Circulaires 87

Louis-Marie

1867-12-08

087

51.02.01.1867.3

 1867/12/08

 N.-D. de Saint-Genis-Laval, le 8 décembre 1867.

 Fête de l'Immaculée-Conception de la Sainte Vierge.

        MES TRÈS CHERS FRÈRES,

 Je reprends la suite de notre Circulaire du 9 février dernier, concernant la formation des Frères.

 « Qu'un des premiers et des principaux devoirs des Frères Directeurs, avons-nous dit, soit la formation des Frères qui leur sont confiés, le soin de les conserver dans les vertus et l'esprit de leur état, c'est ce que prouvent également l'ensemble de nos Règles et de nos Constitutions, la composition de l'Institut et l'organisation de nos Maisons, les passages les plus évidents  de la Sainte-Ecriture, les maximes et les exemples des Saints, la vie entière et toutes les leçons de notre pieux Fondateur. »

 Les deux premiers points vous ont, été longuement expliqués et développés dans la Circulaire rappelée ci-dessus, nous traiterons dans celle-ci des trois derniers mais qu'il me soit permis de vous dire auparavant avec quel bonheur, avec quelle consolation j'ai vu votre empressement à recevoir notre première Instruction, l'importance que vous y avez attachée, le désir que vous manifestez tous que des avis si utiles, si nécessaires, soient bien compris des Frères et fidèlement suivis dans toutes les Maisons.

 « J'ai lu trois fois votre dernière Circulaire, m'écrit  un de nos bons Frères Directeurs ; je la crois propre à  produire les plus grands fruits parmi nous, si les Frères Directeurs la prennent en sérieuse considération, et surtout, si, dans l'application, ils trouvent des esprits dociles.» – « Merci mille fois, dit un autre, pour tout le  bien que votre Circulaire doit faire à ceux qui auront l'humilité de la bien recevoir, qui la méditeront avec soin et qui s'efforceront de la pratiquer.»­ – «Comment,  ajoute un troisième, les Frères Directeurs n'auraient-ils  pas à cœur de dégager leur responsabilité dans la direction des Frères, quand, sur ce point, leurs devoirs sont si vivement, si énergiquement, si justement rappelés? »

 C'est précisément ce que le Cher Frère Premier Assistant répondait à un quatrième qui lui exprimait la même pensée : « Oui, mon cher Frère, lisez et méditez bien la Circulaire. Les principes qu'elle vous donne sont de ceux qu'on ne peut négliger, sans manquer à ses devoirs d'état les plus rigoureux. L'Institut ne fera le bien qu'autant que nos Frères Directeurs seront à la hauteur de leur tâche, qu'autant qu'ils travailleront sans relâche à se former et à former leurs Frères. Nos embarras viennent uniquement de ce que ces principes ne sont pas assez bien compris. Tâchez, pour votre part, de les saisir parfaitement et d'en faire la règle de toute votre administration. »

 Ainsi en a-t-il été de la plupart des lettres qui nous sont venues à la suite de cette Circulaire. On nous dit qu'on la lit et qu'on la relit ; qu'on la trouve lourde à la conscience, mais qu'on ne peut en dénier la rigoureuse exactitude; qu'elle fera un bien immense et qu'elle laisse entrevoir une ère nouvelle pour l'Institut, si elle est bien comprise et fidèlement pratiquée ; qu'elle vaudra une seconde Retraite à ceux qui sauront la comprendre et s'en pénétrer; qu'elle est un miroir fidèle où chacun peut voir résumés et rassemblés, et ses obligations et ses manquements ; enfin, qu'une semence si précieuse, étant reçue dans une bonne terre, ne peut manquer de donner d'excellents fruits.

 Mais pourquoi, M. T. C. F., ai-je recueilli et pourquoi vous donnai-je[1]ici l'ensemble de ces appréciations? Pour deux raisons, ou plutôt parce qu'elles me prouvent deux choses: la première, c'est que vous comprenez aussi bien que nous, qu'en traitant de l'obligation où sont les Frères, Directeurs de former et de conserver leurs Frères, nous touchons à une question vitale pour le bien et l'avenir de l'Institut, au point capital, au point fondamental de l’Œuvre qui nous est confiée: d'où il suit que nous ne pouvons trop insister sur ce sujet, trop fortement, trop solidement établir et développer ce devoir imposé à tous les Frères Directeurs.

 La seconde, c'est le bon esprit qui vous anime tous. Il apparaît, jusqu'à l'évidence, dans la satisfaction unanime que vous manifestez d'entendre énumérer et expliquer, même dans toute sa rigueur et dans toute son étendue, une obligation qui, en définitive, atteint également et les Directeurs et les inférieurs. Il apparaît surtout dans la disposition générale que vous témoignez de vous appliquer désormais, de toutes vos forces, les Directeurs à la bien remplir, et les seconds à l'accepter et à s'y prêter.

 C'est donc pour vous confirmer dans ces sentiments et ces dispositions, pour vous affermir tous dans cette conviction profonde, que la formation des Frères est le premier et le plus rigoureux de vos devoirs, qu'à l'appui de cette vérité, nous ajoutons ici, aux raisons tirées de nos Règles et de l'organisation de l'Institut, celles que nous fournit la Sainte Ecriture, expliquée par les exemples et les maximes des Saints, puis, par la vie entière et, les leçons de notre vénéré Fondateur.

 IV

 Deux sentiments doivent puissamment exciter le zèle des Frères Directeurs, sur le point qui nous occupe, celui de la crainte et celui de l'amour. Or, ces deux sentiments, c'est sur la Sainte Ecriture, c'est sur l'enseignement des Maîtres de la vie spirituelle, sur les maximes et les exemples des Saints, qu'ils reposent.

 Parlons du premier d'abord, de la crainte. L'Esprit-Saint lui-même nous avertit, par la bouche du Sage, que Dieu exercera un jugement très dur, une extrême rigueur sur ceux qui président : Un jugement très rigoureux est réservé à ceux qui gouvernent (Sag., VI, 6) ; et la raison qu'en donne le grand Apôtre, est celle même dont il se sert pour recommander l'obéissance aux inférieurs : Obéissez, leur dit-il, à vos Supérieurs, à vos conducteurs, parce qu'ils veillent et qu'ils doivent veiller sans cesse pour le bien de vos âmes, comme devant en rendre compte à Dieu lui-même (Héb., XIII, 17). Quel péril, s'écrie là-dessus saint Thomas, quel extrême danger, qu'un homme soit responsable des actions d'autrui, tandis qu'il a déjà tant de peine à rendre compte des siennes ! O Dieu ! continue saint Jean Chrysostome, quelle terrible position pour un Supérieur, d'avoir à répondre de ceux qui lui sont soumis, non seulement de tous en général, mais encore de chacun en particulier : de sorte qu'il sera examiné, jugé et puni sur la conduite du moindre de ses subordonnés. Oui, ajoute saint Grégoire le Grand, le Supérieur porte à lui seul le poids d'autant d'âmes qu'il a d'inférieurs à gouverner. Il sera interrogé la conduite de tous ; et, s'il est vrai qu'une seule âme vaut tout le sang de Jésus-Christ, puisque Jésus-Christ est mort pour la sauver, quel poids, quelle responsabilité n'entraîne Pas la conduite de tant de Religieux, dont un Frère Directeur aura été chargé pendant sa vie?

