Circulaires 352

Charles-Raphaël

1960-12-08

. . Vœux et souhaits
II. Nos Règles Communes. Nos Règles Communes dans le passé. Le Chapitre Général de 1958 et la nouvelle édition des Règles Communes
Amour et Règles. Fidélité aux Règles. Prudence et Règles. Conclusion
III. Office marial
IV. Documents: Dédoublement de la Province de Lévis. Erection du District autonome des Philippines
V. Elections
VI. Liste des décès

352

V. J. M. J.

 Saint-Genis-Laval, le 8 décembre 1960,

Fête de l'Immaculée-Conception.

Vœux et souhaits

        MES BIEN CHERS FRÈRES,

Avant que la présente Circulaire arrive dans toutes les communautés, nous écrirons déjà 1961. En ces jours de fête : Noël, Nouvel An, Epiphanie, qui marquent la fin d'une année civile et le commencement d'une autre, dans toutes les familles, on se présente mutuellement des vœux de santé et de bonheur. Nous faisons de même. Mais nos pauvres vœux humains seront tout chargés de sens surnaturel. Le chrétien est un homme qui n'oublie jamais, ni sa propre destinée éternelle, ni celle de tous ceux que Dieu lui a confiés.

Puissions-nous tous vivre dans cette solide paix intérieure, qui nous permet de rester calmes, en ces temps que tous s'accordent à considérer comme troublés ! Que dans toutes nos communautés règne cette belle vie de famille que notre Bienheureux Fondateur a si ardemment désirée pour tous les siens ! Qu'un grand esprit d'union et de collaboration fraternelles nous permette d'exercer une action heureuse sur tous nos élèves, sur nos anciens élèves, sur tous ceux qui nous voient à l’œuvre ! Que les bonnes vocations, sacerdotales ou religieuses, se multiplient dans toutes nos écoles !

La moyenne de la vie humaine augmente sensiblement dans la plupart des pays. Par le fait même, outre que nous avons toujours quelques malades ou infirmes dans chaque Province, nous avons dans nos rangs, un nombre bien plus grand qu'autrefois de Frères « anciens ». Tous ne sont pas obligés au repos dans une maison de retraite. Tant qu'ils le peuvent, ils résistent vaillamment à la fatigue de l'âge et rendent service dans la mesure de leurs forces ; tous continuent à être apôtres par la prière, la régularité, l'acceptation courageuse de leurs souffrances, et même par la bonne humeur. Nous tenons à les remercier de la grande leçon de fidélité qu'ils nous donnent. Et nous voulons profiter de cette occasion pour leur dire toute notre affection fraternelle.

La persécution n'a jamais manqué à l'Eglise. Dans notre Congrégation, répandue dans le monde, il y a toujours quelque secteur éprouvé. Les formes de cette persécution sont bien multiples. De nos jours, il est rare qu'elle soit violente. Elle est le plus souvent « psychologique », et exige, par le fait même, des nerfs solides et une immense confiance en Dieu. Songeons à ceux des nôtres qui comptent particulièrement sur l'aide de nos prières.

Il resterait à dire un mot de nos missions. Grâce à Dieu, en dépit de certaines incompréhensions et d'oppositions diverses, l'esprit missionnaire reste intact dans notre Congrégation. Nous souhaitons du courage et de la constance à nos missionnaires, à ceux surtout qui passent par des heures difficiles ou même angoissantes. Nous exprimons le désir ardent que les « volontaires » pour les missions ne manquent pas dans nos rangs. Nous aurons une intention toute spéciale pour ceux des nôtres qui sont complètement coupés de toutes relations avec leur famille religieuse depuis de longues années déjà. Leur sacrifice doit être fécond.

Faut-il ajouter que nous devons penser, plus que jamais, à prier et à travailler selon les intentions de Notre Saint -Père le Pape ? N'oublions pas de les rappeler discrètement à nos élèves comme à nos anciens élèves, de les commenter intelligemment, de favoriser ainsi le développe-ment du véritable sens catholique en eux.

Enfin, nous serait-il permis de vous engager tous, bien chers Frères, à prier, de temps en temps, pour les besoins de l'administration, tant provinciale que centrale ? Cette administration se complique rapidement ; pas seulement chez nous : c'est un fait général. D'autre part, le personnel qui l'assure ne devient guère plus nombreux. On hésite toujours à retirer des Frères de leur mission normale d'éducateurs pour les consacrer à ce travail, nécessaire sans doute, mais monotone et ingrat. D'autre part, des problèmes difficiles se présentent parfois ; les responsables hésitent, peuvent être tentés de se laisser aller au découragement. Nous savons que l'affection fraternelle ne leur est jamais refusée. Mais ils ont également besoin de lumière et de force.

Daignent Notre-Dame et notre Bienheureux Fondateur nous bénir tous, d'une façon particulière, pendant le cours de la nouvelle année ! 

Nos Règles Communes

 Les capitulants de 1958 avaient voté la résolution suivante : «Le Chapitre Général donne au Conseil Général, aidé de ceux qu'il jugera opportun de consulter, la mission de travailler à une rédaction améliorée des Règles Communes » (Circ. du Chapitre, p. 246).

Dans les échanges de vues qui avaient précédé ce vote, on avait entrevu, pour réaliser ce travail difficile, une « manière de faire », que les circonstances devaient modifier dans la suite. Il est certain que le dernier Chapitre a touché à bien des points de notre vie religieuse et apostolique ; il a mis en avant bien des projets de réforme, dont quelques-uns étaient assez facilement réalisables, mais dont d'autres exigeraient, au préalable, une « mise au point » longue et délicate. Comme les capitulants ne pouvaient prolonger leur séjour hors de leur Province, ils se sont souvent contentés de laisser aux membres du Conseil Général le soin de finir ce qui n'avait été qu'ébauché. Malgré leur bonne volonté, ceux-ci ont dû se contenter de faire de leur mieux. Ils ont d'autres devoirs d'état, et ceux-ci sont souvent urgents. De plus, les visites dans les Provinces ont parfois éloigné de la Maison Généralice la plupart des Frères Assistants.

En particulier, le travail sur les Règles Communes a pris un temps exceptionnellement long. Une Commission, choisie au sein du Conseil Général, a repris méthodiquement tout ce qui avait été fait antérieurement sur les Règles, l'a de nouveau étudié et discuté, a pris un vote de sondage dans les cas de divergences d'opinions, a proposé ensuite au Conseil Général le résultat de ce travail. Et c'est également par un vote du Conseil que l'on a adopté finalement le nouveau texte de nos Règles Communes.

L'édition française ne tardera pas à être mise à la disposition des Frères. Les traductions nécessaires suivront rapidement.

A l'occasion de cette nouvelle édition de nos Règles Communes, nous nous proposons :

1° De faire une petite esquisse historique de nos Règles dans le passé ;

2° De signaler les difficultés et les dangers que l'on peut rencontrer dans une révision des Règles, ainsi que les traditions fondamentales qu'il faut toujours maintenir en pareil cas ;

3° L'esprit qui doit nous guider dans l'observance et l'interprétation de nos Règles. 

