Circulaires 363

Charles-Raphaël

1966-05-01

Réponse comme religieux : 1. Etude sérieuse des textes conciliaires. 2. Primauté de la rénovation spirituelle. 3. Le Décret et nos trois vœux. 4. Sauvegarde de notre vie de famille
5. Réalisation du programme de formation proposé.
Réponse comme éducateurs chrétiens : 1. Fidélité à notre but apostolique. 2. Ouverture aux besoins de l'Eglise. 3. Situation actuelle de l'école catholique. 4. Révision de vie apostolique .
5. Confiance toujours! .
A l'occasion d'un anniversaire des Pères Maristes. Promesse des premiers aspirants maristes à Fourvière
Déclaration sur l'éducation chrétienne : texte
Elections
Statistiques de l'Institut au 31 décembre 1965
Liste des défunts

363

V.J.M.J.

 Rome, le 1iermai 1966  

Concile Vatican Il

et préparation de notre Chapitre Général

(suite)

                 MES BIEN CHERS FRÈRES,

 Dans la Circulaire de décembre 1965, nous écrivions : « Il est dans nos traditions maristes d'orienter la préparation du prochain Chapitre Général, comme d'ailleurs l'ensemble de notre effort d'adaptation et de rénovation, dans le sens indiqué par le Concile Vatican II ». Il est hors de doute, en effet, qu'un Frère, qui entend vivre son idéal mariste, sera toujours disposé à répondre, avec une grande générosité, à l'invitation des Pères conciliaires, et cela comme chrétien, comme religieux et comme éducateur chrétien de la jeunesse d'aujourd'hui.

Après les considérations que nous avons déjà faites sur notre réponse de chrétiens, il nous reste à dire un mot sur notre comportement de religieux et d'éducateurs en face des directives du Concile. Le thème est évidemment trop vaste pour que nous puissions l'aborder dans toute son étendue. En restant dans le genre simple de nos Circulaires, nous nous bornerons à faire quelques considérations pratiques sur des points qui nous semblent utiles pour la bonne préparation de notre Chapitre.

 Suite des idées :

 RÉPONSE COMME RELIGIEUX :

 1. Continuer d'étudier les textes conciliaires qui concernent, directement ou indirectement, la vie religieuse.

2. Mettre toujours la rénovation spirituelle en première place.

3. Connaître et vivre l'enseignement conciliaire sur nos trois vœux.

4. Sauvegarder toujours notre vie de famille mariste.

5. Nous mettre à l’œuvre, sans tarder, pour réaliser le programme de formation proposé par le Concile.

 RÉPONSE COMME ÉDUCATEURS CHRÉTIENS : 

1. Fidélité à notre but apostolique.

2. Ouverture aux besoins de l'Eglise.

3. Situation de l'école chrétienne, à l'heure actuelle.

4. Révision de vie apostolique.

5. Confiance, patience, et amour de notre vocation, à l'école de Marie.

 RÉPONSE COMME RELIGIEUX.

 1. Etude sérieuse des textes conciliaires.

 Le Décret PERFECTAE CARITATIS envisage la rénovation adaptée de la vie religieuse : la rénovation, par un retour continu aux sources de la vie chrétienne, ainsi qu'à l'inspiration originelle des Instituts ; l'adaptation, par la correspondance de ces mêmes Instituts aux conditions nouvelles d'existence (Cf. Décret, N. 2).

Par une lecture attentive du chapitre VI de la Constitution LUMEN GENTIUM et du Décret PERFECTÆ CARITATIS, on se rend immédiatement compte que l'Eglise entend bien sauvegarder l'inspiration profonde de la vie religieuse, ses structures fondamentales, son caractère propre qui lui confère une place éminente dans le mystère et la vie de l'Eglise. Loin de considérer la vie religieuse comme dépassée, comme inutile pour les temps actuels, le Concile insiste plutôt sur sa nécessité dans le monde présent. Et même aucun Concile du passé n'a exalté le rôle de la vie religieuse comme l'a fait Vatican II… Mais la lecture attentive aura également noté l'insistance avec laquelle les Pères du Concile souhaitent que la vie religieuse soit pleinement conforme à sa nature. Or, c'est en retournant toujours aux sources premières de l'Evangile qu'elle gardera, à travers les temps, sa jeunesse et sa fécondité.

D'autre part, le Concile a nettement reconnu la raison d'être de la diversité des familles religieuses, et il a engagé chacune d'elles à rester fidèle à son esprit. Chaque Institut devra faire effort pour retrouver toute la pureté de son inspiration originelle et s'efforcer de la maintenir intacte malgré les exigences nouvelles de l'adaptation.

Implicitement, le Concile nous invite à étudier à fond tous les textes qu'il a votés, particulièrement ceux qui nous concernent directement, en tant que religieux et « apôtres du Christ» dans les temps actuels. Une seule lecture, même si elle est très attentive, ne pourra suffire. Il nous faudra relire certains documents, les étudier méthodiquement, les méditer parfois, les exploiter à fond, en vue de nous imprégner totalement de leur esprit.

Le Concile nous demande encore de « suivre le Christ selon l'enseignement de l'Evangile », et il ajoute que « cela doit être tenu par tous les Instituts comme leur règle suprême » (Cf. Décret, 2, e). Il demande à tous les religieux « que chaque jour la Sainte Ecriture soit en leurs mains pour retirer de sa lecture et de sa méditation « l'éminente science de Jésus-Christ » (Phil. 3, 8) (Décret, 6). Par là, nous sommes formellement invités à faire une place d'honneur à l'étude de l'Ecriture Sainte, spécialement du Nouveau Testament. Quelle importance exceptionnelle présente maintenant, pour chacun d'entre nous, la modeste et traditionnelle invitation de nos Règles : les Frères « liront tous les jours, et avec un profond respect, quelques versets de l'Ecriture Sainte » (art. 17).

L'une de nos premières résolutions sera donc d'entreprendre, si nous ne l'avons pas encore fait, une étude persévérante de l'Ecriture Sainte. Cette étude ne peut guère se séparer de l'oraison. Souvent, il nous faudra demander la grâce de bien comprendre les textes. D'autre part, nous ne reculerons jamais devant l'effort de compréhension que bien des passages requièrent. Nous ne savons plus lire, a-t-on fait remarquer. Nous allons trop vite ; nous glissons sur les mots, sur les idées ; lions ne creusons pas le sens… Or, une lecture répétée et réfléchie est absolument nécessaire pour bien saisir l'Ecriture Sainte. Ne devrions-nous pas trouver la chose toute naturelle ? « Les textes sacrés, les lettres adressées par Dieu aux hommes méritent bien qu'on se donne la peine de les comprendre » (P. Cheminant). N'oublions pas que, si nous voulons entreprendre la «rénovation adaptée», en pleine fidélité avec la pensée du Concile, il faudra nous remettre résolument à l'étude approfondie de l'Evangile…

Indirectement aussi, le Concile nous demande d'étudier à fond l'origine et l'histoire de notre famille religieuse. « Chaque Institut est invité à se renouveler en revenant à l'intuition et au charisme de son fondateur. » (Cf. Ph. Delhaye, L'Ami du Clergé, 23-12-1965, p. 754). Il se peut que nous connaissions fort mal cette histoire. Après un premier contact avec la vie de notre Bienheureux Fondateur, contact parfois trop superficiel, plus d'un d'entre nous, entraîné par les multiples occupations d'une vie trop active, n'aura plus jamais « trouvé le temps» d'étendre et d'approfondir son savoir mariste. Cela est très regrettable, et, en règle générale, tout à fait inadmissible pour un religieux. Mais cette ignorance des « choses de la famille » serait réellement inquiétante en ce temps où il s'agit de procéder à ce grand travail de rénovation adaptée que veut le Concile. Comment pourrait-il apporter une contribution utile à cette oeuvre collective, celui qui ne connaîtrait que fort mal les origines de son propre Institut ?

Récemment, le Saint-Père disait : « Aggiornamento signifiera désormais pour nous présentation éclairée dans l'esprit du Concile, et fidèle mise en application des directives qu'il a tracées d'une manière si heureuse et si sainte ». C'est avec raison que le P. Tillard avertit que : « Dorénavant les Chapitres Généraux devront donc se tourner vers le Concile avant de se pencher sur les problèmes spécifiques de l'Ordre ou de la Congrégation » (Cf. La vie des communautés religieuses, janvier 1966. p. 5). Si les capitulants y sont spécialement tenus. à raison de la mission qui leur a été confiée. tous les Frères devront se sentir obligés de bien connaître les intentions du Concile sur la vie religieuse. et donc, de les étudier inlassablement. Le temps nécessaire, on le trouve quand on le veut, mais il faut le vouloir de toutes ses forces.

 2. Primauté de la rénovation spirituelle.

 L'immense effort d'aggiornamento que le Concile Vatican II attend du inonde chrétien présuppose une sérieuse rénovation spirituelle de la part de tous les fidèles, et, en premier lieu, de la part de ceux qui ont consacré librement toute leur vie au Christ. Le Décret PERFECTÆ CARITATIS, au numéro 2, indique les principes généraux d'une rénovation adaptée de la vie religieuse. Il convient de nous arrêter devant le cinquième et dernier principe : « Comme la vie religieuse est ordonnée avant tout à ce que ses adeptes suivent le Christ et s'unissent à Dieu par la profession des conseils évangéliques, il faut bien voir que les meilleures adaptations aux exigences de notre temps ne produiront leur effet qu'animées par une rénovation spirituelle. A celle-ci on doit toujours attribuer le rôle principal, même dans le développement des activités extérieures ».

Le numéro 6 du Décret reprend et détaille ce principe. Après avoir rappelé le rôle essentiel de la charité, le texte continue : «En conséquence, les religieux cultiveront avec un soin constant l'esprit d'oraison et l'oraison elle-même, puisant aux vraies sources de la spiritualité chrétienne ». Si le Concile recommande aux Instituts voués à la vie apostolique « d'adapter judicieusement leurs observances et usages aux nécessités de l'apostolat qui leur incombe » (Cf. N. 8), il veut aussi que, dans ces différents Instituts, la vie des religieux au service du Christ soit soutenue par les moyens qui leur sont propres et leur conviennent » (Cf. même N. 8).

A maintes reprises. le Saint-Père est revenu sur la nécessité de cette rénovation spirituelle. Qu'on veuille noter, par exemple, la vigueur avec laquelle il s'est exprimé à ce sujet. dans son allocution à l'audience générale du 29 décembre 1965 : « Le premier aspect de l'esprit du Concile, c'est la ferveur. Cela va de soi. Le tout premier objectif du Concile, c'était de susciter dans le peuple de Dieu un réveil, une prise de conscience, de la bonne volonté. de la piété, de l'ardeur. des résolutions nouvelles. des espérances nouvelles. des activités nouvelles, de l'énergie spirituelle, du feu » (Cf. Doc. Cath., 6-3-1966, col. 415). Le 26 janvier 1966, il engage ses auditeurs à se poser cette question : « Quelle aide le Concile a-t-il apportée à nia foi, à ma prière, à ma recherche de Dieu, à ma vie spirituelle ? » (Cf. Doc. Cath., même numéro, col. 423).

Plus récemment encore, le 21 février, lors de l'audience traditionnelle aux prédicateurs de Carême de Rome, ainsi qu'au clergé et aux séminaires de la ville, parlant des réformes dont il est si souvent question, il s'exprimait ainsi : « Les réformes ? Réponse : oui, en commençant par la réforme intérieure : "Renouvelez-vous spirituellement et révélez l'homme nouveau ». Les réformes extérieures ne serviraient de rien sans ce continuel renouveau intérieur, sans le souci de modeler notre pensée sur celle du Christ, conformément à l'interprétation que nous en offre l'Eglise » (Cf. Doc. Cath., 20-3-1966, col. 483).

Mgr Garrone a écrit ces graves paroles : « Si le prêtre ne fait plus oraison, son action ne sera plus celle d'un prêtre, les procédés les plus habiles perdront toute valeur, les militants ne trouveront plus le Christ, une activité commune, même bien organisée, deviendra un prétexte pour oublier les tâches propres ou fondamentales » (Cf. deuxième édition de son livre : « Sainte Eglise, notre Mère »).

Toute la tradition religieuse proclame cette primauté de la vie spirituelle, aussi bien dans les Instituts voués à la vie apostolique que chez les contemplatifs. Le temps consacré à la prière en commun peut varier considérablement d'un Institut à un autre, selon les nécessités de l'apostolat particulier à chaque famille religieuse, mais l'effort de vie intérieure doit rester intense de part et d'autre. Parlant des Instituts nettement apostoliques, le Décret dit : « C'est pourquoi toute la vie religieuse de leurs membres doit être pénétrée d'esprit apostolique et toute l'action apostolique doit être animée par l'esprit religieux. Si donc les sujets veulent répondre avant tout à leur vocation de suivre le Christ et servir le Christ Lui-même dans ses membres, il faut que leur activité apostolique dérive de leur union intime avec Lui » (Cf. Décret, 8).

Pour nous, héritiers de la pensée du Bienheureux Fondateur, dont nous connaissons, depuis nos premiers pas dans la vie religieuse, la vie de prière et la fermeté avec laquelle il a maintenu la nécessité absolue de la prière pour tous les Frères, les remarques ci-dessus peuvent paraître superflues, « Cela va sans dire », seront tentés de murmurer quelques lecteurs… Pourtant, en cette période d'aggiornamento, il semble nécessaire de nous situer délibérément dans ce climat spirituel qu'exige la bonne préparation du prochain Chapitre. A force d'entendre parler de modifications « extérieures », nous sommes tentés d'oublier la fin essentielle que l'Eglise s'est proposée. « Le Concile nous appelle à la conversion. Nous sentons confusément qu'accepter d'entrer dans son mouvement ne nous permettra plus de nous arrêter ; de là vient peut-être notre peur » (François Roustang, s. j. Christus, juillet 1965, p. 303).