 Certes! quand l'un de nous est nommé Directeur de deux, de trois, de quatre Frères ou plus, il doit comprendre que Dieu lui fait entendre, par la bouche de son Supérieur, ces redoutables paroles . Gardez cet homme, gardez-moi ces Frères, ces Religieux, que je vous donne à conduire et à diriger, veillez sur eux : car, s'ils viennent à se perdre, vous m'en rendrez compte âme pour âme (III.Rois, XX, 39). Au jour du jugement, nous dit le Prophète Jérémie, Dieu lui-même fera cette demande à chaque Pasteur, à chaque Supérieur . Où est le troupeau que je t'ai confié? où est ce troupeau choisi? (Jér., XIII, 20) Où sont ces âmes d'élite, ces brebis précieuses, que tu devais garder et élever? Comment les as-tu nourries? Comment les as-tu défendues contre le loup ravissant ?

 Tes Frères, tes Religieux, ont-ils acquis les mérites et les richesses spirituelles que, par tes soins, ils devaient acquérir ? Sont-ils arrivés au degré de perfection auquel ils devaient parvenir, et qui, seul, pouvait assurer leur persévérance ? Ne sont-ils pas, au contraire, devenus tièdes de ta propre tiédeur ? négligents de ta propre négligence ? Ne se sont-ils pas perdus par ta faute ?

 Oui, Très Chers Frères Directeurs, ne craignons pas de le reconnaître et de le dire, un Supérieur, un Directeur qui ne veille pas sur ses inférieurs, qui ne les forme pas, qui ne les dirige pas, devient comme le meurtrier de leur vertu, de leur vocation, de leur vie religieuse.

 C'étaient des âmes d'élite, de bons jeunes gens, choisis de Dieu, appelés par lui pour vivre dans le paradis terrestre de la vie religieuse, s'y sanctifier, et, en s'y sanctifiant, procurer le salut de beaucoup d'âmes.

 Maintenant, les voilà morts à cette belle vocation, rejetés dans la terre déserte du monde, exposés à y périr pour jamais, hors d'état de remplir pour les autres les vues de miséricorde et de salut dont ils devaient être les instruments.

 Quand donc le Seigneur, s'adressant aux Supérieurs, aux Directeurs de ces Religieux infidèles, leur demandera compte d'un si triste changement, d'une si funeste apostasie, que pourront-ils répondre? comment pourront-ils se justifier?

 Hélas ! les bons Supérieurs, les bons Directeurs ne le feront eux-mêmes qu'en tremblant, alléguant à leur décharge une constante fidélité à la Règle, des efforts persévérants pour la faire observer, des peines et des soins de chaque jour pour instruire et sanctifier leurs Frères, les occuper, les faire prier, les tenir éloignés du monde et des occasions, les avertir de leurs défauts et les corriger, enfin les former sous tous les rapports et les conserver par tous les moyens.

 Et encore, malgré tous ces soins, tous ces efforts, toute cette vigilance, c'est à peine s'ils seront trouvés innocents de leur perte et de leur infidélité, Qu'en sera-t-il donc de ceux qui n'auront rien fait de semblable qui, peut-être, auront fait tout le contraire? Si les Directeurs pieux et fervents, si les Directeurs réguliers et vigilants, si le juste même, selon la parole de saint Pierre, se sauve avec tant de peine (lPierre, IV, 18), que sera-ce des relâchés et des négligents ? Qu'allégueront-ils, pour échapper au jugement? Diront-ils, comme le meurtrier d'Abel : Est-ce que je sais le gardien de mon frère? (Gen., IV, 9), est-ce que j'ai à répondre de sa conduite, de sa vertu, de sa persévérance?

 Oui, mon Cher Frère Directeur, vous avez à en répondre, et le nom même qui exprime votre charge, vous fait comprendre toute l'étendue des obligations qu'elle vous impose. Qui dit Supérieur, Directeur, dit le gardien-né, le tuteur Obligé, le protecteur responsable de la vertu et de la vocation de ses Frères. Tous ces titres se commandent et se supposent les uns les autres. Chacun a un sens propre qui sert à mieux expliquer les devoirs des Supérieurs. Le grand saint François d'Assise a même préféré le titre de gardien, comme exprimant, d'une manière plus directe et plus complète, la fonction propre des Supérieurs.

 Pour un Directeur, en effet, diriger des Novices, de jeunes Frères, c'est essentiellement les garder ; c'est-à-dire, non seulement les défendre contre tous les dangers ; mais encore, mais surtout, les instruire des devoirs de leur état, les remplir d'estime et d'amour pour leur état : toutes choses sans lesquelles il est impossible de les conserver.

 Diriger des Frères Profès, d'anciens Frères, c'est également, c'est nécessairement les garder loin du monde, loin des occasions ; puis, les faire avancer dans la vertu, les fortifier dans la piété et la ferveur, travailler sans relâche à les perfectionner: car ce progrès spirituel continu, cette perfection toujours croissante est encore, même pour les Anciens, la condition indispensable de la persévérance.

 Donc, M. T. C. F., soit que nous examinions nos Constitutions et tout l'ensemble de notre Œuvre, soit que nous consultions les divines Ecritures, les maximes et les exemples des Saints, nous sommes forcés de conclure que la charge de Directeur des Frères emporte l'obligation stricte, rigoureuse, de veiller sur eux, de protéger leur vertu, de cultiver leur vocation, de les instruire et de les former; nous sommes forcés de conclure qu'un Directeur qui abandonne le soin de ses Frères, qui les laisse vivre sans règle, sans discipline, sans surveillance, doit prendre pour lui-même ce mot terrible de saint Paul : Si quelqu'un n'a pas soin des siens, et particulièrement de ceux de sa maison, il a renoncé la foi, et il est pire qu'un infidèle (I Tim., V, 8).

 Il semble même que ce passage de l'Apôtre condamne plus fortement certains Directeurs, qui, tout occupés de leurs enfants, de leurs pensionnaires surtout, négligent leurs Frères, ne font rien pour eux. Les Frères, en effet, ne sont-ils pas tout particulièrement de la maison du Frère Directeur, tout spécialement confiés à ses soins, eux qui composent avec lui un même Etablissement, qui sont avec lui membres du même corps, de la même Congrégation, qui vivent la même Règle?

 Donc, redisons-le, s'il est ordonné à chaque homme de veiller sur son prochain (Eccl., XVII, 12), ilest doublement commandé à chaque Directeur de veiller sur ses Frères. C'est une mission qu'il tient des Règles et des Constitutions : car les Règles et les Constitutions veulent qu'il réponde de tout dans sa Maison, qu'il conduise, qu'il ordonne, qu'il dirige tout ; que les Frères lui soient subordonnés comme au Frère Supérieur Général, ou plutôt comme à Jésus-Christ même dont il tient la place. Voilà pourquoi il doit prendre pour lui et s'appliquer, dans la conduite de ses Frères, tout ce que la Sainte Ecritures prescrit aux Supérieurs par rapport aux inférieurs, aux maîtres à l'égard de leurs disciples, aux pères et mères envers leurs enfants.

 Sur ce principe, qu'il me soit permis, M. T. C. F., de rappeler ici et de redire à tous une parole excellente, prononcée, il n'y a pas longtemps, sur l'un des membres de l'Institut. Cette parole m'a paru si bonne et si instructive tout à la fois, que j'en ai fait la matière de toute une conférence aux Frères de la Maison-Mère. Aujourd'hui encore, mon désir, mon grand désir serait qu'elle pût se dire avec vérité de tous les membres de la Congrégation, et c'est à cette fin que je vous la transmets.

