Circulaires 66

François

1858-12-25

066

51.01.01.1858.3 

1858/12/25 

Saint-Genis-Laval, le 25 décembre 1858. 

Aux Frères de l'Océanie. 

   Mes bien chers Frères,

 J'aurais bien voulu profiter du départ de nos Frères pour l'Océanie, pour vous envoyer à chacun une lettre détaillée sur tout ce qui s'est passé de remarquable dans l'Institut depuis l'époque où je vous ai écrit l'an passé ; au mois de janvier, mais je ne l'ai pu, soit à cause de mon voyage de Rome, soit à raison des retraites des Frères, qui ont pris tout mon temps. Toutefois, pour vous dédommager un peu de cette privation, je vous ai envoyé, en attendant, quelques circulaires imprimées avec un mémoire sur l'Institut, que nous avons fait à l'occasion de nos démarches pour obtenir l'approbation du Saint-Siège. J'y ai joint quelques médailles indulgenciées par N. S. P. le Pape, et que je donne aux Frères comme souvenir.

 Depuis longtemps, mes bien chers Frères, nous nous occupons de l'approbation de l'Institut par le Saint-Siège, et à mesure que le nombre des Frères augmente, que les Etablissements se multiplient et que nous nous étendons en divers pays, nous en sentons davantage l'importance et la nécessité pour fortifier de plus en plus le centre de la Congrégation et l'autorité des Supérieurs, et pour assurer une marche unique et invariable dans le gouvernement de l'Institut. Mais pour faire cette démarche avec plus de confiance et en retirer un plus grand avantage, nous avons voulu prendre le temps nécessaire non seulement pour compléter et pour bien coordonner les Règles et les Constitutions, mais encore pour les éprouver et en avoir la pratique et l'expérience de plusieurs années, suivant les exemples que nous a constamment donnés notre vénéré Fondateur, toutes les fois qu'il s'agissait d'adopter définitivement quelques articles de Règle.

 Il est vrai que nous avons déjà été proposés à l'approbation du Saint-Siège, en 1836, conjointement avec les Pères Maristes, par le R. P. Colin, qui était alors Supérieur Général des uns et des autres. Mais Rome jugea à propos d'en faire deux Sociétés distinctes, car le cardinal chargé d'examiner cette affaire, considérant que les Pères et les Frères étaient déjà bien nombreux et avaient' un but et des emplois bien différents, fut d'avis qu'un, seul et même Supérieur ne pouvait tout gouverner, et que chaque branche, ayant besoin d'une direction spéciale, devait aussi avoir un Supérieur particulier. La cause des Pères ayant été ainsi séparée de celle des Frères, le Saint-Siège se contenta pour lors d'approuver la Société des Pères, en lui confiant les missions de l'Océanie.

 Cette décision de Rome nous avait d'abord un peu contrariés, néanmoins nous l'avons reçue avec une respectueuse soumission comme émanée de l'autorité de l'Eglise, et devant, par conséquent contribuer à l'avantage et au plus grand bien des deux Congrégations. C'est aussi ce que nous a dit le R. P. Colin, en rappelant toutes ces choses au Chapitre Général en 1852. En effet, vous savez, mes bien chers Frères qu'il n'y a rien eu de changé, ni même de dérangé dans la marche ordinaire des deux Sociétés, et qu'elles ont continué d'être unies et de se rendre de mutuels services comme auparavant. Le R. P. Colin nous a toujours témoigné la même bonté, la même sollicitude et le même attachement et il nous en a donné des preuves en toute occasion, et spécialement encore ces dernières années, en assistant à plusieurs de nos retraites. Le R. P. Fabre est aussi admirable de bonté et de tendresse paternelle pour nous. En tout et partout il prend nos intérêts, et il nous rend tous les services possibles.

