Circulaires 62

François

1857-06-21

062

51.01.01.1857.2

 1857/06/21

 J. M. J.

Notre-Dame de l'Hermitage, le 21 juin 1857.

    Mes très chers Frères

 Notre-Seigneur Jésus-Christ, après avoir adressé à ses Apôtres l'admirable discours de la Cène, qu'on peut regarder comme son testament spirituel, ajouta ces paroles, qui en sont comme le résumé : Je vous ai dit ceci, afin que vous ayez la paix en moi ; car vous aurez bien à souffrir dans le monde ; mais ayez confiance, j'ai vaincu le monde. (Jean, XVI.) Chacun de nous, M. T. C. F., peut se représenter que ces mêmes paroles lui soient adressées personnellement ; c'est-à-dire que chacun de nous doit s'attendre à éprouver des peines, des afflictions des contradictions en ce monde, mais aussi avoir confiance que par Jésus-Christ et en Jésus-Christ, il remportera toujours la victoire, et jouira de la véritable Poix.

 C'est ce que les Apôtres ont éprouvé et ce qu'ils nous répètent continuellement dans leurs épîtres. Il semble que Dieu nous traite comme les derniers des hommes, dit saint Paul, nous faisant servir de spectacle au monde, aux Anges et aux hommes (1, Cor., 4). Mais parmi tous ces maux, nous demeurons victorieux par la vertu de Celui qui nous a aimés : (Rom., 8.)car, ajoute-t-il, bien que pressés par foules sortes d'afflictions, nous n'en sommes pas accablés ; et,, quoique nous nous trouvions quelquefois dans (les difficultés insurmontables, nous n'y succombons pas et nous ne perdons jamais courage ; sachant que les afflictions, si courtes et si légères de la vie présente, nous produisent le poids éternel d'une sublime et incomparable gloire. (Il Cor., 4.)

 Ce qui est agréable à Dieu, dit saint Pierre, c'est que, dans la vue de lui plaire, nous endurions les maux et les peines qu'on nous fait souffrir même injustement. Vous devez donc alors vous réjouir de ce que vous avez part aux souffrances de Jésus-Christ, afin que vous soyez aussi comblés de joie dans la manifestation de sa gloire : car, après que vous aurez un peu souffert, le Dieu de toute grâce qui vous a appelés en Jésus Christ, à son éternelle gloire, vous perfectionnera vous fortifiera et vous affermira comme sur un solide fondement. (1. Pierre, 3, 4, 5.)

 Jésus-Christ Notre Seigneur, dit l'auteur de l'Imitation, n'a pas été une seule heure sans souffrir de la douleur. Toute sa vie n'a été qu'une croix et un martyre continuels. C'est ce qui lui a fait dire: Il fallait que le Christ souffrît et qu'il entrât ainsi dans sa gloire. (Luc, 24.) Et qui d'entre les Saints s'est vu en ce monde sans afflictions et sans croix ? (Imit., I. III. c. 12.) En effet, rien ne montre mieux la vertu de l'homme que l'adversité. On remarque que les plus grands Saints ont tous été des hommes de prière et de pénitence. Ils ont servi Dieu dans la faim et dans la soif, dans le travail et dans les fatigues, dans les jeûnes et dans les mortifications, dans les prières et les méditations saintes, et dans une infinité de persécutions et d'humiliations. (Imit., I. I, C. 18.)

 Après cela, que penser d'un Religieux qui ne juge de sa vocation que par le plus ou le moins de bien-être, de satisfaction, de contentement et de consolation qu'il y éprouve, et qui est sans cesse à marchander et à examiner s'il ne pourrait pas se procurer plus de jouissances dans le siècle que dans la vie religieuse ; qui ne s'occupe que de son corps et de la vie animale, ne se mettant que fort peu en peine de son âme et de son éternité? On peut dire que c'est un fantôme, un squelette de Religieux, qui n'en a que le nom et l'habit, et qui bientôt perdra l'un et l'autre. Car pour être bon Religieux, et persévérer dans cet état, il faut avoir l'âme plus grande et plus élevée, les sentiments plus nobles et plus spirituels ; il faut avoir plus de soin de son âme que de son corps, et s'inquiéter moins d'acquérir, dans la vie religieuse, les biens du temps que ceux de l'éternité. Celui qui, dans la vie religieuse, cherche quelque autre chose que Dieu et le salut de son âme, ajoute l'Auteur de l'Imitation, ne trouvera que de l'affliction et de la douleur. C'est là, en effet, que les hommes sont éprouvés comme l'or dans la fournaise. C'est là que personne ne peut persévérer, s'il n'est résolu de s'humilier de tout son cœur pour l'amour de Dieu. (Imit., I. I. C. 17.)

