Circulaires 96

Louis-Marie

1870-04-08

Allocution de Mgr Grimley, évêque du Cap de Bonne-Espérance. - Portrait du  Saint-Père. - Apostolat de Pie IX à la jeunesse des Ecoles. - Mot sur les Frères Firmus et Ignace. - Re­commandations par rapport aux malades et à la confes­sion des Petits Enfants. - Indulgences. - Défense de lire les journaux. -Avis divers.  -  Mort du C. F. Chu­mald

096

51.02.01.1870.1

 1870/04/08

 V. J. M. J.

Saint-Genis-Laval (Rhône), le vendredi, 8 avril 1870,

Fête des Sept Douleurs de la Bienheureuse Vierge Marie

                    Mes très chers Frères,

 Vous êtes impatients de recevoir la Circulaire, maintenant obligée, de chaque nouvelle année ; et moi, je vous l'assure, je suis plus impatient encore de vous la donner.

 Au mois de décembre dernier, j'ai dit aux chers Frères Directeurs la cause du retard : je tenais à vous annoncer l'achèvement du portrait du Saint-Père, en vous recommandant d'en activer le plus possible la distribution.

 Le portrait est achevé, il l'est même depuis plusieurs semaines ; mais une autre difficulté m'arrêtait : un ensemble de pensées et de réflexions sur l'imitation de Jésus-Christ, que je tenais à élaborer et à coordonner, et que je voulais vous adresser, pour faire suite à notre Circulaire du 2 février 1869.

 Elles me paraissaient bonnes, propres à faire du bien, et de nature à vous faire comprendre de plus en plus, toujours par la même comparaison, la vérité capitale de l'imitation du divin Maître ; mais aujourd'hui, Fête des Douleurs de la Bienheureuse Vierge Marie, à l'entrée de la Semaine Sainte, je me sens entraîné, comme malgré moi, à reprendre ce travail en entier, pour le rattacher au grand mystère du Calvaire, la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

 Il me semble que c'est là, sur la sainte montagne, avec Marie, la Mère de douleurs, avec saint Jean, le Disciple bien-aimé, oui, là, au pied de la Croix, que nous devons définitivement nous placer, pour étudier notre grand Modèle, pour nous exciter à marcher sur ses traces, et en obtenir la grâce par le sang, les douleurs et la mort du Fils, les angoisses de la Mère et sa toute puissante intercession.

 Vous recevrez donc, un peu plus tard, l'Instruction d'usage ; et, en attendant, je suis heureux de vous adresser, avec différents avis et recommandations, la belle Allocution de Sa Grandeur Monseigneur Grimley, Evêque, Vicaire apostolique du Cap de Bonne Espérance et de Sainte-Hélène, dont nous avons eu la visite à la Maison-Mère, au mois de Novembre dernier.

 Sa Grandeur, de passage à Lyon pour le Concile s'est arrêtée trois jours au milieu de nous, et nous a témoigné la plus grande bonté et le plus vif intérêt.

 Avant son départ, je la suppliais de vouloir bénir la Communauté réunie, ce qu'elle accepta très volontiers, ajoutant qu'elle serait heureuse de nous encourager par quelques bonnes paroles.

 Au premier abord, tout le monde fut surpris d'entendre Monseigneur nous parler en anglais, langue que personne ne comprenait, sauf deux Frères Assistants ; mais le geste, mais la voix, mais le cœur, la foi ardente et le zèle apostolique du bon Evêque qui éclataient dans toute sa personne, eurent bientôt saisi et captivé et les Pères et les Frères et les Postulants. Lorsque le cher Frère Théophane, séance tenante, eut traduit à la Communauté les pensées de Monseigneur, tous, nous fûmes aussi touchés qu'édifiés. J'annonçai à Monseigneur que je ferais part à tout l'Institut de cette scène si paternelle et si religieuse, et que je vous transmettrais son excellente Allocution.

 Monseigneur en parut satisfait, et Sa Grandeur a poussé la bonté jusqu'à me renvoyer de Rome, par écrit, la substance des avis qu'elle avait improvisés au milieu de nous dans la réunion du 21 novembre. Voici la traduction exacte de l'écrit de Monseigneur.

    « RÉVÉREND FRÈRE SUPÉRIEUR GÉNÉRAL,

      BIEN-AIMES FRÈRES,

 Il est très consolant pour moi d'adresser aujourd'hui quelques paroles aux Frères de cet Institut, si chers à mon cœur, si utiles, si occupés à l'avancement des vrais intérêts de la Société, et si complète, ment dévoués à procurer le salut des âmes immortelles.

 Les paroles me manquent, mes chers Frères, pour vous exprimer les profonds sentiments de gratitude dont je suis saisi, en me rappelant ce que cet Institut a effectué pour ma Mission.

 La Maison de vos Frères du Cap a été fondée, il y a moins de trois ans, et cependant quel bien n'a-t-elle pas déjà fait ? Les enfants catholiques ont été réunis sous les ailes de la Religion ; le bon exemple des Frères est une lumière brillante pour leurs pieds ; la piété se montre dans la conduite de leur vie journalière, et leur éducation séculière est sanctifiée par l'esprit immortel de la Foi.

 Avant l'arrivée de vos Frères dans les contrées éloignées dit Sud de l'Afrique, souvent, mon cœur a été rempli de douleur, je ne savais que faire pour avoir des Instituteurs religieux. J'étais convaincu que l'éducation séculière, seule, sans Religion, ne peut qu'enfler, remplir l'esprit de vaines imaginations et le cœur de désirs insensés. Mais maintenant, grâce à « l'Esprit qui remplit des vrais biens et grâce à votre Révérend Frère Supérieur, la Catholicité lève la tète au sud de l'Afrique, et vise même à diriger le courant de l'éducation.