I. – NOS RÈGLES COMMUNES DANS LE PASSE

 Rédaction progressive de nos premières Règles.

 Dès les premiers jours de l'Institut, les Frères ont eu un « Règlement de vie », partageant leur temps entre la prière, le travail manuel et l'étude (Vie du Bienheureux M. Champagnat, par le F. JEAN-BAPTISTE, p. 90). En 1819, après l'élection d'un directeur au scrutin secret et l'adoption d'un costume caractéristique, ce Règlement devait prendre une forme plus précise (Vie, p. 95-96).

En homme prudent, le Bienheureux Fondateur ne rédigea pas une Règle complète dès les débuts. Comme le note son biographe : « …les premières Règles furent en petit nombre… et il ne les donnait qu'à titre d'essai… Il ajouta ensuite, chaque année, les articles de détail dont les circonstances et l'accroissement de l'Institut démontrèrent la nécessité ou l'utilité. Avant de les admettre, quoiqu'il les eût lui-même longtemps médités, il les soumettait à l'examen et à l'approbation des principaux Frères, qu'il réunissait en conseil ou qu'il consultait en particulier. Ainsi, ce n'était qu'après avoir pris les avis de chacun d'eux, et pesé les observations de tous, qu'il adoptait les articles en discussion… Son intention, en agissant ainsi, était de s'éclairer et de n'adopter que des règles que l'on observerait sans trop de difficulté » (Vie, p 227-228).

Notons, au passage, cette attitude fondamentale de prudence : « des règles que l'on observerait sans trop de difficulté ». Cette prudence fait penser à celle de saint Jean Bosco, disant à Pie IX, au sujet des Règles de son Institut : « Les Règles ne sont que la transcription sur le papier, de vingt années d'expérience. C'est de la vie codifiée ». 

Edition de 1837.

 Après cette longue période d'essai de la part des Frères, le Bienheureux Fondateur se décida à faire imprimer les Règles de son Institut. « Quand toute la Règle eut été ainsi discutée, il la remit à des hommes sages et savants pour l'examiner. Après l'avoir lue avec soin, ils n'y trouvèrent rien à corriger ; seulement elle leur parut n'être pas assez complète. C'est que, dans cette première édition, le Père Champagnat n'avait pas cru devoir faire entrer une foule de règles de détail, qui, bien qu'en usage dans l'Institut, avaient encore besoin de la sanction du temps avant d'être adoptées définitivement… Il aima mieux laisser la Règle imparfaite, comme il l'a déclaré en tête de la première édition, que d'y introduire plusieurs articles que l'on pratiquait déjà, et qu'il voulait conserver, mais qui pouvaient avoir besoin de quelques modifications, avant de recevoir le cachet de la stabilité. Sur son lit de mort, il dit au Frère François, son successeur, qu'il «lui donnait tous ses pouvoirs pour terminer et pour fixer irrévocablement, avec le Chapitre Général, les Règles Communes, les Règles du Gouvernement, celles qui concernent la direction des écoles et la méthode d'enseignement » (Vie, p. 228-229).

Cette édition de 1837 comporte onze chapitres. Elle comprend un extrait des Statuts de la Société, le règlement et l'ordre de la journée, des règles particulières pour la petite classe, quelques règles de gouvernement, des moyens d'entretenir la piété et la régularité, des règles de conduite dans les différents rapports des Frères, etc. … Le livre renferme, en outre, des indications pratiques sur la méthode d'oraison, une instruction sur le compte de conscience, les commandements religieux et les moyens de perfection, la Lettre de saint Ignace sur l'obéissance, ainsi qu'un petit choix de prières.  

L'édition du Chapitre Général de 1852.

 Nous connaissons l'importance exceptionnelle de ce Chapitre qui devait réaliser pleinement le vœu du Bienheureux Fondateur, en fixant la législation de l'Institut. La Circulaire du 10 juillet 1852 annonce que le Chapitre Général a arrêté définitivement les Règles, qui conservent les principes et l'esprit du Fondateur. «Bien plus, ajoute le vénéré Frère François, nous avons l'intime conviction que ces Règles ne contiennent rien qui ne soit de lui, qu'elles ne sont que le résumé, le précis de ses enseignements et des instructions qu'il nous a faites sur ce sujet pendant plus de vingt ans ». Dans cette même Circulaire, le vénéré Frère François donne une rapide analyse des trois parties dont se compose la Règle, et qui seront également celles des éditions qui suivront. Il fait remarquer comment la seconde partie, qui traite des vertus, contient tout particulièrement l'esprit du Bienheureux Fondateur.

Ces Règles furent imprimées l'année même, en 1852, sous le titre : RÈGLES COMMUNES DE L'INSTITUT DES PETITS FRÈRES DE MARIE. On peut bien les considérer comme étant nos Règles définitives, car les retouches ultérieures n'ont jamais modifié l'essentiel de leur contenu.

Les éditions de 1881 et de 1893 peuvent être considérées comme de simples réimpressions sans changements notables. 

L'édition de 1905.

 Dans cette édition, les Règles Communes et les Règles du Gouvernement constituent un seul volume. Il y a relativement peu de modifications aux Règles Communes. On s'est simplement contenté de les mettre en harmonie avec les Constitutions, que le Saint-Siège venait d'approuver en 1903. 

L'édition de 1923.

 Le Directoire est de nouveau scindé en deux volumes, celui des Règles Communes et celui des Règles du Gouvernement. Le Chapitre de 1920 avait prévu un certain nombre de modifications à introduire dans les Règles Communes : exigence d'adaptation au nouveau Code de Droit Canonique ; besoin de tenir compte des situations différentes des pays où la Congrégation était établie ; convenance d'adoucir des expressions trop absolues ou de tendance rigoriste ; insertion d'un chapitre sur la simplicité. C'est au Conseil Général qu'avait été confié le soin de mettre la dernière main à ce travail, puis de publier les nouvelles Règles qui parurent en 1923.

Notons que le Chapitre de 1932 ne toucha pas aux Règles proprement dites, mais qu'il donna une série de vingt-cinq Statuts capitulaires, qui devaient être observés jusqu'au Chapitre Général suivant. Publiés en un petit fascicule, ces Statuts furent ajoutés aux Règles du Gouvernement. 

L'édition de 1947.

 Elle est connue de tous. Préparée par le Chapitre Général de 1946, elle fut éditée par le Conseil Général en 1947. La lettre de présentation indique les principales modifications apportées. Celles-ci affectent surtout le chapitre sur la simplicité, ainsi que les Règles des Frères chargés d'un emploi manuel. De plus, il y a un chapitre nouveau, celui sur le vœu de stabilité. D'autre part, le même Chapitre Général avait donné une série de quinze Statuts capitulaires, obligatoires jusqu'au Chapitre Général suivant, et publiés en un fascicule à part, comme en 1932. 

