Circulaires 359

Charles-Raphaël

1964-05-24

(suite, 3 : Moyens positifs, Const. 207, § 4, 5, 9).
A - Bonne formation des Frères (Const., art. 207, 4°). 1 - Juvénat. 2 - Noviciat. 3 - Scolasticat
4 - Formation continuée au cours des premières années de vie active. 5 - Second Noviciat.
B - Valeur personnelle de chaque Frère (Const., art. 207, 9°).
C - Elite mariste (Const., art. 207, 5°)
Réflexion finale : Nécessité de l'esprit de synthèse
Dédoublement de Province
Elections
Liste des défunts

359

V. J. M. J.

Fête de Notre-Daine Auxiliatrice

                                                                 Rome, le 24 mai 1964.

 MES BIEN CHERS FRÈRES,

 Dans les deux Circulaires de 1963, nous avons commenté assez longuement l'article 206 de nos Constitutions. Cet article met en garde tous les Frères, plus particulièrement les supérieurs, contre six dangers qui pourraient compromettre le développement ou même l'existence de notre Congrégation.

L'article 207, exceptionnellement long, énumère ensuite douze moyens « positifs » de conserver et d'accroître l'Institut. Nous les résumons :

1. Le recours constant à la prière.

2. La fidélité à notre esprit mariste.

3. La pratique intégrale de la pauvreté religieuse.

4. La bonne formation des Frères.

5. Le souci de la formation d'une élite.

6. Le bon choix des supérieurs.

7. L'union des cœurs et des volontés dans tout l'Institut.

8. Le zèle apostolique.

9. La valeur personnelle de chaque membre.

10. L'exacte observance des Constitutions.

11. La vigilance paternelle des supérieurs et la pratique délicate de l'avertissement fraternel.

12. Par-dessus tout, une ardente dévotion à la Bienheureuse et Immaculée Vierge Marie.

Sur cet article, nous voudrions présenter une série de considérations et de réflexions, plutôt pratiques que théoriques. Nous ne suivrons pas l'ordre des douze alinéas, qui n'est d'ailleurs pas rigoureusement logique. Nous débuterons, chronologiquement, par l'alinéa 4, que nous commenterons sous le titre général suivant : BONNE FORMATION DES FRÈRES. Comme une formation suffisamment longue, à la fois sérieuse, méthodique et constante, assure à tous les vrais travailleurs cette valeur personnelle qu'on est en droit d'attendre d'un religieux-éducateur, et qu'elle favorise aussi la création d'une élite religieuse et professionnelle, les alinéas 5 et 9 trouveront tout naturellement leur place dans cette Circulaire.

 A. BONNE FORMATION DES FRERES

 « Qu'on forme avec tout le soin possible les novices à l'esprit de l'Institut, aux vertus religieuses et aux devoirs de leur état, et que le plus grand nombre possible de Frères profès de vœux perpétuels soient appelés plus tard aux exercices du Second-Noviciat » (Constitutions, 207, 4).

Cet alinéa ne renferme que deux conseils : que les novices soient bien formés – et que le plus grand nombre de Frères profitent du second noviciat. Il faut nous rappeler que, dans le passé, le juvénat et le scolasticat n'existaient guère, et, en tout cas, ne tenaient pas dans l'Institut la place importante qu'ils y occupent actuellement. Quant aux études universitaires proprement dites, elles étaient pratiquement inconnues, ce qui ne veut nullement dire, comme nous l'avons signalé ailleurs, que nos grands travailleurs de jadis n'aient pas acquis, très souvent, une compétence tout à fait remarquable dans leur domaine.

En fait, notre programme actuel de formation, tant spirituelle que professionnelle, porte sur de nombreuses années. Cette formation se fait en plusieurs étapes, dont celle du noviciat, qui garde sa place très particulière. La plupart de nos aspirants passent par le juvénat, dont la durée va de deux à cinq ans, parfois même plus. Le noviciat lui-même est suivi du scolasticat, qui peut comporter jusqu'à quatre années consécutives.

Après une période d'enseignement et d'apostolat plus ou moins longue, beaucoup de Frères entreprennent un cycle d'études universitaires, et cela dans des conditions de travail bien plus favorables que dans les débuts. D'autre part, plusieurs centres de second noviciat permettent à toutes les âmes de bonne volonté de sauvegarder l'aspect essentiel de leur vocation : cette solide vie intérieure, mariale et « mariste », qui leur permettra de « rayonner le Christ » parmi leurs élèves.

Enfin, la rapidité même de l'évolution intellectuelle, sociale et pédagogique de notre époque, demande à chacun d'entre nous de continuer son propre effort de formation le plus longtemps possible. Le véritable apôtre du Christ ne gémit pas sur les « malheurs des temps », mais il ne cesse de prier et de travailler de toutes ses forces. 

1. Juvénat.

 Comme presque tous nos aspirants entrent dans notre famille mariste en qualité de juvénistes, il convient de considérer le juvénat comme une étape normale de notre système de formation.

La présente Circulaire ne prétend pas étudier à fond la question, fort complexe d'ailleurs, de la bonne organisation des juvénats dans les divers pays où nous sommes établis. Elle se propose seulement d'attirer l'attention de nos Frères, en premier lieu des « responsables », sur quelques aspects importants de cette formation.

1. Que faut-il entendre par un juvénat mariste ? La question mérite d'être posée franchement, car les statistiques des vingt dernières années indiquent une montée très rapide du nombre de nos juvénistes, à laquelle ne répond pas toujours une montée parallèle des novices et des nouveaux profès.

Citons quelques chiffres. Après les lois' de « sécularisation », en France, à une époque où notre Institut était beaucoup moins répandu dans le monde qu'il ne l'est actuellement, le nombre total des juvénistes avait diminué très fort. De plus de 1.000 avant 1900 (pointe extrême : 1.379, en 1898), il était tombé à 256, en 1.904. Puis. de dix en dix ans, nous trouvons :

1.022 juvénistes, en 1914 ;

2.277, en 1924 ;

2.478, en 1934 ;

2.592, en 1944 ;

4.455, en 1954 ;

6.369, au début de cette année 1964.

Or, en 1894, il y avait eu 466 vêtures. En 1934, nous trouvons 463 novices ; en 1954, 462 ; et nous avons commencé l'année en cours avec 548 novices. Il est facile de constater que le nombre de novices ne progresse pas au rythme de celui des juvénistes.

Un examen approfondi de ce décalage nous permettrait de déterminer plusieurs causes, variables selon les pays. D'abord, le nombre de postulants qui se présentaient directement au noviciat était jadis bien plus élevé que de nos jours. D'autre part, la durée du juvénat est plus longue : au lieu d'une moyenne de moins de deux années, elle a passé à quatre et même plus, selon les provinces, de sorte qu'il faudrait diviser le nombre total des juvénistes actuels par deux ou même par trois avant d'entreprendre une comparaison. Cette durée plus longue et les exigences croissantes des études permettent, dès le juvénat, une première sélection des candidats, ce qui n'est certes pas un mal. Les autres causes : attachement de la famille ou à la famille, inconstance de certains caractères, etc. …, sont, à des degrés divers, de tous les temps et de tous les pays.

Pour le moment, nous voulons seulement mettre en garde contre un péril : celui d'une « trop » grande facilité à recevoir des candidats pour nos juvénats… Précisons le sens de cette remarque pour éviter tout malentendu. Il y a toujours eu des risques à accepter, dans un juvénat, des garçons souvent très jeunes. Ces risques se présenteront encore dans l'avenir. Il peut y avoir des raisons sérieuses, clans l'une ou l'autre province, pour ne pas se montrer difficile dans les admissions en première année de juvénat. Mais il y aurait de graves inconvénients à transformer progressivement nos petits juvénats en simples « internats », à pension plutôt réduite.

Nos juvénistes doivent être, selon la conception traditionnelle dans notre Institut (sur laquelle d'ailleurs la plupart des Instituts religieux, spécialement ceux des Frères Enseignants, sont bien d'accord), d'authentiques « maisons de formation ». On y est assez exigeant pour les admissions des candidats. Bien entendu, on y respecte totalement la liberté du choix chez les élèves : on ne recourt à aucune sorte de pression morale pour qu'ils s'engagent dans notre famille religieuse. Mais on s'efforce de former sérieusement, dans un milieu aussi favorable que possible, des garçons qui nous paraissent être appelés à notre genre de vie, et qui, pour le moment du moins, le croient également.

D'autre part, à quoi servirait de comprendre tous nos juvénistes dans le « grand total » de la population de l'Institut, si un trop grand nombre d'entre eux n'étaient, au fond, que de simples pensionnaires ? Chez nous, un juvéniste a toujours été considéré comme un véritable « enfant de la famille »…

En quelques provinces, il convient que les responsables des admissions repensent cet aspect du juvénat pour écarter des conceptions trop larges, pour prévenir des déviations et pour ne pas s'exposer, tôt ou tard, à de pénibles désillusions. Dans un juvénat « trop accueillant », les exigences pour le travail et la conduite tendent à diminuer. En pareil cas, ce sont les mieux disposés parmi les jeunes qui se voient frustrés dans leur attente : ils attendaient mieux… On risque de les voir s'en aller, avec ces nombreux médiocres, dont les exemples ont étouffé peu à peu l'idéal et la générosité de tout le groupe.

2. Etude constante des vocations pendant le juvénat. Pour le bon choix des vocations, les directives théoriques et pratiques ne manquent pas de nos jours. Elles proviennent du magistère de l'Eglise, des Chapitres Généraux ou des Supérieurs de tous les Instituts religieux. Elles sont assez régulièrement « mises à jour ». De nombreux spécialistes ont étudié, au cours des dix dernières années, les problèmes que peut susciter ce choix. Il n'est pas difficile d'en dégager les applications qui se rapportent particulièrement à notre famille religieuse.

Nous n'avons pas l'intention de les rappeler ici, même brièvement. Nous nous bornerons à quelques observations qui nous semblent opportunes.

a) Dans un juvénat, le directeur et tous ses collaborateurs doivent participer à cette étude attentive, sérieuse, dépouillée de préjugés, des vocations maristes possibles parmi les jeunes. Le directeur seul, quels que soient son savoir-faire, sa perspicacité, son dévouement et son expérience, ne voit pas tout, ne peut même tout voir. Sans les notes et observations que les autres Frères de sa communauté lui fournissent régulièrement, il lui sera pratiquement impossible, dans bien des cas, de prononcer un jugement motivé sur la grave question de la vocation mariste d'un de ses juvénistes.

b) Dans ce jugement, on ne doit jamais céder à des arguments de « sentiment ». Telle mère, profondément chrétienne, regretterait amèrement le retour en famille d'un fils qu'elle a généreusement donné au Seigneur ; mais ce retour peut s'imposer… Tel juvéniste a d'autres membres de sa famille dans notre Institut ; tel autre est vraiment sympathique et paraît déjà fort attaché à notre Congrégation ; mais il y a des contre-indications très nettes… Parfois, on hésite, au risque de compromettre l'avenir du jeune aspirant, et parfois hélas ! au risque de provoquer d'autres départs. Dans tous les cas de ce genre, la raison et la prudence doivent l'emporter sur le « sentiment ».

c) S'il faut établir une atmosphère de famille dans un juvénat, il convient toutefois de ne pas oublier que des jeunes de cet âge ont besoin d'une formation virile, surtout quand ils se préparent à la vie religieuse et apostolique d'un Frère éducateur. Une discipline ferme et constante, mais qui reste paternelle, s'impose dans une institution qui doit former des hommes et des religieux-apôtres. L'acceptation joyeuse des exigences normales de cette discipline collective suppose de l'esprit de sacrifice et de l'abnégation, en même' temps que de la volonté et du courage. Tant qu'un jeune n'a pas été désorienté par des directives et des conseils maladroits, il reste capable de comprendre ces exigences et de s'y conformer résolument. Par là, il sera tout disposé, l'heure venue, à faire un noviciat sérieux et fervent. S'il boude devant cet effort qu'on lui demande, et cela pendant un temps assez long, il est sage de ne pas le garder au juvénat.

d) Enfin, qu'on apporte une attention toute particulière au choix du personnel de nos juvénats ! Chapitres Généraux et Supérieurs ont maintes fois fuit cette recommandation. Il semble qu'on n'en tienne pas toujours assez compte. La fidélité à cette règle de sagesse et de prudence est cependant une condition essentielle pour la bonne marche d'un juvénat.

Il va de soi que les « formateurs » doivent donner l'exemple dans la pratique des vertus qu'ils enseignent. Les yeux des jeunes sont singulièrement perspicaces, surtout dans un juvénat, où ils « se mentent de la famille ». Il faut donc que les formateurs soient suffisamment compétents et expérimentés pour assumer efficacement le rôle délicat qui leur est confié. Par-dessus tout, il faut qu'ils soient eux-mêmes lucidement et fermement attachés à leur vocation mariste, et qu'ils rayonnent cet amour de la vocation sans la moindre contrainte ou affectation.