 Or, cette parole rassurante, cette parole précieuse qu'un de nos Frères a mérité qu'on lui appliquât comme par emphase, est celle-ci : EN VOILA UN QUI A SOIN DE SON SALUT !…Je vous réponds que ce Frère a véritablement soin de son salut ; je puis vous l'assurer, je le sais pertinemment.

 Mes Très Chers Frères, je ne crois pas que rien de mieux puisse être dit d'un Frère ; c'est, à mon avis, le témoignage par excellence que nous devons tous ambitionner.

 Oh ! heureux, mille fois heureux, le Frère, le Religieux duquel on peut dire avec vérité: Celui-là a soin, GRAND SOIN de son salut ; je sais avec certitude, je vous réponds que ce Frère prend soin de son salut, qu'il ne le perd pas de vue, qu'il ne l'oublie jamais. Rien au monde ne pourrait le déterminer à faire, sciemment, volontairement, quoi que ce soit qui pût amoindrir son salut ou le retarder, et surtout le compromettre ou le ruiner.

 Un Frère ainsi disposé est un Frère plein de foi, qui marche droit à la prédestination, qui est comme assuré de son bonheur éternel. C'est surtout un Frère éminemment consciencieux qui ne voudrait jamais rester, même un instant, dans un état où son salut serait en danger.

 Aussi, comme tout se tient dans la vie du chrétien, dans la vie du Religieux, celui qui a mérité le magnifique témoignage que je viens de rappeler pour notre commune édification, en avait mérité un premier, qui est la condition essentielle du second. Quelques mois plus tôt, un de nos Anciens me disait de ce même Frère : Pour celui-là, vous pouvez être sûr qu'il a une bonne conscience; oui, je vous le certifie, la conscience de ce Frère est bonne, très bonne: elle l'est jusqu'à la délicatesse. J'ai pu le constater en maintes circonstances, et je dois dire que l'étude attentive que j'ai faite de sa conduite, ne m'a pas permis de surprendre en lui un acte, un mot réfléchi, qui pût blesser ou la charité, ou la vérité, ou le respect dû à l'autorité, et autres vertus extérieures sur lesquelles il est si facile de s'oublier.

 Je vous le répète, M. T. C. F., ce double témoignage rendu à un Frère par ceux mêmes qui ont le plus d'autorité pour le faire, est tout ce qu'on peut dire de plus consolant et de plus rassurant. Mon Dieu ! que n'avons-nous tous, au même degré de perfection, cette qualité précieuse, ce fondement indispensable de toute vraie vertu, ce gage comme infaillible de prédestination et de salut : LA BONNE CONSCIENCE, LA CONSCIENCE BONNE  JUSQU'A LA DÉLICATESSE !

 Ceux-là seuls soigneront parfaitement leur salut, le ménageront toujours, ne le maltraiteront jamais volontairement, qui auront cette bonne conscience, c'est-à-dire, qui craindront plus que la mort le péché à commettre, même le plus léger; qui détesteront promptement, qui détesteront sincèrement le péché commis, même par pure fragilité. Demandons tous, et les uns pour les autres, ces précieuses, ces excellentes dispositions ; elles sont, sans comparaison, les meilleures, les plus sûres marques de prédestination.

 Mais, pour en revenir au sujet qui nous occupe, quel est le Frère Directeur, véritablement consciencieux, véritablement soigneux de son salut éternel, qui, sachant, d'un côté, l'obligation rigoureuse où il est de veiller sur ses Frères, comme devant en rendre compte à Dieu (Héb., XIII, 17) ; et se voyant, de l'autre, dans l'impossibilité de décliner ce fardeau, parce que l'obéissance le lui impose, quel est, dis-je, le Frère Directeur consciencieux, fortement résolu à se sauver, qui ne donnera pas tous ses soins, toute son application à cet important devoir ? Non, non, il n'est pas possible, que, sous l'impression de ces pensées de la foi et de la crainte salutaire qu'elles doivent nécessairement inspirer, il ne soit vivement excité à s'acquitter de son mieux des obligations de sa charge ; qu'il ne s'efforce sans cesse de procurer, par tous les moyens en son pouvoir, le bien spirituel, la perfection, la persévérance et le salut de ses inférieurs, afin de dégager sa responsabilité, de dégager son âme et sa conscience, s'ils viennent à être infidèles et à se perdre.

 C'est pour cela, Très Chers Frères Directeurs, qu'avant d'entrer dans le détail des moyens que vous fournit la Règle pour former et conserver vos Frères, j'ai voulu consacrer ces deux Circulaires à bien vous convaincre de vos obligations sous ce rapport. Nous devons le reconnaître, jusqu'à présent, elles n'ont pas été assez bien comprises de plusieurs ; ils ne les ont pas prises assez au sérieux, parce qu'ils n'en connaissaient ni la gravité, ni l'importance. Mais j'ai la ferme confiance que, si une fois ils sont bien éclairés sur ce point, leur conscience parlera, et qu'elle ne leur permettra pas de manquer à un devoir d'état si rigoureux, pas plus qu'elle ne leur permet de manquer aux commandements de Dieu et de l'Eglise. Et la conscience parlant ainsi, ils ne reculeront ni devant les peines et les difficultés du travail, ni devant les peines et les craintes humaines qui pourraient s'y attacher et l'entraver, si l'on en faisait simplement une affaire de conseil et de perfection.

 Voilà ce que j'attends, M. T. C. F., de cette première considération, de cette crainte salutaire dont doit être pénétré tout Supérieur qui veut se sauver, qui a de la conscience, et qui comprend les responsabilités de sa charge.

 V

 Mais un sentiment plus fort, plus noble et beaucoup plus doux, doit encore exciter le zèle des Frères Directeurs dans l'accomplissement de leur tâche, c'est le sentiment de l'amour ; c'est celui que Notre-Seigneur demandait à saint Pierre, en l'établissant le Pasteur universel des âmes, en le chargeant de paître tout le troupeau, les agneaux et les brebis.

 Tout Supérieur est Pasteur, à un certain degré, et l'on peut dire, en un sens très véritable de chaque Frère Directeur, qu'à l'exemple du Prince des Apôtres, il doit paître, en quelque sorte, les agneaux et les brebis, c'est-à-dire nourrir spirituellement les Maîtres et les Elèves, ses Frères et ses enfants. Notre-Seigneur, en l'appelant à ce ministère, lui fait les mêmes questions qu'à saint Pierre, et il attend de lui les mêmes réponses.

 Si vous m'aimez, luidit-il, si vous m'aimez plus que ceux-ci, paissez ces agneaux, paissez ces brebis que je vous confie ; appliquez-vous de toutes vos forces à bien élever vos Frères, à les instruire de votre mieux, à les former aussi parfaitement que possible, afin que, Pasteurs à leur tour, ils élèvent bien les petits enfants qui composeront leurs classes, qu'ils les nourrissent chaque jour, dans de bons Catéchismes, des vérités de la foi., qu'ils en fassent de bons chrétiens.

 Oui, M. T. C. F., en lisant au chapitre 21ième de l'Evangile de saint Jean, le magnifique dialogue qui s'établit entre Notre-Seigneur et saint Pierre, au moment où le divin Maître donne à son Apôtre le devoir et l'autorité de paître tout son troupeau, de gouverner toute son Eglise ; en lisant cette triple protestationd'amour et le triple commandement qui en est la suite, il se présente naturellement trois grandes réflexions, que nous pouvons, il me semble, nous appliquer très légitimement, et comme consolation dans les travaux de notre état, et comme preuve nouvelle des devoirs qu'il nous impose.

