Circulaires 379

Basilio Rueda

1971-05-12

Conférence générale.

379

V.J.M.J.

 Rome, 1ierjuillet 1971 

La Conférence Générale 

AUDIENCE DU SAINT PERE

le 12 mai 1971

 Nous Nous tournons maintenant vers les représentants de l'Institut des Frères Maristes des Ecoles, réunis pour une importante « Conférence Générale ». Nous savons, chers Fils, votre place importante dans l'Eglise, comme religieux, et la tâche éducative que vous assumez en vos multiples écoles, comme auprès de vos anciens élèves. Profitez de cette rencontre fraternelle pour de féconds échanges, resserrez la communion qui vous unit. Sachez faire œuvre de discernement aussi, en puisant, dans l'Evangile et dans la fidélité à la vocation de votre Institut, la lumière et la force nécessaires pour guider les jeunes vers la mission humaine et chrétienne qui les attend. Le Concile a tracé en ce domaine des voies qui n'ont pas été encore suffisamment exploitées et qui demeurent les plus sûrs garants de votre apostolat d'Eglise.

A vous, à tous ceux qui vous sont confiés, Nous donnons de grand cœur notre paternelle Bénédiction Apostolique. 

AVANT-PROPOS 

« Aider l'aurore à naître ». Le Père Champagnat n'était pas poète, et il ne se serait pas exprime de cette façon ; mais il aurait certainement applaudi à l'idée par laquelle le Révérend Frère Supérieur Général a procédé au lancement de cette Conférence des Provinciaux de mai 1971, et a donne à la Congrégation un élan pour les années à venir.

Peut-être ceux qui n'en étaient pas membres, ont-ils vu la Conférence sous un angle différent. mais pour ceux qui ont participé aux discussions et entendu les exposés, elle a été marquée par des points bien caractéristiques.

D'abord, une ambiance d'enthousiasme. Ceux qui étaient venus ne l'avaient pas fait pour «s'asseoir à terre et raconter des histoires tristes ». Ils regardaient les faits, c'est vrai ;  et certains faits n'étaient pas encourageants. Mais il y en avait d'autres qui obligeaient à l'action de grâces, envers Dieu et Marie, Ressource Ordinaire.

Chacun a compris le besoin permanent de changement dans le sens de l'adaptation et du renouveau que demandent le Concile et le Chapitre Général ; chacun a bien senti que l'effort fait était insuffisant à cet égard, et il est reparti avec un enthousiasme renouvelé.

Dès le début, on a eu le sentiment d'une communauté. On a compris, mais pas comme une théorie, que la maison généralice appartenait à toute la congrégation, et très vite chacun s'est senti chez soi. L'esprit de famille est devenu réalité, parce que l'on a vécu l'article 6 des Constitutions dans l'oubli de soi, l'ouverture aux autres, le soutien réciproque et la joie.

Il y avait aussi une communion dans la prière, bien aidée par des chants et des textes qui pouvaient servir de modèle sur un point, où certains trouvent la créativité difficile. La messe était vraiment le centre de la journée, avec une liturgie toujours en rapport avec le thème discuté. A la fin, une méditation d'une heure devant le Saint Sacrement devait donner à tous l'occasion de formuler leurs résolutions personnelles pour faire tisser de la discussion à la réalisation concrète.

Une audience du Saint Père nous a rappelé à tous notre caractère ecclésial et la forte dévotion au pape de notre bienheureux Fondateur.

Les quinze jours sont passés vite. Il n'y a pas eu de propositions votées, mais tout laisse croire que les Provinciaux sont partis avec le désir d'agir. Ils ont compris que le nouveau modèle de vie mariste dessiné par le Chapitre Général fait davantage appel à l'influence auprès des personnes qu'à l'application de décrets ; et que ces personnes,

elles existent dans les 8.500 Frères à travers le monde, qui, chacun, doivent apporter leur contribution au charisme reçu du Fondateur.

Que Marie, Etoile du Matin, vigilante à annoncer l'aurore de notre rédemption, soit avec nous, maintenant qu'avec confiance et humilité nous entreprenons « d'aider l'aurore à naître », une fois encore.

  Frère Quentin Duffy, f.m.s.

Vicaire Général

———————————————— 

LES JOURNEES PRELIMINAIRES

A LA CONFERENCE GENERALE

 Presque tous les participants sont venus pour les 3 jours qui servaient d'introduction à la Conférence. Il s'agissait d'une initiation à l'animation de groupes dirigée par le P. Arvesu, S.J. aidé de 3 de ses collègues.

On avait choisi comme pistes de discussion les 3 sujets suivants ;  Sécularisation et vie religieuse ;  Autorité et subsidiarité ; Engagement temporel.

Ce troisième sujet (qui n'a pas été spécifiquement traité ensuite par la Conférence) a surtout amené des orientations dans le sens du travail auprès des pauvres, de la conscientisation des familles riches pour réaliser des projets d'action sociale, d'une utilisation des locaux scolaires, plus totalement en vue de l'éducation des pauvres, etc. …

On constate que les documents capitulaires dans ce sens ne sont pas assez connus, que parfois des Frères ne sont d'accord que théoriquement à aller aux pauvres ; mais enfin, si hélas, il n'y a pas eu assez de reconversions de collèges au profit de la classe pauvre, on peut dire que les nouvelles fondations sont allées à cette classe.

Ailleurs, on se plaint d'une formation des Frères trop académique et pas assez industrielle ou agricole, qui permettrait mieux d'aller aux vrais pauvres.

C'est spécialement vrai pour le Tiers-Monde où les « marginaux » sont de plus en plus nombreux.

Il ne faut cependant pas oublier que le Christ n'a guère fait de distinction de classes ; le P. Champagnat non plus. Ils sont allés à tous, mais justement dans les écoles du P. Champagnat toute la population scolaire de l'endroit est accueillie, pas seulement la classe moyenne.

Il faut aussi prévoir parfois une aide indirecte aux plus pauvres. Un Frère autochtone, directeur de collège, qui sent la vocation d'aller vivre avec les vrais pauvres, dont il connaît bien la langue et les usages, le pourrait parfois si une Province étrangère donnait un remplaçant, plus facile à trouver chez elle, pour le travail au collège. Il y aurait là un double effort missionnaire.

Certains attendaient peut-être trop de ces 3 journées. Elles ont cependant été très utiles, en ce sens qu'on a pris l'habitude de traiter des sujets même délicats, sans trop craindre de se heurter, sans vouloir arriver non plus à des trouvailles extraordinaires. Il s'en est dégagé un vrai climat d'échange, chacun ayant bien compris qu'il devait être à l'écoute de l'autre, quitte à rectifier les points de vue de l'autre s'ils lui paraissaient erronés.

Certains ont même regretté que l'on n'ait pas davantage utilisé la méthode de ces 3 journées, qui consistait à centrer la discussion sur une phrase-question proposée au début de la journée, au lieu de mener la discussion à partir d'un texte de conférence qui faisait gagner en étendue, mais n'amenait pas à creuser assez en profondeur.  

M E D I T A T I O N 

à haute voix

d'un Supérieur Général

à ses Frères Provinciaux. 

Bien chers Frères Provinciaux,

 Le Conseil Général a voulu me confier deux interventions importantes à l'ouverture et à la clôture de cette Conférence Générale. Aujourd'hui, j'essaierai de vous dire ce que je pense actuellement de l'Institut. Je ferai un effort dans le mot de clôture pour exprimer les orientations qui se dégagent de la Conférence plutôt que mes opinions personnelles. 

I – MUTATION;  

Toute conférence doit avoir un objectif ;  c'est un acte de co-responsabilité qui porte en lui-même sa raison d'être suffisante. En effet, pour réunir 52 Provinciaux et Visiteurs qui viennent des 5 parties du monde, faire une dépense élevée de temps et en argent, il ne suffit pas d'une simple décision du Chapitre Général (la conscience chrétienne est plus exigeante que le droit positif, si important soit-il) ; il est nécessaire, en plus, que les motifs soient proportionnés à l'effort et au prix que cela demande à l'Institut. Pour que cette rencontre ne reste pas au niveau des « bonnes intentions », il faut qu'elle profite à tout l'Institut. C'est seulement à cette condition qu'on peut la justifier.

A cette raison, valable pour toute Conférence Générale, il faut en ajouter une autre plus importante encore ;  le moment historique particulier que traverse actuellement la vie religieuse. Beaucoup, voyant l'ampleur de la crise actuelle situent le phénomène dans le cadre de la mise en question générale du monde religieux d'aujourd'hui, qu'un sociologue a appelé « liquéfaction structurelle ». Cette assertion si grave, et qui répond peut-être à la réalité dans certains secteurs ou certains Instituts, n'est pas, cependant à mon avis, ce qui caractérise actuellement la situation de la vie religieuse dans son ensemble. 

La vie religieuse de notre époque se définit mieux par les mots ;  mission et enfantement.

 1. Cette mission est reçue du Saint-Esprit qui agit sans cesse dans l'Eglise, mais se manifeste d'une manière plus particulière et plus intense dans les temps que nous pouvons appeler « pentecostaux ». Le Concile en a été une manifestation privilégiée. Comme religieux, nous avons reçu alors le mandat de rénover la vie religieuse. Ce n'est pas une option libre, mais une obligation, une tâche à laquelle nous ne pouvons nous dérober. Elle ne sera pas faite simplement en proclamant des principes fondamentaux dans une méditation collective de 160 délégués, ou dans des « Documents capitulaires» , si excellents soient-ils. On nous demande beaucoup plus ;  de réaliser dans chaque Institut ce que le Concile a ordonné, c'est à-dire ;  un changement de mentalité, une « métanoia» ou conversion institutionnelle.

2. Enfantement ;  ce mot, employé à certaines occasions par le Seigneur dans ses discours, et par saint Paul quand il parlait aux Eglises, est probablement le plus propre pour décrire l'état actuel de la vie religieuse, sa tâche et ses risques. Le Concile a donné un ordre aux Congrégations religieuses. Je ne sais pas si les Pères conciliaires et les rédacteurs du Chapitre VI de la Constitution dogmatique « Lumen Gentium » et du Décret « Perfectæ Caritatis » avaient prévu les conséquences ecclésiales de la révolution qu'ils allaient déclencher dans la vie religieuse. Aujourd'hui, peu après la clôture du Concile, on a pu affirmer catégoriquement ;  nous assistons à un changement si profond que la rapidité des événements dépasse la portée du mandat conciliaire. En faisant mienne cette affirmation, je ne prétends pas, bien sûr, émettre un jugement favorable ou défavorable sur ce fait ;  je me contente de le constater. Il ne suffit pas de dire ;  « ce devrait être ainsi », ni même ;  « c'est ainsi » ; je crois qu'il faut aller encore plus loin et affirmer ;  « non seulement, c'est ainsi, mais il ne peut en être autrement aujourd'hui ». Maintenant, libre à chacun de penser que ce qui arrive est un mal, mais inévitable et dont il faut tirer le meilleur parti, ou bien un phénomène positif et désirable, mais qui charrie aussi des impuretés.

Toujours est-il que nous assistons à une transformation de la vie religieuse, non dans l'essentiel, mais dans l'accidentel ; non dans son aspect évangélique mais dans son aspect culturel. Nous assistons à un dépouillement de ses formes précédentes et à sa « formulation » nouvelle.

C'est pour cela qu'il m'a semblé que l'expression « mission » était incomplète et qu'elle devait être complétée par celle d'enfantement. Cette notion fait référence au dynamisme des charismes institutionnalisés et à la fécondité interne de la vie religieuse. Je la trouve très expressive, surtout parce qu'elle nous présente un dilemme ;  quand une femme est en train d'enfanter, ou bien elle donne le jour à un enfant, ou bien elle meurt. Et la vie religieuse aujourd'hui, je crois, ou bien engendre sa forme nouvelle, ou bien elle meurt.

Ce ne serait pas une incohérence d'appliquer ici à la vie religieuse ce que disait, il n'y a pas longtemps, un évêque à un groupe de catholiques conservateurs ;  « Vous connaissez peu le processus historique. Nous n'avons pas le choix entre le changement et le non-changement, mais plutôt entre un changement à signification chrétienne et un changement à signification non-chrétienne. Vous êtes dans l'erreur parce que vous ne voulez pas changer. C'est cela qui n'est pas chrétien ! ».

Dans la vie religieuse, le problème se pose de la manière suivante ;  nous, Supérieurs, ou bien nous savons nous servir de notre situation et de nos fonctions pour que le changement se fasse dans la plus pure fidélité à l'Evangile et au Fondateur, ou bien nous acceptons le risque que le changement, aujourd'hui inévitable, trouve une route qui nous écarte de l'Evangile et du Fondateur. Dans ce dernier cas, c'est la mort en peu de temps, car la vie religieuse, ou bien on la vit comme une incarnation de l'Evangile, ou bien elle meurt.

Je crois que dans le monde d'aujourd'hui, l'apostolat offre de multiples options aux jeunes qui désirent embrasser la vie consacrée. A ces jeunes, dans le cœur desquels s'est allumée une lumière qui leur montre la radicalité du Royaume, un Institut religieux doit offrir le moyen de vivre vraiment ce que l'Esprit-Saint leur a révélé.

Un regard rétrospectif sur le Chapitre Général nous montre ce que nous avons fait et comment nous l'avons fait. Ce que nous avons fait ;  nous l'avons bien fait, même très bien. Je reviendrai sur ce point dans la 2ième partie de ma conférence.

En regardant comment nous l'avons fait, je crois que, face à un Chapitre Général qui nous appelle à un changement d'une importance plus ou moins considérable, les Frères se situent à un point X sur une échelle qui va depuis la résistance et la précaution, jusqu'à la conviction profonde qu'il faut changer, même avec hardiesse[1]. Il me semble que ma position au moment du Chapitre, fut « moyenne », dominée plutôt par la précaution. Je dois dire aujourd'hui que chaque jour je vois avec plus de clarté de quelle manière le changement s'impose, mais un changement qui donne une réponse dynamique à l'Evangile, au charisme et à l'histoire, et je pressens que nous n'attirerons jamais plus la jeunesse avec des attitudes conservatrices et des formules de préservation. Je sens grandir en moi, avec une force irrésistible et spontanée, la décision d'appuyer, dans les limites de mon autorité et dans le cadre de la collégialité et de la subsidiarité, la mise en oeuvre loyale, le développement et la réalisation de la forme post-conciliaire et post-capitulaire de la vie mariste.

J'attends que vous aussi, Frères Provinciaux, vous sachiez, dans les moments de prière, scruter l'Esprit pour saisir ses impulsions. Il est probable que Lui, en conjuguant nos attitudes, comme il le fit au Concile et au Chapitre, nous porte vers une complémentarité et une adaptation concertée, sur I rois principes au moins; 

– l'étude de notre Institut mariste, tel qu'il se présente aujourd'hui, au point de vue sociologique ;

– la manière d'accomplir la mission que le Concile et le Chapitre nous ont confiée ;

– et finalement, les aspirations de la jeunesse nouvelle.

Je veux conclure cette première partie de mon travail en répondant à une idée qui est sûrement dans l'esprit de quelques-uns ;  « Le Chapitre est passé ; par conséquent, le temps de la recherche et des options est également passé ».

Cela n'est vrai qu'à moitié ; il ne faut pas oublier ce qui suit; 

a) Le Chapitre a laissé la porte ouverte aux expériences (Annexe au Directoire, p. 110), et nos textes ne seront définitifs qu'à la fin de la période que nous pourrions appeler expérimentale et qui irait jusqu'en 1985, à moins d'indication contraire du Saint-Siège.

b) La période que pratiquement nous sommes en train de finir, c'est l'époque du « projet ». On a dessiné la vie mariste dans le bureau d'études du Concile et du Chapitre, mais il reste à faire toute la réalisation. Et il ne s'agit pas d'une tâche mécanique ; d'ailleurs on sait qu'une large place a été laissée à l'imagination et à la créativité.

Cette tâche, ou bien nous la remplirons avec une attitude « d'installés », de matérialistes, ou bien nous la ferons avec l'esprit évangélique et la générosité voulus, compte tenu de l'esprit des diverses Provinces et de leurs dirigeants, mais bien entendu, sans jamais perdre de vue le Chapitre et le Concile.

Mais alors, deux questions se posent ;  La nouvelle vie mariste doit-elle être conçue comme une conversion de vie ou comme une conversion des structures ? Le projet tracé par le Concile et par le Chapitre est-il un chemin ou un but ?

Je crois que ces deux questions sont très importantes quant à l'accentuation que détermine la réponse qu'on leur donne.

L'attitude juste se trouvera seulement dans l'intégration de « conversion de vie et structures », et de « chemin et but ». Mais la synthèse ne peut se faire avec des proportions égales ;  moitié-moitié. Il reste donc à donner une priorité.

Certains, aujourd'hui, pensent que l'appel du Concile doit se comprendre comme une invitation à la conversion intérieure, et à une profonde purification des cœurs, parallèle à l'approfondissement de l'amour des conseils évangéliques et de leur pratique, mais sans toucher aux structures, aux formes, etc. … Dans cette ligne d'interprétation, la vie communautaire externe, les options au plan des institutions, les champs d'apostolat, le système de gouvernement, les modes d'élection, de participation, etc. … peuvent continuer comme auparavant, sans avoir besoin d'être révisés ;  ce qui compte, c'est uniquement la conversion du cœur et les attitudes de vie.

D'autres, au contraire, donnent la préférence à la réforme des structures et pensent qu'il faut instaurer de nouvelles méthodes de formation, de nouvelles formes de vie communautaire, de gouvernement, d'insertion dans le monde et dans l'Eglise.

Les deux choses sont nécessaires et nous ne pouvons omettre ni l'une ni l'autre. Le premier aspect suppose une fidélité authentique. Le second exige discernement, car il ne s'agit pas de « brader » certaines valeurs au prix du kilog.

Il est évident qu'à considérer les valeurs, il faut donner la préférence à la conversion et à la reforme personnelle, et que tout changement des structures ne serait que pharisaïsme sans cela. Mais ou ne peut pas non plus laisser de côté les aspects pédagogiques et pastoraux de la conversion (« mystagogiques » pour employer un mot plus juste).

Aujourd'hui, la conversion des structures et la réforme des institutions s'imposent, parce que certaines ne sont pas évangéliques. Par ailleurs, les nouvelles générations désirent tellement des structures conformes à l'Evangile que ce sera pour beaucoup la condition d'accès à la conversion et à la réforme de vie. Les jeunes acceptent ce que le passé nous a laissé, mais seulement s'ils peuvent vérifier, par un examen sérieux, que cette tradition contient une réelle valeur humaine et évangélique. Vouloir soutenir à priori le passé, sans accepter de le réviser à la lumière de l'Evangile, c'est une attitude qui n'est plus en prise sur la psychologie des jeunes d'aujourd'hui.

Comme nous le constatons, une nouvelle méthodologie s'impose donc pour déceler les valeurs éternelles si fortement secouées par la crise de notre temps. Nous ne pouvons faire une telle recherche en remontant « avant la crise » (nous qui avons été les témoins de cette époque), mais à partir de la situation «après la crise ». Par conséquent, c'est seulement par ce qui est « de maintenant » et non pas ce qui était « de ce temps-là » que nous obtiendrons une réconciliation, non seulement de convenance, mais authentique et profonde avec le passé.

De fait, il y a des groupes de jeunes religieux, et de très jeunes, qui ont déjà, même au plan des structures une expérience, une maturité et une volonté de faire quelque chose de sérieux, que n'ont pas des hommes de 30 à 50 ans. Il en est des Instituts comme des sociétés ;  ils ne trouvent leur « maturité » qu'à travers une crise de croissance. Si l'on veut éviter cette crise, on arrête le processus normal d'évolution.

Il faut faire une remarque semblable pour le dilemme lettre et esprit exposé par saint Paul et avant lui par Jésus-Christ lui-même. Ce dilemme déjà classique dans toutes les religions a eu aussi une place au Concile et dans nos Documents capitulaires. La lettre est seulement un moyen de transmission de l'esprit. Par exemple, quand nous prenons le Chapitre comme itinéraire spirituel pour l'Institut, nous sommes dans une situation de cheminement vers l'infini. On nous donne le point de départ et la route, mais on ne nous donne pas le point final. Il faut vivre la doctrine, et, à cette lumière, interpréter la loi. Le Chapitre n'a pas essayé de tout prévoir ; ce faisant, ce n'est pas au chaos qu'il a ouvert la porte, mais à l'Esprit-Saint qui pourra nous pousser dans la voie que nous suivons, ou parfois nous conduire par des sentiers ignorés. L'important est que le souffle vienne de l'Esprit et que nous sachions le découvrir à temps.

Je me permets de revenir sur ce point, car le jour où la vie religieuse renoncera à vivre de l'Esprit-Saint pour se nourrir seulement d'un « texte qui se répète », elle aura renoncé, non seulement sa substance chrétienne qui est la voie vécue dans la sainte liberté des enfants de Dieu, mais aussi à son caractère propre à l'intérieur du Peuple de Dieu, c'est-à-dire à sa nature charismatique. Si nous concevons le Chapitre comme un point-limite, nous ferons du Directoire un simple vade-mecum de gouvernement et d'administration. Dans les Chapitres provinciaux, nous discuterons à satiété autour de la lettre ; au lieu d'être guidés par l'Esprit, nous le serons par le Droit. La Loi sans la Vérité qui l'engendre se transforme en légalisme, perd ses motivations et sa raison d'être, pour devenir elle-même la fin des institutions.

Je voudrais terminer cette première partie par quelques questions ; 

– Avons-nous la conscience claire d'être Supérieurs à l'époque d'un changement, peut-être sans précédent, mais voulu par l'Eglise et mû par l'Esprit-Saint ? Nous rendons-nous compte que c'est nous qui devons conduire l'Institut à un perfectionnement par la voie du changement ?

– Egalement, quel est le Supérieur dont les Provinces et l'Institut ont besoin en ce moment ? Un Supérieur en qui prédominent les fonctions d'administrateur, ou un Supérieur qui met le plus grand soin à discerner et à conduire les esprits ? 

II – PASSER DES TEXTES AUX REALISATIONS; 

 Nous allons donc à la recherche d'une forme nouvelle, déjà esquissée dans ses traits fondamentaux, mais dont l'expression concrète reste encore à découvrir.

« Voyageur, il n'y a pas de chemin,

C'est en marchant qu'on trace le chemin ».

Le Concile et le Chapitre ont préparé le fondement. Le Concile a demandé aux Instituts religieux une vie consacrée, réellement; 

– évangélique, et par conséquent chrétienne ;

– ecclésiale ;

– incarnée dans le. monde (en évitant la confusion que le mot « monde » peut contenir) ;

– charismatique.