 Cette union et ces rapports d'intimité avec les Pères nous ont été très utiles à Rome ; et N. S. P. le Pape, à qui nous en avons parlé, dès notre première audience, en a paru content et en désire la continuation. Sa Sainteté nous en a donné une preuve évidente en chargeant le cardinal Barnabo, Préfet de la Congrégation de la Propagande, d'examiner les pièces que nous lui avons remises, et de lui en faire le rapport. C'est ce que ce bon cardinal a fait, avec beaucoup d'intérêt et de bienveillance, car il connaît et estime beaucoup les Pères Maristes, et il nous a témoigné plusieurs fois combien il a été satisfait de ses rapports avec le R. P. Favre au sujet des Missions de l'Océanie. Aussi nous le voyions souvent pendant notre séjour à Rome. Son Eminence nous recevait toujours avec une extrême bonté et nous donnait volontiers les renseignements qui pouvaient nous être utiles ou agréables…

 Actuellement encore on peut dire que notre cause est, en quelque sorte, identifiée à Rome avec celle des Pères ; car non seulement c'est la même Congrégation qui est chargée d'examiner les Règles et les Constitutions des deux Sociétés, mais c'est encore le même Consulteur qui doit en faire les rapports. Le R. P. Favre va bientôt se rendre de nouveau à Rome pour cela, et il nous a promis de s'occuper de notre affaire, et de nous tenir au courant de tout ce que l'on ferait et de tout ce que l'on pourrait désirer de nous pour arriver à une heureuse conclusion. C'est ainsi que tout contribue à cimenter cette sollicitude et le même attachement et il nous en a donné des preuves en toute occasion, et spécialement encore ces dernières années, en assistant à plusieurs de nos retraites. Le R. P. Fabre est aussi admirable de bonté et de tendresse paternelle pour nous. En tout et partout il prend nos intérêts, et il nous rend tous les services possibles.

 Cette union et ces rapports d'intimité avec les Pères nous ont été très utiles à Rome ; et N. S. P. le Pape, à qui nous en avons parlé, dès notre première audience, en a paru content et en désire la continuation. Sa Sainteté nous en a donné une preuve évidente en chargeant le cardinal Barnabo, Préfet de la Congrégation de la Propagande, d'examiner les pièces que nous lui avons remises, et de lui en faire le rapport. C'est ce que ce bon cardinal a fait, avec beaucoup d'intérêt et de bienveillance, car il connaît et estime beaucoup les Pères Maristes, et il .nous a témoigné plusieurs fois combien il a été satisfait de ses rapports avec le R. P. Favre au sujet des Missions de l'Océanie. Aussi nous le voyions souvent pendant notre séjour à Rome. Son Eminence nous recevait toujours avec une extrême bonté et nous donnait volontiers les renseignements qui pouvaient nous être utiles ou agréables…

 Actuellement encore on peut dire que notre cause est, en quelque sorte, identifiée à Rome avec celle des Pères ; car non seulement c'est la même Congrégation qui est chargée d'examiner les Règles et les Constitutions des deux Sociétés, mais c'est encore le même Consulteur qui doit en faire les rapports. Le R. P. Favre va bientôt se rendre de nouveau à Rome pour cela, et il nous a promis de s'occuper de notre affaire, et de nous tenir au courant de tout ce que l'on ferait et de tout ce que l'on pourrait désirer de nous pour arriver à une heureuse conclusion. C'est ainsi que tout contribue à cimenter cette union et à resserrer de plus en plus ces liens de famille qui ont toujours existé entre les Pères et les Frères.

 Vous désirez sans doute, mes bien chers Frères, que je vous entretienne un peu de notre voyage de Rome ainsi que des pieuses et intéressantes visites que nous avons faites dans les églises nombreuses de la ville et des environs, comme vous pensez que je l'ai raconté aux Frères, à mon retour. C'est un bonheur pour moi de le répéter, et je m'aperçois que c'est de même une consolation et un plaisir pour les Frères de l'entendre. En effet je puis dire que chacun y a participé, car dans les diverses stations et les pieux pèlerinages que j'ai faits aux Basiliques et autres lieux célèbres de cette capitale de la catholicité, j'avais en esprit avec moi tous les Frères avec leurs nombreuses familles d'enfants, et je les offrais et les recommandais tous au Seigneur, à la très Sainte Vierge et aux Saints à qui les églises que je visitais étaient consacrées ou dont j'avais l'avantage de voir et de vénérer les reliques insignes. Voici donc quelques détails sur cet intéressant pèlerinage.