 La première, c'est que Notre-Seigneur reçoit les peines qu'on se donne pour les siens, pour ses chères brebis, comme la marque la plus certaine qu'on l'aime, qu'on l'aime beaucoup, qu'on l'aime plus que les autres: Pierre m'aimez-vous? M'aimez-vous plus que ceux-ci ? Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime ! Eh bien ! montrez-le, prouvez-le par vos œuvres, par une œuvre qui m'est chère, qui m'est agréable entre toutes : Paissez mes agneaux, paissez mes brebis : c'est-à-dire, comme Frères Instituteurs, faites bien l'éducation chrétienne de vos enfants ; et, comme Frères Directeurs, ajoutez à l'éducation éminemment chrétienne de vos Enfants, l'éducationreligieuse, éminemment mariste de vos Frères. Par là, vous m'aurez donné la plus grande marque d'amour que je désire ; vous aurez acquis pour vous-mêmes le gage le plus certain de mon amour pour vous et des récompenses que je vous prépare. Quelle grande, quelle ineffable consolation, M. T. C. F. ! Ne suffit-elle pas, à elle seule, pour adoucir toutes les peines, pour soutenir tous les courages, dans la tâche difficile, il est vrai, mais tout apostolique, qui nous est imposée ?

 La seconde réflexion qui se présente, et que nous devons faire très sérieusement, c'est qu'il n'est pas possible à un Pasteur des âmes, et, dans la proportion qui convient, à un Supérieur, à un Directeur, de garder cet amour, de vivre dans la grâce et la charité de Jésus-Christ, s'il ne remplit pas ce précepte positif, absolu, de paître, c'est-à-dire, d'instruire, de former, de garder et de conserver, autant qu'il dépend de lui, ceux dont il est chargé. Jésus-Christ parle en Maître et il parle à l'impératif, il ordonne, il commande: Si vous m'aimez sivous voulez persévérer dans mon amour, paissez mes agneaux, paissez mes brebis ; ne vous affranchissez jamais du devoir de porter à Dieu et vos Frères et vos enfants, de ménager leur salut, de les instruire et de les former. Ce précepte d'amour et de charité, que votre état et votre charge vous imposent, revêt toute la grandeur, toute l'importance du premier et du plus grand de mes commandements : Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme, de tout votre esprit et de toutes vos forces : car il est pour vous l'exercice obligé du second commandement, qui est semblable au premier : Vous aimerez votre prochain comme vous-même (Marc, XII, 29 et suiv.). Voilà, M. T. C. F., comment, en réfléchissant sur les paroles du divin Maître à son Apôtre, nous comprenons toujours davantage l'étroite obligation où est un Frère Directeur, de se dévouer au bien de ses Frères, à leur instruction et à leur éducation, tant comme Religieux que comme Instituteurs.

 La troisième réflexion que ces mêmes paroles nous suggèrent, c'est que cette œuvre doit être une œuvre du cœur, une œuvre inspirée par la charité, conduite par la charité, accomplie dans la charité, une œuvre toute d'amour pour Jésus-Christ, toute de tendresse et de dévouement pour nos Frères, qu'il appelle ses brebis, qu'il aime, qu'il recherche, qu'il veut faire élever, nourrir, soigner et défendre comme ses plus chères brebis. Si vous m'aimez, paissez mes brebis ; aimez vos Frères comme je les ai aimés; aimez-les comme mes brebis choisies ; nourrissez-les des plus saintes maximes de la perfection religieuse ; ne plaignez ni peines, ni soins pour les former et les conserver ; s'il le faut, donnez même votre vie pour eux, comme j'ai moi-même donné la mienne. C'est de vos Frères, bien plus encore que des enfants, qu'il vous est dit dans mon Evangile: Tout ce que vous avez fait, tout ce que vous ferez à l'un des moindres d'entre eux, c'est à moi-même que vous le faites (Matth., XXV, 40). Quiconque donnera seulement un verre d'eau froide à l'un de ces petits, parce qu'il est mon disciple, le vous le dis en vérité, il ne perdra pas sa récompense (Matth. X, 42). 

 En effet, M. T. C. F., quand nous voulons relever notre charité pour le prochain, la soutenir et la surnaturaliser, nous nous étudions à voir Jésus-Christ jusque dans le moindre des enfants, jusque dans le dernier des hommes ; nous nous rappelons cette doctrine admirable de l'Apôtre de la charité par laquelle il nous enseigne que Jésus-Christ a fait cession au prochain de tous ses droits à notre amour et à notre reconnaissance ; qu'il lui a passé le prix de son sang, les mérites de sa Passion et de sa mort, sa vie divine tout entière, immolée et sacrifiée pour nous : Ce qui nous fait connaître l'amour de Dieu envers nous, c'est qu'il a donné sa vie pour nous ; et nous devons aussi, nous autres, donner notre vie pour nos frères (l Jean, III,16.) Mes bien-aimés, si Dieu nous a aimés de celle sorte, nous devons aussi nous aimer les uns les autres; et si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous et son amour est parfait en nous. (Jean, IV, 11, 12.)

 Mais s'il est vrai que ces paroles de saint Jean s'étendent à tous les hommes, même aux plus grands pécheurs; s'il est vrai que, par la cession que Notre-Seigneur leur a faite des droits que lui donne sur nous l'excès de son amour, nous devons, au besoin, pousser la charité jusqu'à mourir pour eux, que ne devrons-nous pas faire, que ne ferons-nous pas pour nos Frères en religion, pour des Frères que Jésus-Christ lui-même nous confie, qu'il nous charge de former, de conserver et de perfectionner ; pour des Frères choisis par lui, appelés par lui pour former et édifier, à leur tour, de nombreux enfants, et, plus tard, d'autres Frères, qui viendront continuer et perpétuer la même œuvre de zèle et de charité?

 Ainsi, M. T. C. F., voilà bien les conditions qui nous sont faites.

 D'une part, payer à Jésus-Christ, dans la personne de nos Frères, tout ce que nous lui devons d'amour et de reconnaissance ; faire à Jésus-Christ lui-même tout le bien que nous leur faisons, et être assurés d'en recevoir la récompense comme si la personne même du divin Maître en avait été l'objet premier, l'objet unique.

 D'autre part, nous approprier les mérites et les travaux, non seulement de tous les Frères que nous aurons élevés, mais encore de tous ceux dont ils auront eux-mêmes accompli ou préparé la formation : de telle sorte que nous faisons nôtres des exercices de zèle, des œuvres de sanctification qui peuvent s'étendre sans mesure dans l'Eglise de Dieu et se perpétuer jusqu'à la fin des temps !

 Qui ne sera excité, encouragé par des pensées si solides et si vraies ! par une perspective si admirable de biens, de richesses spirituelles et éternelles ! Non, il n'est pas possible que le zèle d'un Frère Directeur qui entrera bien dans ces vues de foi, qui s'en pénétrera vivement, ne soit puissamment soutenu et fortifié, qu'il ne soit rendu comme inébranlable.

 VI

 Du reste, pour mieux comprendre combien les Frères Directeurs ont besoin, dans la direction et la formation des Frères, de se remplir de cette doctrine, de se nourrir de ces pensées, disons ici quelques mots de la longueur et des difficultés de leur tâche, de ce travail quotidien qui leur est demandé.

