Circulaires 91

Louis-Marie

1869-02-02

Sur la pureté d’intention et sur l’imitation de Jésus-Christ - Etat des finances - Etat  du  personnel et Vocations - Maisons en Océanie, et Afrique et en Syrie - Constitutions - Décret d’approbation par le  Saint-Siège - Bénédiction Apostolique et indulgences - Classiques - Mémoire de St Joseph - Avis divers - Position  civile de l’Institut - Défunts.

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 1869/02/02

 V. J. M. J.

 N.-D. de Saint-Genis-Laval, le 2 février 1869.

Fête de la Présentation de N. S. J. C. au Temple,

et de la Purification de la Sainte Vierge.

                     Mes très chers Frères,

 Je commence cette Circulaire par une pensée que j'ai exprimée aux Frères de la Maison-Mère, le premier jour de la nouvelle année : pensée sainte qu'il me serait utile de rappeler ici pour tous, comme la meilleure réponse à vos lettres et souhaits de bonne année, comme le plus sûr moyen de réaliser les prières et les vœux que nous aimons à former les uns pour les autres.

 Cette sainte et salutaire pensée, c'est des Anges mêmes que nous l'avons reçue, à la naissance du Messie, lorsque, du haut des airs, ils firent entendre ce sublime cantique : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté. (Luc., II, 15.)

 Or, sur ces paroles nous pouvons dire avec un pieux auteur : Voulons-nous être heureux ? voulons-nous que notre année, que notre vie entière, s'écoule dans la paix et le contentement ? voulons-nous surtout qu'au bonheur passager du temps présent, succède le bonheur parfait, le bonheur sans mélange et sans fin de la vie future? « Ne troublons point le beau cantique des Anges, ne changeons pas le partage que Dieu a fait. Il se réserve la gloire, et il nous donne sa paix. Prenons la paix de Dieu pour nous, mais ne touchons pas à la gloire : car, si nous lui dérobons sa gloire, il nous ôtera sa paix. »

 I

 Donc, M. T. C. F., pour faire une bonne et sainte année, nous n'avons qu'à faire la part de Dieu et à lui laisser faire la nôtre; à nous occuper, comme Notre-Seigneur, des affaires de Dieu, de ce qui regarde le service de Dieu, lui laissant et lui confiant tout le soin de nos propres affaires.

 Et, sachons-le bien, nos affaires iront d'autant mieux, la part que Dieu nous fera, dans le présent comme dans l'avenir, sera d'autant plus riche, d'autant plus abondante, que nous nous oublierons davantage nous-mêmes, pour ne penser qu'à lui, ne chercher que lui, lui donner, librement et volontairement, en tout et toujours, la plus grande part possible. Seigneur, dit le Prophète, vous serez bon avec celui qui est bon, saint avec celui qui est saint, libéral avec celui qui est libéral. (Ps. XVII, 25.)

 En effet, chercher la gloire de Dieu, la volonté de Dieu, le bon plaisir de Dieu, son pur amour, ce qui est le comble du mérite et de la perfection, qu'est-ce autre chose que mettre Dieu lui-même dans la nécessité de procurer notre propre gloire, d'accomplir notre propre volonté, et jusqu'à nos moindres désirs? Sa parole y est engagée en cent endroits des divines Ecritures. Dieu, dit le Roi-Prophète, accomplira la volonté de ceux qui le craignent, il exaucera leurs prières et les sauvera. (Ps. CIV, 19.) Il ira même au devant de leurs moindres désirs , il entendra les dispositions, la préparation de leur cœur. (Ps. x, 17.)

 Si vous savez séparer l'or pur du plomb vil, séparer ce qui est précieux d'avec ce qui est abject, c'est-à-dire, prendre pour vous ce qui vous appartient, le néant et le péché, rendre à Dieu ce qui n'est qu'à lui, l'honneur et la gloire, vous serez comme sa bouche. (Jérém., XV, 19.) Dieu vous aimera comme sa bouche, comme ses yeux, comme sa vie ; il vous aimera du même amour dont il s'aime lui-même, et vous glorifiera de la même gloire dont il se glorifie lui-même. Je serai, moi-même, dit-il à Abraham, voire récompense infiniment grande (Gen., XV, 1.) ; sur quoi le Roi-Prophète s'écrie: Mon Dieu! que vos amis sont honorés ! ils sont honorés sans mesure, ils sont honorés à l'excès. (Ps. CXXXVII, 17.)

 Aussi, bien mal avisé, bien insensé serait celui qui voudrait être l'artisan de sa gloire et de sa félicité, qui ne saurait et ne voudrait pas en confier à Dieu seul tout le soin ! Que peut l'homme pour son propre bonheur, l'homme, être si faible, si pauvre, si ignorant, si misérable !… Dieu, au contraire, que ne peut-il pas pour nous glorifier et nous rendre heureux : Dieu qui a tout fait, à qui tout appartient dans le temps et dans l'éternité ; Dieu qui met au service de nos intérêts, quand nous prenons les siens, toute sa puissance, toute sa sagesse et toute sa bonté !

 A Dieu donc et à Dieu seul l'honneur et la gloire de tout ! A Dieu toute louange, toute adoration, tout amour, toute action de grâces, pour le bien reçu, pour le bien accompli, pour tout bien du corps et de l'âme, du temps et de l'éternité ! C'est sa part, sa part nécessaire et incommunicable. Je ne donnerai pas ma gloire à un autre, nous dit-il dans Isaïe. (Is., XLII, 8.)

 Mais notre part à nous, quelle sera-t-elle? quelle sera la part des hommes de bonne volonté qui sauront respecter les droits de Dieu et lui faire hommage, lui rendre gloire de tout, d'eux-mêmes et de leurs œuvres

 Les Anges nous l'annoncent par son ordre. C'est, ici-bas, la paix, la paix de Dieu, laquelle, au dire du grand Apôtre, surpasse tout sentiment (Ph., x, 7) ; c'est le centuple de tout ce que nous pouvons faire et souffrir pour lui ; c'est, à chaque action, quelque petite qu'elle soit, accomplie dans sa grâce et par son amour, un accroissement actuel de la charité et des dons du Saint-Esprit, accroissement actuel de la grâce et des vertus infuses ; le pardon immédiat des fautes légères et la remise des peines temporelles qui leur sont dues ; un redoublement d'espérance, de sainte joie, de solide et parfait contentement ; des lumières et une onction toutes divines qui purifient le cœur, modèrent les passions, éclairent l'entendement, échauffent la volonté, fortifient dans le bien, nous rendent capables des actions les plus héroïques, et enracinent peu à. peu dans nos âmes les habitudes de toutes les vertus.

 C'est, en outre, la bénédiction de Dieu sur toutes choses, sur le temporel comme sur le spirituel : Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu, nous dit Jésus-Christ, et tout le reste vous viendra comme par surcroît. (Matth., VI, 33.)

 Puis, pour l'éternité, c'est le droit à des richesses immenses, à des honneurs incomparables, à des délices infinies, à la possession de Dieu même : droit certain, droit de justice, assuré à tout sacrifice, quelque léger qu'il puisse être, dès que la gloire de Dieu, l'amour de Dieu, le bon plaisir de Dieu en est le principe et la fin. C'est encore Jésus-Christ lui-même qui nous l'assure avec serment : En vérité, je vous le dis, quiconque donnera seulement un verre d'eau froide à l'un de ces petits, parce qu'il est mon disciple, il ne perdra pas sa récompense (Matth., X, 42.)

 Non, jamais Dieu ne reste en arrière avec nous; jamais il ne se laisse vaincre en générosité et en amour.

 Il n'y a pas longtemps qu'un jeune Frère, sur le point d'aller communier, parlait ainsi à Notre-Seigneur : « O Seigneur Jésus, c'est pour vous seul, oui, pour vous seul, que j'accepte cette mesure, cette disposition qui me jette depuis vingt-quatre heures, dans une si épouvantable agitation. Nul autre au monde ne pourrait m'y déterminer; mais, c'est fait, pour vous, Jésus, pour vous, ô mon Dieu, je boirai ce calice et je le boirai jusqu'à la lie. Venez à moi, et bénissez-moi. » A l'instant même, une joie toute divine inonde son âme, un calme parfait lui est rendu, et il communie avec une ferveur extraordinaire. Quelques jours après, rendant compte à son Supérieur de ce combat et de cette victoire insigne, il lui protestait qu'à l'avenir rien ne saurait lui répugner ni le décourager. Avec la paix sur cette terrible mesure que lui seul, du reste, imaginait, il avait reçu pour sa Vocation, pour ses Vœux, pour toutes les positions et pour tous les emplois, une force et un courage, des dispositions d'esprit et de cœur qu'il n'avait jamais connues jusque-là.

 Un autre, un peu plus tôt, demandait de même à Jésus-Christ, au moment de le recevoir, que, pour prix d'une permission qu'il sollicitait vainement, depuis nombre d'années, et dont il lui faisait définitivement le sacrifice, il voulût bien lui faire remise de toutes ses fautes passées. « Puisque vous le voulez, mon Dieu, je renonce à cette satisfaction ; j'accepte ce long refus qui semble n'être que pour moi seul ; mais, je vous en conjure, pour prix de mon sacrifice, faites-moi remise entière de mes péchés passés ; et que votre Corps sacré que je vais recevoir, soit le sceau divin du contrat qui se passe en ce moment entre ma pauvre âme et votre adorable Majesté. »

 Au même instant, une parole de complet pardon retentit au fond de son cœur, il s'approche de la sainte Table avec une paix, une joie ineffable ; et, bientôt, avec cette grâce singulière, il obtient, sans peine, la permission qu'il demandait inutilement, depuis quinze ans.