 3. Le Décret et nos trois vœux. 

e) Chasteté.

 Dans une simple lettre de famille, on ne s'attendra pas à trouver des considérations originales ou très profondes sur la pratique de notre vœu de chasteté. D'ailleurs, en ces dernières années, il a paru, sur ce sujet, un nombre exceptionnel d'ouvrages ou d'articles, quelques-uns excellents et très opportuns, d'autres plutôt discutables… En se documentant eux-mêmes, les formateurs de nos candidats ou de notre jeunesse mariste devront être très attentifs sur le choix de leurs « sources », non par suite d'inquiétudes exagérées, mais parce qu'ils connaissent bien l'importance de l'enjeu et qu'ils éprouvent une affection réelle et profonde pour ceux qui leur sont confiés.

Le Décret n'hésite pas à rappeler quelques moyens traditionnels pour rester fidèle à la chasteté qu'on a vouée au Seigneur : une prudence raisonnable, excluant toute présomption, le recours à la mortification, la garde des sens. Il faudrait s'illusionner singulièrement sur la nature de l'homme pour croire que ces moyens dits « négatifs » sont à négliger complètement. S'il est nécessaire, de nos jours surtout, de donner à nos « candidats à la profession » une bonne formation en cette matière, s'il faut les aider à acquérir la « maturité psychologique et affective nécessaire » pour vivre intégralement leur célibat consacré à Dieu, en pleine harmonie avec le développement de leur personnalité, il faut aussi les entraîner à lutter personnellement, avec fermeté et constance, contre « tout ce qui peut mettre en péril la chasteté ». Une chasteté qui n'est pas fermement résolue à « se défendre » elle-même ne sera jamais assurée. Aucun religieux ne doit oublier que la racine du péché fait corps avec son être humain, et cela jusqu'à la fin de cette vie terrestre. Il faut y penser sans pessimisme, sans trouble, sans contention surtout, mais avec une vigilance qui ne se laisse jamais endormir.

On aura noté, à la lecture du Décret, une observation qui est plutôt inattendue à cet endroit : « Tous se rappelleront, surtout les Supérieurs, que cette vertu se garde plus facilement lorsqu'il y a entre les sujets une véritable charité fraternelle dans la vie commune ». Nous savons tous, par une expérience personnelle plus ou moins longue, qu'un véritable esprit de famille dans une communauté y entretient un climat de joie, de paix, de travail, de « sérénité habituelle » pourrait-on ajouter, qui constitue souvent, pour chaque membre du groupe, le meilleur soutien moral aux heures difficiles, aux jours d'épreuves extérieures ou intérieures. A l'origine de trop de défaillances regrettables, on pourrait probablement découvrir des lacunes dans la pratique de cet esprit de famille. Toutefois, celui-ci ne doit pas être considéré comme une sorte de panacée. En dernière analyse, en supposant qu'un jeune Frère ait débuté dans sa vie religieuse par un choix vraiment personnel, qu'il ait bénéficié d'une excellente formation et qu'il se trouve placé dans une communauté très bonne, il lui restera le devoir de mener virilement sa vie de consacré au Christ. Toujours, il lui faudra accepter de prier, de veiller, de lutter et même de souffrir… De grâce, qu'on ne sème pas de dangereuses illusions dans l'esprit de nos jeunes candidats. Il est possible de vivre totalement le don de soi-même par le vœu de chasteté, mais ce ne sera jamais une chose facile…

Quoi qu'il en soit, cette allusion du Décret au rôle possible d'une authentique charité fraternelle doit nous engager à rester plus que jamais fidèles à cet esprit de famille, que notre Bienheureux Père tenait tant à voir fleurir dans nos communautés : « Je vous prie aussi, mes bien chers Frères, de toute l'affection de mon âme et par toute celle que vous avez pour moi, de faire en sorte que la sainte charité se maintienne toujours parmi vous. Aimez-vous les uns les autres comme Jésus-Christ vous a aimés. Qu'il n'y ait entre vous qu'un même cœur et un même esprit. Qu'on puisse dire des Petits Frères de Marie comme des premiers chrétiens : « Voyez comme ils s'aiment ! » (Testament spirituel). Comme tout se tient harmonieusement dans la vie spirituelle ! 

b) Pauvreté.

 On a beaucoup parlé de la pauvreté pendant la période conciliaire. On continue de parler et d'écrire beaucoup sur ce thème, qui paraît inépuisable.

Déjà le 22 décembre 1962, dans une allocution télévisée, S. Em. le cardinal Lercaro avait proclamé publiquement le mystère de la pauvreté dans l'Eglise : « …mystère qui, du reste, n'est pas lié seulement à ses origines évangéliques mais à toute son histoire ; de sorte que les grandes époques, les grands mouvements de renouveau intérieur et de réforme dans l'Eglise, et les moments de sa plus heureuse expansion dans le monde, correspondent toujours à des moments et à des époques où l'esprit de pauvreté est affirmé et vécu d'une façon plus manifeste. C'est certainement dans la pratique de la pauvreté qu'apparaît le plus clairement la position supérieure et unique de l'Eglise, laquelle est dans le monde mais n'est pas du monde » (Cf. Doc. Cath : 3 mars 1963, col. 319).

Peu de jours après, S. Exc. Mgr Huyghe, évêque d'Arras, pouvait écrire : « Cela peut paraître étonnant en raison des thèmes qui étaient à l'ordre du jour : liturgie, sources de la Révélation, moyens de communication sociale, Eglise… Cela peut paraître étonnant. Mais, c'est un fait : on a beaucoup parlé de pauvreté au Concile » (Cf. Doc. Cath., même numéro).

Dressant un bilan provisoire du Concile, dans la Chronique Sociale de France de janvier-février 1966, Joseph Folliet constate également le fait : « Mais le Concile munit les chrétiens d'un esprit à la fois éternel et nouveau pour accomplir leur tâche : l'esprit de pauvreté. Aucun Concile n'a parlé de la pauvreté comme Vatican H. Et, à l'exemple de Paul VI, on a commencé à le mettre en oeuvre. Mgr Fulton Sheen, le grand prédicateur américain, a vu juste quand il a défini le deuxième Concile du Vatican comme le Concile de la Pauvreté » (page 90).

Il n'est donc pas étonnant que le Décret PERFECTÆ CARITATIS insiste fortement sur la pauvreté des religieux dans le monde actuel : « elle doit être pratiquée soigneusement par les religieux et même, au besoin, s'exprimer sous des formes nouvelles… il faut que les religieux soient pauvres effectivement et en esprit… chaque religieux doit se sentir astreint à la loi commune du travail… les religieux devront rejeter tout souci excessif et se confier à la Providence du Père des cieux… ils pourront éventuellement renoncer à leurs biens patrimoniaux présents ou à venir, même dans les congrégations religieuses… les Instituts s'efforceront de fournir un témoignage collectif de pauvreté… ils devront éviter tout luxe, tout gain immodéré ou cumul des biens » (Cf. Décret, 13). Ces nombreuses directives, suffisamment concrètes déjà, constituent tout un programme pour la préparation d'un Chapitre Général.

Allons au cœur de la question, pour tout ce qui nous concerne, nous Frères Maristes, en tant que « pauvres du Christ ». Sommes-nous des pauvres, de vrais pauvres, selon l'Evangile : chacun d'entre nous, pour son propre compte (pauvreté individuelle ?) tous ensemble, dans notre vie de communauté, dans notre action apostolique (pauvreté collective) ? Notre témoignage de pauvreté est-il réel, visible, valable aux yeux des gens du monde qui nous entourent et nous observent de près ? Le critère « intérieur », celui de la Congrégation elle-même, ne suffit pas en ce domaine : « Je suis parfaitement en règle, j'ai toutes les permissions requises, tout ce que j'ai à ma disposition personnelle est admis par nos coutumes… ». Nous devons tenir compte du critère « extérieur », des appréciations venant du dehors par rapport à cette pauvreté que nous avons « publiquement » professée. On veut que notre pauvreté apparaisse comme réelle. On veut que nous donnions effectivement le témoignage de la fidélité à la loi commune du travail, que nous nous procurions le nécessaire pour vivre par notre travail même… On demande aux Instituts religieux de donner un témoignage collectif de pauvreté évangélique : pas de domaines trop grands, pas de propriétés inutiles, pas de maisons riches, pas de constructions trop voyantes…

Il est clair qu'un examen sérieux sur la pauvreté devra être entrepris : un examen personnel, par chacun d'entre nous, un examen qui aboutisse à des résolutions précises et fermes ; et un examen collectif, une révision de vie, spécialement pendant le prochain Chapitre. En particulier, pour tout ce qui se rapporte au témoignage de notre pauvreté collective, il faudra un grand effort commun, très objectif.

Il est certain que la conciliation entre deux « impératifs » ne sera pas facile : d'un côté, il y a cet idéal évangélique de la renonciation, auquel nous devons toujours être fidèles, intérieurement et extérieurement ; et de l'autre côté, il y a les nécessités de la vie moderne, les exigences croissantes de nos écoles et de nos maisons de formation pour le nombre et la qualité des « instruments de travail » que toutes requièrent. On proposera peut-être des solutions diverses, selon les pays et le genre des écoles… Quoi qu'il en soit, il faudra, de la part de tous les responsables, des efforts coordonnés et obstinés pour aboutir à un « témoignage de pauvreté » qui soit valable pour les temps actuels.

Le témoignage collectif est celui qui est le plus facilement perçu par ceux qui nous voient du dehors. Il faut que tous puissent constater, au fil des jours, que les biens que nous possédons en commun, maisons d'habitation, écoles, ateliers, terrains de sports ou de vacances, n'ont de valeur à nos yeux que parce qu'ils nous permettent de remplir le mieux possible notre mission d'enseignants et d'éducateurs. Pour nous, ce sont des instruments de travail vraiment nécessaires, et rien autre… On doit pouvoir arriver à ce résultat.

Mais il faudra également le témoignage personnel de chaque Frère : simplicité de vie, égalité de traitement par rapport à tous les autres membres de la communauté, pas de « distinctions » dans la famille, exclusion de tout ce qui est nettement superflu, plus encore exclusion de toute forme de luxe personnel, pas de recherche habituelle des aises ou des commodités d'une vie plus ou moins bourgeoise (trop de choses nous encombrent parfois), un authentique esprit de travail qui se manifeste en toutes occasions, des sentiments accueillants pour tous les pauvres, pour les « humbles »… Tout cela est très vite noté par nos élèves, par les parents de nos élèves, par tous ceux qui entrent en contact avec nous. L'exemple de cette pauvreté habituelle, simple, sincère et sans affectation, rayonnera parfois beaucoup plus que nous ne le pensons.

Ajoutons que nous devrons être fermes pour rester fidèles à nos origines apostoliques, c'est-à-dire que nous devrons, chaque fois que cela nous sera possible, marquer notre préférence pour les oeuvres destinées aux classes populaires, aux missions pauvres. 

c) Obéissance.

 Dans la tradition des Instituts religieux, l'obéissance n'a jamais été présentée comme une vertu facile. bien au contraire. D'autre part, on n'a jamais considéré, comme une chose facile, d'y exercer cette autorité « paternelle » que prescrit la Règle. Saint Pierre Damien (XI` siècle) a écrit sur les « Croix abbatiales » une page pleine d'« humour », qui pourrait tout aussi bien convenir à notre vingtième siècle. Au dernier Concile, le thème de l'obéissance religieuse a été longuement et sérieusement discuté. Autour du Concile, il a même donné lieu à des discussions assez vives.

Le texte sur l'obéissance, que le Décret PERFECTÆ CARITATIS nous présente, ne donne lieu à aucune difficulté d'interprétation. Il ne fait aucune allusion à cette « crise d'obéissance » (ou crise d'autorité, comme préfèrent dire certains) dont il a été parlé assez souvent. Mais le Saint-Père a plusieurs fois abordé, au cours de ses multiples allocutions, le thème des difficultés de l'obéissance dans les temps actuels. Déjà dans la dernière Circulaire. nous avons cité l'une de ses considérations sur ce sujet (Cf. pp. 316-317).

Dans l'allocution aux prédicateurs du Carême de Rome, il est encore une fois revenu sur ce point essentiel : « L'obéissance ? Sur ce point aussi, que d'inquiétude, que de critiques, que d'impatience ! Et pourtant, la réponse est toujours la même : l'autorité dans I'Eglise est voulue par le Christ. Celui qui estime qu'il faut réviser totalement la discipline ecclésiastique, en prétendant que la législation canonique est dépassée et anachronique, n'est pas sur la bonne voie. Il fait tort à l'Eglise car il désintègre sa structure spirituelle et sociale ; il se fait tort à lui-même car il se prive du mérite de la docilité spontanée, filiale et virile, ainsi que du réconfort de l'humilité, du bon exemple et de la confiance. Certes, l'autorité dans l'Eglise a incontestablement elle aussi de nouveaux et grands devoirs. Elle devra s'orienter, dans l'exercice de ses fonctions. vers les forces que le Concile a indiquées et que lui suggérera l'esprit pastoral dont elle s'inspire. Mais l'oboedientia et pax, si chère au Pape Jean, sera le remède à ce genre d'inquiétude qui, parfois, se fait sentir parmi le clergé » (Doc. Cath., 20 mars 1966, col. 483-484). Ces précisions, brèves et denses, peuvent très bien convenir à nous aussi.

