujours orientée vers une meilleure formation des élèves. La 8ième Commission du Chapitre avait comme tâche spéciale d'étudier celle-ci. Elle rappela d'abord les principes de base, en s'appuyant surtout sur les enseignements des derniers Papes. Elle présenta ensuite des suggestions pour faciliter une éducation plus complète et pour favoriser la vie chrétienne de tous nos élèves. Nous les reprendrons brièvement.

 1. La direction spirituelle.

Dans toutes nos écoles, les responsables devront avoir à cœur de procurer aux élèves, surtout aux plus grands, l'aide d'un bon directeur spirituel. Il faut reconnaître que ce n'est pas également facile dans tous les pays où nous sommes établis. Il faut, d'autre part, que les Frères sachent préparer les élèves à profiter au mieux des avantages de pareille direction.

Il semble inutile d'insister sur la nécessité, pour tout jeune homme, de contacts intimes avec un prêtre éclairé et zélé, qui puisse l'aider à voir clair en lui-même, à résoudre ses problèmes de conscience, et à orienter sa marche vers un idéal vraiment chrétien.

 2. Les retraites fermées.

 Le Chapitre a émis le vœu que les retraites fermées pour élèves se généralisent dans l'Institut, surtout pour les grands élèves. Nous connaissons tous les heureux fruits de quelques jours de réflexion, de retour sérieux sur soi-même, de méditation sur l'orientation de la vie. En plus des grâces accordées à la prière et des avantages d'un recueillement salutaire, les élèves ont ainsi l'occasion de recevoir une direction spirituelle bien adaptée à leurs besoins, et cela par des prêtres généralement bien au courant des problèmes de cet âge. Pour produire les meilleurs fruits, il faut que la retraite soit préparée par la prière et par le sacrifice, et qu'elle ait lieu dans des conditions qui permettent le silence et la réflexion calme et prolongée.

 3. Les entretiens entre maîtres et élèves.

Une certaine communication d'âme se fait déjà, entre maîtres et élèves, par l'enseignement de la plupart des matières, spécialement dans les leçons de religion, de littérature, de philosophie. Mais les contacts plus intimes, vraiment personnels, supposent généralement des conversations amicales en dehors de la classe. Il convient donc que le maître puisse être abordé par les élèves.

Le plus souvent, un simple mot d'encouragement, un petit conseil donné en passant, peut suffire pour que l'élève se sente aimé et compris par son maître. En règle générale, ces contacts occasionnels suffisent amplement pour les tout jeunes élèves. Les grands peuvent, du moins à certains moments, éprouver le désir d'éclairer un doute, de résoudre un problème personnel, d'orienter leurs efforts d'étudiants ou de jeunes chrétiens. Il est assez rare que de pareilles questions soient du domaine de la conscience. Lorsque le problème posé semble se rapporter plutôt à la direction spirituelle proprement dite, il ne faut pas hésiter à inviter le jeune homme à s'adresser à qui de droit, et il faut même lui faciliter cette démarche. En pareil cas, il est aisé de lui faire comprendre les raisons de notre conduite ; sa confiance en nous en sortira plutôt grandie. Retenons, en passant, cette remarque d'un éducateur : « C'est un fait d'expérience que l'on abat plus de besogne en dix minutes d'un entretien confiant que par vingt discours des mieux charpentés. » (P. LEDENT.)

Dans ce domaine des conversations plus intimes avec les jeunes gens, il est essentiel de respecter souverainement les règles de la prudence et de la délicatesse. En particulier, il faut être d'une discrétion totale, absolue. Jamais un jeune ne pardonne une indiscrétion au sujet des petites confidences qu'il a pu faire à l'un de ses maîtres. Sur ce point, nous devons donc être d'une fermeté intransigeante, pour nous-mêmes et pour tous ceux qui dépendent de nous.

 4. L'orientation scolaire.

Cette orientation a plus ou moins d'importance, actuellement, selon les pays. Elle semble gagner rapidement du terrain, un peu partout. Ceux qui sont bien au courant de ses procédés et de la valeur de ceux-ci la manient avec la prudence et la réserve qui s'imposent. Ils sont loin de procéder par ukases dans un domaine si délicat et d'une telle importance pour l'avenir des jeunes. C'est pourquoi le Chapitre invite nos Frères à suivre, éventuellement, des cours sérieux de spécialisation dans cette matière.

 5. Entraînement à l'usage de la liberté.

Le Chapitre suggère que « dans chaque milieu, on s'efforce de trouver et d'appliquer les meilleurs moyens pour entraîner progressivement les élèves au bon usage de la liberté et pour les initier à la vie sociale » (p. 288).