 Mes chers Frères, remerciez Dieu de ce que vous ayez été appelés à prendre part au très glorieux travail du salut des âmes, d'élever et d'instruire les tout petits du Christ dans la voie de la vertu. Oh ! réjouissez-vous et faites éclater votre joie ; et, constamment, ayez présentes à votre esprit ces douces paroles de l'Esprit-Saint : « Ceux qui enseignent la justice à plusieurs, brilleront comme des étoiles pendant toute l'éternité. »

 « Travaillez à cet ouvrage divin de répandre une éducation vraiment chrétienne. Vous avez mis la main à la charrue, ne regardez pas en arrière, ne soupirez pas après le monde trompeur que vous avez abandonné; croyez-moi, il est plein de pièges, plein de déceptions ;  Il nous flatte dans notre jeunesse, et nous rejette dans la vieillesse ; il nous fait souvent des promesses qui ne se réalisent jamais. Persévérez donc dans l’œuvre de Dieu, ne vous laissez pas aller au découragement, car si le travail vous effraie, la récompense vous invite. La vie est courte : dans peu d'années, nous aurons tous passé. Persévérez, les plus douces consolations vous attendent sur votre lit de mort. J'ai été témoin de la céleste tranquillité qui rayonnait sur le front mourant de l'un de vos Frères (le cher Frère Euphrone), confirmant par son exemple la vérité de cette parole de notre divin Sauveur : « Quiconque aura quitté pour moi son père et sa mère, sa maison et ses biens, recevra en ce monde le centuple et possédera la vie éternelle » (Math., XIX, 29).

 A l'époque de mon départ du Cap, il y a quelques mois, le Frère Chumald était réduit à une extrême faiblesse, ses souffrances avaient un caractère de tor­tures continuelles ; cependant, je le trouvais toujours joyeux, la grâce triomphait de la nature ; il n'avait aucun regret, la résignation à la volonté divine était toujours sur ses lèvres.

  Quand j'eus l'appréhension que sa maladie serait fatale je lui suggérais prudemment, comme dernier effort, que les soins d'habiles médecins en Europe pourraient peut-être le guérir. Il me répondit : « Si c'est absolument nécessaire, je suis prêt à partir ; mais, Monseigneur, mon désir est de mourir dans la Mission. » Le prochain courrier vous annoncera probablement la consommation de ses vœux, son heureuse  mort.

 Mes chers Frères, pour mourir d'une sainte mort, il faut que vous viviez entièrement dans l'esprit de votre vocation, par l'observation fidèle de vos Règles. Gardez vos Règles, et votre salut est certain.

 Vos saints vœux vous rendront capables de mépriser la concupiscence de la chair, la concupiscence des yeux et l'orgueil de la vie. Ce sont là les trois idoles que le monde adore ; mais dont vous serez vainqueurs  par la pauvreté, la chasteté et l'obéissance.

 Le temps ne me permet pas de vous parler de la grande importance des vœux de pauvreté et de chasteté; je vous ferai remarquer seulement que, quelque importants qu'ils soient, ils doivent céder à l'obéissance : car, pour user des paroles de saint Thomas,  grande est la pauvreté, plus grande est la chasteté, mais plus grande encore est l'obéissance.

  En prenant l'obéissance pour votre ancre spirituelle, vous pouvez vous y attacher dans toutes les tempêtes ; et, quoique votre vaisseau soit jeté dans l'océan le plus orageux, il ne pourra rompre ses amarres tant qu'il demeurera fixé à l'ancre de l'obéissance.

    Je veux conclure, en vous assurant que je garderai toujours le plus doux souvenir des quelques jours que j'ai passés à Saint-Genis ; et, comme preuve de  mon intérêt pour la prospérité de Votre très admirable Institut, je supplierai le Saint-Père de conférer à chacun de ses Membres une spéciale bénédiction. »

 C'est après cette belle allocution que prit congé de la Communauté et nous bénit tous.

 Les dernières nouvelles que nous avons de nos Frères du Cap de Bonne-Espérance, sont du 15 février.

 La maladie du cher Frère Chumald suit lentement son cours. Elle le traite en crucifié, non pas de quelques heures, mais de mois et d'années d'agonie.

 « Si nous faisons quelque bien au Cap, nous écrit l'un des Frères, nous comprenons que ce n'est pas à nos efforts que nous le devons, nous en sommes redevables au martyre de notre cher Frère Directeur. »

 Depuis longtemps déjà il n'a plus la faculté de mouvoir les jambes ; sa seule position est sur le dos.

 L'affaire de son salut l'occupe uniquement, les choses de ce monde n'ont plus d'existence pour lui ; et ce, qu'il nous demande à tous, c'est que nous nous unissions pour l'aider, par nos prières, à accomplir jusqu'à la fin son généreux sacrifice. Peut-être le trouveront-elles maintenant dans l'éternité, mais le bon Dieu saura bien les lui appliquer, selon son état et ses besoins.

 Sur la demande de Mgr l'Evêque sont partis pour cette Mission le Frère Oswald et le F. Wilbred, tous les deux Irlandais ; ils se sont embarqués à Londres, à bord de l'Asia, le 4 février dernier.

 Ils nous ont donné de leurs nouvelles, à la date du 15 du même mois, des îles Madères, où ils ont mouillé.

La mer avait été très mauvaise pour eux jusque-là. Ils avaient échappé à une terrible tempête et à une voie d'eau qui s'était déclarée dans le vaisseau.

 Nous espérons que le reste du voyage s'est accompli dans de meilleures conditions, et qu'ils sont, à l'heure qu'il est, au milieu de nos Frères, dans notre chère Mission dit Cap de Bonne-Espérance.

 Nous attendons de leurs nouvelles d'un jour a l'autre[1].

 Nous avons aujourd'hui à votre disposition trente mille Portraits de Notre Très Saint Père le Pape Pie IX, dont trois mille pour l'Angleterre.

 Chaque Portrait porte en tête l'inscription

 APOSTOLAT DE PIE IX A LA JEUNESSE DES ÉCOLES.