Pourtant, des religieux-éducateurs ne devraient pas avoir trop de peine à reconnaître la raison d'être et les exigences de l'obéissance dans leur vie. Ils en expérimentent tous les jours la nécessité et l'importance pratique dans leurs activités professionnelles. Nous avons connu, par de multiples contacts personnels, beaucoup de Frères à qui l'obéissance, fermement et allègrement vécue, semblait toute naturelle. « Ne penser qu'aux poteaux et oublier la route, c'est l'attitude de ces chrétiens qui ramènent la morale catholique à un code de restrictions et négligent la voie large qu'elle nous trace » (P. Lelotte, Perspectives, p. 10). Ceux qui dénaturent l'obéissance religieuse semblent n'y distinguer que des poteaux et des barrières, toujours incommodes, souvent incompréhensibles à notre époque, disent-ils. Ceux qui ont compris le véritable sens de leur vœu d"obéissance y découvrent sans peine la voie large et sacre qui leur permet d'avancer rapidement dans la vie spirituelle et de pratiquer un apostolat fructueux.

Cette juste conception de l'obéissance suppose que la formation de nos candidats ait été intelligemment et virilement conduite. Elle suppose également que les supérieurs, quelle que soit leur charge, sachent assumer leur part d'autorité « dans un esprit de service pour leurs frères, de manière à exprimer l'amour que le Seigneur a pour eux » (Cf. Décret, 14). Elle suppose encore que les supérieurs soient les premiers à pratiquer cette obéissance vraiment religieuse dont il est question : obéissance à toutes les directives de l'Eglise, obéissance aux Constitutions, aux Règles, aux décisions capitulaires… Enfin, elle doit conduire tous les supérieurs à s'effacer, l'heure venue, avec cette simplicité mariste qu'on est en droit d'attendre d'eux, et qui mettra d'ailleurs un cachet d'authenticité à leur esprit de service. Qu'il serait triste de voir un religieux mettre en avant les « services rendus » ou « l'autorité exercée » pour revendiquer des droits particuliers !

Ne simplifions pas trop le problème de l'obéissance religieuse : il a toujours été sérieux dans l'Eglise, et il le restera jusqu'à la fin des temps. Mais rie le dramatisons pas non plus. Il peut y avoir des heurts et des incompréhensions aussi bien dans nos communautés que dans les meilleures familles chrétiennes. Ceux qui commandent actuellement et ceux qui doivent leur obéir ne sont pas des anges, mais des hommes aux réactions personnelles parfois imprévisibles par suite des influences qu'ils subissent, souvent à leur insu : santé, climat, malaises, souffrances, infirmités, échecs, incompréhensions… Notre vie d'éducateur nous permet de le constater, à longueur de journée, dans le comportement de nos meilleurs élèves. Mais comment imaginer, chez nous, des oppositions tenaces, des durcissements entre supérieurs et sujets, alors qu'un dialogue vraiment fraternel devrait dissiper tous les malentendus ? Sachons toujours faire effort pour obéir dans l'esprit du Concile, qui veut être le pur esprit de l'Evangile. Et si Dieu nous impose de commander, faisons-le dans le même esprit.

 4. Sauvegarde de notre vie de famille.

 En une phrase très dense, le Décret invite les religieux à rester fidèles à leur vie commune : « La vie à mener en commun doit persévérer dans la prière et la communion d'un même esprit, nourrie de la doctrine évangélique, de la Sainte Liturgie et surtout de l'Eucharistie (Cf. Act. 2, 42), à l'exemple de la primitive Eglise dans laquelle la multitude des fidèles n'avait qu'un cœur et qu'une âme » (Cf. Act. 4, 43 (Décret, 15). Le texte signale ensuite, en accumulant les citations scripturaires, les exigences de cette vie commune, centrées toutes autour de la grande vertu de charité. Il met aussi en relief le caractère apostolique de cette vie commune des religieux, quand elle est vraiment évangélique : « En outre, l'unité des frères manifeste que le Christ est venu (Cf. Jn. 13, 35 ; 17, 21), et il en découle une puissante vertu apostolique ». Selon le titre d'un livre bien connu, les religieux deviennent alors d'authentiques « Témoins de la Cité de Dieu ».

Comme tous les membres des Instituts apostoliques, nous sommes aujourd'hui très occupés, trop parfois, engagés dans des directions nouvelles, en harmonie sans doute avec notre but, mais de nature à mettre en péril les structures essentielles de notre vie commune « mariste ». Ce péril n'est pas illusoire, bien qu'il puisse tout d'abord ne pas se manifester ouvertement. Le dernier numéro de « Vie consacrée » (nouveau titre de la Revue des Communautés Religieuses) contient une interview du Père Arrupe, Supérieur Général des Jésuites, sur le thème : « Orientations actuelles de la vie religieuse ». Or, la dernière question était : « Y aurait-il encore un problème de la vie religieuse qui vous paraisse digne de mention ? ». A première vue, la réponse du Père Général peut surprendre : « Je vous en signale brièvement un : comment réaliser l'adaptation de la vie communautaire à l'apostolat ? Une conception monastique de la vie communautaire ne s'harmonise guère avec les nécessités de la vie apostolique. Une conception plus large et plus simple de la communauté doit être admise dans un Institut voué à l'apostolat ; mais il importe que demeure une authentique vie communautaire. Il y a là un problème dont la solution ne paraît pas aisée : le Saint-Esprit n'a pas fini son travail… » (Vie consacrée, mars-avril, p. 70).

Cette « authentique vie communautaire », qu'il faudra conserver à tout prix, est celle qui répond à l'idéal religieux d'un Institut déterminé. Ici, il ne faudra pas recourir trop facilement à des comparaisons avec d'autres Instituts. Autre est la vie communautaire d'un Institut clérical, par exemple, et autre celle d'une Congrégation de Frères Enseignants ; et, même parmi ceux-ci, chaque Institut a sa manière particulière de vivre « en famille ».

Il importe donc que ceux qui devront entreprendre la rénovation adaptée de notre Institut aient dégagé, au préalable, les éléments essentiels de notre vie communautaire, et cela sans perdre de vue son double rôle : elle doit soutenir, elle doit édifier. C'est avec raison que le P. Tillard rappelle qu' : « Il faut cesser de présenter la vie commune uniquement comme un moyen, un appui. Elle appartient au témoignage religieux comme tel ». Mais, contrairement à ce que certains du dehors pourraient croire, la vie commune doit précéder. « Avant d'être équipe apostolique, note encore le P. Tillard, toute famille religieuse est « communauté de charité ».

Vie commune et vie de famille ne sont pas absolument synonymes. Bien des exigences de la vie commune n'ont pas pour première fin de créer un climat de famille dans un Institut religieux. )'autre part, un religieux pourrait observer, à la lettre, les prescriptions de la vie commune sans se distinguer par un grand esprit de famille : il est Toujours avec la communauté, dans la prière, dans le travail, dans les délassements, niais sans y mettre l'âme requise. Ici, la « lettre » ne suffit pas…

Toutefois, la vie de communauté doit normalement conduire un religieux à vivre « en esprit de famille ». On l'a rappelé dans une Circulaire précédente : « Le dernier Chapitre, comme tous les précédents, s'il n'a pas souvent parlé expressément de cet esprit de famille, l'a toujours eu devant les yeux comme l'idéal même de la vie commune des Frères » (Cf. Circulaires, XXII, 432).

Cette dernière remarque vaut pour tous les temps. Nous vivons et nous travaillons dans un monde assez différent de celui de nos origines. Souvent, nos Frères ont des activités professionnelles qui tendent à les détacher plus ou moins de leur communauté. Les récréations en commun deviennent rares en cours d'année scolaire ; rares aussi sont les « détentes » communes, tranquilles et reposantes, même en période de vacances. Il ne faudrait pas que la « vie de famille » finisse par s'étioler complètement. A tous les Frères, il appartient de voir, ensemble, comment on pourra sauvegarder l'essentiel (car cette vie de famille, pour nous, est bien une valeur essentielle) malgré les obligations croissantes de notre vocation apostolique. Ce sera peut-être difficile ; ce ne sera jamais impossible, dès lors qu'on s'obstine à chercher la bonne solution.

Défions-nous de certaines solutions « simplistes », car il faut les qualifier ainsi, puisqu'elles négligent précisément le nœud de la question. Ce n'est pas, en premier lieu, par des moyens « extérieurs » qu'on pourra résoudre la difficulté. Précisons : l'usage très large des différents moyens audio-visuels (cinéma, télévision…) comme moyens de détente, de nombreux congés exceptionnels, la suppression des « zones de silence » dans notre vie ordinaire et d'autres moyens de ce genre ne créeront jamais ce climat familial qui est l'aspect fondamental de notre vie commune. C'est d'abord et surtout par une « rénovation intérieure » de nos relations en communauté qu'on pourra surmonter les difficultés signalées plus haut. C'est notre vie fraternelle qu'il faudra repenser et qu'il faudra vivre plus intensément que jamais « fraternelle » dans le sens le plus riche du mot. Par exemple, un entretien cordial de quelques minutes, un mot d'encouragement ou de réconfort dit en passant, une poignée de main, un simple sourire contribuent bien plus puissamment à unir les membres d'une famille que tous les moyens du dehors. Un témoignage d'affection, dès lors qu'il vient du cœur, trouve immédiatement le chemin du cœur des autres, qui ne s'y trompent pas.

Le Chanoine Jacques Leclercq l'avait bien observé : « Quand la communauté est bonne et qu'il y règne une véritable charité, une joie très spontanée et simple se dégage d'être ensemble. Le religieux aime alors à rentrer dans sa communauté ; il n'est nulle part si bien ; il aime à retrouver ses frères et n'a pas la tentation de chercher des détentes au dehors ». Et l'auteur rappelle immédiatement la condition essentielle de cette union : « Mais cela suppose une vie surnaturelle authentique » (La vocation religieuse, éd. 1951, pp. 194-195).

Or, cette vie surnaturelle authentique suppose la prière, des exercices communs, la fidélité à ces exercices, l'acceptation résolue et joyeuse des exigences normales de toute vie de communauté, une charité délicate et attentive dans les relations mutuelles… Hors de là, il ne peut y avoir qu'illusion pour tout ce qui concerne la vraie vie de communauté.

Dans les adaptations que le Chapitre devra entreprendre, comme dans les coutumiers des Provinces, il ne faudra jamais perdre de vue le sens traditionnel de nos réelles valeurs maristes. L'une des plus grandes, c'est précisément notre esprit de famille, selon l'enseignement et l'exemple de notre Bienheureux Père.

 5. Réalisation du programme de formation proposé.

 Le numéro 18 du Décret rappelle à tous les responsables qu'il est nécessaire de bien former les jeunes membres de leur Institut ; il précise que cette formation devra être bien adaptée aux exigences de notre époque et qu'elle devra être harmonieusement équilibrée ; il invite tous les religieux à parfaire leur culture tout au long de leur vie, engageant les Supérieurs à leur procurer la possibilité et les moyens de le faire ; enfin, il insiste sur le choix de ceux qui seront chargés de cette formation.

La première phrase est catégorique : « La rénovation adaptée des Instituts dépend surtout de la formation de leurs membres ». Qu'il nous soit permis de rappeler que la Circulaire du 24 mai 1964 était consacrée tout entière au thème de la bonne formation de notre jeunesse mariste ; on y rappelait également le devoir de chaque Frère de continuer à « se former » le mieux possible. Il y aurait peut-être quelque profit pour les Frères de nos maisons de formation à relire cette Circulaire, en la situant dans le cadre plus général des directives du Décret. Nous nous limiterons aujourd'hui à faire quelques considérations pratiques sur ce grave problème de la formation.

a) En premier lieu, en chaque Province, ou en chaque pays s'il renferme plusieurs Provinces maristes, il faudra mettre au point un « plan de formation » qui réponde aux directives données. S'il ne faut pas tarder à commencer ce travail, il est certainement contre-indiqué de vouloir le terminer au plus vite, c'est-à-dire de vouloir aboutir immédiatement à des mesures définitives. Le temps est un grand maître, dont il faut toujours écouter les leçons ; ce qu'on veut faire sans lui risque de crouler rapidement.

De plus, pour dresser un plan définitif, il faudra tenir compte des directives qui viendront encore de la Commission post conciliaire qui s'occupe de l'application du Décret. Comme la « vacatio legis », prévue par le Décret, finira le 29 juin de cette année, il est possible que ces directives nous arrivent dans un délai assez court. Elles garderont probablement un caractère assez général, car elles seront des normes à suivre par tous les Instituts religieux.

D'autre part, le Chapitre s'occupera certainement de tous les grands problèmes qui concernent notre « système de formation ». Les capitulants viendront de tous les secteurs de l'Institut ; ils auront sous les yeux une abondante documentation, provenant de tous les Frères ; ils pourront donc entreprendre leur travail dans les meilleures conditions.