L'enfant, a-t-on dit, ne naît pas libre, mais libérable. En fait, cette éducation doit commencer dès les premières années, donc en famille ou à l'école maternelle. Quand l'enfant pénètre dans nos classes, il n'est pas un bolide qui tombe du ciel, mais il est déjà fortement marqué par des habitudes contractées à son insu, par la manière dont ses tendances natives ont évolué jusqu'à ce moment.

Avec tact et délicatesse, avec une prudence qui n'exclut jamais la fermeté requise, il nous appartient de guider nos élèves, à toutes les étapes de leur formation chez nous, dans l'acquisition progressive de la véritable liberté des enfants de Dieu. Tout système de discipline, qui pourrait tendre à briser la volonté des élèves, doit être rigoureusement écarté, tout comme le laisser-faire, l'abdication de l'autorité, là où il est de son devoir rigoureux d'intervenir.

Nous nous permettons de citer ici un passage d'une Lettre-circulaire de la Sacrée Congrégation des Séminaires et Universités sur la formation, des clercs ; elle se rapporte directement à la formation de grands jeunes gens, constituant déjà une élite ; la mise en garde, dont il est question, convient encore davantage dans la plupart de nos écoles : « Certes, elle est légitime et nécessaire l'œuvre de ceux qui, soucieux de créer chez leurs jeunes gens de solides et saines convictions, s'emploient à développer graduellement en eux le sens de la responsabilité personnelle, la capacité de jugement," l'esprit d'initiative tant individuelle que collective ; mais ce que l'on entend ici dénoncer comme délétère, c'est cette attitude passive de l'éducateur qui, en abdiquant son rôle de supérieur et renversant ainsi la vraie conception de la discipline, redoute qu'un ordre donné fasse tort à la personnalité de l'élève, comme s'il constituait une intervention indue dans le sanctuaire de la conscience d'autrui. Il s'agit d'une fausse position du problème, car c'est seulement au moyen d'une discipline austère que l'on peut atteindre à la pleine possession d'une forte personnalité, prête au sacrifice et à cet esprit d'abnégation qui est une qualité essentielle à exiger de ceux qui veulent suivre, sans compromission ni hypocrisie, Notre-Seigneur Jésus-Christ, jusqu'à partager avec lui, si c'est nécessaire, le calice de Gethsémani et l'immolation de la croix » (Cf. La Doct., Cath., 16 août 1959).

 6. Entraînement à l'apostolat.

Il se rattache nécessairement, dans une formation vraiment chrétienne, à la formation à la liberté. Nos jeunes ont leur place marquée dans la vie sociale qui les attend. Il importe de les y préparer. Pie XII indique clairement ce but social et apostolique de l'éducation chrétienne, quand il écrit au Congrès Interaméricain de l'éducation chrétienne, le 6 octobre 1948: « Mais l'éducation serait encore incomplète… si elle se contentait d'assurer le bien personnel des élèves ; elle doit, en outre, les préparer à exercer sur leur temps une influence salutaire et à rendre le monde meilleur. »

C'est dans cet esprit que la 8ième Commission émet le vœu e que l'Action Catholique soit la première organisation parascolaire dans l'école et que tous les Frères collaborent pour en assurer le succès e (Circ. Chap., p. 294).

Ce n'est pas le moment de reprendre les considérations de la Circulaire du 8 décembre 1956, toujours d'actualité. Mais, comme l'ont fait les capitulants, tant en réunion de Commission qu'en réunion plénière, nous voulons insister sur le but à atteindre : « C'est de former des éléments qui seront plus tard des militants de l'Action Catholique dans les paroisses et dans les mouvements catholiques spécialisés. » Cette organisation devrait être également une « pépinière de vocations religieuses et sacerdotales » (Circ. Chap., p. 289). 

 7. Les œuvres qu'il convient d'admettre.

Le Chapitre recommande différentes œuvres d'aspect social et apostolique, qui complètent la formation chrétienne et font preuve d'un zèle ardent et éclairé : Catéchisme aux enfants pauvres (et délaissés), Conférence de Saint-Vincent-de-Paul, Légion de Marie… Celle-ci, en particulier, a pris une grande importance en plusieurs diocèses et constitue une forme d'apostolat bien mariste.

Il faut encore noter que la 9° Commission a étudié plusieurs autres organisations qui peuvent devenir un excellent complément de formation personnelle, d'initiation apostolique et être comme une garantie de persévérance : scoutisme, colonies de vacances, sports, patronages, etc. Il convient de rappeler aussi que les capitulants ont tenu à proclamer que « les Amicales d'Anciens Elèves seront pour eux des œuvres de persévérance et de collaboration, et l'objet de leur préférence avant toute autre association » (Circ. Chap., p. 290).