 Ainsi en est-il toujours avec Notre-Seigneur. Faire un pas vers lui, c'est obliger son Cœur miséricordieux à en faire cent vers nous. Cherchons-le donc uniquement, n'ayons d'autre fin que sa gloire, d'autre règle et d'autre but que son bon plaisir, d'autre mobile que son amour, et nous aurons la clef des plus grands trésors ; nous aurons tout le secret des bonnes années, parce que nous aurons le grand secret de la sainte vie, de l'heureuse mort et de la bienheureuse éternité.

 II

 Un mot, dans le même sens, sur l'imitation de Jésus Christ, sur ce qu'elle demande de nous, la part du divin Maître ; sur les biens qu'elle nous apporte à nous-mêmes, notre part. J'ai également donné ces réflexions aux Frères de la Maison-Mère, le dimanche, 18 octobre dernier, à l'occasion de la fête de saint Luc Evangéliste, historien et peintre de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de Marie, sa divine Mère.

 Tous, M. T. C. F., nous avons à faire le portrait de Jésus-Christ, par l'imitation de ses vertus ; à le reproduire en nous, par la conformité de notre vie avec la sienne ; à nous former sur son image, à la copier trait pour trait dans nos pensées, nos affections, nos paroles et toutes nos œuvres. Je vous ai donné l'exemple, nous dit-il, afin que vous fassiez ce que j'ai fait. (Jean, XIII, 15). Deux fois, la première, au Baptême dans le Jourdain, la deuxième, à la Transfiguration sur le Thabor, la voix du Père Eternel se fait entendre pour dire à tous les hommes : C'est là mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis toute mon affection, écoutez-le. (Matth. III,17. – XVII, 5.) Imitez-le par conséquent, car il vous ordonne de faire comme il a fait. Saint Paul nous avertit que tous ceux que Dieu a connus dans sa prescience, pour être du nombre des Elus, il les a aussi prédestinés peut-être conformes à l'image de son Fils, afin qu'il soit lui-même le premier-né entre plusieurs frères. (Rom., VIII, 29.)

 Il n'y a donc pas à balancer, point de salut sans la ressemblance avec Notre-Seigneur. Il n'y a pas à alléguer que l'imitation d'un si grand Modèle est au-dessus de nos forces, qu'elle n'est que pour les Saints, pour ceux qui sont consommés en vertu.

 Non, non, l'obligation est pour tous. L'imitation de Jésus-Christ est de tous les âges, de tous les lieux, de toutes les conditions : pour les commençants comme pour les plus avancés, chacun selon la mesure de sa grâce, de son état et de ses moyens.

 Dans l'affaire du salut, notre point de départ, disent les Maîtres de la vie spirituelle, c'est le péché ; notre point d'arrivée, notre but, c'est Dieu ; et le chemin, la voie pour franchir la distance, c'est Jésus-Christ. Il dit lui-même qu'il est la voie, la vérité et la vie : la voie sûre, la voie nécessaire, la voie unique pour arriver à la souveraine Vérité et à la souveraine Vie : Personne ne va au Père que par moi. (Jean, XIV, 6.)

 C'est donc en suivant Jésus-Christ, en imitant Jésus-Christ, qu'on va de l'infinie bassesse, qui est le péché, à l'infinie Grandeur, qui est Dieu ; mais, dans le cours ordinaire de la grâce et du salut, on n'y arrive pas d'un bond, on y monte par degrés, peu à peu, et voici comment.

 La volonté sincère, le désir ardent d'imiter Jésus-Christ, de nous former sur son modèle, nous porte aujourd'hui à un acte de vertu, demain à un autre acte de vertu; aujourd'hui au support d'une peine, demain au support d'une autre peine ; aujourd'hui au combat d'une tentation, demain au combat d'une autre tentation ; tous les jours, en un mot, et plusieurs fois par jour, à quelques nouveaux efforts, ou pour faire le bien, ou pour résister au péché, ou pour souffrir quelque chose en vue de ressembler à Jésus-Christ.

 C'est par ces actes quotidiens que le divin Portrait se prépare, se commence, s'ébauche ; c'est par ces mêmes actes, répétés et prolongés, qu'il se continue, se travaille et se perfectionne.

 Chacun de ces actes est comme un pas de plus fait vers Jésus-Christ, un trait de ressemblance de plus avec son adorable Personne.

 Et si l'on est généreux, si l'on continue sans se lasser, sans s'arrêter, on est tout étonné, après quelque temps, du chemin que l'on a fait dans cette voie de sainteté et d'amour.

 La grâce prévenant et secondant toujours nos efforts, l'âme se trouve bientôt comme toute rapprochée de Jésus-Christ, pénétrée de son esprit, portée à l'aimer, désireuse de l'étudier et de le connaître, tout appliquée à le considérer et à le méditer ; heureuse de le recevoir, de le visiter et de l'entretenir; attentive, en un mot, et tout empressée à lui plaire, à croître dans son imitation, par une résistance plus entière aux tentations, par des actes de piété et de vertu plus fervents et plus multipliés.

 Et voyez, M. T. C. F., combien l'imitation de Jésus-Christ, ainsi comprise, ainsi voulue et pratiquée, nous rend facile le support des peines de notre état, la pratique des vertus, tous les sacrifices qui peuvent nous être demandés.

 Quoi! se dit à elle-même, une âme saintement avide de ressembler à Jésus-Christ : Mon Dieu s'est humilié, s'est anéanti jusqu'à prendre la forme d'un esclave et à mourir dans les derniers opprobres ! et j'oserais m'élever, me préférer à mes Frères et me croire quelque chose !…

 Jésus-Christ, le Fils éternel du Père, s'est soumis à toute créature pour l'amour de moi, il a été obéissant jusqu'à la mort et à la mort de la croix et moi, je ne voudrais pas me soumettre à ceux qu'il a chargés de me conduire, j'oserais résister dans des choses si justes, si faciles !…

 Toute la vie de Jésus n'a été qu'un exercice de patience et d'abnégation, une vie de souffrance et de pauvreté, une vie de peine et de travail, enfin, une croix et un martyre continuel : Il a fallu que le Christ souffrît, qu'il ressuscitât d'entre les morts, et qu'il entrât ainsi dans sa gloire par les souffrances ! et moi, je voudrais avoir toujours mes aises et mes commodités, ne manquer de rien, ne rien endurer, aller au ciel sans qu'il m'en coûte !..

 Non, non, il n'en sera pas ainsi ! Puisque j'ai résolu d'imiter Jésus-Christ, puisque je veux absolument lui devenir semblable, ni la conscience ni l'amour ne me permettent de reculer devant les peines et les sacrifices. La conscience me fait un devoir, et l'amour doit me faire un besoin, de marcher sur les traces du divin Maître, de m’humilier avec lui et comme lui, de souffrir, d'obéir, et de me crucifier sans cesse comme Jésus-Christ l'a fait.

 Viennent les privations et les déplaisirs, viennent les peines et les difficultés de l'enseignement, viennent l'assujettissement de la Règle, les commandements difficiles, les paroles blessantes, tout ce qui coûte le plus à la nature : Bon ! très bon ! s'écrie aussitôt l'âme généreuse, qui veut à tout prix ressembler à Jésus-Christ: voilà un excellent coup de pinceau à donner au Portrait de mon divin Maître, voilà une magnifique occasion d'avancer la Copie de mon adorable Modèle, ne la manquons pas, profitons-en habilement. Jamais mieux ! jamais mieux !

 Et alors, je le répète, on s'humilie, on patiente, on se tait, on souffre, on s'encourage aux plus grands efforts, aux plus généreux sacrifices, par amour pour Jésus-Christ, par le désir toujours nouveau et toujours plus fort de faire comme il a fait.

 Mais pour cela, ne craignons pas de le dire, il faut du courage, de la constance, de la générosité ; il faut une noble ardeur, et comme une sainte et irrésistible passion, de mener à bonne fin cet admirable Chef-d’œuvre : Un homme, faible et pécheur, redevenant fort, juste et saint !… L'homme tombé et dégénéré, se relevant, se refaisant sur le Modèle de l'Homme-Dieu ; par la grâce et par ses efforts, se transformant en Jésus-Christ, devenant un autre Jésus-Christ ! …

 Eh ! comment n'aurions-nous pas ce courage, cette ardeur, cette noble et divine passion ! Faudra-t-il donc toujours que les enfants du siècle soient plus habiles dans la conduite de leurs affaires que les enfants de lumière dans la grande affaire de leur éternité?  (Luc, XVI, 8.)

 Voyez ce peintre, voyez ce sculpteur, qui ont entrepris, l'un le tableau, l'autre la statue, dont ils ont résolu de faire leur chef-d’œuvre.