Rappelons ici une observation déjà faite, il y a deux ans : « L'esprit de synthèse est absolument nécessaire à ceux qui sont chargés d'organiser ou de réorganiser nos maisons de formation. Par suite de la complexité de notre vie apostolique, surtout dans les temps actuels, et des inévitables répercussions de cette complexité sur notre vie religieuse et sur la marche de nos communautés, il ne faut jamais perdre de vue la fin même de cette formation. Une erreur « à la base » pourrait compromettre gravement l'avenir de tout un secteur. Par contre, un plan de formation, bien étudié, loyalement et courageusement exécuté, peut signifier pour une Province le point de départ d'un magnifique renouveau » (Circulaire du 24 mai 1964). A nos Frères capitulants, l'esprit de synthèse sera particulièrement nécessaire, car ils devront légiférer, non pour une seule Province, mais pour l'ensemble de l'Institut.

Le Décret place les responsables de cette formation « à rénover et à adapter » devant un idéal très difficile. Après avoir signalé brièvement quelques aspects nécessaires de l’œuvre à réaliser, le Décret continue (c'est nous qui soulignons !) : « Par une fusion harmonieuse de ces éléments, la formation doit se faire de telle sorte qu'elle aboutisse chez le religieux à l'unité de la vie » (Cf. N. 18). En fait, pour réaliser l'unité de notre vie, nous devrons tous peiner bien au-delà de notre « période de formation ». Les Pères du Concile ne l'ignoraient certainement pas, mais ils tiennent à nous montrer l'idéal vers lequel il faudra toujours tendre : donner aux jeunes, en plus d'une formation solide et bien équilibrée, cet élan vigoureux qui leur permettra de continuer eux-mêmes, tout au long de leur vie, la conquête d'une harmonieuse unité dans leur vie religieuse.

En attendant que le prochain Chapitre ait fini son grand travail, les directives actuelles pour la formation de notre jeunesse mariste devront rester en vigueur. En chaque Province, il faudra donc continuer de les appliquer, avec cette largeur de vues qu'exige, dès maintenant, le climat post conciliaire, niais aussi avec une fermeté qui veut être lucide. Pour bien adapter, il ne suffit pas de « supprimer » : il faut remplacer par quelque chose de meilleur. Les capitulants auront comme tâche de revoir sérieusement toute l'organisation de nos maisons de formation, mais, en hommes d'expérience, ils n'oublieront certainement pas que tout changement n'est pas nécessairement un « pas en avant ». D'autre part, il est toujours souhaitable que les adaptations nécessaires ou utiles, si elles doivent être décidées résolument, gagnent à être appliquées, autant que possible, d'une manière calme et progressive. A tout prix, il faut éviter de tomber dans une sorte d'instabilité dans la marche de nos maisons de formation.

b) Parmi les principes de formation qui semblent admis partout, à notre époque, signalons-en trois qui nous concernent spécialement. On souhaite : une formation suffisamment longue à tous nos jeunes, une formation en profondeur, et une préparation progressive aux difficultés de leur apostolat.

On demande aux Instituts religieux de consacrer à la formation de leurs jeunes membres tout le temps nécessaire, même si l'adoption de ce principe doit entraîner, au début surtout, de multiples inconvénients. Chez nous, plusieurs Provinces ont déjà retardé l'admission au noviciat pour permettre au Frère Maître d'assumer ses responsabilités dans de meilleures conditions, et aux jeunes de « faire » réellement leur noviciat. Beaucoup de Provinces ont augmenté la durée du scolasticat. Presque toutes ont lait de grands efforts pour faciliter les études supérieures au plus grand nombre de Frères possible. Les statistiques ne signalent pas toujours ces innovations, dont l'importance pratique ne se révélera que plus tard. Dans les mesures envisagées, il est clair que chaque secteur devra tenir compte de ses possibilités réelles et actuelles, comme aussi du genre habituel de ses écoles. De plus, il ne convient pas d'oublier la diversité des aptitudes physiques, intellectuelles et professionnelles… Le problème peut se présenter comme assez difficile à résoudre ; il n'est jamais insoluble.

On insiste pour que la formation de nos jeunes se fasse «en profondeur », qu'ils acquièrent peu à peu ces qualités qui constituent l'homme de valeur, qu'ils deviennent des HOMMES dans le plus noble sens du terme. Demain, ils seront des éducateurs ; ils devront préparer, pour la société actuelle, ces hommes dont elle a tellement besoin… Or, ce ne seront jamais les programmes qui assureront cette formation vraiment humaine. Rien ne peut remplacer l'influence directe des formateurs eux-mêmes, par l'exemple de toute leur vie, par le rayonnement de leur personnalité. Nous ne présentons pas la question d'une manière trop « naturelle » : nous faisons tout simplement allusion à l'Encyclique sur l'éducation chrétienne de la jeunesse. Pie XI y définît le vrai chrétien, fruit de l'éducation chrétienne, comme : « l'homme surnaturel qui pense, juge, agit, avec constance et avec esprit de suite, suivant la droite raison éclairée par la lumière surnaturelle des exemples et de la doctrine du Christ, ou, pour employer une expression actuellement courante : un homme de caractère, vraiment accompli ». Peu avant, le Saint-Père avait formulé ce principe : « C'est moins la bonne organisation que les bons maîtres qui. font les bonnes écoles ». Par l'exemple de leurs formateurs, nos jeunes pourront apprendre comment on devient un homme de caractère, un vrai chrétien et un religieux fervent… Bien entendu, il ne faudra pas attendre trop de la période de formation, mais on est en droit d'exiger qu'elle procure à nos jeunes Frères une « maturité » suffisante pour commencer leur vie apostolique dans de très bonnes conditions.

Enfin, on insiste sur une initiation progressive aux difficultés de l'apostolat moderne, afin que les jeunes religieux ne soient pas exposés à des épreuves trop dures lorsqu'ils débuteront dans la vie active proprement dite. Nous savons que le meilleur entraînement ne supprimera jamais toutes les difficultés de cet apprentissage. Mais il importe de préserver nos jeunes Frères de certains échecs douloureux ou de désillusions trop amères, comme cela a été dit dans une Circulaire déjà citée (pages 151-163). Cette heureuse insertion de nos jeunes dans la pleine vie apostolique constitue le couronnement de toute bonne formation.

 RÉPONSE COMME ÉDUCATEURS CHRÉTIENS.

 Le numéro 20 du Décret PERFECTÆ CARTTATIS nous conduit au deuxième point de notre lettre d'aujourd'hui : « Les Instituts doivent conserver fidèlement et poursuivre leurs oeuvres spécifiques, et, attentifs à l'utilité de l'Eglise universelle et des diocèses, ils les adapteront aux nécessités des temps et des lieux par l'emploi de moyens opportuns ou même nouveaux et en abandonnant les oeuvres qui ne correspondent plus aujourd'hui à leur esprit et à leur nature véritable. Il faut absolument conserver dans les Instituts religieux l'esprit missionnaire et, compte tenu du caractère de chacun d'eux, l'adapter aux conditions actuelles pour que l'Evangile soit prêché plus efficacement parmi tous les peuples».

 1. Fidélité à notre but apostolique.

 Dès sa toute première origine, dans la pensée du jeune abbé Champagnat d'abord, puis dans l'humble fondation de la petite communauté de Lavalla, notre Institut avait une finalité apostolique bien marquée, qui constituait précisément sa raison d'être et son originalité… De cette intuition providentielle de notre Bienheureux Fondateur devaient sortir progressivement toutes les oeuvres actuelles de l'Institut, étonnamment variées lorsqu'on jette sur elles un coup d’œil d'ensemble, mais intimement unies entre elles par une même fin : l'éducation chrétienne de la jeunesse. C'est à cet aspect essentiel de notre vocation apostolique que le Concile nous demande de rester fidèles. On peut en conclure immédiatement, avec le P. Holstein : « C'est pourquoi il convient que les supérieurs demandent que soit respectée la vocation propre, et donc la forme particulière et spécifique de l'apostolat des Instituts dont ils portent la charge et ne laissent pas employer les religieux à des tâches pour lesquelles ils n'ont ni compétence ni grâce d'état ».

Cette fidélité de l'Institut au charisme de son Fondateur est une source permanente de bénédictions sur le travail apostolique de tous les membres de sa famille religieuse, comme l'explique très bien le P. Holstein : « Une des conséquences de cette nature communautaire de la vie religieuse, et donc de son témoignage apostolique, est que le religieux est en mesure d'apporter à l'Eglise, à travers son humble personne, à travers les modestes prestations du petit groupe au sein duquel il travaille, la tradition spirituelle de son Ordre, et l'esprit du Fondateur. A travers le religieux, en dépit de ses déficiences, c'est le Fondateur lui-même qui est présent, et le message que, par lui, le Saint-Esprit a voulu laisser dans l'Eglise comme trait de lumière. C'est cela que reconnaît et demande le Concile quand il souhaite que les Instituts religieux « croissent et fleurissent dans la fidélité à l'esprit de leurs Fondateurs ».

 2. Ouverture aux besoins de l'Eglise.

 Le Concile insiste pour que les religieux soient très ouverts aux besoins de toute l'Eglise. Plus que jamais, en tant que religieux-éducateurs, nous devons avoir à cœur de connaître les grandes préoccupations actuelles de l'Eglise. Nous devons donc les étudier inlassablement, comme nous l'avons déjà dit plus haut, afin de pouvoir en parler en connaissance de cause, en vue d'orienter notre action apostolique dans le sens de l'Eglise, et pour communiquer à nos élèves la flamme « missionnaire ». Un éducateur chrétien ne peut négliger cette formation missionnaire de ses élèves, quelle que soit la tâche particulière qu'il remplit dans son école. De petits mots occasionnels, des suggestions discrètes que les événements du jour font naître spontanément, peuvent produire plus d'effet que des conférences ou des catéchismes systématiques…

Au lendemain du Concile Vatican II, il appartient tout particulièrement à l'école chrétienne de développer parmi ses élèves, selon les possibilités de leur âge, cette ouverture d'âme sur l'Eglise et sur les besoins du inonde. C'est bien vers le Christ qu'il nous faut conduire nos élèves, c'est le Christ qu'il faut leur faire connaître et aimer. Or, « aimer le Christ, c'est aimer non un Christ abstrait, mais le Christ vivant dans l'Eglise de notre temps. Cette vérité est importante : elle est le contre-pied de tout anachronisme et elle fait saisir aussitôt l'impérieux besoin de vivre au rythme de l'Eglise et du monde d'aujourd'hui » (Cardinal Suenens).

 3. Situation actuelle de l'école chrétienne.

 L'école chrétienne, comme d'autres « institutions chrétiennes », n'a pas toujours eu « bonne presse » au cours des dernières années, en particulier vers la fin de la période conciliaire. Pour quelques chrétiens, elle avait « fait son temps » ; elle était « une institution vouée à disparaître, le plus tôt étant le mieux »… Les maîtres chrétiens, les religieux enseignants ont entendu, ou lu, ces jugements sommaires, avec une grande surprise parfois, toujours avec tristesse. Personne n'aime d'être totalement incompris quand il s'est donné entièrement à une tâche qu'il considère comme sa mission dans l'Eglise.

En principe, la Déclaration sur l'Education chrétienne aurait, dû marquer la fin d'une campagne assez pénible. Est-ce partout le cas ? Beaucoup d'entre nous ont pu se rendre compte que des oppositions plus ou moins ouvertes persistaient en plus d'un milieu. L'une de nos revues, « Voyages et Missions », destinée spécialement à nos anciens élèves, a jugé opportun de consacrer tout un numéro (celui d'avril 1966) à cette délicate et irritante question. Les nombreux articles qu'elle publie sont signés de plumes autorisées, et ils nous paraissent d'une valeur indiscutable. Habituellement, nous ne devons pas recourir à une sorte de polémique pour défendre notre humble vocation, mais nous croyons que des « mises au point » comme celle que nous venons de signaler peuvent être très utiles, pour les familles de nos élèves, pour nos anciens élèves et même pour nos grands élèves actuels. Le silence n'est pas toujours « d'or ».

Avant tout, nos convictions personnelles au sujet de notre vocation apostolique doivent être lucides et fermes. Il nous appartient de les fortifier par l'étude, par une méditation approfondie de notre mission de religieux-éducateurs, comme aussi par une rigoureuse fidélité à toutes les obligations que nous avons assumées.

D'autre part, si nous ne sommes pas toujours « compris » comme nous le voudrions, nous ne devons pas oublier le très grand nombre de chrétiens qui continuent de nous donner pleinement leur estime et leur confiance. Rarement, il nous est arrivé de recevoir tant de demandes de nouvelles fondations d'écoles. Parfois, on nous les présentait avec tant de conviction qu'il nous en coûtait terriblement de donner la réponse habituelle : « Nous n'avons pas le personnel requis pour accepter ! ».

 4. Révision de vie apostolique.

 Quoi qu'il en soit de l'estime des hommes, il importe que nous ayons le courage de regarder bien en face les critiques qui ont été ou qui seront encore formulées contre l'école chrétienne, que nous les analysions sérieusement, et que nous en dégagions des leçons utiles pour nous.

Il est certain que nous devons nous efforcer de bien connaître les aspirations et les besoins réels des régions où nous sommes établis, afin de nous y adapter dans la mesure du possible. Sachons moderniser des structures vieillies, quand c'est nécessaire. Sachons revoir également nos méthodes, s'il y a lieu. Essayons même de prévoir les nouvelles situations qui pourront se présenter dans notre secteur, les nouveaux problèmes qui se poseront prochainement, si nous ne voulons pas être placés, à l'improviste. devant un fait accompli.