 Après avoir demandé à Nosseigneurs les Evêques des diocèses où sont établis nos Frères des lettres de recommandation auprès du Saint-Père, en leur envoyant un mémoire sur l'Institut, nous avons prescrit des prières spéciales, et recommandé à nos Frères de faire dire des Messes dans leurs Etablissements, pour implorer la bénédiction du Seigneur, et la protection de la Sainte Vierge sur nos démarches. Nous sommes partis, le Frère Louis-Marie et moi, de Notre-Dame de l'Hermitage, le 6 février 1858. Nous nous sommes arrêtés un jour à Lyon, pour voir Son Eminence et le R. P. Favre, puis nous avons pris le chemin de fer de la Méditerranée, et nous sommes arrivés à Marseille. Là, nous avons encore recommandé notre voyage à la Sainte Vierge, en visitant la célèbre chapelle de Notre-Dame de la Garde, où nous avons admiré les nombreux ex-voto qui attestent la bonté et la puissance de Marie pour ceux qui l'invoquent, et nous avons joui quelques instants de la vue de la mer et de la ville, et des environs, et nous nous sommes embarqués le même jour pour Civita Vecchia. Notre traversée a été assez heureuse à part le tribut ordinaire qu'il a fallu payer à la mer comme bien d'autres. Nous avons rencontré sur notre bateau, un prêtre français, missionnaire en Amérique, qui allait à Rome comme nous. Il s'est montré toujours très affable et très obligeant, et nous sommes arrivés heureusement et agréablement avec lui au terme de notre voyage. Le R. P. Nicolet, qui était resté à Rome depuis le voyage de Mgr Bataillon et à qui le R. P. Favre avait bien voulu annoncer d'avance notre arrivée, nous reçut avec cette bonté prévenante et cette affectueuse cordialité qui le distinguent. Nous nous sommes aussitôt trouvés en famille et parfaitement à notre aise avec lui sous tous les rapports. Ce bon Père nous a rendu de grands services. Car comme, il connaissait déjà bien la ville et les usages de Rome, ainsi que la langue italienne, il nous a servi de guide et d'interprète toutes les fois que nous en avons eu besoin, et nous a mis au courant de l'administration des Congrégations romaines. Notre première visite a été naturellement à Saint-Pierre du Vatican. En arrivant sur l'immense place de cette vaste et magnifique basilique, la plus grande de l'univers, nous avons rencontré N. S. P. le Pape qui se rendait en voiture, avec son cortège, à l'Eglise du Gesù, pour faire son adoration des 40 heures. Nous nous sommes aussitôt mis à genoux et nous avons reçu la bénédiction de Sa Sainteté. Nous avons ensuite visité successivement Sainte-Marie-Majeure, Sainte-Marie-des-Anges, Saint-Jean-de-Latran et les autres principales églises de Rome, dans lesquelles nous admirions la beauté et la richesse des décorations, et nous vénérions en même temps les nombreuses et précieuses reliques dont elles sont enrichies, pour la plupart, de touchants souvenirs de Notre-Seigneur, de la Sainte Vierge, des Apôtres et d'autres saints illustres qui ont vécu ou qui avaient leurs maisons dans la ville. Ces maisons sont converties aujourd'hui en églises ou oratoires.

 Cependant, nous ne perdions pas de vue notre grande affaire, et il nous tardait d'en commencer les négociations. Comme les Pères Maristes sont plus spécialement connus de la Congrégation de la Propagande à raison des fréquents rapports qu'ils ont avec elle pour les missions de l'Océanie, nous désirions bien qu'elle en fût chargée C'est pourquoi, de concert avec le P. Nicolet, nous résolûmes de faire d'abord une visite à Son Eminence le cardinal Barnabo, Préfet de cette Congrégation, pour lui exposer le but de notre voyage et le consulter sur ce que nous devions faire, Son Eminence, après avoir pris connaissance de notre supplique au Saint-Père, des statuts fondamentaux que nous voulions présenter à l'approbation du Saint-Siège et du mémoire sur l'Institut, nous dit qu'il fallait en premier lieu demander une audience à Sa Sainteté, et lui présenter nous-mêmes nos pièces, vu que la Congrégation de la Propagande ne pouvait s'en occuper que par un ordre exprès du Pape.