 Au bas du Portrait se trouve le fac-similé de l'écriture et du paraphe de Sa Sainteté dans les lignes suivantes, qu'elle a daigné écrire et parapher de sa main, et qu'elle appelle SON APOSTOLAT :

 Adolescens juxta viam suam etiam cum senuerit, non recedet ab ea. Adolescentes, estote ergo sapientes nunc, ut possifis usque ad mortem in sapientia. Jesu Christi permanere

 Au dos du Portrait, la légende ci-après en explique et l'heureuse occasion et la pieuse fin :

 « Admis à l'audience de Pie IX, le 6 juillet 1869, le Frère Supérieur Général des Petits Frères de Marie suppliait le Saint-Père de mettre sa signature ait bas de son portrait. Nous voulons faire mieux, répondit Sa Sainteté, Nous voulons envoyer Notre Apostolat à toute votre jeunesse.

  « Et aussitôt, le Saint-Père prenant le Portrait, écrivit au bas, en latin, les trois lignes dont voici la traduction.

 « Le jeune homme ne s'écartera pas dans sa vieillesse de la route qu'il aura suivie dans sa jeunesse. Jeunes gens, soyez donc sages MAINTENANT,afin que vous puissiez, JUSQU'A LA MORT, persévérer dans la sagesse de Jésus-Christ.

 « Puis, remettant le Portrait ait Frère Supérieur « Ecco lo, dit le Pape, le voilà, Notre Apostolat, portez-le à votre jeunesse et qu'elle en profite bien !

 « C'est pour répondre ait désir de Sa Sainteté que  ces paroles apostoliques sont ici reproduites avec le Portrait du Saint-Père. Puisse toute la jeunesse de nos Ecoles en tirer tout le fruit qu'attend le Vicaire de Jésus-Christ ! »

 Voilà donc la précieuse gravure que je vous avais annoncée et promise, à mon retour de Rome, par notre Circulaire du 5 août 1869.

 L'original, vous le savez, encadré et orné de notre mieux, reste dans la Congrégation comme un monument; mais il suffira, j'en suis sûr, d'avoir rappelé ces détails pour que vous sentiez et compreniez aussitôt l'importance de la copie qui vous en est donnée, le bien qu'elle peut faire, soit en popularisant le Portrait du Saint Père, soit en répandant partout, en plaçant entre les mains et sous les yeux de chacun de vos Enfants, la très courte mais très substantielle instruction que le Vicaire de Jésus-Christ a daigné leur adresser.

 Oui, ce sera faire acte de piété filiale et de bien juste reconnaissance envers le Saint-Père ; acte de foi et de respect pour une Parole si profonde et si bien choisie, tombée pour nous de la Bouche même dit Docteur Infaillible acte de zèle et de pieux dévouement pour tous vos Enfants, que de propager parmi eux cette image bénie, et de la leur expliquer et commenter.

 Vous savez, d'autre part, que notre intention est de la vendre au profit de l’œuvre du Denier de Saint-Pierre, ou plutôt, pour préparer l'offrande particulière que, tant au nom de la Congrégation qu'au nom de tontes nos Ecoles (Pensionnats, Demi-Pensionnats et Externats), nous avons de présenter nous-mêmes au Saint-Père.

 Tâchez de nous faire parvenir au plus tôt vos petites collectes, en les versant d’abord à la Maison Provinciale  comme il a été expliqué dans ma Note du 5 mars 1869, que vous avez entre les mains. Je serais heureux  d'avoir vos Offrandes pour la fin du mois de mai, époque probable d'un nouveau voyage à Rome.

 La gravure vous sera livrée, à 70 francs le mille, 7 francs 50 centimes le cent, et 10 centimes pièce. Vous pourrez la donner en récompense, ou la vendre, au double environ ; puis, accepter et même solliciter quelque petites offrandes volontaires, si les circonstances le permettent

 Je désire vivement, dans l'intérêt, du bien et pour la grande cause du Saint-Siège, si chargé de besoins, que vous en tiriez tout le parti possible, et que, pour cela, vous y donniez vos meilleurs soins, toujours, bien entendu, avec la prudence et la discrétion nécessaires.

 Les Médailles du Saint-Père promises aux Elèves qui ont pris part à notre souscription du mois de juillet 1869, sont prêtes. Nous les enverrons à chaque Maison, selon la demande que nous en fera le Frère Directeur. On ne doit en demander que pour les Elèves et les familles qui ont participé à la dite souscription. Les Frères Directeurs seront chargés de faire parvenir une Médaille aux Elèves non rentrés cette année.

 N'oublions pas d'accompagner ces œuvres de nos plus ardentes prières pour le Saint-Père et pour le Concile Œcuménique.

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 Voici la liste des Frères décédés depuis notre Circulaire du 5 août 1869 :

 F. BENITI, Profès, décédé à Notre-Dame de l'Hermitage-sur-Saint-Chamond, le 22 août 1869

F. WENCESLAS, Obéissant, décédé à la Côte-Saint-André (Isère), le, 26 août 1869.

F. ENNEMOND, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval, le 28 août 1869.

F. ARMOGUSTE, Profès, décédé à la Bégude, le 17 septembre 1869.

F. FIDÉLIS, Profès, décédé a Usson (Loire), le 31 octobre, 1869.

F. JEAN, DE BRITTO, Novice, décédé à Saint-Genis-Laval le 4 novembre 1869

F. ANECTUS, Novice, décédé dans sa famille, à Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône), le 4 novembre 1869.

F. ALBERIC Obéissant, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux, le 10 novembre 1869.

F. EUPHRONE Profès, décédé il Saint-Genis-Laval, le 21 novembre 1869.

F. CELSE, Profès, décédé à Notre-Dame de l’Hermitage-sur-Saint-Chamond, le 6 décembre 1869.

F. FERDINANDUS, Obéissant, décédé 'à Hautefort (Dordogne), le 22 décembre 1869.

F. FIRMUS, Profès, décédé à Saint-Genis-Laval, le décembre 1869.

F. GERMIER, Novice, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux, le 1ierfévrier 1870.

F. LUDOVICUS, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux, le 2 février 1870.

F. CALEB, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux, le 9 février 1870.

F. IGNACE, Stable, décédé à Charlieu (Loire), le 9 mars 1870.

F. MARIE-ALPHONSE, Obéissant, décédé à la Bégude, le 21 mars 1870.

F. MARIE-VALBERT, Profès, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux, le 25 mars 1870.

F. ODELBERT, Obéissant, décédé à Saint-Paul-Trois-Châteaux, le 26 mars 1870.

 

Tous ces Frères sont morts dans d'excellentes dispositions, parfaitement résignés à la volonté de Dieu, et s'estimant heureux de mourir dans leur saint état. Nous avons tout lieu d'espérer que le bon Dieu les a reçus dans sa miséricorde néanmoins, continuons à prier beaucouppour eux, pour tous nos Défunts et pour les âmes du Purgatoire. La dévotion aux âmes du Purgatoire est un des premiers exercices de la piété et de la charité chrétiennes.