 En effet, M. T. C. F., vous savez par expérience qu'il faut beaucoup prendre sur soi, se retenir et se vaincre dans bien des occasions pour vivre heureux et content dans une Communauté ou une Maison religieuse, pour travailler efficacement à sa perfection et à son salut. Souvent le caractère, les humeurs et les sentiments des personnes avec qui l'on vit, sont opposés aux nôtres, et il faut que la grâce entretienne la paix et la charité, par la force qu'elle inspire, pour vivre ainsi, dans une constante abnégation de soi-même, dans l'esprit de pénitence et de mortification. Ce n'est pas une grande vertu de vivre avec des personnes douces et paisibles, cela plaît naturellement à tout le monde; mais c'est l'effet d'une grande grâce et d'une vertu mâle et héroïque de pouvoir vivre paisiblement avec des personnes dures et qui nous contredisent sans cesse. (Imit., I., II, C. 5.)

 Toutefois, il est certain que le Religieux qui a bien l'esprit de son état, qui fait ses exercices et observe sa Règle avec fidélité, jouit, même au milieu des peines, des sécheresses et des contradictions, d'une paix, d'un bonheur et d'un contentement inconnus à celui qui se laisse aller à ses humeurs, et qui néglige ses devoirs. Fort de ce principe : il n'y a de vrai mal que le péché, ni de vrai bien que la vertu, et sachant que par le secours de Dieu, qui ne lui manque jamais, il peut toujours éviter le péché et pratiquer la vertu, il regarde le reste comme peu important ; il ne s'en trouble et ne s'en émeut pas. Tandis qu'au contraire, celui qui dorlote son corps et flatte ses passions, s'inquiète et s'émeut à la moindre peine et contrariété qui lui arrive, et sa vie est continuellement partagée entre le désir, la crainte et le remords ; il ne rêve que changements, il court sans cesse après des fantômes, et n'éprouve que chagrin et déception.

 L'humble de cœur, dit encore l'auteur de l'Imitation, conserve une grande paix dans tout ce qui peut lui causer de la confusion et du trouble ; parce que le monde ne lui est rien et qu'il ne s'appuie qu'en Dieu seul. Quand vous serez parvenu à ce point, de trouver les afflictions douces et de les supporter avec joie pour l'amour de Jésus-Christ, croyez alors que vous serez véritablement heureux, et que vous aurez trouvé le paradis en ce monde. Mais, tant que vous aurez de la peine à souffrir, et que vous tâcherez de l'éviter, vous serez toujours dans l'inquiétude, et le mal que vous fuirez vous suivra partout. (Imit., I. II, c. 2, 12).

 Je sais bien, M. T. C. F., que vous êtes pénétrés de ces maximes, et que vous en faites la règle ordinaire de vos sentiments et de votre conduite. Si je vous les rappelle ici, c'est pour vous affermir de plus en plus dans ces heureuses dispositions, et prévenir les dangers et les illusions auxquels vous pourriez être exposés de la part du monde et du démon, qui, comme vous le savez, cachent ordinairement l'épine sous la fleur, et mettent partout des souricières et des appâts pour surprendre et attraper ceux qui ne cherchent que les satisfactions des sens. C'est pourquoi, à l'exemple de l'Apôtre saint Pierre, je tâche de réveiller vos âmes simples et sincères (11.Pierre, c. 5) et comme lui, je vous recommande d'être sobres et tempérants, de vous conduire avec sagesse et discrétion, de veiller et de persévérer dans la prière : car le démon, voire ennemi, tourne sans cesse autour de vous, comme un lion rugissant, cherchant qui il pourra dévorer. Résistez-lui donc aussi toujours en demeurant fermes dans la foi et dans l'observance des règles de votre état, sachant que vos Frères qui sont répandus dans le monde, ont les mêmes afflictions que vous, et vous animant ainsi par leur exemple à imiter leur patience leur courage et leur générosité. (1-5.)

 Il est vrai que la vie d'un bon Religieux est une croix continuelle, dit l'auteur de l’Imitation, mais c'est une croix qui mène au paradis. Nous avons embrassé cette croix pour Jésus, persévérons-y pour Jésus : il est notre chef et notre guide et il sera aussi notre soutien et notre force. (Imit., I. III, c. 56.) Il comblera de grâces et de faveurs ceux qui se seront soumis de bon cœur à cette servitude ; et ceux qui, pour son amour, auront rejeté les vaines satisfactions de la chair et toutes les sollicitudes du siècle, pour marcher dans la voie étroite, y trouveront les douces consolations du Saint-Esprit et la véritable liberté du cœur. (Ib. 10).

 Nous avons la douce confiance, M. T. C. F., de vous voir tous arriver à la Retraite dans ces saintes dispositions, pour bien profiter de ce temps de grâce et de salut.

 Pour la province du Centre, les Retraites se feront à Notre-Dame de l'Hermitage, comme les années précédentes.