Devant la multiplicité des œuvres proposées, plusieurs se demanderont sans doute spontané-ment : Mais quand pourra-t-on encore faire sérieusement la classe ? Quand les élèves auront-ils encore le temps d'étudier ? Et si les Frères doivent, outre leurs heures de classe, consacrer encore du temps à l'une ou à l'autre de ces œuvres, comment pourront-ils vivre intégralement leur vie religieuse, leur vie de Communauté ? Quelques remarques s'imposent à ce sujet.

a) Le zèle doit être illimité ; les tâches confiées à nos Frères ne peuvent être que limitées. Nous ne sommes pas directement responsables de tout le bien possible dans le monde. Une œuvre peut être excellente en elle-même ; mais si elle n'est pas « en harmonie avec notre but d'éducateurs religieux » (voir Circ., p. 303), il faut la mettre de côté. C'est ce qu'a fait notre Bienheureux Père qui refusa toute œuvre en dehors du but qu'il s'était proposé, même la sacristie de Fourvière. Nos Règles, qui nous transmettent son esprit, le prescrivent expressément : « Mais le zèle des Frères, pour être agréable à Dieu, avantageux au prochain et à la religion, doit être circonscrit dans les œuvres de leur vocation et réglé par l'obéissance » (art. 231).

C'est ainsi que le Chapitre, tout en admettant que certaines œuvres sont bien en harmonie avec notre but d'éducateurs chrétiens, ajoute quand même « que leur organisation est laissée au juge-ment et à la discrétion du Frère Provincial et de son Conseil » (Circ. Chap., p. 303).

Le rapport de la 8° Commission le dit clairement : « Trop souvent on se charge d'œuvres qui nous écartent de notre rôle propre, accaparent nos forces et nos activités au détriment de l'œuvre principale, des santés et souvent de la vie religieuse. Heureux encore quand ces activités ne sont pas en opposition directe avec notre état ou notre profession. Que d'énergies gaspillées ! Nous prions donc les Chers Frères Provinciaux d'être vigilants sur ce point. »

b) Même quand une œuvre est bien en harmonie avec notre but, elle ne doit pas être nécessairement établie (ou maintenue) dans telle ou telle école. Les possibilités ne sont pas partout les mêmes. Certaines œuvres peuvent fonctionner partout, parce qu'elles ne réclament pas une organisation compliquée ou qu'elles n'imposent aucune surcharge aux Frères, par exemple l'Apostolat de la Prière, qui est un excellent moyen d' « habituer les élèves à sanctifier leurs actions en les offrant à Dieu », comme disent nos Règles. Il suffit d'un peu de bonne volonté et de persévérance pour y initier les élèves et pour leur en faire pratiquer les trois degrés.

Pour d'autres œuvres, il faut tenir compte du personnel dont on dispose, du nombre des élèves, de leur âge, de leur milieu social. Mieux vaut quelques œuvres bien organisées, parfois même une seule dans une petite école, qu'un trop grand nombre pour lesquelles les Frères doivent sacrifier leur vie de Communauté, et qui, d'ailleurs, n'aboutissent généralement pas à des résultats satisfaisants.

En particulier, la mise en train d'une œuvre nouvelle ne doit pas dépendre uniquement du caprice, des goûts personnels, voire de l'audace apostolique d'un seul Frère. Surgie comme un champignon avec tel nouveau venu dans l'école, elle meurt quelques mois après le départ de son fondateur, pour céder peut-être la place à une organisation différente. Il est impossible de faire de l'apostolat sérieux avec ce manque de continuité. Essayons tout d'abord de faire vivre les œuvres qui existent avant d'en entreprendre de nouvelles, à moins qu'un jugement de l'autorité compétente ne détermine sans tarder une nouvelle orientation. Mais alors il appartient au Conseil de la Communauté de bien adapter les directives données aux besoins réels et à la situation particulière de l'école.

Notons que partout, dans tous les diocèses où l'Institut est établi, il nous faudra suivre les directives de l'autorité ecclésiastique en la matière. Les Frères auront toujours à cœur de donner l'exemple de la parfaite collaboration apostolique.

c) Enfin, il faudra tenir compte des exigences de l'enseignement et donc savoir se limiter pour les œuvres à ce seul point de vue. Ces exigences se rapportent au programme de travail qui est imposé aux élèves et à celui des Frères eux-mêmes. Il est clair que nos élèves doivent disposer du temps nécessaire et de la tranquillité requise pour faire de solides études, pour préparer sérieusement leur avenir, pour répondre aux sacrifices et aux légitimes désirs de leurs parents. Il n'y a pas lieu de rappeler que tous les Frères sont tenus de ne pas sacrifier leur vie religieuse pour maintenir certaines œuvres. Les Supérieurs y sont obligés plus fortement encore. Et l'on se souviendra toujours que des œuvres, confiées à des hommes insuffisamment intérieurs, sont d'avance vouées à la stérilité. « Sans Moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn, XV, 5).