 Parmi ces défunts, nous avons le jeune Frère Firmus, que Dieu a préparé à la mort par un véritable martyre : quatre années de souffrances et de maladie, et les deux dernières, toujours dans le lit, toujours sur le même côté, sans pouvoir se lever, ni se tourner. Oh ! quel courage et quelle patience il a fallu à ce bon Frère ! Il excitait notre compassion à tous et souvent notre admiration. Fréquemment, je l'ai recommandé aux prières de la communauté comme une victime que le bon Dieu s'était choisie parmi nous, pour expier nos fautes et nous obtenir grâce et miséricorde. Mais notre consolation était de voir que, si la maladie le consumait peu à peu et lui faisait une position si terrible à la nature, la grâce le travaillait en même temps et le sanctifiait d'une manière admirable.

 Malgré toute l'ardeur de la jeunesse, du tempérament et du caractère, dont il n'a triomphé qu'avec d'extrêmes efforts, elle l'avait amené à une complète résignation, à une parfaite tranquillité, n'ayant plus que le saint désir d'aller à Dieu, et la seule préoccupation de bien se préparer à la mort. A la fin, Dieu la lui a donnée très douce et très calme ; il l'a exempté de ce qu'il avait le plus redouté : les grandes douleurs et les violents assauts du dernier moment.

 Heureux Frère ! heureux jeune homme ! d'avoir été ainsi éprouvé par la maladie, cloué, à vingt ans, sur un lit de douleur, sans pouvoir se relever ! Sa carrière a été courte, comme celle de plusieurs de nos Défunts ; mais elle a été pleine devant Dieu ; mais elle lui a valu la première, la plus grande, la plus indispensable de toutes les grâces, la grâce d'une bonne mort !

 O mon Frère ! lui ai-je dit souvent, que vous êtes heureux d'être ainsi sur la Croix, de ne pouvoir plus vous en détacher ! Vous avez la marque suprême, le sceau infaillible des Elus ! Vous avez le plus grand, le plus désirable de tous les biens, après la jouissance du Ciel, l'assurance d'y aller !

 Eh bien ! M. T. C. F., donnons-nous tous, donnons-nous chacun, ce bien précieux, cette espérance, cette assurance divine : passant par-dessus toutes les peines et tous les sacrifices ; ne nous lassant jamais de porter notre Croix, c'est-à-dire, notre Règle, nos Vœux et nos Emplois : nous efforçant, chaque jour, avec une constance et une persévérance inébranlables, d'assurer notre vocation et notre élection par nos bonnes œuvres, selon le conseil du Prince des Apôtres.

 J'attendrai, pour vous parler de notre bon, de notre excellent Frère Ignace, décédé à Charlieu, le 9 mars dernier, que vous nous ayez donné vos notes et vos propres réflexions. Elles ne manqueront pas, à ceux surtout qui ont été placés avec lui et qui l'ont connu plus particulièrement. En recueillant leurs souvenirs, ils auront certainement des choses très édifiantes à nous dire : je les attends de leur zèle et de leur piété. Il ne faut pas que la vie et les exemples d'un si bon Frère soient perdus pour la Congrégation.

 Voici des dates qui pourront aider : Né a Pélussin (Loire), le 8 décembre 1811, Frère Ignace (JEURY Joseph) est entré au Noviciat de Notre-Dame de l'Hermitage, le 19 janvier 1831 ; il a fait Profession, le 10 octobre 1836, et Vœu de Stabilité, le 3 octobre 1856.

 De septembre 1834 à février 1836, il a été employé comme second à Ampuis et à Genas.

 De février 1836 à mai 1844, il a dirigé l'Etablissement de Saint-Symphorien-sur-Coise (Rhône) ; et, de mai 1844 à novembre 1846, celui de Charlieu, où il est resté ensuite comme Frère Sous-Directeur et Frère Econome jusqu'à sa mort.

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 A propos de nos défunts, je crois qu'il y a nécessité de rappeler ici une recommandation extrêmement importante, donnée déjà plusieurs fois, et, malheureusement, oubliée encore même cette année, dans, quelques Maisons : c'est l'attention et la charité que les Frères Directeurs et tous les Frères doivent apporter à faire confesser à temps les Frères et les Pensionnaires qui tombent malades dans les Postes.

 Je ne sache pas qu'on ait été en retard, cette année, pour aucun Frère ; mais, dans deux ou trois Maisons, on est laissé surprendre pour des Enfants.

    Epargnez-vous, M. T. C. F., ce profond chagrin et quelquefois peut-être de trop justes et trop redoutables appréhensions. En matière si grave, si décisive, vous le comprenez, on ne peut employer trop de précautions pour arriver à temps, et faire administrer, ou au moins confesser le malade, quand il est en état de le faire comme il convient.

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 A ces recommandations sur les Défunts et les Malades j'en ajoute deux autres qui y ont rapport.

 La première concerne les Indulgences, et l'empressement qu'on doit mettre à en gagner le plus possible et pour soi-même et pour les saintes âmes. Je vous rappelle à cet égard de mettre beaucoup de zèle à répandre, soit en le donnant en récompense, soit en le vendant, le petit Recueil d'Indulgences (90 centimes la douzaine), avec une courte et très bonne instruction, que nous avons extrait des meilleurs Auteurs, et fait imprimer avec approbation de l'ordinaire. Il donne les Indulgences qu'on peut gagner le plus facilement ; et elles sont toutes applicables aux âmes du Purgatoire.