Il faut aussi que nous connaissions toutes les influences qui pèsent aujourd'hui sur l'éducation de nos élèves. Autrefois, les deux principales forces éducatrices étaient la famille et l'école. La situation a bien changé, surtout en certains pays. Nous devons être à même de déceler les « courants d'influence extrascolaires » qui agissent actuellement sur les jeunes. car leur connaissance est indispensable aux éducateurs, s'ils ne veulent pas que leurs meilleurs efforts soient inutiles. Parents et maîtres peuvent avoir, malgré tout, une influence décisive sur l'éducation des « leurs », s'ils joignent à une affection profonde pour les jeunes, des efforts éclairés et concertés, ainsi que la force irrésistible de leur exemple personnel. Rien ni personne ne peut empêcher le rayonnement d'une âme, a-t-on dit. Les jeunes restent, aujourd'hui comme hier, particulièrement sensibles à ce rayonnement. Par contre, « Si l'exemple vient à manquer, disait S. S. Jean XXIII, en 1960, l'éducation est comme privée d'âme ».

Cela suppose, pour un éducateur, l'acceptation résolue de sa vocation spéciale. « Pour être éducateur et professeur, il ne suffit pas de bonne volonté, il faut une vocation et une formation… C'est une tâche à laquelle il faut se donner avec toute son âme, sans quoi on ne la remplira pas du tout. On ne donnera la vérité et le bien que si on les aime, que si on aime ceux à qui on les donne, que si on aime les donner. On ne donnera une éducation morale que si on vit cette morale dans sa volonté ; on ne peut donner que ce qu'on a, communiquer que ce dont on vit… Les vraies vocations d'éducateur et de professeur sont peut-être ce qui manque le plus aujourd'hui… ». Ces considérations d'un éducateur de 1935 sont d'une étonnante actualité. Partout, on s'inquiète du manque de vraies vocations d'éducateur. Faisons tout ce que nous pouvons pour en « mériter » dans notre Institut.

Terminons par une constatation que nos statistiques annuelles nous révèlent et qui doit nous faire réfléchir sérieusement sur nos responsabilités comme éducateurs. Presque partout, le nombre de nos élèves augmente bien plus rapidement que celui de nos Frères ; dans le même temps, les exigences croissantes pour la qualité et le genre de notre enseignement demanderaient, à elles seules. un personnel plus nombreux. De ce double fait résultent de graves dangers pour l'efficacité de notre action apostolique : excès de travail, surmenage et énervement ; régularité compromise habituellement ; insuffisance du personnel qualifié, dans les maisons de formation plus encore que dans les écoles ordinaires ; faible vie de communauté, baisse de l'esprit de famille ; recrutement pauvre quand il n'est pas nul, même dans de « bonnes écoles » ; enfin, réelles inquiétudes sur la persévérance de religieux qui avaient bien « commencé »…

Une pareille situation doit toujours attirer l'attention des supérieurs responsables. Dans son ensemble, elle constituera certainement l'une des questions majeures du prochain Chapitre. Notre générosité apostolique peut et doit être illimitée, mais notre action proprement dite, pour qu'elle serve à l'Eglise et à la jeunesse, devra toujours rester dans des limites bien définies. Il nous faut ici un réalisme courageux, lucide et ferme.

 5. Confiance toujours !

 Pour tout ce qui se rapporte à notre tâche d'éducateurs chrétiens, gardons intacte notre confiance et allons résolument de l'avant avec les lumières du moment. «Tout ce qui est en péril n'est pas perdu », dit un vieux proverbe. Dieu nous demande un « effort » pour réussir, mais Il ne nous promet pas un succès visible. Dieu nous demande un effort calme et obstiné, humble et confiant. Nous rêvons trop facilement d'un succès immédiat, évident pour tous ceux qui nous entourent, d'un succès plus ou moins spectaculaire, qui serait un peu notre gloire à nous… Il faudra toujours nous souvenir du grave avertissement du divin Maître : « Sans Moi, vous ne pouvez rien faire ».

A nos candidats et surtout à nos jeunes Frères, il faut enseigner à temps, par nos paroles et par nos exemples, l'estime des « lentes réussites », dans leur vie religieuse, dans leurs études, plus tard dans leurs tâches apostoliques. Il importe qu'ils sachent distinguer, au cours de leur vie, entre les réussites apparentes et les vrais succès. Par là, ils arriveront sûrement à se hausser au-dessus de certaines incompréhensions et à résister à tous les échecs. Sans cela, la meilleure formation intellectuelle et professionnelle peut devenir totalement inutile, parce que le moindre échec risque de se transformer en « catastrophe ».

Toutefois, la compétence professionnelle est devenue, pour nous, d'une importance telle que nous devons avoir à cœur de l'acquérir. On l'a déjà rappelé ailleurs : cette compétence, qui n'est jamais définitive, s'acquiert et se maintient uniquement par un travail sérieux, méthodique, constant. On pourrait résumer notre programme d'adultes en trois points : 1. Toute notre vie, travaillons pour être d'une valeur professionnelle indiscutable, dans les tâches qui sont les nôtres, et soyons rigoureusement fidèles à nos devoirs d'enseignants et d'éducateurs ; 2. En particulier, ayons à cœur d'être des « catéchistes » compétents et d'un dévouement illimité ; 3. Enfin, ne perdons jamais de vue la nécessité et la primauté de l'exemple, dès lors qu'il s'agit d'exercer une influence heureuse sur les jeunes. En dehors de ce programme, il n'y aurait qu'illusion de notre part. Or, ce programme est à la portée de toutes les âmes de bonne volonté.

Nous vivons en une époque fiévreuse, dit-on. On ne sait plus attendre ; on veut que les choses se fassent vite, très vite. Dans l'éducation chrétienne de la jeunesse, il importe, tout au contraire. de savoir attendre l'heure favorable ; il importe de ne jamais brusquer les âmes. La hâte fait toujours perdre du temps ; quelquefois même, elle compromet définitivement le succès… Les jours où nous avons conscience d'avoir été trop brusques, trop impatients, ne sont pas ceux qui nous rappellent les meilleurs souvenirs.

Souvenons-nous que la vraie comptabilité apostolique (qu'on nous pardonne cette expression !) est tenue par Dieu seul… Soyons modestes, soyons habituellement silencieux sur nos réussites apparentes, comme notre Bienheureux Père, comme les meilleurs de nos Frères du passé… Essayons de vivre intensément notre idéal religieux « mariste », qui doit également animer toute notre vie apostolique.

C'est cet esprit qui nous fera aimer notre Institut, notre communauté, notre école, notre emploi, le « milieu » dans lequel la Providence nous a placés. C'est cet esprit encore qui nous fera aimer résolument les temps « actuels », ceux que nous vivons. Vierge Marie, « donnez-nous l'amour de notre époque, parce qu'elle est celle où nous devons donner notre mesure d'amour ». 

A l'occasion d'un anniversaire

des Pères Maristes

 Les Pères Maristes se disposent à célébrer prochainement le cent cinquantième anniversaire de leur fondation. Ci-après, vous trouverez le texte de la lettre-circulaire par laquelle le Révérend Père Buckley, Supérieur Général, présente cet événement à tous les membres de la Société de Marie. Nous sommes très heureux de nous associer à la joie des Pères. Avec eux, nous prierons de tout cœur pour que cet anniversaire soit pour leur Institut comme un nouveau départ pour la pleine réalisation de la pensée profonde du Vénérable Père Colin…

En plus de l'affection spéciale que nous éprouvons pour « nos » Pères Maristes, des motifs historiques nous engagent à fêter avec eux la date qu'ils ont choisie. Dans le groupe des jeunes prêtres et séminaristes qui sont montés à Fourvière, le 23 juillet 1816, pour se consacrer totalement au service de Notre-Dame, il y avait le Bienheureux Marcellin Champagnat, qui portait déjà dans son cœur le double idéal auquel il allait dédier toute sa vie : travailler avec ses confrères à l'organisation progressive de la Société de Marie et réunir des « Frères » pour l'éducation chrétienne des enfants.

La rapidité étonnante avec laquelle le jeune abbé Champagnat devait se mettre à l’œuvre révèle à la fois son extraordinaire esprit de décision et la conviction profonde qui l'animait. L'énumération de quelques dates peut suffire pour nous en convaincre : le 22 juillet 1816, ordination par Mgr Dubourg ; le 23 juillet, montée à Fourvière, avec ses compagnons, pour le grand engagement marial ; le 15 août 1816, commencement de son ministère de vicaire à Lavalla ; le 28 octobre, le jour même de la mort du jeune J.-B. Montagne, il alla trouver J.-M. Granjon, qui devait devenir le premier Frère Mariste (Cf. Vie, 3° édition, pp. 86-87). Enfin, le 2 janvier 1817, il installa ses deux premiers Frères dans la très modeste maison qu'il venait d'acquérir à Lavalla même. C'était moins de six mois après son ordination : le nouveau Fondateur n'avait pas encore vingt-huit ans !

Dès. leur entrée dans le nouvel Institut, les jeunes Frères étaient tenus au courant du grand projet mariste qui se rattachait à la promesse de Fourvière. Le zèle ardent du. Bienheureux Marcellin Champagnat pour l’œuvre des « Pères » était même tellement manifeste pour son entourage immédiat qu'un de ses premiers Frères crut devoir lui en faire une sorte de reproche : « Savez-vous, mon Père, que si on connaissait vos sentiments de prédilection pour les Pères, plusieurs Frères en seraient jaloux ? – Ils n'auraient pas raison, répliqua le Père. Tous les Frères qui aiment véritablement Jésus et Marie, et qui ont l'esprit de leur état, partagent mes sentiments et pensent comme moi. Au reste, Dieu veut les Pères et les Frères ; il bénira les uns et les autres, d'autant plus qu'ils s'aimeront davantage, qu'ils seront plus unis, et plus disposés à se rendre service. Quant à moi, je suis tout aux uns et tout aux autres » (Cf. Vie, p. 236-237).

« Rien n'unit autant les hommes que les souvenirs communs », a-t-on écrit… Les origines des Pères et des Frères Maristes sont tellement riches en souvenirs communs aux deux familles que les grands anniversaires de leur histoire se confondent souvent. Aussi est-ce tout naturellement que les Frères sont amenés à célébrer, avec les Pères, la date du 23 juillet prochain. C'est de tout cœur que les Frères Maristes participeront, dans la mesure de leurs possibilités, aux fêtes et aux réunions que les Pères organiseront, dans leurs différentes Provinces ou Maisons.

Comme on le voit, nos sentiments « fraternels » à l'égard des membres de la Société de Marie sont d'une intimité particulière. Nous le constations déjà dans la Circulaire de mai 1962. Parlant de notre ferme volonté de collaborer loyalement et généreusement avec tous les religieux, nous signalions la « place à part » de nos relations avec les Pères Maristes : « Nous croyons être fidèles à la pensée profonde de notre Bienheureux Père, et nous croyons également répondre à un désir souvent manifesté dans l'Institut, en rappelant que nous devons être particulièrement unis de cœur et de volonté à la Congrégation des Pères Maristes. La séparation extérieure en deux familles ne doit jamais nous faire oublier le vœu suprême et ardent du Bienheureux Père Champagnat : " Qu'un même esprit, un même amour vous unisse à eux, comme des branches à un même tronc, et comme les enfants d'une même famille à une bonne Mère, la divine Marie "» (Cf. Vie du Bx. Fondateur, par le F. Jean-Baptiste, éd. 1931, page 279). Nous prierons donc toujours pour cette famille religieuse, qui doit nous être doublement chère à cause de nos origines communes. Nous nous intéresserons de près à leur développement, ayant à cœur de favoriser leur recrutement. Nous serons toujours disposés à collaborer fraternellement avec eux, chaque fois que nous le pourrons. Du ciel, le Bienheureux Père Champagnat doit unir, dans une même prière d'intercession, les deux familles religieuses auxquelles il avait consacré toutes les forces de sa vie terrestre » (Circulaires, vol. XXII, pages 650-651). 

Lettre-circulaire du R. P. Buckley, Supérieur Général,

sur le 150° anniversaire

de la fondation de la Société de Marie.

                 Chers confrères,

Le 23 juillet prochain, il y aura cent cinquante ans que, dans l'ancienne chapelle de Fourvière, douze jeunes prêtres et séminaristes promettaient solennellement de se consacrer à la fondation de la congrégation des Maristes. Il ne leur fut pas possible, toutefois, de se réunir pour commencer une œuvre commune, et c'est lentement que se formèrent, à Lyon et à Belley, des groupes de prêtres qui, le 29 avril 1836, obtinrent du Saint-Siège l'approbation de cette Société de Marie à laquelle ils aspiraient d'un même cœur.

En 1936, la plupart d'entre vous s'en souviennent, fut célébré avec solennité le centenaire de cette approbation pontificale, et l'on parla communément alors, pour faire bref, du « centenaire de la Société de Marie ». En fait, s'il est vrai que la Société ne commença à exister juridiquement comme telle dans l'Eglise qu'à partir de son approbation, il est non moins vrai que l'Eglise reconnaît pour chaque société une date de fondation bien antérieure à celle de l'approbation. Pour nous, cette date de fondation, telle qu'elle se trouve indiquée par exemple dans l'Annuario Pontificio, est celle du 23 juillet 1816, et c'est le 23 juillet 1916 qu'eut lieu son véritable premier centenaire. La première guerre mondiale alors en cours, ne permit à ce moment aucune célébration solennelle, mais le T. R. Père Raffin, supérieur général, tint à monter ce jour-là à Fourvière et à célébrer devant quelques Maristes une messe d'action de grâces.