Bien entendu, ils aimeront fortement et loyalement tous leurs élèves. En général, nos Frères se plaisent rapidement dans ce milieu particulier que constitue un juvénat, où tous les élèves sont en même temps des « enfants de la maison ». Lorsque le personnel est plutôt jeune lui-même, il y a parfois le risque d'une sorte de camaraderie entre maîtres et élèves, précisément à cause de ce climat familial qui règne dans la maison. Cette camaraderie pourrait faire naître progressivement une trop grande familiarité. Il appartient spécialement au directeur de veiller à ce que l'amour et le respect aillent toujours de pair.

e) Depuis longtemps, le juvénat est une institution « nécessaire » dans notre Institut. En générai, il a donné d'excellents résultats. Il y a eu des négligences, des tâtonnements, des déceptions. Dans les secteurs où le « rendement en vocations maristes » a toujours été faible, ou bien l'est devenu pour des raisons diverses, il ne faut pas se décourager. La suppression d'un juvénat n'est pas la bonne solution : on n'essaie pas de guérir un mal de tête par la décapitation. Il faut tout mettre en œuvre pour que chaque juvénat reste fidèle à sa mission spéciale, sans jamais vouloir le rabaisser à un niveau inférieur. Les sacrifices consentis dans les débuts produiront certainement leurs fruits.

A l'heure où nous écrivons ces lignes, il existe exactement cent juvénats dans tout l'Institut. Daigne notre Bienheureux Père les bénir tous, et plus particulièrement ceux qui cherchent laborieusement leur voie ! 

II. Noviciat.

 En parlant du noviciat, nous entendrons toute la période que nos aspirants passent sous la direction du maître des novices. Nous y rattacherons donc le postulat, lequel doit se faire chez nous, sauf exceptions motivées, dans la maison de noviciat.

1. But du noviciat. En premier lieu, que le noviciat soit toujours ce que le Code de droit canonique, nos Constitutions et toute la tradition religieuse entendent par là. Dans un noviciat, il faut : « former l'âme du novice par l'étude de la Règle et des Constitutions, par de pieuses méditations et des prières assidues, par l'enseignement de ce qui concerne les vœux et les vertus, par des exercices aptes à extirper, jusqu'à la racine, les racines des vices, à dominer les mouvements de l'âme, à acquérir les vertus » (canon 565, repris dans nos Constitutions, art. 35). On peut plaisanter, plus ou moins malicieusement, sur ces « germes des vices », qu'on n'arrive jamais à extirper, mais la pensée de l'Eglise est très claire : le noviciat doit être un entraînement systématique, méthodique, progressif et suffisamment prolongé à toutes les vertus fondamentales que requiert la vie religieuse, dans laquelle chacun a l'obligation de tendre vers la perfection évangélique. On ne peut introduire, dans un noviciat, des modifications ou des adaptations qui détourneraient plus ou moins de ce but. Ni faiblesse, ni négligence dans la réalisation du programme fondamental du noviciat ! Ni innovations ou expériences qui pourraient mettre en cause l'avenir d'âmes qui veulent suivre le Christ de plus près ! Comme le déclarait énergiquement un père de famille, dans une réunion de contact entre parents et éducateurs : « Nous ne voulons pas qu'on fasse des expériences pédagogiques plus ou moins risquées au détriment des enfants que Dieu nous a confiés ».

Les capitulants de 1958 avaient mis en garde contre ce danger : « Dans la formation des novices. qu'on s'en tienne aux grands principes de notre spiritualité mariste, en cherchant surtout à former des convictions bien assises. Qu'on évite de tomber dans l'excès des formules dites modernes, se méfiant des concessions à cet esprit qui tendraient à diminuer l'esprit de sacrifice et la volonté des jeunes » (Circulaires, XXII, pp. 270-271).

2. Age des candidats. Nos Constitutions prévoient, comme minimum d'âge, celui que prescrit le Code de droit canonique (canon 542, 1° – Constitutions, 21, 2°), soit quinze ans accomplis pour la vêture. Sans vouloir porter un jugement sur les admissions du passé (car il faudrait, au préalable, tenir compte de toutes les circonstances de temps et de lieu), nous admettons aujourd'hui qu'un bon noviciat requiert au moins une ou deux années de plus. Le Chapitre de 1946 avait formulé le vœu suivant : « Que le noviciat ne commence pas avant 17 ans, sauf de rares exceptions, et que le postulat ne se fasse pas dans une autre maison que celle du noviciat, sans une approbation du Conseil Général » (Circulaires, XIX, p. 545). Les capitulants de 1958 ont abouti à la même conclusion. La possibilité d'admettre dès quinze ans est sauvegardée, mais on insiste fortement pour qu'on retarde l'admission.

Nos novices ont besoin d'être sérieusement préparés aux graves engagements qu'ils contracteront à la fin de leur probation, aux difficultés qu'ils rencontreront plus tard dans leur vie religieuse. Dans le domaine de la chasteté, par exemple, « nos jeunes aspirants modernes ont le besoin et le droit de recevoir une explication franche, claire, suffisante quoique très prudente de la question (Circulaires, XXII, p. 271). Une pareille formation suppose évidemment que les candidats ne soient pas trop jeunes. A cette période de la vie, deux ans de plus peuvent faciliter étonnamment la tâche délicate des formateurs. Le fait d'être un élève brillant, bien que très jeune, ne suffit pas à justifier une admission hâtive. Sans une « maturité » psychologique suffisante, un aspirant, quelle que soit son intelligence, n'est pas à même de bien profiter de la formation du noviciat : il convient alors d'attendre une ou deux années de plus.

3. Dispositions des aspirants. On ne rappellera pas ici toutes les dispositions physiques, intellectuelles ou morales, que les aspirants devraient apporter au noviciat. Toutefois, on voudrait insister sur l'importance exceptionnelle de la sincérité, de la droiture, de l'esprit de travail et de la volonté d'effort pour une bonne préparation à la vie d'un Frère Mariste. Sans demander trop à des jeunes de cet âge, il faut toutefois se montrer intransigeant devant des déficiences manifestes par rapport aux dispositions que nous venons d'indiquer. Un jeune homme qui n'est pas vraiment sincère, qui suit habituellement des « chemins tortueux », ne deviendra jamais un bon religieux, pas plus que celui qui renâcle devant tout effort ou tout sacrifice. L'esprit de compréhension et la patience indulgente des formateurs peuvent suspendre d'abord le jugement définitif, mais il ne convient pas d'attendre trop longtemps.

Par contre, dès qu'un jeune homme révèle un caractère droit et ferme, qu'il ne recule pas devant la peine et l'effort, sa formation à la vie religieuse est possible et peut produire des résultats merveilleux.

4. Régularité et discipline au noviciat. Les deux s'imposent rigoureusement dans un noviciat. On comprend difficilement que des « éducateurs par vocation » puissent s'illusionner, au point de se mettre totalement à la remorque de certains théoriciens, irréalistes et dangereux, qui affectent un mépris total de tout ce qui touche de près ou de loin à la « discipline religieuse ».

Celle-ci n'a jamais eu comme fin d'étouffer la personnalité du jeune homme, bien au contraire. Elle peut et doit même laisser une grande marge d'initiative à tous les jeunes, en tenant compte du caractère particulier de notre vocation. Tout formateur sérieux aime ces jeunes gens, aux belles et généreuses initiatives, qui favorisent le travail. l'entrain et le bon esprit de tout leur groupe. Il les distinguera sans peine des têtes volages ou capricieuses, des « individualistes » qui refusent catégoriquement de se laisser conduire, des « brouillons » qui veulent toujours jouer un rôle…

Plus d'un supérieur a pu se rendre compte, malheureusement, des tristes résultats produits dans un groupe de jeunes, bien disposés au début, dès que l'ordre et la discipline fléchissaient. Très vite, l'esprit de travail, la charité fraternelle, l'union et la joie baissaient également… Dans ces conditions, l'esprit de critique pouvait se développer facilement et faire un tort immense à tout le groupe.

Par contre, la fidélité habituelle aux prescriptions de la Règle, l'acceptation résolue de la discipline nécessaire dans toute communauté, spécialement dans une maison de noviciat, favorisent le travail commun, la cordialité des rapports mutuels, l'esprit de famille et ce climat de joie qui doit régner dans un bon noviciat.

5. Isolement du noviciat. Le Code de droit canonique (canon 564) demande que le noviciat soit séparé, autant que possible, de la maison habitée par les profès. D'autre part, les relations avec l'extérieur doivent être réduites au nécessaire.

Certains esprits comprennent difficilement cette séparation. Pourtant, dès qu'on examine les raisons qui ont, amené cette prescription, on l'admet facilement. Par là, la liberté et le sérieux du « choix » final, pour chaque novice, sont bien mieux garantis que par des « diversions » trop nombreuses, par de trop fréquents rapports avec le dehors. Cette séparation doit donc se faire partout, sans raideur mais avec fermeté. Quand le noviciat est une maison totalement distincte, il n'y a pas de problème spécial à résoudre. Dans les autres cas, le règlement du noviciat peut être plus souple sur ce point précis de la séparation, tout particulièrement quand la population de toute la maison est assez faible. Mais il importe toujours de maintenir, pour le noviciat proprement dit, une séparation suffisante, un certain « isolement ». Encore une fois, il s'agit non d'un détail, mais d'une condition importante pour que l'année de noviciat donne les heureux fruits que l'Eglise et l'Institut en attendent.

6. Etudes profanes au noviciat. En tenant compte de l'ensemble des informations que nous avons reçues au cours de ces dernières années, il semble que, dans quelques noviciats, on inscrive un peu trop d'études profanes dans l'horaire régulier.

Le postulat peut comporter un certain nombre de cours profanes. Encore faut-il qu'on n'abuse pas de cette latitude et que le Frère Maître puisse effectivement imprimer une orientation spirituelle à tout le postulat, sans quoi celui-ci finirait pas n'être plus que l'ombre de ce qu'il doit être. Dans plusieurs provinces, on a introduit, dès le postulat, un solide programme d'études religieuses, afin de permettre aux jeunes gens, tout d'abord de bien profiter de l'année canonique de noviciat, ensuite de se préparer de longue main à leur futur apostolat de catéchistes. Pareille initiative mérite d'être pleinement approuvée.

Au noviciat même, tout en excluant les matières profanes proprement dites, on pourrait introduire trop de leçons qui n'auraient qu'un rapport indirect ou assez lointain avec ce qu'un noviciat sérieux postule. Ni le latin, par exemple, ni la philosophie même scolastique, comme telle, n'orientent un novice dans son travail essentiel. On peut évidemment admettre ces matières au programme, de préférence à d'autres qui sont totalement « profanes », mais en respectant les limites indiquées par le Code.

Dans un noviciat, il convient encore d'éviter l'excès dans l'émulation. Les novices seront invités à préparer soigneusement leurs examens, mais on leur recommandera de ne pas se laisser absorber, moins encore préoccuper outre mesure par cet effort de préparation. Le problème essentiel qu'ils devront résoudre pendant l'année, celui de leur vocation, a pour eux une tout autre importance que la réussite à des examens de contrôle. L'heureuse solution de ce problème réclame de la réflexion, du calme et de la maîtrise de soi, autant de conditions que ne favorise guère une sorte d'« intellectualisme » au noviciat.

Redisons ici une remarque de la Circulaire du 8 décembre 1962 : « Si le temps du postulat et du noviciat est bien employé, comme il doit l'être, à la bonne formation du futur religieux, il est, par le fait même, d'une indiscutable valeur au point de vue apostolique » (Circulaires, XXII, p. 697). En voulant brûler les étapes pour gagner du temps, on risque souvent d'en perdre, et même de tout compromettre. Un directeur de scolasticat déclarait récemment : « Du noviciat nous arrivent maintenant des groupes de jeunes Frères, non seulement bien formés au point de vue religieux et mariste, mais des étudiants aux dispositions remarquables : curiosité éveillée, excellent esprit de travail, constance à toute épreuve et bon esprit d'entraide et de collaboration ».

Le temps des semailles est aussi important que celui de la moisson. Nous oublions parfois que celle-ci dépend essentiellement des premières.

7. Direction. D'emblée, nous faisons remarquer qu'il n'est pas question, en ce moment, de la direction spirituelle proprement dite, mais de celle qui revient normalement au Frère Maître.

Entre autres qualités, cette direction doit être paternelle et discrète. Paternelle, elle n'exclut pas la fermeté, quand celle-ci paraît devoir s'imposer ; mais cette fermeté même saura se faire comprendre et accepter. C'est la seule voie sûre pour que les entretiens avec les jeunes gens produisent d'heureux résultats. En dehors de cette attitude constante, aucune « ouverture » franche et cordiale ne sera jamais possible.