II – LE CHAPITRE GÉNÉRAL DE 1958

ET LA NOUVELLE ÉDITION

DES RÈGLES COMMUNES

 Il serait trop long, et d'ailleurs inutile, de raconter dans le détail comment a été préparée cette nouvelle édition. Le Conseil Général y avait travaillé longtemps, avant septembre 1958. Les capitulants, surtout ceux de la Commission spéciale qui avait été chargée de ce travail, firent de leur mieux pour dépouiller et utiliser les quelque huit cents notes concernant directement les Règles Communes.

Après le Chapitre, le travail sur les Règles fut continué par une Commission composée de membres du Conseil Général, et quelquefois dans les séances proprement dites de ce même Conseil. Devant l'impossibilité, pour des raisons diverses, de réunir pendant un temps suffisant d'autres Frères compétents à la Maison généralice, on dut se contenter d'envoyer le travail déjà fait à des Frères de plusieurs Provinces. Les suggestions ne manquèrent pas. Comme il va de soi en pareil cas, les avis divergeaient parfois notablement sur bien des points, et il était pratique-ment impossible de tenir compte de toutes les observations ou remarques. Finalement, le manuscrit des nouvelles Règles fut envoyé à la Sacrée Congrégation des Religieux. Celle-ci donna son approbation par un Rescrit du 12 septembre 1960, signé par Son Eminence le Cardinal Valerio VALERI et par le Révérendissime Père Paul Philippe, Secrétaire de la Sacrée Congrégation des Religieux.

Ce ne sont pas de nouvelles Règles Communes : c'est seulement une nouvelle édition, bien que certains changements puissent frapper tout d'abord. Trois nouveaux chapitres ont été ajoutés sur la demande des capitulants : sur l'amour de Dieu, qui, avec l'esprit de foi, doit informer toute notre vie religieuse ; sur la dévotion au Bienheureux Fondateur, un chapitre que tous les Frères attendaient un peu ; sur la formation des Frères, en tenant compte, dans la mesure du possible, de la situation actuelle dans nos Provinces.

L'ensemble des Règles Communes a été divisé en deux parties : I. Vœux et Vertus ; II. Vie commune et rapports divers.

Le travail que les capitulants avaient confié au Conseil Général présentait des difficultés très grandes. On pouvait se placer, dans cette révision des Règles, à bien des points de vue. Avant et pendant le Chapitre Général, on avait fait à ce sujet des suggestions multiples. Plusieurs Frères, consultés après le Chapitre Général, comme nous l'avons dit plus haut, avaient présenté explicitement leur manière de voir… Il fallait nécessairement choisir un point de vue. Et dans tout choix, il y a exclusion d'avantages possibles, et il y a un risque.

Toutefois, les grandes lignes du travail à faire étaient déjà tracées. L'Eglise avait donné de multiples directives ; les capitulants eux-mêmes avaient insisté sur certains points, on peut dire à la quasi unanimité. Mais l'exécution totale da travail imposé au Conseil Général présentait encore beaucoup de difficultés de détail. Le point de vue adopté dans la pratiqué peut être résumé ainsi : introduction des additions et des changements prévus en gros par des notes ou des suggestions massives du dernier Chapitre ; faire les retouches de détail qui paraissaient répondre à la grande majorité des désirs ou simplement correspondre le mieux à la situation actuelle de nos Frères ; mais, en tout, respecter toujours l'esprit même de notre Congrégation, l'esprit voulu par le Bienheureux Fondateur, rester fidèles aux traditions fondamentales dans notre famille.

Quelles sont ces traditions fondamentales ? 

Nos TRADITIONS A CONSERVER.

 Doit être considéré comme fondamental dans notre Congrégation tout ce qui touche de près ou de loin, à l'esprit même de la Congrégation, tout ce qui tend à faire de la Congrégation ce qu'elle doit être, selon l'esprit qui a présidé à sa fondation.

Comment le Bienheureux Marcellin Champagnat a-t-il été amené à fonder notre Institut ? Il y eut, chez lui, en tout premier lieu, un souci apostolique : il voulait à tout prix catéchiser les enfants, surtout ceux de la campagne, dont il connaissait si bien la situation, ceux qui, sans doute, étaient alors les plus délaissés. La pensée de fonder un Institut religieux a suivi presque immédiatement, la vie religieuse seule pouvant soutenir le dévouement apostolique des Frères, unifier leurs efforts, assurer leur persévérance dans une mission à la fois obscure et exigeante. C'est dans ces deux directions qu'il faut chercher ce qui est essentiel dans l'Œuvre du Bienheureux Fondateur. 

Spiritualité qu'il propose à ses Frères :

 a) Elle est née à l'école de Notre-Dame. La spiritualité proposée par le Bienheureux a été nettement mariale dès les premiers jours de la Congrégation. Il n'est pas seulement question d'un catéchisme du samedi, ou du jeûne du samedi, ou de telle ou telle pratique de piété. C'est toute la vie des Frères qui doit être imprégnée de l'esprit marial.

b) Dans cette dévotion mariale, une place à part est faite aux vertus de « Nazareth », aux vertus d'humilité, de simplicité et de modestie, parfaitement en rapport avec le genre de vie prévu pour les Frères comme avec la nature de leur apostolat. Il s'agit de cette humilité d'effacement, radicalement opposée à tout ce qui est « spectaculaire », celle qui coûte probablement le plus à la majorité des hommes.

c) Il faut y ajouter une vie communautaire intense, avec un esprit de famille aussi développé que possible, précisément pour soutenir le dévouement des Frères, pour rendre leur vie possible et aimable. Peut-être convient-il de rappeler, en passant, cet aspect communautaire spécial de notre vie mariste, alors que plusieurs dispositions ou tolérances, bien fondées d'ailleurs, pourraient tendre à isoler davantage les membres de certaines communautés : chambres personnelles, délaissement des salles d'étude, etc. … 

Vie apostolique des Frères :

 Il y a un certain parallélisme entre les notes essentielles de celle-ci et de la précédente.

a) L'apostolat des Frères doit toujours être nettement marial. Notre devise embrasse toute notre activité : Tout à Jésus par Marie ; tout à Marie pour Jésus. Ce recours perpétuel à Marie guide les Frères dans tous leurs efforts, leur inspire confiance dans toutes les situations. Marie est bien leur Ressource Ordinaire, aujourd'hui comme hier. Et en cela, nous n'entendons pas faire des comparaisons avec d'autres familles religieuses ; nous ne voulons pas dire que cette note mariale nous est « réservée ». En fait, d'autres Instituts ont également une dévotion sans limites à la Très Sainte Vierge. Tant mieux ! Mais nous ne devons pas, nous ne voulons pas renoncer, dans toutes les manifestations si diverses de notre apostolat, à cette noblesse mariale, qui remonte à nos origines, à notre Bienheureux Père.