d) Certaines œuvres requièrent une formation technique, sans laquelle il ne faudrait pas même songer à les organiser dans une école. « Qu'on ne charge de pareils mouvements que les Frères essentiellement religieux et bien formés par les stages nécessaires, » note à ce sujet la Circulaire du Chapitre (p. 302).

e) Il convient de noter également qu'une collaboration intelligente, durable, vraiment fraternelle, permet de maintenir un plus grand nombre de bonnes organisations dans les grandes écoles, transforme l'apostolat en un merveilleux travail d'équipe, assure la pérennité des œuvres en pré-parant la relève. Une œuvre, n'étant plus le fait d'un seul Frère, n'est pas condamnée à périr avec le départ de celui-ci. Et un meilleur rende-ment est alors possible, parce qu'il y a échange d'idées, et parce que l'union fait toujours la force.

f) Il n'est peut-être pas inutile de rappeler qu'en toute organisation supplémentaire notre but apostolique doit avoir sa place. S'il n'est pas directement prévu par le genre même de cette organisation, il convient que les Frères y pensent toujours, par exemple dans l'organisation des Foyers Universitaires, des colonies de vacances, des groupes sportifs, des patronages. Un idéal de zèle, d'apostolat authentiquement mariste, doit animer les Frères en tout ce qu'ils entreprennent, Il n'est pas inutile de méditer sur cette vérité fondamentale à une époque où le temps de plu-sieurs Frères est souvent consacré à des activités extérieures, comme les jeux et les sports, ou à des tâches qui exigent impérieusement de la part d'un apôtre du Christ de ne jamais oublier la primauté du spirituel, comme par exemple le grave problème de l'initiation des jeunes au bon usage du cinéma et de la télévision. 

III. – QUELQUES OBSERVATIONS GÉNÉRALES

SUR NOTRE APOSTOLAT

 A. Etendue de notre champ apostolique.

 Le champ dans lequel notre apostolat doit s'exercer a également attiré l'attention des capitulants, non seulement en ce qui concerne les œuvres parascolaires ou postscolaires, mais encore les différents genres d'enseignement possibles.

Dans le désir de mieux répondre aux besoins des âmes, de mieux correspondre aux nécessités de certains pays et aux volontés de l'Eglise, le Chapitre a cru rester dans les vues du Bienheureux Fondateur, en laissant ouverts à notre activité tous les degrés de l'enseignement, même l'enseignement supérieur, « pourvu que le besoin de cet apostolat se fasse sentir dans la région où l'on veut ouvrir une Université » (Circ. Chap., p. 299).

Il n'est pas du tout question d'abandonner l'école primaire. On insiste même particulièrement sur les écoles gratuites : ( Que chaque Province donne à ce problème la solution la plus compréhensive et la plus chrétienne. Qu'on ne craigne pas d'exagérer en favorisant la formation des pauvres. C'est notre façon à nous de travailler à la solution de la question sociale » (Circ. Chap., p. 295). Le Chapitre en a même fait l'objet de son premier statut : « Pour maintenir nos traditions de famille, on aura à cœur de faire aussi large que possible la part des enfants pauvres ou de condition modeste, ceci par des moyens adaptés aux pays : écoles gratuites, élèves admis gratuitement dans les écoles populaires, etc. » (Circ. Chap., p. 310).

Dans bien des pays, toutes les écoles primaires sont totalement gratuites et accessibles à toutes les classes sociales, sans aucune distinction. Parfois, elles ne sont pas assez chrétiennes, quand elles ne sont pas franchement hostiles à la religion. A côté d'elles peuvent alors exister des écoles dites libres, nettement catholiques, fondées par les autorités religieuses, et où les parents catholiques peuvent envoyer leurs enfants afin que la foi de ceux-ci soit protégée. Ces écoles sont tantôt gratuites, tantôt payantes, selon les fonds dont disposent les autorités qui les ont établies ou selon les subventions de l'Etat. De plus, il y a encore des pays où les écoles primaires font défaut pour les classes sociales les moins favorisées. Dans les deux cas, les Frères Maristes doivent avoir à cœur de favoriser de toutes leurs forces l'éducation et l'instruction des moins favorisés. Même s'il fallait renoncer à la fondation d'un collège payant, il serait dans nos traditions maristes d'accepter tout d'abord la charge d'une école dite pauvre.