 Quelle application ils y apportent ! quels soins ! quelle attention ! Ils se pénètrent de leur sujet, ils l'étudient à fond ; ils ne voient que la personne ou le modèle qu'ils ont à reproduire. Sans cesse, ils y portent les yeux ; et, quand ils ne le voient plus, ils y pensent encore ; ils l'ont tout entier dans l'esprit, dans la mémoire, dans l'imagination. Ils osent le dire: «Tant que je ne vous aurai pas couché sur ma toile ou sculpté sur le marbre, vous me serez tout entier dans la tête, je ne pourrai penser qu'à vous, je ne verrai que vous. »

 O Dieu ! un homme peut-il à ce point occuper un autre homme?… Ne devrions-nous pas faire mille fois plus, infiniment plus, pour peindre, pour sculpter, pour former Jésus-Christ en nous ? Quel rapport entre une pauvre et vile créature, et la Beauté toujours ancienne et toujours nouvelle de Notre-Seigneur Jésus-Christ ! Quelle proportion entre cette toile grossière et fragile, ce marbre froid et cassant, où s'exerce le talent des artistes, et notre âme vivante et immortelle, où la foi et l'amour doivent accomplir le divin Portrait du Fils de Dieu ! Que sont nos pauvres couleurs matérielles, même les plus parfaites, auprès des traits adorables, des formes divines dont se revêtent, pour l'éternité, nos âmes et nos corps, nos facultés et nos sens, en se revêtant de Jésus-Christ, par l'imitation de ses vertus, la pratique de ses exemples et de ses leçons !

 Si donc, dans cette divine Imitation, notre foi et notre piété ne vont pas à surpasser les efforts qu'inspire la passion de l'art, prenons-en du moins un bon exemple, selon la pensée du divin Maître.

 Mettons aussi tous nos soins à étudier notre divin sujet, JÉSUS-CHRIST ! son intérieur et son extérieur, à le pénétrer, à le comprendre, à saisir ses traits adorables et l'esprit de ses mystères. Regardez, dit L’Esprit-Saint, et faites selon le modèle qui vous a été montré sur la montagne (Ex., XXV, 4.0); en latin, inspice, regardez avec attention, regardez au-dedans ; ne vous contentez pas de connaître l'extérieur des actions du Dieu fait homme ; mais pénétrez au dedans. Voyez l'excellence et la pureté de ses intentions, la perfection de son amour, la beauté et la sainteté infinies de son âme. C'est à cette perfection que vous devez tendre de toutes vos forces : Faites toutes choses selon le modèle qui vous a été montré, c'est-à-dire, en conformité avec Jésus-Christ, crucifié et exposé pour nous tous sur la montagne du Calvaire.

 Mais, pour mieux comprendre tout ce que demande ce grand travail de la formation de Jésus-Christ en nous, suivons plus en détail la comparaison que nous avons choisie. Nous voyons, à tout instant, dans l'Evangile, que le divin Maître se sert de comparaisons, de paraboles, des objets sensibles, pour nous faire mieux saisir les choses de la foi et du salut, pour mieux nous inculquer tous nos devoirs.

 Donc, dans cette vue, observons d'abord avec quel soin le peintre et le sculpteur se rendent compte de leur travail. A peine ont-ils donné quelques coups ou de pinceau ou de ciseau, qu'ils veulent aussitôt en apprécier l'effet. On les voit prendre toutes les positions, se plier dans tous les sens, avancer, reculer, demander conseil, s'aider des meilleurs instruments, pour mieux juger de leur œuvre et la perfectionner toujours.

 Avons-nous la même attention, nous Religieux, dans notre saint travail de l'Imitation de Jésus-Christ ? Où sont ceux qui, comme d'habiles artistes spirituels, se rendent compte de chacune de leurs pensées, de chacune de leurs affections, de toutes leurs paroles et actions de chaque jour, pour voir si elles sont en parfaite harmonie avec celles de Jésus-Christ, si elles leur donnent quelque nouvelle ressemblance avec lui, si elles apportent une perfection de plus à son divin Portrait ?

 Plus clairement, comment se font nos Examens ? comment se fait ce contrôle de chaque jour, sans lequel il n'y a rien de suivi, rien d'efficace dans le combat et la destruction de nos défauts, dans la poursuite et l'acquisition des vertus? Ne l'oublions pas, l'examen bien fait, c'est l'indispensable marteau, c'est l'instrument par excellence, pour tailler, couper retrancher en nous tout ce qui fait opposition à Jésus-Christ.

 En second lieu, l'artiste qui prépare son œuvre de choix, son chef-d’œuvre n'opère jamais qu'en lieu sûr, il a grand soin de s'abriter contre tout ce qui peut ou déchirer sa toile ou briser sa pierre, ou même les salir et les altérer accidentellement.

 Grande leçon pour nous, M. T. C. F., si nous voulons sauver, en nos âmes et en nos corps, l'adorable image de Jésus-Christ, la conserver intacte et pure. Oh ! que d'ennemis, que de dangers la menacent ! Le démon surtout nourrit la haine la plus acharnée contre le Verbe fait chair et contre tout ce qui en rappelle le souvenir. Voyez ce fait ! …

 On a observé qu'en inspirant, à d'impies révolutionnaires, la dévastation d'une de nos plus belles églises du Midi, il excitait particulièrement leur rage contre l'image du Sauveur des hommes. Au fond du sanctuaire, se trouvait sculpté un groupe magnifique, représentant les trois Personnes divines, environnées d'anges. Or, les statues ou symboles du Père éternel, du Saint-Esprit et des anges sont restés intacts ou à peu près ; tandis que la statue de Jésus-Christ est mutilée d'une manière affreuse : il y manque la tête, les bras, les jambes, et une partie de sa croix, qu'il tenait de la main droite. Il est visible que le démon, qui poussait ces malheureux, a voulu exercer par eux sa haine contre le Christ, l'assouvir au moins sur son image.

 Il faut donc nous attendre à toute la fureur de Satan, dès que nous voudrons efficacement faire revivre Jésus-Christ en nous. Comme il inspirait aux Juifs de voiler sa face adorable, afin que, n'étant plus captivés par la beauté de ses traits, ils pussent l'insulter à leur aise ; de même, cet ennemi de Jésus et le nôtre se sert de tout, du monde, de la chair, de tous nos mauvais penchants, de tous nos vices et défauts, pour nous dérober la vue et la pensée de Jésus-Christ, pour nous le faire oublier, et arriver ainsi à souiller en nous sa divine ressemblance, à la défigurer, à l'anéantir même. Ne pouvant rien contre la Personne de son éternel Vainqueur, il se venge sur tout ce qui le représente.

 A nous donc de couvrir cette image sacrée, à nous de l'abriter sous la garde sévère de tous nos sens et de toutes nos facultés, dans la fuite et l'éloignement du monde, dans l'enceinte, doublement forte et parfaitement gardée, de nos Règles et de nos Vœux.

 Oh ! qu'il nous importe, M. T. C. F., de ne pas donner la main à Satan contre Jésus-Christ, de ne jamais souffrir sciemment que la divine image du divin Rédempteur soit insultée en nous-mêmes ou en ceux qui nous sont confiés ! … Il « est bon, dit l'auteur de l'Imitation, que si l'amour ne vous empêche pas de pécher, la crainte de l'enfer au moins vous retienne. » Or, c'est le sentiment de plusieurs Docteurs, me disait naguère un excellent Prêtre, qu'au dernier jour, Jésus-Christ, pour se venger et venger ses Saints des outrages et des audaces de Satan, pour le punir d'avoir osé attaquer et renverser ses desseins de miséricorde, en détruisant son image et les fruits de la Rédemption dans tant de réprouvés, lui infligera, devant les anges et les hommes, devant le ciel et l'enfer, devant les bons et les méchants, avant la séparation finale, un châtiment tellement épouvantable, que toutes les créatures en frémiront de terreur, et qu'alors seulement apparaîtra toute la puissance de la colère divine : Seigneur, dit le Prophète, qui connaît la puissance de votre colère, et qui la craint autant qu'elle est redoutable? (PS. LXXXIX, 11.)

 Malheur ! malheur ! donc à ceux qui auront imité l'audace de Satan, qui auront servi sa haine contre Jésus-Christ !… Ils ne pourront éviter de partager sa honte et son châtiment : Relirez-vous de moi, maudits ; allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. (Matth., XXV, 41.) Pour nous, M. T. C. F., craignons cette redoutable colère, comme nous devons la craindre ; et, pour y échapper à cette heure suprême, n'oublions jamais, pendant la vie, de respecter, de couvrir, de protéger toujours, dans nous, dans nos Frères, dans nos enfants, l'image vivante du Fils de Dieu, la Vie mystique de Jésus-Christ dans les âmes. N'oublions pas de prendre, en tout et partout, les intérêts du divin Maître, aujourd'hui, notre Sauveur, et alors, notre Juge.

 Après avoir rappelé ce grand motif de crainte, qui nous presse si fort de nous identifier avec Jésus-Christ par l'imitation et par l'amour, je poursuis la comparaison qui nous en explique si bien la pratique.

 Remarquons, en troisième lieu, que le peintre et le sculpteur qui, à la première ébauche, taillent à grands traits et comme au hasard, ne procèdent qu'avec d'extrêmes précautions, lorsqu'il s'agit de donner à leur travail sa dernière perfection. Alors, ils redoublent d'attention et de soins, ils mesurent leurs moindres coups, ils les multiplient sans fin, ils mettent à les donner toute leur adresse et tout leur talent, afin d'en faire jaillir sur leur oeuvre la vie, le mouvement, la beauté d'expression qu'elle demande. C'est alors qu'apparaissent et se distinguent les artistes supérieurs, les talents d'élite, qui, seuls, savent enfanter les chefs-d’œuvre.