 Oui, la direction, la formation d'un Religieux, d'un Frère instituteur est un travail difficile : car l'homme est un petit monde renfermé dans le grand, ou plutôt, reprend saint Grégoire le Grand, un grand monde renfermé dans le petit, puisque le monde entier ne peut suffire à l'étendue de ses désirs : d'où il suit que gouverner un seul homme, c'est gouverner un monde, et qu'il faut porter autant de mondes qu'on a d'hommes a conduire.

 Seigneur, dit le Psalmiste, vous avez accablé nos épaules de pesants fardeaux ; vous avez mis les hommes sur nos têtes (PS. LXV,12). Qu'est-ce à dire, porter les hommes, porter ses inférieurs, sur sa tête, sinon apporter à les diriger et à les former, tous ses talents, toute son industrie, toute l'application de son esprit, toute la sagesse et toute la raison dont on est capable ? Qu'est-ce à dire encore, si ce n'est leur prodiguer des soins, des attentions, un dévouement qui place continuellement le Supérieur comme au-dessous de ses inférieurs, qui le constitue leur serviteur, ainsi que le proclame le Souverain Pontife, lequel ne prend d'autre titre que celui de Serviteur des serviteurs de Dieu ?

 Travail difficile, sidifficile, que le grand Apôtre le compare au travail d'une femme qui enfante dans d'extrêmes douleurs : Mes petits enfants, écrit-il aux fidèles de Galatie, pour qui je sens de nouveau les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que Jésus-Christ soit formé en vous. (Gal., IV, 19.) Un Frère Directeur ne devra donc pas s'étonner des embarras, des soucis, des sacrifices de toute sorte que lui apportera ce travail. Au contraire, il aurait cent fois raison de s'inquiéter et de craindre, s'il ne lui coûtait rien : car ce serait une preuve qu'il ne l'accomplit pas.

 Nous l'avons dit, un homme à conduire est un monde à porter ; et autant d'hommes à conduire, autant de mondes à porter. Quel est, demande là-dessus Saint-Jure, l'Atlas si fort et si puissant qui ne plierait pas sous la pesanteur d'un tel fardeau? Si donc un Supérieur, un Directeur de plusieurs Frères ne sent pas la pesanteur de sa charge, c'est qu'il ne la porte pas en effet ; c'est qu'il se fait illusion sur ses devoirs ; c'est qu'il n'a pas ses inférieurs sur sa tête : il ne s'occupe pas d'eux, il les abandonne à eux-mêmes, il les laisse s'élever et grandir au gré de leurs désirs.

 Disons encore Travail difficile, extrêmement difficile, car il a contre lui toutes les oppositions de la nature corrompue, toutes les illusions des sens, tous les travers de l'esprit, tous les défauts du caractère, toutes les passions du cœur, toutes les séductions du monde, toutes les faiblesses de la chair, toute l'inconstance humaine exploitée par la malice de Satan ; de Satan qui ne craint rien tant que les bons Religieux, qui se sert de tout pour entraver leur formation, la paralyser, la rendre inutile.

 « Mes Frères, disait le P. Champagnat dans une réunion de Frères Directeurs, en répondant à l'un d'eux qui se plaignait du peu de piété de ses Seconds, ne vous étonnez pas que les Frères de quinze à vingt ans n'aient pas la piété, la ferveur et la dévotion que vous  leur souhaiteriez et que vous ressentez vous-mêmes. Cet âge est l'époque la plus critique de la vie ; c'est le moment où les passions commencent à se faire sentir et à livrer à l'homme cette guerre cruelle qui ne finit qu'à la mort. Attiré d'un côté par l'attrait des plaisirs sensuels, appesanti de l'autre par le poids de ses devoirs, fatigué par les combats qu'il est obligé de soutenir, le jeune homme n'a de goût pour rien, n'est impressionné de rien. Les vérités, même les plus terribles suffisent à peine pour le réveiller de son assoupissement et pour mettre un frein a ses mauvaises inclinations.

 « Tous les hommes paient un triste tribut à cet âge, même ceux qui sont naturellement bons et pieux. Au lieu donc de vous plaindre du peu de ferveur et de dévotion de ces jeunes gens, portez-leur compassion, priez pour eux, traitez-les avec bonté, encouragez-les, et gardez-vous bien de les gronder et de les maltraiter. Une sévérité outrée ne pourrait, à cet âge, que les décourager et les perdre, en les jetant dans les sentiers du vice qui les attire, en leur faisant abandonner la voie de la vertu, dont les rigueurs apparentes les effraient. »

 Puis, le bon Père expliquait les saintes et paternelles industries dont il fallait se servir pour les gagner et les sauver : 1° se les attacher par toutes sortes de soins et de bons offices ; 2° les préserver des tentations, en les tenant toujours occupés ; 3° les accoutumer à prier, en apportant une parfaite exactitude aux exercices de piété; 4° leur aplanir les difficultés de la vertu par les saintes lectures, les bonnes instructions et de continuels encouragements ; 5° les aguerrir dans le bien et les préparer aux grandes victoires sur le monde, le démon et la chair, en leur apprenant à se vaincre peu à peu par la fidèle observation de la Règle.

 Enfin, qu'ajouterons-nous? Travail difficile, très difficile, puisqu'il a épuisé le zèle, la charité, la patience des plus grands Saints.

 Notre-Seigneur lui-même a mis trois ans pour instruire et former ses Apôtres ; encore l'un d'eux a échappé à tous les efforts de sa tendresse, et pour tous, il a fallu l'action miraculeuse du Saint-Esprit pour les corriger de leurs défauts et de leurs imperfections.

 Toute la vertu, toute la sainteté, tous les miracles du grand saint François d'Assise n'ont pu triompher de l'orgueil et de l'ambition du Frère Elie.

 Avant lui, saint Pacôme, désespérant d'arrêter le relâchement de quelques-uns de ses disciples, avait demandé et obtenu que Dieu le retirât de ce monde pour n'être pas témoin de leurs scandales.

 Notre pieux Fondateur, lui aussi, n'a-t-il pas vu tous ses travaux et tous ses efforts rendus inutiles par la fausse piété et l'entêtement de son premier Frère, par l'infidélité de plusieurs autres qu'il avait pris le plus grand soin de bien former?

 Il faut donc que les Frères Directeurs comprennent la difficulté de ce travail, qu'ils s'y attendent ; et que, soutenus par leur foi, animés d'une charité à toute épreuve, ils ne se laissent rebuter ni par le nombre et la grandeur des obstacles, ni par la lenteur et la faiblesse du succès, ni même par les infidélités qui viennent trop souvent affliger le zèle le plus dévoué et le plus persévérant.

 Quant à la longueur de ce travail, disons d'abord que Dieu le prépare de toute éternité, en disposant les causes secondes, souvent de la manière la plus étrange, pour amener, sans contrainte, sa créature intelligente et libre, à embrasser la vie parfaite, pour la faire arriver à telle ou telle Communauté. L'histoire des vocations religieuses révèle à cet égard des secrets merveilleux, des traits de Providence, où éclatent, à la fois, de la manière la plus admirable, la sagesse, la puissance et la bonté de Dieu.

 Vient ensuite le travail d'un bon père, d'une pieuse mère, qui, dès l'enfance, initient ce futur Religieux aux principes de la foi et à la pratique des vertus chrétiennes.

 Après le père et la mère, le plus souvent, ce travail est repris, continué et perfectionné par les soins d'un bon Frère Instituteur. Lui aussi, met toute son attention à suivre cet adolescent, en qui il a découvert un premier germe de vocation ; et, pour l'ordinaire, il ne pourra le gagner que s'il joint, pendant longtemps, aux bons effets de ses leçons, l'effet bien plus puissant de ses exemples.