b) Dans notre apostolat, nos préférences iront toujours vers les humbles. Jadis, c'étaient les enfants des campagnes. Aujourd'hui, les plus pauvres, les plus abandonnés peuvent se trouver au sein des grandes villes, sans parler de la plupart des missions proprement dites. Et il convient de se rappeler, comme il est dit dans la Circulaire du 8 décembre de l'année dernière, qu'on peut trouver des «pauvres » jusque dans les collèges les mieux cotés (p. 416). Il est hors de doute que le Bienheureux Père doit avoir une prédilection marquée pour les « humbles », et, par le fait même, pour tous ceux qui s'occupent avec amour de ceux que d'autres sont tentés de délaisser.

c) Enfin, dans l'exécution de leur mission apostolique, les Frères veilleront à écarter le trop brillant, la réclame tapageuse, et rechercheront toujours le solide, le durable, ce qui doit préparer le mieux les élèves à la vie qui les attend ici-bas et à leur éternité. Il est clair que nous sommes souvent obligés de tenir compte des exigences normales du milieu dans lequel se déploie notre activité ; on ne peut pas comparer pays à pays, ville à ville. Mais la tendance fondamentale à faire « le bien sans bruit » doit subsister partout.

Voilà ce qui a certainement inspiré et guidé notre Bienheureux Fondateur quand il a médité et réalisé progressivement son Œuvre. Voilà certainement ce qu'il a voulu, envers et contre tous, jusqu'au terme de sa vie. Voilà ce qu'il veut encore aujourd'hui pour ses enfants, pour tous les siens. Et c'est cela que nous devons conserver à tout prix… Ces considérations ont maintes fois orienté ceux qui ont travaillé à la révision des Règles Communes, comme elles ont déterminé bien des résolutions du dernier Chapitre. 

III. – SIMPLES CONSIDÉRATIONS SUR LA MANIÈRE

D'OBSERVER NOS RÈGLES

 1° Amour et Règles.

Comme le montre très bien le Père R. CARPENTIER dans Témoins de la Cité de Dieu, la vie religieuse est avant tout une « vie » : vie chrétienne, vie évangélique, vie ecclésiale. Or, quand nous parlons de la vie physique, nous ne pensons pas uniquement au minimum nécessaire pour ne pas mourir. De même, dans la vie religieuse, on ne peut pas s'en tenir à un strict minimum, ni se borner simplement à éviter les fautes qui la détruiraient. Elle a donc un aspect positif, un dynamisme, une « force de vie », et c'est l'amour. A la naissance de la vie évangélique, il y a donc un amour personnel pour Jésus, qui pousse à embrasser, sans obligation, le régime de vie dont il a donné l'exemple et qu'il a révélé comme le meilleur moyen de le suivre de tout près, d'être « avec lui » (op. cité, 21).

Toute vie religieuse a pris sa source dans l'amour inconditionné du Christ et de l'Eglise. Elle ne peut donc se développer que par la pleine imitation du Christ dans un amour sans condition. La vie religieuse est, fondamentalement, un engagement d'amour : elle ne doit jamais se départir de l'esprit d'amour qui est son essence même.

Dans la pratique, aucun religieux, quelles que soient les circonstances où il se trouve, ne doit oublier l'aspect premier et illimité de son idéal : suivre le Christ pour lui-même et sans aucun calcul. C'est pour vivre dans un tel état d'amour qu'il a précisément pris tous ses engagements. L'amour est l'âme des vœux et de toutes les autres obligations qui en découlent.

Ainsi donc, jamais, aux yeux du vrai religieux, les prescriptions de ses vœux et de ses règles ne se transforment – elles en simples formules d'un code. Elles sont toutes et toujours pour lui des preuves d'amour ; elles lui servent toutes à mieux imiter le Christ. Vœux et Règles doivent servir au religieux à tendre, dans toute sa vie, vers l'accroissement de la charité. Etant une tendance positive, adoptée par amour, on ne peut en aucun cas parler de contrainte dans la fidélité à leur égard.

Le religieux a choisi de suivre la voie des conseils évangéliques. Il s'est engagé à ce qui n'était pas obligatoire pour donner plus et mieux. Il a donc promis un don de lui-même sans calcul ; il a pris un engagement d'amour. Or, celui-ci ne connaît pas de limites ; la charité est toujours illimitée de par sa nature même ; pour aimer sincèrement, il ne faut pas y mettre de terme. Tel est le sens pro-fond des Règles religieuses : tout donner à Dieu, ne mettre aucune borne à la vie de charité, en faisant taire le plus possible les appels de notre égoïsme et de notre orgueil.

Mais cet amour inconditionné du Christ doit se prouver à tout instant. Il ne doit point avoir l'instabilité ni l'illogisme des sentiments pure-ment humains. C'est pourquoi une Règle écrite est nécessaire. Elle précisera ce qu'exige une constante fidélité d'amour dans les détails concrets et quotidiens. Elle permettra la vie pleinement communautaire, à laquelle tend normalement, sous une forme ou sous une autre, toute vie religieuse. Enfin, elle perpétuera l'esprit du Fondateur, car sans fidélité à une tradition proprement dite, il ne pourra jamais être question d'une adaptation aux temps et aux lieux ; il y aurait chaque fois une nouvelle « improvisation ».

La Règle ainsi comprise, l'observance apparaît alors comme une condition de la vie évangélique, une condition indispensable de vie pour le religieux lui-même, une exigence fondamentale pour le développement d'un Institut religieux. Elle conserve le véritable esprit religieux dans toute la communauté comme dans la vie spirituelle de chacun. Aussi, tout religieux logique la garde-t-il loyalement et avec amour, comme preuve de la sincérité de son don et de sa bonne volonté.

D'autre part, le religieux veut tendre de son mieux vers la sainteté ; c'est le sens même de sa vie. La Règle crée précisément le milieu adapté pour y parvenir. Les petites choses, les devoirs du « terrible quotidien », les moindres détails, tout doit être consacré à Dieu. La Règle le permet. Qui la néglige délibérément prouve qu'il n'a bien compris ni le sens ni la portée de son engagement, de sa profession. Si la Règle comporte un grand nombre de prescriptions détaillées en apparence minutieuses, c'est que toute la vie du religieux est à transformer, à mettre sous l'empreinte de la charité. Celui qui aime va toujours jusqu'à la fidélité dans le détail, car rien n'est sans importance. Il ne confondra jamais le détail avec le principal, l'accessoire avec l'essentiel ; mais il ne méprisera jamais le détail, placé dans sa juste perspective. Ce ne sera donc jamais par esprit de crainte ou de mauvais gré qu'un religieux devra se conformer à sa Règle. L'observance intégrale de la Règle suppose avant tout la sincérité et la fidélité dans l'amour.

Il importe toujours, quand il est question de l'observance de la Règle, de ne jamais oublier cette primauté de l'amour. C'est ainsi qu'un religieux ne s'attachera jamais à l' « ordre extérieur » établi par la Règle, ordre qui ne s'impose qu'au nom de la vie communautaire. « Un changement de coutumes, par motif de simplification, d'adaptation, etc. …, pourvu qu'il soit approuvé par l'autorité légitime, doit nous trouver prêts » (P.R. CARPENTIER, Op. cité, 66).