 Ici, M. T. C. F., comme application, laissez-moi vous transcrire un magnifique passage de saint Bernard. « Mes Frères, disait-il à ses Religieux, vous avez promis à Dieu non seulement la sainteté et le salut, mais la perfection de la sainteté. D'où il suit : 1° Que vous  ne devez pas vous arrêter aux commandements imposés à tous, mais arriver aux conseils donnés aux parfaits ; 2° Qu'il ne vous appartient pas de demander ce que Dieu veut, mais ce qu'il désire ; 3° Que si les simples chrétiens doivent aimer et adorer Dieu,  VOUS devez, vous, le goûter et le dévorer; 4° Enfin, et c'est ce qui va surtout à notre sujet, que, si ces mêmes chrétiens doivent suffisamment connaître et servir Jésus-Christ ; vous, Religieux, vous devez le comprendre et le servir excellemment, le reproduire dans toute votre personne, en faire une copie parfaite. »

 C'est donc, M. T. C. F., un tableau de maître, un portrait accompli qui nous est demandé à nous, Religieux, a nous, âmes d'élite, âmes choisies pour représenter le divin Maître dans sa vie parfaite.

 Il nous a été facile, à l'entrée en Religion, à notre Vêture, à notre Profession, de corriger nos grandes oppositions avec Jésus-Christ, les énormes difformités des péchés mortels. Nos premières Confessions, nos premières Retraites nous ont valu cette première grâce.

 Mais ce n'est là que comme l'ébauche du divin Portrait, comme le fondement indispensable sur lequel repose l'Imitation de Jésus-Christ : l'état de grâce, la bonne conscience,

 C'est sur ce fondement que nous avons à continuer notre grand travail, et à l'amener peu à peu à la perfection que demandent et l'excellence de notre Vocation, et l'abondance des grâces qu'elle nous procure et la sainteté de nos engagements.

Qu'est-ce à dire dans la pratique?

C'est dire, en un seul mot, que nous devons nous nourrir chaque jour de la même nourriture dont s'est nourri Jésus-Christ, LA VOLONTÉ DE DIEU : Ma nourriture, dit-il, est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et d'accomplir son œuvre. (Jean, IV, 34.) Je fais toujours ce qui lui est agréable, ce qui lui plaît davantage. (Jean, VIII, 29.) Or, la volonté de Dieu pour nous, son bon plai­sir, c'est notre Règle : notre Règle observée dans tous ses points, observée jusqu'à la parfaite Ponctualité, observée par amour. Telle est la perfection de ressem­blance que nous donne avec Jésus-Christ cette héroïque fidélité, qu'elle suffirait seule, dit Benoît XIV, pour conduire un Religieux à la plus haute sainteté, à l'hon­neur même de la Canonisation.

La Règle, dit saint Jérôme, conduit droit à Jésus-­Christ ; chaque jour et à chaque instant, elle nous fait pratiquer quelques-unes de ses vertus. Nos exercices nous sont donnés comme autant de couleurs divines, pour les imprimer, pour les reproduire dans nos âmes ; et le pinceau qui les applique, c'est la bonne volonté, c'est-à-dire, la ponctualité, la ferveur et la constance dans l'obéissance et la régularité.

Ainsi, le Religieux fidèle à sa Règle, devient humble et obéissant comme Jésus-Christ ; pénitent et morti­fié comme Jésus-Christ ; zélé, doux, charitable, pur et saint comme Jésus-Christ, son adorable Modèle.

D'autre part, la Règle, par l'étude et l'enseignement du Catéchisme, par la lecture assidue des livres ascé­tiques, par toutes nos méditations et instructions de chaque jour, développe et accroît sans cesse la connais­sance que nous avons de Jésus-Christ. Elle la rend plus amoureuse, plus intime, plus approfondie; elle nous fait pénétrer plus avant dans les secrets de son Cœur et dans l'esprit de ses mystères ; et, par là même, elle augmente chaque jour aussi notre ardeur à l'imiter ; elle nous donne de nouvelles lumières, de nouvelles forces, pour le suivre jusque dans ses opprobres et les tourments de sa Passion. Oh ! heureux ! mille fois heureux ! le Frère qui se passionne pour l'étude et la connaissance de N. S. J. C. !… Parlant à son Père, Jésus-Christ dit lui-même : Mon Père, la vie éternelle consiste à vous connaître, vous qui êtes le seul Dieu véritable, et Jésus-Christ que vous avez envoyé. (Jean, XVII, 3.)

 La Règle encore, en sauvegardant nos Vœux, nous amène à la parfaite Chasteté, à la parfaite Obéissance, à la parfaite Pauvreté de Jésus-Christ ; et ces Vœux par leur stabilité, nous conduisent comme infailliblement à la persévérance finale, au consummatum est du Calvaire, qui est le dernier trait de ressemblance avec l'Homme-Dieu, en attendant qu'il nous glorifie dans le Ciel.

 Voilà comment, dans la Règle et par la Règle, nous arrivons, selon la pensée de saint Bernard, à la parfaite imitation de Jésus-Christ, la perfection de la sainteté et du salut. Quel puissant motif de nous attacher de plus en plus, et à notre saint Etat et à toutes les Règles qu'il nous impose !

 Enfin, pour suivre toute notre comparaison, et compléter nos réflexions sur ce que demande de nous l'imitation de Jésus-Christ, disons encore : 1° qu'il ne faut jamais nous lasser ni nous décourager dans ce saint travail ; 2° qu'il faut savoir réparer avec avantage nos oublis et nos manquements ; 3° que notre courage doit grandir par les difficultés mêmes qui se présentent.

 Telle est l'ardeur du peintre et du sculpteur, quand ils se sont passionnés pour une œuvre, qu'ils ne plai­gnent ni temps ni peine pour l'achever : ils y passent des mois et des années, presque sans s'en apercevoir ; ils ne se lassent pas de perfectionner leur travail, d'en corriger tous les défauts, de faire et de refaire, vingt fois, cent fois, les mêmes parties, les mains, les yeux et autres, plutôt que de les laisser imparfaites.

« Vous n'avez donc rien fait à votre Moïse, disait à Michel-Ange un de ses amis qui ne l'avait pas visité depuis un mois? – Comment ! rien fait ! répond l'ar­tiste. J'y ai travaillé le jour et la nuit, je n'ai travaillé qu'à cela. Eh quoi ! vous ne voyez pas comme cet œil a pris de la vie, comme la bouche est plus expressive, comme il y a plus de force, plus d'énergie dans ces vei­nes, dans ces muscles ! Qu'est-ce qu'un mois, qu'est-ce qu'une année, pour donner à mon œuvre le fini, la beauté qu'elle doit avoir?

Et nous Chrétiens, nous Religieux, appelés à copier, à reproduire Jésus-Christ, nous voudrions, nous ose­rions calculer nos peines, pour mouler notre corps et ses sens sur le Corps et les sens du Verbe incarné ; pour revêtir sa pauvreté, son innocence, sa douceur, son affabilité, son incomparable modestie !

Nous voudrions, nous oserions plaindre notre temps, compter nos efforts, pour faire passer en nos âmes, les vertus, la sainteté, les perfections infinies de son Ame divine !

Non, non, devant un travail si grand, si beau, si di­vin, les peines ne sont rien, il faut les aimer; les efforts ne sont rien, il faut les multiplier; le temps le plus long est court, il n'en faut rien perdre.

Que n'ont pas fait les Apôtres, les Martyrs, les Soli­taires, les Saints de tous les temps, de tous les lieux, de toutes les conditions, pour se former sur l'image de Jésus-Christ, pour marcher sur ses pas, comme dit saint Pierre, dans la voie des souffrances, suivant l'exemple qu'il nous a laissé ! (1. S. P., II, 21.)

 Mes petits enfants, dit saint Jean, je vous écris ceci, afin que vous ne péchiez point. Cependant, s'il arrive que quelqu'un pèche, nous avons pour Avocat auprès du Père, Jésus-Christ qui est juste. (1. S. J., II, 1.)

 Quand il échappe au peintre, au sculpteur, quelques coups imprudents, quelques coups malheureux, ils les réparent aussitôt ; ils les réparent de leur mieux, quelquefois même avec grand avantage pour leur œuvre.

 Ainsi, devons-nous faire nous-mêmes, suivant l'exhortation de l'Apôtre bien-aimé, pour conserver et relever en nous la divine image de Jésus. Par sa grâce et sa miséricorde infinie, nous le pouvons toujours . car, dans cet art divin, il n'y a pas d'accident irréparable pour la bonne volonté.

 Donc, tout faire d'abord pour honorer, respecter et abriter l'image adorable du Seigneur Jésus ; pour la défendre contre la haine et les insultes de Satan ; ne rien nous permettre, ne rien souffrir qui puisse la souiller, la défigurer : c'est ce que veut de nous l'amour de Jésus-Christ, le zèle pour sa gloire. Mais si la malice du démon, abusant de notre faiblesse, nous fait manquer à ce devoir ; si, par notre faute, la divine image reçoit quelque insulte, subit quelque honteuse souillure, ah ! aussitôt, aussitôt, allons à l'Avocat que nous avons auprès du Père, Jésus-Christ. Demandons grâce, réparons notre oubli, et hâtons-nous de purifier, de relever, de rafraîchir en nous son image : ayons à cœur de venger sur l'heure notre adorable Maître.