Tous nos Frères trouveront d'ailleurs à manifester leur sympathie spéciale pour les moins favorisés dans n'importe quel genre d'école. Jusque dans les collèges les plus cotés, on peut trouver des élèves dont les parents s'imposent de très grands sacrifices pour que leurs enfants connaissent les inappréciables bienfaits d'une éducation totalement chrétienne. Le regard à la fois vigilant et affectueux d'un vrai éducateur a tôt fait de repérer tel ou tel élève qui se trouve dans ce cas : qu'il lui réserve la meilleure part de son dévouement, sans qu'on puisse le soupçonner. Dans certains cas, la direction de l'école peut favoriser délicatement ces familles. Un Frère, qui entend rester pleinement dans l'esprit du Bienheureux Champagnat, aura toujours dans le cœur une préférence pour les plus pauvres.

Le Chapitre a également attiré l'attention des Frères sur les écoles techniques et professionnelles : « Que les responsables des Provinces acquièrent des convictions plus profondes sur l'importance capitale de ce genre d'activité apostolique, si recommandée par les directives pontificales et qui cadre si bien avec notre esprit et notre champ d'apostolat » (Circ. Chap., p. 296). 

B. Les Missions.

 On peut dire que notre champ d'apostolat comprend les missions depuis nos origines. Le dernier Chapitre, répondant pleinement aux désirs de l'Eglise, nous invite tous à multiplier nos efforts dans les secteurs missionnaires, afin de préparer au plus tôt des chrétiens éclairés et convaincus. En ce moment, le problème missionnaire est devenu, dans la plupart des pays non encore christianisés, d'une gravité tellement exceptionnelle que l'Eglise nous le rappelle constamment. En certains pays, il semble qu'on ne puisse plus compter que sur un temps très limité pour y implanter solidement l'Evangile. Si l'on tarde trop, on risque de laisser passer l'heure de Dieu. C'est donc un champ largement ouvert aux âmes généreuses et qui sentent en eux la vocation missionnaire. Nous ne pouvons qu'encourager nos Frères, spécialement nos jeunes Frères, à entrer courageusement dans le mouvement vers les missions.

Le Chapitre souhaite « que chaque Province ait sa mission ou au moins fournisse du personnel à une mission » (Circ., p. 251). La charge de tout un secteur missionnaire risque de dépasser les possibilités en personnel d'une seule Province. Une collaboration vraiment fraternelle s'impose dans bien des cas ; elle permet parfois des réalisations magnifiques, qui paraissaient impossibles de prime abord. On peut regretter que cette collaboration n'ait pas toujours lieu, du moins pas au degré qu'on souhaiterait pour le bien des missions.

Enfin, si tous les Frères d'une Province ne peuvent pas s'expatrier pour aller en mission, tous peuvent et doivent contribuer à l'effort missionnaire de, l'heure actuelle, en développant l'esprit missionnaire dans les écoles, en stimulant la générosité des élèves en faveur des missions, en provoquant des prières et des sacrifices en faveur de telle ou telle mission. Le véritable zèle est toujours ingénieux. 

C. Le recrutement de vocations supérieures, spécialement de vocations maristes.

Le Chapitre a étudié sérieusement la question du recrutement. Nous n'allons pas reprendre ce qui a été dit à ce sujet, dans la Circulaire du Chapitre et dans le Bulletin de l'Institut. Nous nous contenterons de quelques conclusions, qui se dégagent de l'ensemble des échanges de vues sur ce thème important.

Tout d'abord, les possibilités de recrutement dans nos écoles sont partout plus grandes que certains Frères le pensaient. Les faits ne manquent pas pour le prouver.

La technique du recrutement a fait du progrès, surtout dans certains pays, quelquefois à la suite d'une collaboration fraternelle et constante entre les diverses familles religieuses, parfois même avec le clergé séculier. Il faut savoir utiliser cette technique. Mais il ne faut pas trop compter sur elle. Le facteur essentiel d'un bon recrutement doit toujours être cherché dans l'influence personnelle de chaque Frère et dans l'influence collective de toute la Communauté. Un seul Frère, qui serait nettement inférieur à sa vocation de religieux-éducateur, pourrait paralyser le travail du recrutement dans toute une école.

Il appartient donc à chacun d'entre nous de se poser les questions suivantes : « Quelle estime ai-je de ma vocation de Frère Mariste ? Quel amour ? Que suis-je prêt à sacrifier pour elle ? » Car la cause principale de la pénurie de vocations supérieures se trouve dans le manque de convictions profondes chez ceux qui, par leur exemple, devraient attirer les jeunes à la suite du divin Maître.