 Ce fut le premier mars, mois consacré à saint Joseph, que, nous eûmes le bonheur de nous prosterner, pour la première fois, aux pieds du Saint-Père. Sa Sainteté nous présenta d'abord son anneau à baiser, et nous permit ensuite de baiser sa mule, c'est-à-dire la croix brodée sur sa pantoufle. C'était pour nous un moment bien solennel, nous nous y étions préparés de notre mieux et nous avions fait ce jour-là même la sainte Communion à cette intention, en l'honneur de saint Joseph. Mais nous fûmes accueillis avec tant de bonté, qu'au léger sentiment de crainte et d'appréhension que nous avions éprouvé en entrant, succéda aussitôt le doux sentiment d'une Confiance filiale, et d'une respectueuse aisance, que l'air gracieux, l'attitude modeste et les paroles tendres et affectueuses du Saint-Père ne faisaient qu'augmenter à mesure que nous prolongions notre entretien avec Sa Sainteté, et que nous lui communiquions successivement notre demande d'approbation, les lettres des évêques, les statuts fondamentaux et le mémoire sur l'Institut.

 Le Saint-Père, après avoir pris une connaissance rapide de toutes ces pièces, nous demanda si nous n'avions pas de Règles imprimées et plus étendues ; nous lui présentâmes alors les deux volumes des Règles et des Constitutions, il les reçut et les considéra en nous disant quelques mots agréables, ajoutant qu'il lirait examinerait toutes ces pièces en son particulier, et qu'il les remettrait ensuite à la Congrégation qui devait. plus spécialement s'en occuper. Ce fut alors que nous fîmes connaître à Sa Sainteté notre désir que ce fût la Congrégation de la Propagande, ce qu'elle parut agréer. Le Saint-Père nous adressa ensuite quelques questions sur l'Institut, et nous lui répondîmes de notre mieux. Après cela, je priais Sa Sainteté de vouloir accorder sa bénédiction apostolique à tous les membres de la Société, ce qu'elle fit avec des expressions qui marquaient toute la tendresse de son cœur et son désir ardent que les Frères soient toujours remplis de l'Esprit de Dieu, fassent beaucoup de bien parmi les enfants qui leur sont confiés. Nous nous retirâmes ensuite le cœur rempli de consolation et pénétrés de la plus douce confiance. Le même jour nous allâmes rendre compte de cette heureuse audience au cardinal Barnabo qui en fut enchanté, et cinq jours après, Son Eminence nous apprenait que le Pape lui avait remis le dossier de notre affaire, avec ordre de l'examiner et de lui en faire le rapport officiel, ce qui nous fit un sensible plaisir. Cependant ce rapport n'a été présenté à Sa Sainteté que longtemps après, parce que les jours où le cardinal allait ordinairement à l'audience du Saint-Père ont été successivement pris par la fête de saint Joseph,  l'Annonciation de la Sainte Vierge, et par le Jeudi-Saint ; en sorte que, Son Eminence ne faisait que nous répéter, à chacune de nos visites, qu'elle n'avait pas encore été à l'audience du Pape. Enfin. le 9 avril, le cardinal nous dit que la veille il avait vu le Pape, et lui avait fait son rapport sur notre affaire ; que Sa Sainteté était toujours bien disposée en notre faveur, mais qu'elle n'avait pas encore désigné la Congrégation qui en serait chargée définitivement. Il ajouta qu'ayant représenté au Saint Père que nous aurions besoin de retourner bientôt en France, Sa Sainteté avait répondu que nous pouvions le faire sans inconvénient, attendu qu'on pourrait également s'occuper de cette affaire quand même nous ne serions pas à Rome.

 Nous comprimes alors qu'il faudrait encore bien du temps pour arriver au terme de nos désirs et comme la présence du F. Louis-Marie devenait indispensable, pour achever les préparatifs nécessaires pour recevoir les Frères à la retraite, dans la nouvelle maison de Saint-Genis-Laval, nous résolûmes, de l'avis du cardinal Barnabo, de demander une seconde audience à Sa Sainteté afin de mieux connaître encore ses intentions.