De son côté, le Chapitre nous a tracé un magnifique programme de rénovation de la vie religieuse mariste. Nos Documents – qui nous ont été demandés par beaucoup de congrégations, féminines et surtout masculines, et qui nous ont valu des éloges chez nous et à l'extérieur – sont le digne fruit d'un Chapitre Général qui s'est consacré avec sérieux et harmonie à l'accomplissement de sa tâche post-conciliaire. Je dois confesser avec simplicité, qu'en relisant certains chapitres de ces livres, je me demande même comment nous avons réussi à écrire cela.

Nous devons donc reconnaître sans fausse humilité, que nous avons fait un grand pas au dernier Chapitre général, en ce qui concerne les Documents. On y voit clairement l'action de l'Esprit de grâce et de liberté (je ne dis pas d'amour, car on avait mis autant d'amour dans les documents précédents que dans les nouveaux). Mais cette fois, la grâce et la liberté ont prédominé sur les structures et le droit. Mes paroles peuvent peut-être en étonner plusieurs. Je vous assure que je les dis plein d'amour pour le passé, mais en même temps avec réalisme. C'est d'ailleurs le Concile qui nous a amenés à la révision de nos livres officiels.

Dans un instant, quand je parlerai des lignes principales du programme capitulaire, je serai plus explicite. Pour le moment, je me limite à deux idées; 

1. Le Chapitre, en suivant le Concile, nous a laissé plus que des Documents, il nous a donné un esprit, et nous serons fidèles au Concile et au Chapitre dans la mesure où chacun de nous restera ouvert à cet esprit ; mais le risque que nous courons, c'est de lire et d'étudier des textes capables de nous éclairer intérieurement avec un regard qui n'est pas pénétré de l'esprit qui est à leur origine. Esprit et textes ne s'opposent pas ; au contraire, l'esprit rend les textes intelligibles, et les textes sont l'expression de l'esprit, expression pas tout à fait adéquate mais authentique et réelle. Toutes proportions gardées, nous pourrions appliquer ici ce que disait Daniélou ;  « Il faut regretter un Esprit sans Jésus et il faut éviter un Jésus sans Esprit. En effet, l'Esprit-Saint est l'Esprit de Jésus, et Jésus est le chef-d'œuvre du Saint-Esprit. Jésus est compris progressivement par l'Eglise à partir du lieu de Jésus historique avec l'Esprit de lumière, présent dans la communauté chrétienne ».

2. Il ne faut pas confondre littérature et vie. La rénovation d'un Institut ne se réalise pas par la rédaction de magnifiques écrits ; elle se fait quand ceux-ci passent dans la vie, et dans la mesure où ils nous conforment à une « nouvelle réalité », à partir de l'ancienne. Les documents constituent vraiment un grand pas, parce qu'ils ont été le fruit d'une volonté collective de « devenir réels » qu'on s'était fixée comme programme ; mais il ne faut pas oublier que le groupe de capitulants, même s'il avait été élu, ne représentait que 0.5 % de la Congrégation. Même si la collaboration de la base avait été bonne dans la préparation et durant l'intersession du Chapitre, il restait encore une grande tâche de « mentalisation» et d'exécution à réaliser.

Je dirai donc que la tâche principale de cette Conférence est la suivante ;  faire une halte deux m s et demi après la conclusion du Chapitre pour réfléchir et examiner au niveau des Provinces quelles ont été les applications du Chapitre (c'est le premier pas à faire, selon le programme du Chapitre). Il faut voir aussi ce qu'on a fait au niveau de l'Institut.

A vrai dire, il est peut-être encore plus important de nous demander ; 

– Qu'est-ce qu'on n'a pas fait ?

– Pourquoi ne l'a-t-on pas fait ?

– Que faut-il pour que cela se fasse ?

Une évaluation des conséquences de ce qui a été fait et de ce qui n'a pas été fait s'avère absolument nécessaire. Une évaluation, parce qu'on connaît les choses de l'Esprit par les fruits de vie qu'elles produisent. Ce qu'on a déjà fait a coûté son prix et donné ses résultats. Ce qu'on n'a pas fait et peut-être ce qu'on a empêché de faire, a coûté aussi son prix.

Quelle relation y a-t-il entre le prix, l'action, l'omission et le résultat ? Les statistiques nous aident à faire une appréciation quantitative, mais la quantité n'est pas toujours d'accord avec la qualité.

Nous n'aimons d'ailleurs pas toujours examiner les chiffres, surtout quand nous ne savons pas les interpréter ;  les statistiques peuvent être une des formes modernes de mensonge, ou un moyen de pression pour faire prendre des options déterminées. Je crois, tout de même, que si un groupe de 70 personnes qui ont les plus grandes responsabilités dans l'Institut, n'était pas capable de méditer. ouvertement et sans blesser des susceptibilités, sur notre évolution quantitative (défunts, défections, distribution par âges, aspirants, pourcentage de persévérance entre les étapes de la formation, situation comparée avec celle d'autres congrégations, etc. …) non seulement il montrerait son inadaptation par rapport aux exigences de base nécessaires à un supérieur aujourd'hui, mais il laisserait un vide dans la tâche de cette Conférence et se rendrait ridicule en gardant le silence sur des sujets dont la plupart des Frères parlent aujourd'hui d'une manière toute naturelle. 

III – GRANDES LIGNES DU CHAPITRE GÉNÉRAL; 

 Quelles ont été les grandes lignes du Chapitre Général ?

– En premier lieu, au centre, une exigence de vie et une continuité de vie.

1. Le Chapitre, en face d'hésitations possibles (raison d'être et de survivre comme Institut, avenir de la vie religieuse, avenir des congrégations laïques consacrées à l'enseignement, etc. …) a répondu, avec une profonde conviction et une volonté inébranlable, que nous avons toutes raisons de continuer à vivre comme Institut. Je pense que, à la différence de ce qui s'est passé dans d'autres Instituts, il n'y a pas eu chez nous un vrai doute sur noire avenir, ni l'option entre« to be » et « not to ln ». Ce que nous avons affirmé était un programme de vie et non un acte de décès de l'Institut. Nous avons décidé de vivre et mieux encore, de continuer à être ce que nous étions. Sur ce point, personne n'a été tenté d'attaquer les sources, ni de mettre en doute l'identité institutionnelle. Le Fondateur, son esprit, le but qu'il nous a assigné, nos sources ;  tout l'ensemble a reçu une ratification solennelle et officielle de la part de l'assemblée et a été reconnu par la totalité des capitulants. Tout le monde, je pense, est bien d'accord.

Ainsi donc, le Chapitre n'a pas été une rupture, mais une continuité, sociologiquement parlant.

L'unité des opinions sur l'essentiel nous a permis de terminer le Chapitre avec une série de textes que d'autres congrégations n'ont même pas eu l'occasion ou la possibilité de rédiger dans leurs Chapitres généraux.

2. Mais, à côté de cette entente, il y avait aussi une ligne essentielle de notre Chapitre ;  la volonté d'assimiler la vision conciliaire de la vie religieuse et d'exprimer sous une forme nouvelle notre vie mariste. Cette expression nouvelle garde une fidélité absolue aux sources, incorpore les courants les plus modernes de la théologie de la vie religieuse, tout en restant insérée à l'intérieur de la vocation chrétienne et du Peuple de Dieu. Il ne s'agit donc pas d'une vie parallèle et extérieure à la vie chrétienne ;  engagement à vivre ensemble, jusqu'aux dernières conséquences et dans un dévouement total, pour le Royaume des cieux.

C'est pour cela que, dans les Constitutions et dans l'excellent document sur la « Consécration religieuse », la vocation mariste apparaît exprimée par les concepts classiques d'alliance, baptême, sacerdoce, royauté, mission prophétique, peuple de Dieu, signe, anticipation eschatologique, etc.

Dans cette unité vitale sont formulés les vœux qui apparaissent avec un aspect nouveau ;  non pas comme des moyens extérieurs à la charité, mais comme le fruit de celle-ci et comme les sources d'un nouveau dynamisme affectif et effectif de l'amour. Ils représentent une juste synthèse entre le mystérique, le psychologique et l'écologique ; ils sont tout pénétrés d'un esprit nouveau ;  l'aspect juridique et réglementé a disparu pour laisser la place à une plus grande responsabilité personnelle et communautaire, plus de place aussi à la dimension axiologique, théologique et mystérique des conseils évangéliques, plus d'importance également à l'action du Saint-Esprit.

Non seulement notre vie a pris une forme nouvelle, mais nous avons aussi réussi à faire face aux exigences de la pastorale d'ensemble dans l'Eglise et à insérer notre apostolat dans le monde d'aujourd'hui.

Nous avons aussi réussi à trouver une nouvelle manière de concevoir non seulement la charité fraternelle (sous cet aspect nous avions déjà un passé très riche), mais l'ensemble de la vie communautaire, les relations entre Supérieurs et Frères, la façon d'agir avec les laïcs, etc. …

3. Dans le système de gouvernement on a introduit, vous le savez, d'importants changements. Malgré toutes ces transformations, je pense que la différence entre ce qui existait et ce qui est en train de naître, repose non pas tant sur les structures, que sur l'esprit qui est en train de pénétrer lentement (j'insiste sur cet adverbe, non pour blesser, mais parce qu'il me semble que c'est ainsi) notre mentalité et notre manière de faire ;  un esprit qui, sans remettre en cause une vraie obéissance, tâche d'intégrer les principes de subsidiarité, de décentralisation, de co-responsabilité, de délégation, de participation, de dialogue, etc. …

Je m'attarde un peu sur ce point, car je pense que c'est ici que nous devons faire un grand pas; 

a) Accepter de commander selon les indications du système capitulaire, parce que les Frères sont conscients que leur Supérieur doit aussi obéir au Chapitre devant eux et commander de la manière qu'on lui a indiquée.

b) Ne pas tomber dans la démission de l'autorité, en oubliant le principe de subsidiarité qui comprend, entre autres fonctions, celle de la suppléance corrective.

Un bon dirigeant est celui qui s'efforce d'obtenir que ses sujets puissent prendre des opinions. non seulement en droit mais en fait, dans le plan le plus immédiat où se trouvent les exécutants de la décision, laquelle a été possible grâce à la liberté et à la responsabilité à ce niveau. Il faut former à la liberté et à la responsabilité, car il ne faut pas oublier que dans l'ordre chrétien et encore plus dans celui des vœux, les options dans l'Eglise ou dans les congrégations ne peuvent pas se déterminer simplement en fonction des niveaux auxquels appartient la décision, mais aussi et surtout en fonction du contenu même de l'option. Il ne s'agit pas simplement de déterminer à quel niveau correspond la décision, mais d'accomplir la volonté divine. C'est pour cela que l'autorité supérieure a l'obligation de rectifier une option mal posée par la base ; et inversement quand elle est mal posée par le Supérieur, ce sont les membres de la base qui ont l'obligation du dialogue, de l'action prophétique et même du recours.

Sommes-nous suffisamment préparés pour ce la ? Ou reste-t-il encore en nous beaucoup trop d'humain, d'éléments réfractaires à la grâce, qui empêchent l'obéissance et l'autorité de réaliser le mystère de communion avec la volonté du Père ?

L'action corrective dans l'exercice de la subsidiarité devrait entrer en fonction dès le moment où l'option ne s'accorde pas avec la volonté du Seigneur. Je ne parle pas des cas où cette option ne s'accorde pas avec la volonté propre, car par le vœu d'obéissance, tous, Supérieurs et Frères, nous avons renoncé à notre volonté propre pour accomplir la volonté du Père. Est-elle déjà morte en nous, mes Chers Frères Provinciaux, la volonté propre ? Dites-vous bien que les Frères peuvent immoler leur vie pour accomplir la volonté de Dieu, mais pas celle d'un Provincial (qui ne chercherait pas à commander selon le cœur de Dieu).

4. Si nous voyons qu'actuellement les genres et formes de vie changent, et que changent également l'âge et la psychologie des candidats à la vie religieuse, nous devons songer aussi à modifier la formation de nos aspirants. « Renovationis Causam » qui est un document pondéré et prudent, parle avec raison de la nécessité de ce changement. Le Chapitre Général a même prévu et tracé un plan de formation.

Les rapports entre éducateurs et sujets en formation ont changé profondément. Il faudrait se demander si la perte de vocations dans certaines maisons de formation n'a pas pour cause un des deux facteurs suivants ;  ou une façon de faire trop enfantine ou un laisser-aller spirituel et moral dans la direction.

Notre manière de concevoir la formation n'a pas, en effet, beaucoup changé et ceci est grave pour l'avenir, puisque la jeunesse, elle, a changé profondément. Le changement qu'on doit envisager dans les maisons de formation doit dépasser profondément celui des structures, des étapes et des nivéaux. Il s'agit de la méthode, des objectifs et de l'esprit. Ou les jeunes trouvent dans nos maisons de formation une formule nouvelle (qui n'est ni mollesse, ni condescendance, mais sérieux et exigence), et en même temps de nouvelle manière d'être ; et puis après, ils trouvent aussi des communautés et des Supérieurs accueillants, capables de les comprendre et de continuer à les former… ou bien nous perdons une bonne part, peut-être la meilleure, de cette jeunesse.

5. Au sujet de notre manière d'agir, il faut souligner deux choses de la plus grande importance; 

a) Tout en maintenant évidemment l'affirmation que l'école reste encore le lieu privilégié de notre activité apostolique, il faut aussi s'occuper d'autres champs d'apostolat qui, d'ailleurs sont efficaces pour réaliser une véritable action pastorale auprès des jeunes d'aujourd'hui.

b) L'appel du Chapitre en faveur des pauvres et des missions doit être entendu, car il s'accorde tout à fait avec les sentiments du Fondateur, et avec la volonté de l'Eglise d'être toute proche des plus pauvres. Il est intéressant de signaler, ici comment dans certains Instituts missionnaires l'impulsion missionnaire est en baisse, et cela précisément depuis le Concile ; alors que dans notre Institut qui n'a pas un charisme strictement missionnaire, le Chapitre a donné le signal d'un véritable réveil de l'esprit missionnaire, qui se réalise d'une manière à vrai dire un peu lente, mais est quand même bien perçu.

A ce propos, je vous transmets la réflexion très sensée d'un Frère ;  « Il n'y a pas de vocations pour des genres de vie qui ne disent rien à la jeunesse d'aujourd'hui ; mais pour d'autres genres de vie plus en accord avec la mentalité des jeunes, il y en a, et de très nombreuses ». Et ce Frère me donnait des preuves de son assertion ; même s'il faut la nuancer, je crois qu'elle a du vrai.

Oui, Chers Frères Provinciaux, je crois fermement à l'avenir de la vie religieuse et à celui de notre Institut. Aujourd'hui, je me sens franchement plus optimiste que lors du Chapitre Général. Même si je dois bien voir la réalité. Les défections atteignent, ces dernières années, un chiffre plus que considérable. Nous avons perdu 1538 Frères de vœux perpétuels durant les 10 dernières années ; 812 depuis le Concile, et 489 depuis le Chapitre, ce qui donne, respectivement les pourcentages suivants ;  17, 10 et 6 %. Par ailleurs, non seulement nous, mais toutes ou presque toutes les congrégations religieuses, traversent une période de pénurie de vocations, (phénomène universel que je crois provisoire). La grande erreur est donc de perdre les vocations possibles en indisposant nos jeunes en formation uniquement par myopie ;  nos intentions si bonnes soient-elles au point de vue subjectif, si elles sont objectivement discutables, peuvent très bien provoquer la mort par extinction.

Les progrès de la psychologie et les difficultés de notre temps demandent une sélection plus exigeante. Celle-ci est facilitée grâce aux techniques modernes qui permettent de connaître à fond les motivations et les qualités des candidats. Il faut en même temps assurer une meilleure formation, qui permette d'assumer avec une certaine maîtrise de soi, la responsabilité qu'exige la fidélité à la vocation dans ce monde sécularisé où nous travaillions et duquel ont disparu, presque subitement, une série de structures qu'on pourrait appeler de conservation ou de protection. Or, cette nécessité urgente de sélection et de formation, il ne faut pas la mettre sur le même plan que nos conceptions personnelles, si dignes de respect soient-elles. En effet, nous sommes dépendants de la culture d'une époque, et nous la portons avec nous, malgré nous. Les jeunes, eux, sont nés dans une ambiance et une époque différentes que nous sommes obligés de connaître, de comprendre et d'accepter en tout ce qu'elle a de positif. De notre part, ce serait injuste de priver l'Institut et l'Eglise d'authentiques vocations à la vie religieuse, tout simplement parce qu'elles ne s'ajustent pas avec notre manière de concevoir la vertu et la morale ou d'organiser les œuvres. En un mot, nous leur fermons les portes de l'Institut, en leur rendant très difficile la persévérance parmi nous, par notre attachement à une culture déterminée, et ceci à une époque dont la caractéristique est la mutation. Un seul critère peut être retenu comme ayant sur ce point une valeur universelle et permanente ;  telle vocation est-elle incompatible avec l'Evangile de Jésus-Christ, l'esprit du Fondateur, ses intentions fondamentales et nos traditions authentiques ?

Or, tant que le projet de vie religieuse et d'apostolat, n'a pas encore empoigné le candidat en re. cherche, il peut perdre sa vocation pour une des raisons suivantes ; 

– quand on le soumet à une épreuve au-dessus de ses forces, sans tenir compte que la maturité ne s'obtient que par un long cheminement et que son évolution passe par des moments de crise ;

– quand les formateurs ne sont pas capables d'assurer une bonne animation ;

– quand il y a un manque de savoir-faire dans le gouvernement et trop de défauts dans les relations humaines ;

– quand le Supérieur n'arrive pas à remplir sa tâche primordiale ;  s'occuper des Frères de sa communauté.

Ce serait paradoxal de trouver des Supérieurs qui auraient la conscience inquiète pour avoir perdu un chèque important, ou pour avoir payé deux fois la même facture, et qui resteraient tranquilles devant le départ de leurs religieux, sans se rendre compte que l'Institut perd ainsi ce qui constitue sa plus belle richesse, ses hommes, et fait d'ailleurs en même temps une perte économique considérable[2].

Permettez-moi de finir ce thème avec une double précision, car je ne voudrais pas qu'on m'interprète mal et que je finisse moi-même par ne plus me reconnaître.

a) Je crois que les centres d'éducation ont une grande importance dans la société et dans l'Eglise, et nous ne devons pas croire les yeux fermés qu'il est opportun que nos Frères les abandonnent. Dans la situation actuelle, les conséquences d'une série de fermetures doivent être pensées sérieusement par l'Episcopat, par le Peuple de Dieu en général, et par la société civile. Dans plusieurs pays, on est déjà revenu d'une ingénuité dont on paie maintenant les conséquences fatales ; et tout cela parce qu'on a agi sans prudence, même si les intentions étaient bonnes. Avec l'intelligence des choses que j'ai maintenant acquise, je suis résolument contre l'attitude de la table rase, non exempte de masochisme, de quelques journalistes et de certains « essayistes » de sociologie et d'éducation. On arrive d'ailleurs parfois à des inconséquences du genre que me citait une religieuse d'une importante congrégation ;  « On dirait que nous qui nous sommes voués à l'éducation de la jeunesse, nous devons avoir honte de l'avoir fait et demander pardon à nos frères d'avoir mis notre vie et notre dévouement au service de l'école catholique ». Jusqu'à plus ample informé, nous devons continuer à faire tout notre possible pour que nos Frères découvrent l'importance de l'école catholique, afin d'orienter la vie et le dévouement d'une bonne partie d'entre eux vers cette œuvre, avec une mystique renouvelée, pour créer les authentiques centres d'éducation que notre époque réclame.

b) Ce que je viens de dire n'exclut pas la convenance de nous ouvrir à d'autres champs d'apostolat, que nous considérerons sérieusement, non comme des propositions en l'air, mais comme des réalités où il faut s'engager d'une manière progressive.

Il y aurait grave erreur et vraie myopie, si, ayant des jeunes bien disposés à consacrer leur vie au Christ et à la jeunesse, nous les laissions partir peu à peu, pour maintenir à tout prix des structures, et n'étions pas capables de trouver à leur générosité un champ d'apostolat qui soit prioritaire du point de vue humain et chrétien, et conforme au charisme du Fondateur.

En ce cas, les autorités responsables dans les Provinces courent le double risque d'anéantir dans l’œuf des apostolats importants, et d'avoir à combler les vides par un apport disproportionné de personnel séculier, jusqu'à fermer l'école catholique par manque de Frères.

On ne peut fermer les portes, ni à l'Esprit-Saint, ni aux besoins du Peuple de Dieu. Commettre une telle faute, représente pour une Province, un drame en deux actes; 

– On reste intransigeant et on écarte les nouveaux champs d'apostolat.

– Faute de Frères qui assurent la relève, on perd la sève de la jeunesse mariste, la Province vieillit, finit par fermer ses œuvres et par disparaître comme Province. Cela bloque toute ouverture à tout apostolat et fait mourir même l'école catholique que l'on voulait sauver.

Le phénomène contraire n'est pas moins vrai d'ailleurs ;  la démagogie anti-scolaire, en détournant les vocations de ceux qui réunissent les qualités et le goût pour se consacrer à l'éducation de la jeunesse dans l'école catholique, tarit une abondante source de vocations religieuses et d'éducateurs chrétiens.

Vous m'excuserez d'avoir si longuement développé ce point. Je le considère d'une importance capitale, parce qu'on devine déjà la montée du futur, et qu'il recèle une possibilité de tensions douloureuses et d'éclatements si l'on ne sait pas agir avec sagesse et d'une manière efficace. Ici, plus qu'en toute autre chose, nous avons davantage besoin d'agir que de parler. 

6. Vie communautaire et vie de prière.

 a) A mon avis, pour la vie communautaire, le Chapitre a tracé des lignes magistrales, et nous a laissé sur ce sujet un document vraiment excellent.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, nous avons eu d'un côté, l'idée d'un vœu de communauté, suggérée par quelques théoriciens modernes de la vie religieuse, et qui n'a pas trouvé d'écho dans l'Assemblée ; d'un autre côté, l'image d'une vie de communauté renouvelée qui a été accueillie avec enthousiasme. Le Chapitre a écarté la vieille idée de la vie commune, conçue comme un règlement établi avec précision et observé fidèlement par une communauté ; et il a présenté la vie communautaire dans son sens mystérique et théologique profond, à savoir, comme l'exercice parfait et définitif du commandement du Seigneur et comme une réalisation de la prière de Jésus au Père ;  « Père, que l'amour avec lequel tu m'as aimé soit en eux, pour qu'ils soient un, comme Toi et Moi nous sommes Un, et que le monde connaisse que Tu m'as envoyé ».

b) La prière est un point auquel le Chapitre a imprimé une remarquable transformation, puisqu'elle exige de nous une plus grande responsabilité et une constante créativité communautaire.