 Rien de mieux pour briser la tentation, pour échapper à un moment de violente surprise, que cette pensée de haine et de vengeance contre le démon ; que ce besoin qui se fait sentir aussitôt, de confondre le grand ennemi du Fils de Dieu, de faire triompher Jésus-Christ, en lui rendant son image vivante, c'est-à-dire, notre âme purifiée et renouvelée par la Confession et le repentir, toute retrempée pour le combat.

 C'est dans cette pensée que je vous recommande à tous de tenir fortement, selon l'esprit de la Règle à la Confession hebdomadaire ; elle est le moyen le plus efficace d'entretenir en nous la pureté de cœur et de conscience, qui est le fondement essentiel de l'imitation de Jésus-Christ.

 Enfin, que dans ce saint travail, notre courage grandisse toujours par les obstacles mêmes.

 C'est à surmonter les grandes difficultés de leur art que le peintre et le sculpteur mettent leur gloire et leur talent, qu'ils trouvent même leur plus douce jouissance.

 « Je le tiens ! Je le liens ! s'écriait naguère, plein de joie, dans une réunion d'amis, un peintre habile, chargé de faire le portrait d'un de nos Evêques. Et quelle était donc la cause de cette subite exclamation que personne n'attendait ? Point d'autre pour l'artiste que d'avoir saisi, au feu d'une discussion très animée, adroitement provoquée par lui, le regard du Prélat et de l'avoir rendu dans son énergique beauté.

 Nos difficultés à nous, dans l'imitation de Jésus-Christ, dans la copie que nous avons à faire du divin Maître, ce sont les actes héroïques, les actes d'obéissance, d'humilité, de patience, de mortification, de pureté, et autres, qui coûtent extrêmement à la nature. Et combien souvent ne s'en présente-t-il pas à notre pauvre faiblesse humaine !

 Or, ces actes, si nous sommes d'habiles et courageux artistes spirituels, bien loin de les fuir, nous les accepterons avec bonheur, nous les rechercherons même. Un seul peut suffire, quelquefois, pour donner, tout d'un coup, à notre divin Portrait, une beauté incomparable ; pour en déterminer, en assurer à jamais l'éternel succès. On peut le dire, dans cette divine peinture, dans cette sculpture sacrée de Jésus-Christ en nous, les secrets, les délicatesses, la perfection de cet art tout spirituel, ce sont précisément ces actes sublimes de vertu qu'inspire le parfait amour, et qui crucifient en un moment tout l'homme.

 Tel un Frère qui, comme Frère Louis à Marlhes, brise énergiquement avec toutes les considérations humaines, pour sauver l'Obéissance.

 Un Frère qui passe sur un violent dégoût, un cruel et subit ennui, une forte tentation, pour rester fidèle a son saint état.

 Un Frère qui répond, comme Frère Damien, à ceux qui se rient de sa délicatesse en Régularité : Toute la terre s'y mettrait, qu'on ne me ferait pas manquer à ma Règle.

 Tel un jeune homme du monde qui, comme Antoine Pascal, plus tard Frère Bonaventure, apprenant qu'un Frère, infidèle à sa vocation, blâme la vie religieuse, et plaint le temps qu'il a passé au couvent, s'écrie aussitôt : Eh bien ! moi, je veux le remplacer et j'espère que Dieu me fera la grâce d'y rester jusqu'à la mort.

 Tel, enfin, tout Religieux qui se surmonte généreusement dans un moment de grande épreuve, qui se porte à un acte de vertu très difficile.

 Comme saint Benoît, lorsqu'il se roule sur des épines, saint Thomas d'Aquin, lorsqu'il saisit un tison embrasé, pour échapper à d'impures sollicitations.

 Comme saint Ignace, lorsque, au fort de l'hiver, il se jette dans un étang glacé, pour arrêter les emportements d'un libertin.

 Comme saint François-Xavier, lorsqu'il suce le pus des ulcères, pour vaincre ses répugnances ; saint François d'Assise, lorsque, pour s'établir dans l'amour de la pauvreté, il va s'asseoir, tout jeune homme encore, sur la place publique, dans sa ville natale, au milieu d'autres mendiants, et mange avec eux les restes mêlés, les mets froids et dégoûtants qu'il vient de recueillir.

 Dieu, pour l'ordinaire, récompense ces actes héroïques, par la possession éminente de la vertu pour laquelle ils ont été faits. Pour l'ordinaire aussi, la volonté du Chrétien, du Religieux qui les accomplit, se trouve tout d'un coup, comme inébranlablement affermie dans le bien.

 Donc, en vue d'un tel résultat, de fruits si merveilleux, efforçons-nous tous, dans l'imitation du divin Maître, de faire le plus d'actes héroïques que nous pourrons, et que notre courage et notre ardeur grandissent toujours par lesdifficultés mêmes qu'ils auront à surmonter.

 La suite dans une autre Circulaire.

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 Le 16 novembre dernier, nous avons eu la deuxième Session du Chapitre Général, convoqué par notre Circulaire du 19 juillet 1867.

 Dans cette Session, le Chapitre Général s'est principalement occupé de la vérification des comptes, de l'état des finances et de tout le temporel de la Congrégation.

 Comme je l'ai déjà dit aux Frères Directeurs du Centre, par une Circulaire spéciale, en date du 11 décembre dernier, le Chapitre Général a pu constater avec nous, une augmentation très considérable dans l'avoir général de l'Institut.

 L'acquisition de la propriété de Saint-Genis-Laval, la construction, l'ameublement et tout l'agencement de la Maison-Mère, ont nécessité, pour les Provinces du Centre, une dépense de plus de neuf cent mille francs.

 Il a fallu dépenser aussi beaucoup pour assurer à l'Institut, pour régulariser et compléter les Pensionnats de Neuville-sur-Saône, de Saint-Didier-sur-Chalaronne, de Valbenoîte, de Thizy, de Millery, du Péage-de-Roussillon, et Saint-Genis-Terrenoire ; et les Externats de Firminy et de Villeurbanne.

 Par suite, dans les Provinces du Midi et dans celle du Nord, nous avons dû, forcément, faire beaucoup moins : car, d'un côté, les ressources de l'Institut ne permettaient pas d'entreprendre davantage à la fois ; et de l'autre, les circonstances étaient telles qu'il fallait ou faire ce qu'on a fait dans le Centre, ou abandonner les Positions et les Maisons acquises, ou, pour plusieurs, compromettre leur avenir et s'interdire tout bénéfice, faute d'un développement devenu indispensable.

 Toutefois, dans aucune Province, le côté temporel n'a été oublié, au moins au point de vue de l'avenir. Tout ce que d'urgence il fallait faire, on l'a fait : soit pour assurer la position des Maisons Provinciales et en préparer l'amélioration, soit pour fonder ou développer les Maisons particulières qui pouvaient leur apporter quelques ressources.

 C'est ainsi que se sont faites les acquisitions Cheysson, Roux, Thune et Gourgeon, à Saint-Paul-trois-Châteaux; l'acquisition d'Aubenas, pour la Bégude ; la création de l'Ecole et du Pensionnat de Bourg-du-Péage-de-Romans ; et, plus tôt, les dispositions prises pour les Maisons du Luc dans le Var, de Largentière et des Vans dans l'Ardèche.

 Pour le Nord, on sait que tout est dû à la pieuse initiative, à la noble et inépuisable charité de M. le Comte et de feu Mme la Comtesse de la Grandville. Restait cependant à nous assurer la position de Plaisance, à Paris, position si nécessaire pour relier le Nord avec le Centre, et pour faciliter nos rapports avec la haute Administration de l'Instruction publique. Là encore, comme il y avait urgence, qu'il fallait, ou perdre le Poste, ou acquérir et construire, nous n'avons pas reculé devant cette nouvelle dépense. Grâce à Dieu, l'entreprise va à bonne fin, et j'ai l'espoir que la Province du Nord pourra en couvrir les frais, par ses propres ressources.

 Mais, on le comprend, avec toutes ces acquisitions, avec toutes ces constructions et améliorations de Maisons, on ne pouvait manquer d'arriver à un déficit considérable dans la balance des comptes. Personne, dans l'Institut, ne pourra être surpris qu'il nous reste un passif de cinq cent mille francs environ ; et personne aussi ne saurait en prendre de l'inquiétude, ce passif reposant sur un actif cinq à six fois plus élevé.

 Cependant, le Chapitre Général a compris, comme nous l'avions compris nous-mêmes, que la situation financière de la Congrégation mérite, de la part de tous, une prompte et sérieuse attention.

 Dans le Centre et dans le Nord, tout va être fait pour longtemps. Eteindre les dettes courantes, couvrir, le plus tôt qu'on pourra, les emprunts qui nous chargent, annuellement, de huit à dix mille francs d'intérêts ; puis, tourner dans les fonds de l’Institut vers la construction des Maisons Provinciales de Saint-Paul-trois-Châteaux et d'Aubenas, telle est notre intention bien positive.

