Lettres Ă  Marcellin

Père Jean Baptiste Pompallier

1832-05-02

J(Ă©sus) + M(arie), St. Etienne Lavarenne, le 2 mai 1832
Mon révérend Père,
[1] Comme les nouvelles que vous voulez bien me donner me consolent et me réjouissent. Elles ne mont pas surpris: je my attendois. Hélas! il ny a que ce cher frère Anselme, dont nous regrettons bien la perte! Mais sans doute quune riche récompense lui a été réservée dans le ciel! Que la volonté de Dieu soit faite! Cependant il mest toujours affligeante de voir la mort nous enlever des sujets formés!
[2] Votre sollicitude et votre affection, mon révérend Père, vous rendent inquiet sur nos santés; eh bien, je puis vous dire que, jusques à présent, elles ont fait face à de nombreux et dheureux travaux. Ni Mr Foret, ni moi ne pensons encore mourir; le bon Dieu ne nous trouve pas encore mûrs pour le ciel. Cependant à vous dire vrai, nous nous sentons un peu abattus de fatigues. Mais les consolations, le contentement et vos bonnes prières nous ont soutenus jusques ici, et maintenant le gros de notre travail est achevé; plus nous irons et plus il diminuera. Lébranlement pour sapprocher du St tribunal a été général dans nos trois paroisses, dès le milieu du carême. Depuis lors jusques à présents et même la semaine passée, il nous a fallu tenir tous les jours ce St tribunal jusques à onze heurs et onze heurs et demi du soir. Nous en sommes tous surpris avec Mrs les pasteurs, et nous en rendons grâces à Dieu toto corde. Louvrage a tellement été accéléré, à Quincié surtout, que jai levé la ses-sion di-manche dernier à Vêpres, car nous avons eu plus de neuf cent communions durant le temps pascal, et il ny a environ que que neuf cent communiables dans la paroisse. Dailleurs, cétoit déterminé, je devois passer le reste des Pâques à St Etienne, où tout est bien avancé. Il y a eu aussi à peu près neuf cent communions sur onze cent communiables. Ce reste est en grande partie sur le métier. A Cercié, je crois quil y a eu 250 communions sur 350 communiables; le reste est aussi sur le métier; Mr Foret a bien fait dans cette paroisse, qui, comme les autres, et quasi plus que les autres, avoit bien besoin de ces secours, abstraction faite des 2 pauvres ouvriers que nos supérieurs, de concert avec vous, y ont envoyés.
La bourgeoisie du sexe, qui est nombreuse dans ces pays beaux et riches, sest à peu près toute approchée, et cela un peu contre notre attente. Quant aux bourgeois, peu dentreux sont venus. Les autres sont demeurés dans leur éloignement et les autres ont absenté du pays. Hélas! cest le seul regret que nous puissions avoir ici! Cependant, ils ne nous ont traversés aucunement. Au contraire, ils nous ont témoigné toujours leur estime et leur affection, du moins quant à quelques uns. La satisfaction générale du pays a été un frein pour les autres. Les paroisses voisins, jusques à 6 ou 7 lieux loin, sen sont ressenties. Car cest ce qui a contribué à nous accabler. A la fin, jai été obli-gé de renvoyer les étrangers, à cause que les fidèles de nos paroisses ne pouvoient pas passer. Hélas! ça été une douleur sensible pour mon coeur de voir ces pauvres âmes se retourner tristes dans leur pays! Que jaurois désiré que nous eussions été plus nombreux, et que nos filets eussent pu englober toute cette belle plaine de Beaujolais! La pêche eût été des plus abondantes, et non en petits poissons. Quil y à du bien faire! Que jamerois ces peuples à cause de leur caractère et des bonnes données quils font pour une riche piété! Cependant, je me rappellerai toujours jours que les âmes et les pays où lobéissance menvoie sont les plus précieux et les plus chers.
Je me trouve tout dégoûté aussitôt que cette route de victoires nexiste plus. Je noserais plus faire un pas. Aussi, cher supérieur, puisquelle mappelle auprès de vous par votre voix, jugez du plaisir et de lempressement que je vais avoir bientôt de reprendre le chemin et le séjour de Notre Dame de lErmitage. Cependant, tout bien examiné, et daprès votre permission, je en pourrai revenir quaprès ou vers le 3ème dimanche après Pâques. Puis jai promis aux fidèles, daprès le voeu des pasteurs, de revenir passer un jour ou deux aux environs de lAscension. Mr le curé de Quincié ma garni la bourse pour cela, et Mr le curé de St Etienne nauroit pas voulu que je men retournasse. Il paraît toujours bien affection né à notre Société, mais il ne peut quitter de sitôt. Dailleurs, il a toujours un peu son projet détablissement dans ce pays. Cependant, il fera ce que nous voudrons. Cest un peu pour cette circonstance, et pour quelques autres que je vous dirai de vive voix, que je vais me presser daller à lErmitage. Mr Foret restera à Cercié jusques aux environs de lAscension, et, si cest possible, à mon retour ici, je les emmènerai tous les deux au-près de vous. Bien des respects et de lattachement de leur part, et croyez que je ne leur cède rien sur ce point, ainsi que sur lobéissance pleine de dévouement avec laquelle jai lhonneur dêtre, mon révérend Père, votre très humble et très soumis serviteur en Jésus et Marie,
POMPALLIER, P(rĂŞ)tre m.
[3] P.S. Tous nos chers et respectables confrères, ainsi que nos honorés frères trouveraient dans la présente nos devoirs et notre affection. Nous nous recommandons tous à vos prières et Sts Sacrifices. Soyez sûrs du réciproque.

fonte: Daprès lexpédition autographe, AFM, Lettres Pompallier; éditée en CSG, 1, pp. 166-168

RETOUR

Lettres Ă  Marcellin...

SUIVANT

Lettres Ă  Marcellin...