 On entrevoit facilement, une fois qu'on l'a sérieusement méditée, toute la grandeur et toute la beauté d'une pareille fidélité à la Règle de son Institut. Et également toute sa difficulté. Elle exige sans cesse la lutte généreuse, avec Jésus, avec Marie. Mais, si la vie religieuse est l'état de vie le plus ardu au regard de l'imperfection humaine, « elle est en même temps, l'état le plus épanouissant, le plus simplifiant, par son caractère de désintéressement total, d'amour sans mélange, d'abandon filial ; elle est l'état le plus disposé à l'abondance des grâces divines » (op. cité, 86-87). 

2° Fidélité aux Règles.

 Nous ne pouvons songer à reprendre tous les arguments en faveur de la fidélité qu'un religieux doit apporter dans l'observance de la Règle. Tous les traités sur la vie religieuse développent ce point. Tous les maîtres de la vie spirituelle l'admettent comme un devoir essentiel pour un religieux. C'est le sujet d'une des premières circulaires du vénéré Frère François : « La fidélité à la Règle, fondement de notre perfection » (du 15 janvier 1844). On y revient dans plusieurs autres circulaires, comme dans la dernière en date sur ce sujet, celle du 24 mai 1948 : « Sainteté par l'observance de la Règle ». D'ailleurs, il s'agit d'une fidélité d'amour, comme nous venons de le rappeler assez longuement.

Cette fidélité sera respectueuse. On nous dit que l'homme contemporain est très disposé à la critique. Un certain esprit critique a dû se manifester en tout temps, mais il semble bien que les conditions de vie actuelles favorisent particulièrement cette tendance, ne fût-ce que par le nombre et la rapidité des échanges de vues entre des hommes de tous pays. Les religieux, surtout ceux qui mènent une vie active, sont fortement influencés par cette ambiance. Il importe toutefois qu'ils n'étendent pas indûment à l'ordre surnaturel, à l'organisation même de leur vie religieuse, les manières d'apprécier et de juger qu'ils constatent si souvent autour d'eux, quand il est question de la vie sociale ou politique, par exemple.

Cela ne veut dire en aucune façon que la « critique » soit toujours inopportune ou mauvaise dans la vie religieuse. Nous disions plus haut que toute saine adaptation suppose, au point de départ, l'existence d'une solide tradition, que l'on entend respecter, mais en la modelant pour ainsi dire aux contingences actuelles. « L'adaptation est une forme de fidélité », rappelait la Circulaire du Chapitre (p. 218). Mais pour « adapter » à d'autres temps, il faut contrôler, apprécier, « critiquer ». C'est ce qu'ont fait les Frères qui ont envoyé leurs notes et suggestions au dernier Chapitre. C'est ce que font bien des religieux sérieux, en signalant à qui de droit ce qui serait à réexaminer, à modifier, à transformer ou même à supprimer. Ces critiques constructives témoignent d'un réel attachement à la vie religieuse, aux Règles d'une famille religieuse. Pas de progrès possible sans bonne critique.

Mais on ne peut qualifier de bonnes critiques celles qui signalent en termes déplaisants ou ironiques les prescriptions de la Règle qui paraissent mesquines, lorsqu'on ne les situe pas dans leur cadre normal, lorsqu'on ne respecte pas la hiérarchie des valeurs. Le jeu est facile. Mais, outre qu'il témoigne de peu de jugement, il peut être dangereux pour ceux qui s'y livrent comme pour ceux qui y assistent, parce que, très rapidement, le respect pour la Règle elle-même s'en va, et que, par le fait même, c'est le sens de la vie religieuse qui se perd.

A ce sujet, il est peut-être indiqué de rappeler une remarque du Père Sertillanges sur les dangers de la sympathie. « Elle est une force et elle peut devenir une faiblesse, si elle vous porte à transiger, à vous conformer et à suivre, là où vous devez donner le ton ou en tout cas demeurer vous-même. C'est bien, pour plaire, de mettre de l'eau dans son vin ; encore faut-il qu'il reste du vin ». Et parlant de ceux qui croient toujours devoir faire comme les autres, il ajoute : «Le conformisme est une qua-lité quand il coïncide avec un noble esprit de corps et avec la discipline. Il devient une lâcheté quand il consiste à suivre toujours, à ne jamais dire non, à être de l'avis du dernier qui parle, à ne savoir protester contre aucun fléchissement ni aucune infidélité au programme commun que chacun est cependant chargé de défendre ». Si, pour le bien de la paix, nous pouvons être disposés à faire le « sacrifice de nos préférences », nous ne devons jamais consentir à faire « celui de nos convictions » (R. BAZIN).

Mais, tout en étant respectueuse et ferme, cette fidélité à la Règle sera toujours lucide. Tous les articles de la Règle ne doivent pas être placés sur le même plan ; tous n'ont pas la même

raison d'être selon les pays et les occupations des Frères. Dans les cas d'exigences contradictoires de certaines prescriptions, un Frère doit savoir « choisir » selon les critères d'un bon religieux ; au besoin, il consultera ses supérieurs sur la meilleure solution à adopter dans son cas particulier.

Il appartient surtout à un supérieur de ne jamais oublier la véritable signification de la Règle dans la vie religieuse. A une fermeté constante, il convient qu'il ajoute toujours une très grande compréhension. Ce que Joubert disait de toute règle humaine, peut facilement être appliqué dans ce cas : « La règle doit être comme un fil et non comme une barre de fer. Le cordeau indique la ligne, même lorsqu'il fléchit ; l'inflexion ne le fausse pas. Toute règle bien faite est souple et droite ; les esprits durs la font de fer ». 

3° Prudence et Règles.

 Il y a des Règles tellement essentielles à la vie religieuse que la prudence la plus élémentaire, même en dehors de toute obligation de conscience, exige d'un religieux qu'il s'y conforme strictement. D'autres Règles, moins importantes en elles-mêmes, peuvent être une sauvegarde providentielle à certaines heures de notre vie, dans certaines circonstances, et cela pour chacun d'entre nous.

Lorsqu'on a dû se pencher, pendant des années, sur les difficultés par où ont passé tel Frère, telle communauté, tel secteur de l'Institut, on a plus d'une fois expérimenté, parfois très douloureusement, quels peuvent être les fâcheux résultats d'irrégularités, à l'origine desquelles on retrouve habituellement quelque imprudence. Dieu par-donne toujours à celui qui se repent. Les confrères de celui qui a faibli, tout comme ses supérieurs, s'abstiennent de le juger, car ils savent que tout homme est fragile et qu'eux-mêmes doivent compter sur l'indulgence divine. Toutefois, les faits sont là. Bien des irrégularités ont eu des conséquences attristantes : recrutement paralysé dans un endroit ou dans une région ; vocations ébranlées ; apostolat des Frères sérieusement compromis pour des années.