Nous voici maintenant arrivés au cent cinquantième anniversaire de cette cérémonie qui marque le premier acte de l'histoire de la Société. Ce jour-là, après une messe célébrée par M. Courveille à Fourvière, fut lu un formulaire d'engagement, premier texte où se trouve exprimé le but de la Société. Sur les détails de cette cérémonie et le nom des participants, je me permets de vous renvoyer au récent Cours d'histoire de la Société de Marie du P. Coste, que la plupart d'entre vous ont entre les mains (pp. 29-31). Quant au texte de la promesse, qui pourrait utilement être lu au cours des célébrations dont je vais parler, vous en trouverez ci-dessous une traduction.

Que ferons-nous pour célébrer cet anniversaire ? Plus que sur une cérémonie centrale, nous avons pensé mettre l'accent sur des célébrations au niveau des provinces et des maisons, laissant aux provinciaux et aux supérieurs locaux en accord avec eux, le soin de fixer ce qui pourrait être fait et à quelle date, la seconde quinzaine de juillet s'avérant en bien des endroits assez défavorable. Ce qui serait souhaitable, c'est que nulle part cet anniversaire ne passe inaperçu. Que nos revues maristes en soulignent l'existence ; que, là où c'est possible, des conférences soient données sur la Société et son histoire ; que des cérémonies liturgiques ou autres réunions de prière le renouveau promu par le concile ouvre en ce domaine de nombreuses possibilités permettent aux confrères de se remettre en face de la vocation de la Société, de réfléchir sur les tâches qui s'offrent à elle dans l'Eglise et de prier pour la fidélité de tous à les accomplir.

A ces célébrations pourront être invités, partout où cela paraîtra possible et souhaitable, les autres membres de la famille mariste résidant dans la même province ou la même ville : Frères Maristes, Sœurs Maristes, Sœurs Missionnaires de la Société de Marie, Petites Servantes de Nazareth, congrégations océaniennes rattachées, quant à leur origine et leur esprit, à la Société de Marie, et, évidemment, les membres du Tiers Ordre de Marie. La société dont la réalisation fut promise à Fourvière le 23 juillet 1816 comprenait en effet en puissance plusieurs branches, et tous ceux et celles qui dans le monde portent aujourd'hui le nom de Maristes se rattachent spirituellement à ce projet du grand séminaire de Lyon.

On se souviendra toutefois que ces diverses congrégations, pensées et projetées ensemble, ne sont pas issues de la congrégation des prêtres comme telles et qu'elles ont toutes une histoire particulière avec une date de fondation propre à chacune d'elles. C'est ainsi qu'en 1967 Frères et Sœurs maristes célébreront leur cent cinquantième anniversaire et nous nous unissons par avance à la joie qui sera la leur en ces occasions. Dans l'esprit oecuménique qui fut celui du concile, nous mettrons à profit leur présence éventuelle à nos propres fêtes pour nous rappeler que le nom de Maristes n'appartient pas qu'à nous et pour nous informer sur les richesses de la vie mariste telles qu'elles se manifestent dans les différentes branches de la même famille. C'est dans cette émulation spirituelle pour le meilleur approfondissement d'un patrimoine commun que nos rapports mutuels trouvent leur vérité et concourent au bien de tous.

Nous serons heureux, à la maison généralice, d'apprendre quelles initiatives seront prises pour la commémoraison de cet anniversaire. Puisse la Vierge Marie, dont depuis cent cinquante ans nous portons le nom, nous aider à apporter au monde d'aujourd'hui un peu de cette présence discrète et efficace qui fut la sienne dans l'Eglise de son temps.

Croyez à mon cordial respect.

(R. P. J. BUCKLEY, Supérieur Général

« Promesse des premiers aspirants maristes

à Fourvière » 

Au non du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen.

Tout pour la plus grande gloire de Dieu

et l'honneur de Marie, mère du Seigneur Jésus.

Nous soussignés,

désireux d'unir nos efforts

pour la plus grande gloire de Dieu

et l'honneur de Marie, mère du Seigneur Jésus,

affirmons et faisons connaître

notre intention sincère

et notre ferme volonté

de nous consacrer dès que possible

à la fondation de la congrégation des Maristes.

Aussi bien,

par le présent acte et notre signature,

nous donnons irrévocablement,

pour autant qu'il est en notre pouvoir,

nous-mêmes et tout ce que nous avons

à la Société de la sainte Vierge.

Cela, nous ne le faisons point comme des enfants

ni à la légère

ni dans un but tout humain

ni dans l'espoir d'un profit temporel,

mais avec sérieux,

maturité,

après avoir pris conseil,

après avoir tout pesé devant Dieu,

car nous n'avons en vue

que la plus grande gloire de Dieu

et l'honneur de Marie, mère du Seigneur Jésus.

Nous nous vouons donc

aux peines,

travaux,

inconvénients de toute sorte,

et, si cela devient un jour nécessaire,

aux supplices,

vu qu'en celui qui nous fortifie,

le Christ Jésus,

nous pouvons tout.

A lui, par le fait même,

nous promettons fidélité

dans le sein de notre sainte mère

l'Eglise catholique romaine.

Nous nous attachons de toutes nos forces

au chef suprême de cette Eglise,

le pontife romain,

et à notre évêque ordinaire.

Ainsi serons-nous de bons ministres du Christ Jésus,

nourris des paroles de la foi et de la vraie doctrine

que par sa grâce nous avons reçue.

Confiants enfin

que, sous le règne de notre roi très chrétien,

ami de la paix et de la religion,

cette fondation verra bientôt le jour,

nous promettons solennellement

de dépenser nous-mêmes et tout ce que nous avons,

sans exclure aucun moyen,

pour le salut des âmes

sous le nom de Marie et sous ses auspices.

Le tout, cependant, est remis au jugement des supérieurs.

Que soit louée la sainte et immaculée Conception

de la bienheureuse Vierge Marie. Amen. 

Déclaration sur l'éducation chrétienne

 PAUL EVEQUE

SERVITEUR

DES SERVITEURS DE Dieu

AVEC LES PÈRES

DU SAINT CONCILE

POUR QUE LE SOUVENIR

S'EN MAINTIENNE À JAMAIS

DÉCLARATION « GRAVISSIMUM EDUCATIONIS » 

PREAMBULE

 L'extrême importance de l'éducation dans la vie de l'homme, et son influence toujours croissante sur le développement de la société moderne sont, pour le saint Concile oecuménique, l'objet d'une réflexion attentive. En toute vérité, la formation des jeunes, et même une certaine éducation continuelle des adultes, devient à la fois plus aisée et plus urgente du fait des conditions de notre époque. En effet, les hommes sont davantage conscients de leur dignité et de leurs obligations propres ; ils souhaitent prendre une part chaque jour plus active à la vie sociale, surtout à la vie économique et politique ; les merveilleux progrès de la technique et de la recherche scientifique, les nouveaux moyens de communication sociale, viennent opportunément leur permettre, jouissant désormais de loisirs accrus, d'accéder plus aisément au patrimoine culturel et de se compléter mutuellement grâce à des liens plus étroits, soit entre les groupes, soit entre les peuples mêmes.

Aussi, s'efforce-t-on partout de favoriser toujours davantage la tâche de l'éducation ; déclarations et textes officiels affirment les droits primordiaux de l'homme, ceux surtout des enfants et des parents, relatifs à l'éducation ; devant la croissance rapide du nombre des élèves, on multiplie de toutes parts et on perfectionne les écoles, on crée d'autres institutions éducatives ; des expériences nouvelles développent les méthodes d'éducation et d'instruction ; incontestablement, de grands efforts sont déployés pour procurer ces biens à tous les hommes, même s'il reste vrai que de trop nombreux enfants et adolescents sont privés même de toute instruction de hase, et que parmi les autres un si grand nombre se voient refuser l'éducation convenable qui cultiverait à la fois la vérité et la charité.

Mais, pour s'acquitter de la mission que lui a confiée son divin fondateur : annoncer à tous les hommes le mystère du salut et tout restaurer dans le Christ, notre sainte Mère l'Eglise doit se soucier de la vie humaine dans son intégralité, et même de la vie terrestre en tant qu'elle est liée à la vocation céleste, aussi a-t-elle un rôle à jouer dans le progrès et le développement de l'éducation. C'est pourquoi le Concile proclame quelques principes fondamentaux sur l'éducation chrétienne, surtout dans les écoles, qu'une Commission spéciale devra, après le Concile, développer plus en détail, et les conférences épiscopales appliquer à la variété des conditions locales.

 1. Droit universel à l'éducation, sa notion.

 Tous les hommes de n'importe quelle race, âge ou condition, possèdent, en tant qu'ils jouissent de la dignité de personnes, un droit inaliénable à une éducation, qui réponde à leur fin propre, s'adapte à leur caractère, à la différence des sexes, à la culture et aux traditions ancestrales, et, en même temps, s'ouvre à des échanges fraternels avec les autres peuples pour favoriser l'unité véritable et la paix dans le monde. Or, le but que poursuit la véritable éducation est de former la personne humaine dans la perspective de sa fin suprême, en même temps que du bien des sociétés dont l'homme est membre, et dont, une fois devenu adulte, il aura à partager les obligations.

Il faut donc aider les enfants et les jeunes gens en tenant compte des progrès des sciences psychologique, pédagogique et didactique à développer harmonieusement leurs aptitudes physiques, morales, intellectuelles, à acquérir graduellement un sens plus aigu de leur responsabilité, tant dans l'effort soutenu pour mener droit leur vie personnelle que dans la poursuite de la vraie liberté, en surmontant à force de courage et de générosité tous les obstacles. Qu'ils reçoivent une éducation sexuelle positive, prudente, qui progressera au fur et à mesure qu'ils grandiront. Qu'ils reçoivent, en outre, une formation à la vie en société qui, en leur fournissant convenablement les moyens nécessaires et opportuns les rende capables de s'insérer de façon active dans les différents groupes de la communauté humaine, de s'ouvrir au dialogue avec autrui et d'apporter de bon cœur leur contribution à la réalisation du bien commun.

De même, le Concile déclare que c'est un droit pour les enfants et les jeunes gens d'être stimulés à porter un jugement de valeur sur les réalités morales avec une conscience droite et de les assumer par une adhésion personnelle, et, tout autant, à connaître et aimer Dieu de façon plus parfaite. Aussi demande-t-il instamment à tous ceux qui gouvernent les peuples ou dirigent l'éducation de prendre garde que jamais la jeunesse ne soit frustrée de ce droit sacré. Et il exhorte les enfants de l'Eglise à travailler avec courage dans le domaine de l'éducation, particulièrement pour obtenir que les bienfaits d'une éducation et d'une instruction convenables puissent au plus tôt s'étendre à tous et au monde entier.

 2. L'éducation chrétienne.

 Du fait que devenus créatures nouvelles, en renaissant de l'eau et de l'Esprit-Saint, ils sont appelés enfants de Dieu et le sont, tous les chrétiens ont droit à une éducation chrétienne. Celle-ci ne poursuit pas seulement la maturité de la personne humaine décrite plus haut, mais vise principalement à ce que les baptisés, introduits graduellement dans la connaissance du mystère du salut, deviennent chaque jour plus conscients de ce don de la foi qu'ils ont reçue, apprennent à adorer Dieu le Père en esprit et en vérité (Cf. Jean, 4, 23), surtout dans le culte liturgique, soient formés de façon à mener leur vie propre selon l'homme nouveau dans une justice et une sainteté véritables (Cf. Ephés., 2. 22-24), et qu'ainsi, aboutissant à l'homme parfait, à l'âge de la plénitude du Christ (Cf. Eph., 4, 13), ils apportent leur contribution à la croissance du Corps mystique. Qu'en outre, conscients de leur vocation, ils prennent l'habitude aussi bien de rendre témoignage à l'espérance qui est en eux (Cf. 1 Pierre, 3, 15), que d'aider à la transformation chrétienne du monde, par quoi les valeurs naturelles, reprises et intégrées dans la perspective totale de l'homme racheté par le Christ, contribuent au bien de toute la société. C'est pourquoi le Concile rappelle aux pasteurs d'âmes le grave devoir qu'ils ont de tout faire pour que tous les fidèles bénéficient de cette éducation chrétienne, surtout les jeunes qui sont l'espérance de l'Eglise.

 3. Les responsables de l'éducation.

 Les parents, ayant donné la vie à leurs enfants, ont la très grave obligation de les élever, et à ce titre ils doivent être reconnus comme leurs premiers et principaux éducateurs. Telle est l'importance de cette fonction d'éducateurs que. lorsqu'elle vient à faire défaut, elle peut difficilement être suppléée. Le rôle des parents est, en effet, de créer une atmosphère familiale, animée par l'amour et la piété envers Dieu et les hommes, qui favorise l'éducation intégrale, personnelle et sociale, de leurs enfants. La famille est donc la première école des vertus sociales dont aucune société ne peut se passer. Mais c'est surtout dans la famille chrétienne, enrichie de la grâce et des devoirs du sacrement de mariage, que dès leur plus jeune âge les enfants doivent, conformément à la foi reçue au baptême, apprendre à découvrir Dieu et à l'honorer, ainsi qu'à aimer le prochain ; c'est là qu'ils font la première expérience, et d'une saine vie sociale, et de l'Eglise ; c'est par la famille qu'ils sont peu à peu insérés dans la vie de la société civile, ainsi que dans le peuple de Dieu. Que les parents soient donc bien pénétrés de l'importance d'une famille vraiment chrétienne pour la vie et le progrès du peuple de Dieu lui-même.