La responsabilité de chaque Frère est engagée dans le grave problème du recrutement de bonnes vocations. Chacun peut et doit se poser cette question si simple en apparence, mais dont la réponse est de nature à secouer bien des torpeurs ou des illusions : «Est-ce que mes exemples attirent ou repoussent les âmes que Dieu a marquées pour son service spécial ? »

Le recrutement vaut ce qu'il coûte. Le jour où chaque Frère de l'Institut prendrait à cœur d'être totalement fidèle à sa vocation, nous n'aurions pas à craindre de périr faute de sujets, même si nous devions partir, dans tel secteur, du zéro absolu. Et des légions de prêtres et de religieux sortiraient de nos centaines d'écoles. Ne serait-ce pas là le plus beau fleuron de l'apostolat mariste ? Et ne serait-ce pas là le meilleur moyen de hâter la canonisation de notre Bienheureux Fondateur ? 

EN GUISE DE CONCLUSION

 Il nous semble que la meilleure conclusion à ces remarques sur notre but apostolique nous est offerte par la belle Prière du maître, composée par S.S. Pie XII vers la fin de 1957. Le plan en est très simple. Après une humble invocation au Maître des maîtres pour que nous devenions nous-mêmes des maîtres catholiques dignes de ce beau nom, viennent trois demandes : plus de lumière, car notre mission est une des plus difficiles qui soient ; plus de facilité à nous adapter à tous les âges et à toutes les situations ; et surtout plus d'amour, le véritable amour surnaturel dans toute son extension et dans toute sa profondeur. La prière se termine par une filiale invocation à Marie, éducatrice de Jésus adolescent. 

LA PRIÈRE DU MAITRE

 (par S. S. Pie XII).

 O Verbe incarné, Maître des maîtres, notre Jésus très aimable, qui avez daigné venir au monde pour indiquer aux hommes avec votre infinie sagesse et votre inépuisable bonté le chemin du ciel, écoutez avec bienveillance les humbles prières de ceux qui, en suivant vos pas, veulent être des maîtres catholiques dignes de ce nom, en montrant aux âmes les sentiers sûrs qui conduisent vers vous et par vous à la félicité éternelle.

Accordez-nous la lumière, non seulement pour éviter les embûches et les pièges de l'erreur, mais aussi pour pénétrer la vérité jusqu'à parvenir à cette lumière de clarté, grâce à laquelle ce qui est le plus essentiel devient le plus simple, et dès lors le plus adapté aux intelligences mêmes des enfants, dans lesquels spécialement se reflète votre divine simplicité ; visitez-nous avec le secours de votre Esprit créateur, afin que nous puissions dûment enseigner, quand nous en recevons le mandat, la doctrine de la foi.

Accordez-nous de pouvoir nous mettre à la portée des intelligences non mûres de nos élèves, pour seconder leurs belles et fraîches énergies, pour comprendre leurs défauts, pour supporter leurs turbulences, pour nous faire petits nous-mêmes sans abandonner la chaire de notre devoir, en vous imitant, ô Seigneur, qui vous êtes fait comme l'un de nous sans quitter le trône très haut de votre divinité.

Mais surtout comblez-nous de votre Esprit d'amour : amour pour vous, Maître unique et bon, pour nous immoler dans votre service ; amour pour notre profession, pour la voir comme une vocation très noble et non comme un emploi commun ; amour pour notre sanctification, comme source principale de notre travail et de notre apostolat ; amour pour la vérité, pour que jamais nous ne nous en éloignions délibérément ; amour pour les âmes que nous devons modeler et former au vrai et au bien ; amour pour nos élèves, pour en faire des citoyens exemplaires et des fils fidèles de l'Eglise ; pour nos très chers enfants et jeunes gens, avec un vrai sentiment d'une paternité plus élevée, plus consciente et plus pure que celle qui est simplement naturelle.

Et vous, Mère très sainte, Marie, sous le regard aimant de qui Jésus adolescent croissait en sagesse et en grâce, intercédez pour nous auprès de votre divin Fils, obtenez-nous l'abondance des grâces célestes, afin que notre travail rejaillisse en honneur et gloire de ce Fils qui, avec le Père et l'Esprit-Saint, vit et règne dans tous les siècles des siècles.

Ainsi soit-il !

 (Ind. 1 000 j. chaque fois, 28-XII-1957). Texte italien dans l'Osservatore Romano du 29-XII-1957.

Texte français dans la Documentation Catholique du 19-I-1958.  