Les Règles, comme on l'a rappelé, n'ont pas pour but premier de « protéger » le religieux contre des dangers possibles ; elles traduisent, d'une façon concrète et détaillée, comment il doit ou peut tendre vers la perfection de l'amour, vers la perfection du don de soi au Christ. En fait, elles constituent pourtant, pour le religieux qui s'y conforme, une merveilleuse protection, la « haie protectrice », comme on a écrit. Ce rôle de défense et de protection n'est pas à sous-estimer. Il en est ainsi, tout particulièrement, pour les prescriptions qui concernent la vie commune. En reprenant une parole connue sur la discipline dans une armée, on peut dire de la vie commune, telle qu'il faut l'entendre : « Elle pèse comme un bouclier et non pas comme un joug ».

En effet, le religieux le plus sincère dans le don de soi ne doit jamais oublier qu'il n'est qu'un homme qui peut se tromper et qui peut tomber, qui doit se tenir sur ses gardes. Il sait que personne n'est confirmé en grâce, pas même après la plus sérieuse des formations ou la plus fervente des retraites. Il sait qu'il est facile d'allumer un incendie, mais vain de prétendre l'arrêter à son gré ou de vouloir le diriger à sa fantaisie, une fois que la flamme s'est propagée.

Or, un grand nombre de règles, nées d'une longue expérience dans la pratique de la vie religieuse, inspirées aux fondateurs par leur sagesse surnaturelle, conseillées ou même imposées par l'Eglise, tendent à développer chez le religieux la prudence des enfants de Dieu.

Nous savons, par exemple, comment naissent les habitudes et quelle est leur formidable puissance sur nous. La Règle nous signale les points sur lesquels il importe d'être vigilant pour que nos habitudes ne travaillent pas contre nous, dans notre vie spirituelle comme dans notre vie apostolique.

Nous savons que tout homme subit les influences de son milieu. En modifiant légèrement une parole bien connue, on pourrait dire : « Il n'est pas un de nous qui, descendu au fond de sa conscience, ne reconnaisse qu'il n'aurait pas été tout à fait le même, s'il n'avait pas rencontré dans sa vie telle ou telle personne ». Evidemment, ces rencontres peuvent être un bien ou un mal. Mais la Règle nous dit de quelles relations il convient de se garder raisonnablement, et quelles précautions il convient de prendre dans celles qui sont nécessaires ou utiles.

Cette prudence, que les Règles nous conseillent ou prescrivent, doit toujours rester calme. Il ne s'agit pas de grossir le danger possible. Il n'est pas question de s'énerver en pensant à des dangers possibles dans l'avenir. Nous avons des grâces d'état pour aujourd'hui et non pour demain. Toutefois, cette prudence sera toujours ferme. On ne plaisante pas avec certaines irrégularités. Il y en a qui tergiversent trop : un refus catégorique de céder à la lâcheté ou au respect humain sera toujours la meilleure solution. « Quand la direction est reconnue bonne, on va résolument jusqu'au bout ». C'est le sens profond de toute véritable régularité dans la vie religieuse. 

Conclusion.

 On a écrit : « La conception de la vie est l'artère vitale de tout enseignement et de toute éducation, et le plus grand danger que nous ayons à craindre, c'est que la jeunesse se fasse une fausse idée du sens de la vie. Ce qui importe au plus haut point, c'est que nous soyons initiés à une conception vraie de la vie, et cela dès les premières années de notre enfance » (DE HOVRE).

Ce qui est vrai de la vie humaine en général, l'est tout autant de la vie religieuse. Rien de plus dangereux pour un religieux, a-t-on dit, que d'avoir de fausses idées sur les vérités fondamentales de la vie religieuse. Et, en particulier, rien de plus dangereux pour lui que d'avoir de fausses idées sur le sens et la compréhension de la véritable régularité. Ces fausses idées peuvent remonter à la période d'initiation à la vie religieuse, aux années de formation. Ou il y a eu des lacunes dans l'instruction qui a été donnée, ou il y a eu des erreurs ou des déviations sur des points importants, ou il y a eu des faiblesses dans l'entraînement à la régularité.

Car le vrai religieux n'est pas celui qui aligne, à longueur de journée, de multiples actes de régularité, mais celui qui veut, de toutes ses forces, réaliser toute la volonté de Dieu sur lui, à mesure qu'elle lui est manifestée. Or, c'est bien dans ses Règles que ce religieux trouve, normale-ment, les indications précises dont il a besoin pour bien agir. Voilà pourquoi son obéissance à ses Règles ne connaît pas d'hésitation, quels que soient les sacrifices qu'exige cette fidélité. Le Frère Mariste, qui se trouve dans ces dispositions, travaille, se dévoue, se sacrifie, passe volontiers inaperçu, et sait disparaître silencieusement après avoir fait « tout son possible ». Sa vie de dévoue-ment n'attire guère les regards ; elle n'a pas de place dans les journaux. Mais, par sa régularité, il fait de sa vie tout entière un témoignage constant et rayonnant de la beauté et de la fécondité de son humble vocation.

C'est vraiment un miracle qu'une vocation de Frère pleinement réalisée! 

Office marial

 La Circulaire du 24 mai dernier annonçait l'édition « latin-français » du nouvel Office de la Sainte Vierge. L'impression des deux volumes est heureusement terminée ; les Provinces de langue française en font usage depuis quelque temps déjà.

Le volume Hiver comprend la période de l'Avent au dimanche de la Trinité ; le volume Eté va du dimanche de la Trinité à l'Avent. La Province d'Italie utilise l'édition latine, en un seul volume.

La préparation des éditions «latin-espagnol » et «latin-anglais » va moins vite qu'on ne l'aurait désiré ; on espère cependant les avoir pour les premiers mois de 1961. Suivront les éditions latin-portugais », « latin-allemand", etc. …

Les témoignages très favorables, recueillis de divers côtés, permettent de dire que, dans son ensemble, ce nouvel Office répond à notre attente. Après usage, certaines questions de détail pourront être mises au point pour l'ensemble de l'Institut, par exemple lors de la première réunion des Frères Provinciaux.

Le calendrier religieux indiquera les variations de l'Office suivant le cycle liturgique, en conformité avec les nouvelles Rubriques publiées le 15 août 1960 et qui deviendront obligatoires à partir de janvier 1961. Nous croyons rendre service à tous en relevant ici les indications concernant l'attitude à observer pendant la récitation de l'Office divin en commun : 

Tous SONT DEBOUT :

 a) Au début de chaque Heure, jusqu'à ce que le premier verset du premier psaume soit commencé ;

b) Pendant la récitation de l'Hymne et des Cantiques tirés de l'Evangile ;

c) A Matines, pendant la récitation de l'Invitatoire et de son psaume, ainsi que depuis la fin de la dernière Antienne de chaque Nocturne jusqu'à la première Bénédiction avant les Leçons inclusivement ;

d) A Laudes et à Vêpres, depuis l'achèvement de l'Antienne après le dernier psaume jusqu'à la fin, à moins que l'on ne doive s'agenouiller aux prières ou à l'Oraison, conformément aux Rubriques ;

e) A Prime, depuis l'achèvement de l'Antienne jusqu'à la fin, à moins que l'on ne doive s'agenouiller aux Oraisons ;

f) A Tierce, Sexte et None, depuis l'achèvement de l'Antienne jusqu'à la fin, sauf si l'on doit s'agenouiller à l'Oraison ;

g) A Complies, depuis l'achèvement de l'Antienne après les psaumes jusqu'à la fin, sauf si l'on doit s'agenouiller à l'Oraison ;

h) A l'Antienne finale de la S.V. après Complies, le samedi et le dimanche même si l'on ne fait pas l'Offic du dimanche, et pendant tout le temps pascal.