La discrétion, telle que nous l'entendons, y ajoute une nuance toute particulière. Elle ne fait aucune pression sur les âmes ; elle sait d'ailleurs fort bien qu'aucune âme ne laisse forcer sa porte. Elle témoigne à tous ce souverain respect qui est dû à la « personne » de chacun ; les jeunes gens auront tôt fait de le remarquer et de l'apprécier. Elle sait ne pas voir et enregistrer « tous » les manquements, dès lors que ceux-ci sont occasionnels ou sans malice. « Je n'ai rien vu », disait en souriant un bon Frère Maître à quelqu'un de ses disciples, tout décontenancé d'avoir été pris « flagrante delicto »… La discrétion doit être absolue dès qu'il est question d'une confidence, si minime qu'elle puisse paraître.

La paternité et la discrétion se manifestent dans les « jugements » formulés sur les candidats. Ces jugements seront toujours calmes et modérés, assez souvent provisoires. Qui n'a rencontré quelque professeur au jugement « infaillible » (selon lui !), qui avait tôt fait de classer sûrement et définitivement tous ses élèves pour la valeur morale aussi bien que pour les études ? De la lente progression de certaines qualités ou vertus, des réserves d'énergie morale qu'un élève peut cacher au fond de son âme et qu'il importe de découvrir et de mettre en action, du travail mystérieux de la grâce dans des âmes faibles et inexpérimentées, mais habituellement bien disposées, l'homme sans paternité et sans discrétion semble tout ignorer. Il n'est pas et ne pourra devenir un bon éducateur, moins encore un formateur de futurs religieux.

8. Groupes trop ou trop peu nombreux. Il est difficile de déterminer quand un groupe de postulants et de novices devient trop nombreux pour que le Frère Maître et ses aides puissent assumer convenablement leurs fonctions. Cela dépend des âges, des pays, parfois de circonstances particulières. Lorsque le groupe total dépasse la soixantaine, la tâche du Frère Maître devient certainement délicate et difficile. Mais il s'agit généralement d'une situation provisoire. Là où ces groupes nombreux se suivraient sans interruption, on devrait arriver rapidement à la division de la province, en supposant naturellement qu'ils soient composés de jeunes gens vraiment bien disposés. Car, ce que nous disions des juvénats trop accueillants s'applique plus encore aux noviciats qui feraient de même : les médiocres s'en iront tôt ou tard, mais pas eux seulement, hélas ! Lorsqu'un groupe est nombreux, le Frère Maître peut réserver son temps pour ses fonctions essentielles, et laisser à ses aides le reste du travail, ce qui lui permettra de maintenir un contact vraiment profitable avec chacun de ses disciples.

Les groupes trop peu nombreux sont plutôt difficiles à bien conduire. En pareil cas, le meilleur des formateurs a de la peine à juger ses disciples selon leur valeur réelle, à prévoir le lendemain du noviciat pour chacun d'eux. Les jeunes gens eux-mêmes trouvent moins d'occasions de se former et de s'épanouir : leur horizon est trop restreint. Ils se découragent aisément, souvent à cause de l'ennui qui provient du manque de vie et d'activité dans leur petit groupe.

Pourtant, ces noviciats à faible population habituelle peuvent être nécessaires, dans des pays où I'Institut n'est pas encore solidement implanté, dans des provinces ou des districts trop éloignés des autres secteurs de la Congrégation. Si paradoxale que puisse apparaître notre conclusion, c'est dans ces petits groupes qu'il importe de placer un excellent formateur, si l'on veut obtenir des résultats heureux et durables. Parfois, la meilleure solution sera encore, malgré certaines difficultés extérieures, d'arriver à la collaboration entre deux ou trois provinces pour constituer un noviciat plus fort.

9. Importance du noviciat. Les prescriptions de l'Eglise sur le noviciat, à la fois si nombreuses, si détaillées et si sévères, prouvent à l'évidence quelle importance elle attache à cette période de formation. Les directives de tous les « Fondateurs » et les leçons de l'expérience vont dans le même sens.

Dans notre Institut, le scolasticat se fait ordinairement tout de suite après le noviciat. Il permet de continuer et d'approfondir, sans transition, la première formation de nos jeunes Frères. L'un n'est pas l'autre ; il importera toujours de bien distinguer ces deux étapes successives. Mais il est essentiel que le scolasticat soit conçu et organisé pour que le travail du noviciat soit continué harmonieusement. C'est seulement dans le cas d'une étroite et constante collaboration entre les deux institutions qu'on pourra apprécier pleinement de quelle importance est une bonne et solide introduction à la vie mariste.

Une vie religieuse ne peut se construire sur le sable. C'est au noviciat qu'on doit en poser les fondements sur le roc, c'est-à-dire sur des convictions claires et fermes, non sur le sable mouvant du sentiment. La formation de nos jeunes aspirants doit être sainement « réaliste ». Nous ne devons pas nous cacher les difficultés de ce travail : il requiert des hommes très religieux, expérimentés et tout dévoués à leur mission. « Il n'est pas facile de donner une bonne formation aux jeunes religieux. Le temps est limité et le champ des investigations est immense. Il est pourtant d'une importance capitale qu'elle soit réaliste, puisqu'elle oriente la vie entière de l'individu » (William F. Hogan, C.S.C., cf. « La vie des communautés religieuses », février 1964, p. 36).

Tout noviciat, conçu et dirigé comme le veut l'Eglise, doit tendre constamment à « bien orienter » la vie entière des futurs religieux. On ne peut exprimer plus simplement et plus fortement quelle est l'importance particulière de cette institution.

10. Pas d'exagération. N'y en a-t-il pas qui attendent trop du noviciat ? On peut entendre parfois des jugements durs, blessants, injustes même, sur les résultats obtenus…

Cette attitude manifeste une grande incompréhension du travail délicat qui incombe au personnel d'un noviciat. En même temps, elle néglige systématiquement deux vérités pourtant élémentaires. La première, c'est que ce travail de formation, qui ne peut être qu'ébauché dans un noviciat (même dans le meilleur des noviciats, et cela pour de multiples raisons…), doit être continué, immédiatement, dans la communauté (scolasticat ou « poste ») qui reçoit le nouveau profès ; toute interruption serait A la fois une erreur et un danger. La seconde, c'est que tout homme reste « libre », et donc personnellement responsable de sa destinée, jusqu'au terme de sa vie.

Lorsqu'un « profès » mène une vie religieuse plutôt médiocre ou lorsqu'il abandonne sa vocation, on ne peut en rejeter la cause, automatiquement, sur la faiblesse ou le manque de profondeur de la formation reçue au noviciat. La « semence » était bonne ; la terre, qui l'a reçue, a pu l'être également. Mais la semence ne lève et ne croît que dans des conditions favorables. Et la terre elle-même peut devenir stérile… Un religieux adulte, aujourd'hui peu fervent ou même lâche au service de Dieu, peut avoir fait un bon noviciat. Ici-bas, nul n'est confirmé en grâce. Certains jugements ne tiennent pas compte de ce principe fondamental. 

III. Scolasticat.

 1. But et importance. Le directeur d'un scolasticat et son « équipe » se trouvent en face d'une double tâche : a) Ils devront continuer la formation « humaine » de leurs disciples, les préparer le mieux possible à leur mission apostolique de demain. b) Mais ils devront également continuer et approfondir la formation spirituelle et mariste que les jeunes Frères ont reçue au noviciat, et cela dans des conditions de vie qui ressemblent déjà beaucoup à celle de nos communautés ordinaires.

Cette double fin fait comprendre l'importance exceptionnelle de cette étape, qui se présente un peu comme « la croisée des chemins » pour nos jeunes. Le programme du noviciat est relativement facile pour eux. Bien des vertus maristes, qu'une expérience suffisante de notre genre de vie leur révélera comme « difficiles », n'exigent pas beaucoup d'efforts de la part des postulants ou des novices, soit parce que les occasions de les pratiquer sont rares, soit parce que le cadre et l'ambiance y portent tout naturellement des cœurs bien disposés. Le recueillement, au moins extérieur, y est habituel. Les causes de préoccupation manquent à peu près totalement. Par là, les exercices de piété peuvent se faire dans des conditions presque idéales. Par contre, les scolastiques peinent souvent pour rester des hommes de vie intérieure. Etudes et examens leur ménagent à peu près les mêmes difficultés que la classe et les « œuvres » aux Frères des continués.

Toutefois, au scolasticat, nos jeunes Frères se trouvent dans d'excellentes conditions pour cet entraînement difficile. Ils ne sont pas seuls : ils peuvent toujours compter sur l'aide fraternelle de formateurs qualifiés. Cet avantage doit leur être assuré par une bonne organisation du scolasticat. Qu'en est-il au juste ?

2. Défaut d'organisation. Un examen sérieux de l'organisation de plusieurs centres de scolasticat fait connaître des incompréhensions ou des lacunes. Programmes, horaires, conditions et méthodes de travail laissent à désirer sur plus d'un point.

On trouve encore ce qu'on appelle familièrement le « bachotage », c'est-à-dire que le souci de la préparation des examens domine tout, au point que cela va jusqu'à l'obsession, surtout quand il s’agit d'affronter des jurys officiels. En pareil cas, la formation proprement dite, humaine et professionnelle, passe au second plan. Quant à la formation religieuse, elle est fort négligée ou elle reste toute superficielle. Avant tout, on prépare des examens.

Il est assez normal que nos jeunes Frères soient distraits par la multiplicité de leurs études, comme leurs aînés le sont par leurs différents devoirs d'état. Leur attention est sollicitée de tous côtés et ils ont de la peine à maintenir les habitudes de vie intérieure acquises au noviciat. Mais il est anormal, inadmissible, et très dangereux pour l'avenir des vocations, que l'on puisse en arriver à une sorte d'obsession.

Les responsables doivent faire tout leur possible pour éviter ce déséquilibre dans la formation de nos étudiants. Ils le peuvent, par des programmes bien établis, d'où l'inutile est impitoyablement éliminé, où l'accessoire ne domine jamais l'essentiel. Cet élagage ne se fait pas partout, malheureusement. Ils le peuvent, en respectant les étapes que requiert toujours une bonne formation. Dès qu'on veut aller trop vite, « brûler les étapes ». on aboutit rapidement à diverses formes de surmenage. Ils le peuvent, et de nos jours plus facilement qu'autrefois, par une sage utilisation des longues périodes de vacances. Enfin, ils ne doivent jamais perdre de vue que l'initiation des jeunes à une bonne méthode de travail est d'une importance capitale. Pratiquement, une heure de travail « méthodique » est bien plus profitable que plusieurs heures d'une activité désordonnée. Nous y reviendrons plus loin.

3. Formation patiente. Très souvent, nous sommes pressés au scolasticat. « Nous », c'est-à-dire les supérieurs, les formateurs et les jeunes Frères eux-mêmes. On comprend cette hâte d'en finir avec les études proprement dites chez les gens du Inonde : les parents trouvent que les dépenses supplémentaires durent bien longtemps, et les jeunes veulent commencer leur carrière le plus tôt possible… Comme religieux, nous pouvons nous permettre le « luxe » d'attendre calmement que la formation de nos jeunes soit assez poussée pour qu'ils abordent la vie active dans de très bonnes conditions. On ne fait rien de sérieux ni de durable sans le temps.

A ce sujet, l'Eglise nous donne actuellement un exemple magnifique, que nous devons méditer et imiter. Partout, les âmes attendent des prêtres. Sans cesse, l'appel retentit aux oreilles des fidèles de toute l'Eglise : « La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux ; priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers à sa moisson » (Mt. IX, 37-38 ; Lc. X, 2). Mais l'Eglise n'en diminue pas pour autant la longueur de la formation au séminaire. Bien au contraire, elle renforce encore les lois qui règlent la durée des études, les programmes à suivre, les étapes à parcourir l'une après l'autre… Dans un Institut comme le nôtre, où la forme d'apostolat est importante et difficile, on ne doit pas procéder autrement.

Une sage patience s'impose donc dans la préparation de nos Frères. L'Eglise s'est déjà montrée intransigeante pour la durée du noviciat, qui est l'initiation à la vie religieuse. Les supérieurs responsables doivent être très fermes pour consacrer tout le temps nécessaire à la bonne préparation des jeunes Frères à leur vie apostolique. La tentation peut être forte parfois de supprimer une année de scolasticat, par exemple devant certaines difficultés de la liste des placements. Sans des raisons impérieuses, il faut y résister. On s'en repent presque toujours. Trop souvent, quelque jeune Frère, très bien disposé, s'est trouvé désemparé devant des tâches qui dépassaient ses possibilités du moment. Il en a souffert, terriblement dans certains cas. Comment pouvait-il être fier d'une mission qu'il se sentait incapable de remplir convenablement ? Une seule année supplémentaire de préparation aurait diminué grandement les difficultés de sa première année d'enseignement. Sachons attendre patiemment que l'heure de l'action soit venue pour chacun de nos jeunes Frères.

4. Climat spirituel et apostolique du scolasticat. Nous unissons les deux points de vue, le spirituel et l'apostolique. Dans la formation de nos Frères, on ne devrait pas les séparer.