Le devoir de dispenser l'éducation, qui revient en premier lieu à la famille, requiert l'aide de toute la société. A côté des droits des parents et de ceux des éducateurs sur qui ils se reposent d'une partie de leur tâche, il y a des droits déterminés qui appartiennent à la société civile, en tant que chargée d'organiser ce qui est nécessaire pour le bien commun temporel. Il est de ses fonctions de promouvoir de diverses façons l'éducation de la jeunesse : protéger les devoirs et les droits des parents et autres personnes qui jouent un rôle dans l'éducation, et leur fournir son aide ; selon le principe de subsidiarité, à défaut d'initiatives prises par les parents et les autres sociétés, et compte tenu des désirs des parents, assumer l'éducation complète ; en outre, créer des écoles et des instituts propres, lorsque le bien commun l'exige.

La responsabilité de l'éducation concerne enfin, à un titre tout particulier, l'Eglise : non seulement parce que, en tant que société humaine, déjà, elle doit être reconnue comme compétente pour donner une éducation, mais surtout parce qu'elle a pour fonction d'annoncer aux hommes la voie du salut, de communiquer aux croyants la vie du Christ et de les aider par une sollicitude de tous les instants à atteindre le plein épanouissement de cette vie. A ces enfants, l'Eglise est donc tenue, comme Mère, d'assurer l'éducation qui imprégnera toute leur vie de l'esprit du Christ ; en même temps, elle offre son aide à tous les peuples pour promouvoir la perfection complète de la personne humaine. ainsi due pour le bien de la société terrestre et pour la construction du monde qui doit recevoir une figure plus humaine.

 4. Les divers moyens eu service de l'éducation chrétienne.

 Dans l'accomplissement de sa mission éducative, l'Eglise est soucieuse de tous les moyens proportionnés, et se préoccupe en particulier de ceux qui lui sont propres. Le premier est la formation catéchétique qui éclaire et fortifie la foi, nourrit la vie selon l'esprit du Christ, achemine à la participation active et consciente au mystère liturgique et incite à l'action apostolique. Mais l'Eglise estime aussi beaucoup, cherche à pénétrer de son esprit et à surélever les autres moyens qui appartiennent au patrimoine commun de l'humanité et peuvent faire beaucoup pour cultiver les esprits et former les hommes, notamment les moyens de communication sociale, les multiples associations de formation physique et intellectuelle, les mouvements de jeunesse et surtout les écoles.

 5. Importance de l'école.

 Entre tous les moyens d'éducation, l'école tient une importance particulière ; elle est, en vertu de sa mission, le principal facteur de développement des facultés intellectuelles, elle exerce le jugement, elle introduit dans le patrimoine culturel dû aux générations antérieures, elle promeut le sens des valeurs, elle prépare à la vie professionnelle ; entre des élèves de conditions sociales et de caractères différents, elle fait naître des relations d'amitié, elle favorise les dispositions à bien se comprendre. Elle constitue surtout comme un centre dont l'activité et le progrès doivent rejaillir sur les familles, les maîtres, les associations de toutes sortes qui développent la vie culturelle, civique et religieuse, sur la société civile et sur toute la communauté humaine.

Oui, ils ont une belle, mais lourde vocation, ceux qui secondent les parents dans l'accomplissement de leur devoir et, au nom de la communauté humaine, assument la charge de l'éducation dans les écoles ; cette vocation requiert des qualités toutes spéciales, d'esprit et de cœur, la plus soigneuse préparation, une aptitude continuelle à se renouveler et à s'adapter.

 6. Devoirs et droits des parents.

 Le droit premier et inaliénable des parents est celui d'éduquer leurs enfants ; ils doivent donc jouir d'une liberté véritable dans le choix de l'école. Le pouvoir public, dont le rôle est de protéger et de défendre les libertés des citoyens, doit respecter la justice distributive en répartissant les subsides publics de telle sorte que les parents puissent jouir d'une vraie liberté dans le choix de l'école de leurs enfants, conformément à leur conscience.

C'est encore le rôle de l'Etat de veiller à ce que tous les citoyens puissent participer convenablement à la vie culturelle et soient préparés comme il se doit à l'exercice des devoirs et des droits du citoyen. L'Etat doit donc assurer le droit des enfants à une éducation scolaire adéquate, veiller à la capacité des maîtres, au niveau des études ainsi qu'à la santé des élèves, et, d'une façon générale, développer l'ensemble du système scolaire, en gardant devant les yeux le principe de subsidiarité, et donc en excluant tout monopole scolaire, lequel est opposé aux droits innés de la personne humaine. au progrès et à la diffusion de la culture elle-même, à la concorde entre les citoyens, enfin au pluralisme aujourd'hui en vigueur dans une multitude de sociétés.

Le saint Concile exhorte donc les chrétiens – qu'il s'agisse de découvrir des méthodes d'éducation et un programme adaptés, ou bien de former des maîtres capables d'élever comme il faut les jeunes, – à offrir spontanément leur concours et, surtout, par les associations de parents, à suivre et aider tout le travail (le l'école, en particulier l'éducation morale qui doit y être donnée.

 7. Education morale et religieuse dans toutes les écoles.

 En outre, dans la conscience qu'elle a du très grave devoir de veiller assidûment à l'éducation morale et religieuse de tous ses enfants, l'Eglise a conscience de son grave devoir d'être présente, avec une affection et une aide toutes particulières, à ceux très nombreux qui ne sont pas élevés dans des écoles catholiques : par le témoignage de la vie de leurs professeurs et directeurs, par l'action apostolique de leurs camarades, et surtout par le ministère des prêtres et des laïcs qui leur transmettent la doctrine du salut, d'une façon adaptée à leur âge et aux circonstances, et qui les aident spirituellement par des initiatives opportunes, selon les situations et les époques.

Mais aux parents, elle rappelle le grave devoir qui leur incombe de tout prévoir en l'exigeant au besoin, pour que leurs enfants puissent bénéficier de ces secours et développer leur formation profane. Aussi, l'Eglise félicite-t-elle les autorités et les sociétés civiles qui, compte tenu du caractère pluraliste de la société moderne, soucieuses de la juste liberté religieuse, aident les familles pour qu'elles puissent assurer à leurs enfants, dans toutes les écoles, une éducation conforme à leurs propres principes moraux et religieux.

 8. Les écoles catholiques.

 La présence de l'Eglise dans le domaine scolaire se manifeste à un titre particulier par l'école catholique. Tout autant que les autres écoles, celle-ci poursuit des fins culturelles, et la formation humaine des jeunes. Ce qui lui appartient en propre, c'est de créer pour la communauté scolaire une atmosphère animée d'un esprit évangélique de liberté et de charité, d'aider les adolescents à développer leur personnalité en faisant en même temps croître cette créature nouvelle qu'ils sont devenus par le baptême, et, également, d'ordonner toute la culture humaine à l'annonce du salut pour éclairer par la foi la connaissance graduelle que les élèves acquièrent du monde, de la vie et de l'homme. C'est ainsi que l'école catholique, en s'ouvrant comme il convient aux progrès des temps, forme ses élèves pour qu'ils travaillent efficacement au bien de la cité terrestre, et, en même temps, les prépare au service du royaume de Dieu, afin que, par l'exercice d'une vie exemplaire et apostolique, ils deviennent comme un levain de salut pour la communauté des hommes.

On voit donc tout ce que l'école catholique peut apporter à l'Eglise pour l'accomplissement de sa mission, et les services qu'elle petit rendre en faveur du dialogue entre l'Eglise et la communauté humaine, pour leur mutuel bénéfice ; c'est pourquoi, dans les circonstances actuelles, elle garde son extrême importance. Aussi, ce saint Concile proclame-t-il à nouveau le droit, pour l'Eglise, de fonder et de diriger librement des écoles de tout ordre et de tout degré, droit déjà déclaré dans d'innombrables documents du magistère, et il rappelle que l'exercice d'un tel droit est, en même temps, souverainement utile pour la sauvegarde de la liberté de conscience et des droits des parents, ainsi que pour le progrès de la culture.

Mais que les maîtres ne l'oublient pas : c'est d'eux, avant tout, qu'il dépend que l'école catholique soit en mesure de réaliser ses buts et ses desseins. Qu'on les prépare clone avec une sollicitude toute particulière, pour leur procurer la science, aussi bien profane que religieuse, attestée par les titres appropriés et pour leur assurer une méthode pédagogique en accord avec les découvertes modernes. Que la charité les unisse entre eux et avec leurs élèves, qu'ils soient tout pénétrés d'esprit apostolique pour rendre témoignage, par la vie plus encore que par l'enseignement, au Maître unique, le Christ. Qu'ils travaillent en collaboration, surtout avec les parents ; qu'en union avec ceux-ci ils sachent tenir compte, dans toute l'éducation, de la différence des sexes et du but particulier attribué à chacun par la providence divine, dans la famille et dans la société. Qu'ils s'efforcent de susciter l'action personnelle des élèves et, après la fin du cycle d'études, qu'ils continuent à les suivre de leurs conseils et de leur amitié, ainsi qu'au moyen d'associations particulières pénétrées d'un véritable esprit d'Eglise. Le Concile déclare que le rôle de ces maîtres est un apostolat proprement dit, tout à fait adapté, en même temps que nécessaire, à notre époque : un vrai service rendu à la société. Et aux parents catholiques, le Concile rappelle leur devoir de confier leurs enfants, où et lorsqu'ils le peuvent, à des écoles catholiques, leur devoir de soutenir celles-ci selon leurs ressources et de collaborer avec elles pour le bien de leurs enfants.

 9. Les différentes sortes d'écoles catholiques.

 Que toutes les écoles qui, d'une façon ou d'une autre, dépendent de l'Eglise, se rapprochent au maximum de cet idéal de l'école catholique, bien que, selon les circonstances locales, elles puissent revêtir des formes diverses. L'Eglise tient aussi pour très précieuses les écoles qui, surtout sur les territoires des jeunes Eglises, accueillent également les élèves non catholiques.

En outre, dans la création et l'orientation des écoles catholiques, il faut tenir compte des nécessités du monde moderne. Aussi, tout en continuant à entretenir les écoles primaires et secondaires, qui constituent la base de l'éducation, on doit accorder une grande importance à celles qui sont particulièrement requises par les conditions actuelles, telles que les écoles techniques et professionnelles, les institutions pour l'instruction des adultes ainsi que de ceux pour qui une infirmité rend nécessaires des soins particuliers, et les écoles qui préparent des maîtres, tant pour l'éducation religieuse que pour d'autres secteurs pédagogiques.

Ce saint Concile exhorte avec force les pasteurs et tous les fidèles à n'épargner aucun sacrifice pour aider les écoles catholiques à remplir chaque jour plus fidèlement leur tâche, en premier lieu à subvenir aux besoins de ceux qui sont dépourvus des biens de la fortune, qui sont privés de l'affection et du soutien de la famille, ou qui sont étrangers au don de la foi.

 10. Les Facultés et Universités catholiques.

 Quant aux écoles supérieures, et surtout aux universités et facultés, l'Eglise ne les entoure pas d'un soin moins vigilant. Au contraire, en ce qui dépend d'elle, elle vise, par une organisation méthodique, à ce que chaque discipline soit cultivée selon ses principes propres, sa méthode propre et la liberté propre à la recherche scientifique, de telle sorte qu'on approfondisse chaque jour la compréhension des différentes disciplines et que, grâce à un examen plus attentif des questions et recherches nouvelles de la période actuelle, on reconnaisse et on discerne mieux comment la foi et la science visent de conserve une unique vérité, en marchant sur les traces des docteurs de l'Eglise, et particulièrement de saint Thomas d'Aquin. Que de la sorte se réalise comme une présence publique, stable et universelle de la pensée chrétienne dans tout l'effort intellectuel pour promouvoir une culture supérieure, et que les étudiants de ces instituts soient formés de telle sorte qu'ils deviennent des hommes éminents par l'instruction, prêts à assumer les plus lourdes tâches dans la société, et témoins de la foi dans le monde.

Que dans les universités catholiques dépourvues d'une faculté de théologie, il y ait un institut ou une chaire de théologie qui dispense un enseignement adapté aux étudiants laïcs. Comme les sciences progressent surtout grâce à des recherches particulières d'une plus grande portée scientifique, que les universités et facultés catholiques entretiennent au maximum des instituts dont le but primordial soit de promouvoir la recherche scientifique.

Le saint Concile recommande instamment de développer des universités et facultés catholiques opportunément réparties dans les différentes parties du monde ; qu'elles brillent moins par le nombre que par la valeur de l'enseignement, et que l'accès en soit facilité aux étudiants qui donnent davantage d'espérances, même s'ils sont de condition modeste, et surtout à ceux qui viennent des jeunes nations.

Puisque le sort de la société et de l'Eglise même est étroitement lié aux progrès des jeunes qui font des études supérieures, les pasteurs de l'Eglise ne doivent pas seulement prodiguer leurs soins à la vie spirituelle des étudiants des facultés catholiques. Que, soucieux de la formation spirituelle de tous leurs fils, ils se préoccupent avec les consultations nécessaires entre évêques de fonder, également auprès des universités non catholiques, des maisons d'accueil et des centres universitaires catholiques où des prêtres, des religieux et des laïcs soigneusement choisis et préparés offrent à la jeunesse universitaire une assistance permanente, spirituelle et intellectuelle. Que les jeune plus doués, qu'ils soient des universités catholiques ou des autres, s'ils montrent des aptitudes pour l'enseignement et la recherche, soient l'objet de soins particuliers, et qu'on les encourage à devenir professeurs.