 Tous S'AGENOUILLENT :

 a) Aux paroles Venite adoremus et procidamus, etc. … du psaume Venite exultemus, au début de Matines ;

b) Au verset Te ergo quaesumusdu Te Deum;

c) Aux prières, comme :« Je confesse à Dieu», etc. …

d) A l'Oraison et aux Commémoraisons qui suivent, s'il y en a, de l'Office férial de l'Avent, de la Quadragésime et de la Passion, ainsi que des Quatre-Temps de Septembre et des Vigiles de II° et III° classes, sauf à la Vigile de l'Ascension, à toutes les Heures ; le semainier reste debout ;

e) A l'Antienne finale, de la S.V. après Complies, sauf le samedi et le dimanche et pendant tout le temps pascal ; le semainier reste debout lorsqu'il dit l'Oraison ;

f) En certaines circonstances particulières qui sont indiquées à leur place.

 Tous S'ASSOIENT :

 a) A toutes les Heures après le commencement du premier verset du premier psaume, jusqu'à ce que l'on ait répété l'Antienne du dernier psaume ;

b) Aux leçons de Matines, avec leurs Répons, sauf pendant la lecture d'un texte suivi de l'Evangile.

 TOUS FONT LE SIGNE DE LA CROIX DU FRONT A LA POITRINE ET DE L'ÉPAULE GAUCHE A L'ÉPAULE DROITE :

 a) Au début de toutes les Heures, en disant : Deus, in adjutorium, etc. …

b) Au verset : Adjutorium nostrum, etc. ….. e) A l'absolution Indulgentiam, après le Confiteor.

d) Au début des Cantiques du Benedictus, du Magnificat et du .Nunc Dimittis ;

e) A la Bénédiction qui est à la fin de Prime et de Complies ;

j) Au verset Divinum auxiliurn, à la fin de l'Office divin.

 Tous FONT LE SIGNE DE LA CROIX SUR LA BOUCHE

au début de Matines, aux paroles Domine, labia mea aperies.

 Tous FONT LE SIGNE DE LA CROIX SUR LA POITRINE

aux paroles Concerte nos, de Complies.

 La doxologie, qui termine chaque psaume, est un bon moyen pour exprimer et soutenir notre prière d'adoration et de louange. L'Eglise entoure toujours le Gloria Patri de grand respect et même de solennité. Ayons donc soin de le dire avec esprit de foi, avec amour : c'est bien dans l'esprit de l'Eglise de le marquer d'une inclination de tête. 

 Division de Province 

V.J.M.J.

Saint-Genis-Laval, le 31 mai 1960.

 TRÈS SAINT-PÈRE,

 Le Supérieur Général de l'Institut des Frères Maristes des Ecoles, humblement prosterné aux pieds de Votre Sainteté, expose ce qui suit :

La Province actuelle de Lévis, au Canada, ayant plus de 400 Frères Profès en 36 maisons formant 40 communautés 400 sujets en formation et plus de 12 000 élèves, sur un territoire très étendu tant au Canada qu'en Missions d'Afrique, est devenue de gouvernement difficile pour un seul Frère Provincial.

Après étude approfondie de cette question, le Conseil Général a émis un vote unanime en faveur du dédoublement de cette Province sur les bases suivantes :

A – Province de Lévis, comprenant les diocèses de Québec, Sainte-Anne, Rimouski et Gaspé au Canada, et le secteur Nyassaland-Rhodésie du Nord en Afrique Centrale Anglaise ;

B. – Province de Desbiens, comprenant les diocèses de Chicoutimi, Hauterive et Amos au Canada de diocèse d'Amos encore sans communauté étant détaché de la Province d'Iberville) et la Mission de la République du Congo.

C. – La Province de Desbiens, pourra établir une maison à Québec pour ses étudiants universitaires.

L'Indult requis est humblement sollicité pour l'érection de ces deux Provinces de Lévis et de Desbiens.

Et que Dieu…

 SACRA CONGREGATIO

DE RELIGIOSIS.

                      Prot. No 10 931/60.

Vigore facultatum a SSmo. Domino Nostro concessarum, Sacra Congregatio Negotiis Religiosorum Sodalium praeposita, attentis expositis benigne adnuit pro gratia juxta preces servatis ceteris servandis.

Contrariis quibuslibet non obstantibus.

Datum Romae, die 14 Junii 1960.

(Sceau)                                    Valerius Card. VALERI

Praefectus.

 En vertu des pouvoirs concédés par Notre Très Saint-Père le Pape, la Sacrée Congrégation préposée aux Affaires des Ordres Religieux, vu les faits exposés, accorde bénignement la faveur selon la demande, étant sauvegardées les prescriptions du Droit.

Nonobstant toutes choses contraires.

Donné à Rome, le 14 juin 1960.

 Valerius Card. VALERI,  Préfet

Erection du District autonome

des Philippines

 V.J.M.J.

 Saint-Genis-Laval, le 22 août 1960.

 TRÈS SAINT-PÈRE,

 Le Supérieur Général de l'Institut des Frères Maristes des Ecoles, humblement prosterné aux pieds de Votre Sainteté, expose ce qui suit :

Fondée en 1948 par la Province des Etats-Unis et dépendant actuellement de la Province d'Esopus, la Mission des Philippines a pris déjà un assez grand développement et comprend sept communautés dont un noviciat avec un bon recrutement local. L'expérience des dernières années a prouvé que, pour plus d'efficacité encore, le gouvernement de cette Mission doit être autonome, dépendant directement de l'Administration Générale.

Après examen de cette question, le Conseil Général ayant émis un vote unanimement favorable dans ce sens, l'Indult requis est respectueusement sollicité pour que, s'il plaît à Votre Sainteté, la Mission des Philippines soit érigée en District autonome, avec un Frère Visiteur et un Conseil de District nommés par le Conseil Général et ayant les pouvoirs d'un Conseil Provincial.

   Et que D.         etc. …

 SACRA CONGREGATIO

DE RELIGIOSIS

                           Prot. No 10 975/60.

 Vigore facultatum a Sanctissimo Domino Nostro concessarum, Sacra Congregatio Negotiis Religiosorum Sodalium praeposita, attentis expositis, benigne concedit Superiori Generali facultatem erigendi Districtum autonomum, iuxta preces, servatis ceteros servandis.