 Ce fut le 15 avril que nous eûmes de nouveau le bonheur de nous présenter devant le Saint-Père, qui nous accueillit avec une bonté et une tendresse encore plus expressives que la première fois. Nous lui offrîmes alors les Règles, les Constitutions et le Guide des écoles reliés en un seul volume, aux armes de Sa Sainteté. Il en parut content et nous témoigna beaucoup d'intérêt, mais il ajouta que, pour donner suite à cette affaire, il attendait une lettre de Paris. Je lui demandais ensuite une nouvelle bénédiction pour tous les membres de l'institut, et il nous l'accorda en faisant des vœux pour la sanctification et l'édification mutuelle des Frères  et pour la bonne éducation de leurs enfants. Enfin, Sa Sainteté, ayant agréé que je prolongeasse encore mon séjour à Rome, souhaita un bon voyage au F. Louis-Marie qui allait s'en retourner en France.

 Cette lettre de Paris, dont le Saint-Père nous avait parlé, était une réponse du Nonce Apostolique, à qui l'on avait écrit pour avoir quelques renseignements secrets. Elle se lit attendre bien longtemps, et je commençais à m'en inquiéter, lorsqu'enfin on m'annonça qu'on l'avait reçue, et qu'elle était favorable. Le cardinal Barnabo fut encore chargé par Sa Sainteté, d'en examiner tout le détail et de lui en faire le rapport. Et quand cela fut fait, le Saint-Père décida que ce serait la Congrégation des Evêques et Réguliers qui, suivant le cours ordinaire, serait chargée désormais de poursuivre l'examen définitif de notre affaire. Dès que j'eus appris cette décision, je fis avec le P. Nicolet, une visite à Mgr Bizzarri, secrétaire de cette Congrégation. Il nous reçut très bien, et nous dit, sans opposer la moindre difficulté que, quand il aurait reçu le dossier de notre affaire, il en prendrait connaissance et s'en occuperait. J'eus le plaisir de le lui porter moi-même quelques jours après : car le cardinal Barnabo voulut bien me le remettre avec une lettre qui marquait tout ce qu'on avait déjà fait pour nous. Je fis aussi, avec le P. Nicolet, suivant le conseil de ce bon cardinal, une visite à Son Eminence le cardinal della Genga, Préfet de la dite Congrégation. Son Eminence nous accueillit très affectueusement et nous adressa plusieurs questions sur l'Institut et sur les Etablissements, et elle parut satisfaite de nos réponses, en sorte que, nous nous retirâmes bien contents et pleins d'espérance. Le R. P. Fabre nous a conseillé d'écrire actuellement à Son Eminence pour lui recommander de nouveau notre affaire, et il veut bien se charger de lui présenter lui-même notre lettre et de l'intéresser en notre faveur : il part pour Rome le 26 décembre.

 Cependant, l'époque des retraites approchait et le F. Louis-Marie me pressait de revenir en France pour y assister, et satisfaire le désir que les Frères avaient de me voir. Je voulus savoir alors plus positivement où en était notre affaire, et je fus trouver pour cela Mgr Bizzarri. Il me répondit qu'il était tellement occupé à préparer les diverses affaires que la Congrégation devait examiner et conclure dans les deux dernières séances qui se tiendraient avant les vacances, qu'il ne lui paraissait pas possible de faire passer la nôtre avant ce temps ; mais qu'après les vacances ce serait une des premières dont on s'occuperait, et que si j'étais pressé de m'en retourner, le P. Nicolet pourrait nous représenter à Rome pour suivre notre affaire et nous communiquer les observations qui seraient faites.

 Dès lors, mon départ fut arrêté, et je m’empressais de demander au Saint-Père une audience de congé. Sa Sainteté ne me la fit pas attendre, et en cela je reconnus une nouvelle marque de sa bienveillance paternelle. Aussi quand je me présentai devant lui, on aurait dit un bon père qui recevait son petit enfant. Il me bénit de nouveau avec tous les Frères ; et après quelques paroles agréables, qui marquaient toute la tendresse de son cœur, Sa Sainteté me dit qu'après les vacances on pousserait plus vivement notre affaire. Avant de me retirer, je témoignais, autant que possible, au Saint-Père la satisfaction, le contentement et le bonheur que j'avais éprouvés pendant mon séjour à Rome, en visitant les églises, en assistant aux cérémonies, et en voyant tout ce qui s'y faisait pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. Je lui exprimai aussi combien j'étais sensible au bon accueil que m'avaient fait les cardinaux et les autres personnes que j'avais eu occasion de visiter, ajoutant que tout cela serait pour moi et pour tous les Frères un puissant motif d'encouragement et de zèle, de soumission et de dévouement au Saint-Siège. Alors le Saint-Père me répondit : « Il est bien nécessaire d'être toujours attaché au centre. »Paroles admirables et qui ont un sens profond pour les religieux, dont le salut et la perfection dépendent de leur soumission et de leur attachement à ceux que Dieu a établis pour les gouverner et qui le représentent sur la terre.

