Il est temps de retourner à la maison de l?Abba

Je viens de recevoir un message du Fr. Néstor. Il me demande de partager avec vous la lettre qu?il a écrite à l?intention de tous les frères. Je le fais avec un profond respect, le c?ur saisi de douleur et de fierté. Oui, je souffre avec Néstor en ce moment, mais en même temps je me sens fier et heureux d?avoir des frères comme Néstor, et de contempler sa foi, sa force et son amour de Dieu et des autres. Que le Père très bon le bénisse abondamment en ces moments difficiles et douloureux.

C?est avec ces mots que le Frère Provincial, Laurentino Albalá, faisait connaître aux frères de la Province Norandina les sentiments du Fr. Néstor. Un mois plus tard, le 8 juillet, nous parvenait la nouvelle de son retour à la maison du Père.

Ibagué, le 6 juin 2008
Bien chers frères et autres « compagnons merveilleux »,

Quelle joie de sentir qu?on parvient à la fin de sa vie et de constater que tout est grâce, tout est amour, tout est expression de la bonté de Dieu. La présence aimante de Dieu tout au long de ma vie, je la vois reflétée dans ces paroles d?Isaïe : « Vos pensées ne sont pas mes pensées et mes chemins ne sont pas vos chemins – oracle du SEIGNEUR. » (Is 55,8)
Je voudrais partager avec vous, frères et amis, les dernières événements concernant mes ennuis de santé.
À partir du 24 février, au retour de la rencontre d?animateurs de communauté à Cali, j?ai senti que mes forces déclinaient visiblement ; l?enthousiasme me faisait défaut, le Dieu en dedans qui m?avait toujours caractérisé. Mon teint devenait de plus en plus jaune, un jaune intense. Les examens médicaux ont détecté une « masse » à la tête du pancréas.
Après une biopsie, il a été constaté que le cancer avait refait surface à cet endroit, obstruant les voies biliaires. J?ai été transféré d?urgence à la clinique Santa Fe de Bogotá, et le 8 mai j?ai subi une perforation du foie et du pancréas pour libérer ces voies. Une semaine plus tard j?ai dû retourner à Bogota parce que la connexion interne-externe avait lâché. Cette deuxième intervention s?est faite sans anesthésie ; vous pouvez imaginer la douleur que j?ai dû éprouver? Heureusement, il semblerait que les choses s?améliorent de jour en jour. En ce moment, mes sentiments sont de profonde et immense gratitude à Dieu qui, chaque instant, témoigne de sa bonté à travers la congrégation, les supérieurs, les frères et autres « compagnons merveilleux » qui n?ont pas lésiné sur les moyens pour que je me sente bien et retrouve la santé, si telle est la volonté de Dieu. Votre affection m?est apparue dans de nombreux détails : votre intérêt pour ma santé, vos visites, vos fréquents appels, vos paroles d?encouragement, etc.
Dieu seul sait combien il me reste de jours à vivre, mais je sais en qui j?ai mis ma confiance, et je suis sûr que je ne serai pas déçu (saint Paul).
En ce moment je ressens une profonde paix intérieure et une immense confiance en Celui qui m?a choisi avant de me former dans le sein maternel. Je ne ressens aucune crainte face à la mort ; bien au contraire, à son approche je suis dans la joie car c?est le moment de retourner à la maison de l?Abba, du papa, du Père.
« Mon Père, je mabandonne a toi, fais de moi ce quil te plaira ; quoi que tu fasses de moi, je te remercie. Je suis prêt a tout, jaccepte tout pourvu que ta volonté se fasse en moi? » Je sens que cette prière ? qui me semble la plus belle des prières humaines ? revêt pour moi de plus en plus de profondeur ; elle résonne en moi d?un manière tout à fait spéciale. Quelle paix intérieure produisent ces paroles lorsqu?on a essayé de les faire siennes, jour après jour, à la suite de Jésus !
Permettez-moi de vous exprimer un petit souhait : je voudrais être incinéré et que mes cendres reposent avec celles de tous les saints frères qui nous ont précédés dans la belle aventure de la vie mariste.
Je compte toujours sur le précieux soutien de votre prière journalière, en attendant le bonheur de nous retrouver avec tous les Maristes dont nous avons appris un chemin fait de simplicité, à la suite de Jésus et de son Évangile.

Fr. Néstor Quiceno Escobar, fms