Nos étudiants sont souvent impatients de commencer une vie vraiment apostolique et missionnaire. Il importe de leur faire comprendre que leur vie actuelle doit et peut les entraîner efficacement à cette vie.

a) Tout d'abord, le premier champ d'apostolat, pour tout religieux, doit être sa propre communauté. Celui qui n'arrive pas à saisir et à vivre cette vérité ne sera jamais un apôtre du Christ, et cela nulle part. Il faut insister sur ce point, car les illusions sont fréquentes en ce domaine. Au scolasticat, comme plus tard dans la communauté, chacun doit faire tout son possible pour faire régner un climat de charité, de ferveur et de générosité. Tous doivent se sentir « responsables » de la bonne marche du groupe : directeur, professeurs et étudiants.

b) La vie du scolasticat exige de nos jeunes Frères des efforts pénibles, de réels sacrifices. Elle ménage des désillusions, des échecs plus ou moins sentis. A chacun de les rendre surnaturellement féconds, dès maintenant. Plus tard, il en sera de même, dans toutes les communautés où l'obéissance les enverra. Les occasions de souffrir pour le salut des âmes en union avec le Christ, ne nous manqueront jamais ; elles se présenteront toutes seules. A nous d'en profiter intelligemment, courageusement, en tout temps, à commencer par la période du scolasticat.

c) Il est normal que, dans un groupe de jeunes Frères, beaucoup de questions sur notre mission apostolique se posent à l'occasion de certaines leçons, au cours des conférences, des réunions d'études ou des « carrefours ». Comme il est facile alors de passionner nos Frères pour ces « problèmes du jour », quand on sait les leur présenter comme il convient ! On peut encore les mettre en garde contre les dangers d'erreur, contre les déviations possibles, surtout contre les « faux prophètes », dont l'influence est toujours à craindre. Ainsi, on arrive à les enthousiasmer par la finalité apostolique qu'ils découvrent dans leurs études actuelles.

d) Parallèlement, ils devront s'entraîner à une solide vie intérieure, malgré des études souvent absorbantes, les inquiétudes en période d'examens, les inévitables heurts, incompréhensions, petits échecs et accrocs de santé qui peuvent survenir au fil des jours. Demain, il leur faudra surmonter leurs peines et leurs difficultés personnelles pour se donner pleinement à ceux qui leur seront confiés. Aujourd'hui, ils peuvent se préparer, s'entraîner courageusement pour assumer cette responsabilité et cet honneur.

Peu à peu, ils verront que la vie intérieure reste l'aspect essentiel de toute préparation apostolique, et qu'elle est possible dans toutes les situations. S'ils sont fraternellement guidés, éclairés et soutenus par les exemples de leurs maîtres, ils ne seront pas, plus tard, de ces catéchistes sans âme, capables peut-être de donner des leçons bien charpentées, bien présentées, agréables à suivre, mais où manque trop l'essentiel, ce « souffle de vie », que peut seul y mettre une âme vraiment unie au Christ…

5. Points à étudier ensemble. Dans un scolasticat bien organisé, il convient d'avoir, chaque année, un programme d'entretiens variés sur des questions ou problèmes d'une importance spéciale pour la formation de nos jeunes Frères. Quand les thèmes de ces entretiens « fraternels » ont été bien choisis et bien préparés, et que la direction en est calme et sûre, cette manière de faire peut rendre d'inappréciables services à tous, formateurs et étudiants.

La liste des thèmes possibles serait longue. Elle doit nécessairement varier selon le caractère particulier de chaque groupe. En effet, nos scolasticats ne sont pas partout du même type. Là où le noviciat se fait assez tôt, les nouveaux profès auront tout d'abord à finir leurs études secondaires ou à préparer leur diplôme d'instituteur (de maître d'école). Ailleurs, la plupart des scolastiques abordent directement des études universitaires ou du moins pré-universitaires. Les différences d'âge et d'instruction influent nécessairement sur le choix des sujets à traiter.

Dans quelques groupes, où les Frères sont en nombre suffisant, une petite « revue de famille » donne le compte rendu des exposés et des discussions qui ont eu lieu pendant ces réunions. Il y a des « essais » qui méritent vraiment d'être loués… Evidemment, une juste mesure s'impose pour le temps consacré à ces réunions et à leur préparation : le travail fondamental du scolasticat ne doit jamais passer au second plan.

Il nous semble opportun d'insister quelque peu sur deux de ces problèmes : le sens de la responsabilité, la juste conception de notre vie communautaire.

a) Le sens de la responsabilité, tellement nécessaire à un religieux-éducateur, doit être éduqué méthodiquement ; il ne se développe pas tout seul. Il est souvent très pénible de constater avec quelle facilité on rejette « toute la responsabilité » des erreurs, échecs ou fausses manœuvres, sur les « autres », spécialement sur tel ou tel supérieur. On dirait que chacun se sent, personnellement. à l'abri de tout reproche… Les âmes nobles, les apôtres du Christ, les saints surtout n'ont jamais agi de la sorte. Ils se sont jugés d'abord eux-mêmes ; ils ont examiné loyalement leur propre responsabilité à l'occasion d'échecs ; et ils ont été sévères dans cette appréciation.

Si nous avions tous un sens aigu de notre responsabilité personnelle par rapport à l'ensemble de notre mission apostolique, quel bien immense notre famille mariste pourrait faire dans l'Eglise ! Nous savons fort bien que l'éducation de la jeunesse requiert, plus qu'autrefois, une collaboration étroite entre tous ceux qui en sont chargés. Mais si chacun d'entre nous ne se sent pas, personnellement, « responsable » du résultat final de l'effort commun, la collaboration recommandée ne sera jamais qu'une utopie…

b) De même, une bonne préparation à la vie de communauté, telle qu'elle se présente normalement chez nous, peut être très utile à nos jeunes Frères. Plus facilement qu'au noviciat, on peut leur parler des côtés « mortifiants » de cette vie, sans exagération, sans pessimisme, avec un sain réalisme. En même temps, on peut leur faire découvrir les remèdes, toujours à portée de main, dès qu'on veut sincèrement y recourir.

Comme la « vie de famille », même dans les meilleurs foyers chrétiens, implique l'acceptation de bien des petites épreuves, la vie de communauté peut ménager à tous des difficultés qui fatiguent et font souffrir. « La patience y est exercée par les différences des caractères, des tempéraments, des âges, des goûts, des idées. On peut y rencontrer des occasions de jalousie ou de ressentiment, des blessures d'amour-propre, des déceptions : on apprend à ses dépens que la pauvre humanité montre partout le bout de l'oreille, que des traces de médiocrité se rencontrent toujours, qu'il n'y a jamais eu aucun couvent habité uniquement par de grands saints. On fait souffrir les autres de défauts dont on a à peine conscience, et, inversement, on pâtit des défauts d'autrui, parfois pleinement involontaires. Le seul fait de la cohabitation matérielle est parfois, pour certains nerfs ou à certains jours, une sérieuse épreuve et certains se prendraient peut-être à rêver du désert. Les religieux fervents triomphent, avec l'aide de la prière, de ces imaginations déprimantes » (cf. Revue des Communautés Religieuses, 1938, p. 9).

Le tableau précédent est un peu « chargé ». semble-t-il, mais comme il a paru dans une revue nettement religieuse, il prouve par là même que ces difficultés ne sont pas à prendre au tragique. Comme le note un auteur récent : « Dans la recherche de la sainteté, il importe souverainement de garder le bon sens chrétien. Les « saints » sont rares, parce que la sainteté est chose difficile. Or de jeunes religieux s'attendaient peut-être à vivre dans des communautés idéales, où ils seraient épaulés, soutenus, comme portés par une ambiance de ferveur. En réalité, leurs aînés sont en grande majorité de bonne volonté… Mais ils restent des hommes, de pauvres hommes, entachés de défauts » (Marcel Denis, S.C.J., Revue des Communautés Religieuses, 1961, 21).

L'auteur note un peu plus loin que « les déficiences se remarquent plus vite que les signes de ferveur », ce que tout religieux d'expérience a pu constater maintes fois au cours de sa vie. C'est précisément ce qu'il faut expliquer à nos jeunes, afin qu'ils en tirent des conclusions pratiques pour leur vie d'aujourd'hui et de demain. Par-delà les déficiences visibles, ils apprendront à deviner et à entrevoir progressivement les vertus cachées, mais réelles et solides, du plus grand nombre de leurs Frères. Cette manière réaliste, foncièrement chrétienne d'ailleurs, de considérer les aspects variés de leur vie de communauté, leur permettra plus tard d'éviter l'exagération et le pessimisme… Si quelqu'un refuse obstinément de voir ses confrères sous cet angle, il ne semble pas destiné à mener la vie de communauté.

6. Personnel du scolasticat. Dans toutes nos maisons de formation, le personnel doit être formé exclusivement de bons religieux et de bons éducateurs. Par suite du rôle actuel de nos scolasticats, celte exigence y est encore plus forte. Sans rêver de formateurs ornés de toutes les qualités naturelles et surnaturelles, les supérieurs auront à cœur de veiller au bon choix de ceux qui devront guider leurs jeunes Frères. Il y a va de l'avenir des jeunes, comme de l'avenir de toute la province.

Directeur et professeurs se plairont à vivre en communauté avec leurs jeunes Frères. Ils s'efforceront de rester jeunes avec eux, de partager fraternellement leurs travaux, leurs soucis et leurs joies, de manière à maintenir avec tous un contact cordial et fécond, qui n'exclut pas de la part des jeunes le respect dû à des maîtres. L'admirable cardinal Saliège, très âgé et infirme, pouvait dire jusqu'au terme de sa vie : « Dieu m'a fait la grâce, malgré mes infirmités, de rester jeune. Un jeune ne vit pas dans le passé, il est impatient de l'avenir ». Tout le scolasticat doit être tendu vers l'avenir…

Il importe que les formateurs aient une pédagogie bien concertée entre eux, et cela dans tous les domaines de la formation des scolastiques. Ainsi seulement, ils pourront aider efficacement chacun à donner le meilleur de lui-même. Souvent, des jeunes Frères piétinent et se découragent, parce que les conseils et les directives qu'ils reçoivent, ne s'harmonisent pas, se contredisent même parfois, en tout cas ne sont pas bien adaptés à leur situation personnelle. Rarement, on se trouve devant un « cas désespéré ». Les possibilités de beaucoup de jeunes sont plus grandes qu'il ne paraît de prime abord, mais elles ne peuvent être découvertes et mises en valeur que par la collaboration fraternelle de tous les membres du personnel formateur.

Les professeurs penseront à l'avenir des jeunes Frères. Le scolasticat est, en effet, la dernière étape régulière de notre système de formation. L'attention des responsables devra donc se porter sur tout ce qui peut permettre aux jeunes Frères d'aborder leur vie active dans les meilleures conditions. Nous y avons fait allusion plus haut, en parlant des points à étudier ensemble.

Un des plus grands services qu'on puisse rendre à des scolastiques est de les initier à une méthode de travail simple, pratique, rapide et efficace. Lorsque le jeune religieux « sait » comment on travaille utilement, il acquiert vite le goût du travail sérieux et bien fait. Bientôt, il ne pourra plus tolérer dans sa vie le gaspillage du temps ou la besogne mal faite. Plus tard, il ne sera jamais de ces hommes qui « tuent le temps » en occupation futiles et stériles. Par là, sa vie intérieure et sa vocation seront préservées d'un grand nombre de périls. Que cette noble passion du travail soit orientée résolument vers le service de Dieu et des âmes, et le jeune Frère sera vraiment un apôtre du Christ parmi ses élèves !

Par le fait que les programmes des études sont de plus en plus chargés, il importe que cette formation au travail soit faite le plus tôt possible et qu'elle soit bien conduite. Un de nos Frères, spécialiste en pédagogie, qui fut toute sa vie un travailleur extraordinaire, plutôt lent, mais calme et méthodique, nous confiait quelque temps avant sa mort accidentelle (en 1947) que l'une de ses grandes peines était de voir ce gaspillage du temps parmi nos jeunes Frères, parce qu'on ne leur avait jamais appris à bien travailler. Il a d'ailleurs rédigé sur ce thème, peu de jours avant sa mort, un assez long article. Citons seulement quelques passages : « Tout professeur – celui de nos scolasticats en particulier – doit avoir pour ambition, en même temps que de faire assimiler une matière, de donner une méthode de travail… Chez beaucoup d'élèves, il y a un énorme gaspillage de temps et d'énergie parce qu'ils ne savent pas « comment » ils devraient étudier. Il faut bien avouer qu'il se fait beaucoup de travail inutile, de soi-disant travail, qui occupe le temps, mais ne fait pas penser… Ils sont peu nombreux les élèves qui réfléchissent réellement. Bien clairsemés sont les moments de véritable concentration intellectuelle. Rares sont les scolastiques qui travaillent d'après des méthodes économiques… » (F. Léon),

Bien entendu, il n'est pas question de donner à nos jeunes une méthode définitive de travail personnel : il n'y a pas de « recettes toutes faites » dans ce domaine. Mais on peut (et l'on doit donc) leur apprendre à ne pas disperser leurs efforts, à concentrer leur attention, à travailler méthodiquement, à ne jamais gaspiller leur temps par du « mauvais travail »… L'acquisition d'une méthode de travail vraiment personnelle requiert généralement des années de tâtonnements et de mises au point. Il peut s'estimer heureux celui qui, vers la trentaine, dispose déjà de ce merveilleux instrument de travail qu'est une bonne méthode personnelle.