L'aspect le plus caractéristique de cette nouvelle orientation est ce qu'on a appelé la prière théologale, qui nous fait sortir de la pratique rituelle des exercices en les convertissant en tremplin pour arriver à la familiarité avec Dieu.

La conscience d'un religieux ne peut être tranquille quand durant toute sa vie, il a fait ses exercices de piété d'une manière seulement mécanique. Par contre, il trouvera la paix quand il aura mené une vie de dialogue tout à fait filial avec Dieu, et sera arrivé à la contemplation, non d'un Dieu platonique, mais du Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de la réalité totale qui a pour centre Jésus, le Seigneur Ressuscité[3].

Il semble que le message capitulaire sur la rénovation de la prière contienne quatre motifs fondamentaux (« leitmotiv »).

Le contact quotidien et communautaire avec l'Eglise dans le mystère eucharistique et dans la prière du Corps mystique.

Le contact vivant avec la présence de Jésus dans la Parole révélée, par le moyen de la contemplation personnelle.

La vigilance spirituelle, qui, pour une plus grande authenticité, passe par les médiations humaines.

Le rythme, la périodicité et la créativité Rythme et périodicité pour établir, comme dit VoiIlaume, non une dichotomie entre prière et action mais un mouvement de diastole et systole, dans notre cœur et dans notre esprit. Créativité, car Jésus nous a enseigné que sa religion est une religion de vérité et de vie, et qu'il faut parler au Père en esprit et en vérité.

Si nous sommes convaincus que l'Esprit de Jésus souffle quand il veut et comme il veut, et que nous devons faire participer nos Frères à ce souffle, comme nous l'a si bien enseigné Jean XXIII, il est clair qu'on arrivera à une inter-activité spirituelle, grâce aux dons que le même Esprit accorde à chacun et que nous mettrons en commun au lieu de les garder dans le secret des consciences.

7. Une autre ligne très importante du Chapitre Général a été son attitude courageuse sur notre caractère marial. Le Document marial n'est pas seulement un travail de profondeur et de qualité mais il a été reçu avec enthousiasme par les Frères, après avoir été approuvé dans la salle capitulaire par une majorité impressionnante (presque l'unanimité).

Je crois utile de faire ici deux observations; 

a) Par ce que j'ai pu observer, le document est très loin d'avoir amené nos Frères a ressourcer leur spiritualité mariste dans les différentes Provinces. On est loin de sentir cette joie mariale qui brillait au Chapitre. On ne perçoit pas non plus une vraie rénovation de la catéchèse et de la spiritualité mariales.

b) Il est clair que le Concile et le Document marial, en axant le mystère de Marie, non pas tant sur ses prérogatives et ses apparitions, que sur; 

– sa maternité divine et spirituelle,

– sa vie comme pèlerinage et croissance dans la foi,

– sa place dans l'Eglise,

ont souligné dans la figure de Marie tout ce qui lui est essentiel. Les affirmations commodes qui raient nées de la seule dévotion et qu'on multipliait autrefois sur Marie, ne parlent plus aujourd'hui à beaucoup de personnes, non pas que celles-ci n'aiment pas la Vierge, mais parce que ces arguments manquaient de rigueur.

Alors, ou bien on entreprend une vraie formation sur le mystère de Marie, étudié sous un angle nouveau, ou bien le document restera longtemps encore sans être assimilé et sans donner le fruit qu'on attend, ajournant ainsi lamentablement une des plus chaleureuses et des plus enthousiastes contributions du Chapitre Général qui s'épanouit largement dans les Constitutions elles-mêmes.

Disons cependant que ce n'est pas là un problème exclusif de notre Congrégation, mais de l'Eglise en général. La mariologie qui, auparavant, jalonnait l'année liturgique de privilèges et d'apparitions de Notre-Dame, ne réservait, par exemple, à la maternité de Marie qu'une place secondaire parmi les fêtes mariales. Par ailleurs, la présentation de la foi constante et croissante de Marie, de son OUI progressif joint au OUI progressif de Jésus dans l'accomplissement de la volonté du Père, à travers, sa vie pascale partagée aussi par Marie, cela n'a pas encore été incorporé dans la liturgie.

Sans doute, la mariologie antérieure a joué un rôle très important et a fait un bien qu'on ne peut sous-estimer. Mais je doute qu'on puisse, en cette période post-conciliaire, harmoniser certaines formes de dévotion avec la nouvelle présentation du Concile. Il en est de ce domaine, comme de beaucoup d'autres, du dogme, de la Révélation, de la pastorale, de l'œcuménisme.

De nouveau s'impose ici un sain pluralisme. Nous n'avons pas le droit de troubler, et moins encore d'assécher la spiritualité mariale très délicate de nos Frères anciens, qui ont trouvé dans leur manière d'honorer Marie et tout ce qui se rapporte à elle, une source d'espérance et de vérité.

Mais ce qu'il ne faudrait pas, c'est de faire vivre à nos jeunes Frères une spiritualité mariale peu en accord avec les textes du Concile et qu'ils transmettraient ainsi à la jeunesse de nos écoles. Même les Frères plus âgés doivent comprendre qu'ils travailleraient en vain s'ils essayaient de transmettre une certaine dévotion mariale telle qu'ils mit pu la sentir ou la vivre, sans la rajeunir par la méditation de Lumen Gentium et de notre Document Marial. Il ne faut pas parler une langue que l'interlocuteur ne comprend pas, sous prétexte qu'on la comprend soi-même.

En regardant plus profondément les choses, on voit d'ailleurs que la nouvelle situation de crise et de transition suppose un pas en avant et non en arrière. Il en est de même dans tout le domaine de la prière, où il faut tendre à des formes moins sensibles et moins imaginatives et une foi plus dépouillée. C'est dire qu'il faut prendre le dogme comme assise inébranlable de la dévotion. Il ne serait pas exagéré de proposer comme idéal, la leçon peut-être définitive de la « Montée du Carmel» et du « Cantique spirituel » de saint Jean de la Croix. 

En synthétisant

 Je crois que les lignes de force du Chapitre Général ont été les suivantes; 

1. Amour et fidélité indiscutables à notre Fondateur, à l'inspiration et aux sources de l'Institut des Frères maristes.

2. Expression de notre consécration religieuse dans une vie évangélique courageuse, christocentrique et ecclésiale, marquée de l'empreinte du Concile, plongée au milieu du monde pour répondre d'une façon pastorale à ses besoins, sensibilisée aux valeurs et à la situation actuelle de ce monde.

3. Une nouvelle et magnifique présentation de notre vie communautaire.

4. Une formation renouvelée, en accord avec les nouvelles situations et la nouvelle génération.

5. Une vision plus complète du mystère de l'obéissance, et par conséquent de l'exercice de l'autorité, qui exige une série de modifications dans les relations humaines, de la part des responsables, de la communauté et des religieux.

6. Une nouvelle formulation des moyens et des champs d'apostolat pour mieux réaliser l'unique et invariable apostolat de l'Institut, qui consiste en une préoccupation constante pour donner une réponse adéquate, dans la situation concrète actuelle., là où nous pensons être plus efficaces pour réaliser notre mission.

7. Une mariologie renouvelée, vitalement axée sur deux pivots ;  revivre une solide spiritualité mariale, et intensifier l'influence de Marie dans le cœur des jeunes, avec le souci de seconder Marie dans sa mission de conduire les âmes à Jésus.

8. Finalement, l'expression de ce que nous sommes, à travers des textes propres à nous, élaborés chez nous, de nos propres mains, et qui, en un langage d'aujourd'hui, nous rendent plus transparent. le charisme du Fondateur. 

IV – PROBLEMATIQUE D'UNE REALISATION ET LUMIERE POUR L'ITINERAIRE A SUIVRE 

I. Problématique ;  

Je me rends compte, Chers Frères Provinciaux, en examinant tout ce panorama et la tâche à réaliser, que des problèmes se présentent que nous ne pouvons ignorer, ni éluder. Il serait impardonnable de s'aventurer joyeusement dans une tâche qui devrait déclencher des crises, des divisions, des défections (non inévitables), et détruire tous les bons résultats.

Il y a des Supérieurs qui se réfugient dans le conservatisme, parce qu'ils n'ont pas de base solide et qu'ils ont peur de prendre des décisions. Et cependant, il faut savoir décider, avec fermeté et courage, au moment opportun.

Il y en a d'autres qui sont conservateurs par solidarité mal comprise avec le passé, par affection immature à des valeurs secondaires et accidentelles de la tradition. C'est bien d'avoir de l'estime pour quelques-unes de ces valeurs, mais il ne faut pas s'y attacher d'une manière désordonnée, qui produit la peur et rejette tout changement nécessaire.

A côté de ces deux types de Supérieurs, il y en a un troisième qui veut le changement et le veut avec sincérité. Cette attitude n'est pas à confondre avec celle d'un quatrième type de Frère ;  l'idéaliste. Celui-ci a l'âme noble et son cœur vibre pour des idéaux et des systèmes qui le séduisent ; mais par manque d'expérience ou de responsabilité concrètes, il rêve souvent à des choses éthérées ou « hors d'orbite ». Il croit qu'on obtient un but sans employer les moyens, sans avoir besoin de suivre le processus normal et sans y mettre le prix.

Le Supérieur sage et le religieux adulte font leurs projets d'autre façon. Face à un but qu'ils entrevoient, ils commencent par considérer la convenance ou non-convenance de ce but[4].Une fois la convenance établie, ils cherchent les moyens de convertir la possibilité en réalité. La question de la convenance affronte alors un monde qui n'est pas celui des sociologues, la question de la possibilité, un terrain qui n'est pas celui des idéalistes.

Le problème de la possibilité est très varié; 

a) Certaines choses ne sont pas faisables pour des causes physiques ou morales.

b) Il y a une possibilité immorale, qui exige une rançon de trop grand prix en valeurs supérieures, personnelles ou institutionnelles ; un homme de morale saine la considère inacceptable.

c) Il y a une possibilité qui objectivement peut être réelle et bonne, mais est subjectivement variable, dépendante qu'elle est de la situation sociale d'une institution et de la créativité des responsables et des promoteurs du changement.

d) Enfin, il y a la possibilité tout à fait possible, (excusez !). Elle s'appuie sur la lucidité et le courage.

Or, on peut énoncer un principe ;  les responsables d'une Institution ont une obligation morale grave de créer, immédiatement ou progressivement selon la situation, les conditions de possibilité. Quand le Seigneur demande quelque chose, il faut lui ouvrir la porte et accomplir ce qu'il demande.

A – La grande difficulté, peut-être, qui est probablement source de beaucoup d'autres (nous les indiquerons plus loin) est celle que le Christ signalait ;  « Personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres » (Mc 2, 22). Quoique ces paroles du Seigneur se réfèrent dans leur sens strict à l'Ancienne et à la Nouvelle Loi, elles admettent aussi des sens accommodatices.

Cependant, on ne pourrait pas, sous ce prétexte, soutenir l'idée que les personnes moins jeunes soient incapables de recevoir le « vin nouveau » et que, par conséquent, tout ce qui doit se faire dans le champ de la rénovation doive être une œuvre exclusive des jeunes.

Une telle attitude, aussi injuste que fausse, inspirerait de l'irritation et ne laisserait pas de place au mystère de la charité et de l'unité des chrétiens. Par contre, l'expression peut signifier que des structures qui ont vieilli sont incompatibles avec le vin nouveau de la rénovation. Les personnes sont toujours dignes du plus grand amour et du plus grand respect ; il n'en est pas de même des structures, sauf si elles peuvent incarner des valeurs, non seulement difficiles à dépasser, mais franchement irremplaçables.

Il est évident que la structure n'est pas seulement structure. Il peut exister une relation entre la structure et la personne, et c'est pour cela qu'il peut exister un respect pour la structure, non à cause d'elle-même, mais de la personne qui la soutient et c'est charité (cf. 1 Cor. 3 et 9). Quant à la structure qui bloque la rénovation et le changement, elle n'est pas digne d'estime.

De tout ce que je viens de dire, on peut déduire ce qui suit; 

1. Il ne suffit pas de changer, il faut s'assurer aussi que le changement suit la direction que l'Esprit-Saint lui a imprimée.

2. Quand on a pour données ;  « structure-personne», il ne faut pas faire le changement de structure sans une préparation de l'une et de l'autre par une « metanoia ».

A l'intérieur de ces tensions, de cette « metanoia », il se joue parfois de vrais drames. Pour les éviter, l'éducation-au-changement de ceux qui sont attachés aux anciennes structures, et une éducation des jeunes pour ne pas défigurer ce changement ou le diriger inconsidérément, sans charité, et n'importe où, sont deux choses indispensables.

3. Enfin, une éducation pour connaître le rythme, les modalités et les étapes convenables au changement est également nécessaire.

B – Les difficultés dérivées ;  Parmi les difficultés plus importantes qui découlent du changement, je crois découvrir les suivantes; 

a) Le changement nous surprend à un moment de diminution quantitative. Les statistiques exposées sont assez éloquentes.

b) Nous nous trouvons de plus en plus entours d'exigences plus grandes. Certaines viennent de l'élévation de la culture et du progrès. Les Frères doivent faire face à une avalanche de pressions et d'exigences sociales, professionnelles et apostoliques. Aujourd'hui, ils rejettent toute forme de paternalisme, et même d'affection parfois[5] car ils craignent que cela puisse devenir une forme de domination sur eux. A leur tour, ils sont rejetés par certains groupes d'élèves peu perméables, peu intéressés à accueillir le message évangélique de la catéchèse. Cela touche une des fibres les plus sensibles de l'apôtre, car cela va à l'encontre de sa raison de vivre et de sa consécration. La catéchèse, par exemple, devient dans certains milieux un cauchemar non seulement pour les Frères, mais aussi pour les prêtres, qui ne sont pas assez préparés et capables. La tentation alors est grande d'une nouvelle orientation vers d'autres champs d'apostolat, non à cause d'une vraie vocation, mais surtout par fatigue et par anxiété (désir violent) pour trouver de nouveau la joie de communiquer aux autres ce que l'on sent être le fond de soi-même.

c) Multiples, variées et neuves sont les tâches qu'on nous demande. La disproportion entre « courage apostolique » et « urgences apostoliques » amène chaque jour un désajustement plus grand.

Ce désajustement se manifeste entre ; 

1. le travail réellement accepté et réalisé et

2. cet autre travail que réclament certaines tâches importantes, pour lequel on sent de l'attrait parce qu'on le considère très important.

En face de la monotonie de certaines tâches, on sent la fascination d'autres champs d'action apostolique dont on a découvert la valeur. Cela peut provoquer chez des religieux non mûrs, des réponses immédiates qui aboutissent à des situations successives d'instabilité pour les personnes et pour l'Institut par une tendance vers la dispersion des énergies.

d) Les exigences progressives de la spécialisation provoquent des difficultés nouvelles et des phénomènes nouveaux; 

– manque de préparation supérieure et, dans des cas concrets, manque de Frères pouvant acquérir cette préparation ;

– « déphasage » de certains devant l'évolution actuelle et les nouvelles méthodes ;  là où on réussissait hier, on échoue aujourd'hui ;

– besoin de titres académiques ; cela touche surtout les jeunes dont la formation exige aujourd'hui de longues années ;

– en plusieurs endroits, concurrence « impitoyable » (lutte pour trouver une place sur le marché du travail, ce qui provoque un sentiment d'insécurité dans la profession) ;

– recyclage imposé par les autorités compétentes, et fonctionnellement nécessaire ; mais en général (cf. N° 3) qu'il faut réaliser pendant des heures dérobées au repos nécessaire ;

– enfin, douloureuses défections de Frères qui se retirent juste après avoir obtenu les diplômes académiques. En eux, on avait investi de l'argent, du temps, des efforts, des sacrifices… ; ils étaient l'espérance de la Province. Les autres Frères, pour leur faciliter les études, avaient pris sur eux le travail qui leur revenait, dans un acte gratuit de charité. Avec la sortie des premiers, ils se rendent compte de l'inutilité de leur effort, et ils doivent poursuivre, surchargés de travail[6].

*

*     *

Si nous combinons ces 4 points, nous nous trouvons avec un résultat très positif, mais aussi avec un problème; 

a) Positif, ce fonds admirable de générosité et de disponibilité de beaucoup de Frères qui, littéralement, se tuent à la tâche. Ils réalisent ainsi, au prix de beaucoup d'heures de fatigue, un travail d'étude ou d'action apostolique et professionnelle (que d'autres n'ont pas accepté), dans un système d'appui mutuel organisé et institutionnalisé, si vous voulez, mais vécu et accepté. Il ne faut pas blâmer, ni traiter d'embourgeoisés, des hommes qui se son' exténués, donnant leur vie physiquement et psychologiquement, et dont la baisse du rythme de travail est plutôt due au poids des années et aux infirmités – même s'ils les cachent qu'à une position « d'installés » et à un manque de générosité. Je crois qu'au niveau des personnes, on pourrait nous accuser de manquer de créativité, mais on pourrait bien plus difficilement nous accuser, sans injustice, d'embourgeoisement.

b) Plus négatif ou problématique, le changement à faire. En grande partie conditionné par la vigueur, la qualité et la quantité d'énergie, ainsi que par la capacité de réflexion et de prospective ; il se fait hélas souvent en hâte, dans des Chapitres provinciaux de durée insuffisante, en prenant sur les petites vacances de la vie scolaire, et avec des hommes fatigués. Comment trouver la solution ?

N'allons-nous pas vers ce que prédisait un Frère ;  « la forme moderne de l'ascèse est le surmenage par l'agitation et le stress » ? Il est vrai que nous pouvons le sanctifier, à condition de ne pas en affaiblir les motivations, de ne pas laisser s'étioler la paix intérieure et la joie chrétienne. Cela peut même être un témoignage de valeur ; mais ce genre de vie constitue aussi un danger pour la personne. (« Il y a des régimes dans lesquels les âmes meurent avant les corps » ;  Mgr Huyghes) et pour l'Institut qui perd souplesse et volonté de changement[7].

5) En nous plaçant, non plus sur le plan professionnel, mais au point de vue institutionnel et religieux, nous devons reconnaître que beaucoup de Frères ne sont pas préparés pour le changement ; il faut les y préparer, mais sans brûler les étapes. on peut classer les Frères en deux catégories; 

a) Ceux à qui le changement est presque impossible, vu leur âge et leur mentalité. Le cas extrême serait une sorte d'artériosclérose spirituelle. Il est évident qu'il faut laisser vivre selon sa conscience celui qui en est atteint. Il faut être tolérant et accorder les circonstances atténuantes ;  c'est élémentaire. Mais pour que cette tolérance soit réelle, et non chimérique, il faut créer des espaces ou des lieux dotés d'une indépendance suffisante sans briser l'unité ; dans les cas moins radicaux, il faut accepter un certain pluralisme dans la communauté.

J'oserais même penser qu'une des souffrances les plus réelles du Supérieur est la critique de la part de ces Frères ; critique d'autant plus douloureuse qu'elle vient souvent d'hommes d'une vie admirable et évangélique, mais vécue à la manière de leur temps, hommes d'un amour à toute épreuve pour l'Institut, mais qui souffrent énormément parer qu'ils ne comprennent pas ce qui arrive. Selon eux, on marche vers le chaos, la dégénérescence ;  ce qu'ils ont construit s'écroule. Ils se trouvent don, dans une situation de martyre, d'autant plus, qu'en ces temps de tâtonnements, tout ce qu'on entreprend n'est pas forcément convenable, ni évangélique.

Soyons réalistes ;  le changement doit se faire en tenant compte de la présence de Frères de ce type. Une des raisons profondes de ce qui arrive en même temps qu'un manque de formation religieuse et spirituelle, c'est qu'on ne nous a pas formés à distinguer l'essentiel de l'accidentel. Certainement que l'accidentel petit être quelque fois important, en même temps qu'il est porteur symbolique de l'amour qui l'anime ; mais objectivement, tout n'est pas important, et tout n'a pas la même importance. L'amour placé auparavant dan telle manière de vivre, peut aujourd'hui informer d'autres manières de faire, sans que la cause de Dieu y perde.

Mais s'il est certain qu'il existe un groupe irréductible d'ennemis du changement, il n'est pas moins certain que ce groupe sera plus ou moins compact selon la manière de réaliser le change ment. Trois moyens favorisent la réduction de l'opposition au changement; 

– la « mentalisation » respectueuse et convenable ;

– la charité et le dialogue ouvert (qu'ils se sentent mieux aimés et mieux compris qu'avant)

– la gradation et la progression dans le changement, ce qui implique dosage et rythme. Tout cela est nécessaire, si nous ne voulons pas qu'à une époque où on proclame le respect de la personne humaine, on bouscule les personnes.

Quand un jeune nous quitte par manque d'adaptation, il a toute une vie devant lui pour l'aire de nouveaux choix ; mais quand il s'agit d'une personne d'âge avancé, le panorama est différent ; c'est très dur de refaire une vie vers les 50 ou 60 ans.

En ce qui concerne la rapidité ou la lenteur avec laquelle se réalise le changement, les jeunes ont donc une grande responsabilité, par leur manière d'exercer le prophétisme parmi une génération vieillissante. Le problème se présente comme très délicat, à un moment où les personnes d'un certain âge ont encore entre leurs mains le pouvoir délibératif d'une Province, parce qu'il peut se produire un « non » réitéré au changement, chacun de ces votes pouvant devenir un pas vers l'extinction de la Province.

Je comprends l'impatience et même la douleur des jeunes ; mais je leur dis que s'ils aiment vraiment l'Institut, et s'ils croient que l'Esprit-Saint fera éclore un nouveau printemps, ils sauront offrir avec générosité ce qui les contrarie, en holocauste au Père, en sachant que les autres souffrent aussi, pour la même cause, mais peut-être de l'autre côté de la barricade ; avec cette disposition, ils seront à même; 

– de se faire accepter (question d'authenticité et de tact) ;

– de faire croire en des temps nouveaux ;

– de ne pas travailler contre leur propre cause. Quand on est victime de l'opposition, il ne faut pas se mettre dans ses torts si l'on veut avoir gain de cause[8].

b) Une deuxième sorte de Frères est constituée par ceux qui n'ont jamais mûri, ni pris la responsabilité de maintenir en vigueur les grandes lignes d'une vie religieuse dans leur propre vie personnelle. Ils n'ont guère agi non plus sans l'appui de multiples structures et de la vigilance (même restreinte) de leurs Supérieurs. Pour un certain nombre d'entre eux, il est évident qu'ils ne pouvaient mieux faire que de trouver agréable le changement. C'est une leçon que nous laisse cette expérience. Il faut nous demander si nous n'avons pas créé des structures réglementées pour y mettre les hommes, et les faire vivre avec la sécurité qu'elles donnent, mais sans les former suffisamment aux responsabilités personnelles et à la fidélité, quelle que soit la situation.