 Tout le monde reconnaît, avec nous, que ces constructions sont de première nécessité, surtout celle d'Aubenas. La Maison de la Bégude est tellement insuffisante et tellement dans le bruit, que la santé et la vertu des Frères y sont également en danger ; il n'y a réellement pas possibilité de prolonger davantage cette situation, dont, tout le premier, je puis le dire, je souffre et par conscience et par affection. Je suis sûr, d'ailleurs, que l'excellent esprit qui anime tous les Frères de Saint-Paul-trois-Châteaux, leur fera juger, avec nous que, si la prudence ne permet pas d'entreprendre immédiatement les deux constructions, il y a obligation, en quelque sorte, de commencer par celle d'Aubenas. C'est la pensée du Chapitre Général et celle du Régime.

 J'espère néanmoins que les circonstances nous favoriseront assez, pour que les promesses qui ont été données à tous, se réalisent sans trop tarder. Nous savons qu'à toute rigueur, ils peuvent commencer sur leurs propres fonds ; et laisser aux Provinces du Centre et du Nord un temps suffisant pour solder leurs dettes les plus urgentes, avant de leur venir en aide.

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 J'ai à remercier les Frères du Nord et ceux du Centre, pour l'empressement qu'ils ont mis à nous avancer leur versement ordinaire de l'année soit, par Frère, 150 à 200 francs dans les Externats 300 francs dans les demi-Pensionnats, et 500 francs dans les Pensionnats.

 Un certain nombre encore n'ont pu effectuer ce versement qu'en partie, quelquesautres ont été obligés de nous demander un retard pour le tout ; mais j'espère qu'à la fin du trimestre de 1869, fin mars prochain, le versement sera complet pour toutes les Maisons de ces trois Provinces, surtout pour les Pensionnats.

 Cette mesure, je le vois de plus en plus, nous permettra de solder, sans nouveaux emprunts, nos dettes courantes, forcément accumulées, depuis bientôt deux ans, par la construction de la Chapelle et de l'aile sud-ouest de la Maison-Mère.

 Qu'on n'oublie pas, comme nous l'avons dit, de déclarer à la Poste les valeurs qu'on a à envoyer, d'en écrire le montant sur l'adresse même de la lettre chargée qui les contient, et de demander un reçu : c'est un droit de dix centimes pour cent à payer en sus.

 Les Frères voisins peuvent s'entendre pour envoyer leurs fonds, et profiter pour cela des occasions ou permissions qu'ils peuvent avoir. Je dis les permissions qu'ils peuvent avoir, parce que mon intention n'est pas d'en accorder par le présent avis.

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 A la suite de cet exposé financier, j'ajoute deux réflexions ou observations.

 La première, c'est que tous les bons Frères, les Frères qui ont un bon esprit, le véritable esprit de famille, voient avec bonheur tout ce qui se fait pour assurer et régulariser le temporel de la Congrégation. Ils ne sont nullement surpris, ni moins encore peinés, qu'on fasse appel à leur zèle et à leur dévouement. S'identifiant pour tout avec les Premiers Supérieurs, ils comprennent assez que des œuvres si importantes, si considérables, ne peuvent s'entreprendre, se continuer et s'achever que par le concours empressé et dévoué de tous, comme elles sont le bien et l'avantage de tous.

 La seconde observation, c'est que, par la protection de Marie notre bonne Mère, la divine Providence dispose si bien toutes choses, dans l'Institut et pour l'Institut, qu'à côté du temporel qui se consolide et se développe, les éléments de piété, de régularité, de zèle, de bon esprit, de perfection religieuse, s'étendent et se multiplient également. Vous en avez la preuve dans nos Livres de Piété, dans les Biographies de nos Frères, dans toutes nos Circulaires, dans les Instructions verbales et écrites qui vous sont données ; et dans tout ce qui se fait par le Régime, par les Visiteurs, par les Provinciaux, par les Frères Directeurs, pour la formation et la conservation des Frères, conformément à nos récentes recommandations.

 Bénissons donc Dieu de toutes ces faveurs, humilions-nous de nos infidélités, et mettons tout en œuvre pour répondre, de mieux en mieux, à ses desseins sur notre Œuvre et sur chacun de nous, redoublant tous de confiance en sa bonté et en la protection de Marie, de défiance de nous-mêmes, de zèle et de dévouement dans l'accomplissement de tous nos devoirs. Oui, M. T. C. F., maintenant que je vous ai fait connaître à tous, et ma pensée sur le temporel de la Congrégation, et l'état exact de ses finances, je répéterai pour tous, avec une entière confiance, ce que j'ai dit au Chapitre Général, en terminant cette même révision : Cherchons avant tout, cherchons uniquement, le royaume et la justice de Dieu, comme nous l'ordonne le divin Maître ; soyons de bons Religieux, c'est-à-dire, des Religieux BIEN PIEUX, BIEN RÉGULIERS, BIEN UNIS, et les ressources ne nous manqueront pas, et le temporel ne fera pas défaut : Toutes ces choses, dit notre Seigneur,vous seront données par-dessus. (Matth., VI, 33.)

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 Le Chapitre Général s'est occupé ensuite de l'état du personnel de la Congrégation.

 Nous avons constaté une augmentation de sept cents Frères depuis 1858, époque où nous avons donne à Rome le personnel de l'Institut, alors de 1700 sujets.

 Cette augmentation est considérable, eu égard au temps et aux circonstances, eu égard surtout au triage marqué qui s'est fait parmi nous ; mais elle est bien en-dessous des besoins.

 Aussi, avec tous les Membres du Chapitre, nous vous recommandons plus que jamais de favoriser les Vocations par tous les moyens qui sont en votre pouvoir. Relisez avec attention tout ce qui est dit à cet égard dans la Biographie du cher Frère Pascal, de la page 383 à la page 400 : car j'y comprends ce que faisait cet excellent Frère soit pour attirer les Vocations, soit pour conserver et perfectionner les Frères. Il nous est impossible de vous rappeler, sur cet intérêt capital de notre Œuvre, un exemple plus cher à tous, ni de vous faire des recommandations plus sages et plus fortes.

 Qu'on n'oublie pas, dans les provinces du Centre et du Midi, notre essai de Juvénat on petit noviciat à l'Hermitage ; qu'on mette tout en œuvre, au contraire, pour y envoyer de bons Aspirants, comme il est dit dans la Circulaire du 16 Juillet 1868, et dans le nouveau Prospectus pour l'admission des sujets.

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 Afin d'exciter de plus en plus votre piété et votre zèle pour attirer de bonnes Vocations à l'Institut, laissez-moi vous rappeler qu'outre les Maisons et les demandes de France, de Belgique et des Iles Britanniques, nous avons maintenant à soutenir ou à préparer des Etablissements considérables en Océanie, en Afrique et dans la Syrie.

 En Océanie, les Révérends Pères Maristes, entre autres le R. P. Forest, ancien Aumônier de l'Hermitage, viennent de nous renouveler leurs demandes avec les plus vives instances ; et ils nous offrent des Etablissements également importants et pour le bien qu'il y a à faire, et pour les ressources qu'ils présentent. Puis, n'avons-nous pas une raison toute particulière de nous prêter à ces Fondations, à cause des liens d'origine et des excellents rapports qui existent entre nous et les Pères de la Société de Marie?

 En Afrique, grâce à Dieu, notre Etablissement du Cap de Bonne-Espérance continue à prospérer et fait beaucoup de bien. La santé du cher Frère Directeur a un peu souffert, pendant quelque temps ; mais, aujourd'hui, elle se refait et revient à son état ordinaire. Les autres Frères vont bien, et tous sont très contents.

 Monseigneur Grimley, Vicaire Apostolique, ne peut assez s'applaudir de sa Fondation. Sa Grandeur nous demande deux Frères de plus, et Elle ne recule devant aucun sacrifice pour assurer et développer cette Œuvre comme toutes celles que lui inspire son zèle apostolique.

 A Beyrouth et à Ghazir, en Syrie, nos Frères ont également un très heureux début. Nous ne recevons que d'excellents témoignages des Révérends Pères de la Compagnie de Jésus qui les ont appelés.

 Les Frères, de leur côté, nous expriment, dans toutes leurs lettres, un parfait contentement; ils vont bien et se montrent animés des meilleures dispositions. Sans doute qu'ils ne peuvent encore enseigner que le français ; mais ils s'essaient, un peu chaque jour, à étudier l'arabe, et ils commencent à nous en écrire et traduire quelques mots. Nous avons à Beyrouth, leC. F. Audry et le C. F. Damiano; à Ghazir, le C. F. Symphorien, le C. F. Cérin et le C. F. Louis-Bertrand.

 Déjà, ces deux Maisons nous ont attiré plusieurs autres demandes très importantes ; le Patriarche d'Antioche nous a même envoyé son Secrétaire Général, pour nous presser davantage de lui donner des Frères.

 Il va sans dire, M. T. C. F., qu'en vous donnant ces quelques nouvelles des Maisons que nous avons ou qui nous sont demandées à l'étranger, je les recommande tout spécialement à vos bonnes prières ; mais il faut aussi, comme je l'ai dit, qu'à la vue de tant de bien à faire, de tant d'enfants à instruire et à catéchiser, nous soyons tous vivement excités à favoriser de tout notre pouvoir les bonnes vocations, et à les demander à Dieu avec les plus instantes prières.

 ———————————-

 Le Chapitre Général a reconnu avec nous qu'en prévision du prochain Concile Général, il était à propos de retarder de quelque temps encore la réimpression du Livre des Constitutions.