Cette formation se présente sous une forme plus simple qu'on ne croit. En général, nos jeunes Frères apprennent à bien travailler, lorsqu'ils voient à l’œuvre leurs professeurs dans les diverses disciplines scolaires. Toute leçon, bien préparée et bien présentée, rend un double service aux auditeurs : elle éclaire un point déterminé du programme, et elle enseigne comment il faut étudier cette matière.

7. Rôle de la prière. Rien de plus complexe que la question de la formation harmonieuse de notre jeunesse mariste, depuis l'entrée au juvénat jusqu'au seuil de la vie active ! Elle dépasse toutes les possibilités humaines : elle requiert donc l'intervention constante de la grâce de Dieu. Comme le notait autrefois Mgr Ancel, parlant de la formation des séminaristes : « Sans le Saint-Esprit, trahison, reniement, abandon ; avec le Saint-Esprit, fidélité jusqu'au martyre ».

Récemment, un auteur concluait quelques considérations sur ce thème par une phrase qui ne peut surprendre que les esprits superficiels : « On aurait réussi la formation d'un jeune religieux, si on lui avait fait aimer beaucoup la vraie prière » (Marcel Denis, cité déjà plus haut). Cette réflexion rejoint le jugement catégorique de notre Bienheureux Père : « A mon avis, être véritablement pieux, ou être un bon religieux, c'est la même chose ».

Pour la bonne formation de nos jeunes, il faut nous rappeler toujours la nécessité de la prière fréquente : la prière des formateurs, la prière des jeunes eux-mêmes, la prière de tous les Frères de l'Institut. Rien, absolument rien ne peut remplacer ce moyen de formation. 

IV. Formation continuée.

 Dans notre Institut, les trois étapes régulières de la formation (juvénat, noviciat et scolasticat) doivent introduire le jeune religieux dans cette vie active qu'implique notre mission apostolique. Le jeune Frère est ensuite envoyé dans son premier « poste ».

Les « débuts » constituent, pour la plupart des Frères, une période critique de la plus grande importance pour leur avenir. A un de nos sympathiques jubilaires, religieux fervent et éducateur de haute classe, on demandait à quelle date il situait le tournant « décisif » de sa belle et féconde vie. Sans l'ombre d'une hésitation, il répondit : « Dans ma première année de communauté ! »

Il y a plus d'un siècle, à l'époque où le scolasticat actuel n'existait pas encore, les Supérieurs de l'Institut insistaient vigoureusement sur l'importance de ce premier contact avec la vie de communauté. « Mais une chose qu'il ne faut pas oublier, Mes Très Chers Frères, c'est que l'éducation des jeunes Frères n'est qu'ébauchée dans les noviciats et qu'elle doit se continuer dans les maisons particulières où ces sujets sont envoyés. De là, la nécessité et l'obligation pour les Frères Directeurs d'étudier, de méditer les Règles, et de se pénétrer de plus en plus de l'esprit de l'Institut, afin de communiquer cet esprit aux jeunes Frères, de leur inspirer l'estime et l'amour de la Règle, de leur faire prendre l'habitude de la régularité et de perfectionner ainsi leur éducation. De là encore, l'obligation pour chacun de nous de bien observer notre Règle, de vivre selon l'esprit de notre vocation, de nous rendre parfaits dans les vertus religieuses, afin d'être pour tous nos Frères des modèles de piété et de régularité : car nous pouvons et nous devons tous, en cela, être maîtres des novices ; c'est-à-dire que nous pouvons et que nous devons tous maintenir la Règle, répandre l'esprit de l'Institut et montrer à nos Frères, par notre bonne conduite, ce qu'ils doivent éviter et ce qu'ils doivent faire pour être de véritables Petits Frères de Marie » (Circulaire du 2 juillet 1855, cf. vol. II, pp. 230-231).

Nous avons cru bon de donner tout le passage. car il laisse entrevoir les responsabilités de chacun. Le Frère Provincial choisit la communauté dans laquelle le jeune religieux débutera. Celui-ci doit pouvoir compter sur l'aide et la direction paternelle de son directeur, comme aussi sur les bons exemples et les encouragements de ses confrères plus anciens. A lui-même ensuite de conduire fermement sa propre vie religieuse et apostolique, sans se laisser décourager par les difficultés que présente cette période d'initiation.

 1. Choix de la communauté.

 Quand la formation d'un jeune Frère a été bien faite, il ne pénètre pas dans sa première communauté comme un bolide qui tombe du ciel. Depuis le juvénat, sa formation a dû être « faite d'une façon adaptée et continue » ; il y a eu de « l'esprit de suite à tous les échelons » (cf. Règles Communes, 288). En particulier, « pour que la vie extérieure intense d'étude ou d'apostolat ne nuise pas à la vie intérieure d'oraison, on aura eu soin de bien harmoniser ces deux aspects de la vie religieuse » (cf. Règles Communes, 292).

Beaucoup a déjà été fait par cette première formation. Tout n'est pas encore fait. Les Règles Communes le rappellent très clairement, selon le vœu exprimé par les capitulants de 1958 : « Les jeunes Frères sortant du scolasticat ne sont pas entièrement formés. Il est indispensable que le Frère Directeur et même les autres Frères continuent leur formation, non seulement professionnelle et pédagogique, mais aussi religieuse et spirituelle » (article 301).

Un jeune Frère, équilibré et bien formé, ne s'étonnera jamais de rencontrer de plus grandes difficultés pour sa vie intérieure. Il comprend sans peine que les exercices de piété, par exemple, ne puissent pas être faits aussi régulièrement et aussi calmement que pendant ses années de formation. Mais il aura tôt fait de remarquer s'il existe, autour de lui, une sincère volonté de fidélité et de régularité. C'est là précisément ce qu'il s'attend à trouver, ce qu'on doit lui offrir coûte que coûte.

Quelle amère désillusion, pour un jeune religieux bien disposé, bien entraîné déjà à une vie mariste sérieuse, que de coudoyer des confrères qui semblent avoir renoncé à tout idéal surnaturel ! Ses formateurs ont pu le préparer à supporter courageusement les épreuves normales de notre genre de vie. Ils ne pouvaient pas (tout en envisageant, hélas ! cette possibilité) l'entraîner à résister impunément à des influences aussi débilitantes…

« L'atmosphère de certaines maisons n'est pas saine pour nos jeunes », observait un religieux (non Frère) dans une réunion d'études. Et il ajoutait : « Je connais telle communauté qui pourrait envier la saine atmosphère spirituelle que l'on rencontre dans quelques familles profondément chrétiennes » ! Ce sont là des paroles très dures. Elles doivent s'appliquer à de très rares situations. Plaise à Dieu qu'elles ne conviennent à aucune de nos maisons !

Trois catégories de religieux surtout peuvent faire du mal autour d'eux, spécialement aux nouveaux venus : les critiqueurs, les irréguliers notoires, les hommes qui manquent de charité.

On ne dénoncera jamais assez vigoureusement mal que font les esprits critiqueurs. Toutes leurs paroles, semble-t-il, ne tendent qu'à rabaisser, à nuire, à démolir… Ils ont passé par diverses communautés. De chacune, ils ont emporté un lot d'histoires et d'observations, peu édifiantes en général, inexactes sur bien des points. Ils les offrent à tout venant, de préférence aux nouveaux arrivés. Avec ces esprits, la fermeté s'impose. Avec charité et respect sans doute, mais aussi avec une franchise totale, les supérieurs responsables doivent intervenir. Il s'agit là d'un devoir rigoureux, que, malheureusement, on n'a pas toujours le courage de remplir pleinement. Il semble superflu de dire qu'il ne s'agit pas ici de la critique «constructive », dont on a parlé dans une précédente Circulaire.

Une seule irrégularité ne rend pas un religieux « irrégulier », pas plus qu'une seule hirondelle ne fait le printemps. Par exemple, un manquement au silence n'implique nullement le dédain de la règle du silence… L'irrégulier qui fait vraiment du mal aux jeunes (et aux moins jeunes) est celui qui, pratiquement du moins, ne tient aucun compte des prescriptions de la Règle. Son comportement étonne ses jeunes confrères, puis les déroute, et finalement, selon la pente de leur nature, les décourage ou les révolte.

Nous ne voulons pas non plus envisager le manque total de charité fraternelle dans le comportement d'un religieux : c'est presque impensable, et, en tout cas, l'aboutissement normal en serait le départ de l'Institut. Mais certains petits manquements de charité, trop fréquents, produisent à la longue un pénible malaise dans une communauté. On ne parle pas à tous ses confrères ; on a des préférences ou des antipathies bien marquées ; on emploie souvent des mots durs, blessants ; on n'oublie pas les torts éventuels ; on ironise facilement ; on ne s'entraide pas suffisamment ; on a une tendance à s'isoler, à vivre en marge de la communauté… Ces constatations répétées grignotent peu à peu l'idéal d'un jeune religieux ; elles peuvent même le conduire jusqu'au scepticisme, jusqu'à une sorte de blasement par rapport à la charité fraternelle et à l'esprit de famille.

Il appartient au Frère Directeur, et, dans une communauté nombreuse, à tous les Frères « anciens » de maintenir un climat de régularité dans leur maison. Au lieu de gémir sur certaines déficiences, il vaut mieux agir, c'est-à-dire essayer de corriger et de redresser. « Il est triste d'avoir à déplorer le mal, mais il ne suffit pas de s'en plaindre pour l'éliminer. C'est le bien que nous devons vouloir, accomplir, exalter » (Radio-message de S. S. Jean XXIII du 21-XII-1961). Une action énergique pour améliorer l'atmosphère spirituelle d'une communauté est bien préférable à toutes les plaintes ou récriminations. La timidité et la lâcheté n'ont jamais été des notes caractéristiques du vrai religieux. A ce sujet, notre Bienheureux Fondateur nous a laissé de magnifiques exemples d'énergie et de courage. Et dans la vie même du vénéré Fr. Jean-Baptiste, on rencontre un terrible réquisitoire contre les Frères Directeurs qui, par leurs paroles ou leurs exemples, avaient scandalisé les jeunes Frères de leur communauté (année 1856 : retraite de Saint-Genis-Laval).

Grâce à Dieu, beaucoup de communautés offrent aux nouveaux venus un milieu favorable à la vie religieuse et apostolique. Récemment encore, après une année de communauté, un jeune Frère nous disait son admiration devant les exemples de ses aînés. Et il concluait : « Chez nous, malgré le travail qui ne manque jamais, c'est la joie qui règne » ! Le plaisir est en surface ; il passe vite ; il ne console guère et il ne trempe pas les âmes. La joie est en profondeur ; elle permet de résister à toutes les épreuves ; elle rend capable de tous les efforts…

 2. Devoirs des aînés.

 L'article 301 des Règles Communes demande au Frère Directeur et même aux autres Frères de continuer la formation des jeunes Frères dans tous les domaines.

Habituellement, le rôle essentiel incombe au Frère Directeur, surtout dans les petites communautés. Mais partout les « aînés » ont leur responsabilité ; dans les communautés nombreuses, leur intervention pratique est même nécessaire. Tous doivent avoir à cœur de guider leurs jeunes confrères, de les encourager, de les aider, de les aimer sincèrement et profondément.

a) Guider. C'est évidemment le devoir strict du Frère Directeur, éventuellement du Frère Provincial. Nous en avons parlé autrefois, à l'occasion du compte de conduite dans l'emploi. Celui-ci est encore trop négligé, bien qu'il y ait de notables progrès dans quelques secteurs. Cela nous serre le cœur d'apprendre que cet entretien paternel, cette « direction pratique des jeunes Frères », est presque totalement omise dans quelques communautés.

Cet entretien fraternel, cette conversation cordiale avec son supérieur local, est nécessaire au jeune Frère ; elle est d'ailleurs utile à tous les Frères de la communauté. C'est par ce moyen simple et efficace que le supérieur peut vraiment remplir son rôle de guide. Selon J. Guibert, cette direction pratique et constante « est la force cachée des communautés religieuses. Par elle, les passions se domptent, les volontés s'assouplissent, les cœurs s'enflamment, les âmes se moulent sur un même idéal. Sans elle, les énergies individuelles resteraient désordonnées, l'harmonie de l'ensemble serait irréalisable. Qu'elle soit aimée et intensivement pratiquée dans un noviciat, et du noviciat sortiront des recrues à volonté droite et ferme. Qu'elle se continue à travers la vie religieuse, et la ferveur ne baissera pas ».