6) La difficulté que je viens de nommer et sa relation avec les générations nouvelles, invite à souligner l'autre difficulté ;  celle de l'impatience, de l'imprudence et du manque d'honnêteté de quelques jeunes dans leur plaidoyer en faveur des changements. Ce n'est pas un reproche, mais une constante de la psychologie évolutive, parce que la patience dans l'action tenace, la prudence dans les options et la pureté dans les motivations sont des aloses qui exigent; 

– une force de volonté qui dure ;

– du réalisme envers les hommes, les sociétés, et les processus de l'évolution ;

– du détachement de soi-même et de la maturité dans l'amour.

Tout cela ordinairement ne vient qu'avec l'âge.

7) Des supérieurs sans préparation; 

Autre difficulté encore. Nous sommes, nous, des Supérieurs choisis pour conduire l'Institut vers cette rénovation qui s'impose, et vers cette réinvention de la forme mariste conciliaire et capitulaire que nous venons de décrire et que nous avons désignée par un mot ;  changement.

Nous ne pouvons pas être de simples administrateurs dans ces temps de mobilité. Nous ne pouvons pas éluder, ni même pallier le changement, tuais au contraire, c'est notre devoir de le mener jusqu'à la réussite dans la ligne évangélique et mariste.

Nous ne pouvons démissionner de notre autorité dans cette tâche tout à fait spéciale de notre fonction de Supérieur, qui prévaut sur les autres tâches (sans pourtant les annuler). Il est évident que nous sommes en face d'une découverte du Supériorat qui a des dimensions qu'on ne connaissait pas jusqu'à présent, et qui étaient même insoupçonnées.

Voici, encore une fois, la question qu'on se pose ;  « Sommes-nous vraiment préparés pour cette tâche si importante ? Ce serait une tentation très dangereuse que d'abandonner notre mission, au moins jusqu'à l'arrivée d'un remplaçant bien préparé. Là-dessus, je signale la nécessité de créer le plus tôt possible, des cours accélérés pour la préparation des Supérieurs en charge, et des cours spécialisés d'une durée plus longue, pour les futurs cadres.

Il faut être clairvoyants ;  si nous voulons que le changement ne prenne pas des chemins tortueux et n'aboutisse pas à des objectifs erronés, nous devons prendre nos responsabilités à deux mains (si l'on peut dire), et travailler pour obtenir que le changement voulu devienne réalité.

La difficulté dont je viens de parler a, dans les Supérieurs ici présents, un aspect spécial ;  supposons que vous tous, Frères Provinciaux, soyez capables de faire le changement et que vous vouliez le faire dans vos Provinces respectives, est-ce que vos conseillers vous apporteront le concours de leurs dispositions favorables et de leur préparation ? Et vos Directeurs ? Seront-ils tous vraiment capables d'incarner d'une façon progressive, le renouveau de la vie mariste dans leurs communautés et avec elles ?

8) Une difficulté qui n'est pas la moindre, consiste en ce que nous n'avons pas de nos jours le nombre nécessaire de formateurs de qualité pour éduquer aux nouvelles formes de vie consacrée (dans notre cadre de vie mariste) qu'on est en train de créer. Nous avons, à vrai dire, deux sortes de Frères qui doivent se réformer ;  ceux qui travaillent avec l'ancienne formule et donnent une formation pour un genre de vie qu'on ne vivra pas ; et ceux qui, étant eux-mêmes des victimes de l'idéalisme, multiplient de très beaux plans (sur le papier…) mais sans la science vécue de l'homme historique et de l'homme individualisé. L'expérience, comme l'observent ceux qui savent réfléchir, fait tomber pas mal de schémas en même temps qu'elle ouvre des routes auxquelles on n'avait jamais pensé.

Nous avons, certes aussi, des hommes d'une grande hauteur pour accomplir la tâche dans laquelle nous sommes engagés, mais, hélas, leur nombre est si réduit qu'il ne répond pas aux besoins d'aujourd'hui.

Comme je viens de le dire, il est urgent de préparer des formateurs. Quant à ceux qui sont actuellement en charge, il faut leur procurer des cours de recyclage. En tout cas, nous devons sélectionner les meilleurs pour l'avenir. Pas n'est besoin qu'ils éblouissent par l'originalité de leurs idées et par leurs qualités, car il y a des hommes d'apparence modeste qui donnent d'excellents résultats, tandis que d'autres qu'on dirait brillants ne donnent que des résultats médiocres.

En ce qui concerne les formules, nous sommes très loin d'en avoir trouvé une d'une garantie absolue pour pouvoir la généraliser. Ce sont plutôt des principes que nous avons, ainsi que des expériences particulières. La gamme de ces dernières permet de voir, avec une certaine probabilité quelles sont celles qui fonctionnent et celles qui ne fonctionnent, pas.

Le Frère Conseiller chargé de la formation et l'équipe qui a travaillé avec lui peuvent vous en informer en connaissance de cause, étant donné l'expérience qu'ils ont par leurs visites aux maisons de formation, et le travail de comparaison qu'ils ont pu faire des résultats.

9) Il faut aussi tenir compte de la difficulté assez nouvelle des vocations personnelles. Et je parle de quelque chose qui puisse offrir des garanties, ne pas être en désaccord avec le charisme du Fondateur ;  pour l'instant c'est exceptionnel chez nous. Ce n'est donc pas le moment de donner des critères sur ce point. Je me limite à vous dire que le problème existe, et j'ajoute ;  n'éteignons pas l'Esprit qui est né en eux, car, même s'ils restaient chez nous en obéissant au « non » que nous aurions dit (je suppose le cas d'un non définitif, pas celui d'un temps d'épreuve) nous aurions étouffé un charisme. Malgré cela, il faut éviter dans les Provinces, l'éparpillement dans une multiplicité de « projets personnels » qui n'ont rien à voir avec l'Esprit, et qui sont des options humaines ; cela mènerait vers l'anarchie et empêcherait toute planification.

10) Je ne saurais laisser de côté la difficulté des rapports avec la hiérarchie. Loin de moi d'ignorer le droit et le devoir qu'a le Saint-Siège d'exercer par ses organismes compétents, le discernement des charismes et leur développement dans leur dynamique historique. Je crois avoir assez parlé sur ce point dans la 5° partie de ma première circulaire[9]. Mais le discernement ne consiste pas, bien sûr, à réduire les choses à un ordre légal et juridique là où l'Eglise doit être la présence et le témoignage d'une vie de liberté dans l'Esprit et de fécondité évangélique, non pas en vertu d'une justice légale, mais d'une justice dynamique. Cela est arrivé à certaines époques de l'histoire et pour des secteurs de la vie religieuse. Il faut affirmer sans équivoque à la fois que l'Eglise a une fonction à l'égard de la vie des Instituts religieux, et que la vie religieuse a, par les voies de l'obéissance, l'obligation d'être fidèle à son prophétisme tout en étant aussi fidèle à sa nature, à son dynamisme et au souffle de l'Esprit[10].

Cette double relation entre l'obéissance et une autonomie sans équivoque peut se placer à deux niveaux différents ;  le Saint-Siège et les évêques.

Il ne s'agit pas ici de développer le contenu de ces deux niveaux, mais il est évident que dans une étape de changement, une divergence de points de vue peut bien se produire en n'importe quelle instance, malgré la bonne volonté des deux parties.

Il faut maintenir avec fermeté notre caractère particulier de religieux et de maristes, et répondre aux services qu'on nous demande tout en restant fidèles à notre manière d'être particulière.

11) Enfin, un dernier point, relativement nouveau, moins dans son existence que dans son contenu et sa force; 

Nos relations avec les autres congrégations religieuses.

Ce fait de solidarité et d'échange mutuel augmente de jour en jour. Dans certains endroits, sans doute c'est encore à peine l'esquisse d'une réunion de représentants désignés pour former la Commission permanente de la Conférence des religieux, mais en d'autres endroits, il y a un rythme et une portée notables. Le phénomène associatif existe au niveau mondial, dans l'Union des Supérieurs Généraux, et au niveau national, dans les Conférences nationales. Il existe aussi çà et là les Conférences régionales ou locales. La C.L.A.R. est un cas type, privilégié, qui réunit toutes les conférences de religieux de l'Amérique latine et qui coordonne de mieux en mieux ses activités avec celles de la Conférence des évêques de l'Amérique latine.

Il y a des pays où l'association réunit uniquement les Supérieurs ; en d'autres endroits, elle réunit aussi les délégués de la base, et je crois que parfois on accepte la présence ouverte de tous les religieux quelle que soit leur situation.

Il est nécessaire que les Frères Provinciaux assistent à ces conférences et montrent de cette manière leur solidarité et leur réelle collaboration avec les autres Instituts religieux. J'ai vu, avec regret, que dans certains pays, il y a une complète absence de la part des Frères Provinciaux ; cela provoque une irritation chez les religieux, qui voient leur supérieur et leur Province absents de la vie religieuse du pays et de la dynamique nationale. Elle s'aggrave si le Supérieur n'est pas natif du pays, car il perd une excellente occasion de mieux comprendre les hommes du pays, et un moyen de s'incarner dans le milieu et de pouvoir répondre à ses besoins concrets. Il existe néanmoins la contre-partie (c'est un danger que je signale) ;  les conférences de religieux doivent se fonder sur des relations d'entraide mutuelle et rien de plus. Par conséquent elles ne doivent d'aucune manière donner lieu à d'autres résultats soit par obligation légale (moyennant un arbitrage), soit par pression morale (en s'immisçant dans la marche interne d'un Institut) ; ou sinon on crée de nouveaux organismes de dépendance morale, qui réduisent la souplesse ou changent le caractère propre d'un Institut déterminé. Ce serait une anomalie que nous nous plaignions que le Saint-Siège « canalise » ou même « étouffe » les charismes, et que d'autre part nous soyons en train de créer des associations pour limiter notre liberté comme congrégation religieuse. Pour cela, il est nécessaire que tout en participant avec le plus grand enthousiasme aux Conférences des religieux, nous ayons soin que le mouvement associatif suive les voies du service, de l'entraide mutuelle et de l'amitié, et qu'il ne se convertisse pas en groupe de pression sur les Instituts. 

POINTS DE REPERE POUR LA RENOVATION[11].

 1. Former immédiatement des Supérieurs et, tout d'abord les Supérieurs en charge ; parmi ceux-ci les Supérieurs majeurs (Conseil Général et Provinciaux) et les Conseils Provinciaux.

2. Mettre à jour le personnel et les méthodes, et choisir convenablement les participants de nos centres supérieurs de formation. Plus que d'une mise à jour, il faut parler d'une montée de niveau.

3. Eduquer la responsabilité dans les expériences. On en a fait un certain nombre ;  mais on en a fait très peu avec l'éthique et les techniques d'une bonne expérimentation. Il est déjà temps de se cramponner à ce puissant instrument de rénovation et de l'employer ;  mais l'employer en laissant de côté la puérilité et l'impulsivité de ceux qui, en se trouvant soudainement avec la liberté entre les mains, se servent d'elle à tort et à travers sans accepter des limitations, ni des évaluations, ni une halte éventuelle en chemin. La liberté bien employée n'a pas de motif pour provoquer une crise, ni même des tensions interpersonnelles insurmontables.

4. Se questionner sur la finalité cherchée dans les expériences à réaliser ;  trouver des chemins peut-être insoupçonnés et supérieurs, qui nous portent à incarner le Concile et le Chapitre dans une expérience unitaire harmonieuse et suffisamment durable. Ou bien cherche-t-on une expérience dans le but d'exécuter des projets personnels qui flattent et soulagent des tensions émotives, fruit de l'insatisfaction ?

5. Ne pas sacraliser, ni « mythifier » le changement, comme on avait fait avec la tradition (comprise comme phénomène de répétition, car elle peut avoir valeur dynamique et créative dans le chemin de la liberté, et elle peut être un principe qui reste bon même dans ses conséquences). Le changement lui non plus n'est pas un progrès en soi ; il l'est seulement, quand il s'agit d'un changement positif, d'un changement sain !

Quelques Instituts se sont tellement métamorphosés et d'une manière si vertigineuse qu'ils se sont perdus en expériences. L'état où se trouvent en maints pays plusieurs familles religieuses, qui passent par ce moment critique, n'est pas précisément une démonstration de fécondité, ni d'amélioration.

6. Accepter sérieusement la nouvelle manière de commander et d'éduquer, dans une intégrale théologie de l'obéissance qui n'est pas un déclin vers le psychologisme, ni vers le sociologisme, mais un système à la fois réaliste et de grande profondeur surnaturelle. Ce système, insoutenable sans la foi et sans une forte volonté de dialogue de la part des Supérieurs et des subordonnés, exige sincérité, vie en présence de Dieu, et recherche de ce qui intéresse la volonté du Père.

7. Se rappeler, en définitive, que dans un Institut, comme dans le mystère du Christ, il y a l'Esprit, et que l'Esprit assume et sanctifie la chair. La chair vient du monde, du contexte socioculturel, de l'époque, etc. C'est en vain qu'on essaiera de détacher de l'Esprit la chair que celui-ci doit assumer ; en vain aussi qu'on prétendra l'immobiliser dans une fausse sacralisation. Il ne faut pas confondre ce qui vient de Dieu avec ce qui vient de l'homme. Ce qui n'est pas sacré ne doit pas être revêtu du sacré. Les générations actuelles risqueraient dans ce cas de rejeter et la chair et l'Esprit, et les critères pour définir quel type de chair n'est pas apte à être assumé par un esprit.

Cette question en soulève, à son tour, une autre ;  comment incarner aujourd'hui la vie religieuse, sans faire perdre à celle-ci son sens eschatologique, sa capacité de créer du mystère, son impact évangélique, dans un monde technique où la « démythification » et la désacralisation veulent s'installer ? Ceci amène à trouver; 

– un besoin renouvelé d'exister ;

– une forme renouvelée de présence ;

– les tâches que le Seigneur veut nous assigner dans ce monde pour lequel il a donné son Fils. 

 CONCLUSION

 Je termine en répétant ;  je sens une force qui naît en moi, sans moi, pour appuyer tout ce qui dans l'Institut naît et se développe dans le sens du changement et du renouveau que l'Esprit-Saint inspire. Je tiens à vous dire en même temps ceci; 

Mon désir d'appuyer ce qui est authentique, me portera à m'opposer à ce qui n'est pas authentique malgré la douleur que cela pourra causer à certains Frères, même si quelqu'un, qu'il soit en charge ou non, demande de se retirer de l'Institut. Cette nuance n'est pas en moi peur du changement ou conservatisme, mais souci d'aboutir à un changement qui n'avorte pas, et donne des fruits. Comme disait Yves Congar ;  « Il faut aider l'aurore à naître ».

F. B. RUEDA, fms

supérieur général

———————————————— 

Les conférences

Suite de la circulaire 1ierjuillet 1971. 

Les Conférences

PLURALISME DE LA VIE MARISTE

Faisant suite à la conférence d'introduction faite par le Frère Supérieur Général, sous forme de méditation à haute voix, en présence des Frères Provinciaux, la première présentation du pluralisme de la vie mariste aujourd'hui prenait, elle, la forme d'un examen de conscience complémentaire pour tous les présents.

Le Chapitre Général Spécial, d'accord avec le Concile, a donné à la Congrégation non pas tant une Règle détaillée, qu'une série de documents donnant aux Provinces le devoir et la responsabilité de voir elles-mêmes le détail à vivre localement pour rejoindre le charisme donné à tous par le Bx. Marcellin Champagnat.

Au lieu d'une loi uniforme, le Chapitre a donc fait appel à l'initiative responsable et à la créativité pour présenter à la jeunesse du monde une nouvelle image de la vie mariste. Tout en maintenant très respectueusement les sages traditions de prières et d'apostolat, le Chapitre a ouvert aussi de nouvelles possibilités en donnant des directives pour des expériences faites avec prudence.

Après si peu de temps, on ne pouvait faire qu'une évaluation provisoire au niveau de la Congrégation, mais les Frères Provinciaux ont été invités à approfondir cette évaluation dans leurs discussions. En particulier, on les invitait à examiner ce qu'ils avaient fait, eux, leurs Chapitres, et leurs Conseils, pour mettre en pratique ce que le Chapitre Général avait envisagé. Il n'était pas question de voir comment ils s'étaient conformés à un modèle préconçu, mais comment ils avaient exercé la liberté responsable que le Conseil Général et le Chapitre Général leur avaient donnée.

Ensuite, à l'assemble Plénière, ils étaient invités à partager leurs découvertes avec les autres, de sorte que le témoignage des uns donne confiance et courage aux autres.

Alors, comment expliquer l'hésitation que devait souligner le Frère Supérieur Général. Comme membres d'une Congrégation fondée par le Bx. Marcellin Champagnat, sous le patronage de Marie, nous ne devrions pas manquer de Foi et de Confiance, ni, par ailleurs, être téméraires ou imprudents.

Il reste à chaque Province à reprendre avec le zèle et l'enthousiasme du Père Champagnat la tâche de présenter la nouvelle image de l'Eglise qui pour nous sera toujours celle de Marie.

                                                                                          Frère QUENTIN DUFFY

                                                                                              Vicaire Général.

————————————-

 

SECULARISATION ET PRIERE

 Sécularisation a un sens positif: processus par lequel l'homme parvient peu à peu à une appréciation sérieuse de ce monde; et un sens négatif : lorsque cette « appréciation sérieuse » refuse la place aux réalités transcendantes.

La cause de la sécularisation est le progrès de la science qui prétend suffire à tous les besoins des hommes. Mais à cette nouvelle hérésie, il faut seulement répondre par des arguments adéquats, car l'analyse sécularisante est loin de tout expliquer: allons-nous vers le meilleur ou le pire des mondes (pollution, prolifération des armements, suicides des jeunes, etc. …) ?

La conséquence négative pour la vie religieuse  c'est que ce qui est seulement traditionnel est secoué.

La conséquence positive, c'est qu'on est obligé de trouver quel est l'essentiel de la vie religieuse. 

CAS DE LA VIE DE PRIÈRE

Moins tenus par un cadre, des Frères l'abandonnent en partie, ou presque totalement.

Il faut penser au Frère moyen qui n'est pas spécialement doué pour la prière, qui était fidèle, mais qui est désorienté par les arguments qu'il entend et n'a plus assez le soutien des bons exemples.

Il faut penser à l'étudiant (même en théologie) qui en arrive à un certain état de « mal croyance », se réfugie dans un certain fidéisme, et a besoin d'être soutenu avec énergie mais aussi compréhension.

Pour apporter ce soutien, il faut chercher avec sagesse la voie pour la prière d'aujourd'hui.

Le Père Champagnat a, en effet, pensé la vie de prière, non pour des spirituellement surdoués, mais pour le « tout venant ». Le problème est de devenir, grâce à une vie de prière intense, davantage homme-pour-Dieu et homme-pour-les-autres qu'avec une vie de prière commune. 

MEDITATION

Un ménage de journalistes, affiliés à l'Association Notre-Dame de Vie, réussit à s'imposer 2 heures de méditation quotidienne. Les auteurs spirituels sérieux considèrent que ½ heure est indispensable. Il faut cependant prévoir pour des périodes exceptionnelles de compenser par des rattrapages de week-end une vie de prière trop difficile à mener.

Une aide pour la méditation d'aujourd'hui est la méditation-échange. Un danger est l'horaire trop souple. Le Frère moyen n'arrive pas à s'imposer la demi-heure qui n'est pas fixée. Et sa nouvelle excuse c'est: « Je prie en faisant mon travail ». 

ETUDE RELIGIEUSE ET LECTURE SPIRITUELLE

Seulement pour la catéchèse, sans un minimum de 7 heures par semaine, que peut-on apporter, surtout dans la catéchèse aux grands élèves, en un temps où il faut être tellement à jour ? Et l'on trouve peut-être 15 heures pour regarder les images de la télévision.

Penser à recycler les Frères pour qu'ils retrouvent le goût de l'étude religieuse et de la catéchèse (que certains n'osent plus faire).

Mais la modalité de cette préparation rend souvent meilleur un horaire d'étude religieuse plus souple, et hors d'une salle commune.

La lecture spirituelle est surtout une seconde méditation ou une préparation de la méditation. 

MESSE

Même si elle n'est pas quotidienne chez les Premiers Chrétiens, elle l'est devenue assez tôt, et même dans les congrégations ou mouvements récents, qui ont une vraie vie apostolique, elle n'est pas contestée.

Le Père Champagnat la voulait animée, et cette conception, remarquable pour l'époque, va dans ce sens de la fête » que l'on souligne beaucoup aujourd'hui, même dans nos Constitutions (36. 1. 21).

Nos contemporains sont moins capables de prière personnelle et aiment prier ensemble. D'où nécessité d'une préparation de cette animation en particulier pour donner tout son rôle à la Table de la Parole.

Il faut aussi que la messe soit de plus en plus proche de la vie réelle, en particulier par la charité, comme dans la Primitive Eglise (partage avec les pauvres). 

OFFICE

Il peut être fusionné avec la messe, non pas pour gagner du temps – calcul odieux, bien que parfois réel – mais pour éviter des répétitions et faire les choses plus dignement.

Le manque d'une prière communautaire participée et belle (même chantée) est la privation d'une vraie source de communion et de joie. 

CHAPELET

Les nouvelles méthodes, évoquées plusieurs fois dans le Bulletin de l'Institut, permettent encore mieux au chapelet de devenir initiation à la méditation simple pour nous et nos élèves. 

DIVERS

Mais tous ces moments de prière sont pour conduire à la PRIÈRE, qui consiste à retomber en conversation de Dieu comme naturellement dès qu'il s'introduit un de ces moments vides de la vie moderne que sont l'attente au téléphone, la queue dans un magasin, la montée en ascenseur, etc. …

                                                                                          F. G. MICHEL

——————————————– 

 

GOUVERNEMENT: UNITE DANS L'AMOUR

 Un des problèmes les plus graves pour les congrégations religieuses est celui de l'exercice de l'autorité. Ce n'est pas que les congrégations manquent de gens aptes à gouverner, mais l'exercice de l'autorité est devenu plus complexe et plus délicat.