 Le Régime, du reste, est autorisé par le Chapitre Général de 1863 à les faire réimprimer, si cela devient nécessaire, en y intercalant les modifications opérées dans la Session de 1862 – modifications qui consistent principalement dans la célébration régulière du Chapitre Général tous les dix ans, l'élection du Frère Supérieur Général à quarante ans d'âge au moins, la nomination des Frères Assistants pour dix ans, le recours à la Sacrée Congrégation des Evêques et Réguliers pour déposer le Général, pour ériger de nouvelles Provinces, fonder des Maisons de Noviciat, augmenter le nombre des Frères Assistants, etc. Il y a quelques autres articles explicatifs des Constitutions de 1854 ; mais ils n'y changent rien d'essentiel.

 C'est sous le régime de ces Constitutions, données par le Fondateur, recueillies par le Régime et acceptées par le Chapitre Général, avec approbation de l'Ordinaire, que l'Institut se trouvera, jusqu'à ce qu'il ait pu obtenir du Saint-Siège ou une nouvelle Confirmation provisoire des Constitutions ou leur approbation définitive.

 Voici, en latin et en français, le texte du Décret Apostolique approuvant et confirmant définitivement l'Institut des Petits Frères de Marie, comme Institut ou Congrégation de Vœux simples, sous le gouvernement d'un Supérieur Général ; et portant simplement confirmation, pour cinq ans, à titre d'essai, des Constitutions annexées audit Décret.

 DÉCRET

 Notre Très Saint Seigneur le Pape Pie IX, dans l’audience donnée au seigneur Secrétaire désigné ci-dessous de la Sacré Congrégation des Evêques et Réguliers, le 9 janvier 1863, a approuvé et confirmé, par 1 teneur du présent Décret comme Congrégation de vœux simples, sous le gouvernement d'un Supérieur Général, et sous la juridiction des Ordinaires selon les prescriptions des Sacrés Canons et des Constitutions Apostoliques, l'Institut susdit des Frères Maristes des Ecoles, dont la Maison-Mère se trouve dans le Diocèse de Lyon.

 En outre, il a confirmé, par manière d'essai, pour cinq ans, les Constitutions écrites ci-dessus, telles qu'elles sont contenues dans cet exemplaire : toutes choses contraires ne pouvant faire opposition.

 Donné à Rome, à la Secrétairerie de la même Sacrée Congrégation, les jour et année indiqués plus haut.

 N. Cardinal Paracciani. Clarelli, Préfet.

 Place du sceau,

 A., Arch. év. de Philippes,

Secrétaire.

  

DECRETUM

 SSmusD. N. Pius PP. IXusin audientia habita ab infr. (11, Deo Secretario Sacrae Congregationis Episcoporum et Regularium, sub die 9 : januarii 1863 : memoratum Institutum Fratrum Maristarum a scholis, quorum Domus princeps in Diaecesi Lugdunensi existit, uti Congregationem Votorum simplicium, sub regimine Superioris Generalis, et salva Ordinariorum juridictione, ad proescriptum Sacrorum Canonum et Apostolicarum, Constitutionum, proesentis Decreti tenore, approbavit et confirmavit.

 Insuper suprascriptas Constitutiones, prout in hoc exemplari continentur, per modum experimenti, ad quinquennium confirmavit ; contrariis quibuscumque non obstantibus.

 Romoe , datum ex Secretaria ejusdem Sacrie Congregationis, superius expressis die et anno.

 N. Card. Paracciani Clarelli, Proef.

 Locus sigilli.

 Arch. Philippensis, Secretarius.

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 Je joins ici trois Suppliques auxquelles notre Très Saint-Père le Pape a daigné répondre de sa propre main, en nous accordant, avec une Bénignité tout Apostolique, les faveurs que nous demandions.

 TRÈS SAINT PÈRE,

 Le Supérieur Général de l'Institut des Petits Frères de Marie se prosternant avec amour aux pieds de VOTRE SAINTETÉ,demande très humblement que, pour exciter de plus en plus dans le cœur des Frères et des enfants qu'ils instruisent, la dévotion envers la Bienheureuse Vierge Marie, VOTRE SAINTETÉ daigne accorder bénignement CENT JOURS D'INDULGENCEpour la récitation (le Saint-Père a ajouté : DÉVOTE) d'un (le Saint-Père a écrit: TROIS) Ave Maria qui se dit (nous devons ajouter : QUI SE DISENT)devant l'image ou la statue de la B. V. M. par les Frères ou par les enfants, soit dans le lieu de la récréation, soit au son de l'horloge, à chaque heure.

 Que Dieu, etc. ….

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Ecrit en latin de la main du Saint-Père

 

   Die 15 aprilis 1858. Pro gratia.         PIUS PP. IX.

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                                          Le Jour du 15 avril 1858.

                                            Par faveur.

                                             LE PAPE PIE IX.

                  Vu:

                            L. J. M. Card. DE BONALD, Arch. de Lyon.

———————————-

              TRÈS SAINT PÈRE,

 Prosterné aux pieds de VOTRE SAINTETÉ, le Frère Louis-Marie, Supérieur des Petits Frères de Marie, ose lui demander, en toute confiance et humilité,

 SA BÉNÉDICTION APOSTOLIQUE,

 pour tous les Frères, Novices et Postulants de la Congrégation ; et, plus particulièrement, pour le Frère Supérieur, pour les Frères Assistants, et pour les Membres du Chapitre Général, appelé par VOTRE SAINTETÉ à exprimer sa pensée et ses vœux sur les Constitutions qui doivent être soumises à Votre Approbation suprême.

 Cette faveur, Très Saint-Père, nous portera tous à redoubler, pour VOTRE SAINTETÉ, de respect et de soumission, d'amour et de dévouement, de zèle et de prières, dans ces jours d'angoisses et d'épreuves que traverse la Sainte Eglise.

 Que Dieu, etc.

 Ecrit en latin de la main du Saint-Père :

 

Die 26 feb. 1862.                                  Le jour du 26 février 1862.

 

Spiritus Sancti gratia illuminet                         Que la grâce de l'Esprit­ Saint éclaire

sensus et corda vestra                                     vos esprits et vos cœurs !

              

         PIUS PP. IX.                                      LE PAPE PIE

 ————————–

 Cette Bénédiction, si précieuse, vous a été transmise, en 1862, à l'époque des Retraites. Que chacun la recueille de nouveau et se laisse toujours conduire par les Lumières du Saint-Esprit, que le Souverain Pontife demande pour nous avec tant de bonté.

                TRÈS SAINT PÈRE,

 Humblement prosterné aux piedsde VOTRE SAINTETÉ, le Frère Louis-Marie, Supérieur des Petits Frères de Marie, ose demander une INDULGENCE PLÉNIÈRE pour les Frères de ladite Congrégation qui, sur la proposition du Supérieur ou d'un Assistant, accompliront fidèlement la Neuvaine suivante :

 1°Pendant neuf jours consécutifs, assister pieusement et dévotement à la Sainte Messe ; et, chaque Jour, réciter les Litanies de la Bienheureuse Vierge Marie et l'antienne Salve Regina avec trois Ave Maria.

 2° Dans le même espace de temps, approcher avec ferveur trois fois, ou au moins deux fois, de la Sacrée Communion, et visiter plusieurs fois (deux fois suffisent) le Très Saint Sacrement.

 Cette neuvaine est souvent proposée comme moyen de renouvellement et de persévérance, principalement à ceux qui semblent se relâcher de leur première ferveur.

 Nous avons la confiance, Très SAINT PÈRE, que, s'il plaît à VOTRE SAINTETÉde la bénir et d'y attacher une si grande faveur, elle protégera et sauvera la vertu et la Vocation de beaucoup de Frères.

 Que Dieu, etc.

 Ecrit en latin de la main du Saint-Père.

 

   Le jour du 26 février 1862.                             Die 26 feb. 1862

Nous accordons bénignement                       Petitas indulgentias semel in

 les indulgences demandées                            anno lucrandas a quolibet fratre,

pour être gagnées par  quelque                        benigne concedimus, adiimpletis

Frère que ce soit, les conditions                      conditionibus necessariis.

nécessaires étant remplies.

              

LE PAPE PIE IX.                                             PLUS PP. IX.

 

Vu:

 

L. J. M. Card. DE BONALD, Arch. de Lyon.

 Donc, pour gagner cette Indulgence plénière . 1° remplir exactement ce qui est prescrit dans la Supplique; 2°prier aux intentions du Souverain Pontife, comme il est exigé pour toute Indulgence plénière ; 3° demander, chaque année, au R. F. Supérieur Général, ou à un des Frères Assistants, de proposer la neuvaine.

 Cette année 1869, je la propose à tous les Frères de l'Institut, pour l'époque que chacun se choisira.

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 Le Chapitre Général de 1863 avait émis le vœu qu'un Frère fût spécialement chargé de préparer ceux de nos livres classiques qui nous manquent encore.

 Ce vœu s'accomplit, comme vous le savez. L'Arithmétique (la grosse et la petite) et les Exercices correspondants s'achèvent en ce moment.

 Un Frère Assistant prépare l'Abrégé de la Grammaire et des exercices orthographiques. J'espère que ce travail sera prêt pour les vacances.

 Les autres ouvrages viendront de même peu à peu mais, en attendant, je désire que les Frères Directeurs nous fassent connaître, dans la correspondance de mars, quels sont, en dehors de nos classiques de propriété, ceux dont ils se servent, et ceux auxquels ils donneraient la préférence, quand même ils ne s'en serviraient pas.

