Belley, 19 janvier 1836
Monsieur et bien cher confrère,
[1] Je me sens porter à vous écrire; je suis avec plaisir cette pensée. Depuis que je travaille à la Société de Marie, je me suis toujours fait un devoir de prendre les conseils de Mr. Cholleton et de mentendre avec lui avant dagir; dans les circonstances actuelles, je veux avec la grâce de Dieu suivre encore avec plus de fidélité cette ligne de conduite. Conformément donc à ses avis, nous avons suspendu toutes nouvelles démarches dacquisition pour un noviciat. (Je p)ense que lon fera bien de faire autant à Lyon et (dat)tendre le moment de la Providence.
[2] Vous vous souvenez que mes confrères avoient cru devoir élire parmi nous un centre dunité; et certes, cette mesure étoit toute naturelle et nécessaire pour le succès de notre entreprise; je en dis pas quel a été le résultat de cette mesure, mais je dois dire et je le dis bien sincèrement: depuis longtemps je désire de tout mon coeur remettre entre dautres mains, avec toutes les pièces qui concernent la Société, ce titre de Supérieur que lon ma donné; et jespère voir bientôt saccomplir ce voeu, le plus ardent de mon coeur. Jai toujours souhaité que le choix de celui qui doit marcher à notre tête tombe sur Mr. Cholleton; mais en attendant que la Providence le décharge du grand vicariat et le mette ostensiblement à notre tête, nous devons sentir la nécessité quun membre tout dévoué de la Société devienne le point central, dirige toutes les démarches auprès des administrations diocésaines, et toutes les nouvelles entreprises. Autrement nous en ferons rien de solide et nous nous détruirons nous mêmes. Déjà par le passé les imprudences, le défaut dunité ont retardé lentreprise, lui ont nuit et finiroient certainement par la rendre comme impossible. Cest ce sentiment, cest la vue des dispositions des esprits qui ma fait dire que nous finirons par nous con-centrer dans le diocèse de Belley jusquà nouvel ordre, et en cela jai bien moins exprimé le voeu de mon coeur que la dure nécessité des circonstances.
[3] Que devons nous donc faire, si nous tenons à la réussite de (louvre?) Nous devons nous entendre plus que jamais; nous en devons porter aucune démarche aux administrations de Belley ou de Lyon quaprès nous être concertés ensemble. La certitude que je ne fait rien sans Mr. Cholleton doit éloigner de vous toute inquiétude, toute crainte que je prenne plus les intérêts de Belley que de Lyon. Du reste, ici je ne veux voir que le bien général de la Société,dont le but principal est de sunir et de travailler de concert avec lépiscopat.
[4] Enfin, mon cher confrère, je madresse à vous, parce que cest en vous et en Mr. Pompallier que jai le plus de con-fiance; cest en vous deux que je découvre le plus cet esprit religieux si nécessaire pour le succès dune telle entreprise. Je ne suis pas éloigné de penser que ce sera encore par vous que la Société se consolidera dans le diocèse de Lyon. Pensez aussi à mettre en ordre la branche de vos frères. Si jai un moment je chercherai comment nous pourrons les lier au corps des prêtres.
[5] Allons, courage; entendons nous et cherchons par tous les moyens de prudence et de soumission à Nosseig(eur)rs les évêques à donner à notre entreprise une direction plus uniforme, plus forte. Mettons de côté tout esprit dintérêt, de vue particulière. Cest à la même ouvre que nous consacrons nos efforts; cest le bien général de la Société que nous devons cher cher avant tout. De-mandons (au S)eigneur quil nous assiste nous éclaire surtout dans (le) choix des sujets qui se présentent, et quil nous donne le véritable esprit de la Société, qui doit être un esprit dhumilité, dabnégation et de dévouement.
[6] Jécris pareillement à Mr. Pompallier et Mr. Cholleton.
[7] Recevez lassurance de mon sincère attachement et du respect avec lequel je suis votre très humble et très obéissant serviteur,
COLIN, Supérieur.

fonte: Daprès lexpédition autographe, APM, 233.2; éditée en Jeantin, 1,pp. 204-206