Célébration de la fête

du Bienheureux Fondateur

 Le 6 juin 1960 coïncidant avec le lundi de la Pentecôte qui est privilégié, un Indult a été demandé à la Sacrée Congrégation des Rites pour pouvoir transférer la fête du Bienheureux Fondateur à une autre date, pour 1960 seulement.

 Romæ, die 18 Septembris 1959.

 SACRA CONGREGATIO

            RITUUM

 PROT. N. I. 31/959

 INSTITUTUM PARVULORUM FRATRUM MARIÆ

 Petitioni Rev.mi Fratris Procuratoris Generalis Instituti Parvulorum Fratrum Mariæ-

circa celebrationem festi Beati MARCELLINI CHAMPAGNAT Confessoris, fundatoris eiusdem Instituts, die 1 Junii anno proximo 1960 tantum, firmis clausulis decreti J. 8/958.

 Sacra Rituum Congregatio, omnibus mature perpensis, respondit :

Pro gratia juxta preces : servatis de cetero servandis.

Contrariis non obstantibus quibuslibet.

(Place du Sceau) Henricus DANTE, S.R.C. Prot. 

On peut donc célébrer, en 1960, la fête du Bienheureux Fondateur le 1ier juin ou le dimanche précédent, 29 mai, en vertu du Décret J/8/958 mentionné à la page 203 de la Circulaire du 24 mai 1958. On pourrait aussi, en certains lieux où ce serait avantageux, la célébrer le 13 juin, premier jour libre après l'Octave de la Pentecôte.

Le calendrier religieux pour 1960 indique le 6 juin parce qu'à son impression, l'Indult ci-dessus n'était pas encore arrivé. Il y a donc lieu de corriger, tant pour la fête que pour la neuvaine préparatoire. 

Nouvel office, de la Sainte Vierge

 Après la décision du XV° Chapitre Général d'adopter le nouvel Office de la Sainte Vierge, qui devait être préparé avec l'approbation de la S.C. des Religieux, beaucoup ont caressé l'espoir que le volume attendu serait bientôt prêt.

Mais nous nous sommes vite rendu compte qu'il faudrait du temps pour que la composition de cet Office soit aussi parfaite que possible. Des contacts assez fréquents avec l'Abbaye qui en est chargée nous ont permis de constater le sérieux du travail entrepris, et d'entrevoir également la richesse liturgique de ce nouveau texte.

L'édition latine de base est à peu près achevée et paraîtra sans doute en janvier-février 1960. Aucune édition de cet Office n'a été prévue en langue vulgaire seulement. Les éditions bilingues qui, en général, nous conviennent mieux, se préparent activement, mais aucune ne pourra être prête avant plusieurs mois.

J'espère que la Circulaire de mai prochain pourra donner plus de précisions. En attendant, continuons de bien réciter notre Office actuel. Prions également pour tous ceux qui collaborent à la composition de cet Office ; ils font certainement de leur mieux. 

Erection d'un district autonome

V.J.M.J.

Saint-Genis-Laval, le 5 juillet 1959.

      TRÈS SAINT-PÈRE,

Le Supérieur Général de l'Institut des Frères Maristes des Ecoles, humblement prosterné aux pieds de VOTRE SAINTETÉ, expose ce qui suit :

Les Provinces du Brésil Septentrional et du Brésil Méridional ayant établi des écoles prospères et des maisons de formation au Portugal, au Mozambique et en Angola, il apparaît aujourd'hui nécessaire et avantageux de former un District autonome comprenant ces pays de nationalité portugaise.

Le Conseil Général ayant émis un vote unanimement favorable à cette proposition, l'Indult requis est respectueusement sollicité pour l'érection du District Autonome de Portugal-Mozambique-Angola, avec un Frère Visiteur et un Conseil de District de quatre Membres nommés par le Conseil Général et ayant les pouvoirs d'un Conseil Provincial.

 Et que Dieu…  

RÉPONSE DE ROME :

SACRA CONGREGATIO DE RELIGIOSIS

PROT. N. 975/59

Vigore facultatum a Ssmo Domino Nostro concessarum, S. Congregatio Negotiis Religiosorum Sodalium præposita, attentis expositis, benigne adnuit pro gratia iuxta preces, dummodo omnia habeantur quæ iure requiruntur.

Contrariis quibuslibet non obstantibus.

Datura Romae, die 28 augusti 1959.

(Place du Sceau)          B. VERDELLI, Subst. 

 En vertu des pouvoirs concédés par Notre Très Saint-Père, la Sacrée Congrégation préposée aux Affaires des Ordres Religieux, vu les faits exposés, accorde bénignement la faveur selon la demande, étant sauvegardées les prescriptions du Droit.

Nonobstant toutes choses contraires.

Donné à Rome, le 28 août 1959. B. Verdelli, Subst.  