Mais tous les Frères d'un certain âge ont acquis une bonne expérience de la vie religieuse, ont su triompher de bien des difficultés, éviter de dangereux écueils. Ils seront heureux de profiter de cette expérience, souvent durement acquise, pour guider fraternellement les plus jeunes, sans pour cela tomber dans l'excès et « jouer au maître des novices ». Souvent, dans notre vie d'éducateur, les débutants ignorent certains dangers réels de notre mission ou en sous-estiment les difficultés. Un conseil amical peut leur venir bien à propos.

Un conseil, dit-on, est toujours difficile à faire accepter… Toutefois, nos jeunes confrères sont généralement bien disposés à recevoir une remarque ou une mise en garde, dès qu'ils devinent l'affection sincère qui est à l'origine de notre intervention. Parfois, celui qui devrait parler se tait : par timidité, par parti pris, on n'ose ajouter « par indifférence » (l'indifférence pour un membre de la même famille !)… La grâce du conseil passe, mais ne repassera pas toujours. Plus tard, on regrette de s'être tu. Il y a trop d'omissions de ce genre, trop de regrets tardifs. Qui doit prendre l'initiative un conseil ? Le jeune religieux, qui en a besoin, mais qui hésite et ne sait comment exprimer son embarras ? Ou l'adulte, qui devine et qui doit se sentir responsable ? « Qu'as-tu fait de ton frère » ?

b) Encourager. Tout homme éprouve, de temps en temps, le besoin d'être encouragé, un jeune débutant surtout. Que de découragements ne se seraient jamais produits si le mot de réconfort était venu à son heure !

Il ne faut jamais brusquer un Frère qui souffre, à la suite d'un échec, d'une incompréhension. Le supérieur, ou le confrère expérimenté, doit voir ou deviner ce désarroi intérieur et trouver l'occasion d'intervenir délicatement, cordialement. A ne marquer qu'une sorte d'indifférence pour ces situations d'âme, on arrive vite à étouffer le désir qu'éprouve un jeune Frère de se confier à ses aînés.

Même quand il y a lieu de faire un reproche mérité, il convient de ne jamais oublier la note d'encouragement pour finir. Un remède trop brutal peut devenir nocif. C'est une règle de sagesse élémentaire pour un éducateur en face de ses élèves. Elle s'impose donc bien plus dans notre vie de famille.

c) Aider. Souvent, le fait d'avoir acquis une certaine expérience nous permet d'aider pratiquement nos plus jeunes confrères, quand ils se trouvent devant des difficultés inattendues, en communauté comme en classe. Nous ne pouvons être de ceux qui, systématiquement, ne veulent pas se rendre compte que leur intervention est attendue, ardemment désirée. Des paroles comme : « Il faut que ces jeunes apprennent à se tirer d'affaire par eux-mêmes ! », ou « Je n'ai pas le temps de m'occuper des autres ! » sont tout à fait indignes d'un Frère. La vie de famille exige, de notre part, un tout autre comportement.

Nous avons tous connu l'un ou l'autre Frère ancien, dont le dévouement était illimité à l'égard de ses confrères, spécialement des plus jeunes. Ils aidaient celui qui se trouvait dans l'embarras, le déchargeaient si possible, le suppléaient parfois pour une heure de surveillance plus pénible, sans la moindre ostentation, comme s'il s'agissait de la chose la plus naturelle du monde. Nous en avons connu d'autres qui « dressaient des barricades pour défendre leurs chères heures libres », même si ces heures libres étaient consacrées à des travaux personnels absolument secondaires. L'égoïsme peut se rencontrer en communauté, comme ailleurs, et l'âge ne suffit pas pour l'éliminer de notre vie…

Il y a tant de manières d'aider les débutants, avec tact, cordialement et efficacement. Dans la préparation de leur classe, dans la correction de leurs copies : on leur communique ses recettes pratiques, les trucs de métier, les multiples manières d'économiser du temps… Dans les relations avec les élèves : les indications occasionnelles d'un Frère expérimenté peuvent être tellement utiles pour assurer à un débutant l'autorité dont il a besoin…

d) Aimer toujours. Il ne faut pas séjourner longtemps dans une communauté pour en apprécier le degré de charité fraternelle. Les jeunes surtout sont très perspicaces dans ce domaine. Plus que leurs aînés, ils éprouvent le besoin d'une authentique vie de famille. Malheureusement, quand le climat de la communauté n'est pas bon, ils sont portés à reporter à leurs leur besoin d'affection. C'est là un grave péril.

D'autre part, c'est l'amour fraternel entre tous, à la fois simple et profond, qui maintient la jeunesse d'âme dans toute une communauté, quelle que soit la différence des âges. Ainsi seulement peut disparaître ce « fossé entre les générations », dont on parle si souvent. Car, si nous avons insisté sur les devoirs des « anciens » par rapport à leurs jeunes confrères, nous ne voulons en aucune façon prôner une sorte de « paternalisme », qui n'a rien à voir avec un véritable climat de communauté. Le personnel d'une maison mariste doit constituer une équipe, une seule équipe, bien unie, vigoureuse et vraiment fraternelle.

A l'intérieur de ce groupe familial, la libre discussion peut être très féconde. Il faut exclure, au point de départ de toute réunion, des positions de principe radicales pour ou « contre » ce qui a existé jusqu'à ce jour. Chacun peut et doit même avoir son point de vue personnel ; il doit pouvoir l'exposer franchement. Mais il doit aussi accueillir volontiers la pensée d'autrui, d'un plus âgé comme d'un plus jeune. Tous doivent participer activement à la même recherche. S'il est permis, s'il est même normal d'avoir des préférences, il ne faut pas vouloir les imposer aux autres… C'est là beaucoup demander, diront ceux qui connaissent les difficultés de ces échanges d'idées. Mais dans une communauté où règne la véritable charité, ce miracle d'entente est toujours possible.

 3. Fermeté et calme intérieur du débutant.

 Nous l'avons dit plus haut : Plus encore que dans le passé, nos jeunes Frères doivent être bien préparés à notre vie mariste. « Les exigences des œuvres et les besoins de la vie moderne requièrent que les Frères aient une solide formation religieuse, intellectuelle, pédagogique et professionnelle » (Règles Communes, 287). Les supérieurs responsables feront tout leur possible pour aboutir à cet heureux résultat. D'autre part, si le jeune Frère commence son apostolat dans une bonne communauté, il s'entraînera rapidement à triompher de toutes les difficultés et épreuves habituelles de notre vocation.

Mais il serait tout à fait inadmissible, et très dangereux, d'aboutir à la conclusion suivante : « Puisque tel Frère n'a pas correspondu à la grâce de sa vocation, cela ne peut provenir que d'une formation insuffisante ou des mauvais exemples dont il a été témoin dans sa première communauté »… On oublie la troisième hypothèse : le manque d'efforts du Frère lui-même, le manque de correspondance à la grâce de la vocation. Car, personne ne peut vouloir à notre place…

On n'insistera jamais trop sur cette responsabilité « personnelle », que nos vœux de religion laissent intacte. La formule de profession est vite récitée. Mais une vie humaine peut être très longue : jusqu'au terme, elle exigera de multiples actes de fidélité, tous pleinement volontaires et libres.

Le jeune religieux, au sortir des maisons de formation, devra commencer immédiatement la lutte pour sauvegarder l'essentiel dans sa vie spirituelle. Il devra toujours se montrer ferme et même intransigeant, dès qu'il s'agit du devoir proprement

Lui-même devra prendre les précautions qui s'imposeront pour ne pas s'égarer et pour ne pas faillir. Les autres peuvent l'aider ; ils ne pourront jamais le remplacer.

Il lui appartiendra encore de garder le calme intérieur. Vers la fin de son pontificat, S. S. Pie XII recommandait aux curés et prédicateurs de Rome : « Essayons d'être calmes, chers fils, nous ne devons pas exagérer les ombres ni sous-évaluer les lumières. Si nous voyons la réalité telle qu'elle s'offre à nous, nous aurons déjà fait le premier pas pour apporter remède aux inconvénients qui apparaîtront dans leur plus ou moins sérieuse gravité » (Allocution au 18 février 1958, cf. Documentation Catholique du 16 mars 1958).

De toute notre âme, nous souhaitons que nos jeunes Frères renouvellent, chaque matin, la résolution de rester fermes et calmes en face des difficultés et des épreuves. En dehors de cette résolution essentielle, la meilleure des formations restera stérile. 

V. Second Noviciat.

 Après une longue et sérieuse préparation à la vie mariste, un Frère n'a pas le droit de se reposer sur les vertus « acquises ». Ce serait là une très dangereuse illusion. « Que celui qui se flatte d'être debout prenne garde de tomber », nous dit saint Paul (I Cor. X, 12). Aussi, presque tous les Instituts religieux ont reconnu la très grande utilité, voire la nécessité, d'établir une sorte de « reprise à fond » du travail essentiel du premier noviciat : la formation à une solide vie intérieure, en tenant compte des difficultés, des exigences et des « tentations » que présente la vie apostolique. Dans bien des diocèses, on étudie la possibilité d'une institution semblable à notre second noviciat pour les jeunes prêtres, après quelques années de ministère…

 Ce que le second noviciat n'est pas.

 Il n'est pas une sorte de « pénitence ». On n'envoie pas un Frère au second noviciat « parce qu'il a commis quelque faute ou erreur ».

Il n'est pas non plus une « planche de salut » à l'heure d'un naufrage possible. Quand une vocation est réellement en péril, il importe tout d'abord que cette question essentielle ait été réglée positivement par le Frère intéressé, avant qu'on puisse l'inviter à faire les exercices.

Il n'est pas, en soi, une période d'ennui, de tristesse… Le travail qu'on doit y faire est plutôt austère ; il exige des efforts sérieux ; il exclut la dissipation ; il suppose de l'esprit de sacrifice. Mais il doit se faire, normalement, dans un climat de joie.

Il n'est pas du gaspillage de temps. L'objection persiste encore, semble-t-il : « A l'âge optimum des réalisations apostoliques, on retire un Frère d'un emploi où il est nécessaire »… On perd de vue un principe fondamental : La vraie mesure de notre efficacité apostolique doit être cherchée uniquement dans notre union au Christ, dans notre correspondance parfaite à tout le vouloir divin sur nous. Si I'on méconnaît pratiquement ce principe surnaturel, « toute » notre activité n'est que du temps gaspillé.

Il n'est pas une simple reproduction du premier noviciat. Les Frères ne cherchent plus leur « voie ». Mais ils sont invités à repenser sérieusement leur idéal religieux, dans les mêmes dispositions qu'ils avaient autrefois comme simples novices : fraîcheur d'âme, enthousiasme, générosité, capacité d'admiration devant les réalités surnaturelles, don de soi sans réserves…

Il n'est pas une vie au-dessus de la Règle, qui s'intercalerait comme une parenthèse dans notre vie normale de Frère Mariste. Au second noviciat, on doit mieux vivre selon la Règle : l'observation de toutes ses prescriptions n'y présente aucune difficulté spéciale. Il n'y a guère de circonstances atténuantes pour celui qui ne s'y conformerait pas. Mais, rentré dans la vie active, un Frère qui a réétudié sa Règle, médité sur sa signification profonde et sur sa valeur surnaturelle, la respectera et la vivra comme au second noviciat, si ce n'est pas toujours « selon la lettre », du moins certainement « selon l'esprit».

Il n'est pas, en premier lieu, un temps d'études religieuses ou catéchétiques. L'erreur peut se présenter sous une forme subtile : on apprécie le résultat des exercices par le volume des « notes » prises pendant les cinq mois. Évidemment, on doit y trouver une magnifique occasion de se documenter sur l'Institut, sur nos œuvres ; on peut y approfondir des connaissances ascétiques ou catéchétiques… Mais ce n'est pas pour ce profit « extérieur » qu'on a créé le second noviciat : il implique avant tout un effort personnel de vie intérieure. L'aspect intellectuel restera toujours secondaire.

Enfin, il n'est pas une école de cadres ou de supérieurs : il est offert à tous. C'est même pour que tous puissent en profiter, le mieux possible, qu'on a entrepris de multiplier les centres d'exercices.

Ce que le second noviciat doit être.

 On pourrait le définir très simplement : Une école supérieure de vie intérieure et de vie apostolique selon nos traditions maristes.

Il est une école de vie intérieure. Il est placé tout entier sous le signe de l'Unum necessarium. Par là, il met (ou remet) de l'ordre dans notre vie : Le devoir essentiel d'abord, puis les autres, qui ne devront jamais dominer, étouffer le premier.

On peut dire « une école supérieure » de vie intérieure, par rapport au travail du premier noviciat. Celui-ci devait initier les jeunes à conduire une vie vraiment intérieure. Les grands novices peuvent réétudier et méditer les principes de cette vie à la lumière de l'expérience qu'ils ont acquise. Débarrassés de leurs préoccupations ordinaires, qu'ils ont dû « laisser à la porte », ils peuvent faire, par suite de leur maturité et de leur expérience, un travail bien plus profond qu'au premier noviciat.