 La seconde observation tient aussi à la conscience, et elle intéresse extraordinairement la plus grande partie des Enfants qui nous sont confiés, c'est-à-dire, les Enfants qui n'ont pas fait leur première Communion, les petits Enfants si chers à Notre-Seigneur Jésus-Christ. Hélas ! aujourd'hui, avec les scandales qui sont si répandus et si nombreux, avec la malice qui est si précoce, combien peut-être de ces enfants qui perdent l'innocence et tombent dans le péché mortel dès le plus bas âge ! Un saint Docteur ne parle-t-il pas d'un Enfant mort à cinq ans, en état de péché, mortel !

 Mais, d'autre part, quand même la mort ne frapperait pas ces enfants coupables, quel malheur pour eux de passer leur enfance en si mauvais état devant Dieu, de grandir avec le péché dans l'âme !

 Beaucoup de bons Prêtres se préoccupent de cette situation des petits Enfants, et tiennent à les confesser le, plus tôt possible, à les confesser de temps en temps, et à les absoudre, au besoin.

 Il faut que nous les secondions de notre mieux, en apprenant de bonne heure à nos Enfants à demander pardon à Dieu, à faire des actes de contrition et à se confesser. Il faut que, partout, on se montre empressé à les préparer, à les conduire, chaque fois que M. le Curé ou MM. les Vicaires le désirent. On devra même, quand besoin sera, le rappeler à ces Messieurs et les prier de vouloir bien les confesser.

 C'est ici une œuvre de zèle et de charité que notre dévouement pour les Enfants, notre désir de les élever dans la crainte de Dieu, doit nous rendre extrêmement chère : qu'on s'efforce dans toutes les Maisons de la remplir le mieux possible.

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 Voici une Note de l'un de nos Chers Frères Visiteurs elle aura son application dans quelques Maisons et son utilité partout. Je désire qu'on y donne une sérieuse attention.

 « Vous remarquerez sans doute, dit-il, par mes rapports, que la lecture des journaux tend à prendre de l'extension chez nous. Plusieurs publications arrivent aux Frères gratuitement, et sont données, soit comme spécimens, soit dans un but politique, quelques-unes à l'occasion du Concile Œcuménique.

 Un mot dans la Circulaire ne serait pas de trop pour ramener tout le monde à la Règle. »

 Ce mot, M. T. C. F., je le donne d'autant plus volontiers, ou plutôt je me crois d'autant plus obligé à vous le donner, que jamais nous n'avons eu plus de raison de rester complètement en dehors de toutes les questions politiques qui partagent et agitent l'opinion en ce moment.

 Le Gouvernement lui-même vient d'adresser une Circulaire aux Préfets, pour qu'ils interdisent à tous les Instituteurs de se mêler d'élections quelconques, municipales et autres.

 Restons modestes, M. T. C. F., restons cachés, faisons-nous petits, très petits, si nous voulons que le bon Dieu nous bénisse, et qu'il nous épargne bien des embarras et bien des misères. Laissons les journaux, tous les journaux ; la Règle nous les défend tous.

 Cette défense, pleinement justifiée, comme point de Règle, par l'inutilité de pareilles lectures, devient, évidemment, une obligation rigoureuse, lorsqu'à l'inutilité, à la perte de temps, comme hélas ! il n'arrive que trop, vient s'ajouter le danger bien connu des fausses idées, des faux principes, des scandales et des impiétés dont certaines feuilles publiques sont habituellement remplies.

 Je recommande donc tout de nouveau aux Frères Assistants, aux Frères Visiteurs et à tous les Frères de tenir fortement à la parfaite observation de la Règle sur ce point important.

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 Les Frères dispensés du service militaire qui seraient invités à produire le certificat de libération que MM. les Recteurs d'Académie délivrent à ceux qui ont accompli les dix ans d'engagement, en feront la demande au Secrétariat Général, à Saint-Genis-Laval. C'est là que ces pièces sont réunies et déposées par les soins du cher Frère Secrétaire Général.

 Je reprends aujourd'hui, 18 avril, la suite de nos avis et recommandations, pour en ajouter quelques autres dont nous venons de conférer, en Conseil du Régime, avec les chers Frères Visiteurs et quelques Frères des quatre vœux.

 1° Nous rappelons à tous l'article 15 du chapitre IV de la 3ième Partie des Règles Communes : « Les Frères ne permettront pas que leurs Elèves leur fassent des compliments ou leur offrent des présents à l'occasion de leur fête. »

 Cet, article, on ne doit plus l'oublier, est pour les Pensionnats comme pour les Externats. Nous tenons essentiellement à ce qu'on ne s'en écarte nulle part.

 Rien ne doit être dérangé dans l'ordre de la Maison a l'occasion de la fête du Frère Directeur, ni pour les classes, ni pour les récréations, ni pour les repas.

 Dans les Etablissements où il y a une Chapelle, si les Elèves internes veulent faire quelque offrande, ils la feront il l'ouverture du Mois de Marie, ou à l'une des grandes Fêtes de la Sainte Vierge.

 2°  Comme, dans beaucoup de Paroisses, les Offices du Vendredi et du Samedi Saint ont été abrégés ou se font avant les classes, nous avons décidé, en attendant la confirmation par le Chapitre Général, que le congé indiqué, pour ces deux jours, dans le Guide des Ecoles, serait transféré au mardi et au mercredi de Pâques, celui dit lundi et le congé ordinaire du jeudi étant maintenus ; mais, partout, on doit être très exact à recommencer les Classes le vendredi de la semaine de Pâques.

 Ainsi, le Jeudi Saint, comme il est marqué dans le Guide des Ecoles.

 Le Vendredi et le Samedi Saint, assistance, avec les Enfants, à tous les Offices de l'Eglise s'ils ont lieu pendant le temps des Classes ; bons Catéchismes sur le grand mystère de la Rédemption ; visite au Saint Sacrement, si les Enfants ne peuvent assister aux Offices, et, le reste du temps, Classe comme à  l'ordinaire.