Contrariis quibuslibet non obstantibus.

Datum Romae, die 31 Augusti A.D. 1960.

 (Sceau)                       B. VERDELLI, Subst.

 En vertu des pouvoirs concédés par Notre Très Saint-Père le Pape, la Sacrée Congrégation pré-posée aux Affaires des Ordres Religieux, vu les faits exposés, accorde bénignement au Supérieur Général la faculté d'ériger un District autonome selon la demande, étant sauvegardées les prescriptions du Droit.

Nonobstant toutes choses contraires.

Donné à Rome, le 31 août 1960.

B. VERDELLI, Subst

Elections

 Election d'un Frère Assistant Général.

 Le C.F. MARIE-BASILIDE ayant présenté sa démission comme Assistant Général, le Conseil Général a, dans les séances des 10 et 12 novembre 1960 :

1° Elu le C.F. GILDO, de la Province d'Italie, comme Assistant Général.

2° Modifié la constitution de deux Assistances :

a) La Province d'Allemagne a été rattachée au groupe des Provinces de Grande-Bretagne-Irlande-Nigéria et Afrique du Sud confiées au C. F. MARY JUSTINIAN, A.G.

b) Les Provinces d'Italie et de Belgique-Hollande-Congo-Ruanda ont été confiées au C.F. GILDO, A.G. 

Elections de Frères Provinciaux

ou Visiteurs de Districts autonomes.

 Le Conseil Général a élu :

a) Dans la séance du 22 mai 1960,

Pour un troisième triennat :

C.F. GUY-MAURICE, Provincial du Brésil Septentrional.

b) Dans la séance du 5 juillet 1960,

Pour un deuxième triennat :

C.F. JOSEPH-EUSTOLE, Provincial du Sud-Est.

Pour un premier triennat :

C.F. ANISIO, Provincial du Brésil Méridional.

C.F. GUIDO GABRIEL, Provincial de Santa Catarina.

C.F. AIMÉ-LOUIS, Provincial de Desbiens.

C.F. HENRI-Louis, Provincial de Lévis.

c) Dans la séance du 8 novembre 1960.

Pour un premier triennat :

C.F. HUMBERT DAMIAN, Visiteur du District autonome des Philippines.

C.F. EMILIO AGUSTIN, Visiteur du District autonome du Venezuela

 

LISTE DES FRÈRES

 dont nous avons appris le décès

depuis la circulaire du 24 mai 1960

 

    Nom et âge des Défunts                           Lieu de Décès                     Date du Décès

 

F. John Michael           64 Profès perp. Rondebosch (Afrique du Sud)         21 avr. 1960

F. Marie-Eléazar         80  »                    Varennes (France)                            8 mai          »

F. François-Alfred       59  Stable           Athus (Belgique)                                10 »          »

F. Raymond-Victor      80 Profès perp.  Iberville (Canada)                              10 »          »

F. Eduardo                   72  Stable           Monterrey (Mexique)                         14  »          »

F. Alphonse-Sylvain    61 Profès perp.  New York (Etats-Unis)                       15  »          »

F. Marie-Ostien           75  »                    Curitiba (Brésil)                                 15 »          »

F. Otto-Pierre               52  Stable           Hongkong (Hongkong)                      18 »          »

F. Ignacio Candido     65 Profès perp.   Durango (Espagne)                          23  »          »

F. Cyprien                    63  »                    Belo Horizonte (Brésil)                      25 »          »

F. Marie-Alfred            80  Stable           Apia (Samoa)                                    29 »          »

F. Francis James        78  »                    Auckland (Nouvelle-Zélande)           12 juin        »

F. Rogério                    50 Profès perp. Novo Harnburgo (Brésil)                   27 »            »

F. Grimoald                  87  Stable           Saint-Genis-Laval (France)              7 juil.           »

F. Soulier Jules            83 Profès perp.   Chicoutimi (Canada)                         11  »         »

F. Tharsicius                79  »                    Viamao (Brésil)                                 11  »          »

F. Jules-Fernand         64  »                    Uberaba (Brésil)                                13 »          »

F. Joseph-Austremoine82  Stable           Mendes (Brésil)                                 19 »          »

F. Liberio                      51  »                    Maracaibo (Venezuela)                    21  »         »

F. Eutrope                    70  »                    Varennes-sur-Allier (France)            23 »          »

F. Roget Charles         88 Profès perp. N.-D. de l'Hermitage (France)          23  »          »

F. Joseph                     81  Stable           Varennes-sur-Allier (France)            26  »          »

F. Mareclino Rani        29 Profès perp.   Oviedo (Espagne)                              31  »          »

F. Giuseppe Amabile   27   »                  Huaraz (Pérou)                                  2 août  »

F. Marie Wenceslas    76  Stable           Iberville (Canada)                              15  »          »

F. Népotien                  94  »                    Habana (Cuba)                                  16  »          »

F. José Oswaldo         49  Profès perp. La Plata (Argentine)                          17  »          »

P. Charles-André        72  Stable           Varennes-sur-Allier (France)            18 »            »

F. Loyola                      75  »                    Tlalpan (Mexique)                              24  »          »

F. Jean-Wilfrid             52 Profès perp. Lévis (Canada)                                  24  »          »

F. Mélanie                    35  »                    Lieuron (France)                                2 sept.        »

F. Agripino                   79  Stable           Sevilla (Espagne)                              4     »          »

F. Edouard                   83  »                    Viamao (Brésil)                                 14 »          »

F. Michel-Ernest          61  »                    Kutama (Rhodésie)                           19  »          »

F. Elie-Laurent             75  »                    N.-D. de l'Hermitage (France)          7 oct.          »

F. Adrien-Auguste       62 Profès perp. Poughkeepsie (Etats-Unis)              8     »          »

F. Eugenio Apolinar    66  Stable           Algemesi (Espagne)                         13 »          »

F. Valentin-Joseph      59  »                    Saint-Hubert (Belgique)                    16 »          »

F. Raymund Julien       78  »                    Sydney (Australie)                             21 »          »

F. Leao Geraldo          72  »                    Mendes (Brésil)                                 27 »          »

F. Terence                    52  »                    Dumfries (Ecosse)                            2 nov.         »

F. Marie-Conrad          79  »                    Bouvines (France)                             5     »          »

F. Patricius-Joseph     61  »                    Kilmore (Australie)                            8     »          »

F. Joseph-Norbert       73  »                    Lyon (France)                                     10  »          »

F. Andréo Avelino       68  »                    La Cisterna (Chili)                             21 »          »

 

 La présente Circulaire sera lue en communauté à l'heure ordinaire de la lecture spirituelle.

Recevez, mes bien chers Frères, la nouvelle assurance du religieux attachement avec lequel je suis, en J.M.J., Votre très humble et tout dévoué serviteur.

 F. CHARLES-RAPHAEL,  Supérieur Général.

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