 La première commencera le jeudi 27 août, et la seconde, le mardi 15 septembre. Les classes, dans tous les Etablissements de la province, pourront se terminer le 22 août, et les Frères auront les deux jours qui précèdent, les Retraites pour se rendre à la Maison-Mère.

 Tous les Frères des Etablissements, où l'on reçoit des Pensionnaires et demi-pensionnaires, viendront à la première Retraite. Les autres seront pour la seconde, à moins qu'ils n'aient reçu, en particulier, un avis contraire.

 Dans la province du Nord, la Retraite commencera le mardi 1ierseptembre. Dans celle du Midi, elle est fixée pour la Bégude au 8 septembre ; et pour Saint-Paul-trois-Châteaux, au 23 du même mois. Dans les Etablissements de ces provinces, les classes se termineront à la fin d'août et recommenceront le 5 octobre.

 Dans la province de l'Ouest, la Retraite commencera le 1ier octobre, et les vacances auront lieu pendant le même mois.

 Les Frères se rendront à chaque Maison de Noviciat, les deux ou trois jours qui précèdent l'ouverture de la retraites

 Je désire, M. T. C. F., que chacun de vous se prépare à la Retraite par un redoublement de ferveur, de zèle et de régularité, surtout pendant le mois d'août qui, comme vous le savez, est consacré spécialement à honorer le glorieux triomphe de notre bonne Mère. Tâchons, à cette occasion, de donner à Marie tous les témoignages possibles d'amour, de respect et de reconnaissance, et efforçons-nous de mériter de plus en plus que cette Auguste Vierge nous bénisse, nous conserve, nous multiplie et nous assiste dans tous nos besoins spirituels et temporels. A cette fin, nous réciterons pendant neuf jours, à dater de la fête de l'Assomption, le Veni Creator et l'Ave maris Stella, après la prière du soir, pour demander la grâce de faire une bonne Retraite et de bien passer le temps des vacances, sous la protection de notre aimable Mère.

 Oh ! que nous sommes heureux, M. T. C. F., d'être ainsi sous la protection continuelle de Marie, de reconnaître Marie pour notre première Supérieure et d'avoir en Marie tout notre appui, toutes nos espérances et toutes nos consolations ! Que notre confiance en Marie soit sans borne et sans mesure, comme sa clémence et son pouvoir. Que notre zèle pour la faire connaître, aimer et honorer, ne soit arrêté par aucune difficulté, ne recule devant aucun effort.

 N'oublions pas, en outre, M. T. C. F., que le grand moyen de faire du bien parmi les enfants et de les gagner à Dieu, c'est de les recommander à Marie et de leur inspirer envers elle une grande et véritable dévotion. Recourons donc à cette tendre Mère dans toutes nos peines et nos difficultés confions-lui toutes nos espérances et nos consolations elle relèvera notre courage et bénira nos travaux.

 Je vous recommande bien aussi la dévotion aux âmes du purgatoire : cette dévotion qui est si agréable à Dieu et si douce au cœur chrétien et religieux, qui est toute de charité, d'amour et de compassion, et qui d'ailleurs nous est si avantageuse.

 Tâchez donc de faire toujours avec beaucoup de piété toutes les prières et les œuvres prescrites par notre Règle pour le soulagement des âmes des fidèles trépassés.

 Je vous recommande spécialement ceux d'entre nos Frères qui sont morts depuis notre précédente Circulaire et dont voici les noms :

 F. Finieu, V.-O., décédé à Saint-Paul-trois-Châteaux, le 11 avril.

F. Daniel, V.-O., décédé à Marguerittes, le 30 mars.

F. Abile, décédé à La Bégude, le 21 avril.

F. Théogone, Novice, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage, le 27 Mai.

F. Urbain, Profès des quatre vœux, décédé à Saint Bausille[1], le 14 juin.

F. Sirice, V.-O., décédé à Lyon, le 18 juin.

 Les Frères Profès, à qui la liste de ceux qui demandent l'admission aux vœux est adressée, auront soin de se bien conformer aux prescriptions de la Règle et aux avis que nous leur avons donnés à ce sujet dans notre Circulaire de 1855.

 Je termine, M. T. C. F., par ces paroles de l'Apôtre à ses chers enfants de Thessalonique : Que le Seigneur vous lasse croître de plus en plus dans la, charité que vous avez les uns envers les autres et envers tout le monde ; qu'il affermisse vos cœurs en vous rendant irréprochables par la sainteté de voire vie devant Dieu, notre père, au jour où Jésus-Christ paraîtra avec tous ses Saints. (1. Thessal., 3.)

 Je suis avec une bien tendre affection,

Mes Très Chers Frères,

Votre très humble et très dévoué Frère et serviteur,

     F. François.

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[1]:  Actuellement:St.Bauzille de Putois. N.D.L.R..

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