 Nous ne doutons pas que tous les Frères ne soient heureux d'avoir leurs Enfants ces deux jours, pour leur parler des souffrances do Notre-Seigneur Jésus-Christ et des douleurs de sa Sainte Vierge ; pour les faire confesser et les préparer à la grande Fête de Pâques ; pour leur faire faire quelque pieux exercice en l'honneur de la Passion, surtout le Vendredi soir, au moment où Notre-Seigneur expirait sur la Croix pour notre amour

 3° Le jeu de billard ne peut être admis dans aucune de nos Maisons, non que ce jeu ait rien de mauvais en soi ; mais parce que c'est le jeu particulièrement reçu dans les cafés et dans les cercles ou sociétés mondaines. Nous ne voulons pas qu'il devienne aux séculiers une occasion de se mêler aux récréations des Frères, ni aux Frères une occasion de les y admettre.

 Les Frères Directeurs qui auraient reçu ou acheté quelque billard, prendront les mesures nécessaires pour s'en défaire an plus tôt.

 Le jeu de cartes est un jeu de hasard qui, également, n'a jamais été toléré dans nos Maisons ; on ne doit pas se le permettre non plus.

 Il va sans dire encore qu'aucun jeu lucratif ne doit être admis parmi les Elèves, ni à plus forte raison entre les Frères.

 4°On ne doit pas oublier que les couverts de table doivent être en fer battu, jamais en argent.

 Il y a quelques précautions à prendre pour l'étamage vous les trouverez indiquées, avec une foule d'autres et de très utiles instructions, dans un Petit Manuel domestique que nous faisons imprimer en ce moment, et qui rendra certainement de très grands services pour la cuisine et pour la bonne tenue de nos Maisons..

 5° L'avis le plus important, celui qu'il me reste à vous donner, est relatif à l'Art. 14 du Chap. IV de la 3ièmePartie des Règles Communes. « Les livres qui seraient pris entre les mains des Enfants comme suspects, seront  remis au Frère Directeur sans qu'on se permette de les lire ; et le Frère Directeur, s'il les croit mauvais, ne doit pas les examiner lui-même, mais les remettre à Monsieur le Curé. »

 De cet article de règle découlent deux conclusions également évidentes et également rigoureuses.

 La première concerne les Enfants : Vigilance très attentive sur tous, principalement les pensionnaires, pour éloigner d'eux, non seulement tout mauvais livre, niais même tout livre simplement suspect.

 La seconde vous regarde vous-mêmes : User des plus grandes précautions, pour ne pas exposer votre vertu par des lectures dangereuses. Voyez celles que prend la Règle : elle ne veut pas que les Seconds se permettent, d'ouvrir un livre suspect, pris entre les mains des enfants, ils doivent le remettre à l'instant au Frère Directeur ; et le Frère Directeur lui-même, dès que, ou par le titre ou autrement, il a reconnu que le livre est mauvais, ne doit pas le lire, ne doit pas l'examiner, mais le remettre aussitôt à Monsieur le Curé.

 Ah ! M. T. C. F., c'est que ce serait un malheur extrême pour un jeune Frère, pour un Frère Directeur, pour un Frère, quel qu'il soit, si, en feuilletant imprudemment un livre immoral ou impie, il venait à s'y laisser prendre ; si, au lieu de le détruire, de s'en défaire, il avait la témérité de le garder et de le lire

 Hélas ! hélas ! on est si vite emporté par l'attrait d'une coupable curiosité, d'un récit passionné, de quelque intrigue habilement ménagée ! Qui pourrait dire combien de jeunes gens trouvent là le tombeau de toute vertu, de toute bonne éducation !… combien de Frères, même Profès, ont dû la perte de leur vocation, l'abandon de leurs vœux, à quelques pages légèrement parcourues, à certaines recherches témérairement engagées !…

 Oui, des recherches téméraires, plus que téméraire, car plusieurs, sous prétexte de science, par une envie désordonnée de tout voir et de tout savoir, en peinture, en anatomie, en histoire naturelle, jusqu'en théologie et même en médecine, se jettent sur des livres qu'ils ne devraient jamais lire, vont à la recherche de mots qu'ils devraient toujours ignorer. Eh ! grand Dieu ! quelle science en rapportent-ils ? sinon la science du mal, la science ou le principe des plus redoutables combats et quelquefois le secret d'une profonde perversion. D'où avez-vous su que vous étiez nus, dit Dieu à nos premiers parents, sinon, parce que vous avez mangé du fruit de l'arbre dont je vous avais défendu le manger ? (Gen., III,11.)

 Non, dit, saint Liguori, le démon n'a point trouvé de moyen plus efficace ni plus prompt pour perdre les âmes, que celui des mauvais livres, des mauvais journaux, des mauvaises peintures. Et, dit, le saint, je n'entends pas seulement, par mauvaises feuilles, par mauvais livres, ceux que l'Eglise a condamnés, ceux qui sont ouvertement obscènes ; mais encore tous ceux qui, sous forme de romans, de comédies, de pièces de théâtre, de chansons, de poésies profanes, abordent des sujets libres, des sujets passionnés. De telles lectures ne peuvent qu'éveiller la concupiscence, enflammer les sens, amollir le cœur; et en l'amollissant, le préparer à toutes les tentations, le rendre si faible qu'à la première attaque, au moindre assaut, il succombe.