Mais le second noviciat est aussi une école de Vie apostolique. D'abord, par simple voie de conséquence. Il « ressource » notre apostolat, en le rattachant totalement au Christ. Il le purifie en le débarrassant de toutes les scories provenant des préoccupations purement naturelles, de l'envahissement progressif du simple « métier d'enseignant » dans notre vie de Frère éducateur. Et il permet encore, sans exagération toutefois, d'étudier quelques problèmes importants de notre vie apostolique, en particulier sous la forme d'échanges de vues entre Frères provenant de diverses Provinces.

Enfin. tout le travail du second noviciat doit me faire selon nos traditions maristes, c'est-à-dire melon la pensée profonde de notre Bienheureux Fondateur, selon nos Constitutions et nos Règles, en pleine harmonie avec notre esprit d'humilité, de simplicité et de modestie. Il peut y avoir, et il doit avoir, normalement, une évolution dans l'organisation extérieure de notre apostolat, de notre vie de communauté, mais toujours dans le respect de notre spiritualité caractéristique. Celle-ci doit ire respectée partout et toujours, car elle est l'esprit que Dieu a voulu nous donner comme religieux et comme éducateurs.

Ajoutons que ce programme du second noviciat doit se réaliser dans un climat de fraternité et de joie. Chaque groupe de Frères devrait tendre à reproduire le type idéal d'une communauté mariste.

 Obligation du second noviciat.

 Chez nous, actuellement, le second noviciat a été institué pour tous les Frères.

Les supérieurs responsables doivent donc se préoccuper d'y envoyer tous les Frères qui sont à même d'en profiter. En ne le faisant pas, ils sont infidèles à leur devoir de supérieur et de père, car ils privent ainsi l'un ou l'autre de leurs Frères d'une grâce de choix. Il peut y avoir des raisons sérieuses de différer l'envoi d'un Frère, mais sauf les cas de maladie ou d'infirmité, on ne voit pas quelle raison pourrait justifier la suppression du second noviciat pour un Frère qui est disposé à le faire. Encore faut-il que le retard dans l'envoi ne se prolonge pas indéfiniment. Il y a un âge optimum pour faire les exercices, habituellement entre trente et quarante ans. Il est arrivé trop souvent que ce qui ne devait être qu'une « remise à plus tard » ait abouti finalement à la suppression. Il y a là une responsabilité dont quelques supérieurs n'ont peut-être pas mesuré la gravité.

Qu'il nous soit permis d'insister sur une certaine régularité dans l'envoi des Frères aux différents centres. Ceux-ci sont équipés pour un nombre déterminé. Le personnel de direction reste sur place. Il s'agit bien d'une organisation stable. Or, le rythme d'envoi de Frères est très capricieux pour un certain nombre de provinces. Il peut y avoir quelque fluctuation dans les envois : pour un groupe, un ou deux Frères ; pour le groupe suivant, trois ou quatre. Les petits secteurs peuvent quelquefois n'avoir aucun candidat. Mais des écarts trop forts, surtout s'ils intéressent à la fois plusieurs provinces, peuvent placer les organisateurs devant de pénibles situations : groupes squelettiques ou groupes vraiment trop nombreux…. Le plus sage est d'imiter la prévoyance lucide et ferme qui est de tradition dans plusieurs provinces : des envois réguliers, dont l'importance dépend de la population de profès perpétuels du secteur, et des candidats déterminés assez longtemps d'avance. 

B. VALEUR PERSONNELLE

 Que « tous les Frères s'appliquent de toutes leurs forces à devenir vertueux et capables, afin de faire le plus de bien possible et d'assumer partout à l'Institut l'estime du public, la bienveillance et la protection du clergé et des autorités » (Constitutions, art. 207, 9').

Les hommes de valeur ne s'improvisent pas. On ne peut les former « du dehors ». Ils doivent se former eux-mêmes, « du dedans », par le travail personnel, sérieux, méthodique et constant. L'aide du dehors leur est nécessaire, comme elle l'est à tout homme. Que deviendrait l'enfant le mieux doué s'il n'était instruit et éduqué par ses parents et ses maîtres ? Mais, après une période d'entraînement plus ou moins longue, vient pour tout jeune homme l'heure du choix décisif : se contenter d'une « honnête moyenne de savoir », ou vouloir progresser toujours, vouloir devenir un « homme de valeur ».

Le jeune homme qui veut progresser doit accepter une vie de travail jusqu'au terme de sa route terrestre. Il n'y a pas de « voies royales » pour acquérir une solide compétence. Cet effort doit être régulier et constant. Dès qu'il est question d'études supérieures, les longues interruptions sont dangereuses.

Nous ne pouvons analyser, en ce moment, toute la gamme des études qui s'offrent à nos Frères, une fois qu'ils ont achevé le premier cycle régulier de leur formation. Certains peuvent suivre les cours d'une Université proprement dite, selon les directives de leur Frère Provincial. D'autres fréquentent des cours de « perfectionnement », toujours utiles, quelquefois d'un intérêt très particulier pour des Frères Enseignants : Sciences religieuses ; Etudes catéchétiques ; Etudes psychologiques et pédagogiques. D'autres encore font des études techniques… Quelques scolasticats se trouvent actuellement à un niveau universitaire ; ils sont à la disposition de plusieurs provinces ; parfois, leurs étudiants proviennent de divers pays. Quelques centres sont vraiment internationaux, comme l'Institut Jesus Magister, ou l'Année de Spiritualité, dont la raison d'être et le but ont été signalés dans une Circulaire précédente (cf. Circulaires, XXII, 595. 354).

On ne saurait trop insister sur l'importance de la sage « orientation » de nos Frères étudiants. Dès qu'on aborde les études supérieures, il faut s'engager dans la bonne voie : d'abord pour ne pas courir le risque d'un échec, ensuite pour ne pas éprouver, plus tard, l'amertume de n'avoir rien appris à fond. Un de nos Frères, vivement félicité près de brillants succès universitaires, observait modestement : « Je ne me sens pas fort intelligent ; j'ai le travail plutôt lent et difficile ; mais l'un de mes anciens maîtres m'a aiguillé sur la voie qui me convenait ».

Mais, après les certificats ou diplômes, de quelque importance qu'ils soient, vient encore le travail de toute une vie. « Un diplôme n'est qu'une présomption de connaissance. Dans la plupart des professions, il n'est qu'un point de départ »Quelle déception de rencontrer, après quelques années, un ancien étudiant devenu professeur, qui avait laissé entrevoir de belles promesses d'avenir, et qui a fini par s'installer en quelque sorte dans une

quille médiocrité. Il donne à tous l'impression d'être plus préoccupé de sa santé et de ses aises que de lumière et de vérité… Les vrais travailleurs, calmes et constants, peuvent être moins brillants dans leur jeunesse que d'autres. Mais ce sont eux qu'il convient de favoriser, car eux seulement pousseront leur effort de formation jusqu'au terme de leur vie.

Nous n'avons parlé que de savoir, de capacité, de compétence. Le paragraphe 9 fait allusion à la « vertu » ou à la vie intérieure de l'étudiant. Celle-ci doit également progresser. Nous y avons insisté en d'autres occasions. Nous y reviendrons tout à l'heure en parlant de l'élite mariste. Ce serait une lamentable erreur de sacrifier le soin de sa vie intérieure au seul souci du savoir humain à acquérir ou à perfectionner… 

C. ELITE MARISTE

 « Qu'on s'efforce plus particulièrement encore de former à la vertu, d'attacher à l'Institut et de ne confier qu'à d'excellents Frères Directeur – les sujets doués de dons et de qualités rares, qui. bien formés et bien dirigés, peuvent devenir les soutiens de la régularité et de l'esprit religieux parmi les Frères » (Constitutions, 207, 5°).

On parle beaucoup des élites : élite intellectuelle, élite professionnelle, élite artistique, élite sportive… On dit qu'un peuple vaut ce que vaut son élite… Dans l'Eglise, on parle de la nécessité d'une élite religieuse, composée de ceux qui veulent vivre à fond selon l'Evangile, et qui, tels des flambeaux toujours allumés, rayonnent leur foi dans le monde moderne. Une Congrégation doit également pouvoir compter sur une élite. Mais il importe de bien s'entendre sur le sens du terme.

Le paragraphe cinq nous précise le but que nous devons avoir devant les yeux : former des « soutiens de la régularité et de l'esprit religieux parmi les Frères ». La valeur intellectuelle n'est pas négligeable, mais elle reste ici secondaire. Avant tout, pour faire partie de l'élite mariste, il faut être fermement décidé à vivre toujours selon l'esprit que nous a légué notre Bienheureux Fondateur. Quelle que soit la tâche d'un Frère dans sa communauté, il peut appartenir à l'élite de sa famille religieuse.

Les saints n'ont pas besoin de nous prêcher : Il nous suffit de les voir à l’œuvre. Ils entraînent par leur seule présence. De même, un religieux d'élite est une lumière et une force pour ses confrères, pour les élèves qui l'entourent, pour les gens du monde qui sont témoins de sa vie. C'est dans ce sens que nous pouvons et que nous devons dire : Notre Institut vaut ce que vaut notre élite.

Tous les Fondateurs ont eu l'intuition de cette vérité, en particulier notre Bienheureux Père. On pourrait multiplier ses déclarations sur ce sujet : « Un Frère pieux, régulier, charitable, patient, dévoué et fidèle à tous ses devoirs, fait continuellement le catéchisme. – N'oubliez pas que la première leçon que vous devez donner à vos enfants et à tous les fidèles de la paroisse, est le bon exemple. – Un saint religieux est un trésor pour sa famille, pour sa communauté et pour tout son pays ».

Evidemment, les Frères qui appartiennent à l'élite intellectuelle de leur Institut ont une obligation particulière d'être aussi de l'élite religieuse. Ils ont reçu de Dieu des dons particuliers ; ils ont eu la possibilité de les mettre en valeur. Par là, ils exercent nécessairement une grande influence autour d'eux… Pour que cette influence soit « surnaturellement » bonne, il faut que leur vertu réponde à leur savoir. Dans le cas contraire, ils risquent de désorienter dangereusement tous ceux qui les voient « vivre ».

Les jeunes surtout sont terriblement clairvoyants dans ce domaine. Oh ! ces enfants, comme ils jugent vite ! Comme ils savent lire dans les âmes de leurs maîtres ! Parlant de son enfance, Jean Guitton note : « J'ai oublié la matière de ce que mes professeurs m'avaient enseigné, mais non la manière. Pour chacun, je pourrais dire quel était soit tour d'esprit, quelle idée il se faisait de la vie, de la mort et du devoir ».

Aussi est-ce dans le manque d'esprit de foi. dans l'imperfection de la charité, dans l'insuffisance habituelle du renoncement, dans la persistance de l'amour-propre qu'il faut chercher le plus souvent les causes de l'échec apostolique de quelques éducateurs, qui avaient pourtant de belles qualités humaines.

Par contre, quand un Frère est à la fois vertueux et capable, pour peu qu'il ait su garder cette jeunesse d'âme qui facilite le rapprochement avec les élèves, son influence sera certainement forte, profonde et durable. Il sera toute sa vie l'un de ces éducateurs d'élite que souhaitent nos Constitutions.

Encore une fois, ne perdons pas de vue que tous nos Frères sont appelés à faire partie de l'élite. Dans une de nos provinces, deux de nos chers « anciens » sont morts à peu de distance l'un de l'autre. L'un avait été surveillant, cuisinier, portier, et toute sa longue vie s'était écoulée dans le calme d'une maison de formation. L'autre, très cultivé, homme de toute première valeur, avait exercé une influence étonnante sur ses élèves ; mais il avait été aussi un religieux fervent, exigeant pour lui-même ; de pénibles infirmités ne l'avaient jamais freiné dans son élan spirituel. Depuis longtemps, la « vox populi », aussi bien en dehors du couvent qu'à l'intérieur, avait placé ces deux religieux dans l'élite de leur province. 

1. Réflexion finale.

 Dans le passé, nos maisons de formation ont fait du bon travail. On pourrait multiplier les faits et les citations pour l'établir. Des mises au point ont été parfois nécessaires. Aujourd'hui, on voit les choses « autrement » qu'il y a cinquante, trente ou même vingt ans. Demain, nos successeurs,

ils se placent à un point de vue trop étroit, pourront nous juger sévèrement. Ils auront tort, sans doute. Nous aussi, nous avons tort en jugeant trop superficiellement ce qu'ont fait nos prédécesseurs.