Elections

Le Conseil Général a élu :

a) Dans la séance du 15 octobre 1958 :

Pour un premier triennat :

C.F. QUENTIN, Provincial de SYDNEY.

b) Dans la séance du 4 juin 1959 :

Pour un deuxième triennat :

C.F. PEDRO MARCELO, Provincial du PÉROU. Pour un premier triennat :

C.F. ROGER THÉOPHANE, Provincial de NOUVELLE-ZÉLANDE.

c) Dans la séance du 6 juin 1959 :

Pour un premier triennat:

C.F. LÉON ALFONSO, Provincial de LEON.

d) Dans la séance du 10 septembre 1959:

Pour un premier triennat :

C.F. OLIVIER, Provincial d'IBERVILLE.

C.F. JOAO BENJAMIN, Visiteur du District autonome de PORTUGAL – MOZAMBIQUE –

ANGOLA.

e) Dans la séance du 23 septembre 1959 :

Pour un deuxième triennat :

C.F. CONRAD JAMES, Provincial de GRANDE-BRETAGNE – IRLANDE. 

LISTE DES FRÈRES

 dont nous avons appris le décès

depuis la circulaire du 24 mai 1959

 

Date Nom et âge des Défunts                      Lieu de Décès                          date du Décès

 

F. Terence Patrick      29     Profès perp.    Auckland (N.-Zélande)             26 avr. 1959

F. Louis Euthyme        67     Stable              New York (Etats-Unis)             12 mai  »

F. Andrés Vicente       30     Profès perp.    Pachuca (Mexique)                  16 » »

F. Pablo Ricardo         61     »                       Burgos (Espagne)                   19 » »

F. Aidant                       78     Stable              Porto Alegre (Brésil)                30 » »

F. Francis Regis          83     »                       Kinharvie (E cosse)                 4 juin »

F. Publie                       81     »                       N.-D. de Lacabane(France)    22 » »

F. Diodore                    44     Profès perp.    Aosta (Italie)                             24 » »

F. Joseph-Adjutor        76     »                       N.-D. de l'Hermitage (France)    4 juil. »

F. Gérard-Joseph        78     Stable              Beaucamps (France)              8 »    »

F. Ernest-Léopold       55     Profès perp.    Château-Richer (Canada)      8 »    »

F. Serafino Maria        39     »                       Zaragoza (Espagne)               9 »    »

F. Hyacinth Mary          61     »                       Eagle Heights (Australie)        19 » »

F. Lucidius                   87     »                       N.-D. de l'Hermitage (France.)    20 » »

F. Marie-Azarie           78     Stable              Saint-Genis-Laval (France)    21 » »

F. Marie-Firmin            70     Profès perp.    Recife (Brésil)                          5 août »

F. Augustus                  74     Stable              St-Paul-Trois-Châteaux (France)10 »              »

F. Melchior-Plâcido     52     »                       Natal (Brésil)                             10 » »

F. Paul-Félicien           54     »                       Fortaleza (Brésil)                     19 » »

F. Marie-Libérien        91     »                       Saint-Genis-Laval (France)    31 » »

F. Veremundo              74     »                       Lujân (Argentine)                      2 sept. »

F. Marie-Esdras          78     »                       Mendes (Brésil)                        7 »    »

F. Nazarius Joseph     80     »                       Auckland (N.-Zélande)             9 »    »

F. Armand-Léon          81     »                       Furth (Allemagne)                    14 » »

F. Edmond-Paul          79     »                       Beaucamps (France)              16 » »

F. Mary Dominic          87     »                       Pietermaritzburg (Afr. duSud)   16 » »

F. Mâximo                    82     »                       Popayân (Colombie)               24 » »

F. Isidoro Miguel          57     Profès perp.    Tuy (Espagne)                          5 oct. »

F. Bernardin de Sienne  65    Stable              Mont-Saint-Guibert (Belgique)    13 oct. »

F. Luke Mary                72     »                       Auckland (N.-Zélande)             15 » »

F. Leudomire               80     »                       Johannesburg (Afrique duSud)15 » »

F. Alphius                     68     »                       Stanleyville (Congo Belge)     26 » »

F. Acace                       73     Profès perp.    N.-D. de l'Hermitage (France)   31 » »

F. Ceciliano                 78     Stable              Burgos (Espagne)                   1 nov. »

 

 

La présente circulaire sera lue en communauté à l'heure de la lecture spirituelle.

Recevez, mes bien chers Frères, l'assurance du religieux et affectueux attachement en J.M.J. de Votre humble et tout dévoué serviteur,

Frère CHARLES-RAPHAEL, Supérieur Général.

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