 Je quittai Rome le 21 août et j'eus l'avantage de voyager jusqu'à Marseille avec un Père de l'Assomption, de Nîmes, que je connaissais particulièrement, et avec lequel j'avais eu des rapports très fréquents et intimes pendant mon séjour à Rome, aussi j'étais avec lui comme en famille. Notre traversée fut assez heureuse, nous débarquâmes à Marseille le 23 août, au soir, et je pris presque immédiatement le chemin de fer pour Lyon. J'arrivai le lendemain à Saint-Genis-Laval, mais je ne m'y suis arrêté que trois jours parce que j'étais pressé de me rendre à Beaucamps, pour voir les Frères de la Province du Nord, au commencement de leur retraite et revenir ensuite à Saint-Genis, à la fin de la première retraite des Frères de la Province du Centre, pour avoir aussi la consolation de les voir, et pour assister à la bénédiction solennelle de la nouvelle maison qui devait avoir lieu le 8 septembre, c'est-à-dire le lendemain de la clôture de cette retraite. Ce fut effectivement le beau jour de la Nativité de la Sainte Vierge que se fit cette imposante cérémonie. M. Pagnon, vicaire général, vint dire la messe de communauté, et fit une allocution analogue à la circonstance puis il procéda à la bénédiction générale de toute la maison conformément au Rituel. Il était accompagné du R. P. Favre, du P. Lagniet, du P. Matricon et de plusieurs autres Pères ; M. le Curé de Saint-Genis et soit vicaire, ainsi que M. le Maire et la plupart des curés du canton s'y trouvaient aussi.

 Pendant la bénédiction, la communauté, partagée en deux chœurs chantait ce qui est marqué dans le Rituel ; et quand la cérémonie fut terminée, on se rendit processionnellement sur la terrasse de la maison où le R. P. Chatel, prédicateur de la retraite, improvisa quelques mots, dont tout le monde fut enchanté. Il y fit remarquer la coïncidence de la fête de la Naissance de la Sainte Vierge avec la bénédiction de cette maison qui allait être désormais comme le berceau de la Société, et où un grand nombre de sujets viendraient commencer une nouvelle vie et se fortifier dans les vertus de leur état, pour bien remplir le but de leur vocation, en donnant une éducation chrétienne aux enfants. A dîner la communauté eut Deo gratias, et vous pourriez juger de la joie et du contentement des Frères. La journée se termina par un magnifique Salut avec la bénédiction du Saint Sacrement. La Providence voulut que les Frères de la seconde retraite eussent aussi leur part de bonheur et de douce jouissance. En effet, Mgr Lionnet, évêque de Valence, qui est du diocèse de Lyon et qui connaît particulièrement M. le Curé de Saint-Genis-Laval, voulut bien nous honorer de sa visite le jour de la clôture de cette retraite. Sa Grandeur célébra la Messe de communauté, adressa quelques mots aux Frères, et présida ensuite à la cérémonie des vœux.Ce bon évêque vint lui-même donner Deo gratias aux Frères, et en s'en retournant, il a témoigné son contentement et sa satisfaction à M. le Curé, de cette heureuse journée.