 Ces notes nous aideront à mettre l'uniformité dans toutes nos Maisons, chose extrêmement importante pour la bonne direction des classes.

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 Le même Chapitre avait émis le vœu que la Mémoire de saint Joseph fût insérée dans notre Petit Office de la Sainte Vierge, ce qui a été fait.

 Le Chapitre de 1868, sans arrêter encore qu'elle se ferait régulièrement tous les jours, a laissé au R. F. Supérieur Général de la permettre, quand il le jugera à propos.

 C'est donc pour répondre au désir de nos deux derniers Chapitres Généraux, pour recommander tous nos besoins au glorieux saint Joseph, et obtenir surtout de bonnes Vocations, que j'autorise, pour cinq ans, à partir du 1ierjanvier 1869, tous les Frères de l'Institut à faire Mémoire de saint Joseph, à Laudes et à Vêpres.

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 En ce qui concerne les Frères Economes dans nos principaux Pensionnats, le Chapitre Général a adopté, en principe, le Règlement et les dispositions que donne la Circulaire du 27 décembre 1860, et il a laissé au Régime d'en continuer l'essai, exprimant le désir que cette utile mesure puisse bientôt se réaliser. Il a arrêté que le Frère Econome pourra être sous-directeur dans le Poste ou ne pas l'être, selon les circonstances.

 Très désireux nous-mêmes de donner bientôt ce complément de personnel à nos principaux Pensionnats, nous cherchons à le fournir le plus tôt et le mieux possible.

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 Mon intention était de vous parler, dans cette Lettre, du zèle que vous devez mettre à tirer parti de tous les trésors spirituels qui sont entre vos mains, c'est-à-dire, de l'estime que vous devez faire de nos Livres de piété et de toutes les Instructions et salutaires Avis qui vous sont donnés dans nos Circulaires ; du soin, de l'attention que vous devez apporter à les lire et relire ; mais les réflexions que j'ai à vous faire là-dessus seraient trop longues, je les remets à plus tard. Que le zèle des Frères Directeurs, que la piété et le bon esprit de tous y suppléent, en attendant.

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 Les Frères qui ne réussissent pas dans les examens pour le brevet, doivent, avant de quitter la Commission, retirer leurs pièces (acte de naissance, brevet simple). MM. les Inspecteurs nous invitent eux-mêmes à faire cette recommandation.

 Je n'ai rien à ajouter aux réflexions de la Circulaire du 16 juillet dernier, touchant les livres de prix et les fournitures. Les Frères Directeurs doivent se faire un devoir de conscience de se conformer aux prescriptions du Chapitre Général et aux nôtres sur ce point d'administration, où se trouvent engagés, et les deniers de la Congrégation, et la discipline religieuse de nos Maisons. Il me serait très pénible d'apprendre qu'on s'en écarte, quelque part que ce soit.

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 A l'occasion du Décret impérial, en date du 12 novembre 1868, qui autorise les Petits Frères de Marie à transférer leur Maison-Mère de Notre-Dame de l'Hermitage (Loire), à Saint-Genis-Laval (Rhône), je vous donne copie, dans une feuille à part, des Décrets et Statuts qui établissent et régissent la position civile de la Congrégation.

 Ces pièces peuvent vous être utiles, en certaines occasions, conservez-les avec soin; vous pouvez même les faire relier avec ce volume de nos Circulaires.

 Elles y seront, avec celles venues de Rome, une preuve de la miséricorde de Dieu et de l'assistance visible de la B. V. Marie sur notre petite Congrégation, qui, se trouvant ainsi approuvée canoniquement et reconnue légalement, pourra désormais se dévouer en paix à la bonne éducation des enfants, avec la bénédiction de la sainte Eglise et la protection de l'autorité civile : double faveur, longtemps et vivement désirée de notre pieux Fondateur, et due aujourd'hui nous n'en doutons pas, à son puissant crédit auprès de notre bonne Mère, l'Immaculée Marie.

 

Voici la liste des Frères décédés depuis notre Circulaire du 16 juillet 1868.

 

F. BRUNO  Profès, décédé à la Côte-Saint-André (Isère), le 17 janvier 1868 (omis).

F. MAMERT, Novice, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage, le 29 juillet 1868

F. ELIPHE, Profès, décédé à Meyras (Ardèche), le 7 août 1868.

F. LIBANIUS, Profès, décédé à Saint-Paul-trois-Châteaux, le 20 août 1868.

F. ROGAT, Profès, décédé à Lyon, le 9 septembre 1868.

F. HUBERT, Novice, décédé à Saint-Just-de-Baffie (Puy-de-Dôme), le 28 août 1868.

F. PIERRE-JOSEPH, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval, le 20 septembre 1868.

F. MARCELLO, Profès, décédé à la Bégude, le 16 septembre 1868.

F. ALPINIEN, Novice, décédé à Saint-Genis-Laval, le 29 septembre 1868.

F. HILARIUS, Novice, décédé à Saint-Paul-trois-Châteaux, le 2 octobre 1868.

F. VICTOR, Stable, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux, le 18 octobre 1868.

F. EULOGIUS, Profès, décédé à Saint-Paul-trois-Châteaux, le 12 novembre 1868.

F. AUXIBE, Profès, décédé à St. Didier-sur-Chalaronne (Ain), le 24 novembre 1868.

.F. PATERNE, Profès, décédé à Belmont (Loire), le 28 novembre 1868.

F. MARIE, Novice, décédé au Bois-d'Oingt (Rhône), le 5 décembre 1868.

F. ZENON, Profès, décédé à Beaucamps, le 5 décembre 1868.

F. EPAPHODITE, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval, le 18 janvier 1869.

F. HÉLÈNE, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux, le 21 janvier 1869.

F. ACYLLIN, Novice, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage, le 23 janvier 1869.

F. ATTALE, Profès, décédé à Couillet (Belgique), le24 janvier 1869.

F. MATTHIEU, Profès, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage, le 28 janvier 1869.

F. HERMÉNIGILDE,Profès, décédé à La Bégude, le 31 janvier 1869.

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 En six mois, voilà vingt et un nouveaux décès; et, parmi ces Frères que la mort nous ravit, deux de nos anciens de l'Hermitage, le cher Frère Pierre-Joseph et le cher Frère Matthieu. Le bon Frère Victor, lui aussi, était un des premiers de la Province de Saint-Paul-Trois-Châteaux, par l'âge et par l'ancienneté.

 Combien nous avons besoin que l'esprit de ces bons Frères, leur piété, leur dévouement, toutes les vertus par lesquelles ils nous ont si constamment édifiés, soient recueillies par ceux qui les suivent ; afin de conserver dans la Congrégation un bon noyau de parfaits Disciples du pieux Fondateur, et de perpétuer nos traditions primitives.

 Il ne suffit pas, en effet, que ces précieuses traditions soient enregistrées dans nos Annales, dans d'excellentes biographies ; il faut qu'elles passent dans l'esprit de tous les Frères, des anciens surtout ; qu'elles se traduisent et se continuent dans nos habitudes, dans nos manières, dans notre langage et dans toute notre conduite : c'est l'avenir, c'est le salut de tous nos jeunes Frères.

 Aujourd'hui donc, je vous recommande la droiture et la simplicité, le dévouement et l'amour du travail, l'esprit d'ordre et d'économie de l'excellent Frère Pierre-Joseph. Simple Frère travailleur,mais toujours exemplaire, comme le bon Frère Bonaventure, toujours pieux, toujours affectionné aux Supérieurs, à ses Confrères et à tout l'Institut, il est mort, victime de son dévouement, d'un éclat de bois qui l'a blessé à la main, en travaillant. C'est le pieux Fondateur qui l'avait reçu en 1835.

 Je vous recommande également l'esprit de piété, l'amour de la Règle, l'extrême délicatesse de conscience, l'admirable candeur et simplicité, et le parfait dévouement du cher Frère Matthieu et du cher Frère Victor. Le premier a été reçu par le vénéré Père Champagnat, en 1827 ; et le second, entré à Saint-Paul-Trois-Châteaux, le 1ierjuin 1836, a été admis des premiers au Vœu de Stabilité, et, constamment, il a fait partie de nos Chapitres Généraux. Tous les deux, comme les autres Frères dont vous avez ici les noms, sont morts dans d'excellentes dispositions.

 C'est une chose admirable et des plus consolantes pour nous, que cette providence de Dieu, cette bénédiction toute particulière qui accompagne la mort de tous nos Frères. Prions pour eux, selon la Règle, et soupirons tous après le bonheur de mourir, comme eux, dans notre Vocation, fidèles à nos engagements, et entourés de tous les secours de la Religion. Pour cela, n'oublions pas de travailler à mériter cette faveur suprême, la plus grande de toutes, par la pureté de nos intentions au service de Dieu, par notre ardeur à imiter Jésus-Christ, notre divin Modèle, nous estimant heureux, comme nous l'avons dit plus haut, de faire toujours la volonté de Dieu, en accomplissant constamment et par amour, nos Règles et nos Vœux.

 La présente Circulaire sera lue en Communauté, à l'heure ordinaire de la Lecture Spirituelle.

 Je vous renouvelle, dans les Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, l'assurance de l'entier dévouement avec lequel je suis,   

             Mes Très Chers Frères,

                           Votre très humble et très affectionné Frère et serviteur,

                                        F. Louis-Marie.

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