N'oublions jamais qu'il ne faut pas juger le travail d'une maison de formation par les «médiocres » qui y ont passé, mais par les fidèles…

Qui dira les conséquences regrettables des critiques inconsidérées à l'égard du travail fait dans nos maisons de formation ? Malaise dans ces maisons elles-mêmes, inquiétudes chez les jeunes, manque de confiance dans leurs formateurs : de là, bien des pertes de vocation, dont les critiqueurs veulent faire remonter la cause au système, mais qui tiennent le plus souvent à des critiques maladroites. Tristesse et découragement chez les formateurs, dont la tâche, déjà si délicate par elle-même, est rendue presque impossible par des critiques qui partent du dedans et dont l'origine est tellement difficile à préciser. Parfois, hélas ! décadence rapide d'une province qui était prospère…

Toute organisation humaine est sujette au changement. Elle doit même évoluer, s'adapter sans cesse, sous peine de ne plus répondre parfaitement à son but initial. Mais quand il s'agit de « maisons de formation », il faut procéder par « évolution » et non par « révolution ». Des changements violents et radicaux de système, même quand les intentions sont bonnes et droites, aboutissent généralement à accumuler des ruines. Détruire est facile ; remplacer par du « mieux » peut être très difficile…

L'esprit de synthèse est absolument nécessaire à ceux qui sont chargés d'organiser ou de réorganiser des maisons de formation. Par suite de la complexité de notre vie apostolique, surtout dans les temps actuels, et des inévitables répercussions de cette complexité sur notre vie religieuse et sur la marche de nos communautés, il ne faut jamais perdre de vue la fin même de cette formation. Une erreur « à la base » pourrait compromettre gravement l'avenir de tout un secteur. Par contre. un plan de formation. bien étudié, loyalement et courageusement exécuté, peut signifier pour une Province le point de départ d'un magnifique renouveau. 

V.J.M.J. 

DIVISION DE PROVINCE 

Rome, le 25 octobre 1963

Très Saint Père,

Le Supérieur Général de l'Institut des Frères Maristes des Ecoles, humblement prosterné aux pieds de Votre Sainteté, expose ce qui suit :

Etant donné le développement continu de la Province d'Argentine qui compte actuellement : 323 Profès et 20 Maisons, souvent fort distantes les unes des autres, ce qui rend de plus en plus difficile l'action efficace de direction par un seul Frère Provincial, la division de cette Province a été envisagée par le Conseil Provincial et par le Conseil Général en Province de Lujàn et Province de Córdoba.

La Province de Lujàn comprendrait les territoires suivants :

Misiones, Corrientes, Entre Rios, Buenos Aires (Pcia), La Pampa, Rio Negro, Chubut, Santa Cruz et Tierra del Fuego.

A la Province de Córdoba seraient attribués :

Córdoba, Santa Fe, San Luis, Santiago del Estero, Tucumân, Chaco, Formosa, Neuquén, Mendoza, San Juan, La Rioja, Catamarca, Salta, Jujuy, pins deux Collèges à Buenos Aires (La InmacuIada et Champagnat) avec la propriété de Lago Mascardi.

L'Indult requis est respectueusement sollicité pour l'érection canonique des deux Provinces de Lujan et de Côrdoba, comme exposé ci-dessus.

Et que Dieu, etc. …      

 * * *

 SACRA CONGREGATIO

DE RELIGIOSIS

 Prot. N. 15 270/63

 Vigore facultatum a SS.mo Domino Nostro concessarum, Sacra Congregatio Negotiis Religio sorum Sodalium praeposita, attentis expositis, e Rev.mo Fr. Oratore, benigne adnuit pro gratin iuxta preces, dummodo habeantur quae de jura requiruntur, servatis servandis ; ita tamen haec erectio decurrat a die a Supremo Moderatore, d consensu Consilii generalis, determinanda.

Contrariis quibuslibet non obstantibus.

Datum Romae die vigesima octava Octobris, 1963.

J. B. VERDELLIS, Sub

En vertu des pouvoirs concédés par Notre Très Saint-Père le Pape, la Sacrée Congrégation préposée aux Affaires des Ordres religieux, vu les faits exposés, accorde bénignement la faveur suivant la demande, étant observées exactement toutes les prescriptions demandées par le Droit ; cette érection sera effective au jour déterminé par le Supérieur Général et son Conseil.

Nonobstant toutes choses contraires.

Donné à Rome, le 28 octobre 1963.

J. B. VERDELLIS, Sub

 ELECTIONS

Le Conseil Général a élu : 

a) Dans la séance du 4 novembre 1963 :

 Pour un premier triennat, à partir du 11 fév. 1964 :

C. F. GODOFREDO, Provincial de Cordoba.

C. F. JOSE MARIA IRAGUI PALACIOS, Provincial de Luján

b) Dans la séance du 8 février 1964 :

Pour un deuxième triennat :

C. F. GUILLERMO LARRAGUETA GARAY, Provincial du Pérou. 

STATISTIQUE GENERALE DE L'INSTITUT

au 1 janvier 1964

                            1          2          3          4          5          6          7          8          9          10        11

Adm. générale      .-          –          –           –           –          14        14        14        –           –           3

Af. du sud              18        0          5          28        54        33        115      138      3790    2          12

Allemagne                         100      13        6          39        60        56        155      277      1547    2          6

Argentine. .           79        9          1          48        184      96        328      417      8494    4          20

Beaucamps          127      1          6          30        87        54        171      305      4899    6          18

Belg. Holl.              78        4          6          35        138      90        263      351      9105    5          29

Bética                    262      16        8          52        174      67        293      579      7862    3          20

Brésil Sept            80        9          18        51        87        69        207      314      9890    1          15

Castilla                  165      17        22        60        142      36        238      442      4909    0          14

Cataluna                193      12        10        41        159      50        250      465      7412    2          18

Caxias                   99        0          14        30        66        19        115      228      2273    0          09

Chili                       185      6          14        41        88        46        175      380      5665    1          13

Chine                     37        1          3          11        74        40        125      166      9425    1          14

Colombie             24.0     6          11        36        98        113      247      504      10246 1           23

Congo-Rwanda    41        0          0          19        56        33        108      149      131521          13

Cuba-Am. Cent    216      21        24        58        156      92        306      567      6384    1          19

Desbiens              142      9          4          21        88        38        147      302      4052    0          11

Esopus                  54        38        32        105      135      61        301      425      7876    1          15

Gde. Br. Ir. N         111      29        15        75        130      49        254      439      124661          32

Iberville                  334      28        24        77        218      111      406      792      17108 3            35

Italie                      142      0          4          26        73        70        169      315      2977    1          8

León                      172      23        12        43        144      46        233      440      5560    0          10

Levante                 117      15        11        39        93        40        172      315      5100    0          8

Lévis                      275      25        11        29        132      67        228      539      8102    4          26

Madrid                   224      12        16        50        74        39        163      415      4005    0          11

Melbourne             36        13        12        55        88        44        187      248      9221    2          28

Mex. Central         190      24        28        61        109      55        225      467      112680          19

Mex. Occid. .         124      32        23        86        110      64        260      439      135691          25

Norte         . . . .      161      17        13        66        163      54        283      474      7287    1          16

N.-D. Hermit. .       133      1          1          43        95        57        195      330      4900    4          22

N. Zélande . .        80        22        15        77        106      62        245      362      9632    4          31

Pérou        . . . .      156      14        9          42        44        49        135      314      5784    2          13

Porto Alegre         217      0          5          67        157      55        279      501      131564          18

Poughkeepsie      29        25        16        75        141      84        300      370      9324    4          17

Rio                         198      22        22        42        92        80        214      456      7701    1          14

St-Genis-L                         180      7          15        69        182      102      353      555      6738    9          44

Sta. Catarina        364      29        34        85        169      46        300      727      113671          30

Sao Paulo             256      0          1.2       29        105      65        199      467      9818    0          15

Sud-Est                 67        2          4          14        74        55        143      216      3026    6          13

Sud-Ouest             26        1          0          9          52        21        82        109      1886    5          8

Sydney                  66        34        18        111      198      73        382      500      139141          36

Varennes              116      7          1          17        61        68        146      270      3443    6          14

DISTRICTS

Ceylan                   16        2          4          2          16        11        29        51        3928    0          5

Liban-Syrie           44        3          2          3          24        27        54        103      5967    0          8

Madagascar         70        5          5          15        24        20        59        139      4019    1          9

Philippines            14        5          3          14        25        11        50        72        4946    0          9

Portugal .               122      15        15        19        49        27        95        247      2130    1          12

Suisse-Missions 41        11        10        17        17        21        55        117      325      0          3

Uruguay . . . .         58        0          1          18        21        29        68        127      2060    0          7

Venezuela                          80        9          7          32        38        15        85        181      1905    0          5

 

   TOTAL –          6368      594       552       2112      4870      2624       ?606     17120    339613  93    824

 

1 : juvénistes ; 2 : postulants ; 3 : novices ; 4 : profès temporaires ; 5 : perpétuels ; 6 : Stables ; 7 : total prof ; 8 : total général ; 9 : élèves ; 10 : décès 1963 ; 11 : maisons. 

 

LISTE DES FRERES

dont nous avons appris le décès

depuis la Circulaire du 8 décembre 1963

 

Nom et âge des Défunts                               Lieu de Décès                            Date du Décès

 

F. Amaro (A. Neis)                         59 S     Viamao (Brésil)                                     18 sept. 1963

F. Abilio Vicente (A. Augusto)           44 S     Lisbonne (Portugal)                  2 déc.             »

F. Sébastien Aimé (A. Godbout)       45 S     Montréal (Canada)                   6          »          »

F. Ubaldo (E. Razquin)                  75 S     San Salvador (El Salvador)     7          »          »

F. Photius (E. Joly)                         85 S     Varennes-s-Allier (France)      8          »          »

F. Marie-Jules (A. Guêpe)             49 P    Johannesburg (Afr. du Sud)     10        »          »

F. Ernesto (N. Massa)                   86 S     Ventimiglia (Italie)                     16        »          »

F. Damasceno (L. Soli)                 79 P     Las Avellanas (Espagne)        3 janv. 1964

F. Léon Bernardin (BI. Cuerq)          84 P     N.-D. de l'Hermitage (France) 4          »          »

F. Ange Domingo (J. Angulo)            64 S     Miranda de Ebro (Espagne)   4          »          »

F. Henri Michel (E. Alaux)              75 S     N : D. de Lacabane (France)  9          »          »

F. Luis Fernandez (V. Fernândez)   68 S     Salamanca (Espagne)                         12        »          »

F. Optacien (M. Chabalier)           82 S     St.-Genis-Laval (France)         14        »          »

F. Humberto Luiz (M. Ribeiro)      47 P     Joao Pessoa (Brésil)               15        »          »

F. Joseph Germain (P. Bouteille)      78 5     N.-D. de l'Hermitage (France) 22        »          »

F. Marie Jérôme (A. Robin)          86 S     Varennes-s-Allier (France)      22        »          »

F. Egbertus (J.-M. Fournel)           91 S     St.-Genis-Laval (France)         1 fév.                »

F. Marie Ludvin (J. Neu)                86 S     Pittem (Belgique)                      8          »          »         

F. Paul Thomas (Th. Divol)            82 S     St.-Paul-3-Châteaux (France)24        »          »

F. Joseph Laurence (Cl. Dubost)      82 S     Varennes-s-Allier (France)      26        »          »

F. Doroteo (S. O11er)                   85 S     Las Avellanas (Espagne)        27        »          »

F. Antonin Joseph (A. Joly)           86 S     Varennes-s-Allier (France)      10 mars           »

F. Ignacio Manuel(J. S. Gonzâlez)     80 S     Guadalajara (Mexique)            24        »          »

F. Joseph Ignatius (N. Thiry)         79 S     Mont-St.-Guibert (Belgique)    25        »          »

F. Marcelo José (H. Giraldo)        63 S     Popayân (Colombie)               26        »          »

F. Pablo Ignacio (A. Tunôn)          59 P     Valladolid (Espagne)               2 avril               »

F. Fortunato (T. Sânchez)              81 S     Palmira (Colombie)                  12        »          »

F. Paul Donat (A. Delesse)                85 P     Beaucamps (France)               17        »          »

F. Marie Victorius (F. Morizon)          90 5     St. Genis-Laval (France)          20        »          »

F. José Damasceno (J. Torquato)    36 P     Pernambuco (Brésil)                20        »          »

F. Francisco Leâo (F. Moreira)         28 P     Pernambuco (Brésil)                20        »          »

F. Jose Humberto (J. C. Pereira)      24 P     Pernambuco (Brésil)                20        »          »

F. Alberto Barroso                         21 T     Pernambuco (Brésil)                20        »          »

F. Carlos Sampaio                        20 T     Pernambuco (Brésil)                20        »          »

F. Charles Edouard (Ph. Perron)    79 S     St. Genis-Laval (France(         24        »          »

F. Abel (B. Marmorat)                    76 S     St Genis-Laval (France)         25        »          »

F. Léon Henri (H. Bannet)             63 P     Beyrouth (Liban)                       25        »          »

 

Soit 6.836 depuis le commencement de l'Institut.

 

La présente Circulaire sera lue en communauté à l'heure de la lecture spirituelle.

Recevez, mes bien chers Frères, la nouvelle assurance du religieux attachement avec lequel je suis, en J. M. J.

Votre très humble et tout dévoué serviteur. 

F. CHARLES RAPHAËL, Supérieur Général

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