 Je vous en prie, M. T. C. F., qu'on ne se fasse illusion là-dessus ; que les Directeurs surtout comprennent bien la rigoureuse vigilance qu'ils doivent exercer sur eux-mêmes, sur tous leurs Enfants et surleurs Frères

 Moins dangereuse serait pour un Frère la présence visible de Satan qu'un mauvais livre qu'il garderait en secret et dont il irait se nourrir et s'empoisonner dans l'ombre. Ne savez-vous pas, dit saint Paul, qu'un peu de levain aigrit la pâte? (I Cor., V, 6.) Et s'il est vrai que notre penchant au mal est si violent, qu'il suffise quelquefois perdre un jeune Frère, d'une parole libre lancéedans une réunion,d'une allusion do la simple Insinuation d'un  fait scandaleux, quedire alors et que penser de celui qui va s’appesantirsur unmauvais livre, qui ose étudier et comme analyser le vice dans des ouvrages dont la vertus'effraie toujours quand même elle ne les approche que par un rigoureux devoir ? Ah ! ce qu'il faut en penser, ce qu'il faut en dire, demandez-le plutôt  au saint homme Job : Il a, dit-il, savouré le mal avec délices, il a sucé le venin de l'aspic, il s'est livré à la dent de la vipère, il a infecté son sang d'un poison mortel : le mal dont il s'est rempli, il ne pourra s'en dessaisir ; les crimes de sa jeunesse, pénétreront ses os ; ils grandiront avec lui ; ils le suivront jusque dans la vieillesse, jusque dans le tombeau, et ils y dormiront avec lui dans la poussière (Job, XX.)

 Je vous le répète M. T. C. F., avec le grand Apôtre, Veillez, ne vous laissez pas séduire les mauvais entretiens corrompent les bonnes mœurs (l Cor., XV, 33) ; et le pire des mauvais entretiens, c'est l'entretien seul à seul, l'entretien voulu, réfléchi, l'entretien diaboliquement poursuivi, diaboliquement caché, avec un livre impur, une brochure infâme.

 Hélas ! dit ailleurs le même Apôtre, pour échapper à tous les dangers, il faudrait que nous sortissions de ce monde (I Cor., v, 10) : Dieu ne demande pas cela de nous. Ce qui fait périr, ce n'est pas le danger précisément, c'est l'amour du danger, la recherche du danger, la complaisance dans le danger ; c'est, pour le cas qui nous occupe, poursuivre une lecture, une étude, alors que la conscience crie à sa complète inutilité ; alors que les soulèvements des sens et de l'imagination n'avertissent que trop de son extrême danger. Oui, c'est alors que s'applique le mot de l'Ecclésiastique : Celui qui aime le danger y périra, (Eccl., III,27.) Il y périra, non seulement parce que c'est déjà une faute que de se mettre volontairement, dans l'occasion prochaine de tomber; mais, parce que aimer cette occasion, y rester, l'entretenir, ce n'est plus une simple faute, c'est une ruine complète, tout y périt : la vertu, la conscience, la Vocation, les Vœux, tout, jusqu'à l'honneur.

 Dieu nous garde, M. T. C. F., Dieu nous garde de cette perversité !

 Inopinément, nous faisons une mauvaise rencontre baissons les yeux, fuyons. Nous saisissons un mauvais livre, le titre seul nous le dit clairement : à l'instant, secouons le serpent ; jetons au feu, ou remettons àqui de droit cet émissaire d'enfer. Une parole est dite, un scandale est insinué : glissons là-dessus, point de réflexions, point d'explications ; c'est chose à étouffer, à enterrer à tout jamais. De la vie, il ne faut le répéter à qui que ce soit.

 Voilà, M. T. C. F., une bonne trempe de vertu, voilà un bon cachet de bonne conscience. Mon Dieu ! donnez-moi, donnez-nous à tous, donnez à tous nos Frères cette horreur instinctive du mal, qui ne permet de pactiser ni avec la tentation ni avec le danger, qui est la vraie source de la vraie paix de l'âme ; qui apporte à Jésus-Christ de pleins triomphes et à notre volonté des énergie, toujours croissantes ; qui fait cueillir des COURONNES, emporter des DIAMANTS, moissonner le Martyre là où les lâches et les abrutis vont donner à Satan des victoires, àleur âme d'horribles blessures, et à leur salut des atteintes mortelles.

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 Au moment de terminer l'impression de la Circulaire, nous recevons la nouvelle de la bienheureuse mort de notre C. F. Chumald. Le bon Dieu, par l'entremise de saint Joseph, a exaucé ses ardent es prières, en l'appelant a lui le 7 mars dernier, après vingt-deux ans de communauté et à trente-huit ans d'âge. Il est mort entouré des Frères et assisté de M. le Vicaire Général.

 Il avait eu le bonheur de faire la sainte Communion ce Jour-là même. La sainte Eucharistie avait été sa grande consolation et son principal soutien au milieu de ses longues souffrances et de son cruel martyre. Depuis la fin de juillet, d'après le conseil de son saint Evêque, il avait eu l'insigne faveur de communier tous les jours.

    De plus, par une disposition providentielle qui a fait retarder jusqu'à midi, le jour de sa mort, la célébration du saint sacrifice, une Messe a été offerte à son intention quelques instants après son heureux trépas. Tous les Enfants des Ecoles ont pu y assister, et ont été des premiers à lui apporter le secours de leurs ardentes prières.

 Les Frères nous apprennent qu’une foule nombreuse a voulu assister à son enterrement. La procession, disent-ils, occupait une étendue de deux kilomètres, et le concours était tel, qu'il fallut l'intervention des officiers spéciaux pour dégager l'entrée du cimetière, que la foule avait gagnée et envahie d'avance. Jamais tel spectacle religieux n'avait été vu en ville.

    Ah ! c'est que l'excellent Frère avait conquis l'admiration générale par sa grande piété et son héroïque patience au milieu de douleurs inouïes. « C'était, dit le Docteur qui l'a traité, un homme d'éducation et de  Religion. Personne ne pourra savoir toutes les souffrances par où il a passé, Dieu seul le sait. Il n'a pas montré extérieurement ce qu'il a dû éprouver intérieurement. A en juger par la nature de sa maladie (un cancer dans les intestins) et par les progrès qu'elle a faits, il en avait assez pour rendre fou n'importe qui »

 Je, tiens, dit le C. Frère Directeur, à citer ces paroles, parce qu'elles viennent de la sommité médicale de la ville et d'un protestant, que, d'ailleurs, nous ne pouvons assez remercier pour tous les soins qu'il a prodigués à notre cher malade, et toujours avec un parfait désintéressement.