Pour un chrétien comme pour un religieux, l'obéissance est un comportement spirituel qui consiste à rechercher constamment la volonté de Dieu. (Faites ce qu'il vous dira. Jean 2, 5); donc à être à l'écoute et disponible. Cette recherche est toute d'humilité, de patience, de courage et d'amour. Obéir, c'est se mettre en harmonie avec les appels du Christ et l'obéissance dont il fait preuve lui-même.

Mais l'obéissance religieuse implique aussi un aspect hiérarchique, qui est toujours second (ne pas confondre avec secondaire), car les Supérieurs représentent le Christ… et relient à Dieu leur communauté » (Const. 81). Ils sont souvent les médiateurs de la volonté du Père et des appels du Christ.

Le rôle de l'autorité dans une communauté religieuse, a pour fin principale d'exprimer et de maintenir la fidélité de toute la communauté au charisme. Un responsable est celui qui a reçu le droit et le devoir d'aider chacun des membres de la communauté à devenir ou à demeurer objectivement fidèle à l'inspiration commune.

L'Evangile nous donne la clef de la conception chrétienne de l'autorité: un service d'amour. Le service essentiel de Jésus n'a pas été de gouverner, mais de donner sa vie pour les hommes. L'autorité est le don de soi, le sacrifice pour les autres; c'est un service d'humilité, possible seulement à ceux qui aiment, et orienté totalement vers l'édification de la communauté, qui trouve son unité dans la communion des personnes.

Sur quel principe se hase la rénovation de nos communautés ? Il faut chercher la réponse dans le Concile et le Chapitre. Si la règle suprême de la vie religieuse est de suivre le Christ, on peut en déduire ce que sera le fondement de notre vie communautaire, et l'exprimer ainsi: .Le Christ nous réunit en une famille religieuse, ce qui exige fondamentalement le respect de la dignité et des droits tant des personnes que des communautés; et ce n'est qu'ainsi que l'on peut vraiment être uni au Christ, car une vie pleinement humaine est condition d'une vie pleinement religieuse, à l'image de l'Homme-Dieu.

Dans un régime de participation et de subsidiarité, il faut, pour que tous les rôles fonctionnent bien à tous les niveaux, garantir le droit de chacun contre les empiètements des autres; et même, il faut mettre chacun et chaque communauté réellement à même de faire usage de ses droits et veiller à ce que chaque fonction soit bien remplie.

Une communauté qui coopère vit de la critique de tous ses membres: et cette critique positive est justement ce qui garantit son dynamisme et sa souplesse et ce qui la fait grandir. Pour que la critique soit efficace, il faut qu'elle soit institutionnalisée, par exemple, au moyen de la révision de vie. Une opposition » légitime et constructive est une condition de progrès, de réforme. Autant que possible, il faut résoudre les conflits de façon loyale et publique; chercher l'unanimité sans l'imposer.

La vie religieuse est une consécration à Dieu; elle doit donner de lui un témoignage visible devant le monde. Partant, « la vie religieuse ne doit pas seulement être justifiée par les services apostoliques rendus à l'Eglise (les laïcs peuvent en faire autant), mais il faut plutôt la comprendre comme la révélation à l'Eglise de sa propre nature et par là, témoigner devant le monde de l'aujourd'hui de Dieu » (Geffré).

Grâce à ce témoignage, en effet, l'Eglise devient signe efficace: elle est don de Dieu pour révéler au peuple de Dieu une dimension de son être: la communauté, signe sensible et valeur que reconnaissent volontiers nos contemporains.

Construire sur l'Evangile, la communauté religieuse ne connaît qu'un maître: le Christ. Reconnaître son autorité, à laquelle tout doit se soumettre, c'est se libérer de toute contamination. Dans ce cas, la communauté montre qu'elle a pris au sérieux la réalité que Jésus a appelée Royaume de Dieu: Dieu devient notre prochain en Jésus-Christ qui vit parmi nous et en nous (cf. Mt. 18.20).

Réunie par le charisme du Fondateur, la Communauté mariste reconnaît la Vierge Marie comme sa Ressource Ordinaire et Première Supérieure, particulièrement pour conduire le monde à Dieu.

L'obéissance, l'autorité, le gouvernement ne sont que des moyens en vue de mieux aimer. Ce sont des points d'appui de notre pouvoir d'aimer. C'est ainsi « comme en ,Marie, parfaite servante du Seigneur, que l'amour virginal sera essentiellement fécond et créateur ».

                                                                                          f. J. M. IRAGUI

—————————————–
 

EXIGENCES DE LA PAUVRETE RELIGIEUSE

 Lé religieux est celui qui marche en avant, mettant en Dieu toute son espérance. Il est essentiellement pèlerin et tout le terrestre est pour lui relatif.

Son projet est de ne pas avoir de projet. Sa vie est un continuel tout quitter » pour SERVIR, comme l'humble SERVANTE de Yahweh, disponible à Dieu et aux hommes.

La pauvreté ne peut vraiment faire mystère que si elle est volontaire et permanente. Il faut aussi qu'elle soit lisible.

Notre pauvreté nous permet de nous identifier aux pauvres que nous évangélisons en priorité; et elle nous dépouille des biens matériels pour leur en donner un peu plus. (Vends ce que tu as et donne-le aux pauvres).

L'Institut a été fondé pour la jeunesse nécessiteuse, et le Concile nous rappelle d'abandonner les œuvres qui ne correspondent plus aujourd'hui à l'Esprit de l'Institut et à sa nature véritable » (P. C. 20).

Le Père Champagnat a voulu être un témoin du risque inconditionnel, et s'exposer inconditionnellement à l'impact immédiat du moment et de la misère humaine de toute sorte. Donc, chercher à la lumière de notre « dépôt de l'esprit mariste » comment rejoindre cette attitude aujourd'hui.

« Une communauté ayant pour règle suprême la charité et se confiant à la puissance du Saint-Esprit, doit se présenter au inonde comme une société pauvre et impuissante, incapable de s'imposer par la force du pouvoir ou de l'ARGENT ». (Doc. Conc. Rel. 77).

Il est impossible d'avoir un style de vie riche et de penser comme un pauvre. Sinon, on est comme les étudiants d'une situation sociologique qu'ils ne vivent pas. D'où grande utilité de vivre dans des conditions précaires pour pénétrer le mystère du « il habita parmi nous ». Que l'on pense à la frugalité des premiers Frères.

La Caisse Commune peut constituer un témoignage radical (le pauvreté. Tout l'EXCEDENT est mis à la disposition des maisons plus pauvres, des fondations, des missions, etc. …

Le problème de la résidence est important: « L'on commence par se faire une maison et à la longue c'est la maison qui nous fait à sa manière ». Voir le drame des changements de chaque année.

La communauté pauvre s'oppose par son genre de vie à la civilisation des « gadgets »: véritable esclavage qui fait écouler vers des besoins totalement factices un argent qui est dû à ceux qui sont dans une condition sous-humaine permanente.

Le Christ trace une ligne de conduite en exerçant son apostolat surtout parmi les pauvres. Le

Père Champagnat nous crée pour un rôle de suppléance en faveur des plus défavorisés. Ceci doit amener des révisions qui peuvent être déchirantes pour ceux qui sont SURS que nos œuvres correspondent bien à la volonté du Fondateur.

On ne peut pas tout faire, mais ce n'est pas une raison d'inertie.

L'Eglise a 80% de ses services auprès de 20% de la communauté catholique, et elle n'a que 20% de ses effectifs dans lé reste de cette communauté, c'est-à-dire du monde sous-développé. D'où l'urgence d'aller aux pauvres et aux missions ».

Il faut revoir aussi le problème des propriétés qui ne doivent en tout cas pas être trop nombreuses, sous peine de nous faire rassembler à des trusts. Pour voir plus clair dans nos richesses, il serait bon aussi de séparer la comptabilité de la communauté et celle de l'œuvre.

Parmi les pauvretés à soulager, il faut penser aux vraies nécessités qui ne sont pas toutes d'argent: manque d'écoles professionnelles; agricoles; pour handicapés, etc. …

Quelques faits:

– Nos Frères de Nigéria travaillent très proches des victimes de la récente guerre: mutilés, orphelins, affamés, etc. …

– Le nombre d'écoles pour les pauvres a augmenté de 17 unités;

-Le nombre d'écoles pour la classe moyenne de 7 unités,

-Le nombre d'écoles pour la classe moyenne-supérieure de 3 unités.

Mais ceci, sur 857 maisons.

Quelques questions à se poser:

-L'œuvre de ma Province est-elle au service de la réalité sociale de la région où elle est située ?

-Combien de temps faudrait-il pour qu'elle le devienne et même qu'elle montre une

VRAIE PREDILECTION pour les PAUVRES.

                                    F. A. WIMER

———————————————— 

 

NOTRE ACTION APOSTOLIQUE 

La réalisation concrète de notre donation au Seigneur et l'accomplissement des intentions du Bx.. Fondateur impliquent pour chacun de nous,

« dans une action communautaire

le dévouement total aux diverses formes

de l'éducation chrétienne de la jeunesse

en particulier au service des moins favorisés ».

                                        (Const. N° 2).

La tâche apostolique de l'Institut est l'éducation chrétienne de la jeunesse avec une attention particulière pour les moins favorisés, par l'école catholique, comme moyen privilégié d'éducation intégrale suivant la pensée de l'Eglise et de notre Bx. Fondateur; par toute autre école, qui permet une éducation respectueuse de la personne;; par la catéchèse hors de l'école et d'autres formes d'apostolat adaptées aux besoins de l'époque. L'esprit marial est une des caractéristiques de notre apostolat.

Des réalisations intéressantes ont pris forme depuis le dernier Chapitre Général en divers secteurs de l'Institut. Il ne saurait être question ici de les énumérer toutes.

Nul doute qu'en plusieurs endroits on a fait place dans nos écoles à une plus grande ouverture envers les plus défavorisés. En plusieurs pays les Frères collaborent aux cours donnés aux adultes et aux travailleurs durant la soirée et plus souvent encore en mettant les locaux de classe à la disposition d'organisations locales pour les classes du soir. Ailleurs on s'occupe de colonies de vacances ou d'organisation des loisirs surtout pour les jeunes des faubourgs.

En maints endroits les Frères font beaucoup pour que les laïcs se sentent membres de l'équipe et un effort est fait pour établir la « communauté éducative » (maîtres, prêtres, parents, élèves).

Un mouvement très intéressant s'organise en plusieurs pays sous forme de camps de repos, de sessions de réflexion ou de stages d'étude de fin de semaine. Dans un milieu différent de l'école, élèves, éducateurs et parents parfois, se rencontrent pour échanger et développer des rapports plus personnels qu'à l'école. L'atmosphère permet aux étudiants de rencontrer leurs professeurs et leurs parents sans protocole, ce qui facilite beaucoup les échanges et les discussions et porte les jeunes à une prise de position et d'engagement plus réfléchie quant à leur formation et à celle de leurs camarades.

En plusieurs Provinces on a fait de grands efforts pour spécialiser des Frères en catéchèse par des études au pays ou hors du pays. Ces Frères à leur tour contribuent à mettre sur pied des cours de vacances, des séminaires ou des groupes d'animation de catéchèse pour leurs confrères et les laïcs, qui augurent d'heureux développements.

Deux points sur lesquels le Chapitre a attiré l'attention présentent quelques difficultés et sur cela nos efforts devraient redoubler: la vie de foi dans nos écoles et l'esprit marial.

Même si dans nos écoles nous ne connaissons plus les situations privilégiées de jadis et qu'en divers endroits le système scolaire complexe rend très difficile une ambiance favorable à la prière et à la réception des sacrements, notre titre d'éducateurs religieux doit stimuler notre créativité afin de chercher à développer la vie de foi d'une manière plus personnelle et plus réelle chez nos élèves, particulièrement chez nos grands étudiants.

L'esprit marial doit être une des caractéristiques de notre apostolat. Animés par notre Bx. Fondateur, en union à Marie, nous nous sommes mis à la suite du Christ et nous voulons entraîner nos élèves à la suite du Christ. Dans quelle mesure ce principe anime-t-il vraiment nos vies ? Quels efforts personnels et communautaires faisons-nous vraiment pour revivifier notre dévouement filial envers notre Mère et Ressource Ordinaire ?

Parmi les réalisations accomplies depuis notre dernier Chapitre, il convient de souligner les pages inoubliables écrites par nos Confrères du Nigéria et le dévouement qu'ils continuent à montrer en des conditions très difficiles pour l'éducation des enfants et des adultes et pour la réhabilitation des populations éprouvées par la guerre.

Un élan nouveau à été donné depuis le Chapitre. A chacun dans la mesure de ses forces et de ses capacités, de travailler à répandre l'enthousiasme, générateur de dévouement, dans le champ spécifique de notre apostolat pour la plus grande gloire de Dieu et l'honneur de Marie.

                            F. OLIVIER SENTENNE

———————————————-
 

 

NOTRE REPONSE MISSIONNAIRE

A L'APPEL DU CONCILE

A L'APPEL DU CHAPITRE

Le Concile nous a rappelé avec clarté et précision notre obligation de nous occuper des missions: Les Instituts de vie active qui poursuivent ou non une fin strictement missionnaire doivent se poser sincèrement devant Dieu la question de savoir … s'ils peuvent entreprendre une activité dans les missions, en adaptant, si c'est nécessaire, leurs constitutions, mais cependant selon l'esprit du fondateur; si leurs membres prennent part selon leurs forces à l'activité missionnaire; … (Ad Gentes, N° 40c).

Dans l'appel du Concile, il y a tout un programme et aussi ample matière à un examen sérieux comme Institut, comme Province et comme religieux. Il ne suffit pas, en effet, de nous convaincre de la convenance et de la nécessité de l'effort missionnaire; il faut passer de cette conviction aux actes. Le Chapitre Général, sous la vigoureuse impulsion du Révérend Frère, a voulu que cela se réalise tant au niveau individuel qu'au niveau institutionnel.

Qu'en est-il dans la réalité ? Ce qui suit n'est pas une exposition exhaustive des progrès réalisés mais une vue d'ensemble de la mise en marche de cette accentuation de l'élan missionnaire.

Globalement, on peut remarquer que, malgré les sorties et les décès qui font sentir leurs effets en pays missionnaires comme ailleurs, le nombre absolu de missionnaires, en quatre ans (1967-1971), a augmenté de 98 soit une augmentation de 11,6%.

Au point de vue financier, sans compter ce que versent directement les Provinces à leur propre mission (parfois ce sont des sommes considérables) et grâce aux efforts des Provinces pour aider le fonds missionnaire Champagnat et verser leur caisse commune et particulièrement par les bénéfices de Carmagnola, l'Administration Générale a pu distribuer aux divers secteurs missionnaires, surtout pour aider les maisons de formation, la somme de $ 400,000 usa. De même par l'intermédiaire des Provinces et grâce à la générosité des jeunes de leurs Collèges et de leurs Frères, l'Economat Général a pu faire parvenir à nos Frères du Nigéria, pour les trois années 1968-1970, la somme totale de $ 163,000 usa.

Comme réalisation individuelle, on peut signaler la réponse généreuse et enthousiaste d'une soixantaine de Frères qui ont répondu personnellement à l'appel du Frère Supérieur Général et se sont mis inconditionnellement à sa disposition pour répondre aux besoins les plus urgents. Toutes ces bonnes volontés, pour diverses raisons, n'ont pu voir leur désir réalisé; vingt d'entre eux ont rejoint présentement un champ d'apostolat missionnaire.

La plupart des Provinces, par leur plan missionnaire, indiquent dans quel sens et de quelle manière leur action missionnaire va se réaliser. Ces

plans missionnaires montrent la volonté de poursuivre les œuvres commencées et les orientations nouvelles qu'on désire prendre.. Plusieurs Province qui avaient déjà une mission ont accru leur effort en personnel et en moyens économiques et parfois d'une manière remarquable et avec, beaucoup de générosité. Certaines Provinces qui n'ont pas encore de secteur missionnaire ont aidé des missions en vue d'un établissement dans l'avenir. D'autres ont ouvert de nouveaux secteurs: au Paraguay, en Côte d'Ivoire, en Océanie, en Amazonie.

En plus de cet effort en pays missionnaire au sens le plus strict du mot, il convient de signaler le grand effort fait en Amérique latine par les Frères d'origine européenne. Au 1" janvier 1971 , 1065 Frères d'Europe, la majeure partie Espagnols, travaillaient en Amérique latine. Ces Frères animés d'un véritable esprit missionnaire ont quitté leur patrie et leur famille en vue d'un travail apostolique en un pays lointain. C'est bien ainsi que l'envisageait l'Institut qui les envoyait.

Faut-il être content de l'effort missionnaire fait ? Il faut répondre positivement. De très beaux efforts ont été faits; quelques Frères et certaines Provinces ont montré une grande générosité qui a per.. mis d'aller de l'avant pour maintenir les œuvres missionnaires, ouvrir de nouveaux champs apostoliques.

A-t-on fait suffisamment ? A chacun de répondre. Qu'est-ce que ma Province a fait ? Qu'est-ce qu'elle aurait pu faire ? Qu'est-ce qu'elle aurait dû faire. Sans doute faut-il gouverner avec prudence, c'est le devoir de tout Supérieur. Il est certain aussi que nous aurons toujours autour de nous plus de besoins à satisfaire que nous n'avons de ressources en hommes et en argent. Mais si nous attendons d'avoir des surplus pour venir en aide aux missions!… quand recevront-elles du secours ?

Que faudrait-il faire ? S'engager, se compromettre. Comme la Vierge, la toute disponible, dire courageusement son fiat, puis en accepter toutes les conséquences. Une fois la décision courageuse prise, on regarde moins les difficultés rencontrées que les moyens pour les surmonter et accomplir son engagement. Il faut continuellement travailler à se surpasser.

Chacun à notre façon, avec les talents et les moyens que Dieu à mis à notre disposition, nous devons être missionnaires. Le Concile demande qu'on garde à l'idéal missionnaire, sa vraie totalité… Mettre l'Eglise en état de mission est très beau et très nécessaire, mais il ne faut pas le faire au rabais. Il faut éviter de définir la mission en termes si généraux que l'activité proprement missionnaire s'y dissolve et s'y efface et que tout le inonde se croyant missionnaire, personne n'ait l'idée de le devenir ».

                              f. OLIVIER SENTENNE

—————————————–
  

BULLETIN MISSIONNAIRE

 Suite à la présentation du thème sur les Missions et les discussions de groupe qui l'ont suivi, il a été fortement suggéré de donner aux Provinces des nouvelles brèves mais régulières des Missions: le travail qui s'y fait, les besoins urgents de tel ou tel secteur. Il ne s'agit pas d'une revue missionnaire proprement dite, dont il existe déjà un assez grand nombre, et par ailleurs bien illustrées, mais simplement d'un feuillet de nouvelles brèves.

Cependant le Frère Conseiller chargé des Missions ne pourra donner suite à cette suggestion que s'il reçoit des nouvelles bien précises, et il compte donc sur la collaboration de ceux qui se trouvent sur place pour lui communiquer ce qui pourrait être apte à intéresser les Frères, les élèves et les bienfaiteurs.

De plus, certains bienfaiteurs désirent avoir un compte rendu de l'emploi des fonds recueillis, car on veut savoir ce qui a été réalisé grâce à ces fonds.

Il sera donc souvent nécessaire d'établir une correspondance directe entre les bénéficiaires et les bienfaiteurs. II reste souhaitable que tous ces fonds passent par l'Administration Générale qui a des facilités pour leur transfert.

                   f. GILBERT  (Jooss)

————————————– 

 

FORMATION RENOUVELEE

 Notre XVI' Chapitre Général, fidèle aux directives des Documents Conciliaires et Ecclésiastiques, a fait un grand effort pour mettre en marche cette rénovation. Il est vrai qu'il n'a pas eu connaissance de « Renovationis Causam » et de « Ratio Fundamentalis Institutionis Sacerdotalis », que la Sacrée Congrégation des Religieux et celle pour l'Education catholique ont publiés plus tard et qui visent la Formation Renouvelée.

Pourtant, on peut affirmer que nos Documents Capitulaires, sur bien des points, ont prévenu les directives contenues dans les documents de l'Eglise. Il suffit de les analyser pour s'en convaincre.

1) Le monde change, il marche vers des horizons plus vastes. Cela met en crise toute une série de valeurs et donne naissance à une nouvelle culture humaine et religieuse, décrite par Gaudium et Spes.

2) « Gaudium et Spes » nous incite à promouvoir authentiquement la naissance de ce nouvel humanisme qui met l'accent sur l'autonomie et la responsabilité, pouvant conduire à la maturité spirituelle et morale du genre humain, donc finalement à la construction d'un monde meilleur dans la vérité et la justice. (55)

3) Paul VI, en février 1957, alors qu'il était archevêque de Milan, nous prévenait, avec une prudence avisée, des possibles exagérations du nouvel humanisme: « Danger d'un humanisme profane, laïc, sécularisé et désacralisé; faire de l'homme sa propre fin et la fin de toutes choses ».

« L'homme moderne tend à se limiter à l'étude des phénomènes des choses et aux expériences immédiates. Il a besoin d'une réhabilitation du sens religieux ».

« Le problème de nos temps est donc de rééduquer la mentalité moderne et lui apprendre à « penser à Dieu ».

4) Cela conduit la formation chrétienne à ne plus être un exposé des dogmes, mais « une rencontre constructive avec la communauté chrétienne pour une donation de soi, un échange d'expériences et pour un dialogue avec Dieu, aboutissant à une charité fraternelle vraie, qui s'élève jusqu'à Dieu ».

5) Mais, quel est aujourd'hui le sens des vœux de religion dans une société démocratique, de dialogue, de travail en équipe, de participation ? De quelle manière la vie religieuse peut-elle aider aujourd'hui le développement de ce monde en évolution ? Y a-t-il radicale désacralisation puisque la vie moderne supprime toute primauté d'activités qui se voudraient exclusivement verticales ? Ou radicale sacralisation puisque désormais toute relation horizontale d'homme à homme revêt une signification verticale à cause du mystère du Christ ». (Besret, Libération de l'homme, p. 51).

6) «Renovationis Causam », document du 6 janvier 1969, a essayé de mettre en lumière ce qui est fondamental dans la conception de la vie religieuse, indiquant les moyens pour conserver et renouveler ce qui est essentiel, quitte à l'adapter au monde actuel qui accorde tant d'importance aux valeurs humaines, aux contacts personnels et au dialogue.