 11. Les Facultés de sciences sacrées.

 L'Eglise attend énormément de l'activité des facultés de sciences sacrées. C'est à elles, en effet, qu'elle confie la charge importante de préparer leurs élèves, non seulement au ministère sacerdotal, mais surtout, soit à l'enseignement dans les établissements d'études ecclésiastiques supérieures, soit à faire avancer par leur contribution personnelle les différentes disciplines, soit à assumer les tâches les plus ardues de l'apostolat intellectuel. C'est également le rôle de ces facultés de soumettre à une investigation plus profonde les différents domaines des sciences sacrées, en vue d'une compréhension toujours plus profonde de la Révélation sacrée, d'un accès plus large au patrimoine de sagesse chrétienne légué par nos ancêtres, d'un dialogue croissant avec nos frères séparés et avec les non-chrétiens, et d'une réponse adéquate aux questions posées par le progrès des sciences.

Que, par conséquent, les facultés ecclésiastiques revoient opportunément leurs lois propres, qu'elles développent intensément les sciences sacrées et celles qui leur sont connexes, et qu'elles ne négligent pas les méthodes et les moyens les plus récents en vue de former leurs étudiants pour des recherches plus poussées.

 12. Développer la coordination dans le domaine scolaire.

 La coopération, chaque jour plus nécessaire et plus effective sur le plan diocésain, national et international, ne s'impose pas moins dans le domaine scolaire. Aussi doit-on mettre tous ses soins à établir entre les écoles catholiques la coordination convenable, et à développer entre elles et les autres écoles la collaboration que requiert le bien commun de l'humanité tout entière.

Cette coordination plus poussée et cette mise en commun des efforts, surtout parmi les instituts académiques, procureront davantage de fruits. Que dans toutes les universités, les diverses facultés s'entre aident donc autant que le comporte leur objet ; bien plus, que les universités elles-mêmes aillent dans le même sens et unissent leurs efforts. en organisant ensemble des Congrès internationaux. en se répartissant les secteurs de la recherche scientifique, en se communiquant leurs découvertes, en échangeant pour quelque temps des professeurs, en développant enfin tout ce qui peut favoriser une collaboration accrue.

 CONCLUSION.

 Le saint Concile exhorte instamment les jeunes à prendre conscience de la fonction primordiale qu'est celle de l'éducateur et à être prêts à l'assumer avec courage et générosité, surtout dans les régions où le manque de maîtres met en danger l'éducation de la jeunesse.

Le saint Concile, en exprimant sa profonde gratitude envers les prêtres, religieux, religieuses et laïcs qui, en se donnant eux-mêmes dans l'esprit de l'évangile, s'adonnent à la tâche primordiale de l'éducation et de l'enseignement dans les écoles de tous genres et de tous niveaux, les exhorte à persévérer généreusement dans la tâche entreprise. Qu'en imprégnant les élèves de l'esprit du Christ, ils aspirent, sur le plan pédagogique comme sur le plan scientifique, à un niveau tel que, non seulement ils travaillent au renouveau interne de l'Eglise, mais ils défendent et étendent sa présence bienfaisante dans le monde d'aujourd'hui et particulièrement le monde intellectuel.

Toutes et chacune des choses qui sont édictées dans cette déclaration ont plu aux Pères. Et Nous, en vertu du pouvoir apostolique que Nous tenons du Christ, en union avec les vénérables Pères, Nous l'approuvons, arrêtons et décrétons dans le Saint-Esprit, et Nous ordonnons que, pour la gloire de Dieu, ce qui a été ainsi établi conciliairement soit promulgué.

A Rome, auprès de Saint-Pierre, le 28 octobre 1965.

Moi PAUL, évêque de l'Eglise catholique. 

Suivent les signatures des Pères[1].  

ELECTIONS

 Le Conseil Général a élu

a) Dans la séance du 9 décembre 1965 :

Pour un premier triennat :

F. Bruno Pastor (Paul James SCOTT), Provincial de Nouvelle-Zélande

h) Dans la séance du 13 décembre 1965 :

Pour un premier triennat :

F. Arturo Simon (Arturo CHAVEZ}„ Provincial du Mexique Central.

F. Samuel Ignacio (Ignacio MARTINEZ), Provincial du Mexique Occidental

c) Dans la séance du 17 décembre 1965 :

Pour un premier triennat :

F. Roman Virgilio (Virgilio LEON HERRERO), Provincial de Cataluña

d) Dans la séance du 11 mars 1966 :

 Pour un premier triennat :

F. Hernando Gil (Hernando GOMEZ), Provincial de Colombie

 

STATISTIQUE GENERALE DE L'INSTITUT

au 31 décembre 1965

  

                            1        2        3        4        5        6        7        8        9                  10     11

Adm. générale .       –           –           –           –            –          14        14        14        –                        –           4

Af. du Sud                10        0          2          25        54        24        103      115      3 660               4          12

Allemagne                94        10        10        43        60        61        164      278      1652                1          7

Beaucamps .                        107      3          6          29        92        55        176      292      6 672               0             18

Belg. Holl                              22        6          5          27        131      87        245      278      9 609               6             28

Bética                                    252      9          15        56        171      69        296      572      103203          19

Brésil Septr              106      14        9          40        75        71        186      315 13 323                  0          15

Castilla                                  175      13        21        65        145      38        248      157      5113                0             14

Cataluña                               219      1-1       19        30        152      54        256      508      8334                2             17

Caxia do Sul .                       144      0          0          13        58        26        97        239      2 622               0             10

Chili                           184      14        10        51        92        50        193      401      5 848               0          12

Chine                                     13        7          0          14        67        43        124      174 11 377                  0             15

Colombie                 148      10        0          30        95        116      241      408 13 117                  1          24

Congo-Rwanda       49        14        0          11        56        30        97        160      9 249               3          16

Córdoba                               40        0          4          34        97        41        172      216      4 749               0             11

Cuba-Am. Cent.      234      17        13        53        150      91        294      558      7 877               1          20

Desbiens                              102      0          1          17        79        39        135      241      3 753               1             12

Esopus                                  25        34        30        117      147      66        330      419      9 104               2             15

Gde-Br. Ir. N.                        160      16        15        84        130      62        276      467 13678                   5             32

Iberville                                  379      22        14        84        232 109           425      840 14 978                  3             33

Italie                          123      5          7          15        63        71        149      284      2 952               2          8

León                          194      8          0          37        159      42        238      440      6 031               0          9

Levante                                 132      21        13        33        87        42        182      348      5 696               3             9

Lévis                                      245      0          11        32        130      68        230      486      7 693               1             25

Lujàn                                      38        0          4          31        80        59        170      212      4 427               1             1

Madrid                                   240      17        7          51        74        45        170      434      4 500                            13

Melbourne                22        14        15        50        91        50        191      242      9 795               2          9

Mex. Central                         140      20        15        86        102      59        247      422      132750          20

Mex.Occid                127      28        23        109      125      71        305      483 15 178                  0          27

Norte                                     201      IO         20        68        161      .60       289      530      8 027               1             17

N.D. Hermitage                    93        4          6          31        93        59        183      286      5 127               5             22

N-Zélande                63        24        17        79        105      76        260      364      9 964               2          31

Pérou                                    45        11        9          59        16 I      49        154      319      6 609               0             13

Porto-Alegre                         206      0          0          41        152      58        251      457 13 882                  1             18

Poughkeepsie                      8          20        16        75        139      93        307      351 10 332                  2             17

Rio                            260      12        9          58        78        84        220      501      5 565               0          14

St-Genis-Laval                     183      16        3          76        176      99        351      553      7 206               8             39

Sta-Catarina                         171      9          13        43        63        21        127      330      3 551               0             11

Sta. Maria                146      12        11        43        127      32        202      371      8 370               2          16

São-Paulo                238      16        13        10        98        69        177      444 10 545                  1          15

Sud -Est                                58        2          1          11        72        31        134      195      3 023               5             12

Sud-Ouest                31        0          1          6          49        22        77        109      2 076               1,         8

Sydney                                  62        44        32        88        222      91        401      539 14 424                  3             35

Varennes                  76        5          4          14        59        65        138      223      3 926   2          13

   DISTRICTS

Ceylan                                   23        8          0          6          18        10        34        65        3 315               0             6

Liban-Syrie              59        3          0          7          23        28        38        120      6 581               0          8

Madagascar                         82 1     0          8          13        25        18        56        146      4 128               0             10

Philippines               15        20        2          20        22        13        55        92        3 905               0          10

Portugal . .                137      0          5          29        48        33        110      252      2 789               0          13

Suisse-Missions      12        0          3          14        15        23        52        67        358                  0          4

Uruguay                                 45        0          5          19        26        28        73        123      2 286               0             7

Venezuela                82        6          10        30        42        17        89        187      2 584               0          4

 

Totaux…             6130      338       469       2147      4853      2752      9752      16909  363080    76         828

 

[1 : Juvénistes ; 2 : Postulants : 3 : Novices ; 4 : Profès temp. ; 5 : Perp. ; 6 : Stables ; 7 : Total prof. ; 8 : Total Gén. ; 9 : 3lèves ; 10 : Décès en 1964 ; 11 : Maisons.]

 

LISTE DES FRERES

dont nous avons appris le décès

depuis la Circulaire du 1ier décembre 1965

 

Nom et âge des Défunts                                    Lieu du Décès                            Date du Décès

 

F. Louis Robert (A. Roy)                    72 P        Alma (Canada)                              2 nov. »

F. Charles Alexis (J. Peyragrosse)     78 S        N.-D. de l'Hermitage (France)      10 » »

F. Bernardino Maria (M. Botet)           56 S        Castilleja de la Cuesta (Esp.)       12 » »          .

F. Charlemagne (Ch. Lacoursière)     61 S       Iberville (Canada)                           12 » »

F. Louis Euchariste (L. Bonnisse)      59 P        N.-D. de l'Hermitage (France)      16 » »

F. Anthony of Padua (A. Paradis)       71 S        Roselle ( Etats finis)                       16 » »

F. Chrysostom Gall (T. Gillan)             49 P        Strokestown (Irlande)                     17 » »

F. Mathurin (A. Caldin)                         86 S        St-Paul-3-Châteaux (France)        23 » »

F. Pierre Emilius (J.-P. Gras)              78 S        Iberville (Canada)                           25 » »

F. Marie Emiliani (S. Nohérie)            77 S        St-Paul-3-Châteaux (France)        3 déc. »

F. Hilario Maria IL. Montealegre)        66 S        Bogota (Colombie)                        5 »   »

F. Amandinus (E. Auffretl                     84 S        Campinas (Brésil)                          9 »   »

F. Sabas Alvaro (A. Macho)                51 S        S. Salvador (El Salvador)              16 » »

F. Fulgencio (V. Martinez)                   88 S        Avellanas (Espagne)                     19 » »

F. Fidelis (Cl. Cinquin)                         83 S        Lyon (France)                                 1 janv. 1966

F. Julio Benjamin (J. Corral)                64 S        Sigüenza (Espagne)                      3 »   »

F. Brice (H. Docherty)                          55 S        Glasgow (Ecosse)                         17 » »

F. Lazarus (L. Barlet)                            83 S        St-Paul-3-Châteaux (France)        23 » »

F. Mary Vincent (M. Reynolds)            83 S        Glasgow (Ecosse)                         2 fév. »

F. Joseph Nathaniel (J. Daigle)          60 S        N. Y. (Etats Unis)                            3 »   »         

F. Louis Alexis (J.-B. Chalier)             87 P        St-Genis-Laval (France)                8 »   »

F. Ange] Manuel (A. Gutiérrez)            32 P        Alicante (Espagne)                        8 »   »

F. Florian (H. Arnal)                              83 S        Hibberdene (Afrique du Sud)         9 »   »

F. Gervasi (J. Robitaille)                      80 S        Château Bicher (Canada)             10 » »

F. Emilio Alf                                           27 T        Viamão (Brésil)                              14 » »

F. Ignaeio Hoss                                     22 T        Viamào (Brésil)                              14 » »

F. Arcangelo (Agostino Anfossi)         76 S        México (Mexique)                           15 »  »

F. Buenaventura José (J. Ruiz)           81 S        Cali (Colombie)                              26 » »

F. Hermenegild (G. Schweda)            58 S        Mindelheim (Allemagne)               27 » »

F. Donato Vicente (V. Diez)                64 S        León (Espagne)                             28 » »

F. Joseph Eleuthère (J. Labbé)          80 P        Beauceville (Canada)                    9 mars »

F. Basilée (J.-B. Rech)                         80 P        St-Genis-Laval (France)                16 » »

F. John William (J. Reu)                       27 P        Roselle (Etats Unis)                       27 » »

F. Paul François (J. Moulu)                  77 S        Varennes-s-Allier France)             27 » »

F. Dario Agostino (B. Castagnetti)     43 S        Rome (Italie)                                   2 avril »

 

       Soit 7.037 depuis le commencement de l'Institut.

 

La présente Circulaire sera lue en communauté à l'heure de la lecture spirituelle.

Recevez, mes bien chers Frères, la nouvelle assurance du religieux attachement avec lequel je suis, en J. M. J.

Votre très humble et tout dévoué serviteur.

                           F. CHARLES RAPHAËL, Supérieur Général.

————————————————


[1]: Traduction parue dans l'Osservatore Romano (Edition en langue française) du 12.11.1965. Cf. aussi Documentation catholique N. 1458 du 7-11-1965 avec, en plus, le rapport de présentation de Mgr DAEM et les Notes complémentaires.

 

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