 Nous nous empresserons, nous aussi, M. T. C. F., de comprendre ce cher défunt dans nos prières et pieux suffrages de tous les jours ; et nous tâcherons de tirer des derniers exemples qu'il nous a laissés une grande leçon : celle de nous attacher de plus en plus à Notre Seigneur Jésus-Christ, à la sainte Messe et à la Communion. C'est dans Notre-Seigneur, dans son saint amour, que le cher Frère Chumald a puisé cette force d'âme et ce courage, cette patience et cette constance qui l'ont soutenu. jusqu'à la fin, et qui ont fait l'admiration de tout le monde, même des non catholiques.

 Oui, aimons Notre-Seigneur Jésus-Christ, unissons-nous à lui le plus souvent et le plus, étroitement qu'il nous sera possible ; aimons-le de toute notre âme, de tout notre esprit, de tout notre cœur et de toutes nos forces, ne vivons et n'agissons que pour lui plaire ; employons à le faire connaître et à le faire aimer tout ce que nous pouvons avoir de force, de santé, de capacité et de vie ; estimons-nous heureux, très heureux de travailler à sa gloire, en nous appliquant tous, en nous appliquant tout entiers, à lui gagner les cœurs de nos Enfants.

 A l'heure qu’il est, on parle beaucoup de liberté nous qui aspirons à la seule et véritable liberté des enfantsde Dieu, des amis de Notre-Seigneur Jésus-Christ : Aimez dit saint Augustin, ET FAITES CE QUE VOUS voudrez ; aimez Dieu, aimez Notre-Seigneur Jésus-Christ, et les lois, les Règles, les obligations des Vœux disparaîtront pour vous, en quelque sorte : non que l'amour divin vous soustraie à leur empire ; mais parce qu'il les rendra si douces, si aimables, si faciles, que vous n'en sentirez presque plus ni la rigueur ni le poids. En ce jour, dit Isaïe, on, ôtera de dessus vos épaules le fardeau des lois, et le joug disparaîtra sous l'abondance de l'huile (ls., X, 23), c'est-à-dire, par l'abondance des douceurs divines, par la force et le courage surhumains que donne la divine charité, qu'inspire un ardent amour, un sincère et généreux amour pour Notre-Seigneur Jésus-Christ,

 Disons encore, dans la même pensée, à propos du Concile Œcuménique, dont se préoccupent certaines personnes en ce moment, que nous n'avons à craindre qu'un seul anathème ; qu'en échappant à celui-là, nous échappons à tous les autres. Vous le devinez sans peine, c'est l'anathème, porté par le grand Apôtre contre ceux qui n'aiment pas Notre-Seigneur Jésus-Christ.

 En aimant Jésus-Christ nous aimerons le Pape et toutes ses divines prérogatives, nous aimerons l'Eglise et tous ses Ministres, nous aimerons et nous respecterons l'Autorité civile, nous aimerons nos Frères, nos Enfants, et tous les hommes ; nous aimerons nos Règles, nos Vœux, notre Vocation, nos emplois ; nous nous aimerons nous-mêmes du véritable amour, de cet amour surnaturel qui fait céder la terre au Ciel, le temps à l'éternité, le corps à l'âme, toutes les satisfactions sensuelles à la conscience, à la vertu, au devoir, au salut : Celui qui voudra sauver sa vie la perdra, dit Jésus-Christ lui-même, et celui qui perdra sa vie pour moi et pour l’Evangile, la sauvera. (Marc, VIII, 35).

 Répétons souvent de cœur et de bouche :

 Loué soit Jésus-Christ, avec Marie sa Mère Ainsi soit-il.

Vive Jésus, dans nos cœurs,à jamais

Cœur sacré de Jésus, tout brûlant d'amour pour nous, embrasez mon cœur du feu de votre amour !

Jésus, doux et humble de cœur, rendez mon cœur semblable au vôtre !

 Ajoutons comme exercice et comme fruit de notre amour :

 Oui, Jésus, je veux vous aimer, et, en vous aimant, vous devenir semblable. Je veux penser et parler comme vous, aimer et haïr comme vous, agir et tout faire comme vous ; je veux vivre et mourir pour vous, avec vous et comme vous, afin de vous voir à jamais, de vous aimer à jamais, d'être à jamais heureux de votre bonheur, de votre gloire, de vos grandeurs et de vos amabilités infinies.

 Récitons fréquemment cette belle oraison de la Messe

 « Seigneur Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant, qui, par la volonté du Père et la coopération du Saint-Esprit, avez donné la vie aux hommes en mourant pour eux, délivrez-moi par votre très saint Corps et votre précieux Sang, de tous mes péchés et de tous les autres maux ; faites que je demeure inviolablement attaché à vos commandements, et NE PERMETTEZ PAS QUE JE ME SÉPARE JAMAIS DE VOUS qui, étant Dieu, vivez et régnez avec Dieu le Père et le Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. »

 Enfin, pour conclure, redisons avec le grand Apôtre : Si quelqu'un n'aime point Notre-Seigneur Jésus-Christ, qu'il soit anathème ! Que Ici grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ soit avec nous tous ! Ayons tous, les uns pour les autres une charité sincère en Jésus Christ (l Cor., XVI, 21, 22, 23)

 C'est dans son saint amour que je veux être, à la vie et la mort avec le plus entier dévouement, Mes très chers Frères,  Votre très humble et très affectionné Frère et serviteur.

                      Frère Louis-Marie.

 

post-scriptum.

 Un Portrait du Saint-Père sera donné (par les Frères Directeurs) à tousles Membres de l'Institut, Frères, Novices et  Postulants.

Chacun fera son offrande, selon ses moyens, comme il a été expliqué dans la Note du 5 mars 1869.

J'insiste pour qu'on active la collecte proposée, sans cependant en compromettre le succès, ni, même l'amoindrir

Les Portraits, du Saint-Père pourront être expédiés par la poste, et affranchis à raison de 26 centimes les cent exemplaires.

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[1] A la date du 19 mars, les Frères écrivent que l'Asia était attendu d'heure en heure

 

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