7) « Dans les Instituts consacrés aux œuvres apostoliques, il est apparu, que la formation du noviciat pourrait davantage tenir compte de la nécessité de préparer les novices, dès le début et d'une manière plus directe, au genre de vie ou aux activités qui doivent être les leurs dans l'avenir, et de leur apprendre ainsi à réaliser progressivement en leur vie des conditions de cette harmonieuse unité qui doit exister entre la contemplation et l'action apostolique, unité qui est une des valeurs fondamentales de ces Instituts ».

(Et, sans doute, il y a ici un champ très vaste pour la formation).

« La poursuite d'une telle unité, qui ne saurait être atteinte sans un long cheminement de dépouillement, ni sans un effort persévérant de purification de l'intention dans l'action, exige qu'on garde fidèlement cette loi de toute vie spirituelle en ces Instituts, qui consiste à établir dans le cours de sa vie, une alternance convenable entre des temps réservés à la solitude avec Dieu et des temps consacrés aux diverses activités et aux relations humaines qu'elles entraînent » (R. C. 5).

Dans le même sens « Ratio Fundamentalis Institutionis Sacerdotalis » soutient la validité actuelle des Grands et Petits séminaires, qu'il appelle institutions nécessaires sortis bien des aspects, à condition qu'on en élimine les conventions non justifiées, et qu'on tienne davantage compte de certains éléments: respect de la personnalité de chacun, ouverture au dialogue, contact avec la communauté des fidèles, spécialement avec les familles des séminaristes, saine évolution psychologique, en vue de la maturité apostolique, respect de la liberté dans le choix de la vocation et nécessité de favoriser l'esprit de famille et la sainte amitié. On y recommande de développer la formation spirituelle tenant compte de son élément essentiel: la formation plus personnelle par la formation de petites communautés; on désire que les séminaristes développent l'esprit d'initiative, prenant part graduellement à l'organisation de la vie au séminaire, en collaborant avec les supérieurs. On n'y exclut pas l'existence d'un règlement ni la nécessité de la discipline. On y rappelle que la formation au célibat doit se baser sur l'union intime au Christ et sur un vrai amour fraternel. On veut que l'esprit de prière soit alimenté par la célébration quotidienne de l'Eucharistie, par les visites au Saint Sacrement, par la dévotion à la Ste Vierge, par une union intime au Père céleste, la lecture spirituelle et l'examen de conscience. On y souligne l'importance des maîtres et des programmes adaptés.

8) L'ambiance du monde d'aujourd'hui rend plus difficile l'effort de la formation. La disparition des différences qui nous donnaient une personnalité bien nôtre, nous identifie davantage avec les autres hommes et nous oblige à chercher beaucoup plus en profondeur ce qui constitue le religieux.

9) La vie d'études devient plus intense. Nos sujets en formation doivent acquérir des diplômes plus nombreux. La préparation catéchétique, théologique, psychologique, pédagogique, pastorale et mariste n'a pas suivi le même rythme, mais elle s'est améliorée. Il faut signaler le danger d'une spécialisation excessive qui crée un déséquilibre humain, entre naturel et surnaturel. On accumule des diplômes ou des activités.

10) On n'est pas suffisamment intéressé, du moins dans certaines régions, à la recherche de vocations, peut-être par manque d'estime pour l'Institut et de ses œuvres, oubliant qu'elles sont d'Eglise, et très efficaces dans la Pastorale d'ensemble. Nous ne devons pas méconnaître la richesse de notre spiritualité si authentiquement évangélique, telle qu'elle se dégage du Testament spirituel de notre Bienheureux Fondateur, de ses enseignements et de ses exemples. C'est une spiritualité qui répond parfaitement aux besoins de fraternité, d'authenticité et de sincérité que demande avec insistance le monde d'aujourd'hui. Les formateurs doivent donc veiller très attentivement à l'équilibre harmonieux d'une formation intégrale. 

CONCLUSION

 1) Notre Institut représente historiquement un groupe de personnes, réunies autour d'un projet collectif de ,vie religieuse apostolique. Suivre le Christ et l'annoncer à l'homme pauvre et ignorant, selon l'esprit de Marie servant Jésus, et suivant l'intuition fondamentale de notre Bx Fondateur, qui la prit de l'Evangile et de la Société de Marie; suivre cette intuition, mais renouvelée dans son expression, demeure et inspire toujours les membres de la Congrégation avec la même force et la même intensité que dans ses commencements. Il revient aux formateurs de la faire vivre en témoignant de toutes leurs forces.

2) Le « cor unum et anima una » qui a inspiré tous les fondateurs, exige le dialogue, la communication, la participation. Celle-ci est née de la vie de nos jours. Les jeunes la vivent de plus en plus au niveau de leurs études, de leurs engagements et de leurs loisirs; ils dialoguent et partagent spontanément. La vie économique, politique, sociale est faite de plus en plus de participation: équipes de travail, de recherche, de réflexion, d'opinion, de gouvernement, de liturgie, de loisirs, de révision de vie, de relations sociales, d'information, d'apostolat, de services sociaux… Communion, participation, sont une des voies de la charité et de l'ascèse. L'esprit évangélique mariste garde toute sa valeur pour répondre à la mission qui lui revient dans le monde actuel, grâce aux virtualités de vie intérieure et à l'esprit de la Ste Famille qu'il incarne.

Laudetur Jesus Christus…

                                                   F. G. RODRIGUEZ

———————————————- 

 

AUTRES QUESTIONS DE LA CONFERENCE

La Conférence a permis aussi de présenter des exposés succincts sur:

Les Finances.

La Postulation de nos Causes.

La Dispense des Vœux.

L'argent à donner aux Frères qui sortent de l'Institut.

Ces sujets et d'autres, qu'a amenés la discussion sur l'une ou l'autre des conférences feront l'objet de documents aux Provinciaux » indiquant une ligne de conduite comme réponse à des questions posées.

Parmi les questions posées, il y a eu celle de l'éventualité d'un Chapitre Général ordinaire (avec élections) ou extraordinaire. Cette éventualité a été repoussée (44 non, 16 oui, 3 nuls).

 Les raisons en faveur étaient le besoin de réformer les structures face à un monde qui évolue très vite et de permettre à la jeunesse d'être davantage présente.

Les raisons de s'opposer à la convocation d'un Chapitre étaient plus fortes:

-L'esprit du Chapitre précédent n'est pas encore passé dans les faits et reste trop dans des textes, non approfondis par l'étude personnelle et communautaire.

-Des Chapitres aussi rapprochés transformeraient le travail du Conseil Général en une préparation bureaucratique qui enlève les possibilités d'animation.

-On fait des dépenses énormes, alors qu'il y a des problèmes de pauvreté dont il faut tenir compte.

-Si telle Province a besoin de faire des expériences », non seulement hors de la ligne du Directoire ou des Constitutions, mais même du Droit Canon, le Conseil Général peut les lui permettre s'il y a de vraies motivations.

-Et surtout les Chapitres Provinciaux ont encore à peine commencé de comprendre leur rôle. C'est à eux surtout de voir sur place, comment se mettre plus efficacement dans une ligne évangélique, et apporter à un Chapitre Général de vraies expériences, vraiment évaluées, sur une période de 3, 4 ou 5 ans pour promouvoir des changements sérieux, utiles à l'Eglise. Et c'est là que la jeunesse peut d'abord trouver sa place: 

LA QUESTION DE L'OFFICE

Une brève présentation a été faite du problème de l'Office. Le Document Capitulaire 1. p. 118, éd. franç.) prévoit qu'« on maintiendra l'office marial jusqu'à ce que le Conseil Général ou une commission nommée par lui juge de l'opportunité de conserver l'office marial adapté, ou de prendre l'office divin également adapté».

L'Eglise est en train de mettre au point un bréviaire dont la préface est parue: « Instituto Generalis de liturgia horarum ».

Dans l'intervalle, sont parus de nouveaux bréviaires, dont l'un au moins « Prière du Temps Présent » est approuvé et existe en 5 ou 6 langues.

Il a d'assez nets avantages sur notre office marial actuel, comme structure générale, appel à la prière personnelle, adaptation à la liturgie. Il a l'inconvénient d'être moins marial.

La liturgie de la Conférence Générale s'est inspirée plus ou moins de cet office, mais avec une assez grande créativité.

Une enquête sur l'office a donné le résultat suivant (sur 50 réponses):

20 sont d'avis de garder l'office marial.

17 sont d'avis de prendre « Prières du Temps Présent ».

21 sont d'avis d'avoir le choix par Région.

Ces 21 plus 17 = 38 se rejoignent pratiquement.

Pour ceux qui ne garderaient pas l'office marial, 19 sont intéressés par un Supplément marial.

La Conférence ni le Conseil Général n'ont pris de décision. On peut dire que les demandes qui seront faites par les Provinces en vue du choix de choisir un Office qui aiderait davantage la prière, seront accueillies favorablement à titre d'expérience.
  

EVALUATION

DE LA CONFERENCE GENERALE

(par les participants

Sur 55 réponses notées comme suit:

1, très bon; 2, bon; 3, satisfaisant; 4, moins satisfaisant; 5, pas bon

A. Présentation des thèmes:

1 (12)     2 (29)  3 (10)  4 (2)     5 (1)

B. Discussion en groupes:

1 (11)     2 (17)  3 (21)  4 (4)     5 (1)

C. Mise en commun par les secrétaires:

1 (7)       2 (19)  3 (18)  4 (7)     5 (0)

D. Assemblée plénière, le soir:

1 (7)       2 (27)  3 (15)  4 (5)     5 (0)

E. Rapports écrits de l'assemblée plénière:

1 (14)     2 (26)  3 (9)     4 (1)     5 (2)

F. Animation de la prière:

1 (43)     2 (5)     3 (4)     4 (2)     5 (1)

G. Animation de la messe:

1 (41)     2 (9)     3 (3)     4 (1)     5 (1)

Echanges personnels avec les membres du Conseil Général:

1 (18)     2 (20)  3 (9)     4 (4)     5 (1)

I. Echanges entre les Frères Provinciaux:

 1 (12)    2 (25)  3 (14)  4 (1)     5 (1)

J. Renforcement de l'unité à l'intérieur de la Congrégation:

1 (15)     2 (26)  3 (9)     4 (3)     5 (1)

à. Renforcement de l'intercommunication entre les Provinces et le C. G.:

1 (17)     2 (19)  3 (10)  4 (5)     5 (0)

L. Thèmes choisis pour la Conférence:

1 (2)       2 (30)  3 (14)  4 (2)     5 (0)

M. Manière dont la Conférence a été préparée:

1 (26)     2 (18)  3 (7)     4 (2)     5 (1)

N. La Conférence s'est déroulée dans une atmosphère de collaboration fraternelle:

1 (27)     2 (25)  3 (2)     4 (0)     5 (1)


 ————————————————– 

CONFERENCE DE CLOTURE DU FRERE BASILIO RUEDA, SUPERIEUR GENERAL 

Mes Chers Frères,

Il y a, me semble-t-il, dans notre Conférence, cinq dominantes que j'ai particulièrement senties au cours de cette aventure de réflexion collective.

   – CINQ OBSERVATIONS

1. En premier lieu: l'esprit d'unité. J'ai observé le Chapitre Général.

L'unité des cœurs existait; pas toujours celle des esprits. Si l'on compare Chapitre et Conférence, je crois que les relations interpersonnelles ont gagné beaucoup. Et d'ailleurs l'enquête à laquelle vous avez répondu est très positive dans ce sens.

2. La deuxième caractéristique de notre réunion, c'est la conscience commune que l'on a prise des problèmes et qui donne une grande sérénité pour les affronter. En effet, les problèmes actuels sont des problèmes qui affectent toutes les congrégations religieuses dans cette période mouvante. Et cela est propre à rassurer un Provincial qui, sans échanges avec les autres, sans l'objectivité que donne une vue d'ensemble, risquerait de croire que tout le mal vient de sa Province, perdrait la tête et ne serait plus capable de cet optimisme et de ce courage qui sont au cœur du mystère chrétien. « C'est la nuit qu'il est beau de croire à la lumière ». Et ce qu'il faut croire c'est que nous sommes à la naissance d'un printemps.

3. En troisième lieu, je crois que vous avez pris conscience que la tâche de Supérieur est une tâche nouvelle, car nous ne sommes pas Supérieurs dans un moment bien tranquille, mais dans un moment de bouleversement. A ses fonctions habituelles qui sont d'animer les religieux et les communautés, d'administrer, etc. … le Supérieur doit ajouter aujourd'hui celle de guider les changements conciliaires et capitulaires au rythme des temps et d'accord avec les signes des temps.

Cette tâche il faut la prendre au sérieux et je crois que vous l'avez senti. C'est même au point que l'on fait ici la proposition d'un Chapitre extraordinaire et qu'il y a eu certain nombre de voix pour appuyer cette proposition, l'exposé des motifs n'ayant pas non plus manqué de sérieux et de vigueur. C'était peut-être là une des formes les plus avancées de cette sensibilisation, mais dans la grande majorité qui n'était pas favorable, plusieurs pouvaient ressentir aussi vivement, bien que de façon différente, ce sens nouveau de la fonction de Supérieur.

4. Le quatrième résultat, c'est que la Conférence a permis d'amorcer entre certaines Provinces, une collaboration interprovinciale. Trois ou quatre Provinces se sont mises d'accord pour faire ensemble des cours de recyclage et d'animation. D'autres, qui n'appartiennent pourtant pas au même pays, ont découvert qu'elles pourraient se réunir périodiquement, chaque année ou tous les deux ans.

5. Enfin, le cinquième point que j'ai observé, c'est une compréhension plus profonde des relations complémentaires qu'il doit y avoir entre le gouvernement central et le gouvernement des Provinces. Cela je l'ai ressenti non seulement dans les dialogues intimes, mais ici même dans la salle. Je crois que vous comprenez mieux le Conseil Général et que le Conseil Général vous comprend mieux.

Je crois qu'il faut, en effet, nous prendre réciproquement beaucoup plus au sérieux, car nous devons, nous, réaliser la décentralisation et vous, sur place, vous devez être attentifs à l'Esprit, sentir de quelle manière il s'incarne hic et nunc, et réaliser pour nous ce «feed-back» qui nous permet de discerner l'avenir, et que nous sommes chargés de répercuter ou d'atténuer au niveau mondial. Tout cela, vous le comprenez bien, exige que les cœurs et les esprits soient très intimement unis dans le travail commun, sinon c'est l'isolement. Ceux qui doivent accomplir le service de l'autorité ne peuvent plus avoir qu'une action éparpillée, alors qu'il faut la coordination clans l'amour et l'entente mutuelle des divers niveaux de cette autorité.

Je crois aussi qu'on a su rapprocher lettre et esprit. Moi-même au début je vous les ai présentés comme un dilemme, au nom de Jésus-Christ d'ailleurs, et dans la ligne de Saint Paul: il n'y avait donc là rien de nouveau. Mais en approfondissant,

en comprend mieux. Plus que de dilemme ou d'antinomie, on parle alors de couple complémentaire. Si l'esprit, en effet, ne s'incarne pas, ne s'exprime pas, il demeure incommunicable; par contre, si l'on perd la vie de l'Esprit en conservant la seule expression, alors cette expression même s'étiole faute de lumière. 

lI – DIGRESSIONS

A –Les changements.

Dans ce qui précède, je n'ai pas dit ce qui était ma pensée, mais mon observation. Maintenant, je fais une digression pour exprimer quelques points de vue personnels.

Et d'abord les changements. A mon avis, ils revêtent deux formes.

1. Il y a d'abord, le changement indésirable: c'est celui qui est précipité, inévitable, parfois radical. Presque toujours il est la conséquence d'une faute d'omission: on a systématiquement fermé les yeux et on a remis à plus tard ce qui devait se faire sans tarder. Au lieu de faire face de façon à la fois rationnelle et surnaturelle, on a entassé une poudre qui n'attend plus que le détonateur.

Lorsqu'on a reçu cette bombe comme héritage et qu'elle vous éclate dans les mains, il faut bien faire quelque chose. Si indésirable que soit le changement, il faut bien agir immédiatement et même, dans certains cas d'exception, sans avoir le temps de demander au niveau supérieur la formule d'administration qui conviendrait. Dans une situation anormale, une mesure anormale peut se justifier si l'on garde le bon esprit, la fidélité et la volonté d'union.

Sachez bien qu'alors, nous sommes ici au Conseil Général, capables de comprendre la situation particulière d'une Province et de cheminer avec vous dans ce sentier que vient d'ouvrir la déflagration. Comme dans une telle situation, il y a déjà eu trop de temps perdu, on n'a plus le luxe d'en perdre encore.

2. Mais il y a aussi un autre type de changement: le changement désirable qui se fait selon un processus normal, car le changement est conforme à la nature de l'être vivant. Ce changement-là doit être prévu, motivé et accepté. Il faut que les Frères comprennent pourquoi on change, qu'ils acceptent mentalement, qu'on les guide dans cette réalisation et qu'on en évalue le résultat.

B – De la structure à la valeur.

Mais alors attention! Il y a deux types de lois qu'il ne faut pas confondre: d'une part les lois sociales et psychosociales, et d'autre part les lois morales, évangéliques et institutionnelles. Si vous ne vous adressez qu'à un sociologue, il risque de ne vous parler qu'en sociologue, préoccupé uniquement de ce que lui auront appris les statistiques relatives au comportement des groupes humains, face au changement. Ce n'est pas suffisant. C'est pourquoi, je tiens à mettre un peu les choses au point.

1. La valeur.

On parle beaucoup de structures, mais il faut en distinguer les degrés. Prenons un groupe d'hommes qui s'associent dans une institution qui veut durer. Ces hommes s'institutionnalisent pour quelque chose; donc ils ont un objectif; donc cet objectif devient la valeur de cette institution et ils travaillent en vue de cette valeur: elle est leur raison d'être.

Normalement, quand la croissance se fait bien, il y a des éléments qui ne doivent pas s'affaiblir: ici le groupe humain et la valeur qu'il a choisie. Ce sont les deux colonnes. Si ensuite, l'institution se met à se poser la question: « devons-nous exister ? », c'est que la racine est minée, car, ou bien une chose a été créée naguère, qui n'a pas de raison d'être, ou bien si elle a une raison d'être, une mise en question aussi fondamentale révèle un mauvais état de santé institutionnel.

 2. Les moyens

Par ailleurs pour aboutir à la valeur, il faut établir les moyens nécessaires, et qui dit nécessaires, dit qu'il y aura entre ces moyens et le but, une relation sinon toujours essentielle, du moins très forte. Ces moyens auront une fonction substantielle et si on ne les respecte pas, la valeur s'effritera et perdra toute sa force d'inspiration.

D'où la nécessité de ne changer les moyens qu'avec beaucoup de précautions, car on ne violente pas impunément la nature: elle se venge; on ne vole pas sans obéir aux lois de l'aéronautique.

C – Les structures.

Ce n'est qu'après qu'il faut parler des structures qui elles, ne sont qu'une catégorie de moyens pour aboutir à la valeur. Elles sont un choix entre plusieurs moyens possibles. Mais si l'on ne trouve pas des moyens concrets et possibles, on en reste à un plan de bureau qui n'aboutit pas à une réalisation vivante avec des hommes et à travers le temps.     

Tout ceci est vrai pour n'importe quelle institution. Alors quand on parle de changement, on doit se demander d'abord: à quel niveau ? Et ce qui est vrai pour toute société l'est également pour une société évangélique; seuls les moyens changent. La valeur qui compte pour une telle société, c'est que l'on ait une vision intégrale du réel, à partir de la foi; donc l'optique tout entière de cette institution doit baigner dans la foi. Les moments où cette institution n'illumine plus par un langage de foi, les moyens qu'elle emploie pour réaliser sa valeur sont une concession au sociologisme: un processus de décalage s'est introduit par rapport à la nature profonde de cette institution qu'est la vie religieuse.

Tout doit se tenir. Volonté de Dieu, amour de Dieu, projets de vie selon les plans de Dieu, etc. …: cela amène relations dans l'optique de la foi, adoption des structures qui les rendent réelles, etc. …

D – Application des principes.

Voyons maintenant les implications de ces principes. Si vous voulez une société qui réalise ces principes, il vous faut une série d'éléments.

1. Eléments nécessaires au changement désirable

Le premier est une relève qui renouvelle continuellement cette société; et cette relève demande une sélection: il ne faut pas recevoir ceux qui n'aimeront pas l'institution. Donc sélectionner et affectionner aux valeurs de l'institution est une condition de base, sans laquelle vous aurez des hommes pris par les besoins immédiats de l'apostolat, par les œuvres, etc. … qui automatiquement vont produire un état de malaise, parce qu'ils ne sont pas à leur place. Mieux vaut les aider à trouver dans l'Eglise la place qui leur convient que de produire des tumeurs institutionnelles, ou de faire perdre son âme à une institution pour y donner une place à des hommes qui n'y ont pas leur place.

Le second élément, c'est la formation pour l'institution, et le troisième, c'est l'intégration progressive et la participation à l'institution.

Au niveau de la valeur, cela vous impose de faire naître entre les membres de l'institution harmonie et amour vitals.

Au niveau des normes, il faut une initiation à leur sens, pour que chacun sache le pourquoi de ses attitudes et de ses actes; il ne faut pas que les impositions extérieures soient coupées de leur raison d'être, car si la raison d'être ne se voit plus, l'institution est en péril.

Au niveau des structures, il faut surtout l'esprit de discernement pour bien voir comment peut progresser la pensée et s'introduire le changement sans détruire l'équilibre de l'institution; c'est l'harmonie dans le mouvement.

A partir de là, il faut juger ce qui est possible et réaliste.

A quel niveau pensez-vous le choix de vos structures ? Au niveau du nécessaire ? Alors une bonne pédagogie évitera bien des problèmes. Au niveau non pas du nécessaire, mais de l'important ? Cette pédagogie pourra encore faire comprendre et accepter des choses. Au niveau de l'optionnel ? Alors attention! Vous n'arriverez guère sans donner une large part à la participation. Au niveau des mièvreries ? Alors vous multipliez d'avance les conflits et les gaspillages d'efforts.

2. Situés dans un système convenable.

Vous voyez donc qu'il faut d'abord bien savoir de quel niveau on parle et selon ce niveau, souplesse peut signifier infidélité ou fidélité à la santé de l'institution.

On a vite fait de parler de problèmes. Mais ce mot est très équivoque, parce que la valeur et ce qui s'en dégage changent d'acception suivant trois systèmes différents.