 Au travail des parents chrétiens, du pieux Instituteur, s'ajoutent toujours les conseils et les soins assidus d'un Pasteur zélé : de telle sorte que, ce n'est qu'avec le concours réuni de la famille chrétienne, de l'école religieuse et du Prêtre, après quinze à vingt ans de préparation, que commence à poindre dans une âme la pensée de la vie religieuse, que cette pensée s'élève jusqu'au désir, que le désir amène la résolution, et que la résolution détermine la séparation de la famille et l'entrée au Noviciat.

 Là, recommence un travail spécial et tout nouveau: travail de plusieurs mois pour la Vêture, de deux années pour les premiers Vœux, de cinq ans au moins pour la Profession, de quinze ans pour la Stabilité, de la vie entière pour arriver à la perfection que Dieu désire, à la persévérance finale qui consomme l’œuvre et assure la couronne.

 Mon Dieu ! que veulent dire toutes ces difficultés, toutes ces longueurs, qui s'attachent à la naissance et à l'accroissement, au développement et à la perfection, à la consommation de la vocation religieuse, à la formation complète d'un bon Frère Instituteur ? Sont-elles faites pour rebuter et décourager ceux qui en ont la charge et le soin ? Ah ! loin de là.

 Pour quiconque les étudie et les comprend, elles ne prouvent qu'une chose : la grandeur, l'excellence, le prix infini de cette belle vocation, de cette perle précieuse de l'état religieux, pour laquelle l'homme qui l'a trouvée, va, plein de joie, vendre tout ce qu'il a, et l'achète à tout prix. (Matth., XIII, 44, 45, 46.)

 Pour nous, Supérieurs et Directeurs, elles ne peuvent, elles ne doivent produire qu'un seul effet : nous remplir de courage et d'ardeur dans l'accomplissement de notre tâche.

 Puisque le grand dessein de Dieu, dans les vocations religieuses, est de manifester ici-bas, sur certaines âmes privilégiées, les richesses de sa grâce, afin de pouvoir, dans l'éternité, faire éclater sur ces mêmes âmes, les magnificences de sa gloire; puisque de chaque Religieux, Dieu veut faire un chef-d’œuvre de sanctification et de glorification; que tout, dans l'ordre de sa Providence, est disposé, peines, travaux, difficultés, obstacles et moyens quelconques, pour préparer et achever ce chef-d’œuvre, et qu'il nous fait l'honneur de nous prendre, nous Supérieurs et Directeurs, comme les instruments de ses miséricordes, comme les aides et les coopérateurs de sa grâce et de son amour, qu'avons-nous à faire, sinon à nous dévouer tout entiers, à nous dévouer avec bonheur, à une tâche si noble et si sainte, sans tenir compte ni de la longueur ni de la difficulté du travail ; nous encourageant, au contraire, par ces difficultés mêmes, puisqu'elles ne servent qu'à nous révéler la grandeur des desseins de Dieu ?

 Je vous ai dit, dans la première Circulaire, comment et par qui ce travail doit être entrepris, poursuivi et conduit à la perfection. Les Frères Directeurs n'ont point oublié que la part principale, la part la plus longue, la part pratique et de persévérance, leur revient nécessairement. Je n'ai plus qu'à ajouter ici une dernière réflexion sur une difficulté particulière, une difficulté comme accidentelle, qui peut s'attacher, pour quelques-uns, au travail dont nous parlons.

 Quelques Directeurs, en effet, nous l'avons déjà dit, n'ont pas assez compris l'obligation où ils sont de former leurs Frères, de les suivre dans les moindres détails de leurs exercices religieux, de leurs études, de leur emploi, de toute leur conduite, en un mot ; ils n'ont pas fait entrer la pratique de ce devoir dans leurs habitudes; ils n'y ont pas accoutumé leurs inférieurs, et tout est à commencer pour les uns comme pour les autres. De là, tous ont à passer par les difficultés particulières qui marquent le commencement de chaque chose : les Directeurs, à donner une direction suivie et détaillée, qu'ils n'ont pas l'habitude de donner; les Seconds, à accomplir un exercice de soumission et de dépendance, auquel ils ne sont pas rompus. Il leur faudra donc, aux uns et aux autres, un courage particulier, une constance exceptionnelle, pour se faire à ce point de Règle, pour s'y mettre sans retard et l'accomplir résolument, malgré toutes les difficultés.

 C'est pour cela que j'insiste très fort, que j'insiste longuement sur l'étendue et la gravité de cette obligation des Frères Directeurs, sur les motifs de crainte et d'amour qui en recommandent si puissamment la pratique. Quand on est bien convaincu de son devoir, on trouve dans sa conscience, Dieu aidant, toute l'énergie de volonté nécessaire pour le remplir.

 Puis, si les Frères Directeurs réfléchissent que tout l'avenir de la Congrégation est dans le soin qu'ils mettront à former leurs Frères, que nous n'avons rien de plus important, rien de plus urgent pour le bien général de l'Institut, et pour l'avantage spirituel et temporel de nos Sujets, je suis assuré que tous, sans exception, se porteront à l'accomplissement de cette tâche, non seulement par conscience et par devoir, mais encore par amour et par dévouement ils s'y porteront avec tout l'amour qu'ils ressentent pour leurs Frères en Religion avec tout le dévouement dont ils sont remplis pour I'Œuvre du vénéré Père Champagnat, si constamment, si complètement dévoué lui-même a l'éducation et à la formation de ses Frères.

 Un mot seulement sur les exemples et les leçons qu'il nous a donnés en ce point, pour achever de nous encourager dans cette œuvres de zèle et de charité.

 VII

 Dire ce que le Père Champagnat a fait pour réunir nos premiers Frères, pour les instruire et les former, c'est dire qu'il y a consacré son existence tout entière, qu'il y a passé les jours et les nuits, qu'il y a usé, en peu d'années, ses forces et sa santé, le tempérament le plus robuste et le plus fort. Par sa constitution, il était appelé à voir une extrême vieillesse, et il est mort à cinquante et un ans, exténué de veilles et de travaux, épuisé par des privations de toutes sortes, par les peines et les sacrifices sans nombre qu'il a dû s'imposer, pour suffire aux premiers besoins de son œuvre, victime de son zèle et de son dévouement pour la formation de ses Frères

 Rien ne lui coûtait pour les porter à une vertu solide et les préparer à devenir de bons instituteurs. L'histoire de sa vie nous en redit quelque chose ; mais ses premiers disciples seuls savent tout ce qu'il eut d'efforts à faire, de soins à prendre pour les plier aux pratiques de la vie religieuse, pour vaincre leur ignorance et leur grossièreté, pour réformer leur caractère, corriger leurs défauts, leur apprendre à faire le Catéchisme, à surveiller les enfants, à discipliner lesclasses, à ne pas se décourager dans l’œuvre si difficile de l'instruction et de l'éducation de la jeunesse.