 Comme je tenais à voir, cette année, le plus grand nombre de Frères qu'il me serait possible, pour leur parler de mon voyage et de tout ce que j'avais fait et vu à Rome, je me hâtai de parler aux Frères, en public et en particulier, à mesure qu'ils arrivaient pour la retraite, afin de pouvoir assister encore à celle de Saint-Paul-trois-Châteaux qui devait commencer presque en même temps. J'ai en la consolation d'y voir également les Frères réunis en très grand nombre et quoique bien gênés partout, ils se sont montrés toujours admirables de piété et de recueillement. Cette maison, d'ailleurs, va bien, les postulants y sont plus nombreux que jamais. Le C. F. Jean-Baptiste qui y est allé passer la fête de l'Immaculée-Conception, m'a dit, à son retour, qu'il y en avait bien une cinquantaine ; il en est de même du Noviciat de la Bégude où je me suis rendu après la retraite de Saint-Paul-trois-Châteaux. Il est vrai que je n'ai pas pu y voir tous les Frères réunis, parce qu'ils étaient déjà retournés dans leurs Etablissements, mais j'ai vu ceux de la maison et des Etablissements voisins. De l'aveu de tout le monde, cette maison ne laisse rien à désirer sous le rapport de la piété, du silence, de la régularité et du bon esprit. Le F. Malachie conduit toujours son affaire admirablement ; aussi il est aimé et estimé de tous ceux qui le connaissent.

 Les Frères de l'Ecole Spéciale sont actuellement à l'Hermitage, au nombre d'une soixantaine, et tous bien contents. Ils ont pour aumônier le bon P. Ruf ; et on y fait encore de belles cérémonies surtout aux grandes fêtes. A mon retour du Midi, je m'y suis rendu pour les voir et faire un pèlerinage au tombeau du P. Champagnat. Ces lieux sont toujours chers aux Frères et surtout à ceux qui ont eu le bonheur d'y habiter.

 Le jour de l'Immaculée-Conception, nous avons fait une bulle fête a. Saint-Genis, trente postulants y ont pris l’habit, c'est M. Bojolin, vicaire général, qui a fait la cérémonie, après laquelle il y a eu une messe solennelle avec diacre et sous-diacre, on a chanté les vêpres à l'heure ordinaire, et le soir, il y a eu un salut magnifique. La chapelle et toute la maison étaient illuminées. La ville de Lyon s'est aussi distinguée ce jour-là, par sa belle illumination, ainsi que les paroisses des environs et des rives de la Saône. Tout cela est bien consolant et a de quoi rassurer sur l'avenir de notre patrie toute consacrée et dévouée à notre tendre et bonne Mère.

 Vous voyez, mes chers Frères, quelles grâces spéciales quelles faveurs extraordinaires et quelle protection merveilleuse le Seigneur accorde à notre chère Société. Nous sommes maintenant d'une manière particulière entre les mains du Souverain Pontife, du Chef de l'Eglise universelle qui nous a accueillis avec tant de bonté, qui nous a bénis si paternellement, et qui désire si ardemment que nous soyons tous de bons religieux, afin de nous sanctifier, de nous édifier les uns les autres, travailler efficacement à la gloire de Dieu et de son Eglise. Tâchons donc de reconnaître tous ces bienfaits, en correspondant de notre mieux aux vues de la Divine Providence sur nous. N'oublions jamais que nous sommes appelés à un état de sainteté et de perfection, et que nous devons être saints dans toute la conduite de notre vie, comme celui qui nous a appelés est saint. Efforçons-nous, suivant le conseil de l'apôtre saint Pierre, d'affermir de plus en plus notre vocation par les bonnes œuvres, afin que, par ce moyen, nous ne tombions jamais dans le péché, ni dans les pièges du démon ; mais que nous méritions que Dieu nous accorde une entrée favorable, et une grande récompense dans le royaume éternel de Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ.

Comme la fin de l'année approche et que bientôt nous allons en commencer une nouvelle, je saisis cette occasion pour vous renouveler l'expression de mes vœux bien sincères pour votre bonheur. Les Frères Assistants et tous les autres Frères se joignent à moi pour vous souhaiter une bonne et heureuse année. Tous les jours nous prions le Seigneur de répandre sur vous les plus abondantes bénédictions, de vous conserver et de vous faire avancer, de plus en plus, dans son amour, afin qu'après le court pèlerinage de cette vie, nous ayons le bonheur de nous réunir tous dans la bienheureuse éternité.

C'est dans ces sentiments que je vous embrasse en esprit, bien affectueusement, et que je vous laisse avec confiance entre les mains et sous la protection de notre aimable Mère en vous recommandant de présenter mes respects et de faire agréer mes souhaits de bonne année aux Pères avec lesquels vous vous trouvez.

 Je suis en union de prières et de travaux, Votre tout dévoué,

      F. FRANÇOIS, Supérieur Général.

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