Un premier système s'appuie sur la donnée sociologique et historique. Pour le sociologue pur, une valeur est ce qui est estimé par un groupe humain et amène ce groupe à s'associer et à travailler. La valeur est donc une donnée collective. Pensons à la « maffia >>. Le sociologue vous dirait que la valeur de la « maffia » est déterminée par le groupe lui-même.

Dans un deuxième système, la valeur est une donnée psychologique et individualiste. Est valeur ce qui vaut pour une personne en tant qu'individu. Evidemment cela mène à l'émiettement et au subjectivisme.

Enfin, dans un troisième système, la valeur est une notion objective. Donc on peut bien faire des variations sur le thème: valeur, mais il faut savoir quels registres on a tirés, parce qu'en jouant les mêmes notes, on n'aura pas les mêmes sons.

Avec les mêmes mots on n'arrive plus à se prendre parce que si la valeur est seulement ce qui plaît à un groupe, il n'est pas du tout sûr que, objectivement, elle soit une valeur.

Il peut se faire, par exemple, qu'une communauté évangélique ait tellement perdu l'Esprit qu'elle ne puisse plus aimer l'Evangile. Du point de vue sociologique son activité cesse de trouver dans   . l'Evangile la valeur qui l'anime; mais pourtant l'Evangile ne cesse pas d'être une valeur.

E – Conseils pratiques.

Maintenant, deux conseils pratiques.

1. Il faut tenir compte de la prolifération des spéculatifs et des techniciens. Vous avez des jeunes qui vous écrivent des considérations agaçantes. Ce sont des penseurs. Ont-ils tort ? Ont-ils raison ? Il faut voir. Ils réfléchissent. Ils contestent. L'autre groupe, les techniciens, eux, font une analyse du réel. Ils voudraient par exemple que les données de la sociologie soient branchées sur la vie; mais la vie a ses droits qui ne sont pas toujours ceux de la sociologie. Heureusement il y a aussi ceux qui ont le sens de la vie et qui, grâce à ce sens, guident les choix intelligents d'une Province et permettent au Frère moyen de retrouver son équilibre entre les deux premières vagues.

Alors c'est au Supérieur à savoir unir ces trois forces pour le bien. Le Père Beyer affirmait récemment que des Supérieurs locaux, des Provinciaux et des Supérieurs Généraux sont tombés dans la démission de leur obligation de gouverner. Il faut fortement redire à tous: n'abdiquez pas; ce n'est pas cela qu'attendent vos religieux.

Une enquête menée dans une Province très en crise a bien montré que les Supérieurs libéraux qui laissent les choses à la confiance et à la responsabilité personnelle, étaient les moins appréciés: 10% seulement leur sont favorables.

2. Il faut savoir discerner et rendre efficaces les agents du changement dans une Province. Un exemple seulement. Vous avez des hommes aptes à diriger le changement. Il faut les former. Si tel de ces hommes n'a qu'une formation de sociologue, faites-lui aussi acquérir le niveau de préparation spirituelle qui lui manque.

 III – LES GRANDES LIGNES DE LA CONFÉRENCE

Après cette longue digression, j'aborde maintenant les grandes lignes de la Conférence.

1. Vie authentique.

En premier lieu, et comme affirmation générale, on nous a demandé de vivre en esprit et en vérité une vie mariste religieuse et chrétienne. C'est-à-dire, une vie chrétienne qui soit vraiment celle du Seigneur Jésus; ce qui n'a rien à voir avec un crépissage de structures qui ne seraient que cache-misères camouflant mal un mensonge ou une absence de vie. Les structures doivent être des fleurs de vie, suscitées par la vie.

2. Gouvernement.

Quant au gouvernement, je crois que la conclusion essentielle à laquelle nous sommes arrivés, c'est qu'il faut former des cadres. Vous sentez de façon aiguë, et moi aussi, que nous ne sommes pas préparés, que la tâche nous dépasse, et que nous devons l'accepter parce que les autres non plus ne sont pas préparés. Nous accomplissons un service modeste, moyen, un service de transition pour que les suivants se préparent mieux.

Par ailleurs, chacun aussi a mieux pris conscience que nous avons adopté un certain mode de gouvernement. Il faut faire passer l'esprit du Chapitre dans ce nouveau mode de gouvernement, faire passer les textes dans la vie réelle. Cela m'amène à vous faire quelques remarques.

Toutes les structures sont relatives, donc on peut choisir entre elles, et effectivement on a choisi. Mais choisir une fois ce n'est pas pour autant se livrer à un révisionnisme chronique. Il faut donc bien se dire: les structures choisies sont imparfaites, limitées; elles ont du bon et du moins bon; il faut tirer de tout cela le profit maximum; mais surtout ce qu'il faut c'est que cela permette à l'esprit de passer, et cet esprit d'amour et d'unité a été magnifiquement évoqué par la conférence sur le gouvernement.

. Vous devez être des Supérieurs qui acceptent de gouverner avec les nouveaux principes. Mais je crois qu'il y a encore çà et là des mentalités pré-capitulaires, qui ne réussissent pas à digérer les nouvelles méthodes de gouvernement. Cela se voit dans leurs décisions, dans la manière dont sont conçus les Conseils et les Chapitres, etc. … Faute de conversion on court le danger d'emprisonner l'Esprit et d'avoir des structures d'où cet Esprit est absent.

3. Prière.

La prière est aussi un autre grand point de cette « Conférence ». Il faut que les Frères renaissent à une prière qui soit prière, donc théologale et vitale. Théologale, elle sera ancrée dans la foi, l'espérance et l'amour. Vitale, elle sera reflet de la vie, de ses conditions réelles et du progrès des âmes. Il ne faut pas qu'on dise, dans la prière, ce qui n'est pas dans la vie, et qu'on fasse dans la vie le contraire de ce qu'on dit dans la prière, sinon on s'établit dans le mensonge. Si je dis au Seigneur dans la prière, que je l'aime, il faut que je l'aime dans la vie et que ce soit visible. Si je dis à Dieu dans ma prière que je ne veux pas le péché, il ne faut pas ensuite que je pactise avec le péché.

En outre, j'aime beaucoup ce qu'a dit le texte de la conférence sur le Frère moyen. Nous avons trop une idée toute faite de la vertu du religieux. Les analyses révèlent en réalité, par exemple pour la chasteté, que ce n'est pas la totalité des Frères qui sont arrivés à la maîtrise d'eux-mêmes. Mais il n'en est pas moins vrai que -celui qui n'est pas encore chaste peut le devenir, parce que la chasteté est une vertu qui se forme à travers un processus, avec le temps et la montée spirituelle, tout comme la maturité, la liberté, la responsabilité, la capacité du renoncement à soi-même, etc. …

De même aussi l'esprit de prière se forme. Il ne faut donc pas en rester aux seules structures, et se reposer sur les structures pour dispenser les formateurs de leur tâche de formation à la vie de prière. Mais vraiment je crois que l'assemblée a compris les trois seuils de la vie de prière que je vais énumérer:

e) Passage du schéma à la créativité. Il ne s'agit pas de créativité artificielle et théâtrale, il s'agit d'une créativité qui dérive de la richesse de la vie spirituelle en croissance.

b) Passage du communautaire au personnel. Je m'explique à partir de l'exemple de la pauvreté. Un Frère tombe dans une communauté pauvre: il pratique la pauvreté. Vous le transportez dans une communauté embourgeoisée, il devient bourgeois et dépense pour satisfaire ses fantaisies. Sa pauvreté est sociologique: pauvreté de membre d'un troupeau; mais lui-même n'a pas d'amour intérieur, pas de responsabilité libre pour donner tout seul sa réponse de pauvreté au Christ pauvre. Eh bien, pour la prière aussi, il faut passer de la prière purement sociologique à la prière personnelle, par laquelle, même hors des conditions de prière, le Frère se met à prier. Mais il faut aussi par contre passer de la prière personnelle à la prière communautaire, car chacun se doit aux autres. Se donner à la prière communautaire c'est soutenir et développer la prière des autres au stade où elle se trouve et leur faire partager les richesses que l'on a soi-même reçues de l'Esprit.

c) Passage des situations d'horaires inadéquats au ressourcement périodique. Il est infiniment souhaitable que l'on crée les conditions de vie où les Frères aient les moments de prière prévus par le Directoire et les Constitutions. Il y a des cas isolés auxquels les Supérieurs doivent remédier en évitant les rythmes de travail qui écrasent les Frères et leur rendent la prière impossible. Mais il faudrait aussi que lorsqu'un Frère est dans une situation où il n'a plus malheureusement le temps de prier aux moments prévus, il sache se rattraper et se trouver d'autres moments.

A l'époque actuelle, la formation à la vie de prière implique l'initiation à ces trois seuils. Et le résultat doit être que les Frères, dans quelque circonstance qu'ils aient à se trouver, soient des hommes de prière. J'en donnerais trois grandes raisons:

– Il faut qu'ils vivent leurs vœux de façon positive, et non en les subissant.

– La prière doit développer un vrai sens de la contemplation à laquelle est appelé, à quelque degré, tout homme et tout chrétien.

– La prière permettra, au frère, de faire lucidement les options qu'exige sa vie.

Dans un livre bien connu, Olegario Gonzàlez insiste sur la prière de l'homme religieux et explique: « Dans la mesure où un homme est engagé dans des options définitives qui ont de graves conséquences non seulement pour lui mais pour beaucoup d'autres, il faut qu'il ait de larges moments de prière pour pouvoir faire, à la lumière de la foi, des options qui soient vraiment selon l'esprit du Seigneur ».

Pour mieux comprendre, prenez le cas d'un Kennedy. S'il devait faire en chrétien et selon l'Evangile les options qu'il avait à faire, il avait encore plus besoin que nous de larges espaces de prière, parce que nos options temporelles à nous sont bien plus réduites et bien moins lourdes de conséquences que les siennes.

4. Pauvreté.

Et maintenant, le thème de la pauvreté. Ici je n'oserais pas dire jusqu'à quel point l'exposé sur ce thème représentait la pensée de notre groupe. Je me borne à trois constatations:

a) On a pris conscience et on est préoccupé du décalage entre l'état de pauvreté qu'exigent les temps nouveaux et la manière dont nous pratiquons cette pauvreté. Je crois que nous sommes tous conscients que, sans mauvaise volonté et peut-être sans qu'il y ait de notre part manque de vertu, notre pauvreté sur beaucoup de points est une farce.

b) On a conscience aussi de la complexité des problèmes pour lesquels il n'est pas facile de trouver des solutions universelles, et ce n'est pas dans cette salle qu'on va les trouver. Il y a bon nombre de valeurs mêlées et on tâtonne dans l'obscurité. Que faire ?

c) Disons qu'il faut une conversion intérieure et une pédagogie pour former le cœur à l'amour de la pauvreté. C'est là le point de départ pour résoudre ensuite courageusement et concrètement le problème de la pauvreté aux niveaux provincial et local.

5. Apostolat.

Pour le thème de l'apostolat, je crois qu'on peut le synthétiser en disant: il faut un effort pour retrouver le charisme du Fondateur: aller aux pauvres, mais même à tâtons, il faut en retrouver la voie. Je crois que je représente la pensée générale en affirmant notre préoccupation de prendre au sérieux que la Congrégation a été fondée pour une action de suppléance là où les autres n'arrivaient pas: en somme, la fonction de bouche-trou. Le Père Champagnat le dit positivement: Nous ne faisons pas de tort aux Frères des Ecoles Chrétiennes; nous sommes pour aller où ils n'iront pas; les lieux qu'ils ne voudront pas prendre, c'est cela que nous allons prendre.

On peut donc en déduire une définition en profondeur du rôle du Frère Mariste dans l'Evangile et dans le monde, et je ne dis pas le monde d'aujourd'hui, car je crois que la définition que je vais essayer de donner est valable pour tous les siècles: les Frères Maristes sont des hommes qui, dans l'Eglise, sont appelés à conduire continuellement des générations nouvelles qui ont besoin d'être accompagnées pour leur humanisation et leur évangélisation; des générations qui ont reçu un baptême rituel qu'il faut convertir en un baptême psychologique, c'est-à-dire, une mentalité et une vie évangéliques.

Notre apostolat d'autre part implique des options intelligentes et responsables dans les œuvres et les champs d'apostolat selon notre caractère et au-dessus de certaines ambiances démagogiques.

Donnons aux Frères une formation conforme à l'option qui a été prise. Quant aux Frères qui ont deux pôles d'attraction, il faut les orienter en tenant toujours compte du charisme de notre Institut avec son champ d'apostolat qui a droit à la priorité, et aussi en étudiant l'inclination réelle et sérieuse qu'ils portent en eux.

6. Missions.

Je passerai très vite sur le thème de la vie missionnaire. Il ne faut pas diluer le sens du mot missionnaire »; il faut choisir les nouvelles missions et voir le visage nouveau que doivent prendre nos œuvres missionnaires. En somme, aller aux missions peut vouloir dire: réformer les missions selon l'idée la plus neuve possible des missions », et non en gardant une mentalité d'il y a 30 ans. Certaines attitudes pouvaient être cohérentes avec les idées d'alors, qui sont insoutenables aujourd'hui.

Il faut voir l'évolution des peuples, leurs explosions sociales, avoir le courage de laisser mourir ce qui doit mourir, aller vite en aide à ce qui doit vivre et prendre au sérieux les vocations autochtones.

7. Formation.

Enfin, dernier thème: la formation. Je ramène à trois points l'essentiel de ce que nous avons vu:

a) Tout le monde sent le besoin de relancer la relève. Il faut retrouver foi à la pastorale des vocations. Certains Provinciaux m'ont dit: « Cà et là, on estime immoral de parler de pastorale de vocations, parce que ce serait une violation de la liberté ». C'est une idée étrange. Il faut de nouveau nous relancer dans la pastorale des vocations avec sérieux, continuité, progression.

b) Et ici j'insiste sur un point: Dans vos maisons de formation, ne formez pas à une vie pluraliste, parce que, une fois dans le réel, vos candidats ne trouveront pas une vie pluraliste, mais une vie marquée par la spécificité. Ayons des idées aussi larges que nous voudrons mais ayons aussi le courage d'être nous-mêmes institutionnellement, de n'être que nous-mêmes, sans nous aliéner. Donc formons des hommes qui soient capables de vivre une forme spécifique de vie chrétienne, de faire route toute la vie dans la roulotte de l'Institution. Et pour cela, il faut qu'ils connaissent cette Institution, qu'ils l'aiment et qu'ils s'engagent avec elle. Ce serait insensé d'avoir dans nos maisons de formation des jeunes moins capables d'un engagement qu'un jeune homme avec une jeune fille. Tout jeune homme qui se marie sait bien à priori que tôt ou tard, dans sa vie, une autre femme, plus belle, plus riche de qualités humaines, plus capable de l'épanouir, de lui donner le bonheur, apparaîtra sur son chemin. S'il est toujours à hésiter avec celle qu'il va épouser, parce qu'il n'est pas tout à fait sûr que ce soit la femme de sa vie, c'est un malade de la volonté: il faut former son caractère.

Dans nos maisons de formation, il faut donc voir deux aspects: former à la vie, et former à la profession. On se limite souvent au second aspect et de façon bien périphérique: acquérir des notions, des titres, des diplômes, une spécialisation. Que fait-on pour former à la vie ?

c) Mais je voudrais aussi insister sur la formation des formateurs. Ce besoin est ressenti dans toutes les congrégations. Une congrégation, dans un congrès avait réuni médecins, psychologues et formateurs. Le congrès avait abouti à établir un programme de formation enthousiasmant. Mais les formateurs ont dû avouer face à ce programme: aucun de nous n'est préparé pour cela. La conclusion s'impose d'elle-même.

8. Mariologie.

Je dois aussi parler d'un point qui n'a pas été spécifiquement abordé: la mariologie. C'est l'esprit de Jésus qui est notre esprit et qui doit être notre vie; le même Esprit qui fait vivre Jésus doit vivre en nous. Mais outre Jésus qui est la raison de tout notre être, notre passion, notre vie, à la manière de Paul: Je ne connais que Jésus et Jésus crucifié », il faut que la Sainte Vierge devienne comme autrefois le cœur et l'âme et la première Supérieure de l'Institut. La transition conciliaire a dû provoquer une meilleure compréhension de la place de Marie. Et je citerais simplement le cas d'un Institut séculier qui fait de ses membres des serveuses de restaurant et qui dans cette forme assez étrangement nouvelle de l'apostolat, fait preuve d'une dévotion mariale aussi simple qu'authentique.

Mes Chers Frères, tout notre problème est d'assurer dans nos communautés une vie religieuses qui soit vraiment une vie religieuse. Si nous devions devenir un groupe d'hommes dans lequel la vie chrétienne n'a plus de souffle, et où l'on joue la farce de la vie religieuse, il vaudrait mieux disparaître, parce que la raison d'être aurait cessé.

Les formes peuvent changer, les structures aussi, mais quelles que soient les structures et les formes, il faut qu'elles soient inspirées par cette valeur qu'est le charisme du Fondateur; il faut qu'on sente son cœur passionné pour le Christ battre encore dans ses religieux; il faut que ces religieux croient à la vie et à l'avenir de la vie religieuse et veuillent la vivre même dans l'ambiance de doute d'un monde sécularisé.

Et c'est à cette mesure-là qu'il faut mesurer votre Province. Si votre expérience est positive là-dessus, alors tout va bien.

Une dernière demande: Aidez-nous à gouverner en esprit et en vérité. C'est vous avec nous qui devons équilibrer changement et fidélité à l’institution, administration et prophétisme. Nous sommes des Supérieurs sans raison si nous croyons pouvoir nous passer de l'administration, et nous n'avons pas le sens de l'Evangile si nous attendons tout de l'administration. La question est une question de dosage. Il faut à la fois vivre la vie qui a été décidée et faire aussi une expérimentation convenable. Alors quand il y a une option dans votre Province, une expérience, prenez-la dans votre prière devant le Seigneur, puis écrivez-nous, si vous croyez qu'à travers cette expérience il y a réellement l'Esprit qui souffle, le sens évangélique, une promesse de route ouvrant sur la vie, une créativité authentique et mariste. Au Conseil Général, nous essayerons de comprendre votre position, en prenant le risque administratif qui sera possible. Mais, c'est votre obligation de Supérieurs de ne pas démissionner de votre autorité et de dire si cette expérience vous semble avoir le sens de l'Esprit-Saint, ou au contraire, n'a pas de contenu.

L'unité: tel est le sentiment réconfortant que vous avez emporté de cette Conférence. Mais il faut pousser cette unité bien plus loin qu'un petit pacifisme commode. Nous avons à construire ensemble la vie religieuse de l'avenir, celle qui pourra attirer et convaincre non plus ceux qui nous verront de loin, mais ceux, parents, collaborateurs, etc. …, qui nous voient de plus près, et plus encore tous ceux qui ont déjà choisi ou qui vont choisir notre vie, qui ne doit pas être autre que celle de l'Evangile.

              f. B. RUEDA  supérieur général.

—————————————-

 

ELECTIONS DE PROVINCIAUX

 

1) Allemagne: F. Rafael Maria Maierbeck. Séance du 10-7-1970. 2nd triennat.

2) S.-Genis-Laval: F. Paul Sester. Séance du 4-8-1970. 2nd triennat.

3) Esopus: F. Leonard Voegtle. Election: 7-2-1971. 2nd triennat.

(L'accord du Conseil Général sur la liste présentée a été donné le 28-10-1970: Mode d'élection autorisé à titre d'expérience-pilote).

4) Iberville: F. Alexis Paquet. Séance du 21-11-1970. 2nd triennat.

5) Lujan: F. Estebam, Suàrez. Séance du 21-11-1970. 2nd triennat.

6) Levante: F. David Sebastiàn. Séance du 21-11-1970. 2nd triennat.

7) Suisse: F. Marc Comte: Séance du 15-12-1970. 2nd triennat.

8) Castille: F. Casimiro Sanchez. Séance du 31-5-1971. 1ier triennat.

9) Léon: F. Carlos Schramm. Séance du 31-5-1971. 1ier triennat.

10) Belgique: F. Bertrand Meyer. Séance du 22-6-1971. 2nd triennat.

11) St-Genis-Laval: F. Jean Thouilleux. Séance du 8-7-1971. 1ier triennat.
  

MODIFICATIONS DANS LE CONSEIL GENERAL

1 — Le C. F. Louis-Martin, Conseiller Général pour les Provinces d'Allemagne, France, Italie, Madagascar, Suisse et Syrie-Liban s'est vu contraint de présenter sa démission. Le Conseil Général, dans sa séance du 7 mai 1971, a dû s'incliner devant les raisons impératives de fatigue qui ont amené le F. Louis-Martin à se démettre de ses fonctions.

2 — Dans la séance du 7 mai 1971, le C. F. Gilbert Jooss a été chargé de l'Apostolat et des Missions; et le C. F. Olivier Sentenne a été nommé Econome Général.

3 — Dans sa séance du 28 mai 1971, le Conseil Général a opéré les remaniements suivants:

a) La Région comprenant Allemagne, Italie, France, Liban, Madagascar, Suisse sera diminuée des deux Provinces suivantes: Italie et Allemagne.

b) Le C. F. Paul SESTER, jusqu'ici Provincial de St-Genis-Laval, est chargé désormais de la Région comprenant: France, Liban, Madagascar, Suisse, en remplacement du C. F. Louis-Martin, démissionnaire.

c) Le C. F. Gilbert Jooss, Conseiller Général d'Apostolat et Missions, est chargé de la Province d'Allemagne.

d) Le C. F. Alessandro di Pietro, Procureur Général. est chargé de la Province d'Italie. 


 

STATISTIQUE GENERALE DE L'INSTITUT

au 1 janvier 1971

 

 

Provinces                       Juvé-   Postu- Novi-    ProfèsPerp    Stables Total Elèves Décès  Mai-

et Viceprov.                    nistes  lants     ces      temp                                                      en1968 sons               

                                        

                                                                              .                       