 Dès l'origine, on voit quelle perfection de vues, quelle solidité de principes, il avait su leur inspirer. « Mon Frère, disait le Frère Louis à son compagnon, en ouvrant l'école de Marlhes, nous avons cent enfants dans nos classes ; eh bien ! ce sont cent âmes dont l'innocence nous est confiée, et dont le salut dépend en grande partie de nous. Ces enfants seront toute leur vie tels que nous les élèverons. Si nous leur donnons de bons  principes, si nous les élevons dans la vertu, ils se conduiront en bons chrétiens, et ils se sauveront. Si, au contraire, nous négligeons leur instruction religieuse, si nous nous contentons de leur enseigner les sciences profanes, ils seront pour la plupart de mauvais chrétiens, et ils se perdront. Ainsi, selon la manière dont nous remplirons notre emploi, nous serons pour nos enfants ou un grand moyen de salut ou une grande cause de ruine. Les parents nous les envoient pour que nous leur apprenions à lire et à écrire ; mais Dieu nous les confie pour que nous leur apprenions à connaître Jésus-Christ, à gagner le ciel. C'est là notre but, il faut nous y attacher, avant tout, et ne donner l'instruction que pour l'atteindre plus sûrement. »

 Ces pensées de foi, le pieux Fondateur ne manquait pas de, les exprimer en toute occasion, de les répéter, surtout à chaque nouvelle fondation. « Allez, disait-il aux Frères partant pour Bourg-Argental, les autorités vous appellent et les parents vous attendent, pour donner l'instruction primaire aux enfants ; mais la Religion qui vous envoie, a des vues plus (grandes) ; elle veut que vous leur appreniez connaître et à aimer leur l'ère céleste, que vous en fassiez de bons chrétiens, et que votre école soit une pépinière de saints. »

 Dans ces quelques mots, tout abrégés qu'ils sont, se trouve tout l'esprit de nos premiers Frères. A nous de prendre lesmêmes vues et de les donner à tous nos Frères; rien ne peut nous soutenir dans les fatigues de l'enseignement, si ce n'est le désir et le bonheur de faire connaître Jésus-Christ, le zèle du salut des âmes, le véritable esprit de foi.

 Voyez encore, au Chapitre dixième de la Vie du vénéré Père, avec quels soins il formait les Novices à la piété et aux connaissances nécessaires ; comme il employait tout son temps, même ses récréations, à les exercer pour le Chant, pour la Messe, pour les Cérémonies de l'Eglise ; quelles admirables maximes il s'étudiait à leur inculquer sur la prière, la vocation, la dévotion à Marie, les vanités du monde, les consolations de la piété, l'excellence du Catéchisme et des vertus religieuses.

 Aussi, nous fait-on remarquer qu'à cette époque, tous, Frères et Novices, apportaient un zèle, une ardeur sans pareille à répondre aux tendres soins de leur bon Père. Jamais on ne vit, soit à la Maison-Mère, soit dans les Etablissements, plus de ferveur, de piété, de charité, de sainte joie, d'exactitude en tout. Selon le vœu que saint Ignace exprime dans ses Constitutions, on ne faisait cas que des choses spirituelles, de l'humilité, de l'obéissance, de l'esprit de prière et de recueillement ; chacun les préférait infiniment à la science, aux talents et à tous les avantages humains.

 Voilà, M. T. C. F., dans quel milieu de foi et de piété, il faudrait que se fît l'éducation de tous nos Frères ; voilà ce qu'ils devraient voir et entendre partout, dans les Postes comme dans les Noviciats. Alors, ils deviendraient solidement vertueux, véritablement religieux ; alors, comme aux premiers jours de notre Œuvre, on serait content et heureux, même au milieu de toutes les privations et de tous les travaux.

 Plus loin, nous avons le récit des épreuves et des contradictions de toutes sortes qu'a éprouvées le pieux Fondateur, le douloureux spectacle des irrégularités de quelques-uns de ses premiers disciples et de l'infidélité qui en fut la suite ; mais nous voyons en même temps sa fermeté à maintenir la Règle, à corriger les abus, il prévenir le relâchement, à écarter tout ce qui aurait pu altérer l'esprit de la Congrégation et en changer le but.

 Autre modèle, pour les Frères Directeurs, du courage et de la constance avec lesquels, aujourd'hui plus que jamais, ils doivent lutter contre les abus et le relâchement, s'efforcer de corriger les défauts et de prévenir les faiblesses de leurs Frères.

 Jusqu'à sa mort, le pieux Fondateur n'a cessé, comme saint Paul le recommande à Timothée, de veiller sur ses Frères, de les reprendre, de les presser à temps et à contretemps, en un mot, de s'acquitter envers eux de tous les devoirs d'un bon et parfait Supérieur.

 Sur son lit de douleur, il saisissait encore toutes les occasions de les exhorter, de les encourager, de donner de bons avis à tous ceux qui l'approchaient. Il a même voulu nous laisser à tous, dans son Testament spirituel, une exhortation perpétuelle à l'obéissance, à la parfaite charité, à l'esprit d'humilité et de piété, à la dévotion envers Marie, à la fidélité à notre vocation et à la persévérance.

 Resterait à suivre le second volume de sa Vie, le tableau des vertus et de l'esprit du bon Père : mais je ne puis qu'en dire un mot d'une manière générale. C'est là surtout qu'apparaît l'importance extrême qu'il attachait à la formation des Frères et le zèle incomparable qu’il y a apporté. Plusieurs fois en le parcourant, j’ai été tenté de suspendre toutes ces réflexions, et de vous renvoyer uniquement aux leçons, aux avis, à la doctrine et aux exemples de notre vénéré Père, tant ils sont admirables, tant ils sont bien appropriés à nos besoins et faits pour servir de règle et de modèle à tous les Frères Directeurs.

Non M.T.C.F., je ne puis trop vous recommander de lire et de relire toute la vie du Père Champagnat ; mais surtout le Traité de ses vertus et de son esprit. Il embrasse, dans les vingt-quatre Chapitres qui le composent, tout ce qu’on peut dire de mieux et de plus pratique pour nous sur les vertus de notre état : l’esprit de foi, la confiance en Dieu, l’amour de la prière, la pratique de la présence de dieu, la dévotion envers Notre Seigneur et sa divine Mère, les vœux, l’esprit de l’Institut, l’amour du travail, l’union fraternelle, la fidélité à la Règle, le zèle pour les enfants.

Après avoir rappelé aux Frères Directeurs, à partir du XV° chapitre, tout ce qu’a fait le pieux fondateur pour les former eux-mêmes, ce qu’il demande d’eux et ce qu’ils doivent être, il leur fournit, dans toute cette partie, le modèle le plus accompli, la direction la plus sûre, les leçons les plus utiles, pour tout ce qui concerne la formation des Frères, la correction de leurs défauts, leur avancement spirituel et leur persévérance.

Maintenant, M.T.C.F., après toute ces leçons et tous ces exemples de notre Fondateur, après toutes les considérations qui précèdent, que me reste-t-il à faire, sinon à prier Dieu tout de nouveau, par l’intercession de la sainte Vierge, de saint Joseph et de nos bons Anges, que cet enseignement soit bien reçu et bien compris de tous ? Je demande surtout qu’il apporte aux Frères Directeurs assez de lumières sur leurs devoirs, principalement sur celui que je regarde comme le premier et le plus rigoureux de tous, la formation et la conservation des Frères, pour que jamais la conscience ne leur permette de l'oublier et de le négliger.

 Nous sommes à la veille d'échanger plus particulièrement nos vœux, et de renouveler nos prières et nos demandes pour tous ceux qui nous sont chers. Je ne crois pas, M. T. C. F., pouvoir en former de plus utiles, de plus importants, de plus nécessaires, ni qui vous expriment mieux l'ardente affection que, je vous porte à tous, en Notre-Seigneur.

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 Le Chapitre Général, convoqué par notre Circulaire du 19 juillet dernier, a eu sa première Session, à la Maison-Mère, le 28 octobre et les jours suivants.

 Il se compose des Frères ci-après désignés, dans l'ordre des suffrages obtenus par chacun

 

Province du Centre. – Seize Députés

 F. Euthyme.                                F. Callinique.

F. Avit.                                         F. Ignace.

F. Chrysogone.                           F. Marie-Lin.

F. Louis-Bernardin.                     F . Epaphras.

F. Nicet.                                      F. Cittinus.

F. Placide.                                   F. Marie- Clarent.

F. Marie-Jubin.                            F. Cyrion.

F. Abel.                                       F. Claude.

 

SUPPLÉANTS: 

F. Ethelbert.                   F. Privat.

 

Province du Midi. – Treize Députés:

 

F. Félicité.                                 F. Victor.

F. Jean-Marie.                           F. Ambroise.

F. Malachie.                              F. Louis-Régis.

F. Ladislas.                               F. Augustus.

F. Onésiphore.                          F. Benoît-Marie.

F. Juvénal.                                F. Ildefonse.

F. Cariton. 

SUPPLEANTS : 

F. Azarias.                     F. Juste.

 

Province du Nord. – Quatre députés

 

F. Aidant.                       F. Abrosime.

F. Andronic.                   T. Aquilas. 

Suppléant

F. Gébuin.

 

Le but de cette première réunion, était, comme vous le savez, l'élection de deux nouveaux Frères Assistants. J'ai la consolation de vous redire à tous, dans cette Circulaire, ce que vous avez déjà appris par les correspondances particulières, que le choix du Chapitre s'est porté, à l'unanimité sur le Cher Frère Euthyme, Secrétaire Général de la Congrégation ; et, à une très grande majorité, sur le Cher Frère Félicité, Visiteur de la Province de Saint-Paul-trois-Châteaux.

 En conséquence, le Cher Frère Euthyme, cinquième Assistant, est spécialement désigné par nous, pour remplacer le Cher Frère Pascal, décédé, et pour aider, selon les Constitutions, au gouvernement de la Province de Notre-Dame de l'Hermitage.

 Le Cher Frère Félicité, sixième Assistant, a été chargé provisoirement, de la direction générale du Secrétariat de la Maison-Mère, afin qu'il fût plus à même de se mettre en communication avec les Frères de la Province de Saint-Genis-Laval, et de soulager le Cher Frère premier Assistant.

 Nous n'avons tous qu'à bénir le bon Dieu, de voir le Régime ainsi complété et fortifié. C'était bien la plus douce et la plus grande consolation qui pût nous arriver, après la perte si douloureuse et si inattendue de notre excellent Frère Pascal. Prions tous pour que le bon Dieu bénisse de plus en plus nos nouveaux Assistants, qu'il les remplisse de son esprit, et qu'il leur donne la grâce et la force de remplir dignement, et pendant de longues années, tous les devoirs de leur charge.

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 Comme je vous l'ai annoncé dans la dernière Circulaire, la BIOGRAPHIE de nos principaux Frères défunts est aujourd'hui à l'impression ; j'espère que vous l'aurez dans le courant de l'année, ou, au plus tard, à la Retraite prochaine. Ceux qui auraient encore quelques notes à fournir sur le Cher Frère Pascal doivent les envoyer immédiatement.

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 Voici la liste des Frères et Postulant, décédés depuis notre Circulaire du 19 juillet 1867 :

 

F. ETIENNE, Profès, décédé a Saint-Genis-Laval, le 21 août 1867 ;

F. ALPINIEN, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval, le 24 août 1867.

F. MAGNUS, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval, le 24 août 1867.

F. LIN, Profès, décédé à Beaucamps, le 9 septembre 1867.

F. MARIE-JOSUÉ, V. O., décédé à Saint-Genis-Laval, le 21 septembre 1867.

F. ANECTE, V. O., décédé à Saint-Genis-Laval, le 30 septembre 1867.

F. CLAUDIEN, V. O., décédé dans sa famille, le 1ier octobre 1867.

F. ARCONTIUS, V. O., décédé dans sa famille, le 28 octobre 1867.

   SOULIER, Jean-Pierre, Postulant, décédé à Saint-Genis-Laval, le 16 novembre 1867.

F. HERACLE, Profès, décédé à Saint-Paul-trois-Châteaux, le 1ierdécembre 1867.

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 Les Aspirants au vœu d'obéissance ou à la Profession ne, doivent pas oublier que la liste d'admissibilité est envoyée aux Frères Profès, dans le courant du mois d'avril. En conséquence, les demandes pour les vœux devront nous être adressées en janvier prochain, ou, au plus tard, en mars.

 Je dois dire ici qu'un bon nombre de Frères Profès ne sont pas assez exacts à donner, au temps voulu, leurs observations sur les Récipiendaires qu'ils connaissent. C'est avec la correspondance de mai que ces observations doivent nous être adressées. Que personne ne manque à le faire dorénavant.

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 Grâce à Dieu, nos divers Noviciats se sont recrutés cette année d'un assez grand nombre de sujets ; mais je dois vous rappeler que le nombre des Frères est toujours bien en dessous des besoins. Il n'est presque pas de semaines où nous n'ayons d'importantes demandes à refuser ou à ajourner indéfiniment. C'est vous dire combien vous devez apporter de zèle à encourager les bonnes vocations, à les faire naître au besoin. Que chaque Frère ait donc à cœur, non seulement de se dévouer lui-même à la grande œuvre de l'éducation chrétienne de la jeunesse, mais qu'il tâche encore de se donner des Aides qui permettent de l'étendre, et des Successeurs qui puissent la continuer. Contribuer de tout son pouvoir aux bonnes vocations, et les demander dans toutes ses prières, est un exercice de zèle et de charité que les bons Frères n'oublient jamais.

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 La présente Circulaire sera lue en Communauté, à l'heure ordinaire de la Lecture spirituelle.

 Je termine par ces souhaits du grand Apôtre aux Fidèles de Corinthe et de Thessalonique : Que la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, l'amour de Dieu et la communication du Saint-Esprit soient avec vous tous. Amen. (Il Cor., XIII, 13.) Nous prions sans cesse pour vous, et nous demandons à notre Dieu qu'il vous rende dignes de l'état auquel il vous a appelés ; qu'il accomplisse tous les desseins que sa bonté a sur vous, et que par sa puissance il rende votre foi féconde en bonnes œuvres. Afin que le nom de Notre-Seigneur soit glorifié en vous, et que vous soyez glorifiés en lui par la grâce de notre Dieu et de Notre-Seigneur Jésus-Christ. (Il Thess., I,11-12.)

 Ces paroles de l'Apôtre renferment éminemment tous les biens spirituels que nous ne cessons d'appeler sur chacun de vous ; mais nous ne laissons pas, avec cela, de conjurer le Seigneur de soutenir vos forces et votre courage au milieu de vos nombreux travaux, de bénir vos efforts et de vous donner toutes les consolations du zèle et de la charité.

 C'est dans cet esprit et ces sentiments que nous nous souhaiterons mutuellement une bonne et sainte année, et que je vous prie d'agréer la nouvelle assurance du tendre et religieux attachement avec lequel je suis, en Jésus et Marie,

Mes Très Chers Frères,

Votre très humble et très dévoué Frère et serviteur,

               F. Louis-Marie.

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[1]:  Le texte porte: “donnè-je “. NDLR

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