 

Adm. générale . .           –           –           –           –           –           15        15        –           –           4

Af. du Sud . . .                 –           2          –           6          47        25        78        3.754   2          11

Allemagne . .                  75        1          1          12        62        58        132      1.993   4          6

Beaucamps . . .             18        –          –           24        82        45        151      7.134   6          18

Belg. P. Bas . . .            38        –           –           19        120      83        222      8.675   1          23

Bética                             266      4          6          37        164      61        262      11.568             5         21

Brésil Sept. . .                73        –           –           12        69        50        131      15.545             1         18

Castilla  .            .            240      7          6          35        136      43        214      6.688   0          11

Cataluña .          . .          249      11        12        68 158             62        288      11.       198      1          23

Caxias do Sul . .            35        –           –           11        49        20        80        4.855   3          13

Cuba-Am. Cent. .          240      10        13        58        140      93        291      12.996 3          28

Chili                                84        8          –           40        69        46        105      6.802   2          14

Chine                              33        –          –           8          68        43        119      14.122             2          13

Colombie . . .                 12        –           5          7          76        90        173      11.419             6          21

Congo-Rwanda . –         40        15        15        36        59        32        127      14.409             1          13

Cordoba . . . .                 62        5          1          14        96        44        154      5.103   –           12

Desbiens           . . .        39        4          2          5          66        40        111      3.742   2          11

Esopus              –           9          –           56        106      93        255      10.895             3          22

G. Bret.-Irl. N.                 130      9          7          43        137      50        230      15.953             3          32

Iberville . . .                     378      16        –           53        206      116      375      15.129             4          29

Italie                                 150      5          –           15        62        67        144      2.893   1          10

Leon                                288      8          10        17        140      48        205      6.786   4          11

Levante . . .                    248      13        –           44        77        56        177      7.478   1          10

Levis                               166      1          –           14        98        57        169      4.495   4          22

Lujan                               93        4          2          18        80        59        157      6.613   2          12

Madrid   . . .                    284      20        9          38        90        40        168      6.400   1          15

Melbourne . .                  13        –           13        53        103      53        209      9.587   –           30

Mex. Central . .               123      5          5          66        104      52        222      15.424             2         23

Mex. Occ. . . .                 141      2          9          64        147      72        283      17.979             1         31

Norte                               160      7          4          38        142      55        235      9.036   3         17

N.D. Hermitage .           21        6          –           19        131      83        283      7.919   2          31

N. Zelande . .                  42        –           16        69        132      86        287      10.396             5          31

Perou                              128      8          –          44        56        47        147      8.312   1          14

Porto Alegre      .            40        –          4          7          123      53        183      18.708             4          17

Poughkeepsie . .           –           21        –           46        112      94        252      13.109             5          21

Rio                                  89        –           8          7          53        69        129      14.129             2          15

St. Genis-Laval .            17        –           –           30        169      85        284      10.494             6          37

Sta. Catarina . .             120      10        10        18        54        19        91        5.168   1          14

Sta. Maria .        .            102      4          –           22        96        25        143      8.419   3          15

Sao Paulo . . .                92        –           5          12        60        63        135      14.288. 2         16

Sud-Est . . . .                   67        –           –          7          57        37        101      3.289   2          9

Sydney                            40        25        27        79        242      99        420      17.001             5         36

Varennes . . . .                63        2          –           15        48        57        120      5.228   2          12

Ceylan                             17        –           3          16        19        12        47        4.880   –           7

Liban-Syrie . .                47        1          –           4          17        22        43        4.519   1          5

Madagascar      .            23        5          1          14        22        14        50        5.117   0          10

Philippines . .                 28        10        2          23        22        17        62        8.546   1          9

Portugal . . .                    156      –           2          14        45        32        91        3.608   –           12

Suisse-M. . . , .              5          –           –           1          20        19        40        732      –          5

Uruguay . . . .                  55        –           18        –           27        27        72        2.865   –           8

Venezuela . . .                210      6          2          18        44        18        80        3.735     –         9

Totaux (1-1-71) .            5040 264        200      1394    4512 2646      8552 439.193 110 857

             (1-1-70) .            5276 235        177      1663    4690 2699      9052    416.184 90 858

Différence . . .                 -236     29        23        -269     -178     -53 -500          23.       009 20     -1
 

 

LISTE DES FRÈRES

défunts depuis février 1970

 

Nom et âge des défunts                                    Lieu de décès                  Date du décès

 

F. Abélus (G. Parent)                             94 S    Tyngsboro (Etats-Unis)          3 févr. 1970

F. Louis Cléophas (C. Veilleux)           71 S    Chàteau Richer (Canada)      7 »       »

F. Jean Etienne (C. Arsac)                    65 S    Nouméa (Nlle. Calédonie)     8 »       »

F. Gabriel Louis (W. Page)                   77 P    Durban (Afrique du Sud)        9 »       »

F. Pedro Miguel (P. Lacheta)               57 S    Sevilla (Espagne)                   9 »       »

F. Guillaume (G. Boily)                           77 P    Pontos (Espagne)                   19 »     »

F. Valérius (G. Delphon)                       85 S    Alma (Canada)                        10 »     »

F. Romuald (M. Lippinois)                     05 P    Beaucamps (France)19 »     »

   F. Màximo Timoteo (G. Gibert)          76 S    La Cortiña (Espagne)             21 »     »

F. Louis Martial (L. Germain)                90 S    Ribeiro Preto (Brésil)21 »     »

F. Adrien Camille (Dussault)                 61 P    Lévis (Canada)                        2 mars 1970

F. Angel Michel (M. Rousos)                 41 P    Athènes (Grèce)                      2 »       »

F. Lesmes Angel (L. Reliegos)                55 S    Bogotà (Colombie)                 8 »       »

F. Walter (W. Milan)                               28 T     Farroupilha (Brésil)                 10 »     »

F. José Rafael (R. Leon)                       86 S    Palmira (Colombia)                 11 »     »

   F. François Ernest (F. Coutaud)        68 P    St. Paul-3-Châteaux (France)   19 »     »

F. Michael (Duan)                                  30 P    Glasgow (Ecosse)                   2 avril 1970

F. Anthony Louis (H. Masse)                 39 P    New York (Etats-Unis)            3 »       »

F. Armand Victor (E. Gébus)                90 S    Péruwelz (Belgique)                4 »       »

F. Paul Constant (M. Mailhot)                63 S    Salisbury (Rodhésie)5 »       »

F. Rogelio Maria (D. Alegre)                 69 P    Blancotte (France)                   6 »       »

   F. William Bertrand (L. Molloy)           87 S    Drummoyne (Australie)          6 »       »

F. Théodart (A. Desruelles)                   83 P    Beaucamps (France)11 »     »

F. Pascal Philip (G. Douglas)               66 P    Hokitika (Nlle. Zélande)          11 »     »

F. Maurice Pierre (P. Hermet)             69 P    Champville (Liban)                  13 »     »

F. Bernard Rémi (V. Lemaen)             72 S    Watsa (Congo)                        13 »     »

F. Thomas Francis (E. Doolan)            60 S    Randwick (Australia)              17 »     »

F. Armengol (S. Pérez)                         70 P    Lima (Pérou)                            25 »     »

   F. Marie Eubert (G. Schumacher)     50 P   Beaucamps (France)26 »     »

F. Luperque (D. Ewing)                         54 S    Glasgow (Ecosse)                   29 »     »

F. Justin Joseph (J. André)                   71 P    St. Genis-Laval (France)        30 »     »

F. Conal (P. Murphy)                              65 S    Pietermaritsburg (Afr)             5 mai 1970

F. Junien (J. Lafaurie)                            83 P    Iberville (Canada)                    11 »     »

F. Tommasi (Bonnet)                             90 S    Mexico (Mexique)                   11 »     »

F. Arthur (Cloutier)                                 70 P    Lowel, Mass. (Etats-Unis)      14 »     »

F. Marie Camille (J. Dupré)                   78 S    St. Genis-Laval (France)        18 »     »

F. Nicodémus (A. Hegenbarth)            76 S    Santa Maria (Brésil)               18 »     »

F. Victor Mauro (NI. Anton)                   60 S    Huelva, (Espagne)                  20 »     »

F. Pedro Luiz (J. Stefani)                      80 S    Viamâo (Brésil)                       20 »     »

   F. Ephrem Anselm (T. Saunders)      56 S    Campbelltoun (Australie)       22 »     »

F. Marie Berchmans (J. Roux)             89 S    St. Genis-Laval (France)        25 »     »

F. Balmey (Dernat)                                89 S    Mexico (Mexique)                   29 »     »

   F. Joseph Damien (C. Debruyne)   77 S       Hoeselt (Belgique)                  31 »     »

F. Augustin William (W. Hartshorn)         90 S    Wanganui (Nlle. Zélande)       2 juin 1970

   F. Désiré Alphonse (Ch. Herbaux)  83 S      Viamâo (Brésil)                       10 »     »

F. Ciro (T. Polidori)                                74 S    Genova (halle)                         13 »     »

F. José Lorenzo (J. Huerga)                 69 S    Tuy (Espagne)                         17 »     »

F. Bonosio Félix (F. Redondo)                 41 P    Tùy (Espagne)                         17 »     »

F. Marie Stanislas (L. Mueller)             83 S    Viamâo (Brésil)                       20 »     »

F. Roberto (R. Soto Taro)                     22 P    Bogota (Colombie)                 24 »     »

F. Louis Basilide (J. Blayon)                 88 S    St. Genis-Laval (France)        26 »     »

F. Rufino Luis (M.I. Arango)                  61 S    Pasto (Colombie)                   29 »     »

F. Paul Philibert (J. La Rochelle)          63 S    New York (Etats Unis)            29 »     »

F. Ignacio Esteban (E. Irizar)                74 S    Bilbao (Espagne)                    30 »     »

F. Joannès Eugène (J. Minot)               68 S    Varennes (France)                  9 juillet 1970

F. Roger (R. Bagares)                            27 P    Manila (Philippines)                11 »     »

F. Amable (Beyssier)                            91 S    Popayân (Colombie)               13 »     »

   F. Charles Borromée (T. Veilleux)     75 S    Beauceville (Canada)             15 »     »

   F. Ambroise Michel (H. Gavelle)        84 S    Viamâo (Brésil)                       18 »     »

F. Matthew Mary (J. Cody)                    80 S    Auckland (N.lle Zélande)        22 »     »

F. Manuel Pedro (P. Corral)                 65 S    Castilleja de la Cuesta (Esp)    22 »     »

F. Jules Baptiste (P. Cuny)                   75 S    Rio de Janeiro (Brésil)           25 »     »

F. Victor Luis (J. Tresserras)                76 S    Barcelona (Espagne)29 »     »

F. Joannès (J. Grataloup)                     59 S    St. Genis-Laval (France)        30 »     »

F. Hipolito José (J. Bolado)                  50 P    Bayamon (Porto Rico)            6 août 1970

F. José Honorato (P. Dellmans)           82 S    Bogotà (Colombie)                 9          »

F. Samuel nias (E. Mejia)                      51 P    Furth (Allemagne)                    13 »     »

F. Pirmin (A. Meixner)                            38 P    Lujàn (Argentine)                     13 »

F. André Gabriel (G. Robbe)                71 S    St. Genis-Laval (France)        16 »     »

F. Cyrille Victor (C. Carrier)                  64 P    Iberville (Canada)                    18 »     »

F. Georges Léon (H. Séringer)              70 S    Pago-Pago (Samoa)              18 »     »

F. Louis Benedict (J. Hughes)             88 S    Hong-Kong (Chine)                 20 »     »

F. Heraclio Paulo (J. Fritzen)                51 P    Novo Hamburgo (Brésil)        21 »

F. Nivardo (P. Navia)                             82 S    Cali (Colombie)                       26 »     »

F. Placidus Alois (A. Engbarth)            67 S    Furth (Allemagne)                   11 sept. 1970

F. Marie Evremond (C. Puget)             87 5     Mendes (Brésil)                       12 »     »

F. Luis Enrique (L. Pérez)                     35 P    Guatemala (Guatemala)         13 »     »

F. Paul Stratonic (R. Lelièvre)               78 5     Chateau Richer (Canada)      14 »     »

F. Eric Arthur (J. Riederer)                    54 P    Santa Maria (Brésil)               16 »     »

F. Luis Manuel (L. Nates)                      89 S    Querétaro (Mexique)              22 »     D

F. Celso Fidel (S. Goizueta)                 83 S    Lujàn (Argentine)                     28 »     »

F. Faustino Romàn (R. Gil Moral)        64 S    Logroño (Espagne)                30 »     »

F. Henri Etienne (D. Roberge)             76 S    Iberville (Canada)                    2 oct. 1970

F. Romualdus (P. Gounon)                   75 P    St. Paul-3-Châteaux (France)   3 »

F. Aredius (R. Ranchon)                        85 S    Apipucos (Brésil)                    4 »       »

F. Stephen Damian (R. Doyle)             38 5     Esopus (Etats Unis)                9 »

F. Hilario Martin (P. Gratacos)             78 S    Tùy (Espagne)                         10 »

F. Jowan Marcel (M. Chang The Chong62 P     Kaohsiung (Formose)            13 »    

F. Hugo Danilo (J. Simon)                    55 S    Rio de Janeiro (Brésil)           18 »

F. Pascasio Tomàs (F. Gonzâ)            76 P    Mureia (Espagne)

F. Jean Ferdinand (N. Bernier)            66 P    Alma (Canada)

F. Juan Marciano (M. Bajo Villace)      69 S    Castilleja de la Cuesta (Esp) 23 »

   F. Leandro Miguel (O. Kunrath)         68 S    Jaraguà (Brésil)                      27 »

F. Jean de Britto (A. Stengle)               73 S    Vaduz (Liechtenstein)             31 »     '

F. Emile Meinrad (E. Budian)               83 S    Furth (Allemagne)                   31 »

F. Justiniano (F. Garcia)                       68 S    Santiago de Chile (Chili)        24 nov. 1970 •

F. José Paulino (J. Andrade)                78 S    Uberaba (Brésil)                     27 »     »

F. Joseph Prudence (Alosserie)          61 S    Beaucamps (France)28 »     »

F. Lysimaque (Jh. Deldon)                    88 S    St. Paul-3-Châteaux (France)   30 »     »

F. Marius Stanislas (M. Bertholon)       73 S    St. Genis-Laval (France)        17 déc. 1970

F. Mary Egbert (M. Jackson)                90 S    Christchurch (N.lle Zélande) 17 »      »

F. Huberto (M. Manso)                          73 P    Logroño (Espagne)                19 »     »

F. Benedito (B. Henz)                            54 P    Santo Angelo (Brésil)             20 »     »

F. Henry Joseph (F. Gaffney)                93 S    Hunter's Hill (Australie)           25 »     »

F. Magnus George (Collins)                 60 S    Dumfries (Ecosse)                  31 »     »

F. Pierre Eloi (P. Herman)                    73 P    Arlon (Belgique)                      5 jan. 1971

F. André Dotti (F. Etchemaite)             43 P    Nouméa (Nouvelle Calédonie) 5 »    »

   F. Gabriel Edouard (J. Bte Suin)       70 P    Péruwelz (Belgique)                8 »       »

F. Joseph Gérald (J. Ruthing)               80 S    Apipucos (Brésil)        1          5 »       »

F. Henri Noël (J. Bte. Bonnet)               89 S    N. D. Hermitage (France)      17 »     »

F. Clare (J. Handley)                              71 S    Glasgow (Ecosse)                  19 »     »

   F. Abdon Chanel (R. Krasousky)       59 S    Fortaleza (Brésil)                    19 »     »

F. Joseph Nicolas (J. Kopp)                 75 S    St. Genis Laval (France)        30 »     »

F. Miguel (J. Angel-Ayats)                     75 S    Tùy (Espagne)                         8 févr. 1971

F. Celso Rafael (S. Alemparte)            54 P    La Coruña (Espagne)             11        »

   F. François de Sales (F. Gaume)      82 S    St. Paul-3-Châteaux (France) 12 »   »

F. Navitus (M. Roux)                              87 S    Mexico (Mexique)                    13 »     »

F. Jouoche Jeuloeul (J. Ho TcheTchong) 82 S    Singapore (Singapore)          17 »     »

F. Gabriel Victor (G Labroy)                  88 S    Beaucamps (France)17 »     »

F. Cassius Joseph (B. Doyle)               43 P    Bendigo (Australie)                 25 »     »

F. Marie Gonzalés (R. Paris)                82 P    St. Paul-3-Châteaux (France) 26 »   »

F. Placide Louis (P. Clavien)                71 S    St. Gingolph (Suisse)27 »     »

F. Sérvulo (E. Pérez)                             87 S    Sigüenza (Espagne)               4 mars 1971

F. José Macario (J. Paz)                       51 P    Armenia, (Colombie)             6 »       »

F. Luis Clementino (R. Pozo)                72 P    Logroño Espagne                   11 »     »

   F. Hyginus Anthony (H. Hardge)        76 P    Westmead (Australie)            13 »     »

   F. Sebastiàn Adelino (S. Cuñado)    74 s    Badalona (Espagne)               16 »     »

F. Roger (Riordan)                                 30 P    Bendigo (Australie)                 17 »     »

F. Edouard Jean (E. També)                64 S    Dik el Mehdi (Liban)                21 »     »

 F. Marie Thadée (E. Rakotomanga) 54 S      Tananarive (Madagascar)     23 »     »

F. Servasio (T. Carvajal)                       82 S    Mérida (Mexique)                    3 avril 1971

F. Mary Eusebius (F. Murray)                91 P    Sydney (Australie)                   8 »       »

F. Bernardo Lean (L. Gabioud)            72 S    Torino (Italie)                            12 »     »

   F. Joseph Alfred (J. Dechenaux)       84 S    St. Genis Laval (France)        15 »     »

   F. Teodoro Matias (T. Fernàndez)    55 P    Lérida (Espagne)                    16 »     »

F. Jean Martin (J. Drexler)                     76 P    Blancotte (France)                   17 »     »

   F. Rodriguez da Cunha (Leopoldo) 23 T      Rio de Janeiro (Brésil)           18 »     »

F. Marie Fabien (M. Reynaud)             89 S    Varennes (France)     '            24 »     »

F. Félix Amadeo (D. Vazquez)                71 S    Blancotte (France)                   25 »     »

F. Amedeo (G. Ferrand)                        75 S    St. Paul-3-Châteaux (France) 6 mai 1971

   F. Paul Acyndinus (Ch. Duclau)         79 S    Tyngsboro (Etats Unis)           8 »       »

F. Amadeo (A. Garcia)                          83 P    Tùy (Espagne)                         15 »     »

F. Joseph Antonin (A. Chalendar)        83 S    N. D. Hermitage (France)      18 »     »

F. Victor Placido (J. Oliveira)               54 P    Mendes (Brésil)                       31 »     »

 

                            Soit 7.473 frères défunts depuis le commencement de l'Institut.

 


[1]:Il existe encore d'autres attitudes :la lâcheté, la témérité, l'esprit d'aventure ; celles-là je les exclus. Par contre, l'audace est la vertu propre des situations de changement, puisqu'elle sait affronter les risques nécessaires et éviter les dangers inutiles. 

[2]:Dans quelques Provinces on a calculé qu'un Frère doit travailler au moins 10 ans pour couvrir les frais de sa formation. Avec ces données, nous pouvons calculer ce que représente du point de vue économique une perte de 5, 10 vocations en un an dans une Province. Et en 10 ans ? C'est une considération, matérialiste peut-être, mais qui doit faire réfléchir sur le peu d'objectivité de certains autres calculs. 

[3]:Que nous soyons d'accord ou non avec la pensée et la terminologie de Teilhard de Chardin, nous pouvons dire qu'il a été le contemplatif passionné, non d'un Dieu transcendant et étranger au monde, mais d'un Dieu «plongé » dans le monde, pour récapituler toute la réalité dans le Christ par la « christification » du monde. Il est le prototype du chrétien vraiment contemplatif.

[4]:Ne pas confondre convenance avec désir, 

[5]:Il s'agit de cas réels, mais limites, et pas très nombreux. Il faut savoir distinguer ce qui est humainement et socialement sain dans les inquiétudes sociales et personnelles pour une nouvelle orientation, ce qui est chrétiennement et charismatiquement authentique, de ce qui ne l'est pas. Selon qu'il s'agit de l'un ou l'autre cas, l'acceptation de ces impulsions sera une progression ou une régression, même si dans le deuxième cas on les revêt d'un grand apparat technique ou si on fournit des schémas de justification. 

[6]:Il y a des cas où ces Frères diplômés ne quittent pas, mais deviennent dans la Province des causes de malaise, par ambition indéfinie « d'autopromotion » et de réalisation personnelle. Ils ne devraient pas oublier que leur promotion est le fruit d'un amour altruiste de leurs Frères, amour non de sensiblerie, mais viril et effectif ; le moins qu'ils puissent faire, c'est de réaliser leur prophétisme avec charité et authenticité, et en se souvenant, dans les dialogues, qu'ils luttent avec des armes inégales puisqu'ils se sont formés de façon privilégiée. 

[7]:Il ne faut pas oublier que je ne signale ici que les problèmes. Le positif ne manque pas pour autant et bien des espérances d'hier sont devenues de splendides réalités. 

[8]:Dans les endroits où on a laissé les choses évoluer normale-ment, on a l'impression que les générations même les plus jeunes ont dépassé cette étape ; ce n'est pas qu'elles aient vieilli, mais elles sont réconciliées avec le passé, convaincues que les choses s'amélioreront. Ayons le tact suffisant pour ne pas les exaspérer. 

[9]:J'ai affirmé la nécessité de quitter l'Institut, pour un religieux qui ne serait pas disposé à obéir au Saint-Siège dans les matières où celui-ci a le droit d'enseigner et de commander (cf. Cire. du 2-1-1698, Ed. franç. p. 354ss., 534, surtout paragraphe a) des pages 529-530). On pourrait bien appliquer ici les paroles du Supérieur Général d'un grand Institut religieux parlant de l'objection de conscience devant l'obéissance :celui qui se trouve assez souvent dans l'impossibilité de concilier sa conscience personnelle avec les options de ses Supérieurs, dûment dialoguées, doit en conclure que très vraisemblablement il n'est pas fait pour notre vie. 

[10]:Le dialogue dans un climat de respect, d'amour et de foi s'avère comme le chemin le plus apte. Je n'ai pas de contacts personnels assez fréquents au sujet des relations pratiques avec l'épiscopat. Pourtant je tiens à dire ceci :jamais de la part du Saint-Siège, les occasions pour le dialogue dans le sens indiqué, ne m'ont manqué ; et j'ajoute :j'ai toujours trouvé les conditions d'ouverture qu'on pouvait désirer et qui ont toujours abouti au dialogue, malgré d'éventuelles divergences sur certains points de vue, ainsi qu'à une meilleure entente et un plus grand amour. J'ai néanmoins dit tout ce que je devais dire et on m'a toujours accueilli avec bonté. 

[11]:En plus de celles qui ont déjà été suggérées, et comme complément ou éclaircissement.

 

RETOUR

Circulaires 378...

SUIVANT

Circulaires 380...